Portraits de l'air - Pierre Dhainaut & Isabelle Lévesque

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P ierre D hainaut

P o rt r a i t s

de l'air

P hotographies I sabelle L ĂŠvesque

Ce

qui

reste



P ierre D hainaut

P o rt r a i t s

de l'air

P hotographies I sabelle L ĂŠvesque

Ce

qui

reste


Deux ans, trois ans, si audacieuse elle bondit en dispersant des graines, les oiseaux s’effarouchent : à leur retour, même à l’ombre, l’air est bleu dans l’aura de ses rires. De loin, nous les entendons quand sonne le glas dont chaque note se détache, autant d’échardes, mais nous n’avons qu’un pas à faire, sans défi, sans réserve, pour renouer les liens avec l’enfant qui n’a pas à nous voir.


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Torpeur, suffocation, les arbres immobiles, muets, l’interminable après-midi. Par à-coups, par vagues, ces cris de colère, ces gémissements : qui va mourir ou qui vient de mourir ? On écoute si mal. Les mouettes, tout l’été, enseignent à voler à celles qui leur succéderont. En se précipitant des toits, elles montrent l’exemple : l’air est libre, disent-elles. Plus tôt que nous le poème s’alarme, pour les étrangers il traduit : être à terre, être au large.


Héron gris des marais, l’air vif, l’eau vive, autour de lui, par sa seule présence, se réveillent les roseaux. Une langue existe, un pays en liesse, où l’on nomme « roseaux » la flûte et le calame. Vibrants, nos pauvres signes, vibrants, nos souffles timorés : poésie, la musique, musique, la poésie, lumière, jouvence, lumière… Tous les endroits se valent, nous aurions l’art d’écrire sans remords, les sons les plus rauques y seraient chez eux, « araire » au ras du sol exalterait la respiration qui l’exalte.


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Lorsque nous séjournons sur la falaise, si nous rêvons, ce ne sera que d’allumer un feu qui monterait si haut que les pétrels sans crainte en franchiraient les flammes : l’air, leur patrie, l’air aussi blanc que l’herbe, la craie, l’écume. On blesse un lieu en érigeant des stèles, on achève une vie avant son heure en se souciant du sort de la fumée. Tempête ou ciel serein, elle se dilapide, elle s’intègre.


L’air se fait rare, il faudra bien que tombe la pluie, « la pluie d’été », l’auteur d’Ensemble encore est mort hier, premier juillet. Ces mots-là, les siens propres, ne sont à vrai dire à personne, il les retirait de l’exil des livres. Ineffaçable, la voix qui n’a pas exigé qu’on les retienne, elle exige, amicale, que nous reprenions la parole, rien n’est irréversible, si nous ne maudissons ni le silence, ni le temps : sans attendre la pluie, nous marchons sur le sable sec, et les mots que nous hasardons émeuvent l’air, le rafraîchissent, nous serons solidaires.


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Les auteurs


Pierre Dhainaut né en 1935, vit à Dunkerque où il a été professeur. Après Dans la lumière inachevée (Mercure de France, 1996), une anthologie, il a publié entre autres : Paroles dans l’approche (L’Arrière-Pays, 1997), Introduction au large (Arfuyen, 2001), Au-dehors, le secret (Voix d’encre, 2005), Plus loin dans l'inachevé (Éditions Arfuyen, 2010), Vocation de l’esquisse (La Dame d’Onze Heures, 2011), La Parole qui vient en nos paroles (L’herbe qui tremble, 2013), Rudiments de lumière (Arfuyen, 2013), L'autre nom du vent (L’herbe qui tremble, 2014), Progrès d’une éclaircie (Faï fioc, 2014), Voix entre voix (L’herbe qui tremble, 2015), Voies d’air (Tipaza, 2016). Il a récemment préfacé la réédition de l’entretien sur le livre d’Yves Bonnefoy aux éditions du Bateau fantôme.


Isabelle Lévesque poète, a collaboré avec les peintres : Gaetano Persechini, Jean-Gilles Badaire et Colette Deblé (travail en cours). Son dernier livre paru : Nous le temps l’oubli, avec des peintures de Christian Gardair (Éditions L’herbe qui tremble, 2015). À paraître en 2017 : Voltige ! (Éditions L'herbe qui tremble). Elle écrit des articles pour les revues Europe, La Nouvelle Quinzaine Littéraire, Diérèse, Terres de Femmes, Poezibao, Recours au Poème, Terre à ciel… En photographie, ses sujets de prédilection sont les fleurs, les herbes et les arbres.



La revue Ce qui reste RALENTIR POÈME

Un poème est un pont jeté en travers du temps Jean-Michel Maulpoix

Prendre le temps de lire un poème est un acte de résistance libérateur, une manière de rester dans l’instant présent, d’échapper à la fuite en avant permanente que nous impose le rythme de notre époque. C’est reprendre sa respiration avec l’inspiration des autres. La revue Ce qui reste, coéditée par Cécile A. Holdban et Sébastien de Cornuaud-Marcheteau, vous propose de marquer cette pause en vous faisant découvrir chaque semaine un auteur. La création n’étant pas que langage, la revue ouvre également son espace à des artistes plasticiens.

© Septembre 2016 — Texte : Pierre Dhainaut Photographies : Isabelle Lévesque La revue Ce qui reste pour la présente édition www.cequireste.fr — revue.cequireste@gmail.com


« L’air se fait rare, il faudra bien que tombe la pluie, « la pluie d’été », l’auteur d’Ensemble encore est mort hier, premier juillet. Ces mots-là, les siens propres, ne sont à vrai dire à personne, il les retirait de l’exil des livres... » Pierre Dhainaut

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