Le temps d’un trait à l’encre Isabelle Raviolo
Ce
qui
reste
Le temps d’un trait à l’encre Poèmes et encres
Isabelle Raviolo
Ce
qui
reste
Le temps d’un trait à l’encre Sur la feuille ton corps – à peine Dessina un rêve – C’était comme Un grand dieu gris-lumière Une étoile, un père – Des larmes de rosaire Écouter À hauteur d’homme Ses mains grandir Avec l’angle du monde Comme un tremblement Ta chevelure déborde Tu ne portes presque rien Tu ignores tellement Ô murmure précaire Ta robe a la couleur Des comètes qui frôlent L’étoile du berger – À sa lumière l’ortie Rejoint la rose Voilée
Sur la onzième marche de l’échelle Ton geste secret Porte le signe de la flamme Sauvage qui se cabre – La gelée fond sur le versant Une rayure, un trait A l’encre sur le blanc Où étincelle la trace de tes pas.
Je me souviens de ta voix Son goût de sel Sur le pli – ça brûlait En plein tympan En plein gosier – Droite si courbe On aurait dit La croche du temps Rebelle vibrante A l’encre indélébile – L’unique virgule La distinguait comme un centre De gravité Possible instant Où tout semble joué A l’équilibre Sur un fil invisible – C’eût été le seuil Si l’harmonie n’avait Dévié sa courbe Prononcé son silence Comme si tu l’avais choisie Au-dedans, cette parole Parle avec Le sourire des larmes –
Puissé-je moi aussi Me baigner dans cette mer – Son bras qui jadis m’avait bercé Un homme, je crois, l’a amputé – Mais sur ma peau, le sel A laissé un dessein D’étoile – Une crête, un fil natal.
Dans le onzième puits, il y a des eaux profondes – Dans ses profondeurs, j’ai trouvé du sel. Les oiseaux qui nagent sur le papier En extraient des perles – avec l’échelle. * A contempler son vol On eût dit que l’oiseau était gaucher. * J’espère la floraison Des étoiles qui germent en silence Sans pourquoi –
Celui qui disait adieu Le voici autre – Celui qu’elle aimait Appeler à elle – Aussi ne fallût-il Pas le prononcer Oublier – Faire comme si Rien n’avait existé – Mais quelqu’un L’écrit à ce moment Où lui disparaît – Non pas lui Mais toi – Le seul Qui puisse ouvrir Ces lèvres – Redonner la couleur et le sel.
Couper le fil – Comme l’on rompt un rêve – Après de longues nuits – Firmaments disparus comme si – La patience était nue – les siècles abolis –
Peut-être Passeras-tu quand l’aiguille S’arrête sur le chiffre inconnu – Toi le même, toi devenu Autre – La confiance mûrie Au point de convergence Le puits de Rebecca S’est ouvert Je crois.
L’arbre me porte Si près Des étoiles comme des fleurs Sans limite – Ma chevelure grandit Entremêlée de branches – Je chante – Comme si je mon corps À l’arbre s’était mêlé –
C’eût été comme jadis, Daphnée
Quand le printemps Patiente – Drapée d’un voile Blanc – Tu murmures ces chants, Secrètes promesses, Venues de loin – Comme un parfum Soutenu Des lys Les psaumes Où l’abeille danse, Abolit Patiente palpitante L’été, Tombe la peau des fleurs Dans le silence
L’auteure
Isabelle Raviolo est enseignante à Paris. Elle dirige la revue Thauma (philosophie et poésie) depuis dix ans, et travaille sur les mystiques rhénans, à Metz.
La revue Ce qui reste RALENTIR POÈME Un poème est un pont jeté en travers du temps Jean-Michel Maulpoix
Prendre le temps de lire un poème est un acte de résistance libérateur, une manière de rester dans l’instant présent, d’échapper à la fuite en avant permanente que nous impose le rythme de notre époque. C’est reprendre sa respiration avec l’inspiration des autres. La revue Ce qui reste, coéditée par Cécile A. Holdban et Sébastien de Cornuaud-Marcheteau, vous propose de marquer cette pause en vous faisant découvrir chaque semaine un auteur. La création n’étant pas que langage, la revue ouvre également son espace à des artistes plasticiens.
© Février 2017 — Poèmes et encres d’Isabelle Raviolo. La revue Ce qui reste pour la présente édition 16, chemin des Androns 33710 Bayon sur Gironde www.cequireste.fr — revue.cequireste@gmail.com Revue numérique hebdomadaire - ISSN 2497-2363
« L’arbre me porte Si près Des étoiles comme des fleurs Sans limite – Ma chevelure grandit Entremêlée de branches – Je chante – Comme si je mon corps À l’arbre s’était mêlé –
C’eût été comme jadis, Daphnée » Isabelle Raviolo
Ce
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