Voyez qui virevolte - David Christoffel & L.L. de Mars

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VOYEZ

QUI VIREVOLTE D av i d C h r i s t o f f e l L .L . d e M a r s

Ce

qui

reste



VOYEZ QUI VIREVOLTE Textes

de

David Christoffel

I l lu s t r ati o n s

de

L.L.de Mars

Ce

qui

reste



Coq

de

G r e s i vau da n

On peut reconnaître le Prince des Impertinents à son ton cascadeur. Mais on ne saurait assimiler le goût de l’aventure à l’esprit de clocher. Sauf à fanfaronner son espoir jusqu’à déguster la magnificence de ses échecs, on peut aussi compter les contrées sympathiques pour aller fanfaronner toujours plus loin. Après, ce qu’on veut bien voir au loin.


L i b e llu l e

de

C a s t i ll e

Voyez qui virevolte sans direction et qui ne s’en veut pas moins l’orgueil aimable et partageur. Qui dit libellule dit bien sandales et pourquoi pas grande œuvre malgré tout. Qui surveille sa liberté va pouvoir envisager de ces choses. Les tyrans vont y perdre leurs calculs. La situation pourrait n’en pas être plus avantageuse pour les autres non plus.


M a r m ot t e

d ’A n z e i n da z

Celle qui peut savoir miser sur sa force de retrait et grande hauteur de refuge, peut en même temps se reposer bien là sur les roches les plus sûres de leur immobilité. Elle peut donc s’attendre à tout, mais peut d’abord supposer de son lointain point de vue, la distillation bien lente, paresseuse et sage et dégagées de toute fête pour prolonger curiosité dans la rêverie.


Ecrevisse

de

G ua m

À force de s’inventer des entrebâillements difficiles pour pouvoir une sorte d’exploration, son look est mieux adapté au type de recoins qui lui vaut pour spécialité, mais si loin du prestige auquel son courage particulier pourrait tendre. Tout ce qu’on dit est une chose. Il suffit de vouloir en manger pour changer de point de vue. Sinon qu’une fois à table, ses explorations ne sont plus le sujet.


Araignée

de

Nuremberg

Ainsi voyez-vous la bien renommée « Intelligence des Ombres », imaginez tout ce qu’elle peut leur rendre comme service. Et pour méditative qu’elle puisse paraître, bien plus largement comptable de ses petits profits. C’est à peine si elle mérite qu’on lui dédie des phobies spéciales quand, en plus, on reconnaît sans mal, dans le genre fofolle, elle a souvent une mort idiote.


P a p i llo n

monégasque

Si n’arrête pas d’aller voir ailleurs, c’est qu’espère bien pouvoir s’aérer. Pour à ce point tergiverser avec ses directions, est-ce à toujours faire valoir ses belles capacités d’envol ? Le fait de pouvoir insinuer beaucoup finit par rendre bien discret la vie furtive régénérante que cela suppose.


Fourmilier

des capucines

À peine avancé que la petite trace à qui se le grattage auquel personne ne fait attention. Plus il s’occupe à cela qu’il fait, plus il gagne une cuirasse qui justement continue de se faire alors que ne modifie toujours pas le manque d’intérêt tout à fait insistant et, d’un autre point de vue, gentiment stationnaire. Ainsi, le labeur peut durer un certain temps qu’aucune modification générale ne peut attester à force d’orienter ses reluisances exactement très loin du travail indispensable à ras du sol exercé par grattage.


La

chouette

Qui croit y voir le signe d’une catastrophe imminente, ne peut donc imaginer l’envers du basculement qui s’est fait jour et, de là, pourrait aller faire des rapports de crise – rien qui ne justifie les câlins de Bonne Espérance. Il faut dire qu’elle cache bien là où elle en est – sachant justement qu’elle n’a rien à révéler depuis que, ne peut-elle dire, et pour manière de sagesse. La voix douce peut toujours faire ouater qu’elle ne s’avoue jamais pour confirmation de ses raisons habiles…


La

g r e n o u i ll e v e rt e

Une fois les restes de beaux élans ramassés à l’endroit bien ignoré de tous, ceux qui voudraient jouer à venir amuser l’amas risquent, sans le vouloir, de libérer plus de poussières que ne soupçonnaient les concernés euxmêmes, à savoir : ceux qui restent. C’est-àdire qu’au moment où il s’est encore rien passé, parce qu’il prenait un certain temps, devait finir par exiger un rebond ou, en guise de : défense ou dissimulation. Puis, le repli n’était pas encore si triste quand, la gymnastique des entrailles étant plus souple quand elle est déconcentrée de la vérité, son gabarit ne veut pas dire qu’on a la consistance proportionnelle. Surtout si l’élégance des plongeons conduit à un recoin de belle verdure, à savoir : rempli de poussières exotiques. C’està-dire qu’au moment où un cap a été franchi, les plus beaux sauteurs ont rarement grandchose à ajouter ensuite.


Le

c o r b e au

Envoyer au beau milieu de tout ça, une sorte d’alerte qui peut toujours sentir le renfermé, cela revient au plus ouvert à faire entendre que le milieu de tout ça est peut-être beaucoup plus voûté qu’il n’y paraît et qu’elle voudrait accuser la rancœur de l’alerte. Les vallées de si belle grandeur et les reliefs à l’ampleur sidérante n’arrêtent pas de se faire l’écho de ces hurlements bien mesquins à les entendre se cogner le bout des forces sur de ces roches qui ne feraient même pas moins bien si elles n’étaient en carton-pâte.


Serpent Lui voilà des manières d’insinuer, on dirait toute sorte de gens : on voit bien lesquels : ceux-là qui voudraient croire qu’on ne sait pas si bien ce qu’ils trament. Pour dire que ses entortillements disent et disent beaucoup en sagesse, faut-il s’être déjà laissé tirer formes de sagesse du seul fait d’avoir été entortillé ? Sans doute que quelque chose comme ça, avec Amour et Connaissance en plus, carrément une triangulation.


Le

c r a pau d

Et puis, et puis, et puis, tout ce qu’il dit pourrait toujours sonner beaucoup plus faux qu’il n’est capable : celui qui met ses efforts bien exprès tout en-dessous, fait bien de ces efforts autrement valeureux que tous ceux qui trop nombreux à toujours vers le haut, comme les créatures les plus gracieuses ont quelques zones à pestilences, les créatures plus intégralement pestilentes ont donc quelque grâce quelque part. Une fois les signaux bien faussés, on devrait pouvoir beaucoup mieux creuser et arriver à des sources d’une ancestralité record.


Dame

c a r n ag e

Le pire a toujours ceci de singulier qu’il doit en exister bien d’autres encore. Avec si peu de prise, des allongements exceptionnels, des habitudes d’un autre temps, le plus implacable savoir-faire continue l’air de rien et même pas fière allure pour déployer une vision panoramique inquiétante, pleine d’implicite à semer autour d’elle toute sorte d’incertitude dans la tête de tous ceux qui ne sont pas forcément les plus bêtes à préférer une vision classique – c’est-à-dire bidimensionnelle – du paysage et des anatomies conventionnelles pour l’observer.


Le

poisson

C’est curieux de choisir les eaux les plus claires, les endroits les plus silencieux, les tréfonds parfaitement interminables, des amis tout à fait variés, une circulation magnifique de nuances dans le mystère, pour n’avoir qu’une seule syllabe à la bouche et ne jamais vraiment la prononcer.


La

c h e n i ll e

Dans le genre à se poser là : à se montrer si bien accrochée là pour ne pas démordre de se trouver chaque fois bien là où : certaine d’être indésirable ne l’empêche au contraire de réelles subtilités de texture : sa souplesse est capable de circuits inattendus et d’une force parodique avec laquelle personne ne prétendrait rivaliser, alors que : pousser la discrétion jusque-là tout en rongeant tout lentement les moindres feuilles et laisser les incertitudes aux branches tremblotantes, si c’est exemplaire, c’est donc que ça doit valoir la peine de se montrer indésirable tant que les nerfs ne se sont toujours pas dénoués.


La

c h e n i ll e

Tant attachée à sa tâche que ne saurait se déprendre de son application à bien tout repasser, du défilé de ses anneaux jusqu’au bout de son labeur, on peut toujours s’en agacer, on aime se donner l’air bien élevé, marquer son digne dégoût, en parler à tout le monde : il reste qu’elle a raison de continuer son chemin et que ceux qui savent en tirer leçon sont souvent ceux qui ont commencé très tôt à ne pas être très sûr de devoir bien s’élever – au risque d’atteindre des incertitudes annexes, inutiles et incompréhensibles à qui s’accroche.


La

c h e n i ll e

Ce serait quand même absurde, à vouloir imaginer qu’elle puisse être affable, d’aller demander à la chenille d’imiter la marmotte sous prétexte que tel ou tel des humains bien élevés ne veut pas l’imiter. Sachant que le jour où la chouette commencera elle-même à prendre la voix du corbeau, l’humanité pourra être sûre de ses inquiétudes et, enfin, Dame carnage pourra avouer ses passions de libellules.



Les auteurs



David Christoffel David Christoffel croise poésie et musique en pratique et en théorie. Auteur d’une dizaine d’opéras parlés, il est également à l’initiative d’études et d’expérimentations sur les rapports entre poésie et musique. Cela l’a conduit à publier autant des disques (telle la série d’albums Radio Toutlemonde) que des livres de poésie (avec la reparution cette année du recueil Argus du cannibalisme). Docteur en musicologie de l’EHESS, il a publié en 2017, Ouvrez la tête (ma thèse sur Satie) aux éditions MF. Ses préoccupations sur le pouvoir de la musique sur les formes de la pensée l’ont amené à de nombreuses créations radiophoniques pour France Musique, France Culture, Espace 2, ainsi que des radios associatives. Curieux de rendre sa recherche sensible, il poursuit ces travaux avec des institutions d’enseignement supérieur comme le CNSMDP, le CNAM et différentes universités (Tours, Nantes, Paris-7, Nice). Pour le Printemps des Arts de Monte-Carlo, il coordonne l’organisation des rencontres depuis 2015 et dirige la webradio du festival, La Radio Parfaite depuis 2016.


L.L. de Mars Je n’ai pas la moindre idée de ce qu’une notice biographique doit signifier de moi ni de ce qu’elle doit écarter. Je sais qu’étrangement elle doit être infiniment reprise ce qui, toujours, m’empêche de la commencer. Je suis pourtant censé m’y plier et trouver ça léger comme une formalité. Je ne suis pas sûr qu’il existe des formalités légères, l’écriture d’une notice biographique moins encore que n’importe quelle autre. Je l’ouvre invariablement en écrivant ma date de naissance. Puis je m’y soustrais : de quelque côté que je prenne l’affaire, c’est un non-renseignement. C’est le premier non-renseignement d’une chaîne de repères qui, à peine inventoriés, s’abolissent également en non-renseignements. Comme un livre, isolé de celui qui l’avait rendu nécessaire, et de celui qui un jour l’a balayé. Je devrais aimer la notice biographique au moins en tant qu’elle ne prétend pas avoir, elle, de lecteur particulier. Elle ne s’adresse à personne. Elle bégaie une position. Une position à partir de laquelle, quoiqu’on fasse pour tirer ce premier point vers la ligne d’un portrait, elle l’entraîne vers le flou des spectres dans le meilleur des cas, vers le singe social dans le pire. On n’attend pas d’elle qu’elle dise quoique ce soit, mais que par elle soit affirmé qu’un événement a une raison fon-


dée de se dérouler, qu’un objet a une raison historique d’être produit ; elle assure que l’on ne perd pas son temps devant un événement sans histoire, devant une créature complètement insignifiante : peu sûr de cette signifiance au fond, l’éditeur pourra lui-aussi y trouver une archéologie rassurante et en partager les bienfaits. On m’a si souvent demandé des notices biographiques, pour le moindre petit festival, la moindre participation à un collectif, chaque livre et chaque revue, que c’est au bout du compte la chose qu’on aura le plus lu de tout ce que j’aurai pu écrire. En poursuivre la logique si efficace devrait finalement me conduire à ne brosser qu’une ligne de projet pour chacun de mes livres, et à ne jamais les écrire. http://www.le-terrier.net/biblio_lldm/


La revue Ce qui reste RALENTIR POÈME Un poème est un pont jeté en travers du temps Jean-Michel Maulpoix

Prendre le temps de lire un poème est un acte de résistance libérateur, une manière de rester dans l’instant présent, d’échapper à la fuite en avant permanente que nous impose le rythme de notre époque. C’est reprendre sa respiration avec l’inspiration des autres. La revue Ce qui reste, coéditée par Cécile A. Holdban et Sébastien de Cornuaud-Marcheteau, vous propose de marquer cette pause en vous faisant découvrir chaque semaine un auteur. La création n’étant pas que langage, la revue ouvre également son espace à des artistes plasticiens.


© Mars 2017 — Textes de David Christoffel. Illustrations de L.L. de Mars La revue Ce qui reste pour la présente édition 16, chemin des Androns 33710 Bayon sur Gironde www.cequireste.fr — revue.cequireste@gmail.com Revue numérique hebdomadaire - ISSN 2497-2363


« C’est curieux de choisir les eaux les plus claires, les endroits les plus silencieux, les tréfonds parfaitement interminables, des amis tout à fait variés, une circulation magnifique de nuances dans le mystère, pour n’avoir qu’une seule syllabe à la bouche et ne jamais vraiment la prononcer. » « Le poisson », Voyez qui virevolte de David Christoffel. Illustrations de LLdemars

Ce

qui

reste


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