Le Paravent des Jours – Richard Roos Weil & André Dael

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Richard Roos-Weil

Le

AndrĂŠ Dael

Paravent des Jours



Le paravent des jours Texte

Richard Roos-Weil Encres

AndrĂŠ Dael



« Laissez le vent secouer votre visage Et vos doigts pianoter sur la vitre Des nuances de ton Viendront s’ajouter à la tournure du ciel Et effacer un peu de buée »


Vous, notre dame de cœur, laissiez tomber Négligemment de votre sac De tels conseils et c’était un rituel Pour nous de les ramasser Leur fantaisie venait s’amarrer Servir de tresses de marque pages à nos vies Pour contenir nos larmes Nous envahir de grandes gorgées de rire Elle encerclait de rouge à lèvres nos yeux Et faisait s’amuser A la manière d’un instrument à vent Les volets de la maison




Aucune heure ni lieu A l’en-tête de vos lettres Auxquelles nous ne cessons de répondre L’air vient simplement mouiller ses lèvres Et le chemin est étroit Pour que la lumière ne remonte Trop bruyante du fond du puits Ce que l’on écrit ne rejoint Le désir qui l’occupe Et l’on se concerte pour reprendre De mémoire le motif :


— Le vert auprès de cet arbre Serait moins vif Si un peu de pluie Ou l’ombre du soleil Venait l’adoucir — Et ces feuilles qui devraient Bercer notre sommeil Ne paraissent assez patientes Pour habiller le réel Et son vieux livre


— Manque aussi l’eau Qui rince parfois notre visage Et ces allégories du temps Avec leurs grelots Leurs cloches Et le funambule rieur — Si juché sur son épaule On pouvait un instant S’attarder Patienter comme la corde Que l’on hisse Le seau que l’on dépose Sur le rebord de la margelle


— Ce serait comme pousser Sous le tranchant d’une porte Un message Aiguiser notre regard Se pencher à nouveau




Inutile d’enlacer nos chaussures Et d’aller clopinant Pour que vous n’oubliez Ne confondiez la chaleur de nos traits Comme si l’eau et le ciel Avaient chahuté dans le jardin Et qu’il fallait démêler leur fouillis Vous longez passez le gué Cherchez sous ce toit de feuilles La trappe à entrouvrir


Qui vous souffle de monter A l’arbre qui protège la maison Et de laisser les enfants Déranger la pliure des rideaux ? Savez-vous que les lignes du paysage Avec leurs volutes de fumée Remontent parfois le courant Et viennent se serrer Les unes contre les autres Pour attirer la lumière ?




Un corbeau pie Ou peut-être une pie voleuse S’agite dans le jardin Et en guise de réponse Un immense poisson Couvert d’écailles et de bouts d’ailes Gobe l’air Et regarde de biais L’horizon


Quelle candeur nous fait croire Qu’un peu de vent Un son furtif Et ces mots qui tiennent Plus d’un accoutrement du dimanche Pourraient vous rendre hommage ! Novembre est sans nom Il lutte contre les mauvais présages La longue chevelure rêche des sorcières




Les Hourras ! les qu’ils vivent ! Qu’il entonne Pour faire chœur à notre détresse Nous enfoncent dans une terre sombre Gorgée d’eau Même si l’aquarelle avec son pinceau Et son papier buvard Est elle aussi pleine de sous-entendus Mieux vaut ne pas s’habituer A la tombée du jour Et ajouter des touches de pluie Des variantes de couleur Au désordre apparent des images


Avec en tête Des touches plus légères Nous marchons ensemble Et feuilles…mésanges …merles …. Que vous ne vouliez tracer à la craie Se mêlent aux gribouillages Aux gerbes bariolées De nos dessins d’autrefois




N’ayez crainte Insiste le maitre de musique Que vos doigts se crispent sur la corde Et ne jouent juste Nos mains amoureuses imitent Les oiseaux qui s’éclaboussent Dans l’eau en partie gelée Puis se glissent par malice Sous la courbe du soleil Et le paravent qui sépare Nos nuits


Leurs gestes dont on ne déchiffre Toujours les accords Accompagnent l'apprenti musicien Et remplissent sa hotte De syllabes cachées Et de chemins qui se pressent Sous le chandail Et le manteau « J’écoutais bouger vos pieds dans mon ventre Et l’eau se mêler à la chaleur des confins Et à l’élan des sources… »




Votre voix s’approche Elle griffonne sous la lampe Une fin d’exercice Ou un jour qui s’annonce Et malgré votre robe accrochée Au porte manteau de l’entrée Il faut aller plus avant Remonter plus loin Pour qu’on l’entende se faufiler Et chercher pour nous Une issue un passage


On prétend que pour mieux entendre Le bruit de l’eau et du ressac Vous cachiez nos carnets D’enfants prodigues Sous le sable Et attendiez qu’un frère une âme sœur Appuyés sur nos arbres Entremêlent les souvenirs Et leurs banderoles de bienvenue


Aucun mur disiez-vous n’entoure notre maison Et la mince couche de neige Qui recouvre le jardin N’est là que pour sentir La fleur gravée sur notre épaule Et son histoire de broussailles Et d’embruns « J’imaginais l’air qui vous pénétrait Et ce balbutiement ce presque rien Qui entassé tout en vrac Dans le revers de votre voix Courait vers nous… »




Qui pourrait remplacer La lumière et le vent Quand personne ne vient calmer Les volets qui claquent Ou s’adresser au chat Qui s’allonge sur le bureau ? La veilleuse brûle Qui passe distraitement Ne comprend tout à fait L’ordre des choses


Comme il se doit une place est réservée Au livre entrouvert Et à la lampe de chevet Mais où ranger le miroir qui tremble Et la douceur la chanson qui grandit ?




Le temps a chassé les mots qui voulaient Résumer le début Et ne donner sens à la fin Il a pu retourner son travail Et s’attabler s’entretenir Avec ces silhouettes Qui parlent de vous en jongleurs avisés :


« Oser ajouter une hirondelle Au paravent des jours Et jouer avec la lumière Qui précédait vos pas Veillent sur la poursuite inquiète des saisons Nos étreintes et cette odeur d’herbe Et de sable mouillé qui viennent s’accoler Sur les murs de la maison




Au lieu de ricaner derrière notre dos Elles feront un pas de côté Pour contourner le rivage Et venir picorer s‘agripper à nos fenêtres Leurs panneaux de bois n’ont fini d’être peints Et leurs leçons passent comme un refrain Entre nos chambres voisines


Bien sûr elles ne peuvent battre la mesure Attraper le pompon du manège Ou tenir le fil du cerf-volant Mais écouter l’eau s’enfouir Et tapoter faire tinter l’aile de son torrent Leur convient … Patience ou vaine attente De ce qui persiste Que ces lettres sans destinataire retrouvé Ces images collées au mur Pour qu’elles ne s’enfuient !


Sont-elles comme le chandelier Que l’on dépose à la fin du repas Dédiés à ce toujours possible Ou veulent-elles simplement Proposer une danse à qui n’est là ? Lâchons cannes et lampe tempête Et entrons posons l’oreille Rêvons que quelqu’un nous entend Et que son chant prenne plaisir A se sentir épié




| Les auteurs |



Richard Roos-Weil Publications : 2018 – Le Parvis des Ombres chez Encres vives – Poèmes inédits dans la revue Décharge 2017 – Poèmes inédits dans les revues ARPA, TRAVERSEES, Les Archers, LICHEN, LE CAPITAL DES MOTS


André Dael Né en 1951 à Polleur (Verviers), Belgique. Vit et travaille à Bruxelles. Après des Humanités artistiques effectuées à Saint-Luc, Liège, ainsi que des cours suivis à l’Académie des BeauxArts de Verviers, s'oriente essentiellement, dès la fin des années 60, vers le travail sur papier, avec de nombreuses expositions à Verviers, Liège, Bruxelles, Aix-la-Chapelle, Krefeld, Nuremberg, Brandon (Manitoba, Canada)... Suite à divers longs séjours à l’étranger (Finlande, Mexique, Etats-Unis), il finit par se fixer à Bruxelles en 1977 et débute des activités en tant que graphiste indépendant. En 1980, sa carrière a complètement bifurqué, se portant alors vers des activités musicales. Il ouvre, près de la place Saint-Géry à Bruxelles, un club de jazz, le Bloomdido, qui a acquis une notoriété certaine, bien au delà de nos frontières. Cette aventure, parenthèse extrêmement enrichissante dans son parcours, s’est achevée en juin 1984. Dès cette date, réalise un nombre très important d'affiches pour l'Ancienne Belgique, le Botanique, le Beursschouwburg, les Halles de Schaerbeek, le Palais des Beaux-Arts


de Bruxelles, ainsi que pour de nombreux festivals de musique. Nombreuses brochures et publications pour la Cellule Patrimoine historique de la Ville de Bruxelles, ainsi que diverses présentations d’exposition et couvertures de disques pour les labels Igloo, Carbone 7 et EMI. De 1999 à 2005, il réalise le magazine Eurofilmfest pour la Coordination européenne des festivals de cinéma. Il œuvre parallèlement comme conseiller à la programmation pour plusieurs salles bruxelloises dans le cadre des musiques extra-européennes. Suivront 15 années de travail graphique dans la presse. Il ne reprendra ses activités purement artistiques qu'à partir de 2008, conservant toujours une prédilection pour l'encre et le papier et travaillant à la plume sur des séries traitant essentiellement du paysage et découpées en fragments selon une technique d’écriture devant beaucoup à l’improvisation. Il centre ses recherches sur les rapports entre microcosme et macrocosme. Il œuvre également sur l’inclusion du temps dans des portions d’espace et sur la multiplicité des parcours de lecture selon un principe de déambulation où la position du regardeur occupe une place importante.


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Ralentir poème 1 Un poème est un pont jeté en travers du temps Jean-Michel Maulpoix

Prendre le temps de lire un poème est un acte de résistance libérateur, une manière de rester dans l’instant présent, d’échapper à la fuite en avant permanente que nous impose le rythme de notre époque. C’est reprendre sa respiration avec l’inspiration des autres. La revue Ce qui reste, coéditée par Cécile A. Holdban et Sébastien de Cornuaud-Marcheteau, vous propose de marquer cette pause en vous faisant découvrir chaque semaine un auteur et un artiste (peintre, graveur, sculpteur, photographe, mais aussi pourquoi pas, musicien, cinéaste, etc). Ralentir travaux de René Char, Paul Éluard et André Breton, recueil de trente brefs poèmes précédés de trois préfaces, 1930, José Corti 1


…nous suivre…

© Décembre 2018 — Poème de Richard Groos-Weil Encres d'André Dael La revue Ce qui reste pour la présente édition 16, chemin des Androns 33710 Bayon sur Gironde www.cequireste.fr — revue.cequireste@gmail.com Revue numérique hebdomadaire - ISSN 2497-2363


« Nos mains amoureuses imitent Les oiseaux qui s’éclaboussent Dans l’eau en partie gelée Puis se glissent par malice Sous la courbe du soleil Et le paravent qui sépare Nos nuits » Le paravent des jours Richard Roos-Weil Encres d'André Dael


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