Les engloutis #humains - Bernard Brisé & Christophe Massé

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Christophe MassĂŠ Bernard BrisĂŠ

Les engloutis #humains (extraits)

[ ] Ce qui re s t e



Les engloutis #humains (extraits d'un livre à venir) Texte

Christophe Massé P h oto g r a p h i e s

Bernard Brisé



Requiem pour les derniers

…aux englouti(e)s, aux limbes obscurs d’un dernier chant sur l’azur, à la mémoire imprimée de l’œil dans la puce vitale de la langue. Au dernier boucher de la Villette, au dernier carrossier de chez Citroën Javel Paris.

A Cathy Massé


Nous sommes les derniers issus des dernières disparitions des dernières villes du dernier Monde. Là où ils entrecroisent leurs fers dès potron-minet dans les dernières ruelles quand les dernières maisons résistent aux derniers écroulements. Nous sommes de ces derniers survivants qui n’ont pas utilisé les cartouches, les bombes, les billets de banque, ni le pouvoir, pour blâmer les derniers hommes, les asservir, les corrompre et les engloutir avec leurs dernières utopies consuméristes. Nous sommes celles et ceux de l’œil et de la langue. Ces derniers observateurs, ces conteurs ; témoins bafoués, parfois dénoncés. D’infernaux capteurs et passeurs de rêves, de dangereux interrogateurs souvent niés jusqu’aux os.



[...] Je te crois vivante, je te vois émerveillée, morte quand tu dors et si réelle dans la plénitude des moments de combat. Ils sont là tous, sertis par l’argentique révélation, nus sous le poids des pressions, prisonniers aux corps bruts vers les eaux troubles, glissant, et des feuilles d’or posées à la pelle sur leurs épaules de statues. À la commissure des lèvres des hommes tendres et rieurs, dans le pli juste des yeux, près des poitrines alourdies du lait ou de l’envie. La photographie omniprésente des corps est ce signifiant pour enregistrer là ce que nous avons déjà oublié de notre future disparition.



[...] Nous sommes les derniers et quelques-un(e)s d’entre nous photographient, écrivent, analysent et traduisent. Énorme est ce fossé qui sépare les cours d’école et la vie, si profond le gouffre, insupportable le reste entrevu. Les pins au-dessus des pentes blondes se découpent dans ces ciels imprenables, de la pâleur des œuvres des grands frères vénitiens. L’Adriatique dans le temps de ce sud méditerranéen se confond avec les cieux aquitains, les fiefs rose et vert des luxuriantes contrées océaniques et indiennes comme autant de plages abandonnées à leur vrai sort, dans les brumes glaciales de l’Europe du nord transmettent la puissance de la résistance des continents après le feu ou le déluge. Nous appuyons sur la mémoire pour flirter encore avec ce qui doit remonter et ne peut être enfermé dans l’œil à jamais. Le photographe est un apôtre, sa pro-



thèse impénétrable aux putréfactions elle entérine ses choix. Dessiner avec la lumière, c’est supporter la profondeur des bistres, se fâcher quand l’orage est absent pour nettoyer les cheveux gras des enfants. Dans les méandres des rues des quartiers où les affamés sont des proies. Les maîtres aux veines caves poursuivent sans relâche les autochtones à l’allure de touristes. Les vols à l’étalage et l’arrachage des gourmettes or massif qui pendent aux cols des brebis galeuses sont devenus un geste d’utilité publique, dans l’insignifiance des jours identiques quand nous avons besoin de comprendre plus que d’expliquer. Tu es là avec tes deux chiens qui viennent maintenant immédiatement à ma rencontre me lécher les mains. Tu me regardes en tremblant. Tu as l’air fatigué ? est ta première question pudique qui me renvoie toujours à ce que tu vis toi dans le froid, debout où tu as passé ta journée. Je te donne encore des pièces de monnaie qui vont me manquer. Ce qui m’arrache le cœur est de savoir


que ton engloutissement progressif imputé à ces deux bêtes que tu aimes plus que tout au monde, te conduisent inexorablement à faire la mendicité et dormir à l’hôtel chaque soir, dans ce système où l’on accepte tes animaux et tes vingt euros, comme une désastreuse leçon de nos vies d’hommes impuissants. [...]



Souscription avec tirage(s) photographique(s) Livre format 18cm x 24cm, 48 pages intérieures (32 photographies) sur papier couché semi-mat 170 g et couverture cartonnée avec dos carré collé cousu. Editions L’Atelier des Brisants - parution avril 2018. Souscription ouverte jusqu’au 2 mars 2018. Comme une fin du monde annoncée, liée à l’érosion côtière ou à l’activité humaine, la montée des eaux semble annonciatrice d’un changement, d’une mutation immuable qui n’épargnera ni nos empreintes, ni notre mémoire collective. L’homme impose sa volonté chimérique : être vivant et maître de la vie des autres. Ne sommes-nous pas les engloutis de notre condition et de notre rapport ambigu à notre environnement ? Pour accompagner le cheminement photographique des engloutis, Bernard Brisé a proposé à Christophe Massé d’écrire un texte inédit pour cet ouvrage. « Requiem pour les derniers » manifeste en filigrane cette affinité à ces portraits aux regards fixes et froids, à la fois témoins et acteurs, humains figés, comme impuissants. Fantômes dans la houle, entre larmes, ruissellements, simulacres et illusions perdues.

Les engloutis #humains le livre + un tirage original format 13cm x 19cm (photo de couverture) Prix : 20 € (port compris France métropolitaine) Je souhaite acheter ......... exemplaire(s) / Total = ......... € le livre + un tirage original format 50cm x 70cm, numéroté, daté et signé (photo de l’ouvrage au choix) Prix : 250 € Je souhaite acheter ......... exemplaire(s) / Total = ......... €

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Règlement par chèque à l’ordre de l’association Sténopé à envoyer à Bernard Brisé - 8, impasse Jean Giono 33530 Bassens Contact : 06 70 13 50 45 / brise.bernard@bbox.fr N’oubliez pas de mentionner vos coordonnées si différentes de celles indiquées sur le chèque.



Les auteurs


Bernard Brisé Né le 25 novembre 1966 à Lormont (Gironde). Diplômé de l’Ecole des Beaux-Arts de Bordeaux (D.N.S.E.P.). Je m’intéresse depuis de nombreuses années à deux notions, à mes yeux essentielles et incontournables dans l’usage du médium photographique : le rapport à l’identité et à l’espace/temps. Partant du constat qu’il n’existe pas d’objectivité photographique, je fais de cette relation ambiguë avec la réalité, l’objet principal de l’ensemble de mes recherches. Depuis Roland Barthes et sa « Chambre claire », nous savons qu’une photographie évoque toujours quelque chose qui a existé et qui n’existe plus, en cela elle nous parle irrémédiablement de nous, de l’éphémère du monde et de notre existence. Passionné, entre autres influences, par les photomontages dadaïstes, je détourne aussi bien la photographie argentique et son


négatif (par des grattages, collages et rajouts de gouache inactinique) que l’imagerie numérique mais je ne néglige pas pour autant un usage dit « classique » du médium  : écrire avec la lumière est une définition suffisamment riche en soi qui n’impose aucune frontière, ni aucune limite… J’aime d’ailleurs beaucoup cette phrase de l’écrivain Philippe Vilain dans le très beau livre Retours à Hugo de Jean-Luc Chapin publié aux éditions Confluences : « la photographie ne transmet pas la réalité, elle n’en transmet que l’illusion ». www.bernardbrise.com


Christophe Massé Artiste plasticien, auteur, passeur, né dans le sud en 1961 et vit au Bouscat, il expose en France et à l'étranger depuis 1977. Il a publié de nombreux ouvrages (récit, poésie, roman) dans un format confidentiel qu'il affectionne et pour des maisons d'éditions de fortune et des autoproductions partagées avec des artistes & auteurs. Depuis 2002 il publie chez Pierre Mainard éditeur. Bibliographie sélective – Sous le platane de la source, récit, accompagné de photographies de Christian Riedeberger, Editions Pierre Mainard, 2003 – Bordeaux Eux à Bord, ouvrage collectif (Suel, Beeckman, Cornuault, Guerre, Billé, Traumat, Massé), Editions Pierre Mainard, 2004 – L'écorce des sentiments, Editions Pierre Mainard, poème 2006 – Garçon ne pleure pas, roman, Editions Pierre Mainard, 2007


– Exil en tête, poème, illustré par des travaux de Christophe Massé issus du fonds Pierre Mainard, 2008. Van Gogh comme ailleurs, Editions Pierre Mainard, 2014. Il a organisé depuis 2008, dans son atelier, au 28 rue Bouquière, des expositions de fortune exceptionnelle intulées « Sous la tente » qui a vu nombre d'artistes proposés une vraie rencontre avec le public. Il s'occupe actuellement de la programmation du Boustrophédon : rencontres et expositions pour la Machine à Lire à Bordeaux et s'occupe désormais de La Pinacothèque de Bordeaux. toffer.canalblog.com


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Ralentir poème 1 Un poème est un pont jeté en travers du temps Jean-Michel Maulpoix

Prendre le temps de lire un poème est un acte de résistance libérateur, une manière de rester dans l’instant présent, d’échapper à la fuite en avant permanente que nous impose le rythme de notre époque. C’est reprendre sa respiration avec l’inspiration des autres. La revue Ce qui reste, coéditée par Cécile A. Holdban et Sébastien de Cornuaud-Marcheteau, vous propose de marquer cette pause en vous faisant découvrir chaque semaine un auteur et un artiste (peintre, graveur, sculpteur, photographe, mais aussi pourquoi pas, musicien, cinéastre, etc).

Ralentir travaux de René Char, Paul Éluard et André Breton, recueil de trente brefs poèmes précédés de trois préfaces, 1930, José Corti 1


…nous suivre…

© Février 2018 — Texte de Christophe Massé Photographies de Bernard Brisé Extraits de Les engloutis #humains à paraître prochaînement aux Editions l'Atelier des brisants Projet soutenu par l'association Sténopé La revue Ce qui reste pour la présente édition 16, chemin des Androns 33710 Bayon sur Gironde www.cequireste.fr — revue.cequireste@gmail.com Revue numérique hebdomadaire - ISSN 2497-2363


« Nous sommes les derniers et quelquesun(e)s d’entre nous photographient, écrivent, analysent et traduisent. Énorme est ce fossé qui sépare les cours d’école et la vie, si profond le gouffre, insupportable le reste entrevu. » Tex te d e C h r i s top h e Mas s é Photog rap h i es d e Ber nard Bris é

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