Ciel espace 554 2017 07 08

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ÉDITORIAL

© Laurence Honnorat

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Alain Cirou directeur de la rédaction

oici un très beau numéro d’été de Ciel & Espace. On y raconte cette incroyable nuit où, sur toute la planète, les astronomes ont mobilisé les antennes des radiotélescopes pour photographier le trou noir central de notre galaxie ; un exploit dont nous attendons “l’image” en contre-jour dans les mois à venir. On y détaille aussi le compte à rebours des équipes scientifiques de la sonde Cassini, avant que cet observatoire spatial unique, en orbite autour de Saturne depuis plus d’une décennie, ne s’abîme le 15 septembre prochain dans les profondeurs de l’atmosphère de la planète aux anneaux. On s’intéresse aux éclipses, magnifique théâtre d’ombres au service, cette fois, de la mesure du diamètre de notre étoile. Mais aussi au sort des cailloux et poussières rapportés de la Lune par les astronautes des missions Apollo. Des centaines de kilos d’échantillons extraterrestres, objets de toutes les attentions et de toutes les convoitises. Et dans un grand dossier à savourer pour la qualité de sa vulgarisation, on s’interroge sur la nature de cette fameuse “force magique”, la gravité, dont les scientifiques soupçonnent qu’elle est loin d’avoir révélé tous ses secrets. Après Galilée, Kepler, Newton et Einstein, une nouvelle révolution est attendue ! Mais l’été, pour nous tous, majoritairement citadins, c’est avant tout l’occasion privilégiée de renouer avec une autre partie du monde ; celle de la nuit et des étoiles. En répondant fin juillet à l’invitation des clubs (1) et associations d’astronomes amateurs, tous recensés par le site de l’Association française d’astronomie à l’occasion des fameuses “Nuits des étoiles”, mais aussi en rompant avec l’espace-temps du quotidien au profit de celui de l’Histoire et des mythes. Car c’est bien la vertu de la voûte céleste d’offrir à tous, sur un écran hémisphérique géant, le spectacle du plus grand palimpseste animé du monde. Repérez la Grande Ourse ; une constellation facile à identifier comme une boussole de la navigation interstellaire. Les noms de ses étoiles sont arabes : Alkaïd, Merak, Megrez, etc. On rapporte que Gengis Khan jugeait de l’acuité d’un archer par sa capacité à distinguer la petite étoile Alcor — le cavalier — blottie contre sa brillante compagne Mizar. Les Anglo-saxons y voient une grande louche, une casserole. Les Romains lui préféraient un attelage de sept bœufs (à l’origine du mot “septentrion”). Les Sioux y devinaient un putois et les Égyptiens une cuisse de bœuf. Certains chercheurs pensent que le nom de l’Ourse lui aurait été donné il y a près de 15 000 ans en Asie, puis transmis de culture en culture. Elle serait l’une des plus vieilles inventions de l’humanité. Chaque constellation, chaque étoile et planète, mais aussi la Lune, le Soleil ou la bande zodiacale, sont les pièces du décor de cette mondialisation réussie. Au sens où chaque nom, chaque figure du ciel, emprunte aux usages, mythes et croyances d’un grand nombre de civilisations disparues. Puis se mélange, se surexpose et se déforme comme les mots d’une langue vivante dont les racines remonteraient au temps des tout premiers foyers humains. Notre époque n’échappe pas à la règle. Nos nouveaux mythes ont la forme de voyages dans les étoiles conduites par des astronautes héros. Lesquels renvoient sur nos écrans mondialisés l’image… de la Terre. La destination finale la plus attendue d’un long voyage dans les étoiles ! (1) afastronomie.fr/les-nuits-des-etoiles


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EN KIOSQUE LE 20 JUILLET


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SOMMAIRE 3 éditorial 6 tout image 12 actualités

22 regard sur l’actualité Matière noire : il est temps de sortir de l’impasse

24 Clap de fin pour Cassini

30 le dessous des cartes L’exploration des planètes géantes

32 Plongée dans le Petit Nuage de Magellan 38 entretien Wu Ji, directeur de la science spatiale chinoise 64 Vivre dans l’espace : planète ou station ? 70 Une éclipse pour mesurer le Soleil 74 reportage La nuit où ils ont photographié le trou noir 82 Échantillons lunaires : touchez pas au grisbi

88 l’œil de Pierre Thomas

JUILLET AOÛT 2017

GRAVITATION : LA FORCE MAGIQUE Elle régit les planètes comme nos fusées. Pourtant, la gravitation résiste encore aux astronomes, les forçant à inventer matière noire et particules exotiques. Et si la physique avait tout faux ?

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90 Observez la lumière du passé 96 Une tranche d’éclipse au coucher du Soleil 98 test Jumelles Nikon WX 10 x 50 IF : Nikon vise l’excellence 102 éphémérides

120 initiatives Extinction réussie à Épinal

122 du côté de l’association Les terres habitables à l’honneur des 27es Nuits des étoiles

112 ouvert la nuit

126 agenda

116 conseil photo Apprivoisez la lumière de la Lune

128 lire, voir 130 regard L’empire des 1 000 exoplanètes

Revue de l’Association française d’astronomie  17, rue Émile-Deutsch-de-la-Meurthe 75014 Paris. Tél. : 01 45 89 81 44  Fax : 01 45 65 08 95. Sites : www.cieletespace.fr - www.afastronomie.fr - www.galleryastro.fr Directeur de la publication : le président de l’Association française d’astronomie, Olivier Las Vergnas. Directeur de la rédaction : Alain Cirou, alain.cirou@cieletespace.fr. Rédacteur en chef : Philippe Henarejos, philippe.henarejos@cieletespace.fr. Rédacteur en chef adjoint : David Fossé, d.fosse@cieletespace.fr. Chefs de rubrique : Jean-Luc Dauvergne, jl.dauvergne@cieletespace.fr, Émilie Martin, e.martin@cieletespace.fr. Ont collaboré à ce numéro : Marie Cros, Pierre Salati, Jacques-Olivier Baruch, Olivier Mousis, Stéphane Fay, Charles Frankel, Pierre Thomas. Secrétaire de rédaction : Emmanuelle Lancel, e.lancel@cieletespace.fr. Direction artistique : Olivier Hodasava, o.hodasava@cieletespace.fr, assisté de Florence Can.  Publicité et développement commercial :  Adrien Champagne, a.champagne@cieletespace.fr. Ciel & Espace Radio : Nicolas Franco, n.franco@afanet.fr. Renseignements aux lecteurs, contact photo : Sandrine Dorbais, s.dorbais@cieletespace.fr. Comptabilité : Catherine Allart, c.allart@cieletespace.fr. - 1 Ventes en kiosque : Europresse-IMT. Tél. : 01 42 24 50 94. Mail : europromo@orange.fr.  Abonnements :  Abomarque Ciel & Espace CS 63656 - 31036 Toulouse Cedex 1. Tél. : 05 34 56 35 60 (10 h-12 h/14 h-17 h). Mail : www.boutique-cieletespace.fr/contact.php/. Abonnement Canada : Express Mag, 3339 rue Griffith, Saint-Laurent QC H4T 1W5. Tél. : 1(800) 363 – 1310 ou (514) 355-3333. Mail : expsmag@expressmag.com. Abonnement États-Unis : Express Magazine, PO Box 2769 Plattsburgh (New York) 12901 – 0239. Tél. : 1(800) 363 1310 ou (877) 363 1310. Mail : expsmag@expressmag.com. ISSN n° 0373-9139 — CPPAP n° 1018 G 83672. Impression : Imaye Graphic 53000 Laval, France. Imprimé en France. Distribué par Presstalis. N° 554– 07/08 2017. © 2017 AFA. Dépôt légal à parution. Papier certifié FEPC. Origine : Belgique, Finlande et Autriche. Fibres recyclées : 0. Eutrophisation : 0,01 kg/t (couverture), 0,1 kg/t (intérieur) et 0,02 kg/t (carte des Nuits des étoiles). Encarts : le hors-série “Terres habitables” pour les abonnés. La carte des Nuits des étoiles : tout le tirage


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Coups de pinceau dans Abell 370 Cette vue de l’amas de galaxies Abell 370 montre avec une grande finesse un effet de lentille gravitationnelle. L’énorme masse de l’amas — dont les galaxies elliptiques sont les représentantes les plus saillantes — déforme l’espace-temps et dévie ainsi les rayons lumineux issus des galaxies d’arrière-plan. Celles-ci, dont les images sont déformées, n’apparaissent parfois que comme un fin pinceau. Le cliché a été réalisé par le télescope spatial Hubble. © Nasa/STSCI

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Retour sur Terre pour Thomas Pesquet Au terme de 197 jours passés à bord de la station spatiale internationale (ISS), le Français Thomas Pesquet est revenu sur Terre. Cette photo a été prise depuis un hélicoptère quelques minutes avant que le Soyouz qui le ramène de l’espace, suspendu au bout de son parachute, ne touche terre. Au sol, en arrière-plan, les véhicules des équipes de récupération soulèvent des panaches de poussière dans la steppe du Kazakhstan. Ci-dessous, un peu plus tard, l’astronaute européen, à côté de son collègue russe Oleg Novitski, est au téléphone, d’abord avec sa compagne, et immédiatement après, avec le président Emmanuel Macron. ©ESA/S. Corvaja

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Moutons joviens Même si la sonde Juno n’est pas sur son orbite idéale autour de Jupiter, elle obtient des clichés inédits à chacun de ses passages à moins de 5000 km de la planète. Le 19 mai, elle a pris cette vue incroyable des nuages joviens, qui révèle du relief dans les masses gazeuses de Jupiter. En renforçant les contrastes, l’amateur Björn Jonsson a fait ressortir des nuages d’altitude blancs qui projettent une ombre sur les couches plus basses. © Björn Jonsson/JunoCam

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Une aurore inconnue ? Alerté par des amateurs sur les réseaux sociaux, le chercheur canadien Éric Donovan s’est penché sur cet étrange ruban violacé. Il s’agirait, selon lui, d’un nouveau type d’aurore boréale. Mais pour en avoir le cœur net, il faut attendre l’explication scientifique qu’il promet. À suivre… © Sheri Skocdopole

Camping-car martien Faute d’avoir les vaisseaux pour atteindre Mars, la Nasa occupe le terrain de l’image. Dernière sortie en la matière, au mois de mai : la présentation de ce “rover” martien pressurisé aux lignes particulièrement réussies. Ce concept-car n’est pas destiné à rouler un jour sur Mars. Il fait simplement partie des incontournables de “L’été martien”, organisé au centre spatial Kennedy, en Floride, au cours duquel la population peut venir se bercer de l’illusion que l’exploration humaine de Mars a déjà commencé. © The Parker Brothers concept 554 |

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actualités

L’EXTREMELY LARGE TELESCOPE ENFIN SUR LES RAILS

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es choses bougent enfin du côté du futur plus grand télescope du monde. Le 26 mai, l’ESO (1) a posé au Chili la première pierre de l’ELT (Extremely Large Telescope), réflecteur de 39 m de diamètre. Dans le même temps, en Allemagne, la société Shott a coulé un bloc de verre de 4,2 m. Après refroidissement et usinage, sa surface convexe sera finement polie, pour en faire le plus

À terme, l’ELT sera le plus grand télescope optique au monde. Le chantier a déjà débuté au sommet du Cerro Armazones, situé à seulement 30 km du Very Large Telescope, au Chili. © ESO

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grand miroir secondaire jamais réalisé. Quatre jours plus tard, la société française Safran-Reosc a signé le contrat pour la fabrication des segments du miroir primaire de l’ELT — le cœur du projet. L’industriel doit en théorie produire 931 miroirs. En théorie seulement, car, pour le moment, la réalisation du télescope a été scindée en deux phases. Et le financement de

la seconde étape — la fabrication de 210 segments au centre du miroir et des 133 miroirs additionnels nécessaires à la maintenance de l’ELT — n’est pas encore bouclé… Mais interrompre une telle chaîne de production n’entraîne-t-elle pas des surcoûts énormes ? Denis Mourard, astronome à l’observatoire de la Côte d’Azur et membre du conseil de l’ESO, se veut rassurant : “Tout pousse


à ce que l’on choisisse rapidement de réaliser l’ensemble des segments dès la première phase. Cela a un coût, mais je pense que la décision sera prise d’ici quelques mois. Tout le monde travaille dans cette direction.” Le chercheur a de bonnes raisons d’être confiant : l’ESO vient de trouver un nouveau partenaire, l’Australie. “Les Australiens ont un certain retard, car ils n’ont pas de télescope de la classe des 8 m”, explique Denis Mourard. Cependant, “il ne s’agit pas d’une adhésion complète à l’ESO, mais d’un partenariat stratégique”, tempère l’astronome. La nuance est subtile. Concrètement, l’Australie n’aura accès qu’aux observatoires du Cerro Paranal (avec les quatre télescopes de 8,2 m du VLT) et de La Silla. Dans l’immédiat, elle ne paye donc qu’une adhésion partielle, fonction de son PIB et de cet accès réduit aux infrastructures de l’ESO. Un choix qui s’explique par son engagement antérieur dans un autre grand projet : le Giant Magellan Telescope américain, de 24 m de diamètre. “Du coup, pour le moment, l’Australie a du mal politiquement à faire valider une participation immédiate à l’ELT. Mais cet accord marque tout de même une volonté d’aller vers une adhésion totale”, commente Denis Mourard. Les services de communication préparent déjà le terrain : le nom du projet n’est plus l’E-ELT, mais simplement l’ELT. Le E de “European” a sauté. L’arrivée de l’Australie est un bol

d’air, mais elle ne permet pas de boucler le financement de l’ELT. Sur le milliard d’euros nécessaire, il manque encore 200 millions d’euros (M€). Les Australiens investissent 146 M€ sur dix ans pour leur participation à l’ESO. “Mais une partie de cette somme servira au développement de leurs propres infrastructures de recherche”, précise Denis Mourard. L’organisme européen a donc toujours besoin de nouveaux partenaires. Du côté du Brésil, tout est au point mort. Son adhésion, enclenchée en 2010, devait apporter 300 M€ à l’ESO, qui comptait bien dessus pour l’ELT. Mais elle dépend maintenant de la signature de la présidence. Or, le Brésil traverse à présent une crise économique pire que celle des années 1930. “En mars, le budget de la recherche du Brésil a ainsi été amputé de 45 %”, indique Denis Mourard. “L’ESO a engagé des négociations avec d’autres pays”, ajoute-t-il. Des adhésions comme celles de la Norvège ou de l’Irlande en particulier feraient sens. “Les discussions sont longues, car elles doivent passer différents stades de validation dans ces pays”, prévient Denis Mourard. Cela dit, l’ESO a encore un peu de temps pour consolider le budget de son futur fleuron. La première lumière du 39 m est prévue au mieux pour fin 2024, et les instruments de seconde génération vers 2027 ou 2028. (1) Sigle anglais de l’Observatoire européen austral.

1 116 m EN CHIFFRES

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SATELLITE GLACÉ Le troisième plus gros objet de la Ceinture de Kuiper, au-delà de Neptune, possède une petite lune. Cette découverte a été faite grâce à des images très résolues obtenues avec le télescope spatial Hubble. À côté de la planète naine 2007OR10, dont la taille avoisine 1 500 km, gravite un satellite de 320 km de diamètre. Par son influence gravitationnelle, celui-ci serait responsable de la lente rotation de 2007OR10 sur lui-même en 45 h.

NOUVEAU FLASH SUR JUPITER La découverte est rare, et elle est française. Le 26 mai, l’astronome amateur corse Sauveur Pedranghelu a détecté le flash d’un impact sur Jupiter. Il a été confirmé par les observations de deux amateurs allemands. C’est seulement le cinquième événement de ce type détecté depuis 2010.

SATURNE CHANGE DE COULEUR Le pôle Nord de Saturne a changé de couleur entre 2013 et 2017, ce qui correspond sur la lointaine planète à la deuxième moitié de son printemps. Le retour du Soleil induisant des réactions chimiques dans son atmosphère, son célèbre hexagone est passé du bleu au jaunâtre. La mission Cassini, qui a permis ce constat, s’achève le 15 septembre (lire p. 24).

DÉPART À VIDE POUR LA FUSÉE SLS La première fusée géante américaine SLS, dont le lancement a été repoussé à 2019, n’emportera pas d’équipage. Ces derniers mois, la Nasa avait déjà envisagé cette éventualité afin de gagner du temps dans un programme qui cumule les retards (lire C&E n° 552 p. 24). Mi-mai, Robert Lightfoot, l’administrateur par intérim de l’agence spatiale américaine, a confirmé que le premier lancement aurait lieu à vide en raison des risques techniques encore grands lors de cet essai.

C’est la surface du miroir primaire de l’ELT, soit l’équivalent de six terrains de tennis.

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MILLE PULSARS FONT VACILLER LA MATIÈRE NOIRE

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e mystère de la matière noire est loin d’être résolu (lire aussi p. 22 et notre dossier p. 42). Avec une émission diffuse de rayons gamma détectée dans toute la Galaxie (mais surtout dans sa région centrale), les astronomes pensaient depuis plusieurs années tenir une preuve de son existence. En effet, ce rayonnement très énergétique devait correspondre aux collisions de particules de matière noire (appelées Wimps) avec celles qui composent la matière ordinaire. À l’échelle de la Voie lactée tout entière, ces événements, même en étant très rares, devaient être assez nombreux pour expliquer cette faible luminosité gamma détectée par les astronomes. Mais patatras ! Les données du satellite Fermi, qui observe la sphère céleste dans la longueur d’onde des rayons gamma, montrent que l’émission

diffuse n’est pas assez uniforme pour pouvoir être attribuée à l’interaction de matière noire avec de la matière ordinaire. De nombreuses sources ponctuelles ont même été identifiées. Ces rayons gamma résulteraient plutôt d’une population de pulsars jusque-là largement sous-estimée, conclut l’équipe de la collaboration Fermi-LAT. Mattia Di Mauro, l’un des auteurs de l’étude, précise même à propos de ces étoiles à neutrons : “Nous avons utilisé l’une de leurs propriétés physiques pour arriver à notre conclusion. Les pulsars ont un spectre très distinct. En utilisant la forme de ce spectre, nous avons pu modéliser correctement la lueur du centre galactique comme étant celle d’une population d’environ 1000 pulsars, et cela sans introduire les processus impliquant des particules de matière noire.”

L’essentiel de l’émission diffuse de la Voie lactée en rayons gamma (représentée ici en violet) provient de son centre. Mais elle semble plus due à une population de pulsars qu’à une concentration de matière noire. © Nasa/A. Mellinger/Central Michigan Univ./T. Linden/Univ. of Chicago

LES DOUZE NOUVEAUX DE LA NASA L’agence américaine n’a toujours pas de vaisseau capable d’emporter des équipages en orbite, mais elle vient de sélectionner douze nouveaux astronautes, sept hommes et cinq femmes. Majoritairement issus des rangs de l’armée, ces “bleus” vont commencer leur entraînement. Seule destination pour l’instant : la station spatiale internationale. La Lune ou Mars demeurent des objectifs très lointains (pas avant 2033) pour la Nasa.

CARNET GRIS : GIOVANNI BIGNAMI Giovanni Bignami s’était illustré par sa quête incessante d’un astre mystérieux : Geminga. Il avait fini par découvrir que cette curieuse source de rayons gamma, totalement invisible par ailleurs, était l’étoile à neutrons la plus proche de la Terre. L’astrophysicien italien est mort le 25 mai, à l’âge de 73 ans.

COMME UNE ÉTOILE Les naines brunes, ces astres trop peu massifs pour briller et que l’on qualifie parfois d’étoiles ratées, se forment comme les étoiles, les vraies. Les astronomes s’en doutaient, mais ils en ont eu la preuve en observant l’une d’elles, Mayrit 1701117, dans la région de Sigma Orionis, à l’aide du télescope de 4 m du Cerro Tololo (Chili). Le jeune objet, d’une masse équivalant à 36 fois celle de Jupiter, émet des jets bipolaires sur 0,7 année-lumière, signe qu’elle est en rotation rapide, comme cela est le cas lors d’une formation par accrétion d’une nébuleuse.

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SOUPÇON D’ANNEAU EXOPLANÉTAIRE

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erait-ce la première découverte d’une exoplanète entourée d’un anneau ? Des chercheurs américains et britanniques ont repéré deux éclipses de 25 jours chacune sur PDS 110, une jeune étoile de seulement 10 millions d’années et distante d’environ 1000 annéeslumière — des événements exhumés des données des télescopes Wasp et Kelt, destinés à la chasse aux exoplanètes. Selon cette équipe, des éclipses si longues ne peuvent s’expliquer que par le passage devant l’étoile d’un corps de 1,8 à 70 fois la masse de Jupiter (planète

ou naine brune) entouré d’un disque de matière de 45 millions de kilomètres de diamètre. Soit 125 fois la taille des anneaux de Saturne ! Le compagnon de PDS 110 bouclerait son orbite en 808 jours. Mais pour en avoir le cœur net, il faudrait plus de données que celles des transits de novembre 2008 et janvier 2011 repérés dans les archives... “La prochaine éclipse est prévue en septembre 2017 et pourrait être suivie par des observatoires professionnels et amateurs tout autour du monde”, alertent les chercheurs.

Est-ce une planète dotée d’anneaux géants ou une naine brune entourée d’un disque de matière qui tourne autour de l’étoile PDS 110 (vue d’artiste) ? © Univ. of Warwick

CLIN D’ŒIL

Faux message extraterrestre L’exercice était amusant : créer un faux message émis par une civilisation extraterrestre et le donner à déchiffrer aux internautes. Dans quel but ? Voir si les Terriens que nous sommes sauraient comprendre des informations cryptées venues d’ailleurs. En se lançant dans cette expérience, l’astrophysicien René Heller, du

Max Planck Institute (Allemagne), a permis en un mois à 300 personnes de proposer leur interprétation. Résultat ? 66 bonnes réponses qui confirment que les humains, collectivement, sont doués pour le décryptage. Une conclusion rassurante sur nos capacités à comprendre, un jour peut-être, nos voisins galactiques.

L’étude est à lire ici : https://arxiv.org/abs/1706.00653 16


M33 AU TÉLESCOPE

Vue ici par le télescope de 2,6 m VST, la galaxie du Triangle déploie ses bras spiraux à 2,4 millions d’années-lumière du Soleil. Dix fois moins massive que la Voie lactée ou la galaxie d’Andromède (M 31), M 33 est le troisième membre en taille de notre famille de galaxies, le Groupe local. Elle est peut-être un satellite de M 31.

© ESA/Gaia/DPAC

L’objectif principal de la sonde européenne d’astrométrie Gaïa, lancée en décembre 2013, est de cartographier un milliard d’étoiles de la Voie lactée. Sa grande précision lui permet toutefois de distinguer aussi celles des galaxies proches ! En témoigne la carte de notre voisine M33, la galaxie du Triangle, publiée par l’ESA au printemps. Non seulement on y compte des dizaines de milliers d’étoiles, mais surtout on peut en observer certaines jusqu’au cœur des régions de formation d’étoiles, comme NGC 604. On attend avec impatience la prochaine livraison de données de la sonde, à la fin de l’année.

© ESO

Gaïa épingle des étoiles au cœur de M33

LA CARTE DE GAÏA

Gaïa a identifié 150 étoiles sur cette zone 2 000 fois plus étroite que la Pleine Lune (cadre de l’image précédente). Les régions stellaires denses, comme NGC 604, sont un défi pour la sonde car son ordinateur ne peut pas traiter un nombre illimité d’objets à la seconde. C’est en repassant régulièrement sur une même région du ciel qu’elle peut espérer la cartographier complètement.

NGC 604 PAR HUBBLE

La pouponnière d’étoiles NGC 604, vue par le télescope spatial Hubble. Avec un million d’étoiles par degré carré, c’est une zone difficile pour Gaïa. Si elle ne peut pas rivaliser avec un cliché de Hubble, la sonde européenne pourra déterminer la parallaxe des étoiles (donc leur distance) et leur mouvement propre.

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© ESA/Hubble & Nasa

ZOOM SUR NGC 604

© ESA/Gaia/DPAC

Depuis le 25 juillet 2014, Gaïa mesure la position des étoiles sur la voûte céleste. La sonde poursuit, avec une précision bien supérieure, le travail entamé par les astronomes dès l’Antiquité. Cette carte de M 33 compte 40 000 étoiles identifiées au cours de 26 relevés du ciel entre les 7 et 9 décembre 2016.


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ATMOSPHÈRE TERRESTRE : UNE CONTRIBUTION DES COMÈTES ?

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es comètes pourraient avoir joué un rôle dans la formation de l’atmosphère primitive de la Terre. Elles lui auraient en particulier apporté son xénon, un gaz rare dont l’origine était jusqu’ici problématique. C’est la conclusion d’une étude réalisée par les Français Guillaume Avice et Bernard Marty et le Britannique Ray Burgess. Les trois chercheurs ont d’abord démontré que les inclusions de certains quartz (ceux de la ceinture de roches vertes de Barberton, en Afrique du Sud) étaient des enregistrements de l’abondance des gaz

rares dans l’atmosphère, il y a 3,3 milliards d’années. Puis ils ont constaté que la composition isotopique du xénon à cette époque reculée était distincte de celle du Soleil ou des météorites primitives (chondrites). L’analyse détaillée des différents isotopes du xénon, comparé à d’autres gaz rares (en particulier le krypton), ne laissant guère d’autres suspects que les comètes. L’épisode de bombardement aurait eu lieu “après la formation de la Lune”, indiquent les chercheurs dans leur étude, publiée dans la revue Nature Communications. Les comètes, comme ici Ison, ont probablement participé à l’enrichissement en gaz de l’atmosphère primitive de la Terre, au début du Système solaire. © Damian Peach/C&E

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LES SOLEILS NAISSENT À DEUX… PUIS SE SÉPARENT

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actualités

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LIGO Le détecteur d’ondes gravitationnelles américain continue d’avoir le vent en poupe. Il a enregistré le passage d’une troisième onde gravitationnelle due à la fusion de deux trous noirs lointains. L’événement, observé le 4 janvier 2017, a en outre permis d’en savoir plus sur les corps célestes qui en sont à l’origine. Lire : https://www.cieletespace.fr/ actualites/ondes-gravitationnellesla-nouvelle-astronomie-demarre

À L’A P O G É E

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e Soleil avait-il un jumeau ? S’il est impossible de l’affirmer avec certitude, cela semble aujourd’hui très probable. La grande majorité des étoiles de masse similaire à celle du Soleil naissent en compagnie d’une autre, d’après l’étude que publient Steven Stahler, un physicien de Berkeley, et Sarah Sadavoy, une radioastronome de Harvard. Leur travail se fonde sur plusieurs observations systématiques de régions de formation stellaire, comme le nuage de Persée, situé à 600 annéeslumière. Mais aussi sur un modèle mathématique décrivant les processus qui ont lieu lorsque des nébuleuses s’effondrent sur elles-mêmes pour créer des étoiles. Les astronomes savaient déjà que de nombreuses

étoiles de type solaire naissaient en couple, mais les deux scientifiques voulaient déterminer dans quelle proportion. Dans Persée, ils ont ainsi recensé 55 jeunes étoiles réparties dans 24 systèmes stellaires multiples et 45 étoiles seules. Le seul moyen d’expliquer cette répartition consiste en un modèle dans lequel toutes les étoiles naissent à deux. Ensuite, 60 % d’entre elles se séparent, pendant que celles qui demeurent ensemble deviennent des systèmes binaires serrés. Afin de vérifier leur conclusion, les deux astronomes vont maintenant étendre leurs observations à d’autres régions de formation stellaire, ce qui est maintenant possible grâce à l’observatoire radio Alma et à un réseau VLA rénové.

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BLUE ORIGIN La société de Jeff Bezos, pourtant en pleine réussite avec ses fusées New Shepard, a connu un petit revers dans la mise au point du moteur qui doit propulser les futures New Glenn. Le 13 mai, lors d’un essai, le premier moteur BE-4 a perdu sa turbopompe, un élément crucial qui sert à acheminer les carburants dans la chambre de combustion.

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Cette image du télescope Hubble montre une étoile binaire naissante (l’objet entouré de jets, en bas à droite) dans la nébuleuse IC 348, qui fait partie de la région de formation stellaire de Persée. © Nasa/ESA and J. Muzerolle/STScI

Rubrique réalisée par Jean-Luc Dauvergne, David Fossé et Philippe Henarejos



regard sur l’actualité

pierre salati

MATIÈRE NOIRE : IL EST TEMPS DE SORTIR DE L’IMPASSE

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e 19 mai, Elena Aprile, de l’université de Columbia à New York, a annoncé les derniers résultats de la collaboration Xenon1T qu’elle dirige avec une maestria remarquable. Pendant l’hiver dernier, une tonne de xénon a été exposée pendant plus d’un mois aux Wimps (1), ces particules hypothétiques dont serait constituée l’énigmatique matière noire. Cette composante essentielle de l’Univers n’est pas directement visible, mais se manifeste par son action gravitationnelle sur la rotation des galaxies, la cohésion des amas galactiques et l’expansion de l’Univers. Dans Xenon1T, du xénon liquide reçoit l’impact d’un Wimp de passage qui, en heurtant le matériau, le fait scintiller et l’ionise. Les électrons ainsi produits sont alors extraits de la phase liquide, puis accélérés dans une phase gazeuse qu’ils font à nouveau scintiller. Chaque Wimp venant à passer à travers le xénon engendre ainsi deux scintillations. La grande difficulté de ce genre de technique est de séparer le bon grain de l’ivraie, car toutes les particules, quelle que soit leur nature, engendrent également deux scintillations en heurtant le xénon liquide. Leur intensité relative permet cependant de faire le tri, la seconde scintillation étant plus forte dans le cas des photons et des électrons. Lors de l’impact, ces particules électromagnétiques produisent plus d’ionisation que les neutrons ou la matière noire. Et la taille du détecteur est telle que les neutrons subissent plusieurs collisions. Il est donc possible de les distinguer des Wimps recherchés. Avec l’extraction des électrons de la phase liquide à la phase gazeuse, un tour de force technique, le second exploit de Xenon1T est bien son efficacité à rejeter le bruit de fond dans lequel se cache le signal. Les rares événements enregistrés par la collaboration lors de sa dernière campagne ont ainsi tous été attribués à la radioactivité ambiante. La sensibilité atteinte récemment par Xenon1T aurait fait rêver les physiciens

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des années 1980. Mais cette réussite technique incontestable ne doit pas occulter la leçon qu’il nous faut désormais tirer : nous n’avons toujours pas détecté le moindre Wimp en provenance de l’espace. L’hypothèse des Wimps est pourtant fondée et les raisons de penser que la matière noire en est constituée sont convaincantes. Le problème de la matière noire est en effet bien établi. Les galaxies spirales tournent trop vite sur elles-mêmes si leur gravité interne n’est produite que par les étoiles et le gaz qu’elles contiennent. Pour contrer la décroissance de leur rotation loin du centre, prédite par la gravitation, mais que l’on n’observe pas, il faut ajouter une composante invisible. Les amas de galaxies sont aussi plus lourds qu’il ne semble. C’est d’ailleurs en analysant l’amas de Coma que Fritz Zwicky a découvert en 1933 l’existence de la matière noire. Mais le problème est devenu beaucoup plus excitant en 2003, lorsque le satellite WMAP a permis de dresser la carte d’identité de l’Univers en observant le fond de rayonnement cosmique micro-onde, vestige du big bang. WMAP a découvert que la matière noire existait aussi aux échelles cosmologiques, et surtout, qu’elle était de nature exotique. En mars 2013, la mission Planck a affiné les résultats de WMAP en fixant la contribution de la matière noire à 26,8 % et en confirmant qu’il ne s’agissait pas de matière ordinaire. De quoi est donc constituée l’énigmatique matière noire ? C’est là que la physique des particules entre en jeu et que l’infiniment petit vient à la rescousse de l’infiniment grand. Le monde des particules subatomiques est en effet régi par un modèle si bien compris qu’il est qualifié de standard. Tout le monde s’accorde cependant sur le fait qu’il devrait être complété pour expliquer certaines bizarreries, comme la masse des neutrinos ou l’apparent désert de particules qui s’étend de l’échelle des interactions faibles à


celle de la gravitation quantique. Les physiciens des hautes énergies planchent donc depuis longtemps sur les extensions théoriques du modèle standard. La supersymétrie, qui unifie force et matière, et les approches à la KaluzaKlein, qui dotent l’espace de dimensions supplémentaires, illustrent bien ce bouillonnement intellectuel. Or ces extensions théoriques prévoient l’existence de particules neutres et massives. Ces espèces de gros neutrinos sont stables et, en raison de la faiblesse de leurs interactions, sont produits pendant le big bang avec une abondance propre à expliquer les observations cosmologiques. L’hypothèse des Wimps n’est donc pas une simple lubie de théoriciens désœuvrés, mais constitue une voie qui a été considérée longtemps comme très prometteuse. Outre la possibilité de détecter leur impact dans du xénon liquide, ces particules s’annihilent au sein de la Voie lactée en y produisant de l’antimatière cosmique sous forme de particules chargées qui diffusent ensuite dans les champs magnétiques de notre galaxie avant de se perdre dans l’espace intergalactique… ou de parvenir jusqu’à la Terre. L’antimatière n’existant pas à l’état naturel, elle est normalement produite lorsque protons et noyaux d’hélium du rayonnement cosmique entrent en collision avec le gaz interstellaire. De ces interactions naissent antiprotons et positrons que l’on collecte grâce aux instruments embarqués sur des satellites ou à bord de la station spatiale internationale, à l’instar du spectromètre AMS-02. L’annihilation des Wimps constitue alors une source supplémentaire d’antimatière et conduit à des flux en excès de la composante normale. C’est dans cette recherche indirecte des Wimps que je me suis engagé depuis une vingtaine d’années, car les rayons cosmiques existent bel et bien, eux ! C’est même par leur étude que la physique des particules a débuté après que Victor Hess eut découvert en 1912 le rayonnement cosmique. Nous avons d’ailleurs constitué à Annecy et à Grenoble une équipe réunissant expérimentateurs et théoriciens afin de plancher sur le problème. En avril 2013, AMS-02 a confirmé la découverte par la collaboration Pamela d’un flux de positrons anormalement élevé. Cette anomalie a engendré une grande effervescence, l’excès de positrons pouvant être le signe tant attendu de la présence des Wimps dans la Voie lactée. Las ! Elle est sans doute produite par des étoiles à neutrons magnétisées appelées pulsars. Mais alors, quid des antiprotons dont le flux a été mesuré avec grande précision en août 2016 ? Quelques analyses, que je considère bien hâtives, semblent conclure qu’un excès se cache dans les observations. Nous planchons sur la question et y répondrons cet été. Compte tenu des incertitudes théoriques, nous sommes sceptiques.

Les résultats négatifs de Xenon1T et l’absence d’anomalies inexplicables dans le rayonnement cosmique sont à prendre au sérieux. La chasse aux Wimps a été engagée depuis trente ans, et pas le moindre signal qu’on puisse leur imputer n’a été découvert jusqu’ici. Pour clore le tableau, les grandes collaborations autour du grand collisionneur à hadrons (LHC) du Cern de Genève ont découvert le boson de Higgs tant attendu, mais elles n’ont toujours pas produit la moindre particule supersymétrique, ni déceler le plus petit indice en faveur des extensions du modèle standard. Certes, la seconde période de prise de données vient de commencer. Mais, même s’ils ne l’avouent pas ouvertement, nombre de mes collègues commencent à être pessimistes. Le royaume des particules serait-il désert jusqu’à l’échelle de Planck, où opère la gravité quantique ? Peutêtre ! Mais alors, de quoi la matière noire est-elle faite ? Sans doute faut-il commencer à envisager le problème différemment. Et si, au fond, la matière noire n’était qu’un mirage engendré par notre confiance aveugle en la gravitation d’Isaac Newton ? Dans leur théorie de dynamique newtonienne modifiée (Mond), Mordehai Milgrom et Jacob Bekenstein proposent que le champ gravitationnel dévie de la valeur impartie par la gravitation classique en dessous d’une certaine limite. La vitesse de rotation des spirales devient alors constante loin de leur centre. Mond explique simplement et mieux que toute autre théorie la dynamique des galaxies, et par exemple la fameuse relation de Tully-Fisher, qui relie luminosité et vitesse de rotation maximale des spirales. L’accord se gâte au niveau des amas de galaxies, où la matière noire reste indispensable. Et les observations cosmologiques ne sont pas expliquées. Un autre écueil de Mond est la difficulté de construire une théorie relativiste cohérente. Jusqu’à présent, les essais ont été infructueux, mais le temps est sans doute venu de s’y mettre vraiment et de suivre les traces de pionniers comme Luc Blanchet, qui construit à l’Institut d’astrophysique de Paris une extension de la relativité générale. Si rien n’est découvert au LHC, les théoriciens des hautes énergies feraient peut-être bien de venir l’épauler. (1) Weakly Interacting Massive Particles : particules massives interagissant faiblement.

Pierre Salati est professeur de physique à l’université Savoie-Mont-Blanc. Spécialiste d’astrophysique des particules, il mène ses recherches au laboratoire d’Annecy-le-Vieux de physique théorique. Courtesy P. Salati

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CASSINI, CLAP DE FIN La sonde Cassini boucle ses dernières orbites autour de Saturne. Pour la fin de cette exploratrice prolifique, la Nasa a concocté traversées des anneaux et plongée dans les nuages de la planète géante. Une odyssée qui se termine en beauté.

C

’est le dernier plongeon. Le 15 septembre prochain, à 12 h 44 heure française, la sonde spatiale Cassini brûlera ses ailes et le reste de son corps bardé d’instruments dans la haute atmosphère de Saturne.

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Elle devrait continuer à envoyer ses données pendant environ 1 minute, avant de cesser définitivement toute communication. Après 13 ans et 293 orbites autour de la planète aux anneaux, c’est donc les ultimes moments d’une vétérante dont

la mission a été plusieurs fois prolongée. Une fin que les scientifiques ont souhaité utile. Depuis le 23 avril 2017, la sonde effectue en effet 22 orbites dites proximales. Sa trajectoire a été déviée par un dernier passage auprès du satellite


Depuis le mois d’avril, la sonde Cassini est sur une orbite quasi polaire autour de Saturne qui l’entraîne dans une série de plongeons entre la planète et les anneaux. Elle périra dans les nuages de la géante le 15 septembre. © Nasa/JPL/Caltech

Titan. Son périastre, point de l’orbite le plus proche de Saturne, se situe désormais entre l’atmosphère de la planète et le plus interne des anneaux, l’anneau D. Le 1er mai, le Jet Propulsion Laboratory (JPL) a poussé un ouf de soulagement après que Cassini eut traversé sans encombre le plan des anneaux. L’espace d’environ 2 400 km entre l’anneau D et la planète était censé être vide. Il l’est effectivement, au moins de particules plus grosses que le micromètre. Pas de quoi fouetter un chat donc, et à peine une sonde. Pourtant, le doute était de mise. En novembre 1980, “Voyager 1 devait passer dans la division de Cassini, que l’on pensait, elle aussi, dépourvue de

matière, se souvient Francis Rocard, responsable des missions d’exploration du Système solaire au Cnes (1). Mais pour minimiser les risques, la trajectoire a été modifiée. Avec raison, car la division de Cassini s’est révélée pleine de poussières.” Pour Cassini, le plan initial est donc maintenu. Il prévoit d’activer tous les instruments de la sonde lors des dernières orbites. Tous, sauf hélas les trois spectromètres de l’expérience Caps, qui ne fonctionnent plus. Un premier objectif est de préciser la masse des anneaux. Celle-ci est calculée suivant les ondes de densité qui parcourent les anneaux sous l’action des satellites de Saturne. Aujourd’hui, elle est estimée à partir de

modèles à 1019 kg, soit la masse d’un corps de 200 km comme le satellite Mimas. “En spectroscopie, on voit que la surface des corps est recouverte à 99 % de glace, déclare Sébastien Charnoz, professeur à l’Institut de physique du globe de Paris. Mais sous cette glace, il peut s’agir de silicates, trois fois plus denses.” De plus, la quantité de matière présente dans les anneaux donne des indices sur leur âge. Sont-ils aussi vieux que le Système solaire ou datent-ils de moins de 150 millions d’années ? “La communauté balance tour à tour entre ces deux hypothèses, répond Sébastien Charnoz. Aujourd’hui, on penche plutôt pour des anneaux jeunes. Mais dans ce

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Photos © NASA/JPL-Caltech/Space Science Institute

LES ANNEAUX EN NÉGATIF En passant de part et d’autre du plan des anneaux à chaque orbite, Cassini a produit des vues inédites, comme celle-ci, qui montre le côté nocturne des anneaux, ce qui les fait apparaître en négatif par rapport à l’image que nous en avons depuis la Terre.

HEXAGONE POLAIRE L’une des surprises de la mission Cassini est la découverte de cette vaste structure hexagonale centrée sur le pôle Nord de Saturne. L’Hexagone, large de 13 800 km, commence à 78° de latitude nord. Il serait dû à des différences de vitesses des vents.

DES GEYSERS SUR ENCELADE A priori, rien n’aurait dû bouger sur un satellite glacé aussi petit qu’Encelade (500 km de diamètre). Sauf qu’à contre-jour, Cassini a décelé des geysers qui attestent de l’existence d’eau liquide sous sa croûte gelée.

PLONGÉE DANS LE VORTEX Au centre de l’Hexagone (voir ci-dessus) trône un gigantesque tourbillon de nuages. Son diamètre atteint les 2 000 km et les vents y flirtent avec les 500 km/h ! L’éclairage rasant du Soleil permet en outre d’en saisir les reliefs.

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MONTAGNE ÉQUATORIALE Japet, l’un des satellites de Saturne, est probablement le seul corps céleste connu dont l’équateur est physiquement matérialisé par… une chaîne de montagnes ! L’origine de cette ceinture qui culmine à 20 km est toujours inconnue.

ÉQUINOXE SUR LES ANNEAUX En 2009, c’était l’équinoxe sur Saturne. Cassini en a profité pour photographier les anneaux avec un éclairage horizontal du Soleil. Résultat : les moindres ondulations projetaient des ombres, donnant un relief étonnant à la texture des anneaux.

SOUCOUPE VOLANTE NATURELLE Cet étrange objet, c’est Pan, l’un des petits satellites de Saturne (34 km). Il est ceint d’un anneau solide situé dans le même plan que les anneaux de Saturne, tout proches, et a probablement été constitué par certaines de ses particules.

UNE TERRE GLACÉE Dès le début de la mission, l’atterrisseur Huygens a révélé le paysage extraterrestre le plus lointain : les plaines glacées du satellite Titan (à droite). Le radar de Cassini a ensuite révélé ses reliefs cachés sous son épaisse couche de nuages (à gauche).

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cas, leur masse doit être assez faible.” Seul problème : de jeunes anneaux devraient s’agglomérer en un ou plusieurs satellites en moins d’un siècle. Il doit alors avoir un apport continu de poussières venu de la Ceinture de Kuiper ou du Nuage d’Oort. Les nouvelles images ainsi que les données de l’expérience CDA (Cosmic Dust Analyser) devraient fournir quelques indices. Surtout que Cassini, si elle est encore en vie, prendra des vues à haute résolution le 29 juin et le 6 juillet, quand elle passera dans les premiers kilomètres de l’anneau D. Son antenne à haut gain sera alors tournée non pas vers la Terre, mais en avant de la sonde afin de lui servir de bouclier. La précision des orbites de Cassini peut aussi éclaircir un autre mystère : la masse du noyau de Saturne, qui représente la majorité de celle de la planète. Les données vont permettre d’évaluer cette masse que Tristan Guillot, de l’observatoire de la Côte d’Azur, estime entre 5 et 20 masses terrestres. L’enjeu est de comprendre la formation des planètes géantes. Si la valeur trouvée est inférieure à 10 masses terrestres, une formation de type stellaire sera privilégiée. Si elle est supérieure, le modèle planétaire sera favorisé. Cette donnée aura aussi des répercussions sur d’autres domaines de l’astronomie. Ainsi, les Cet incroyable écheveau résume toute la mission Cassini. Il s’agit du tracé de toutes les orbites accomplies par la sonde depuis son arrivée autour de Saturne en 2004, jusqu’à son plongeon fatal, le 15 septembre 2017. © NASA/JPL-Caltech/ Space Science Institute

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mouvements fins du noyau fournis par l’analyse des orbites de Cassini serviront à la recherche d’une neuvième planète. En effet, Jacques Laskar, de l’IMCCE (2), tente de prévoir la position précise de cet astre hypothétique en intégrant les mouvements de plus de 250 objets du Système solaire, dont Saturne. De même, les données recueillies aideront à la compréhension des planètes extrasolaires, où les superterres sont légion. Autre mesure attendue pour cette fin de mission : la période de rotation de Saturne. Comme pour toutes les planètes gazeuses, ce ne sont pas les nuages qui déterminent cette durée, mais la vitesse de rotation du noyau. Elle est évidemment inaccessible aux instruments, mais calculée à partir des effets de la rotation du champ magnétique engendré par le noyau. Or, depuis les données prises par Voyager 1 en 1980, puis par la sonde Ulysses en 2000, personne ne s’accorde sur la durée du jour saturnien. Le noyau, peut-être formé d’une graine solide entourée d’hydrogène métallique, tournerait en 10 h 39 min selon Voyager, 10 h 47 min pour Cassini, seulement 10 h 32 min pour une étude israélienne publiée en 2015 dans la revue Nature. D’où viennent ces écarts ? Une erreur ? Une approximation ? “En tout cas, ce ne peut être l’effet d’un chan-

gement dans la rotation, assure Philippe Zarka, de l’observatoire de Meudon. L’inertie du noyau est trop grande.” L’évaluation est effectuée par l’étude du champ magnétique de la planète, seul phénomène physique donnant accès à la rotation du noyau. Mais, alors que l’axe magnétique de Jupiter est incliné d’environ 10° sur son axe de rotation, ceux de Saturne sont exactement alignés. “Les effets de précession sur Jupiter sont largement supérieurs aux variations dues au vent solaire. Cela donne un calcul sur la durée de rotation qui est stable au millionième près. Sur Saturne, c’est beaucoup plus compliqué”, analyse Philippe Zarka. Selon lui, il ne faut pas attendre des révélations de la part de Cassini dans ce registre, mais les différents passages dans les régions d’émissions radio offriront des données inédites, régal des théoriciens. “Il aurait fallu envoyer plusieurs sondes en même temps, comme la constellation des Cluster autour de la Terre afin de séparer les variations spatiales et temporelles”, ajoute-t-il. Enfin, après une ultime modification d’orbite le 12 septembre à 5 h 37 TU, alors que Cassini sera à son apoastre, la sonde plongera une dernière fois vers l’intérieur des anneaux. Sa trajectoire ne la fera pas cette fois passer à quelque 2 000 km des nuages saturniens comme lors des quatre orbites


précédentes, mais dans l’atmosphère où Cassini finira sa course. Approchant les nuages en trajectoire presque rasante (5°) le 15 septembre à 10 h 44, le JPL espère recevoir les dernières données pendant une minute, avant la désintégration de la sonde vers une pression de 1 bar. Vu la distance de Saturne, le Deep Space Network américain et la salle de contrôle Cassini du JPL à Pasadena n’enregistreront l’extinction du signal que 1 h 23 min plus tard. La sonde pourrait même se taire bien avant, selon Thierry Fouchet, de l’observatoire de Paris. “Contrairement à Galileo dont la mission était de résister jusqu’à 22 bars, Cassini n’a pas été prévue pour cette plongée suicidaire, affirme l’astronome. Dès qu’elle atteindra les premières couches de la stratosphère, 600 km au-dessus des couches denses, elle perdra son attitude et commencera à tournoyer sur elle-même avant de brûler. Surtout que son antenne à haut gain, qui sera orientée vers la Terre pour transmettre les dernières données, ne pourra pas lui servir de bouclier.” Cette orbite finale permettra d’étudier une dernière fois l’étrange structure hexagonale que prennent les nuages au pôle Nord de Saturne. Ce ne serait pas un vortex, mais une figure créée par l’intersection entre une sphère et un cylindre dont les bords sont sinusoïdaux. Elle serait alors la manifestation d’une onde de Rossby, un mouvement de grande longueur d’onde due à la variation de la force de Coriolis. Pour le vérifier, les mesures de gravité au-dessus du pôle Nord devraient déterminer la profondeur de l’anomalie de densité et de température. Plus celle-ci sera profonde, plus l’hypothèse de l’onde de Rossby sera confortée. Trois jours plus tard, la dernière minute servira à analyser l’atmosphère in situ, une aventure forcément unique réalisée à plus de 126 000 km/h. Même si la sonde cessera d’émettre vers 1 µbar,

Le 4 juin, la sonde Cassini était entre Saturne et ses anneaux quand elle a pris cette photo en perspective de l’anneau C. On y discerne avec une précision sans précédent la succession de concentrations de particules qui forment cet anneau. © NASA/JPL-Caltech/Space Science Institute

soit 600 km au-dessus des nuages, elle aura pu déterminer l’abondance relative de l’hydrogène et de l’hélium. Les mesures des teneurs en molécules plus lourdes, tels l’eau, le méthane ou l’ammoniac, ne représenteront pas la réalité, car ces molécules devraient se trouver dans des couches plus profondes. Elle ne pourra pas non plus vérifier l’éventuelle convexion en couches de l’atmosphère, proposée par Gilles Chabrier (ENS de Lyon) et Jérémy Leconte (Laboratoire de météorologie dynamique). De même que les océans terrestres sont stratifiés à la fois par la température et la salinité, l’atmosphère de Saturne est peut-être constituée de couches dues à la température et aux différentes compositions chimiques. Dommage. Malgré ces questions qui resteront encore sans réponse, les résultats

que Cassini a apportés depuis 13 ans ont comblé les planétologues et leur donnent du travail pour plusieurs années. En Californie, cette nuit du 14 au 15 septembre sera très longue. Elle sera même blanche pour tous ceux qui sont invités à faire la fête au JPL en attendant de recevoir le dernier soupir de Cassini, juste avant l’aube. Jacques-Olivier Baruch

(1) Centre national d’études spatiales. (2) Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides.

Pour en savoir plus :

La simulation de la fin de mission sur : https:// vimeo.com/210782375/ Pour les Parisiens, rendez-vous le 15 septembre de 11 h à 15 h à la Cité des sciences et de l’industrie pour suivre en direct la fin de Cassini.

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le dessous des cartes

olivier mousis

L’EXPLORATION DES PLANÈTES GÉANTES APRÈS CASSINI

L

a mission Cassini-Huygens est devenue emblématique au fil des ans, tant par son immense succès au niveau de la coopération internationale que par le nombre de découvertes qu’elle a suscitées concernant la caractérisation du système de Saturne. Environ 2 000 articles ont été publiés dans des revues internationales à comité de lecture, conférant ainsi à Cassini-Huygens le titre de la mission d’exploration du Système solaire la plus féconde en matière de production scientifique. L’idée d’une mission devant orbiter autour de Saturne, accompagnée d’un module de descente dédié à l’exploration in situ de l’atmosphère et de la surface de son satellite Titan, a germé dans les esprits d’une poignée de chercheurs, dont le Français Daniel Gautier, au cours de l’année 1982. Il a fallu attendre 1997 pour que le lancement de CassiniHuygens ait lieu, puis 2004 afin qu’elle arrive à bon port. Trente-cinq années après ses balbutiements, soit pratiquement une demi-vie humaine, la mission Cassini s’apprête à écrire les dernières pages de son histoire. De nombreux chercheurs en Europe et aux États-Unis s’efforcent de préparer l’après-Cassini-Huygens dans un contexte programmatique devenu compliqué, en raison des difficultés budgétaires et politiques actuelles. Désormais, l’ESA et la Nasa proposent des appels à missions au coût situé autour de 300 à 500 millions d’euros (missions M pour l’ESA et Discovery pour la Nasa) et d’environ 1 milliard d’euros (missions L pour l’ESA et New Frontier pour la Nasa). Aujourd’hui, hormis le fait que l’ESA ne maîtrise pas la technologie des générateurs thermoélectriques à radio-isotopes permettant aux sondes d’aller au-delà du Système solaire interne, un projet comparable à Cassini-Huygens dépasserait les 4 milliards

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d’euros et ne rentrerait pas dans son enveloppe budgétaire. Avec un budget pour l’exploration du Système solaire dont le coût est le double de celui du programme scientifique de l’ESA (planétologie, astrophysique et cosmologie), la Nasa possède un ambitieux programme de missions Flagship, qui peut monopoliser des ressources encore plus importantes que les missions New Frontier. Europa-Clipper, destinée à l’étude détaillée du satellite de Jupiter Europe, en fait partie, avec un lancement prévu vers 2024-2025. Son coût élevé provient essentiellement des choix techniques lui permettant de résister au très haut niveau d’irradiation dans lequel baigne Europe tout au long de son orbite autour de Jupiter. En parallèle, les Européens préparent Juice, de type L, destinée à explorer les autres satellites glacés de Jupiter, Ganymède et Callisto, tous deux situés dans un environnement moins contraignant que celui d’Europe. Décollage prévu vers 2025. Plusieurs missions proposées vers Saturne ont été soumises au dernier appel New Frontier (1) et sont en cours d’évaluation par la Nasa. Parmi elles figure un module de rentrée atmosphérique dont le but est de déterminer in situ jusqu’à une profondeur minimale de 10 bars la composition chimique et isotopique de l’atmosphère de Saturne. Ce type de mesure ayant déjà été réalisé avec succès en 1995 dans l’atmosphère de Jupiter par le module de descente de la mission Galileo, il apparaît logique que Saturne soit l’étape suivante. D’autres propositions ont pour objet l’étude détaillée de l’atmosphère et de la surface de Titan, ainsi que la mesure précise de la composition des geysers d’Encelade. Côté européen, sur la dizaine de propositions restant en compétition suite au dernier appel à missions M (2), figure aussi un module de rentrée dans l’atmosphère de Saturne (3).


Ce projet d’initiative française se place dans un contexte de partenariat au sein duquel le module de descente européen serait le passager d’une sonde de la Nasa vers Saturne. Une fois à destination, le vaisseau américain larguerait d’abord le module de rentrée dans l’atmosphère de la planète géante, puis débuterait ses manœuvres dans le système de Saturne pour accomplir sa mission scientifique. Il faudra attendre les résultats des présélections New Frontier et missions M à la fin 2017 pour savoir si un partenariat ESA-Nasa pourra être envisageable dans une configuration qui rappelle celle de Cassini-Huygens. Au mieux, le lancement d’une telle mission n’aurait pas lieu avant 2025 ou 2030. La détermination de la composition profonde des planètes géantes et une meilleure connaissance de leur structure interne sont des objectifs majeurs qui permettront de mieux comprendre leur formation au sein de la nébuleuse protosolaire. Dans cette optique, la Nasa a mis la mission Juno en orbite autour de Jupiter, afin de mesurer avec précision le champ gravitationnel de la planète géante et de sonder son atmosphère dans le domaine des micro-ondes jusqu’à une profondeur d’une centaine de bars. Le but premier de Juno est de déterminer l’abondance de l’eau dans Jupiter, en raison de l’échec de cette mesure par le module de descente de la mission Galileo, qui était tombé par malchance dans une région extrêmement sèche en 1995. Comme le suggèrent les résultats préliminaires, Juno permettra sûrement d’affiner les modèles d’intérieurs en raison de ses orbites multiples autour de Jupiter, via la mesure de ses moments gravitationnels. Il n’est cependant pas garanti qu’elle puisse évaluer l’abondance de l’eau dans Jupiter. Le sondage micro-ondes mesure seulement un continuum, par opposition à la spectroscopie où la présence de raies facilite l’identification des molécules existant dans l’atmosphère. Plusieurs espèces, notamment l’ammoniac, contribuent fortement à la présence de ce continuum. Il faudra d’abord lever toutes les dégénérescences produites par ces molécules pour que l’abondance de l’eau soit bien connue dans Jupiter. Il est probable que la seule méthode fiable pour mesurer l’eau dans Jupiter et Saturne demeure la spectrométrie de masse in situ, mais à des profondeurs beaucoup plus importantes (~100 bars) que celles échantillonnées par le module de descente de Galileo (~22 bars). De tels concepts de sondes de rentrée atmosphérique ont déjà fait l’objet d’études internes à l’ESA et l’envoi de plusieurs d’entre elles dans des régions différentes de Jupiter et de Saturne permettrait de vérifier l’homogénéité de leur composition.

Les géantes de glace Uranus et Neptune n’ayant été visitées qu’une seule fois par la mission Voyager 2, respectivement en 1986 et en 1989, leurs propriétés physiques sont encore bien moins bien connues que celles de Jupiter et de Saturne. L’intérêt de leur exploration est capital, dans la mesure où des exoplanètes avec une masse et un rayon similaires, communément appelées “Neptune chaudes”, ont été découvertes très près de leur étoile. Une meilleure compréhension des mécanismes de formation d’Uranus et de Neptune permettra de déterminer comment des exoplanètes a priori analogues peuvent se trouver à une distance orbitale bien inférieure à celle de Mercure au Soleil. L’exploration d’Uranus et de Neptune risque cependant de demander beaucoup plus de ressources que celles disponibles pour les appels New Frontier ou missions L. La Nasa étudie actuellement le cas d’une mission Flagship à destination de l’une de ces deux planètes, qui décollerait vers 2030 à bord de la fusée SLS (Space Launch System). Ce futur lanceur surpuissant, destiné à envoyer des astronautes vers la Lune et Mars, rendrait les deux planètes accessibles en seulement 5 ou 7 ans. Étant donné l’ampleur d’une telle mission, il est probable que la Nasa propose à l’Europe d’y participer. L’ESA pourrait par exemple ajouter à la sonde américaine un ou deux modules de rentrée atmosphérique similaires à celui proposé pour Saturne lors du dernier appel pour les missions M. La trajectoire d’une telle sonde pourrait l’amener auprès de Saturne, lui permettant au passage de lâcher un module de rentrée atmosphérique, avant d’arriver autour d’Uranus ou de Neptune et d’y larguer un second module de rentrée. Ces projets ambitieux ne pourront être menés que dans le cadre d’une coopération internationale étroite, qui n’est malheureusement pas évidente à mettre en œuvre compte tenu de la conjoncture géopolitique. (1) https://astrobiology.nasa.gov/news/nasanew-frontiers-program-ao-released/ (2) https://www.cosmos.esa.int/web/call-for-m5-missions/ (3) http://hera.lam.fr/wp-content/uploads/2016/10/Hera_M5.pdf

Olivier Mousis, de l’université Aix-Marseille, est un spécialiste de la formation et de l’évolution des systèmes planétaires. Il mène actuellement un projet de sonde de rentrée dans l’atmosphère de Saturne qui a été soumis à l’ESA. DR

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PLONGÉE DANS LE PETIT NUAGE DE MAGELLAN En produisant une image d’une définition hors norme, le télescope européen Vista décrypte l’histoire du Petit Nuage de Magellan. Il éclaire aussi sur la formation d’étoiles au sein de cette galaxie naine, satellite de notre Voie lactée.

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milliard ! Le chiffre est astronomique. C’est le nombre de pixels du portrait du Petit Nuage de Magellan obtenu par le télescope infrarouge Vista. Doté d’un miroir de 4 m, cet instrument européen est installé au Chili aux côtés du Very Large Telescope (VLT). Difficile de se représenter d’emblée le sens d’une telle définition. En fait, pour reproduire fidèlement la photo de cette galaxie naine voisine de la nôtre, il nous faudrait un magazine de plus de 4 x 4 m ! “Pour obtenir cette image, nous avons dû traiter près de 55 000 prises de vue ! C’était l’un des six grands programmes sélectionnés par l’Observatoire européen austral (ESO) pour Vista”, explique Maria Cioni, chercheuse à l’Institut d’astrophysique de Postdam. Le but de ce relevé était triple : “Nous voulions connaître l’histoire de la formation stellaire dans le Petit Nuage de Magellan, avoir une idée de sa structure en 3D, et enfin déterminer la vitesse de ce groupe d’étoiles”, précise Stefano Rubele, de l’université de Padoue. Jean-Luc Dauvergne

Cette vue du Petit Nuage de Magellan montre une barre irrégulière formée de jeunes étoiles bleues. Elle pointe dans la direction du Grand Nuage de Magellan. Ces deux galaxies naines, satellites de notre Voie lactée, sont reliées par un pont d’étoiles et de gaz. © ESO/Vista VMC

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DOUBLE-PAGE PRÉCÉDENTE Voici une zone du Petit Nuage de Magellan à pleine résolution. De nombreux amas stellaires sont visibles, ainsi que quelques nébuleuses. Ils montrent différentes étapes d’évolution des étoiles : les astres bleus sont les plus jeunes ; les rouges sont des étoiles dites carbonées, arrivées en fin de vie.

1 Prototype d’une jeune galaxie par sa petite taille, le Petit Nuage de Magellan est toujours le siège de formation d’étoiles, comme le montre la nébuleuse NGC 346. Celle-ci a fait l’objet d’une étude plus détaillée par le télescope spatial Hubble (image de droite). Elle est large de 200 années-lumière et compte plus de 2 500 jeunes astres !

Image originale

2 “Quelques amas d’étoiles de notre galaxie sont visibles dans ce champ, notamment le fameux amas globulaire 47 Toucan [zoom]. Au nord du Petit Nuage de Magellan, on distingue NGC 362, plus discret”, décrit Stefano Rubele. Celui-ci apparaît en haut du champ complet, un peu sur la gauche.

Image de la double-page précédente 2 1

3 Un zoom sur l’arrière-plan dévoile une multitude de galaxies sous la forme de points et de taches rouges. Leur lumière est décalée vers l’infrarouge à cause de l’expansion de l’Univers. “Avec cette profondeur d’observation, une galaxie telle que la nôtre serait visible jusqu’à une distance de 11 milliards d’années-lumière”, décrypte Stefano Rubele.

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4 Vista a dévoilé deux épisodes d’intense formation stellaire dans le Petit Nuage de Magellan, datant de 5 et 1,5 milliard d’années. “Le premier aurait été déclenché par les forces de gravitation du Grand Nuage de Magellan lors de la rencontre avec celui-ci, et le second, par le rapprochement avec la Voie lactée”, explique Stefano Rubele.

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Photos : © ESO/Vista VMC et Nasa/STSCI

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Image prise par Hubble


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Wu Ji, directeur du Centre chinois pour la science spatiale

“LA CHINE VEUT AVANT TOUT INNOVER” Les programmes spatiaux chinois, qu’ils soient habités ou automatiques, ne se limitent pas à une démonstration de force technologique. La science y occupe une place importante, ainsi que l’affirme Wu Ji, directeur des programmes scientifiques spatiaux en Chine.

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I

ngénieur en électronique spécialisé dans les télécommunications, Wu Ji a eu l’occasion lors de ses études d’être invité à l’ESA (Agence spatiale européenne) grâce à un programme de l’ONU. Ce passage à l’Estec (1) , aux Pays-Bas, orientera sa carrière vers l’espace. Après un nouveau séjour d’un an au Danemark, en postdoc, il revient en Chine et intègre le Centre national de la science spatiale, dont il prendra la tête en 1997. Ciel & Espace l’a rencontré lors de sa venue à Paris, au printemps, pour évoquer les objectifs des prochaines missions chinoises.

P. H. : Quel est le rôle du National Space Science Center, que vous dirigez ? Wu Ji : Nous sélectionnons les missions scientifiques et en assurons la conception jusqu’à leur lancement. Nous effectuons également le suivi des satellites et la transmission de leurs données aux responsables de mission (PI, principal investigators) et aux scientifiques. En général, nous dépassons les attentes des PI, avec des résultats bien meilleurs et l’observation de nouveaux phénomènes. Nous nous efforçons désormais de concevoir des familles de satellites. Une manière de procéder différente de ce qui a été fait avant 2011, où chaque satellite était construit indépendamment du suivant. Il n’y avait pas alors d’agence disposant des ressources humaines capables de diriger cela et de penser une série de missions.

P. H. : De nombreux projets chinois concernent la Lune. Fin 2017, la sonde Chang’e 5 va ainsi tenter de rapporter sur Terre des échantillons lunaires (2). Mais la Chine vise également Mars, avec l’annonce d’un rover sur la planète rouge en 2020, en même temps qu’Exomars (Europe) et Mars 2020 (États-Unis). Quelle sera cette mission scientifique ? W. J. : Une sonde en orbite, équipée d’instruments tels qu’un imageur, un spectromètre et un radar, étudiera le sol et le sous-sol de Mars. Un rover, alimenté par des panneaux solaires, complétera ces données au sol. Il sera également capable d’analyser la composition de la surface, mais sera dépourvu de foreuse. La plupart des instruments qui équiperont ces engins seront similaires à ceux que nous avons utilisés sur la Lune. Nous en attendons bien sûr quelques retours scientifiques, mais notre objectif pour cette première mission martienne est avant tout technologique : nous voulons tester si nous pouvons aller là-bas et nous y poser. P. H. : Quelle sera l’autonomie de ce rover martien ? W. J. : Il disposera d’un système de navigation assez perfectionné. Deux caméras fourniront des images stéréo afin de déterminer le meilleur chemin. Ce système a parfaitement fonctionné pour la mission Chang’e 3 [qui s’est posé sur la Lune en décembre 2013, NDLR]. Si notre rover lunaire

s’est bloqué après avoir parcouru une centaine de mètres, c’est à cause d’un problème mécanique.

A. C. : Quel est l’accueil du public en Chine pour ces projets spatiaux ? W. J. : Les jeunes veulent que nous innovions. De plus en plus de gens souhaitent des “premières”, alors qu’il y a dix ou vingt ans, ils auraient été déjà très fiers de seulement refaire ce que les Européens ou les Américains avaient réussi. Mais le développement technique et scientifique de notre pays n’était pas aussi élevé que maintenant. Aujourd’hui, c’est différent. Nous avons en Chine la plus large utilisation des smartphones, une grande partie de la population se sert d’Internet, etc. Par conséquent, la jeunesse ne se satisfait plus de répéter, d’être deuxième ou troisième, et le gouvernement central demande des missions qui répondent à cette attente. Mais les gens de l’industrie veulent aussi garantir leurs chances de succès. Il faut donc combiner ces deux aspirations du mieux possible. A. C. : Dans ce contexte, quelle est la place pour une coopération avec l’Europe ? Ou même avec les États-Unis ? W. J. : La Chine est très ouverte. Il n’y a pas d’obstacle à coopérer, avec qui que ce soit. Dans le cas des États-Unis, le blocage est de leur côté… Mais nous pouvons tout faire nous-mêmes. Les Européens, en revanche, sont très ouverts et notre collaboration est active. Nous prenons en compte les objectifs des deux parties et cela va nous aider à faire mieux les choses, à ne pas être trop conservateurs. C’est la meilleure façon d’arriver à des résultats scientifiques. Nous sommes donc très heureux d’avoir

La Chine a un ambitieux programme de science spatiale. Et elle est ouverte aux collaborations internationales. Wu Ji, qui dirige les projets scientifiques, annonce même qu’il est temps pour l’Europe, en tant que partenaire, de proposer de nouvelles missions d’exploration planétaire, mais aussi d’astronomie. © A. Cirou/C&E

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des projets communs avec l’Europe, de Double Star [mission chinoise d’étude de la magnétosphère terrestre] à Smile [observation du Soleil].

Pour la Chine, ce n’est pas un problème de financement. Nous sélectionnons des missions et nous voulons les meilleures. Et si nous avons davantage de bonnes missions, probablement le gouvernement donnera plus d’argent. Les investissements en recherche et développement augmentent au moins autant que le PIB, de 6,5 %. Nous avons ainsi calculé que, si le coût des satellites n’augmente pas, nous aurions en 2030 quinze à vingt satellites à lancer. Nous avons donc besoin de nouvelles idées, de propositions. Nos projections de financement sont en hausse : nous disposerons alors du triple d’aujourd’hui.

A. C. : La Chine a publié son livre blanc dans le domaine spatial, qui décrit les objectifs à long terme. Avez-vous une latitude pour développer des choses différentes ? W. J. : Le livre blanc couvre tous les domaines : télécommunications, navigation, vols habités… C’est très large. Mais en matière de science, il en dit peu. Il y a un consensus pour avoir des missions scientifiques meilleures. Ce dont nous avons besoin, c’est d’avoir de bonnes propositions, de sélectionner de bons projets, et ne pas refaire ce que les autres ont déjà fait, sur la Lune ou sur Mars. Ainsi, Chang’e 4 [lancée après Chang’e 5, NDLR] devrait se poser sur la face cachée de la Lune, ce qui est une première ! La charge utile est similaire à celle de Chang’e 3, même si une partie sera nouvelle. Mais elle enverra un message aux jeunes, qui les inspirera. P. H. : La Chine a un solide programme de vols habités. Y a-t-il 40

Le président Xi Jinping place la science en tête des priorités du programme spatial chinois des objectifs scientifiques sur la station que vous construisez ? W. J. : Jusqu’à maintenant, l’essentiel de notre effort dans ce domaine a porté sur l’ingénierie : combien d’astronautes pouvonsnous envoyer dans l’espace ? Combien de temps peuventils y séjourner ? Comment pouvons-nous les transporter et les ramener en toute sécurité ? Pouvons-nous réussir des amarrages ? Peuvent-ils réaliser des sorties extravéhiculaires ? Avec la base spatiale Tiagong 2, que nous avons lancée en septembre 2016, c’est la première fois que nous avons mené quarante expériences. Nous passons de la construction aux applications. Jusqu’à ce que la station chinoise

soit terminée, ce qui courra grossièrement de 2022 à 2032, il y aura au moins 70 lancements de charge utile et de retours sur Terre. C’est donc le moment adéquat pour proposer des expériences à emporter à bord. Fabriquer de nouveaux matériaux ou réaliser des études inédites…

P. H. : En matière de vols habités, y a-t-il de la place pour une collaboration internationale ? Par exemple avec l’ESA ? W. J. : Bien sûr, l’ESA peut nous offrir l’occasion d’aller dans l’ISS. D’abord des instruments, puis des astronautes. Il y a des négociations intensives. P. H. : En novembre 2016, les astronautes chinois Jing Haipeng et

La face cachée de la Lune, avec la Terre en arrière-plan, photographiée par la sonde Chang’e 5T. La Chine compte bien être la première à explorer cet hémisphère encore vierge de notre satellite naturel. © CNSA


Chen Dong ont salué depuis l’espace le Français Thomas Pesquet. L’un d’eux a dit : “J’espère effectuer un vol commun avec un astronaute européen dans un futur proche.” Cela signifie-t-il qu’il y a une chance de voir un Européen embarquer dans un vaisseau Shenzhou et séjourner dans la station orbitale chinoise ? W. J. : Je suis très confiant là-dessus ! Mais les Européens ne paieront pas pour voler sur les vaisseaux chinois ; cela sera une collaboration scientifique sous forme d’échanges. Des discussions dans ce sens sont en cours entre la direction des vols habités de l’ESA et son homologue chinoise, afin que les astronautes européens débutent l’entraînement nécessaire. P. H. : Un “village lunaire” est l’un des projets proposés par le directeur de l’ESA Jan Woerner. Est-ce que la Chine est intéressée par une telle collaboration internationale autour de l’exploration lunaire ? W. J. : Cela dépend vraiment de l’objectif. Dans quel but construire un village ensemble sur la Lune ? Pourquoi devrions-nous atterrir au même endroit ? Allons-nous payer une “maison” ensemble ? Ou bien allons-nous mener des activités scientifiques communes ? Tout cela doit être défini. Si nous y trouvons un intérêt, alors nous pourrions envisager un tel projet. Le programme lunaire chinois est tourné vers la science et les jeunes, pour montrer que l’on peut faire quelque chose de nouveau là-bas. Donc s’associer pour se poser au même endroit, même avec des atterrisseurs automatiques, demande réflexion.

A. C. : Ce n’est pas une course, mais quand pensez-vous que nous verrons un Chinois sur la Lune ? W. J. : En effet, nous ne considérons pas cela comme une course. Être juste les premiers n’est pas notre motivation. Ce qui nous intéresse, c’est de faire les choses confortablement, d’avoir nos propres buts et de les atteindre à notre rythme. Il peut être dangereux de se hâter. Ce n’est pas un jeu. C’est du travail d’ingénieur et vous devez être sûrs à 100 % avant d’envoyer des astronautes là-bas. Bien sûr, cela est très motivant pour les jeunes, mais vous devez penser à un développement durable en la matière, savoir ce que vous allez faire plus tard. Et si vous arrêtez tout développement technologique pour envoyer des gens sur la Lune, c’est inefficace. Donc on a besoin d’avoir un développement confortable. P. H. : À propos de l’atterrissage sur la Lune, pouvez-vous nous en dire plus sur l’architecture d’une telle mission ? W. J. : Je ne participe pas au design de la mission, mais je peux cependant noter que l’intérêt en Chine sera très réduit si nous contentons de copier ce qui a été accompli par les Américains voici soixante ans. Les jeunes générations n’en seront pas satisfaites. Personne ne sera heureux de reproduire ce qu’Apollo a déjà réalisé dans les années 1960. A. C. : Quelle est la place de la Terre, dans le programme spatial ? Notamment, en ce qui concerne le changement climatique ? W. J. : Plusieurs propositions visent à étudier la Terre comme un système. Par exemple, nous

avons un projet de mission qui s’appelle Observatoire du cycle de l’eau, car celle-ci suit un parcours tout autour de la planète, dans l’atmosphère, dans les rivières, etc. C’est un système. Actuellement, il n’y en a pas de bonne modélisation. Et cela, parce que nos données ne sont pas complètes. La Nasa a un satellite qui observe les précipitations, l’ESA en a un qui mesure l’humidité du sol, mais plusieurs paramètres manquent encore. Notre mission vise donc à combler ces vides pour pouvoir établir un nouveau modèle du cycle de l’eau. Mais ce n’est qu’un aspect de l’observation de la Terre. Ces questions sont très importantes pour le changement climatique.

A. C. : Le président chinois Xi Jinping est un grand supporter du programme spatial ? W. J. : Oui ! Dans son discours le 30 mai 2016, au cours d’un congrès, il a dit en substance que l’espace était vaste et que nous devions promouvoir la science spatiale, la technologie spatiale et les applications spatiales, tous ensemble. Si vous regardez le livre blanc précédent, l’ordre n’était pas le même : la technologie et les applications spatiales passaient devant la science. Là, le président Xi Jinping a placé celle-ci en premier. Nous en sommes très heureux : cela indique qu’il aime les nouvelles choses et les découvertes, toutes les contributions à l’augmentation de la connaissance humaine. Propos recueillis par Alain Cirou et Philippe Henarejos

(1) Centre européen de technologie spatiale. (2) Son site d’atterrissage a été choisi le 7 juin. Change’5 se posera dans l’océan des Tempêtes, au nord des monts Rümker.

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C’est la plus intuitive des forces de la nature. Celle qui fait tomber le ballon au sol, celle qui fait tourner la Terre autour du Soleil. La gravitation est aussi la moins bien cernée : qu’elle soit formulée par Newton ou par Einstein, elle ne parvient pas à expliquer toutes les observations astronomiques.

gravitation l a f o r c e m ag i q u e


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n 1918, l’article “Uber gravitationswellen” ne fait pas grand bruit. Il est pourtant signé de la plume d’Albert Einstein. Le physicien y prédit un effet de sa théorie de la relativité générale sur la gravitation, publiée en 1915 : en se déplaçant dans la trame du cosmos, appelée l’espace-temps, toute masse — planète, galaxie — doit générer des ondes, un peu à la manière d’un caillou qui, jeté dans une mare, y dessine des vagues concentriques. Durant les décennies suivantes, plusieurs générations de physiciens s’évertueront à capter ces fameuses ondes gravitationnelles, censées faire frémir l’espace-temps sur leur passage à la vitesse de la lumière. Mais cette houle cosmique est si faible, et les instruments disponibles si peu précis que la pêche est infructueuse. Jusqu’à ce que… Le 14 septembre 2015, à 9 h 50 TU, l’observatoire américain Ligo, tout juste entré en service et extrêmement sensible, intercepte la vague tant attendue. Elle est produite par un phénomène ultraviolent : la fusion de deux trous noirs de 29 et 36 masses solaires. Suivront deux autres détections de ces vibrations d’espace-temps : l’une le 15 juin 2016, l’autre le 4 janvier 2017, annoncée début juin. La découverte de ces ondes gravitationnelles est la preuve observationnelle la plus éclatante de la gravitation selon Einstein. D’un tel succès, on serait tenté de conclure que la force qui nous cloue à la Terre en même temps qu’elle fait tourner celle-ci autour du Soleil n’a plus de secrets à livrer, que la gravité est une affaire classée. C’est tout le contraire. Des quatre interactions fondamentales, la gravité est de loin la moins bien cernée. Vilain petit canard de la physique, elle cadre mal avec les trois autres forces (la force électromagnétique et les forces nucléaires faible et forte) et peine à expliquer plusieurs phénomènes astronomiques observés tout au long du XXe siècle. La gravité donne aux physiciens tant de fil à retordre qu’ils envisagent de plus en plus de revoir leur copie à son sujet, inventant au passage une toute nouvelle physique. Ce ne serait pas la première fois de l’histoire. 1665. Louis XIV règne sur la France, Molière vient de faire jouer son Don Juan et Le Nôtre dessine le parc du château de Versailles. En sciences, deux théories sur le mouvement des corps cohabitent. D’un côté, celle de Galilée qui décrit la chute des objets dans le monde terrestre, de l’autre celles de Johannes Kepler, qui prédit l’orbite des planètes dans le monde céleste. Un jeune physicien anglais va se charger de les unifier. Que ce soit ou non après avoir reçu une pomme sur la tête,

Par quel lien magique les corps sont-ils attirés entre eux ? Il n’y a pas de lien magique, répond Einstein : les corps suivent les déformations induites par la matière sur la trame de l’espace-temps. © C&E

Isaac Newton fait cette expérience de pensée déterminante : lancé avec peu de poudre, donc peu de vitesse, un boulet de canon va retomber à quelques centaines de mètres, selon les lois de Galilée. Si l’on ajoute de la poudre et qu’on le catapulte plus vite, il va retomber plus loin, toujours selon la théorie terrestre de l’astronome italien. Mais s’il était possible d’augmenter à volonté la vitesse du jet, le canon finirait par ne plus retomber et par se satelliser autour de la Terre, exactement comme la Lune, cette fois, selon les lois de Kepler. Newton comprend ainsi que c’est le même mécanisme qui fait tomber la pomme sur sa tête et qui fait tourner la Lune tourne autour de la Terre, selon un phénomène d’attraction mutuelle qu’il nomme la gravitation. C’est une révolution que le physicien met vingt ans à formaliser en équations. “L’intensité de la force d’attraction entre deux corps est proportionnelle au produit de leurs masses et inversement proportionnelle au carré de leur distance mutuelle”, énonce-t-il en 1687 dans ses Principes mathématiques de la philosophie naturelle. Les prédictions qui en découlent sont si puissantes et précises que c’est encore aux Principia, ce livre de physique vieux de trois siècles que les agences spatiales se réfèrent pour lancer des fusées, calculer la trajectoire d’un vaisseau dans le Système solaire ou faire atterrir une sonde sur Mars. À la fin du XVIIe siècle, Newton fait l’admiration de ses pairs. Sa mécanique est impeccable. À quelques grains de sable près. La nouvelle loi de la gravitation permet de rendre compte de toutes les observations de la mécanique céleste, sauf une : le périhélie de Mercure (point où la planète est le plus proche du Soleil) s’obstine à être en avance par rapport aux prédictions du grimoire. C’est sans doute qu’une planète inconnue perturbe son orbite, s’empresse-t-on de conclure à l’époque, tant la gravitation signée Newton semble infaillible. Mais les efforts pour la débusquer sont vains : la planète fantôme, baptisée Vulcain, reste introuvable. Autre tracas : la gravitation n’explique pas pourquoi les corps s’attirent entre eux, si ce n’est pas une sorte de lien magique. “Newton, qui était un fervent croyant, s’en remettait à Dieu pour les éléments qu’il ne comprenait pas. Mais cette notion d’action instantanée à distance l’ennuyait quand même, et il a longtemps cherché à la comprendre”, raconte David Elbaz, astrophysicien au CEA. Elle devient plus embarrassante encore quand les physiciens comprennent que la lumière ne voyage pas instantanément, mais qu’elle a une


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Grâce à Einstein, plus besoin d’une neuvième planète, baptisée Vucain, pour expliquer le mouvement de Mercure. DR

La fusée accélère dans l’espace

© C&E

La fusée est immobile sur la Terre

Pour formuler sa version de la gravitation, Einstein se base sur le principe d’équivalence : à l’intérieur d’une fusée, il est impossible de savoir si la fusée est attirée par le champ de gravité de la Terre ou si elle accélère dans l’espace. Accélération et gravité sont donc équivalentes. La fusée accélère dans l’espace

© C&E

La fusée est immobile sur la Terre

Si un rayon de lumière pénètre par le hublot d’une fusée qui accélère, il est dévié à mesure que la fusée avance. Puisque gravité et accélération sont équivalentes, Einstein en déduit que la gravité dévie les rayons lumineux, car ces derniers suivent les déformations de l’espace-temps.

vitesse finie (300 000 km/s), qu’ils mesurent assez précisément à la fin du XIXe siècle. C’est la première crise de la gravitation. Et c’est Einstein qui va la résoudre. Il comprend qu’en l’état, elle est incomplète et cherche donc une nouvelle voie. Après avoir eu ce qu’il qualifie lui-même de “l’idée la plus heureuse de sa vie” — l’expérience de pensée dite de l’ascenseur dans le vide astral (voir ci-contre) —, il comprend que le cosmos est constitué d’une sorte de trame, l’espace-temps, qui se courbe au gré des masses qui le constituent. “Ce sont ces courbures qui dictent leur trajectoire à la lumière et à la matière, résume David Elbaz. La Lune n’est pas attirée par la Terre par un lien magique, mais parce qu’elle suit la déformation de l’espace-temps induite par la présence de la Terre.” Plus besoin de chercher une planète Vulcain : la nouvelle théorie de la gravitation explique à merveille le comportement de Mercure. “La gravitation de Newton fonctionne parfaitement dans quasiment tous les cas de figure. C’est pour cela que l’on continue à l’utiliser pour lancer des fusées. Mais elle ne marche plus quand le champ de gravité est très intense, explique Carlo Rovelli, du centre de physique théorique de l’université de Marseille. C’est typiquement le cas de Mercure qui, tout proche du Soleil, “ressent” bien plus que les autres planètes, son influence gravitationnelle”. La relativité générale n’a donc pas remplacé la gravitation selon Newton, elle l’a complétée. De façon spectaculaire : “Un très grand nombre d’observations réalisées au XXe siècle sont inscrites dans les équations d’Einstein, poursuit le chercheur. Les ondes gravitationnelles bien sûr, mais aussi les trous noirs, l’expansion de l’Univers... Tout est dans la théorie d’Einstein !” Enfin presque. “Cette théorie, il faudra la modifier afin de tenir compte des quantas”, écrit Einstein lui-même, dès 1916. En même temps que le physicien allemand révolutionne le monde de l’infiniment grand, d’autres révolutionnent celui de l’infiniment petit. Entre autres, Max Planck, Niels Bohr, Louis de Broglie, Werner Heinsenberg, Ernest Schrödinger bâtissent peu à peu une vaste théorie pour expliquer le comportement des particules : la mécanique quantique. Totalement contre-intuitive, elle fait néanmoins, au fil des tests observationnels, la preuve de sa robustesse. Problème : la gravitation d’Einstein est incompatible avec cette nouvelle physique qui rend compte des trois autres interactions fondamentales. Tentez d’utiliser la gravité d’Einstein dans le monde des quantas : vos équations n’auront plus ni queue ni tête. Dès la fin des années 1920, la relativité générale apparaît donc déjà comme une théorie, certes brillante, mais incomplète. “On aurait pu se satisfaire de cette cohabitation. D’un côté la relativité générale, pour l’infiniment grand ; de l’autre, la mécanique


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quantique, pour l’infiniment petit, admet David Elbaz. Mais au gré des nouvelles découvertes du XXe siècle, les physiciens ont eu de plus en plus besoin de les marier.” À la fin des années 1920, ils obtiennent la preuve que l’Univers est en expansion grâce aux travaux d’Edwin Hubble, qui observe que plus une galaxie est lointaine, plus elle s’éloigne de nous rapidement. Le Belge Georges Lemaître, qui avait déjà formulé l’hypothèse de l’expansion cosmique une décennie auparavant, suggère que si l’Univers est en expansion, c’est qu’il a d’abord été très petit et très dense. Bref, qu’il a commencé par une sorte d’atome primitif, ou un “big bang” selon l’expression railleuse de l’astronome britannique Fred Hoyle, dans les années 1960. “Or, pour comprendre ce qui s’est passé dans les tout premiers instants de l’Univers, quand il était extrêmement petit et dense, donc qu’il comportait un champ de gravité intense, nous avons besoin d’utiliser la gravité dans le monde des quantas, explique Carlo Rovelli. Car la théorie d’Einstein nous mène à ce que l’on appelle une singularité, où la densité d’énergie tend vers l’infini : c’est une aberration mathématique qui nous empêche d’aller plus loin.” Même écueil pour les trous noirs. Dès 1970, les preuves de leur existence s’accumulent. Mais les astronomes se sont heurtés au même obstacle quand ils ont voulu sonder leur cœur, lui aussi extrêmement dense. Depuis plusieurs décennies, ils tentent donc de mettre au point une gravité quantique et de se débarrasser enfin

de cette satanée singularité. “En relativité générale, l’espace est divisible à l’infini : telle portion peut être divisée en deux autres portions, chacune pouvant encore être divisée en deux, et ainsi de suite. C’est cette propriété qui, transposée dans le monde des quantas, fait tendre les équations vers l’infini, vers une singularité, explique David Elbaz. Pour s’en débarrasser, il faut donc supposer qu’il existe un seuil au-delà duquel on ne peut plus diviser l’espace.” C’est précisément l’approche choisie par les architectes de la théorie des cordes et leurs concurrents, ceux de la gravité quantique à boucles. Les premiers stipulent que les plus petits composants de la matière ne sont pas infiniment petits et ponctuels. Il s’agit de cordes de taille certes minuscule, mais finie (10 –35 m). Un peu comme la vibration d’une corde de guitare définit une note, la vibration d’une corde quantique définit la nature d’une particule. Dès les années 1970, la théorie des cordes, dont les équations impliquent un monde fascinant à 11 dimensions, suscite l’engouement. Des centaines de physiciens à travers le monde embrassent une carrière de cordiste, des centaines de millions de dollars sont dépensés. Mais quarante ans plus tard, les cordes ne sont toujours pas parvenues à accoucher d’une gravitation quantique satisfaisante. Sur la piste alternative, entre-temps, les boucles ont fait du chemin. Formulée en 1988 notamment par Carlo

Au cœur des trous noirs, extrêmement petit et dense, le monde de l’infiniment petit rencontre le monde de l’infiniment grand. Pour décrire ce qui s’y déroule, il faut utiliser la mécanique quantique et la relativité générale. Problème : ces deux théories sont incompatibles… © Chris Motor-Dawbekt


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Rovelli, la théorie quantique à boucles s’affranchit de la singularité en suggérant que c’est non plus la matière, mais l’espace-temps lui-même qui ne peut pas être divisé à l’infini. Il existerait ainsi des “grains” élémentaires d’espace, eux aussi d’environ 10–35 m. Cet espace granulaire serait constitué d’une multitude de lignes d’espace-temps qui se referment sur elles-mêmes, formant des boucles. Et tout comme les cordes, ces boucles impliquent une fascinante physique : dans la théorie, le big bang est remplacé par le big bounce, ou grand rebond. “Ce qui signifie qu’après une phase de contraction, l’Univers a rebondi pour entrer en expansion, explique Carlo Rovelli. Ce serait ce rebond que nous prenons pour l’origine de notre Univers, notre big bang.” Un temps boudées au profit des séduisantes cordes, les boucles font de plus en plus d’émules. “Mes amis cordistes sont beaucoup moins arrogants avec moi qu’auparavant, plaisante Carlo Rovelli. Et de plus en plus de jeunes étudiants veulent travailler sur les boucles.” Considérée aujourd’hui comme une bonne candidate à la gravitation quantique, la théorie doit néanmoins encore être validée par l’observation. “L’une des prédictions de la théorie des boucles est que des mini-trous noirs, formés dans l’Univers primordial, peuvent exploser, explique Carlo Rovelli. Ces explosions devraient produire des rayonnements très puis-

Et si l’Univers avait commencé par un “grand rebond” (big bounce) ? Après une phase de contraction, il aurait rebondi et serait entré en expansion. C’est ce que suggère la théorie quantique à boucles, aujourd’hui à l’étude. © Luca Pozzi

sants et très brefs que nous pourrions capter. Or, justement, nous avons détecté ces dernières années plusieurs signaux qui ne durent que quelques millisecondes. Vu leur puissance, ces Fast Radio Burst (FRB) semblent témoigner de phénomènes extrêmement violents.” Sont-ils la preuve de la validité de la théorie des boucles ? Pas si vite. Début 2017, l’origine de FRB 121 102, l’un des dix-sept FRB détectés à ce jour, a été identifiée : il émane d’une galaxie naine située à 3 milliards d’années-lumière de la Terre. Certes, seize autres FRB restent à ausculter, et il y a un autre espoir. Il se pourrait que le grand rebond prévu par la théorie ait laissé son empreinte sur la toute première lumière émise par l’Univers, appelée le fond diffus cosmologique. Extrêmement ténue, cette empreinte pourrait être à la portée des successeurs du satellite Planck, beaucoup plus sensibles que lui, comme Core et Pixie, à l’étude respectivement à l’ESA et à la Nasa, et LiteBird, présélectionné par l’agence japonaise Jaxa. Mais admettons qu’un superPlanck valide l’hypothèse des boucles. La gravitation ne serait pas tirée d’affaire pour autant. Car les physiciens devront encore trouver une solution à la plus troublante de leurs observations : la matière noire. Au début des années 1930, le Suisse Fritz Zwicky découvre que les galaxies contenues dans l’amas de Coma sont dix fois


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plus rapides que prévu par la gravitation. Il en déduit que l’amas est bien plus massif que sa matière visible ne le laisse paraître et qu’il doit contenir une matière noire, invisible. L’hypothèse, pourtant visionnaire, est un temps oubliée. Mais quarante ans plus tard, rebelote : l’Américaine Vera Rubin constate que, dans les galaxies, la vitesse de rotation des étoiles ne décroît pas comme le prédit la gravitation à mesure qu’on s’éloigne du centre, un peu comme si, autour de ces galaxies, un immense halo de matière invisible accélérait les étoiles périphériques. Ou comme s’il fallait récrire les lois de la physique ? Même si elle échoue dans le monde quantique, la gravitation à la sauce Newton ou Einstein marche si bien à l’échelle du cosmos que peu de voix s’élèvent pour la remettre en question. L’étrange matière noire s’impose donc peu à peu comme une réalité : elle composerait 85 % de la matière de l’Univers (1). Mais de quoi peut-elle bien être composée ? On pense d’abord qu’il s’agit de toute une population d’étoiles ratées, aussi appelées naines brunes, trop froides pour être lumineuses et repérables. Mais faute de preuve, la piste est écartée. Tout comme celle, envisagée un temps, des neutrinos, ces particules élémentaires de masse quasi nulle. À la fin des années 1980, les physiciens se tournent alors vers l’exotisme : la supersymétrie, une théorie alternative du modèle standard de la physique des particules (2) prédit l’existence des Wimps (3).

Aussi appelé neutralino, cette entité hypothétique possède toutes les caractéristiques pour expliquer la matière noire. Si, dès les années 1980, quelques chercheurs isolés suggèrent qu’il faut modifier les lois de la gravité pour rendre compte de l’étrange comportement des étoiles dans les galaxies, et des galaxies dans les amas, la plupart choisissent de se lancer dans une très ambitieuse chasse aux Wimps. Comme leur nom l’indique, les Wimps interagissent extrêmement peu avec la matière normale. Pour espérer capter le signal produit par la collision entre un Wimp et une particule de matière ordinaire, ils mettent au point des détecteurs ultrasensibles, enfouis à des centaines de kilomètres sous terre, à l’abri de tout signal parasite qui pourrait fausser les résultats. En parallèle, ils construisent le LHC, la plus grande machine jamais construite par l’homme, dans le but de créer de toute pièce des Wimps, mais aussi de prouver la validité de la supersymétrie. Ce, via des collisions ultrapuissantes entre particules. Quarante années de quête, des milliards d’euros dépensés et… 0 Wimp capturée. Aucune preuve de supersymétrie. Mais puisque absence de preuve n’est pas preuve d’absence, beaucoup persévèrent. Des détecteurs de plus en plus gros (donc de plus en plus sensibles) sont mis au point. En Italie, dans le tunnel du Gran Sasso, à 1400 m sous terre, le détecteur Xenon1T, qui contient une tonne de xénon, a été mis en service fin 2016 (voir p. 22). Dès 2019, une version 8 tonnes prendra son relais. Au laboratoire Snolab, enfoui à 2 000 m sous terre dans une mine de nickel en Ontario, Deap 3600, qui contient 3 600 kg d’argon, tout juste opérationnel, sera bientôt remplacé par Deap 50T contenant lui 50 tonnes d’argon. Aux États-Unis, LUX-Zeplin et ses 7 tonnes d’argon entreront en service en 2020. Côté accélérateurs de particules, on envisage aussi la suite : un LHC 2, qui passerait sous le lac Léman est d’ores et déjà à l’étude, tandis que les Chinois doivent entamer la construction d’un collisionneur d’environ 80 km de circonférence (contre 27 pour l’actuel LHC). Pendant ce temps-là, une autre partie de la communauté, de moins en moins isolée, estime que la vérité est ailleurs. Et qu’en dépit de ses nombreuses preuves observationnelles, en dépit du triomphe des ondes gravitationnelles, la gravitation, même celle qui agit à grande échelle, doit être réécrite. Une fois encore. (1) Soit 26 % du contenu de l’Univers (énergie + matière). (2) Le modèle standard stipule que l’Univers est fait de douze constituants de base (appelées particules) gouvernées par quatre interactions fondamentales : les forces nucléaires forte et faible, la force électro-magnétique et la gravitation. (3) Weakly Interacting Massive Particles : particules massives interagissant faiblement.


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DEUX THÉORIES POUR LA GRAVITATION Qu’est-ce que la gravitation ? Après que Johannes Kepler eut décrit le mouvement des corps célestes, il a fallu les expliquer. Isaac Newton, en 1687, puis Albert Einstein, en 1915, ont tour à tour exposé leur théorie de la gravitation. Les deux sont toujours utilisées aujourd’hui, même si leur nature est différente.

SELON NEWTON Les astres (étoiles, planètes…) exercent une force à distance, à travers l’espace, sur les autres corps célestes. Cette force est proportionnelle à la masse. Autrement dit, une étoile très massive comme le Soleil aura une force d’attraction bien plus importante qu’une petite planète comme la Terre.

La Lune tombe sur la Terre. Mais comme elle est animée d’un mouvement propre qui s’oppose à la force d’attraction que la Terre exerce sur elle, elle reste toujours à la même distance. Bref, elle tourne autour de la Terre, elle est satellisée autour de la Terre.

Grâce à sa masse qui est immense, la Terre attire la pomme. Quand le fruit se détache de l’arbre, il tombe donc à la verticale vers le centre de la Terre.

En rose un boulet* lancé par un canon est lui aussi attiré par la Terre. Mais sa vitesse insuffisante ne contre qu’en partie cette attraction. Du coup, il finit par tomber, mais un peu plus loin et non à la verticale à la sortie du canon.

Pour les cas de la pomme, de l’obus et de la Lune, les deux théories de la gravitation,

En jaune un boulet lancé avec une vitesse suffisante tourne indéfiniment autour de la Terre. Il est certes attiré par la planète, mais sa vitesse contre exactement cette attraction et lui permet de rester à la même hauteur. Il est satellisé.

En bleu un boulet lancé par le canon à une vitesse encore plus importante va voir sa course infléchie, mais pas assez pour rester sur orbite autour de la Terre. Il va donc échapper à la force d’attraction de la planète (qui de plus, diminue quand on s’en éloigne).

La force d’attraction universelle de Newton est liée à la masse de chaque objet, mais elle a un côté “magique”, ou “fil invisible” dans le sens où elle n’est véhiculée par aucune particule.

LA LIMITE DE LA LOI DE NEWTON Cette loi fonctionne très bien pour décrire le mouvement de la plupart des planètes ou des astéroïdes. Neptune a d’ailleurs été découverte ainsi, d’après les irrégularités du mouvement d’Uranus. Les agences spatiales l’utilisent pour le pilotage de leurs vaisseaux spatiaux, autour de la Terre, de la Lune ou près des autres planètes. Mais cette loi a montré sa limite dans les cas de forts champs de gravité, comme à proximité du Soleil.

Selon Newton, le mouvement du périhélie de Mercure impliquait l’attraction d’une planète entre Mercure et le Soleil. Mais il n’y en a pas… Problème.

Mercure

Planète ?

Vénus


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SELON EINSTEIN Dans l’Univers d’Einstein, les astres n’exercent pas de force à travers l’espace ; ils font partie de l’espace-temps et déforment celui-ci par leur masse et leur mouvement. Ainsi, une planète contracte l’espace qui se trouve autour d’elle et si un objet se déplaçant en ligne droite passe dans cette partie déformée, il va être dévié, voire attiré par la planète. Il n’y a plus de force d’attraction au sens strict, mais des déformations de l’espace.

celle de Newton et celle d’Einstein, décrivent correctement ce que l’on observe.

La Lune reste en orbite autour de la Terre parce que son mouvement propre — sa vitesse — est assez fort pour ne pas tomber dans la déformation de l’espace importante produite par la Terre autour d’elle. Elle aussi déforme l’espace autour d’elle, mais dans une moindre proportion parce qu’elle est moins massive.

La Terre déforme l’espace autour d’elle, si bien qu’une pomme sans mouvement, en se détachant simplement d’un arbre, suit la trajectoire la plus directe vers le centre de la déformation (le centre de la Terre) : autrement dit, elle tombe en ligne droite.

Un boulet lancé par un canon à faible vitesse va suivre une trajectoire indirecte vers le centre de la déformation de l’espace créée par la Terre. Il va donc tomber, mais à une certaine distance du canon.

Un boulet lancé à une vitesse suffisante pour qu’il ne chute pas dans la déformation spatiotemporelle créée par la Terre va continuer indéfiniment à circuler en bordure de celle-ci. Autrement dit, il reste sur orbite autour de la Terre.

Si un canon propulse un boulet avec une vitesse très importante, ce dernier va un temps voir sa trajectoire infléchie par la déformation de l’espace provoquée par la Terre, puis il quittera la zone déformée et poursuivra sa course en ligne droite. Il échappe au champ gravitationnel de la Terre.

LE SUCCÈS D’EINSTEIN À proximité du Soleil, la déformation de l’espace-temps est si forte que le mouvement de Mercure n’obéit plus à la loi de Newton. En revanche, la relativité générale décrit très bien ce champ gravitationnel très intense et permet de prédire le mouvement du périhélie de la planète. La gravitation selon Einstein est confirmée par plusieurs observations astronomiques : arcs gravitationnels et ondes gravitationnelles. Les scientifiques veulent maintenant chercher ses limites dans les champs gravitationnels très forts, comme aux abords des trous noirs.

* Remarque : dans l’expérience du boulet de canon, on suppose l’absence totale d’atmosphère, donc de frottement de nature à freiner le projectile.


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L’ATTRAIT DES PISTES ALTERNATIVES

“L

es Wimps, c’est quasi mort ! rapporte Carlo Rovelli, catégorique. C’était la piste la plus suivie durant plusieurs décennies pour déterminer la nature de la matière noire. Mais, en dépit des efforts déployés, force est de constater que l’on n’a ni trouvé ces fameux Wimps [acronyme de Weakly Interacting Mass Particles, ou neutralino, NDLR] ni validé la théorie qui prédit leur existence : la supersymétrie. L’un des objectifs affichés du LHC (1) était en effet de détecter des particules supersymétriques, ce qu’il n’a pas réussi à faire, à ce jour.” Dans ce contexte, les voix discordantes d’hier ont soudain plus de résonance. Par exemple, celle de l’Israélien Mordehai Milgrom. En 1983, il suggère qu’au lieu d’ajouter de la matière invisible pour expliquer le comportement inattendu des étoiles dans les galaxies, il suffit de modifier les lois de la gravitation. Celle de Newton, en l’occurrence puisque, à l’échelle d’une galaxie, le champ de gravité est relativement faible. Sa théorie Mond (pour Modified Newton Dynamics) suggère que la gravité est plus intense qu’on ne le pense, qu’elle ne décroît pas aussi vite avec la distance que ce que disait Newton, “comme si elle refusait de tendre vers 0”, précise David Elbaz. Ce qui expliquerait pourquoi dans une galaxie, les étoiles périphériques, situées loin du centre ultramassif, ne tournent pas beaucoup moins vite que les étoiles internes. “Il faut reconnaître que Mond marche plutôt bien ! C’est simple, la théorie explique la courbe de rotation de toutes les galaxies, mieux d’ailleurs que ne le fait la matière noire”, estime Françoise Combes, spécialiste de l’évolution des galaxies à l’observatoire de Paris-Meudon. “La non-détection de particules de matière noire a un effet psychologique certain : davantage de chercheurs se tournent vers des théories alternatives, dont Mond, nous

Selon les lois de la gravitation, les étoiles situées à la périphérie des galaxies devraient tourner beaucoup moins vite que celles du centre, un peu comme Mercure tourne plus vite autour du Soleil que ne le fait Neptune. Pourtant ce n’est pas ce que l’on observe. Certains chercheurs suggèrent que la gravité est un peu plus “forte” qu’on ne le pense… © Nasa/ESA/C&E


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avait confié Mordehai Milgrom fin 2015 (voir C&E n° 545). Désormais, à travers la planète, plusieurs dizaines d’entre eux travaillent sur cette théorie.” Stacy McGaugh, de l’université de Cleveland (Ohio), un ancien apôtre de l’existence de la matière noire, en fait partie. Avec son équipe, il a scruté 153 galaxies spirales — semblables à la Voie lactée — et irrégulières, établissant pour chacune d’entre elles une carte d’une précision sans précédent de la matière normale, aussi appelée matière baryonique. Le chercheur a bel et bien observé une vitesse anormalement élevée pour les étoiles de la périphérie. Mais surprise : ces vitesses sont étroitement corrélées avec la distribution de la matière normale. Autrement dit : là où la carte comporte un grumeau, une surdensité de matière normale, la vitesse des étoiles est augmentée. Et ce, pour toutes les galaxies de l’échantillon, qu’elles soient principalement composées de gaz ou d’étoiles, qu’elles comportent ou non un bulbe central, etc. Est-ce parce que la matière noire s’agglutine autour des grumeaux de matière normale et que c’est bel et bien ce fantôme qui joue le rôle d’accélérateur ? “En théorie, la matière noire interagit extrêmement peu avec la matière normale et ne peut donc pas s’agglutiner autour d’elle, répond David Elbaz. On estime que la matière noire n’est pas intriquée au sein d’une galaxie, mais qu’elle forme autour d’elle une sorte de halo.” Les résultats de Stacy McGaugh, publiés en 2016, suggèrent donc deux possibilités : soit la matière noire ne se comporte pas comme on le croit, ce qui signifie qu’on ne la cherche peut-être pas de la bonne manière, soit elle n’existe tout simplement pas et dans ce cas, une légère modification de la gravité, comme celle proposée par Mond, suffit à expliquer le comportement des étoiles dans les galaxies. Les Wimps sont morts ! Vive Mond ? D’autres travaux, tout aussi récents et tout aussi troublants, montrent que ce n’est pas si simple. Admettons que Mond soit la solution. Alors, cette loi de la gravitation devrait être intemporelle, c’est-à-dire fonctionner de la même manière et donc produire les mêmes effets, quel que soit l’âge de l’Univers. C’est précisément ce qu’a voulu tester Reinhard Genzel, du Max Planck Institute (Allemagne). Avec les instruments très précis KMOS et Sinfoni, branchés sur le Very Large Telescope, il a mesuré la rotation de six galaxies massives situées dans l’Univers lointain, quand il était âgé d’à peine 4 milliards d’années. Les résultats, publiés en mars 2017 notamment dans la revue Nature, sont sans appel : dans ces galaxies du début de l’Univers, les étoiles

Selon l’Israélien Mordehai Milgrom, principal auteur de la théorie Mond, nul besoin de matière noire pour expliquer le comportement étrange des étoiles dans les galaxies. Il faut revoir la gravité. © P. Henarejos/C&E

périphériques tournent beaucoup moins vite qu’elles ne le font dans les galaxies actuelles. Ce qui, d’après les auteurs de l’étude, est tout à fait conforme au modèle de matière noire : il y a 10 milliards d’années, les galaxies produisaient beaucoup plus d’étoiles qu’aujourd’hui. Elles étaient de ce fait beaucoup plus turbulentes, éjectant continuellement de la matière vers l’extérieur. Ce qui empêchait la matière noire de se condenser autour d’elles en halo. À l’époque donc, la matière noire existait déjà, mais elle était beaucoup moins influente qu’elle ne l’est aujourd’hui. “Ces deux études sont aussi convaincantes et troublantes l’une que l’autre, résume David Elbaz. Ce qui prouve que le débat sur la gravitation est loin d’être clos.” Et si, pour mettre tout le monde d’accord, il fallait la repenser de façon beaucoup plus radicale ? Et si la raison pour laquelle la gravité a tant de mal à expliquer les observations astronomiques et à coller avec les trois autres forces fondamentales, c’était justement parce qu’il ne s’agit pas d’une force fondamentale, mais d’un phénomène émergent ? C’est l’hypothèse drastique que formulent plusieurs physiciens. “Dans les années 1990, Leonard Susskind, Ted Jacobson et Thanu Padmanabhan sont les premiers à la proposer, afin de résoudre le problème de l’incompatibilité de la gravité avec


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la mécanique quantique, raconte David Elbaz. Récemment, le Néerlandais Erik Verlinde a retravaillé le concept.” Et sa version de la théorie permet de s’affranchir de la matière noire. Voilà de quoi faire d’une pierre deux coups : résoudre à la fois le problème de la matière noire et celui de la gravité quantique. Mais comment la gravité peut-elle être émergente ? “Un peu comme l’est la chaleur de votre tasse de café, répond Margot Brouwer, de l’université de Leiden (Pays-Bas). Cette chaleur est générée par l’agitation des molécules de votre boisson. De la même manière, le comportement de particules d’espace-temps (particules que nous ne connaissons pas encore) pourrait faire émerger la gravité, phénomène dont on ne ressentirait l’influence qu’à partir d’une certaine échelle.” Au-delà du monde des quantas. L’influence de cette gravité émergente à l’échelle des galaxies, dans un Univers en expansion, Erik Verlinde l’a calculée : une galaxie d’une masse donnée doit générer telle quantité de gravité. Ce qui signifie qu’elle doit faire effet de loupe (ou de lentille gravitationnelle) d’une manière bien particulière, et donc dévier les rayons lumineux en provenance des galaxies d’arrière-plan de façon tout aussi caractéristique. Bref, la gravité émergente aurait sa propre signature

cosmique. Une signature que Margot Brouwer a justement retrouvée dans un échantillon de 33 000 galaxies. “Quelle que soit leur masse, nos observations sont totalement en accord avec les calculs de Verlinde pour chacune des galaxies, se félicite la chercheuse, avant de tempérer : c’est un travail encore très embryonnaire. Notre échantillon porte uniquement sur des galaxies isolées, plus simples à modéliser et à observer. Pour aller plus loin, il faut désormais qu’Erik Verlinde mène les mêmes calculs sur des amas de galaxies, ou des galaxies en interaction, puis que nous les étudiions afin de savoir si cela concorde toujours. Pour l’instant, la communauté est sceptique sur cette théorie. Ce qui est normal : elle n’en est qu’à ses balbutiements. Mais elle est prometteuse et j’espère qu’on lui donnera les moyens de la pousser plus loin”, conclut Margot Brouwer. “Tout ce que je peux lui souhaiter, c’est bonne chance ! note pour sa part Carlo Rovelli. Au dernier congrès international sur la gravité, à New York, début 2017, personne ne parlait de la gravité émergente. Ce n’est pas une théorie qui a eu un impact fort. Ceci dit, l’histoire des sciences est pleine de théories longtemps ignorées qui se sont révélées vraies...” Émilie Martin

(1) Le LHC (Large Hadron Collider, ou Grand collisionneur de hadrons1) est le plus puissant accélérateur de particules existant. Certains chercheurs estiment qu’il faut repenser radicalement la gravitation. Pour Erik Verlinde par exemple, il ne s’agirait pas d’une interaction fondamentale, mais d’une propriété émergente, qui n’a d’influence qu’à partir d’une certaine échelle. © Nasa/ESA/HHT/C&E


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David Elbaz, cosmologiste

“Pour chaque solution trouvée, un nouveau problème apparaît” © Devi Pride

Les chercheurs suivent de multiples pistes pour dénouer les problèmes posés par la gravité. Y en a-t-il une qui, si elle aboutissait, permettrait de tous les résoudre ? Non, il n’y en a pas. Plus embêtant encore : pour chaque solution trouvée, une nouvelle difficulté surgit ailleurs. Admettons par exemple que l’on détecte sur le fond diffus cosmologique la trace d’un Grand Rebond. Cela conforterait la théorie de la gravité quantique à boucles (voir article p. 50). Celle-ci est basée sur l’hypothèse que les grains d’espace ont une taille minimale de 10 –35 m. Cela a une incidence importante dans le monde de l’infiniment petit : cela donne une certaine valeur à l’énergie du vide, c’est-à-dire l’énergie induite par les fluctuations des particules quantiques dans le “vide”, donc même en l’absence de matière. Or, cette valeur est 10120 fois supérieure à celle que nous observons. En effet, depuis 1998, nous savons que l’Univers est en expansion accélérée. Nous ne savons pas quel phénomène s’oppose ainsi à la

gravité et cause cette accélération. Nous l’avons appelé énergie noire. Il peut s’agir d’une substance exotique, totalement inconnue, ou d’une propriété de l’espace-temps lui-même. Dans les deux cas, il s’agit d’une sorte d’énergie du vide. Une énergie 10120 fois plus puissante que celle prédite par les modèles de gravité quantique. Il y a quelque chose qui ne colle vraiment pas…

Et si, pour expliquer l’énergie noire, il fallait plutôt modifier la gravité ? C’est une piste suivie par tout un groupe de chercheurs. Là, il s’agit de modifier la gravité d’Einstein, pour expliquer des phénomènes à grande échelle. Mais les changements proposés impliqueraient une gravitation si forte que cela modifierait le comportement des galaxies. Pour éviter ce problème, ces chercheurs ajoutent ce que l’on appelle un écran, bref, une astuce pour éviter que leur gravité, modifiée à grande échelle, le soit également à plus petite échelle. Cela devient du bricolage…

À plus petite échelle justement, admettons que la théorie Mond soit validée un jour, cela résoudrait tout de même beaucoup de casse-tête ! Nous n’aurions alors plus besoin de la matière noire pour expliquer le comportement étrange des galaxies dans les amas et des étoiles dans les galaxies. Mais le problème c’est que… nous avons besoin de cette matière noire pour former l’Univers tel qu’on l’observe aujourd’hui ! Sur le fond diffus cosmologique, c’est-à-dire la toute première lumière émise par l’Univers, on observe des grumeaux. Ce sont les graines de nos futures galaxies. Mais ces grumeaux sont minuscules, seulement 0,0001 % plus denses que ne l’est l’ensemble. Or, la gravité ne suffit pas à les faire grossir jusqu’à la taille de nos actuelles galaxies. En effet, dans les tout premiers instants de l’Univers, la matière qui constitue ces grumeaux est gênée par les photons — qui ne cessent d’interagir avec les particules de matière normale —, de sorte qu’elle ne parvient pas à s’agglutiner pour former de plus gros morceaux. Certes, l’effet perturbateur des photons va


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cesser quelque 380 000 ans plus tard. Mais si, à partir de ce moment-là, la gravité avait agi seule, en faisant s’effondrer progressivement la matière, nos grumeaux n’auraient grossi que d’un facteur 1000 en 13,8 milliards d’années. Ils seraient encore minuscules, et nous ne serions pas là.

Quel est le coup de pouce que donne la matière noire ? Comme elle interagit extrêmement peu avec la matière et la lumière, elle n’a pas été gênée par les fameux photons perturbateurs. Pendant que la matière normale demeurait à l’état de microgrumeaux, la matière noire, elle, ne cessait de grossir, formant ce que l’on appelle des puits de potentiel.

En s’engouffrant dans ces puits, sorte de galaxies noires, les petits grumeaux acquièrent une force d’attraction suffisante pour agréger toute la matière environnante. Les modèles montrent qu’avec la matière noire, on forme sans problème nos galaxies actuelles.

Dans ce cas, c’est la découverte des Wimps qui résoudrait tous les problèmes ! C’est pour cela que l’on continue à les chercher activement ! Ceci étant dit, si l’existence de la matière noire était confirmée, il nous resterait au moins un autre casse-tête à résoudre. Puisque la matière noire forme facilement des mini-galaxies noires qui piègent la matière normale,

on s’attendrait à ce qu’autour des grandes galaxies comme la Voie lactée, on trouve des centaines de petites galaxies naines, forgées grâce à la matière noire. Or, ce n’est pas le cas. Il est possible que les plus petites soient détruites par l’explosion d’étoiles massives. Mais où sont celles de taille intermédiaire, déjà trop grosses pour être détruites par les explosions stellaires ? Tout se passe comme si la matière noire ne s’agglutinait qu’autour des galaxies très massives. On comprend qu’une banque ne prête qu’aux riches, mais pourquoi la matière noire ? Bref, je crois que l’on peut vraiment dire que la loi de la gravitation traverse une crise ! Propos recueillis par EM

Les particules baptisées Wimps, candidates parfaites pour expliquer la matière noire, sont introuvables depuis plusieurs décennies. Faut-il en conclure que la matière noire n’existe pas ? Pourtant, elle apparaît indispensable à l’élaboration de l’Univers tel que nous l’observons. © Nasa/ESA/CXC/C&E


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LES TROIS MYSTÈRES DE LA GRAVITATION

Pour comprendre l’Univers, les astronomes sont face à trois grands problèmes qui impliquent la gravitation : le mouvement des galaxies, l’expansion accélérée de l’Univers et la physique du big bang. Ce sont aussi trois pistes qu’ils suivent séparément et dont ils espèrent tirer une théorie plus satisfaisante de la gravitation. LES GALAXIES TOURNENT TROP VITE SUR ELLESMÊMES

Et si, finalement, c’est juste qu’on ne comprend pas la gravité ?

Ni pour expliquer comment se forment les galaxies au début de l’Univers. Il y a sûrement quelque chose que j’ai mal compris. Mais quoi ?

Mais on n’arrive pas à relier théorie de la relativité générale et physique quantique…

Ah mince ! ça ne fonctionne plus pour les amas de galaxies.

À très grande distance, la loi de Newton ne marche peut-être plus. L’accélération pourrait ne pas décroître aussi rapidement que prévu. En tout cas, ça explique le problème de vitesse des galaxies !

L’UNIVERS GRANDIT ET SON EXPANSION S’ACCÉLÈRE

C’est un peu comme si une masse invisible entraînait la matière des galaxies.

Si on regarde les équations d’Einstein, il y a la constante cosmologique qui peut expliquer les observations. Mais, on ne sait pas à quoi elle correspond… Est-ce que ça pourrait être des étoiles naines ou des planètes que l’on n’arrive pas à voir ? Ça va faire vingt ans que je cherche. Je commence à en avoir un peu marre, là !

Mais il n’y a pas assez d’étoiles ou de planètes pour expliquer les observations.

Est-ce que ça ne pourrait pas être une nouvelle particule qu’on n’a toujours pas détectée ?

Suzy ? Mais oui ! Cette théorie de la supersymétrie prédit une particule assez lourde pour expliquer les observations.

Ces particules inconnues interagissent très peu avec la matière ordinaire, ce qui rend leur détection difficile. On les appelle Wimps.


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Je suis un peu bloqué là, sans preuve de Suzy… Les particules pourraient être assimilées à des cordes indivisibles, dont la vibration donne aux particules leurs propriétés.

BESOIN DE LA GRAVITÉ QUANTIQUE POUR COMPRENDRE LE BIG BANG

Wahoo ! Elle est super-faible, comme si elle n’existait pas !

Mais si on a des volumes bien délimités, on ne peut pas accumuler de la matière à l’infini en un point donné. Le big bang n’aurait pas existé ?

Est-ce que l’on pourrait contourner le problème en se débarrassant de la singularité ? Il suffirait d’introduire une grandeur indivisible.

En même temps, si on divise toujours plus l’espace-temps pour voir comment la gravité s’exprime, on se retrouve avec une singularité sur les bras…

D’un côté de l’équation, c’est une propriété de l’espacetemps : plus il grandit, plus son expansion s’accélère

Il faut ajouter six dimensions aux quatre de l’espace-temps. Et la théorie a besoin de Suzy, la supersymétrie et les particules qu’elle prédit…

Et si l’espace-temps luimême était indivisible ? Il serait constitué de grains d’espace qui ne peuvent prendre qu’un certain volume. Nous serions dans un espace-temps quantique !

Mais attendez voir ! Sur quatre forces fondamentales, seule la gravité n’a pas d’expression dans le monde quantique. Et si on s’était trompé ? Et si ce n’était tout simplement pas une force fondamentale ?

De l’autre, elle se lit comme une nouvelle substance dont la pression augmente alors que la densité diminue

Dans tous les cas, on est devant une énergie du vide. Et cette énergie existe : on la trouve en laboratoire ! Mais elle y est 10120 fois supérieure… Dommage.

Mmm… on devrait voir une différence sur le fond diffus cosmologique entre big bang et big bounce (grand rebond). Cela permettra de valider, ou non, la théorie de la gravitation à boucles.

Un peu comme la température du coup : ce serait les interactions entre particules qui produiraient la gravité.

Trop cool ! On retrouve les résultats de la théorie Mond en plus !

33 000 galaxies simples se comportent comme le prédit la théorie. On avance, on avance ! Et si Einstein s’était trompé ? Et s’il fallait tout refaire ?

Mais il faudrait voir si ça marche pour des situations plus compliquées… avec les amas de galaxies… les galaxies complexes… et le début de l’Univers. © O. Hodasava pour C&E

La physique quantique, c’est l’infiniment petit, non ? Allez, zoomons dans l’espace-temps pour voir comment est la gravité à l’échelle atomique !

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TESTER EINSTEIN POUR COMPRENDRE LA GRAVITÉ La gravitation leur résiste ? Les astrophysiciens imaginent toujours plus d’expériences pour pousser la relativité générale dans ses retranchements. Parmi celles-ci, le satellite Euclid, très attendu.

É

té 2028 : les scientifiques du monde entier sont en ébullition. Les résultats du satellite Euclid viennent de tomber, implacables : Einstein s’était trompé. C’est une révolution scientifique, un nouveau pas vers la compréhension de l’Univers. La relativité générale n’est pas assez précise, la gravitation est à redécouvrir. Les journalistes s’emparent du sujet, la science est sur toutes les unes, l’engouement est semblable à celui déclenché en 1915, lorsque Einstein publia sa nouvelle théorie… Ce pourrait être un scénario, parmi d’autres, de l’aboutissement de la mission Euclid. Dès 2020, le satellite européen doit tester la gravitation aux échelles cosmiques. L’expérience est révolutionnaire, d’abord parce qu’elle est la première à effectuer une telle mesure, mais surtout parce qu’elle doit sortir les astrophysiciens de l’impasse. Quel qu’en soit le résultat, elle apportera une réponse aux scientifiques qui s’échinent sur la gravité. Euclid. Car, malgré l’observation des ondes gravitationnelles qui confirme une fois de plus la théorie d’Einstein, la gravitation a ses faiblesses. L’énergie sombre ? Un mystère. La matière noire ? Idem. La gravité à l’échelle quantique ? Tout autant. Alors, les scientifiques imaginent des expériences pour pousser dans ses retranchements la théorie d’Einstein. Découvrir une gravité quantique, arriver à expliquer le mouvement des galaxies, comprendre l’accélération de l’expansion de l’Univers… Autant de questions sur lesquelles elle est attaquée. Pourtant, prise entre tous ces fronts, elle tient bon. Mais jusqu’à quand ? Euclid nous

apportera peut-être un début de révolution si, d’ici là, le satellite ne s’est pas fait voler la vedette par d’autres expériences. Le but premier d’Euclid est de comprendre pourquoi l’expansion de l’Univers s’accélère et donc, d’en apprendre plus sur l’énergie sombre. “Il y a deux réponses à cette question : soit il existe une force inconnue qui pousse l’Univers à grandir de plus en plus vite, soit nous n’avons pas compris la gravité”, explique Yannick Mellier, chercheur à l’IAP (1) et responsable du projet Euclid. Donc, pour trancher entre ces deux hypothèses, il faut d’abord réussir à prouver que la relativité générale explique la gravité… ou pas. Mais comment faire ? Premièrement, trouver les champs gravitationnels qui attirent fortement la matière. Deuxièmement, réussir à mesurer la vitesse individuelle des galaxies. Cette étape est essentielle parce que ces vitesses nous indiquent comment les galaxies réagissent à la gravité et comment les champs gravitationnels influencent leur mouvement. La présence de zones massives (où la matière noire abonde par exemple) courbe l’espace-temps et dévie la lumière. Ce phénomène déforme l’image des objets d’arrière-plan à la manière d’une loupe. Appelés lentilles gravitationnelles, ces télescopes naturels permettent à la fois de voir des objets très lointains et de savoir où et comment se distribuent les zones massives, riches en matière noire. C’est ce dernier point qui intéresse les membres du projet Euclid. “Depuis le point de Lagrange où il sera envoyé, le satellite sondera un tiers du ciel et


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Le satellite Euclid va établir une carte très précise de la matière noire dans l’Univers. Ce, afin de comprendre comment celle-ci a évolué avec le temps, comment elle a été influencée par l’énergie sombre, ce qui permettra de déterminer la nature de cette dernière. © ESA/C. Carreau

repérera les infimes déformations des galaxies. Euclid sera capable de voir une déformation comparable à la déformation d’un ballon de foot sur lequel est posée une pièce de 1 centime ! L’analyse de l’ensemble de ces données nous permettra ensuite de constituer une carte très précise de la matière noire”, explique Yannick Mellier. Prochaine étape : savoir comment les galaxies se comportent sous le champ de gravité ainsi identifié. Mais là encore, comment faire ? C’est dans le spectre des galaxies que la réponse est cachée. En mesurant le décalage vers le

rouge (redshift) du spectre de toutes les galaxies qu’il aura dans sa ligne de mire, Euclid pourra déterminer à la fois leur distance et leur vitesse. Il suffit alors de combiner les vitesses de toutes les galaxies d’un âge donné (à redshift semblable) pour découpler la vitesse liée à l’expansion de l’Univers et les vitesses propres de chacune des galaxies. “L’équation d’Einstein se lit actuellement de cette façon : Courbure de l’espace-temps + Énergie sombre = Distribution de la matière. Si au contraire, avec les résultats d’Euclid, on se rend


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dossier

compte que la distribution des champs gravitationnels n’explique pas le mouvement des galaxies, il faudra la lire autrement : Courbure = Nouvelle gravitation”, conclut Yannick Mellier. Dans six ans, c’est donc potentiellement une révolution du monde de l’astrophysique qui nous attend. Et avec elle, peut-être, le début d’une nouvelle ère… Si la relativité générale ne parvient plus à décrire la gravité, il faudra en trouver une nouvelle formulation. “Mais, même si Einstein a vu juste, ce sera une révolution !” assure le chercheur. Il faudra comprendre ce qu’est l’énergie sombre et pourquoi l’expansion de l’Univers s’accélère. Mais aussi pourquoi les fluctuations du vide

Comme l’avait prédit Einstein, les déformations de l’espace-temps induites par une galaxie ou un amas de galaxies dévient la lumière en provenance des galaxies d’arrièreplan. Ce phénomène (qui produit ici une figure souriante) s’appelle une lentille gravitationnelle. C’est en les observant qu’Euclid va cartographier la matière noire. © Chandra X-ray Obs. Center/Nasa

sont 10 120 plus fortes en laboratoire que dans l’espace (voir illustration p. 56). Enfin, ce qu’est l’énergie sombre et pourquoi l’expansion de l’Univers s’accélère. Non content d’adouber ou de répudier Einstein, le satellite fournira aussi un début de réponse à ce dernier problème. “Euclid fera des tranches d’espace-temps qui nous permettront de voir comment évolue l’expansion cosmique et de savoir si son accélération va continuer, se stabiliser ou s’intensifier”, raconte Yannick Mellier. Peut-être découvrirons-nous qu’un jour, l’énergie sombre prendra le pas sur la force qui assure la cohésion des atomes. Alors, la matière sera disloquée, et plus aucune étoile ne brillera dans le vide de l’Univers…


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Mais Euclid n’est pas la seule expérience à mettre la relativité générale à l’épreuve ! Même si l’effervescence liée à la découverte des ondes gravitationnelles oriente les budgets des agences spatiales vers ce nouveau moyen d’explorer l’Univers, des expériences plus classiques continuent d’être lancées. Notamment, certaines testent très finement le principe d’équivalence et en cherchent la faille. Ce principe stipule que tout corps, indépendamment de sa masse, tombe à la même vitesse dans le vide. Illustré devant des centaines de milliers de téléspectateurs en 1971 lorsque l’astronaute d’Apollo 15 David Scott lâche un marteau et une plume qui touchent le sol lunaire au même instant,

ce principe a jusqu’alors toujours été vérifié, mais pourrait bien réserver quelques surprises. C’est en tout cas ce que va tenter de voir le satellite français Microscope (2). Cette mission, lancée en 2016, teste le principe d’équivalence avec une précision jusqu’alors inégalée : 10 –15. Le satellite regarde s’il existe une différence de vitesse de chute entre un bloc de titane et un alliage de platine et de rhodium à 0,000 000 000 000 001 près, soit une précision 100 fois supérieure aux précédentes expériences réalisées sur Terre. Une autre expérience montée au Cern va également mettre ce principe à l’épreuve en étudiant l’action de la gravité sur l’antimatière. Chaque particule de matière a une particule d’antimatière qui est sa jumelle. Un seul point les différencie : leur charge électrique opposée. Par exemple, le positron (ou antiélectron) est un électron positif. Le rôle de GBAR (3) est de tester un aspect du principe d’équivalence, qui stipule que la trajectoire d’une particule soumise à la gravité est indépendante de sa composition et de sa structure interne. “D’autres programmes sont en concurrence avec le nôtre, mais si tout marche bien, nous aurons une précision nettement supérieure”, note Patrice Perez, porte-parole du projet et chercheur de l’Irfu (Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers). Cette précision, les physiciens l’obtiennent grâce à un protocole qui leur permet de ralentir jusqu’à presque stopper la particule d’antimatière qu’ils soumettent au champ de gravité terrestre. De précédentes mesures indirectes montrent que matière et antimatière se comportent de la même manière au millionième près. “Même si ces tests sont critiqués, je ne me fais pas trop d’illusion : on ne verra pas la particule d’antimatière s’envoler comme si elle était soumise à une sorte d’antigravité”, plaisante le chercheur. Pour autant, il pourrait y avoir une légère différence qui ouvrirait une brèche dans l’impasse où sont coincés les astrophysiciens. La réponse dans deux ans si tout se passe bien, dans vingt si ça se complique. “Nous avons installé l’accélérateur de particules qui va nous permettre de former nos atomes d’antihydrogène. Il devrait entrer en fonctionnement d’ici la fin du mois de mai. Nous avons déjà un peu en retard parce que le Cern nous a demandé de produire un document de 1 500 pages sur la sécurité. Et on n’avait pas été prévenu avant !” s’énerve Patrice Perez, que ces formalités administratives agacent. Alors, en attendant de voir comment tombe un atome d’antihydrogène, le groupe négocie pour réduire le nombre de pages à écrire. Marie Cros

(1) Institut d’astrophysique de Paris. (2) Acronyme pour Microsatellite à traînée compensée pour l’observation du principe d’équivalence. (3) Gravitational Behaviour of Antihydrogen at Rest


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VIVRE DANS L’ESPACE : PLANÈTE OU STATION ? Coloniser une planète n’est pas la seule option pour s’installer durablement dans l’espace. Une station orbitale peut être une solution tout aussi envisageable. Avantages et inconvénients comparés de ces deux moyens de quitter la Terre…

L

e Soleil se lève tandis que vous enfilez votre scaphandre pour sortir réparer des panneaux solaires situés à plusieurs kilomètres du hangar 314. Vous n’êtes pas encore très à l’aise avec le véhicule qui vous permettra de rejoindre les lieux. Heureusement, vous n’êtes pas seul. Votre coéquipier vous assène une bonne claque sur l’épaule : “Prêt à prendre le volant aujourd’hui ?” Allez, c’est parti, vous ouvrez la porte et… vous vous élancez dans le vide pour rejoindre la jeep dont les chenilles magnétiques assurent l’adhésion à la coque d’une immense station spatiale. Car vous n’êtes pas sur une planète, mais bien dans l’espace, dans une colonie où vivent des milliers de vos semblables. Irréaliste ? Pour l’instant. Mais pas plus que d’imaginer une Mars terraformée. Car entre la terraformation (transformation d’une planète pour la rendre habitable) et la construction d’une station géante dans l’espace, la question se pose de savoir quelle solution permettra aux humains de quitter enfin leur berceau terrestre. Pour Valeriy Yakovlev, du laboratoire de qualité de l’eau Playa (Ukraine), la réponse est évidente : “Il est plus rapide, moins cher et moins dangereux de construire des colonies dans l’espace que sur des planètes ou leurs satellites.” Et le premier danger, c’est celui de la gravité.

Tourner pour peser En effet, la faible gravité d’une planète comme Mars pose un vrai problème de santé, car elle entraîne des changements profonds du corps humain. “La microgravité influe fortement sur l’organisme, explique Bernard Comet, de l’Institut de médecine

et de physiologie spatiales de Toulouse. Cela se traduit d’abord par le mal de l’espace, puis vient des modifications du corps comme la perte de la capacité à l’effort, ou encore la fonte musculaire et osseuse. Tout cela se paie par des déséquilibres de l’état de santé.” Paradoxalement, ce problème trouverait une solution avec une station où il est possible de reproduire artificiellement la gravité terrestre de manière permanente. “D’ailleurs, si l’on imagine voyager dans l’espace sur plusieurs générations, mieux vaut se mettre en gravité standard”, approuve Bernard Comet. Comment ? De même qu’une pierre dans une fronde est maintenue contre cette dernière par la force centrifuge, il est possible de maintenir des humains “plaqués” sur la paroi intérieure d’une forme en rotation, cette accélération permanente mimant ainsi les effets de la gravité. L’idée n’est pas nouvelle. Konstantin Tsiolkovsky en parlait déjà en 1883 dans son texte Espace vide. En 1952, Wernher von Braun imagina une station en forme de roue tournant autour de son axe. Avec un diamètre de 76 m et une rotation de 3 tours/min, elle devait fournir une gravité équivalant au tiers de celle de la Terre et emporter un équipage de 80 passagers. Cette idée fut popularisée en 1968 dans le film 2001, l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick. On la retrouve à plus grande échelle en 1975 avec le physicien et activiste spatial Gerard K. O’Neill. Ce dernier imagine alors deux cylindres de 8 km et 32 km de long tournant à contresens pour annuler leurs effets gyroscopiques. Quant au tore de Stanford avec ses 1,79 km de rayon et 130 km de diamètre, destiné à abriter entre 10 000 et 140 000 personnes, il serait capable de

Pour vivre ailleurs que sur Terre, vaut-il mieux s’installer sur une planète rendue habitable ou dans une station spatiale ? La seconde solution est la plus rapide à mettre en œuvre et permettrait de recréer une gravité terrestre, comme dans la roue géante de 2001. © MobSpec et Mark A. Scott

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reproduire la gravité terrestre à raison d’un tour par minute. Au-delà de ces idées audacieuses, la gravité artificielle a bien failli devenir réalité dans une vraie station spatiale, l’ISS, avec le Centrifuge Accomodations Module, un cylindre de 2,5 m de diamètre, destiné à reproduire une gravitation contrôlée pour en tester les effets sur des êtres vivants. Mais l’idée fut abandonnée pour des raisons financières (on imagine alors la tête de la Nasa devant le coût du tore de Stanford…).

Des hommes et des machines Autre problème, pour lequel une planète terraformée reprend l’avantage : les ressources. Sur Mars, de vastes espaces sont disponibles pour extraire tous les matériaux nécessaires à la construction d’un habitat et à sa survie. Rien de tel dans le vide. “L’essentiel des matériaux et des ressources pourrait venir de la surface de la Lune ou encore d’un astéroïde, où des usines automatisées seraient construites”, imagine Valeriy Yakovlev. Ceci implique donc de bâtir des colonies spatiales près de corps solides. La conception d’usines automatisées sur notre satellite avait d’ailleurs été envisagée dès 1980 dans un rapport de la Nasa (Advanced Automation for Space Missions). Pas question d’envoyer des millions de tonnes de matériel depuis la Terre. Une centaine de tonnes de machines capables de se répliquer et de fabriquer une usine suffirait d’après ce rapport. À l’époque, la complexité de l’opération a quelque peu terni ce rêve. Mais aujourd’hui, l’idée d’envoyer des robots imprimer des bâtiments en 3D sur notre satellite ressurgit. Ces constructions n’auraient certes pas la complexité d’une

Concernant les ressources comme l’eau, les minerais, les matériaux, une planète “terraformée” (à droite) prend l’avantage sur une station orbitale, obligée de vivre en autarcie dans le vide spatial. © DR et M. Brenn

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usine capable d’extraire des matériaux, de les transformer, de gérer ses déchets et d’envoyer des produits finis vers l’espace pour construire une colonie et pourvoir à ses besoins. Cependant, les progrès de la robotique nous rapprochent de ce rêve. Il existe ainsi de nombreuses recherches sur des essaims de robots capables de collaborer entre eux, d’adapter leur programmation aux problèmes rencontrés et même de s’autorépliquer à l’aide d’imprimantes 3D. Ces technologies mises ensemble pourraient aboutir à des machines susceptibles de construire des usines automatisées et autonomes qui fabriqueraient des produits sur la Lune ou un astéroïde. La faible gravité de ces astres permettrait alors de les envoyer vers l’espace à l’aide, par exemple, d’une catapulte électromagnétique. C’est d’ailleurs l’un des moyens qu’O’Neill imaginait employer pour la construction d’une colonie en un point de Lagrange (L5) du système Terre-Lune. Il envisageait que les structures en aluminium et les vitres nécessaires pour bâtir les cylindres de sa colonie ou encore 90 % de l’eau et la nourriture nécessaire à sa survie viendraient de la surface de la Lune et seraient propulsés dans l’espace par une telle catapulte.

Recycler pour survivre Une autre difficulté qui se pose dans une colonie spatiale est celle du contrôle environnemental, en particulier celui de l’eau et de l’oxygène. Là encore, une planète terraformée semble idéale pour respirer, mais d’ici que vous puissiez remplir vos poumons d’un bon air martien, cela prendrait de quelques centaines à quelques dizaines de milliers d’années selon les estimations. Dans le cadre d’une colonie spatiale, il


s’agira de maîtriser les rejets et les besoins de milliers à plusieurs millions d’individus dans un espace clos. Il faudra donc contrôler à chaque instant d’énormes quantités d’eau, d’oxygène ou encore de gaz carbonique (CO2). Où en sommesnous ? “Aujourd’hui, les supports de vie reposent sur des bases physicochimiques, explique Robert Green, du Glenn Research Center de la Nasa. Ce type de technologie nécessite peu de poids et de volume par passager, mais par contre beaucoup de fournitures à apporter depuis la Terre pour la maintenance.” On est donc loin de l’autonomie nécessaire à une colonie spatiale. “Pour le long terme, la Nasa s’intéresse aussi à des supports de vie de type biologique, plus autonomes, mais qui nécessitent plus de masse et de volume par passager. Évidemment, si ce support biologique inclut la nourriture, il peut être plus avantageux qu’un support physicochimique. Cela reste néanmoins un défi de faire croître des plantes dans un volume pressurisé sous de la lumière artificielle et en microgravité”, remarque Robert Green. À défaut d’être dans l’espace, des expériences de support de vie biologique ont déjà eu lieu sur Terre. Ainsi, Biosphère 2, au début des années 1990, consistait en un système écologique de 1,27 hectare en Arizona contenant sept biotopes mimant ceux de la Terre tels une forêt humide de 1900 m2 ou encore un océan avec un récif de corail de 850 m2. L’énergie du Soleil permettait de chauffer l’eau et une source de gaz naturel externe fournissait l’énergie électrique. Une première équipe de huit personnes s’y enferma de septembre 1991 à septembre 1993 et réussit à produire 83 % de sa nourriture (riz, pommes de terre, bananes, etc.) sans produit chimique. Leur santé était excellente et surtout, leur métabolisme est devenu plus efficace

Premiers rêves de stations spatiales La première évocation d’une station orbitale date de 1869. Dans la nouvelle The Brick Moon, l’écrivain américain Edward Everett Hale conte la construction et le lancement d’une sphère de 61 m de diamètre… en briques. Destinée à permettre aux navigateurs la détermination de leur longitude en observant sa hauteur dans le ciel, elle part accidentellement avec des personnes à bord qui survivront et communiqueront en morse avec le sol. Hale écrira même une suite intitulée Life on the Brick Moon ! La première version techniquement détaillée d’une station spatiale, quant à elle, a été imaginée en 1929 par le Slovène Herman Potocnik, dans son livre Das Problem der Befahrung des Weltraums (Le problème du voyage spatial). Potocnik imagine une roue au centre de laquelle trône un miroir récupérant l’énergie solaire. Celle-ci chauffe de l’eau pour générer de la vapeur, qui fait tourner des machines. Les problèmes de gravité, de communication avec la Terre ou encore de sorties extravéhiculaires y sont abordés.

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pour extraire des nutriments d’une nourriture peu calorique. L’eau et les déchets étaient recyclés. En revanche, le niveau de CO2 n’était pas très stable. La plupart des vertébrés et tous les insectes pollinisateurs sont morts durant l’expérience, tandis que la population de cafards a explosé. “Avoir un support de vie où l’eau et l’oxygène sont recyclés à 100 % est le Saint Graal des supports de vie spatiaux”, se prend à rêver Robert Green. Actuellement, sur l’ISS, on parvient à recycler 50 % de l’oxygène du CO2 et 85 % de l’eau, entre autres à partir de l’urine des astronautes. Il serait intéressant de demander à Thomas Pesquet quel est le goût de l’eau potable sur l’ISS… “Toujours est-il qu’en pratique, il sera difficile d’atteindre les 100 %. Il y aura toujours des fuites d’air ou de vapeur d’eau”, souligne le chercheur. D’une manière ou d’une autre, les supports de vie d’une colonie spatiale nécessiteront donc probablement un apport extérieur qui plaide ainsi pour une construction à proximité de la Lune ou d’un astéroïde.

Le nerf de la guerre Le chemin vers une colonie spatiale est encore bien loin, mais les progrès techniques qui permettront d’atteindre cet objectif sont souvent encouragés par de potentiels gains financiers. Aussi, des motivations économiques paraissent essentielles pour la construction d’une colonie. Et ces motivations existent déjà. C’est le cas du tourisme spatial. Pas celui qui consiste à faire un petit tour dans l’espace. Nous parlons bien ici d’y passer des vacances et plus précisément dans un hôtel spatial. C’est le projet de Bigelow Aerospace. Cette compagnie américaine espère construire un hôtel sur orbite terrestre à l’aide de modules gonflables dont un prototype a été déployé depuis l’ISS en avril 2016 et sera testé (durabilité, radiations, etc.) jusqu’en 2018.

Au début des années 1990, en Arizona, le projet Biosphère 2 a testé une “colonie extraterrestre” totalement autonome. Un échec : le taux de CO2 s’est révélé instable et nombre d’espèces n’ont pas survécu. © C. Marquardt

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Autre possibilité pour une économie spatiale : vendre de l’énergie électrique à la Terre. Ainsi, dans l’espace, la lumière du Soleil est disponible en permanence. Une colonie pourrait donc la capter et la renvoyer sur Terre, par exemple sous forme de micro-ondes capables de traverser l’atmosphère. Là aussi, des expériences sont en cours. L’agence spatiale japonaise Jaxa a annoncé en 2015 avoir réussi à convertir 1,8 kW d’électricité en micro-ondes qu’elle a envoyée à un récepteur situé à… 50 m, où elle a été à nouveau retransformée en électricité. Un début modeste, mais qui valide le principe physique d’un tel projet. Enfin, une troisième ressource économique d’une colonie spatiale sera la fourniture de minerai à la Terre. La colonie en ayant elle-même besoin, qu’elle soit près de la Lune ou qu’elle ait un astéroïde dans son voisinage, elle pourra assez naturellement réserver une partie de son extraction pour la revendre à la Terre. Des projets d’exploitation d’astéroïdes existent également comme le projet Arkyd de la société Planetary Resources. Les problèmes et défis évoqués dans ces lignes pour aboutir à une colonie spatiale ne prétendent évidemment pas à l’exhaustivité. Ainsi, “il sera nécessaire de créer une protection contre les radiations, rappelle Valeriy Yakovlev, par exemple un champ magnétique artificiel. Et il n’y a pas que des problèmes techniques.” En effet, qu’en sera-t-il également de la cohabitation de milliers de personnes dans un espace clos, bien plus fragile qu’une planète. Cependant, la science et les technologies qui en découlent nous rapprochent progressivement d’une réelle capacité à construire une colonie spatiale. Or, comme le disait le Hongrois Dennis Gabor, prix Nobel de physique pour son invention de l’holographie, “Tout ce qui est techniquement faisable, possible, sera fait un jour, tôt ou tard.” Stéphane Fay



UNE ÉCLIPSE POUR MESURER LE SOLEIL À l’occasion de l’éclipse du 21 août aux États-Unis, des chercheurs s’envolent et utilisent le phénomène pour préciser le diamètre solaire. Un projet qui, en sept ans, les a amenés à parcourir le globe.

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ous sommes capables d’analyser la surface de Mars à l’aide de robots sophistiqués, de découvrir des exoplanètes à des années-lumière, de voir la naissance et la mort d’étoiles, de photographier un trou noir et de détecter des galaxies lointaines. Et pourtant, nous ne connaissons toujours pas le diamètre exact du Soleil ! La valeur actuelle, estimée à 1 392 400 km, date de 1890. Pour l’affiner, Philippe Lamy, chercheur au LAM (1), et ses collègues vont s’envoler cet été pour les États-Unis afin d’assister à l’éclipse totale du 21 août (2). Dans leurs bagages, douze photomètres. Grâce à ces petits appareils qui mesurent la quantité de lumière, ils vont déterminer l’instant précis où la Lune occulte le Soleil. Après une série de calculs complexes prenant en compte l’heure, la position de l’observateur et celle de la Lune, l’équipe

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du LAM obtiendra une mesure ultraprécise du diamètre solaire. Jusqu’à récemment, personne n’avait vraiment surpassé l’Allemand Arthur Auwers qui, à la fin du XIX e siècle, a mesuré l’éloignement du Soleil et obtenu ainsi la valeur de son diamètre toujours utilisée aujourd’hui. Car l’atmosphère terrestre brouille les limites de notre étoile et la chaleur met à mal les instruments. L’agence spatiale française, le Cnes, en a fait l’expérience avec son satellite Picard, lancé en 2010. À son bord, l’instrument Sodism devait mesurer le diamètre solaire, mais

Les astronomes peuvent réussir à mesurer le diamètre du Soleil à quelques kilomètres près en l’observant au moment précis où il disparaît derrière la Lune, lors d’une éclipse totale, comme celle-ci, le 13 novembre 2012 en Australie. © J.-M. Lecleire/C&E


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ce but n’a été atteint que partiellement. “Ce relatif insuccès résultait des contraintes thermiques exercées sur l’objectif de Sodism, raconte Philippe Lamy. Jean-Yves Prado, qui dirigeait la mission, m’a demandé de mettre en œuvre une technique pour valider les données de Picard et poursuivre le projet après l’arrêt du satellite.” Les chercheurs se sont alors tournés vers une méthode ancienne qui a déjà fait ses preuves en astronomie.

Théorème et GPS L’expérience de Philippe Lamy repose sur un principe simple, que vous pouvez utiliser aussi pour déterminer la hauteur de votre maison ou de votre immeuble. Éloignez-vous suffisamment de façon à pouvoir superposer, le bras tendu, une règle de 30 cm à l’un des murs de votre logement. Si vous connaissez exactement la distance qui vous sépare de votre maison et la longueur de votre bras, vous pouvez en déduire la hauteur de votre maison grâce au théorème

de Thalès — célèbre mathématicien et philosophe grec, connu pour son calcul de la hauteur de la grande pyramide. Pour mesurer notre étoile, remplacez la règle par la Lune et la maison par le Soleil, et le tour est joué. Enfin, presque… Car s’il est facile de mesurer une hauteur avec une règle, ça l’est nettement moins avec la Lune. Constellée de cratères, elle ne se superpose pas parfaitement au Soleil, comme peut le faire votre règle. Son bord festonné par les reliefs va morceler les derniers bouts de Soleil visibles avant la phase de totalité — les amateurs d’éclipses appellent cela les grains de Baily. Il est donc nécessaire de connaître parfaitement le contour du bord lunaire pour savoir à quoi sont dues les dernières lueurs du jour et obtenir une mesure précise du diamètre solaire. Or, il y a dix ans encore, et malgré les explorations poussées lors du programme Apollo, cela demeurait trop mal connu. C’est la sonde japonaise Kaguya qui a comblé cette lacune. Entre 2007 et 2009,

son altimètre laser a scanné la surface lunaire, avec une précision de l’ordre du mètre. Mais ce n’est pas tout. Pour une mesure correcte, il faut aussi connaître précisément la distance entre le photomètre et la Lune, de même que la distance entre le photomètre et le Soleil. Du côté de la position de l’observateur, grâce au GPS, elle est maintenant facile à établir. Quant à l’éloignement du Soleil, les techniques modernes d’astrométrie l’ont parfaitement cerné. Tout est donc réuni pour que la vieille technique géométrique de Thalès permette de remonter jusqu’au diamètre solaire. Du moins, après quelques calculs préliminaires. “Les photomètres que nous utilisons mesurent la décroissance du flux au cours de l’éclipse”, explique Philippe Lamy. Les astronomes comparent ensuite les profils lumineux enregistrés par les photomètres avec ceux produits par des modèles utilisant différents diamètres solaires hypothétiques. Celui qui correspond fournit la valeur recherchée. Et ça marche ! “Notre précision est de 45 km”, indique Philippe Lamy. Un très bon résultat pour le diamètre d’une étoile tout de même située à 150 millions de kilomètres. Mais pas encore suffisant pour ces chercheurs qui veulent en outre répondre à une énigme vieille de quarante ans. Celle de la variation de la quantité d’énergie que le Soleil nous envoie. Or, il semble qu’elle soit liée à son cycle magnétique. “La variation est minime, mais bien détectable et régulière,

Lors de l’éclipse du 13 novembre 2012, Jean-Yves Prado (à gauche) et Philippe Lamy installent l’un de leurs photomètres, dans le Queensland, en Australie. © P. Lamy

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explique Serge Koutchmy, membre de l’Êquipe. Elle suit les cycles d’activitÊ solaire qui sont liÊs à une variation du champ magnÊtique crÊÊ par la rotation de notre Êtoile. Ces cycles durent entre 10 et 11 ans.�

Curieuses variations solaires Pour l’expliquer, deux hypothèses sont en concurrence : soit le champ magnĂŠtique fait varier la tempĂŠrature solaire (plus notre ĂŠtoile est chaude, plus elle nous envoie de l’Ênergie) ; soit le Soleil change de taille au cours de ces cycles (plus le Soleil est grand, plus il nous envoie de l’Ênergie). Serge Koutchmy poursuit : “On arrive Ă ĂŠvaluer la tempĂŠrature Ă la surface du Soleil, mais depuis quarante ans que nous l’Êtudions, nous n’avons pas encore de preuve qu’elle varie avec l’activitĂŠ solaire. Cette hypothèse n’explique donc pas de manière satisfaisante la variation de la constante solaire. C’est pour cela que nous examinons maintenant le diamètre.â€? Et comme les chercheurs ont besoin pour cela d’Êclipses totales, pas question d’en manquer une ! Ils parcourent ainsi le globe depuis sept ans. Et après l’IndonĂŠsie, l’Australie, la Norvège et l’Inde, les États-Unis et leur rĂŠseau routier dĂŠveloppĂŠ sont une aubaine. MĂŞme si leur road trip jusqu’au 21 aoĂťt promet un zeste d’aventure : “Avec l’effervescence autour de l’Êclipse, pas un hĂ´tel ne fait la nuit Ă moins de 1000 $â€?, confie Serge Koutchmy. Alors pour se loger, chacun y va de son système D. “Impossible de trouver un logement dans la zone de totalitĂŠ, s’amuse Philippe Lamy. Je serai basĂŠ un peu plus au sud, Ă Boise, la capitale de l’Idaho. Mais ce n’est pas un problème, car les photomètres seront mis en place sur diffĂŠrents sites les jours prĂŠcĂŠdant l’Êclipse et opĂŠreront automatique-

ment. Je rejoindrai tĂ´t Serge Koutchmy et son ĂŠquipe. Je crois qu’il a trouvĂŠ une place dans un ranch.â€? Reste une inconnue dans ce type d’observation : la mĂŠtĂŠo. Philippe Lamy dĂŠtaille sa stratĂŠgie : “Pour maximiser les chances d’avoir un ciel dĂŠgagĂŠ, nous allons rĂŠpartir nos instruments sur diffĂŠrents sites.â€? Quitte Ă solliciter des habitants pour leur demander d’hĂŠberger l’un de ceux-ci, ou mĂŞme Ă les confier Ă des amateurs rencontrĂŠs au hasard de leurs pĂŠrĂŠgrinations : “En IndonĂŠsie, nous avons croisĂŠ dans notre hĂ´tel un astronome amateur hollandais qui se rendait beaucoup plus au sud que nous, raconte le chercheur. Il a acceptĂŠ au pied levĂŠ de se charger d’un photomètre et c’est lui qui a bĂŠnĂŠficiĂŠ d’un ciel parfaitement dĂŠgagĂŠ et obtenu la meilleure mesure !â€? Peut-ĂŞtre rencontrerez-vous l’un de ces astrophysiciens si vous partez aux États-Unis profiter du spectacle cet ĂŠtĂŠÂ ? Une demi-heure d’explication semble suffire pour apprendre Ă faire fonctionner les appareils. Pour le moment, la quĂŞte entamĂŠe il y a sept ans s’est poursuivie dans cinq pays et a rĂŠcoltĂŠ dix-huit points de mesures‌ “Les rĂŠsultats sont très encourageants, mais il faut rester prudents quant aux variations trouvĂŠes.â€? Une impression que partage son collègue Serge Koutchmy : “En me penchant sur nos observations, je me suis rendu compte que le diamètre semblait bien varier avec l’activitĂŠ solaire. Lorsque le champ magnĂŠtique devient plus fort et donc l’activitĂŠ solaire aussi, le diamètre de notre ĂŠtoile grandit.â€? Une tendance qu’il faut encore confirmer. L’Êclipse amĂŠricaine du 21 aoĂťt pourrait y contribuer. Mais d’autres “Soleils noirsâ€? seront encore nĂŠcessaires. Marie Cros

Éď?Łď?Żď?ľď?´ď?Ľď?ş ď?Źď?Ľď?ł ď&#x;Šď?°ď?¨ď&#x;Šď?­ď&#x;Šď?˛ď?Šď?¤ď?Ľď?ł ď?¤ď?Ľ Ciel & Espace en vous inscrivant Ă notre newsletter sur

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h ps://soundcloud.com/ ciel-et-espace LES ÉVÉNEMENTS CÉLESTES à NE PAS MANQUER LA CONSTELLATION DU MOIS NOTRE FOCUS SUR LA LUNE ET LES COUPS DE CŒUR DE NOS CHRONIQUEURS

Les ĂŠphĂŠmĂŠrides de Ciel & Espace, une ĂŠmission prĂŠsentĂŠe par David FossĂŠ, avec Jean-Luc Dauvergne et Bernard Nomblot

(1) Laboratoire d’astrophysique de Marseille. (2) Lire Ciel & Espace n°â€‰549.

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LA NUIT OÙ ILS ONT PHOTOGRAPHIÉ

LE TROU NOIR

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Fin 2017, nous devrions contempler le premier portrait d’un trou noir. Pour l’obtenir, neuf observatoires répartis sur la planète ont scruté en même temps le centre de la Voie lactée, début avril. Nous avons vécu l’aventure dans l’un d’entre eux, le Large Millimeter Telescope, au Mexique.

C

ela fait vingt bonnes minutes que le 4x4 blanc de l’INAOE (Institut national d’astrophysique, d’optique et d’électronique) escalade la piste défoncée qui mène au Large Millimeter Telescope (LMT). Après plusieurs épingles à cheveux négociées au ralenti, David Sanchez s’arrête sur un replat dans un nuage de poussière. “Quand je monte observer, je fais toujours une pause ici, histoire de m’accoutumer à l’altitude”, explique l’astronome mexicain. Il en profite pour redonner les consignes de sécurité : une fois au sommet, marcher lentement, aller à son rythme et surtout signaler immédiatement le moindre mal de tête ou vertige. Auquel cas, en présence de ces symptômes du mal des montagnes, il faudrait redescendre en urgence. Déjà, quelques pas sur ce bout de piste à 4 200 m d’altitude provoquent un essoufflement anormal. Même à 19° de latitude nord, entre le tropique et l’équateur, l’air est vif et sur

Dans la salle de contrôle du Large Millimeter Telescope, Gopal Narayanan (à gauche), David Sanchez (au centre) et Edgar Castillo Dominguez (à droite) effectuent les dernières mises au point avant de commencer leurs observations. © Philippe Henarejos Ci-contre, le LMT en train de viser le trou noir de M 87. © Emilio Chapela

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le tee-shirt, amplement suffisant moins d’une heure plus tôt, la veste polaire est devenue de rigueur. Sur ce flanc escarpé de la Sierra Negra (la “montagne noire”), le silence est total. Pas un arbre, pas un oiseau. Seulement des pierres et du sable. Et une vue magnifique sur le volcan voisin, le pic d’Orizaba, dont le sommet culminant à 5 600 m accroche encore quelques plaques de neige en ces premiers jours d’avril. David Sanchez travaille à l’INAOE en tant qu’astronome résident au LMT. L’instrument, construit dans la province mexicaine de Puebla, est peu connu. Avec ses 50 m de diamètre, c’est pourtant la plus grande parabole mobile à observer l’Univers dans les longueurs d’onde millimétriques. Par comparaison, les antennes du plateau de Bure, en France, mesurent 12 m. Tout comme celles d’Alma, au Chili. Quant à celle du Pico Veleta, dans le sud de l’Espagne, elle n’atteint que 30 m. Après avoir avalé dans un festival de secousses les derniers lacets de piste, le 4x4 arrive au sommet de la Sierra Negra, à 4 640 m d’altitude. Et l’antenne du LMT qui trône tout en

ÉTATS-UNIS MEXIQUE Monterrey Guadalajara Mexico

LMT

Le LMT n’est que l’un des neuf télescopes millimétriques de l’Event Horizon Telescope, répartis sur toute la planète.

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haut de cet ancien volcan est impressionnante. Depuis plusieurs kilomètres, on la discerne déjà, tel un joyau blanc étincelant qui se détache sur le bleu profond du ciel. En contrebas, vers la plaine, l’atmosphère est brumeuse. Le télescope semble flotter bien au-dessus de cette nuée opaque qui altère le panorama. La fraîcheur nous saisit à l’entrée dans le bâtiment pour rejoindre la salle de contrôle de l’antenne. Après un détour par la cuisine, au rez-de-chaussée, il nous faut gravir un escalier en pierre noire, probablement volcanique, qui débute dans la grande pièce circulaire où sont stockés des instruments scientifiques. Quelques paliers plus haut, hors d’haleine, nous prenons le temps de contempler le pilier monumental autour duquel tourne l’antenne… en espérant qu’il ne faudra pas monter à pied jusqu’en haut. Au détour d’une porte, nous empruntons une sorte de chemin de ronde en treillis métallique. Nous venons de rejoindre la structure mobile de l’antenne, celle qui tourne avec elle autour du pilier central. C’est là que se niche la salle de contrôle, que

Sur les hauts plateaux situés à l’est de Puebla, la Sierra Negra culmine à 4640 m, accompagnée par le Pic d’Orizaba (5600 m), encore blanchi par les dernières neiges.

nous gagnons par un ascenseur. À l’intérieur de cette pièce blanche et impersonnelle, l’ambiance est feutrée. Deux chercheurs sont face aux trois grands écrans qui permettent de piloter le télescope et ses instruments. Sur un canapé aux larges accoudoirs, deux autres, la petite trentaine, se concentrent sur leurs ordinateurs portables posés sur leurs genoux. Sans perdre de temps en présentations, David Sanchez s’installe devant les écrans, aux côtés de Gopal Narayanan, 50 ans, un chercheur américain d’origine indienne à la silhouette élancée. Et la discussion s’engage sur des sujets techniques : suivi du télescope, focalisation, solutions de pointage… UN TÉLESCOPE DE 12 000 KM Gopal, c’est le patron. Trois jours plus tôt, il a débarqué au Mexique avec son équipe de l’université du Massachusetts (États-Unis) et tout son matériel pour mener au LMT des observations d’un genre nouveau, déjà testées plusieurs fois, mais jamais vraiment tentées avec un objectif scientifique : photographier un trou noir !


Pour cette “première”, il lui a fallu, avec près de deux cents autres astronomes et techniciens, mettre au point des instruments spécifiques et, surtout, investir neuf observatoires répartis sur toute la planète. Car, malgré sa parabole de 1 600 tonnes, le LMT seul ne suffirait pas. Pour espérer discerner l’absence de lumière due au trou noir (son “ombre”) sur un fond céleste lumineux, il faut un télescope infiniment plus grand. Un télescope du diamètre de la Terre entière, soit environ 12 000 km ! Et pour simuler un tel cyclope, les astronomes ont eu l’idée de réunir les observations simultanées de neuf télescopes judicieusement répartis sur l’ensemble du globe. Ainsi, l’un d’eux est à Hawaï, un autre est en Espagne (au Pico Veleta), un autre au Chili et il y en a même un au pôle Sud. En visant ensemble la même cible céleste, ces antennes vont permettre d’obtenir une image dont la résolution sera celle d’un télescope virtuel aussi grand que la Terre. Le projet a été baptisé Event Horizon Telescope (EHT) en référence à l’horizon d’un trou noir, c’est-à-dire sa limite au-delà de

laquelle rien, pas même la lumière, ne peut s’échapper. La technique qui permet à l’EHT de prendre corps, l’interférométrie, semble magique. Mais elle est extrêmement complexe et difficile à mettre en œuvre. “Avant tout, cela nécessite des périodes d’observation communes aux neuf télescopes”, rappelait David Hugues, le directeur de l’INAOE, un peu plus tôt dans la journée, à Puebla. Il a donc fallu convenir d’une date à laquelle chacun de ces observatoires abandonne ses programmes habituels pour se consacrer à la photo du trou noir. “Cette année, nous avons obtenu cinq nuits, entre le 4 et le 14 avril”, précise David Hugues. Un vrai casse-tête qui ne peut être résolu sans un peu de chance. En effet, il faut que la météo soit favorable en même temps en neuf lieux répartis dans les deux hémisphères. Mais il faut aussi que tout soit prêt sur le plan technique. Et justement, en la matière, Gopal Narayanan ressent une certaine tension en ce 3 avril. Car, à la veille de l’ouverture de la fenêtre d’observation, il y

a encore beaucoup de détails à régler. À commencer par la focalisation de l’antenne. C’est pour cette raison qu’en cette fin d’après-midi, l’équipe pointe Mars, cible facile, mais “sans intérêt scientifique” comme l’indique David Sanchez. La parabole de 50 m n’est pas faite d’un seul bloc. “Sa surface comporte 84 panneaux orientables chacun au moyen de quatre actuateurs, précise Edgar Castillo Dominguez, astronome au Conacyt (le CNRS mexicain). Mais pour le moment, cela ne couvre que 32 m de diamètre. À la fin de 2017, les 50 m seront opérationnels et il y aura en tout 180 panneaux.” AU DIXIÈME DE MICRON PRÈS Même si l’antenne ne dispose pas encore de sa pleine puissance, elle est déjà un engin de haute précision qu’il faut sans cesse contrôler. Ainsi, sous l’effet de son propre poids, sa forme change selon qu’elle vise vers le zénith ou à 20° de hauteur. Pis, la chaleur du Soleil dilate ses matériaux et modifie sensiblement la courbure de la parabole. Or, “il faut garder sa forme à quelques dixièmes de micron près, ce qui est l’un des plus gros

Sur le canapé noir de la salle de contrôle, Katie Bouman (à droite) et Lindy Blackburn ne cessent de faire tourner des modèles mathématiques, sous l’œil de Gopal Narayanan (en vert). Photos : © Philippe Henarejos

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défis”, indique David Hugues. C’est précisément à cela que servent les quatre actuateurs sur chacun des panneaux réfléchissants. Toutefois, obtenir la bonne forme ne se révèle pas simple. De sorte qu’avant d’agir sur les panneaux, en fonction de la focalisation existante, il faut avoir fait un modèle mathématique qui indique la manière d’arriver à la bonne courbure. C’est le rôle de Katie Bouman et de Lindy Blackburn, du MIT (1), qui passent leur temps à parfaire ces modélisations en fonction des données fournies par le télescope. Gopal Narayanan connaît l’importance de leur contribution : “Ce sont deux jeunes chercheurs brillants. Depuis trois ans, ils ont fait un gros travail en mettant au point des programmes mathématiques qui permettent de régler les problèmes de focalisation.” En résumé, sans eux, pas de photo du trou noir. Or, cette photo, les astronomes en rêvent très fort depuis 2009, lorsque s’est constitué l’embryon de ce qui allait devenir l’EHT. Il est apparu que la seule chance de voir un jour la forme sphérique de l’horizon d’un trou noir résidait dans un interféromètre millimétrique. En visible, comme dans d’autres longueurs d’onde, impossible d’atteindre la résolution suffisante. Et même en longueur d’onde millimétrique, un interféromètre de la taille de la Terre n’aurait à sa portée que deux cibles assez grosses pour réussir : le trou noir central de la Voie lactée, aussi appelé Sagittarius A* (ou Sgr A*), et celui de la galaxie elliptique M 87. Les deux astres compacts ne jouent pas dans la même catégorie. Sgr A* a une masse de 4 millions de fois celle du Soleil, et son horizon, un diamètre d’environ 4,5 milliards de kilomètres, soit l’équivalent de la distance Soleil-Neptune. Le trou noir de M 87, lui, dépasse les 6 milliards de masses solaires pour un diamètre de 40 milliards de kilomètres. Mais alors que celui-ci est à 53 millions d’années-lumière, Sgr A*, 78

bien que plus modeste, se trouve à seulement 26 000 années-lumière. Du coup, ils ont à peu près la même taille apparente, accessible à l’EHT : celle d’une balle de golf posée sur la Lune, soit 20 microsecondes d’arc pour Sgr A* et 16 microsecondes d’arc pour M 87. Seulement deux cibles, cela peut sembler bien maigre en regard des efforts déployés. Pourtant, les objectifs scientifiques sont nombreux et pertinents, comme l’explique David Hugues : “D’abord, une photo nous confirmera qu’il y a un trou noir, avec une singularité et un horizon des événements. Ce serait un résultat fondamental ! Ensuite, la taille de l’ombre va vous indiquer si le trou noir tourne sur lui-même et à quelle vitesse. Si l’ombre est petite, c’est que le trou noir tourne dans le même sens que le disque d’accrétion qui est censé l’entourer. Si elle est grande, c’est qu’il tourne dans le sens inverse du disque. Mais on peut aussi avoir, entre les deux, une taille moyenne qui indique qu’il ne tourne pas. En outre, nous vérifierons s’il y a bien un disque d’accrétion et si celui-ci est incliné ou non. Dans le cas où il le serait, nous pouvons espérer discerner l’ombre sur une partie du disque, qui est lumineux, et voir si ce disque est variable dans le temps ou s’il est asymétrique. Pour cette raison, les observations ne devront pas se limiter à une seule photo. Il faudra les répéter. Enfin, les informations recueillies nous aideront à tester la théorie de la relativité dans les conditions les plus extrêmes.” Des objectifs qui font rêver astronomes et physiciens. Au point que, quand on demande à Miguel Chavez, directeur adjoint de l’INAOE, si une telle photo pourrait valoir un prix Nobel, il répond “oui” sans hésiter. PRÉPARATION FÉBRILE LA VEILLE Mais encore faut-il que tout fonctionne. Et ce n’est pas le cas lorsque vers 21 h, ce 3 avril, Gopal Narayanan arrive dans la cuisine, où chacun se réchauffe un plat. L’homme est charismatique.


Et il ne lui faut qu’un bref instant pour mobiliser l’attention de ses collaborateurs et faire un point sur la stratégie d’observation. La première tentative de photo aura probablement lieu le lendemain soir. La session commune avec les autres observatoires pourrait durer 16 heures d’affilée. Avec un stress palpable, Gopal dit : “Nous sommes neuf, et nous allons nous diviser en deux équipes de manière à ce que les compétences soient réparties.” Et de rappeler, si besoin était, les trois points sur lesquels tous doivent être particulièrement vigilants : le pilotage du télescope, le contrôle du récepteur et l’enregistrement des données.

Sitôt le repas terminé, tout le monde se retrouve dans la salle de contrôle. Maintenant que la nuit est tombée, l’antenne suit un quasar, 3C279, pour surveiller comment évolue la forme de la parabole à mesure que la température extérieure diminue vers 0° C. Pendant que certains pilotent le télescope au son d’une playlist de rock, l’autre partie de l’équipe descend dans le froid près d’une grosse caisse en bois qui contient l’horloge atomique. Les observations en interférométrie ne peuvent en effet fonctionner que si chaque télescope dispose d’une référence temporelle très précise pour combiner a posteriori les faisceaux

Le jour, le LMT chauffe sous l’action du Soleil (ci-contre). Sa déformation est l’un des problèmes auxquels Gopal Narayanan et David Sanchez doivent faire face s’ils veulent réussir la photo du trou noir. Photos : © Philippe Henarejos

millimétriques reçus de l’espace. Sans cela, pas de fameuse photo. Tournevis à la main, Gopal Narayanan ouvre le boîtier et ajuste la pression à l’intérieur de l’horloge pour stabiliser la fréquence de l’électron à 1,4 GHz. Autour de cet instrument à 250 000 $, dont huit autres exemplaires équipent les sites de l’EHT, on perçoit toute la complexité de l’entreprise. À minuit moins dix, sur un mot d’ordre discret, tout le monde (sauf Gopal et les pilotes du télescope) s’équipe de vestes et de bonnets et sort de la salle de contrôle pour gagner la pièce contiguë. Elle abrite de gros ordinateurs. La température y est fraîche. Et le sujet du moment, c’est que chacun, quel que soit son rôle, apprenne comment commencer à enregistrer les données qui viendront du détecteur, situé à l’étage du dessus. Pendant plus d’une heure, les cinq jeunes membres de l’équipe vont prendre des notes sur leurs calepins et visualiser des lignes de code sur leurs ordinateurs portables ouverts sur le coin d’un bureau. À leur retour dans la salle de contrôle, Gopal Narayanan a des nouvelles pour eux : “La décision de lancer ou non les observations sera donnée demain à 15 h par le centre de commande [NDLR : situé dans le Massachusetts]. Nous saurons à ce moment-là si nous partons pour 9 ou 16 heures d’affilée.” Il ne cache pas sa fébrilité : “Il y a des milliers d’opérations à faire pour que ça marche. Si c’est bon, ce sera l’image la plus résolue de toute l’histoire de l’astronomie…” Mais les tests pour la préparer semblent ne jamais devoir s’arrêter. Arrivée à 15 h, l’équipe ne repart du sommet de la Sierra Negra qu’à 3 h du matin. Dans la nuit étoilée, bien au-dessus des lointaines lumières des villages estompées par une légère brume, les 4x4 s’engagent sur la piste. Les consignes de sécurité obligent à rouler par deux. Pas question de laisser une voiture seule en retrait. La descente dure une heure et quart pour rallier la ville de Ciudad Serdan, où se trouve le

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camp de base. Là, un hôtel particulier sans cachet est réservé aux astronomes avec, au rez-de-chaussée, donnant sur une cour intérieure, la salle à manger. Des repas y sont prêts 24 h/24 pour les observateurs aux horaires imprévisibles. D’ailleurs, personne n’envisage de se coucher. Devant un plat réchauffé, ordinateurs ouverts, chacun poursuit ses préparatifs pour le grand jour. “NOUS AVONS LE GO !” Le lendemain, en début d’aprèsmidi, on retrouve la petite communauté au même endroit, devant leurs écrans, comme si elle n’avait pas bougé. Sur le sien, Gopal Narayanan suit en temps réel l’état de chacun des neuf sites de l’EHT. Il est 13 h 30 quand il envoie au centre de commande son rapport indiquant que le LMT est opérationnel. À 14 h 55, il annonce : “Nous avons le ‘go’ pour les observations.” La première photo d’un trou noir va pouvoir être tentée. L’instant est attendu ; chacun sait ce qu’il a à faire. Les ordinateurs se fer-

ment et un quart d’heure plus tard, les deux 4x4 du premier groupe s’engagent vers le sommet. À leur arrivée, David Sanchez a déjà réveillé le télescope à distance, depuis Ciudad Serdán. Il pointe Mars, mais l’image est catastrophique, à cause du Soleil, qui chauffe l’antenne. Légère crispation de l’équipe. Mais le problème est connu et la solution aussi : il suffit d’attendre la nuit. De fait, vers 22 h, quand la galaxie M 87 est visée, le souci a disparu. David Sanchez et Aleks Popstelfanija, de l’université du Massachusetts, sont alors seuls face aux écrans de contrôle. Tout se déroule automatiquement. Ils semblent sereins, on ne décèle pas d’attention particulière aux manœuvres en cours. C’est le moment historique et… il ne se passe rien. L’ambiance n’a plus rien à voir avec la fébrilité de la veille. À l’affairement permanent, aux discussions incessantes a succédé une inaction apparente plutôt ennuyeuse pour l’observateur extérieur. “Hier, on improvisait”, lâche David

Sanchez en guise d’explication. Sousentendu : aujourd’hui, tout est prêt et fonctionne. Les minutes passent, le télescope alternant visées sur M 87 et étalonnage de ses instruments sur d’autres objets célestes. À chaque changement de cible, une petite vibration rappelle que la salle tourne avec l’antenne. Chronologiquement, donc, le trou noir de M 87 est photographié d’abord. Mais pour les scientifiques de l’EHT, l’objectif prioritaire, c’est Sgr A*. Ses données seront traitées en premier. Gopal Narayanan arrive avec la deuxième équipe peu après 22 h. Le LMT, comme tous les autres télescopes de l’EHT, pointe à nouveau M 87 pour une session de 6 minutes. L’événement semble passer inaperçu, chacun poursuivant ses discussions comme si de rien n’était. Il faudra rappeler à Gopal que l’instant est historique pour qu’il consente à regrouper l’équipe afin de l’immortaliser en photo. “Hier, j’étais tendu, reconnaît le chercheur. Il restait des problèmes à résoudre. Nous avons tra-

À gauche : Gopal Narayanan et Katie Bouman profitent d’un arrêt des observations pour se porter au chevet du détecteur du télescope. En bas : pas de pause déjeuner pour l’équipe de l’EHT. Même au camp de base, les ordinateurs restent ouverts pour préparer les observations. À droite : Pendant que le LMT vise M 87, l’équipe pose pour une photo historique. De gauche à droite : Lindy Blackburn, Katie Bouman, David Sanchez, Aleks Popstelfanija, Michael Janssen, Sandra Bustamante, Gopal Narayanan et Edgar Castillo Dominguez. Photos : © Philippe Henarejos

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vaillé dur pour régler des soucis sur l’horloge, sur le récepteur, sur le télescope, sur l’enregistreur de données… Aujourd’hui, depuis le camp de base, j’ai vu que tout marchait bien. Donc, je suis relax.” UN CALME ÉTONNANT Il l’est même tellement qu’un peu plus tard, profitant d’une pause, il convie quelques personnes à monter voir le récepteur, au foyer de l’antenne. Pour le profane, c’est un ensemble de boîtiers posés sur une table, d’où s’échappent des fils de toutes les couleurs. Pour Gopal, qui en est le concepteur, c’est le cœur vivant du projet, qui nécessite une attention de tous les instants. Pour que le détecteur puisse percevoir les ondes millimétriques venues de l’espace, il est refroidi en permanence par un flux d’hélium à 4 K, soit quatre degrés au-dessus du zéro absolu, la température la plus basse possible dans l’Univers (– 273 °C). Sans ce froid extrême, le bruit de fond de l’environnement brouillerait tout signal venu des étoiles. Le détecteur est aussi

épargné des moindres vibrations qui pourraient être interprétées comme des ondes. Interdiction donc d’approcher du détecteur à moins de quelques mètres. Gopal y tient comme à la prunelle de ses yeux. Il raconte d’ailleurs comment il avait paniqué, plusieurs mois auparavant, lorsqu’à la suite d’une coupure de courant, le chant caractéristique du compresseur à hélium avait brusquement cessé. Il était monté et avait tout tenté pour le remettre en marche et “ranimer” le cœur du télescope. De retour dans la salle de contrôle, c’est toujours aussi calme. Michael, un doctorant néerlandais, fait remarquer à Aleks que la musique s’est arrêtée. C’est la première fois depuis qu’ont commencé ces longues heures de travail que l’on entend le silence. Ce dernier la remet en marche aussitôt. Vers 6 h, le centre de la Voie lactée sera pointé dans la même indifférence. Le lendemain, il est midi quand Gopal revient au camp de base. Sgr A* a été photographié par les neuf télescopes. Un peu plus tard, Lindy

Blackburn confirmera : “Ces observations suffisent pour faire une image du trou noir.” Avant d’ajouter : “Quatre autres jours sont cependant nécessaires pour gagner en précision, en propreté des données.” Encore faut-il les avoir, ces jours. En fin d’après-midi, ce 5 avril, Ciudad Serdán est battu par un vent qui, s’il devient trop fort, peut empêcher l’antenne de fonctionner. Les tornades de poussières habituelles qui se forment dans la campagne environnante ont cédé la place à une véritable tempête de sable et à quelques gouttes de pluie. Pourtant, 2 000 m plus haut, la Sierra Negra émerge de cette tourmente. Les conditions sont bonnes et une deuxième nuit d’observation commence. Elles le seront aussi le lendemain. Ensuite, la météo empêchera deux des sites de fonctionner, mettant l’EHT à l’arrêt et permettant à l’équipe de Gopal de se reposer un peu. Finalement, les 9 et 10 avril, les astronomes réussiront à nouveau à pointer M 87 et Sgr A*. Au terme d’une dizaine de jours particulièrement éprouvants en raison de l’altitude et d’un rythme soutenu, l’équipe pourra se détendre. “Nous avons fait une fête sympathique au camp de base la nuit du 11 avril, confie Gopal. Nous avons dansé et il y avait de la tequila et du mezcal !” Pour autant, la première photo d’un trou noir n’est pas encore assemblée. La prise de vue a été réalisée, les données sont enregistrées. Mais il faudra encore de longs mois avant de “développer” l’image en calant chaque observation sur une référence temporelle très précise grâce aux horloges atomiques. Notamment parce que les disques durs de l’expérience du pôle Sud ne seront pas récupérés avant la fin de l’hiver austral en octobre. Après un long travail de traitement des données, le cliché historique devrait être publié en fin d’année. Philippe Henarejos

(1) Massachusetts Institute of Technology.

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ÉCHANTILLONS LUNAIRES

La précieuse récolte du programme Apollo est conservée sous haute surveillance à Houston. Ces roches fragiles sont prêtées au compte-gouttes aux chercheurs. Mais elles sont aussi parfois l’objet de détournements frauduleux, voire de véritables cambriolages !

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© C&E

TOUCHEZ PAS AU GRISBI


Échantillon de sol lunaire, prélevé par les astronautes d’Apollo 17 en marge de la mer de la Sérénité. Cette poudre minérale contient principalement des particules vitreuses, fondues par des micro-impacts, ainsi que des cristaux riches en silice et en aluminium. Elle est exposée au muséum d’histoire naturelle de Washington. © Wnight84.

L

es échantillons de sol lunaire tombent en poussière ! L’alerte a été lancée voici deux ans par une équipe de l’université de Corée du Sud menée par les planétologues texans Bonnie Cooper et David McKay. Ces chercheurs ont comparé l’état d’échantillons au début des années 1970 et quarante ans plus tard, après qu’ils eurent été empruntés, puis rendus par des laboratoires, c’est-à-dire exposés à l’atmosphère terrestre. Résultat : ce régolithe lunaire, initialement conservé sous vide à Houston, contenait des grains d’un diamètre moyen de 78 microns (l’épaisseur d’un cheveu). Quarante ans plus tard, cette taille a diminué de plus de la moitié (33 microns). Que s’est-il passé ? La faute, tout simplement, à l’eau. Roches et sol lunaires ont en effet la particularité de s’être formés dans un environnement totalement sec, la Lune ne contenant pas la moindre trace d’eau (1). Or, même dans l’atmosphère la plus sèche possible d’un laboratoire, il y a toujours une quantité infime de vapeur d’eau : une molécule très réactive qui s’infiltre partout. Redoutable oxydant et dissolvant, elle profite du moindre interstice pour creuser une “carie” et casser un grain minéral en plusieurs morceaux. Alors, 48 ans après, la précieuse récolte de Neil Armstrong et de Buzz Aldrin est-elle vouée à disparaître ? Ce serait aller un peu vite en besogne. Au terme de six missions, entre 1969 et 1972, les astronautes du programme Apollo ont rapporté 2 196 échantillons de sol et de roches lunaires pour une masse totale de 382 kg. Entreposé au centre de

Houston, ce butin a été débité en plus de 110 000 fragments, dont une partie voyage dans les laboratoires du monde entier, avant de revenir au bercail à l’issue de leur analyse. Aujourd’hui encore la demande reste élevée : 400 nouveaux colis quitteront Houston cette année. La menace de désagrégation pèse surtout sur les échantillons de régolithe, le “sol” lunaire : une poudre minérale épaisse de plusieurs mètres, formée par le concassage incessant de la surface de la Lune par des impacts célestes de toute taille — de l’astéroïde aux minuscules protons soufflés par le Soleil. Ce sont ces échantillons de sol, beaucoup plus fragiles que les roches compactes, qui ont déclenché un signal d’alarme chez les chercheurs. Dès qu’ils quittent leur coffre-fort de Houston (États-Unis) pour un laboratoire, ils commencent à s’émietter... Cela étant, lorsque des échantillons sortent des coffres-forts de Houston, les gardiens du trésor savent bien que les roches seront corrompues par l’atmosphère terrestre ou par les méthodes d’analyse. Lorsque ces échantillons reviennent, ils ne retournent donc pas dans leur coffre original, mais sont rangés dans de nouveaux tiroirs réservés aux “impurs”. La principale menace serait plutôt ailleurs : dans la rareté de ces roches. Non pas que leur composition soit radicalement différente de celles des roches terrestres : ce sont des laves cristallisées à partir d’un magma et des brèches d’impact — fragments fracassés et soudés

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Derrière son parking, le bâtiment 31 du centre spatial de Houston est doté d’une annexe à deux étages (au centre, avec des arbres en arrière-plan) pour le stockage des roches Apollo. © Nasa.

La répartition du butin Des 382 kg d’échantillons Apollo, 70 % sont “vierges”, stockés sous azote et jamais sortis de leurs coffres du Johnson Space Center de Houston. Environ 8 % sont sortis pour analyse et ont été rendus au centre ; et 9 % en moyenne sont toujours hors les murs, en cours d’analyse. Enfin, pour ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, la Nasa conserve aussi un échantillonnage représentatif de chaque mission Apollo (13 % du total) à White Sands, au Nouveau-Mexique.

ensemble par des impacts d’astéroïdes. Ce qui fait leur véritable valeur, c’est l’histoire qu’elles nous racontent sur la naissance du couple Terre-Lune — un registre émietté et corrompu chez nous par des milliards d’années d’érosion, d’enfouissement et de refonte dans les entrailles du globe. Sur la Lune, ces roches ont été relativement épargnées. En d’autres termes, il s’agit d’un véritable trésor à protéger. LE COFFRE-FORT DE LA NASA À leur débarquement sur Terre, les caissons hermétiques d’échantillons rapportés par les astronautes

Cette brèche d’impact recoltée par les astronautes d’Apollo 17 a été sciée en de nombreux morceaux au laboratoire du centre de Houston. Elle est âgée de 3,87 milliards d’années. © Nasa.

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ont d’abord été entreposés sous vide au Johnson Space Center de Houston, dans un premier laboratoire dédié à leur préservation : le Lunar Receiving Laboratory. Bien vite, celui-ci se révéla trop petit et peu adapté, de sorte que la Nasa lança dès 1977 la construction d’un nouvel entrepôt, terminé deux ans plus tard : le Lunar Sample Laboratory Facility (“Laboratoire des échantillons lunaires”), aile nord du bâtiment 31 qui abrite les laboratoires de planétologie. Il faut bien sûr montrer patte blanche pour y accéder, car ce n’est pas un musée, mais une véritable salle des coffres : moins de 200 visiteurs par an obtiennent le précieux sésame pour y pénétrer. C’est le cas notamment lorsqu’un chercheur demande un échantillon qui pèse plus de 10 g (en dessous de ce seuil, c’est la poste américaine qui se charge de la livraison), auquel cas il est tenu de venir en personne retirer le précieux colis. Imaginez que cette lourde responsabilité vous revient. Vous vous présentez à la guérite du centre de Houston, recevez votre passe et roulez au pas dans l’allée principale, le long d’une vieille fusée Saturne 5 couchée sur le flanc. Tournez à droite dans l’avenue C et contournez le grand bâtiment 9 qui loge le simulateur de la station spatiale internationale, et vous voilà arrivé au parking d’un banal immeuble à deux étages : le bâtiment 31N. Après un second contrôle d’identité, vous pénétrez enfin dans le sanctuaire lunaire. Votre itinéraire est tout tracé. D’abord le vestiaire principal, où vous mettez une paire de couvre-chaussures, une blouse blanche et un blanc bonnet, et où vous laissez tous vos bijoux — montre, bague, collier —, car la moindre poussière d’un métal précieux se posant sur une roche lunaire en fausserait toute analyse future. Puis, vous pénétrez par un sas dans un second vestiaire, le Clean Change Room (dans le premier, vous étiez


encore loin d’être “clean”) pour y endosser une enveloppante combinaison blanche et un second bonnet, avec des gants et une nouvelle paire de couvre-chaussures, qui vous font désormais ressembler à un gros lapin. Ainsi affublé, vous passez par une douche d’air ultrapur qui vous débarrasse des dernières poussières, et enfin s’ouvre l’ultime sas qui mène au laboratoire des échantillons vierges : le Pristine Sample Laboratory. L’absence de couleurs vous rappelle la Lune : lino gris, murs gris, plafond blanc cassé. De grands caissons vitrés longent les murs tout autour de la salle, dont émergent des manchons étanches en néoprène noir qui se terminent par des gants — permettant de manipuler les échantillons à l’intérieur des caissons sans les contaminer. Au repos, les manchons et leurs gants se projettent à l’horizontale, comme autant de doigts accusateurs, et c’est là que vous prenez conscience du différentiel de pression : celle des caissons est maintenue au-dessus de celle de la salle. En cas de fuite, le courant d’air se fait ainsi de l’intérieur vers l’extérieur, empêchant une contamination dans l’autre sens, de l’atmosphère terrestre vers les précieux échantillons. SOUS ATMOSPHÈRE D’AZOTE Si le laboratoire est alimenté en air ultrapur, les caissons à échantillons sont sous atmosphère d’azote : un gaz neutre qui réagit très peu chimiquement avec les roches. C’est préférable au vide, car le vide est coûteux à entretenir et toute fuite ou implosion se traduirait par l’engouffrement de l’air terrestre et donc par une contamination. Le choix d’un gaz neutre permet au contraire de régler sa pression au-dessus de celle du milieu extérieur. Toutes ces atmosphères sont étroitement contrôlées. L’azote qui circule dans les caissons à échantillons

Le prix d’une pierre de Lune Les 382 kg d’échantillons Apollo ne sont pas à vendre : ils sont considérés trésor national, voire trésor de l’humanité. Mais on peut comparer ce butin aux météorites lunaires, fragments rocheux expulsés de la Lune par des impacts et tombés sur Terre, que collectionneurs et musées s’arrachent (près de 140 kg). Leur prix de vente sur le marché oscille généralement entre 600 et 4 000 $ le gramme, ce qui est sensiblement le prix des diamants bruts destinés à la joaillerie. Mais cette valeur, basée sur la rareté, est appelée à baisser avec la découverte incessante de nouvelles météorites lunaires, et déjà on peut faire des affaires : en octobre 2012, une météorite lunaire de 1,8 kg s’est vendue au prix “dérisoire” de 330 000 $, soit 180 $ seulement le gramme…

est notamment testé pour sa teneur en gaz “interdits”, le seuil à ne pas dépasser étant de 20 molécules d’oxygène et 50 molécules de vapeur d’eau pour un million de molécules d’azote, soit 0,000 2 % et 0,000 5 % respectivement. Cela étant, les caissons sont vides la plupart du temps : ils servent uniquement à la préparation et à l’empaquetage des échantillons qui y pénètrent par un sas fixé au mur, car les roches Apollo sont entreposées de l’autre côté, dans la “salle des coffres”. Tout autour du laboratoire, où débouchent les sas de chaque caisson, se trouve en effet le Pristine Corridor : le “couloir vierge”. D’autres armoires vitrées sous atmos-

Le laboratoire de Houston possède des caissons étanches où sont manipulés les échantillons lunaires. Caissons et gants de manutention sont gonflés par de l’azote sous pression, empêchant toute contamination venue de l’extérieur. © Ryan Anderson.

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celle des retours, sous simple atmosphère d’air pur. Ces échantillons seront prêtés en priorité lorsqu’une nouvelle demande sera faite. Mais pour cela, encore faut-il qu’ils reviennent…

Disque d’échantillons lunaires prêté à des fins éducatives (en haut). Certains prêts ont été volés ou détournés : l’avocat et détective Joseph Gutheinz (en bas à droite) s’est donné pour mission de les retrouver. © L. Hugues/Nasa et DR

phère d’azote s’y trouvent, cette fois pour le stockage, avec une armoire par mission Apollo, et des tiroirs scellés où les échantillons sont emballés dans des sacs étanches. Les gardiens du temple — ceux qui ont accès au couloir — sortent la pièce demandée du coffre, et par le sas l’introduisent dans le caisson du laboratoire de préparation. Une fois que l’échantillon tombe enfin entre vos mains et sort de Houston, libre à vous de l’exposer à l’air : il est désormais fiché comme étant “usagé”. Quand vous le rapporterez, il sera rangé dans une autre salle, 86

CONTREBANDE DE ROCHES LUNAIRES Lorsqu’un échantillon lunaire sort de Houston, c’est pour un prêt, que ce soit pour un laboratoire, un musée ou une salle de classe. Il doit obligatoirement être rendu, à plus ou moins long terme. Les seules exceptions consistent en deux séries de plaquettes commémoratives offertes à 135 pays et aux 50 États américains, la première en 1970, contenant 50 mg du sol lunaire d’Apollo 11, et la seconde en 1973 : un fragment de roche collecté au terme de la dernière mission Apollo 17. Or, lors d’un audit conduit en décembre 2011 par la Nasa, près de 300 échantillons sur les quelque 26 000 sortis du centre de Houston en quarante ans se sont révélés introuvables. Pour ceux prêtés aux laboratoires, il s’agit souvent d’une négligence ou d’un oubli. La palme de l’étourderie revient à un chercheur qui a perdu les 18 échantillons qu’on lui avait confiés. Une dizaine d’autres cas se partagent entre scientifiques qui n’ont simplement pas pensé à rendre les roches empruntées, et ceux qui sont décédés et dont les échantillons se sont retrouvés au garage ou à la déchèterie. Plus préoccupante est la situation des plaquettes commémoratives. En 1998, l’avocat Joseph Gutheinz, ancien agent de renseignements de l’armée américaine, tente de démasquer les arnaqueurs qui fourguent à prix d’or de vulgaires cailloux terrestres en les faisant passer pour des échantillons Apollo. Le détective était loin d’imaginer qu’en réponse à sa petite annonce pour attirer les fraudeurs, on lui proposerait un véritable échantillon Apollo. Or, c’est bien l’une des plaques commémoratives d’Apollo 17 que tente de lui vendre, pour 5 millions de dollars, un homme d’affaires de Miami qui sera arrêté et questionné sur-lechamp. L’enquête révèle qu’il s’agit de la plaque offerte au gouvernement du Honduras, tombée par la suite entre de mauvaises mains. Intrigué par cette affaire, Gutheinz, qui enseigne par ailleurs la justice pénale à l’université de Phoenix, décide de traquer avec l’aide de ses étudiants toutes les plaquettes Apollo 11 et Apollo 17 distribuées à travers le monde. Bien vite, ils s’aperçoivent que près de la moitié manquent à l’appel ! Si l’échantillon Apollo 11 du Delaware a réellement été volé, arraché à sa plaque en plein musée, tout comme ceux offerts à la Suède et à Malte, la plupart ont simplement été égarés, gardés par des politiciens comme s’il


s’agissait d’un cadeau personnel, ou refilés à des amis. Au terme d’obscurs parcours, la plaquette Apollo 17 destinée à la Virginie-Occidentale a ainsi échoué chez un dentiste, et celle d’Apollo 11 pour le Nicaragua s’est retrouvée chez le propriétaire d’un casino à Las Vegas. Deux autres plaquettes ont disparu dans des incendies, comme en Irlande, dont les 50 mg de sol lunaire sont désormais éparpillés dans la décharge publique… LE CASSE DE HOUSTON Vu la valeur historique de ces roches estimées à plusieurs millions de dollars le kilogramme (lire p. 85), on pourrait craindre que l’entrepôt même du centre de Houston soit menacé de braquage. Si la simple guérite à l’entrée du complexe paraît dérisoire pour stopper des malfaiteurs, la police n’est jamais bien loin au Texas : à peine rentrés, les cambrioleurs seraient immédiatement cernés. Reste le vol en interne par des employés de la Nasa. Une hypothèse a priori impensable, et pourtant : le 13 juillet 2002, Thad Roberts, un stagiaire de 25 ans, décide de cambrioler le bureau de son mentor, le géologue Everett Gibson, qui abrite 100 g d’échantillons Apollo. Comme Thad Roberts travaille sur place, il circule librement dans le centre spatial. Le soir du 13 juillet, il passe la guérite avec une Jeep et deux autres stagiaires complices : Tiffany, 21 ans, dont il est amoureux et qu’il cherche à impressionner, et Shae, 19 ans, pareillement envoûtée par le

Où les voir En France sont exposées à Nantes et à Paris deux plaquettes commémoratives Apollo, contenant quelques dizaines de milligrammes de sol et de roche lunaires. Mais c’est à la Cité de l’espace, à Toulouse, qu’est la plus belle pièce : un fragment de basalte de la mission Apollo 15.

Bruxelles Institut royal des sciences naturelles Plaquette Apollo 11 Paris Palais de la Découverte Plaquette Apollo 17

mauvais garçon. Avec Shae faisant le guet au dehors, Thad et Tiffany parviennent à pénétrer dans le bureau d’Everett Gibson et chargent son coffre-fort de 300 kg sur un diable, le transportent jusqu’à la Jeep, ressortent du centre de Houston sans être inquiétés, et passent la nuit dans un motel où ils éventrent le coffre pour en retirer les précieux échantillons. Contactant un club de minéralogie à l’étranger, ils s’imaginent écouler à prix d’or leur marchandise, mais un collectionneur belge donne l’alerte. Des agents du FBI se font passer pour les acheteurs et le gang est arrêté en Floride, neuf jours seulement après le casse. Thad Roberts écope de 8 ans de prison, une peine qui sera réduite à 6 ans (il est libéré en 2008). Quant à ses très influençables groupies, elles bénéficieront de circonstances atténuantes et ne seront condamnées qu’à des peines avec sursis. S’il est plus que grillé à la Nasa, Thad Roberts ne désespère pas d’aller un jour récolter lui-même des échantillons sur la Lune, dans le cadre d’un vol privé. Mais ce n’est pas en vendant son butin qu’il pourra payer son voyage, car plus on rapportera de roches lunaires, plus leur prix sur le marché baissera. Leur vraie valeur est bien sûr ailleurs : la moisson d’Apollo n’a pas fini de dévoiler les secrets du Système solaire et de l’origine de la Terre. Charles Frankel

(1) Sauf aux pôles de la Lune, sous forme de glace piégée au fond de cratères éternellement plongés dans l’ombre.

Zurich Institut fédéral de technologie Plaquette Apollo 11

Lucerne Musée du Transport Plaquette Apollo 17 Nantes Muséum d’histoire naturelle Plaquette Apollo 11

Genève World Intellectual Property Organization Roche Apollo 15 (15 555)

Toulouse Cité de l’espace Roche Apollo 15 (15 499)

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l’œil de

pierre thomas

POURQUOI NOUS AVONS BESOIN DES ÉCHANTILLONS EXTRATERRESTRES

A

vant 1969, les seuls échantillons extraterrestres dont disposaient les scientifiques étaient les météorites. Celles-ci étaient conservées “soigneusement” dans les musées, ce qui était très important pour les météorites ramassées juste après leur chute, et qui n’avaient donc pas passé des semaines ou des siècles dans les sols, glaces ou déserts terrestres. Qu’on se rappelle les polémiques à propos de pseudo-bactéries extraterrestres trouvées dans telle ou telle météorite. Puis, sont venus les 382 kg d’échantillons Apollo entre 1969 et 1972, plus les 326 g récoltés par les sondes automatiques soviétiques Luna entre 1970 et 1976. Auxquels s’ajoutent quelques grains d’astéroïde rapportés en 2013 par la mission japonaise Hayabusa, et les poussières cométaires de la comète Wild 2 revenues sur Terre en 2006 grâce à la sonde américaine Stardust. L’apport scientifique de ces échantillons lunaires fut colossal. Les analyses “grossières” de premier ordre ont permis de déterminer la nature chimique et minéralogique des mers et des terres lunaires. On a pu en déduire un scénario simple (simpliste ?) de l’histoire de la Lune après sa formation. L’analyse d’isotopes radioactifs (comme l’uranium) ou radiogéniques (comme le plomb) a permis de dater les différents stades de cette histoire, en particulier celle du bombardement météoritique et de son évolution. C’est la transposition de cette histoire du bombardement sur la Lune à d’autres planètes ou satellites qui nous a éclairé sur l’histoire géologique de ces corps. Quand on dit que l’eau liquide a quasiment disparu de Mars depuis 3,5 milliards d’années, c’est grâce aux échantillons lunaires que nous pouvons proposer cette date.

88

L’analyse comparée des échantillons terrestres et lunaires a été riche d’enseignements. Citons deux données essentielles parmi d’autres : – vis-à-vis des isotopes de l’oxygène, les différentes classes de corps dont nous avons des échantillons (Terre, diverses classes de météorites, dont les météorites martiennes) ont une “signature” particulière. La Lune a exactement la même signature que la Terre ; – toutes choses étant égales par ailleurs, les échantillons lunaires sont enrichis en éléments à température d’ébullition élevée. La Lune, c’est comme un morceau de la Terre, qui aurait été chauffé, dé-volatilisé… Des analyses encore plus précises, avec d’autres isotopes que ceux de l’oxygène, sont toujours en cours. Au même moment, des simulations numériques montraient la possibilité que la Lune se soit faite par ré-accrétion de débris issus de la collision entre la Terre et une planète errante baptisée Théia, déjà formées et différenciées. Comparer les analyses des échantillons et les prédictions des simulations nous a aidés à affiner notre connaissance de l’origine de la Lune. En particulier, les différences ou non de concentration entre tel ou tel isotope sur la Lune et sur Terre ont permis d’estimer les parts respectives de la Terre et de Théia dans la matière lunaire, de proposer un impact par un unique Théia ou par plusieurs corps… Et depuis 1969, les progrès analytiques de la géochimie ont été considérables. Des études réalisées en 2017 n’auraient pas pu être faites en 1977. Et nos hypothèses au sujet de la Lune, de son origine, de son histoire évoluent au fil des découvertes. Nous avons aujourd’hui des questions scientifiques et des


projets d’analyse que nous n’avions pas il y a quarante ans. Heureusement que les échantillons ont, dans leur immense majorité, été soigneusement conservés ! Et pour l’avenir ? Avec le progrès des techniques et le développement d’idées nouvelles, nous allons continuer à effectuer des analyses pour répondre à nos interrogations toujours plus nombreuses. Il faudra donc conserver et utiliser à bon escient les échantillons dont nous disposons déjà — et bien sûr préserver dans d’aussi bonnes conditions, voire meilleures, les échantillons à venir. Car il y a d’autres corps que la Lune. Le travail qui a été réalisé dans nos laboratoires avec la récolte d’Apollo pour “débrouiller” l’histoire de la Lune doit être effectué pour Mars, pour les astéroïdes… Sur Mars, par exemple, les robots prennent des images en gros plan et pratiquent des analyses chimiques et minéralogiques “grossières”. Pour obtenir une précision analytique similaire à celle obtenue sur les échantillons lunaires, il faudrait plusieurs instruments scientifiques de plus de 1 tonne chacun, absolument pas “spatialisables” dans l’état actuel des techniques. Pour prendre une analogie médicale, comparer ce que le rover Curiosity réalise en ce moment sur la planète Mars à une analyse chimique dans un laboratoire terrestre revient à comparer l’auscultation d’un médecin du XIXe siècle, avec ses mains et son stéthoscope, à un scanner ou une IRM d’aujourd’hui. Si nous voulons comprendre la formation et l’histoire du Système solaire, il nous faut rapporter sur Terre des échantillons d’autres corps célestes. Dans les prochaines décennies, on peut envisager deux types de méthodes de conservation pour ceux-ci. Pour la majorité des prélèvements issus de la Lune ou d’astéroïdes, il faudra prendre le même genre de précautions que pour les échantillons Apollo (en tenant compte des leçons du passé) et en les augmentant considérablement. Ces récoltes, effectuées par des missions automatiques dans un premier temps, concerneront probablement de faibles masses qui se mesureront en grammes, et non en quintaux. Il faudra donc “économiser” les échantillons avec des méthodes d’analyse raffinées ne nécessitant que de très petites quantités. Certains de ces prélèvements — ceux venant d’astéroïdes carbonés ou de comètes, en particulier — seront entre autres analysés vis-à-vis de leurs molécules carbonées complexes, molécules qui pourraient être des “analogues actuels” des molécules prébiotiques extraterrestres,

qui ont, peut-être, participé à l’origine de la vie sur Terre il y a 4 milliards d’années. Et si on trouve quelques picogrammes de molécules organiques carbonées dans un de ces échantillons, il faudra être certain que ce carbone organique est bien extraterrestre, et non issu d’une contamination terrestre. D’extraordinaires précautions devront donc être prises, depuis le site d’échantillonnage sur la planète jusqu’au laboratoire terrestre, pour éviter toute espèce de pollution terrestre. La situation sera encore plus complexe pour des prélèvements martiens, et à plus forte raison pour des échantillons en provenance des geysers d’Encelade ou d’Europe, où il n’est pas exclu que des formes de vie (fossile ou non) soient présentes. Identifier les vestiges d’une forme de vie ancienne dans ces échantillons nécessitera, comme pour la recherche de molécules organiques, d’éviter toute contamination dans le sens “Terre à échantillon”. Mais, pour le cas où des formes de vie actuelle existeraient dans ces prélèvements, il faudra aussi rendre absolument impossible une contamination dans le sens “échantillon à Terre”. Les prélèvements devront donc être conditionnés sur leur planète d’origine et enfermés dans des conteneurs totalement étanches. L’extérieur de ces conteneurs devra être vigoureusement stérilisé (mais non l’intérieur…). Une fois sur Terre, les premières études devront être indirectes et réalisées “à travers” les parois du conteneur. Et les analyses directes devront être effectuées dans des laboratoires haute sécurité de type P4, comme ceux où sont étudiés les virus les plus mobiles et les plus dangereux (tel Ebola). Comparé à ces sites où seront conservés et étudiés les échantillons susceptibles d’abriter une quelconque forme de vie actuelle en provenance de Mars, et surtout d’Europe ou d’Encelade, le centre de stockage actuel du Johnson Space Center de Houston ressemblera à un hall de gare…

Pierre Thomas est géologue, professeur à l’École normale supérieure de Lyon. Il travaille sur la géologie des planètes et des satellites, ainsi que sur l’origine de la Terre et du Système solaire. DR

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90

OBSERVATION

OBSERVEZ LA LUMIÈRE DU PASSÉ Les astronomes ont coutume de dire qu’observer l’Univers, c’est regarder le passé. Si cela est particulièrement vrai à l’échelle des galaxies, ça l’est également pour les étoiles visibles à l’œil nu. Cette petite balade dans le ciel nocturne estival devrait vous permettre d’apprécier à quel point.

V

ous êtes-vous déjà demandé ce que vous faisiez au moment où la lumière venue de Véga a été émise ? La question peut sembler quelque peu incongrue. Mais songez-y quelques instants : perchée presque exactement au-dessus de nos têtes en début de nuit, cette étoile très brillante de la constellation de la Lyre attire l’œil. Car située à 25 années-lumière, c’est l’une des plus proches voisines du Soleil. Vingt-cinq années-lumière… Cela signifie que les photons qui nous arrivent de cet astre — et qui font que nous le voyons — ont quitté sa surface chauffée à près de 10 000 °C voici un quart de siècle et que ces particules de lumière ont cheminé pendant tout ce temps à la vitesse de 300 000 km/s. Dans l’Univers, rien ne peut être plus rapide que la lumière ; ce sont les lois de la physique qui l’imposent. Les photons nous arrivant de Véga, en cette nuit d’été, ont donc parcouru 236 518 milliards de kilomètres, ce qui est énorme… Pour tenter de réaliser ce que cela représente, c’est 616 millions de fois la distance qui sépare la Terre de la Lune. Mais est-ce parlant ? Les astronautes des missions Apollo (bien moins rapides que la lumière…) mettaient quatre jours pour faire la traversée de 380 000 km jusqu’à notre satellite naturel. En supposant que l’on

rejoigne Véga à la même vitesse, le voyage durerait 6,7 millions d’années… À la question “que faisiez-vous au moment où la lumière de Véga a été

émise ?”, certains auront peut-être du mal à répondre. Il leur faudra fouiller dans leurs souvenirs. Les plus jeunes d’entre nous répondront “rien” puisqu’ils


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Philippe Henarejos

Quelques “étoiles-anniversaires”

n’étaient pas encore nés. Mais ils pourront apprécier que cette lumière blanche a été fabriquée en 1992. D’autres réaliseront l’improbable coïncidence qui fait de l’éclat de cet astre une lueur émise au moment de leur naissance. Tous pourront retrouver que cette année-là, entre autres choses, à Rio se réunissait sous l’égide des Nations unies le “Sommet de la planète Terre”, que Bill Clinton était élu 42e président des ÉtatsUnis ou que le Français Georges Charpak obtenait le Nobel de physique. Le ciel d’été, riche en étoiles, invite à bien d’autres voyages dans le temps. L’occasion de repérer ces astres, de prendre conscience de leur éloignement et de s’amuser à associer leur lumière avec des événements survenus sur Terre quand elle a entamé son voyage vers nous.

Quelle étoile vous envoie en ce moment une lumière émise l’année de votre naissance ? Il y a des milliers d’étoiles visibles à l’œil nu sur la voûte céleste, mais il est bien difficile d’en trouver qui offrent une réponse à chacun ! En particulier, les plus jeunes sont défavorisés, car il y a peu d’étoiles à proximité du Soleil, et la plupart sont de très faible magnitude. Tout de même, un petit tour d’horizon des astres les plus accessibles vous permet de jouer à ce petit jeu. Véga nom de l’étoile 25 distance en années-lumière

NORD

Capella 42,8 Delta Aurigae 41

GRANDE OURSE

Archid 19

PETITE OURSE

Errai 46

44

Alsafi 18,7 CÉPHÉE CASSIOPÉE Alderamin

BOUVIER

49

Omicron Cygni 61 Cygni 60 Véga

EST

Alpheratz 97

ANDROMÈDE

Iota Pegasi

11

25

ue

q pti

i écl

38

Alphekka

36

Ksi Muphrid Bootis 37 22

75

Dzêta Herculis Mu 35 Herculis 27 HERCULE Sarin

LYRE

CYGNE

Arcturus

DRAGON

75

Dzêta Aquilae Altaïr 16

83

Deneb Okab 50

SERPENTAIRE

AIGLE

SUD

Une de ces lumières qui vous parviennent lors d’une belle nuit étoilée a peut-être émise le jour de votre naissance. © C. Harvey/DR

OUEST

Upsilon Andromedae


92

OBSERVATION

Arcturus

CHEVELURE DE BÉRÉNICE

SERPENTAIRE

Saturne

VIERGE

BALANCE

Jupiter écliptique

SCORPION

SUD

Une bonne façon d’appréhender ce temps de voyage de la lumière dans l’espace, donc les distances immenses qui en sont à l’origine, est de commencer modestement. Par exemple, avec la Lune. Si elle est dans le ciel au moment où vous observez, songez que la lumière qu’elle nous renvoie (celle du Soleil qu’elle réfléchit) a quitté sa surface 1,25 seconde plus tôt. Nous voyons par conséquent en permanence une Lune très légèrement plus jeune que ce qu’elle est en réalité. On pourrait aussi s’amuser à une expérience de pensée… Imaginons qu’il y ait à sa surface un immense miroir correctement orienté de façon à ce que l’on puisse se voir dedans. Avec un télescope assez puissant — mais vraiment très puissant —, on pourrait se voir tel qu’on était 2,5 secondes auparavant, le temps que notre image arrive sur la Lune et qu’elle se réfléchisse sur le miroir… Si la Lune n’est pas présente dans le ciel, en début de nuit tout au long de l’été,

deux planètes y sont : Jupiter et Saturne. Fin juillet, la première, qui est aussi l’astre le plus brillant du ciel nocturne, se trouve à 47 minutes-lumière. Autrement dit, vous la voyez, à l’œil nu ou au télescope, telle qu’elle était 47 minutes auparavant. Saturne est plus loin : 1 h 17 min Ce délai dans l’arrivée de sa lumière (également celle du Soleil qu’elle réfléchit) vous permet de vous amuser un peu. Faites quelque chose en regardant l’heure qu’il est. Ensuite, attendez 1 h 17 min et regardez Saturne. Vous saurez que la lumière de la planète que vous voyez a été émise au moment précis où vous faisiez à dessein ce “quelque chose”. Avec la Lune et les planètes, vous avez le principe. Maintenant, en route vers un voyage dans le passé bien plus long.

Le passé historique Nous recevons de quelques étoiles brillantes une lumière émise lors d’événements historiques qui ont eu lieu sur notre planète. Petit florilège de distances, de temps et d’histoires.

© Photos : DR

Le passé immédiat

Chara : la chute du mur de Berlin La deuxième étoile de la constellation des Chiens de chasse, juste sous le manche de la “grande casserole”, est presque une jumelle du Soleil : à peu de choses près, elle a la même masse, la même taille, la même luminosité et un âge légèrement plus élevé. Mais les astronomes ne lui ont, pour l’instant, pas découvert de planète. Située à 27,5 années-lumière, elle brille d’une modeste magnitude 4,5. Cela suffit pour la voir à l’œil nu et se dire que les photons qu’elle nous envoie ont entamé leur voyage peu après la chute du mur de Berlin, à la fin de 1989.


93

554 |

Mizar

BOUVIER

Alioth Alkaïd

Seginus 87

Izar

Merak

GRANDE OURSE

Cor Caroli

CHIENS DE CHASSE

Arcturus

Chara 27,5

Muphrid 37

CHEVELURE DE BÉRÉNICE

Seginus : la découverte de Pluton À mi-chemin entre le manche de la “grande casserole” et la brillante Arcturus, Seginus, dans le Bouvier, est une grosse étoile, dont le diamètre vaut 3,5 fois celui du Soleil et qui brille 34 fois plus. C’est pour cette raison qu’elle atteint une flatteuse magnitude 3 sur la voûte céleste alors qu’elle est à 87 années-lumière. Autrement dit, nous voyons Seginus telle qu’elle était lorsqu’en 1930 l’Américain Clyde Tombaugh découvrait Pluton aux confins du Système solaire. Alnath : l’explosion du Krakatoa Si vous attendez la deuxième partie de nuit, vers 3 h, une étoile brillante (la 25e dans tout le ciel) précède Vénus dans son lever sur l’horizon est. Il s’agit d’Alnath, de la constellation du Taureau.

D’une masse de 4,6 fois celle du Soleil, elle affiche une taille d’un tiers plus grande pour une luminosité réelle 700 fois supérieure. Sa lumière est contemporaine d’un des événements les plus dévastateurs survenus sur Terre au cours

de ces derniers siècles : l’explosion du volcan indonésien Krakatoa. Le 27 août 1883, celui-ci vole littéralement en éclats dans un bruit qui est perçu à plus de 3 500 km de distance ! Une autre lueur stellaire contemporaine

Capella

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tiq lip

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TAUREAU

Aldébaran

Alnath 134

ORION

EST


94

OBSERVATION

d’une autre explosion volcanique spectaculaire provient de Muphrid, belle étoile du Bouvier (à voir en début de nuit vers l’ouest) : celle du Saint Helens, aux États-Unis, en 1980. Shedir : l’aube de la Révolution Quand vous regardez la principale étoile de la constellation de Cassiopée, remarquable à sa forme de W, vous percevez une lumière qui date de 1789, autrement dit, de la Révolution française. En effet, 228 années-lumière nous séparent de cet astre d’environ 5 masses solaires qui, au terme de 100 à 200 millions d’années d’existence, arrive déjà en fin de parcours. Une autre étoile éclatante nous envoie une lumière “révolutionnaire” dans le ciel d’été : Nunki, dans la constellation du Sagittaire (227,7 années-lumière).

partir de l’Étoile polaire. Parmi elles se cache SAO 783, une étoile rougeâtre de magnitude 5, donc visible à l’œil nu. Sa distance de 384 années-lumière nous renvoie à l’an 1633. Cette année devrait être connue des férus d’astronomie, car le 22 juin, Galilée était condamné par l’Église pour son hérésie qui consistait à dire que la Terre tournait sur elle-même et autour du Soleil. Savourez le chemin parcouru par les astronomes depuis cette époque en vous tournant dans la foulée vers l’horizon est, et exposez votre rétine à une lumière émise lorsque ce même Galilée s’apprêtait à commencer ses observations célestes à la lunette : Bêta des Poissons (magnitude 4,5), située à 408 années-lumière, vous envoie un signal de l’an 1609 ! Un an plus tard, Galilée aura vu les montagnes de la Lune, les satellites de Jupiter et les phases de Vénus, ce qui allait amorcer la grande révolution de l’astronomie.

SAO 783 : une pensée pour Galilée La Girafe est une constellation bien discrète. Par chance, elle jouxte la Petite Ourse et trouver ses étoiles modestes se fait sans grande difficulté à

SAO 8417 : la Joconde ébauche un sourire Peut-être vous faudra-t-il des jumelles pour percevoir confortablement la lueur de SAO 8417 (aussi appelée HD 145622 et HR 6034). Avec une magnitude de 5,7,

V509 Cassiopée 45000

CÉPHÉE SAO8417 513

V373 Cassiopée 19000

PETITE OURSE

CASSIOPÉE Navi

856 Thêta Ursa Minoris

Polaris SAO783 384

M31 Mirach

Shedir 228

Almach

GIRAFE 36 Carnelopardalis 715

Dubhe

Mirfak

PERSÉE NORD

celle-ci est en effet à la limite de la visibilité à l’œil nu. Pour peu que la Lune diffuse sa clarté ou que l’éclairage public estompe les astres les plus faibles, il se peut qu’on ne la voie pas sans optique. En revanche, elle est facile à trouver, nichée entre deux des étoiles principales de la Petite Ourse. Son discret scintillement résulte d’un voyage de 513 ans à travers l’espace interstellaire. Ces quelques photons ont donc quitté l’étoile en 1504. À l’époque, le génial Léonard de Vinci, passionné de sciences, avait commencé à peindre la Joconde depuis environ une année. Il lui en faudra encore trois pour le terminer. Chi Ophiuchi Ne tardez pas à porter votre regard en direction de Chi Ophiuchi : cette étoile de magnitude 4,2 située au-dessus de la tête du Scorpion (identifiable à la rougeoyante Antarès) approche de l’horizon pour se coucher dès 1 h. Cette géante bleue dont le diamètre vaut plus de 11 fois celui du Soleil se trouve, selon les mesures du satellite Hipparcos (révisée en 2007) à un peu plus de 525 années-lumière. Si un astronome vivait sur une hypothétique planète autour de cette étoile et observait la Terre, il assisterait à la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, en 1492. La lumière de Chi Ophiuchi, que nous percevons au ras de l’horizon sud, date de cette année-là. 36 Camelopardalis : la fin du phare d’Alexandrie Bien seule, dans une région plutôt pauvre en étoiles brillantes, la modeste 36 Camelopardalis ne peut même pas se vanter d’être un phare céleste, avec sa faible magnitude 5,3. Et pourtant, cette géante rouge 28 fois plus grosse que le Soleil nous envoie un faisceau parti voici 715 ans, quand le phare d’Alexandrie, haut de 120 m, était encore debout, en 1302. Mais plus


95

554 |

SERPENTAIRE

ÉCU DE SOBIESKI Sabik

Chi Ophiuchi 525 Acrab

écliptique

Nunki

Kaus Borealis

BALANCE

Dschubba Antarès

SCORPION

SAGITTAIRE Kaus Australis

SUD

pour très longtemps puisque l’année suivante, déjà endommagé par un séisme et un raz de marée, il était détruit par un nouveau tremblement de terre. Au cours des décennies qui suivront, ses ruines serviront à diverses constructions, dont la citadelle Qaitbay. Thêta Ursa Minoris : une cathédrale pour Paris Pour qu’une étoile soit visible à plusieurs centaines d’annéeslumière, il faut que ce soit une géante. Les naines comme le Soleil sont nombreuses, mais au-delà d’une soixantaine d’années-lumière, il faut des jumelles ou un télescope pour les voir. Thêta de la Petite Ourse, visible à la magnitude 5, est donc loin : 856 annéeslumière. Cela signifie que nous la voyons telle qu’elle était en l’an 1161. Sur Terre, c’était alors le Moyen-Âge. À Paris, Louis VII le Jeune est sur le trône de France et les travaux d’édification de la cathédrale Notre-Dame ont à peine commencé. Ils se

limitent alors à la destruction d’une cathédrale Saint-Étienne préexistante et au creusement des fondations. L’édifice sera terminé en 1345. V509 Cassiopée : le tombeau de Khéops Cette étoile variable de la catégorie des hypergéantes jaunes fait partie des plus lointaines visibles à l’œil nu. Et pour cause, son diamètre atteint 400 à 900 fois celui du Soleil ! Avec ses 11 masses solaires, elle affiche une luminosité incroyable qui avoisine les 400 000 fois celle du Soleil. Dans ces conditions, il est normal qu’on puisse la voir alors qu’elle se trouve à environ 4 500 années-lumière. Que se passait-il sur Terre quand cette lumière a entrepris sa traversée d’une partie de la Galaxie ? L’empire égyptien était en plein essor. Et la grande pyramide de Khéops, l’une des sept merveilles du monde avec le phare d’Alexandrie, était construite depuis peu (quelques décennies)…

V373 Cassiopée : au temps de Lascaux Il est possible que l’étoile V373 Cas soit la plus lointaine visible à l’œil nu. À l’œil nu, sa faible lumière (magnitude 6, la limite de ce qui est perceptible dans de bonnes conditions) se confond d’ailleurs avec une autre étoile, bien plus brillante, qui lui disputait ce titre jusqu’à récemment : Rhô de Cassiopée. Mieux vaut donc utiliser des jumelles pour la discerner. V373 Cas est en réalité double : deux géantes bleues de 18 et 14 masses solaires la composent. Peu âgé (7 millions d’années), ce couple finira par une explosion de supernova. En attendant, sa lumière actuelle nous vient d’une époque reculée de plus de 19 000 ans. C’est à peu près la période où les humains réalisaient les peintures préhistoriques de la grotte de Lascaux. Ce décalage fait saisir la difficulté qu’il y aurait à communiquer par des signaux lumineux ou radio avec une civilisation extraterrestre pourtant située dans la même région de la Galaxie.


96

OBSERVATION

UNE TRANCHE D’ÉCLIPSE AU COUCHER DU SOLEIL Le 21 août, les chasseurs d’éclipse totale seront aux États-Unis. Mais notez que la fin du phénomène est visible en France, sous la forme d’une éclipse partielle au coucher du Soleil.

I

l est probable que dans votre entourage certains amateurs d’astronomie partent cet été aux États-Unis pour admirer l’éclipse totale de Soleil du 21 août. Ne les enviez pas trop, car un lot de consolation digne d’intérêt vous attend en restant de ce côté-ci de l’Atlantique. Sachez que cette éclipse est visible aussi… en Europe. Elle y est partielle, certes, mais néanmoins intéressante car elle se produit au coucher du Soleil.

À l’ouest toute ! Qu’observerez-vous exactement ? Tout dépendra de votre situation géographique. Plus vous vous trouverez dans le sud de l’Europe, et plus la morsure de la Lune sur le disque solaire sera importante. Mais il y a aussi un facteur est-ouest à ne pas négliger. Pour la majorité de l’Hexagone, le maximum de l’éclipse partielle a lieu après le coucher du Soleil ; c’est le cas aussi en Belgique, aux Pays-Bas, au Maroc, en Espagne et au Portugal. Et dans la moitié est de la France, l’éclipse ne sera pas visible du tout. L’éclipse partielle est visible du début jusqu’à son maximum depuis le Finistère. Mais le Soleil se couche éclipsé. La fin n’est donc pas observable. Le Nord-Ouest de l’Espagne partage cette situation avec Le 21 août, les Européens de l’Ouest verront se coucher un Soleil partiellement éclipsé. Une belle opportunité pour les photographes. © J.-L. Dauvergne


97

554 |

Jean-Luc Dauvergne

Plus vous serez au sud le 21 août, plus le disque solaire sera grignoté. Et plus vous serez à l’ouest, plus longue sera votre observation de l’éclipse partielle. 10 %

le Finistère, ainsi qu’une bonne partie de l’Angleterre et du Pays de Galles. Pour voir l’éclipse partielle du début à la fin, il faut se situer en Écosse, en Irlande, aux Açores ou en Islande. Ces territoires étant très au nord de la zone de visibilité de l’éclipse, ils ne profitent que d’une éclipse partielle assez faible (moins de 4 % depuis Dublin, par exemple).

la Début en TU

Maximum

Le le m Solei axi l se mu co u m d ch e l’ e av écl an i ps t e.

%

%

Le S fin ole de il se l’é co cli u ps c h e. e a va n

30

e ps i l c l’é . e ible t u s To t vi es

50

Si vous restez en France, nous conseillons aux photographes d’aller dans la meilleure zone : la baie d’Audierne, entre les pointes du Raz et de Penmarc’h. Le fait d’avoir le Soleil très proche de l’horizon est une aubaine. Les couchers de Soleil sont une source inépuisable de belles photos ; là, vous avez l’occasion de le voir en plus éclipsé. Si vous avez un objectif de très longue focale (supérieure à 400 mm), vous pouvez tenter de saisir le rayon vert en plus de l’éclipse. Celui-ci est lié à l’effet de prisme de l’atmosphère. Il se matérialise sous la forme d’un flash vert, plus ou moins fugace, collé ou non au Soleil, dans sa partie haute. Sa visibilité dépend de la transparence et des masses d’air traversées. Pour le dévoiler, le temps de pose doit être très bien ajustée : il vire au jaune en cas de surexposition, et sousexposé, il n’est pas visible. En bord de mer, vous aurez peut-être l’occasion d’intégrer des bateaux dans le cadre. Pour garder un souvenir de l’éclipse, tous les appareils photo conviennent dès lors qu’ils permettent de zoomer un peu. Ce qui compte, c’est de pouvoir débrayer les automatismes. Étant donné la luminosité du Soleil et sa place minime dans le cadre, ceux-ci tendent généralement à surexposer l’image. Le mieux est donc de disposer d’un mode manuel, ou à tout le moins d’une commande permettant d’ordonner à l’appareil photo une sousexposition conséquente. Si vous obtenez de beaux résultats, n’hésitez pas à les envoyer à ouvertlanuit@cieletespace.fr

t

Avis aux photographes

Coucher du Soleil

Fin de l’éclipse

Éclipse invisible

Grandeur maximale

Bruxelles

18 h 41

18 h 48

1,2 %

Paris

18 h 41

18 h 57

2,4 %

Dublin

18 h 38

19 h 2

19 h 36

Londres

18 h 40

19 h 4

19 h 7

4 %

Bordeaux

18 h 43

18 h 56

4,2 %

Brest

18 h 41

19 h 18

6,9 %

Madrid

18 h 45

19 h 1

7,6 %

Rabat

18 h 48

19 h 5

10,8 %

Marrakech

18 h 50

19 h 34

12,1 %

La Corogne

18 h 43

19 h 25

12,8 %

Lisbonne

18 h 45

19 h 20

18,6 %

19 h 10

19 h 18

Attention les yeux

19 h 26

3,8 %

Comme pour toute observation de notre étoile (hors phase de totalité d’une éclipse), il est recommandé d’utiliser un filtre ou des lunettes “spécial éclipse” afin de préserver vos yeux. Car la vision directe du Soleil peut abîmer définitivement votre rétine, et cela, sans aucune sensation de douleur pour vous alerter.


TEST

98

Jumelles Nikon WX 10 x 50 IF

POUR SES 100 ANS NIKON VISE L’EXCELLENCE Pour célébrer son centenaire, la marque japonaise lance des jumelles dédiées à l’astronomie. Nous les avons passé au crible pour évaluer si elles justifient leur prix, lui aussi astronomique.

Diamètre : 50 mm Grossissement : 10x Champ apparent : 76,4° Champ réel : 9° Distance minimale : 20 m Dimensions : 29 x 17 x 8 cm Poids : 2,5 kg Prix : 6 799 €

Première approche : c’est du lourd ! Les jumelles 10 x 50 sont les auxiliaires idéales (et incontournables) de l’astronome amateur. Et dans le domaine du très haut de gamme, Swarovski régnait jusqu’ici sans partage avec ses 10 x 50 EL. En effet, Zeiss n’a pas encore décliné ses excellentes Victory SF, sorties en 2014 dans ce diamètre. Quant au rival Leica, il a lui aussi sorti un nouveau standard haut de gamme fin 2016 avec les Noctivid ; mais là non plus, le produit n’existe pas en 50 mm. Vu cette offre limitée d’optique d’excellence en diamètre 50 mm, Nikon a été bien inspiré de s’engouffrer dans la brèche. Avec ces WX 10 x 50 IF, la marque japonaise défie donc clairement la grande enseigne autrichienne. Et c’est une gageure. Le trio Zeiss, Leica et Swarovski a une telle réputation (justifiée) qu’il est très difficile pour d’autres marques de se distinguer sur des produits haut de gamme. Dans des prix supérieurs aux 2 000 €, les consommateurs tendent à vouloir non seulement

Les Nikon WX existent en deux versions, des 10 x 50 testées ici, et des 7 x 50 commercialisées à 6 399 €.


554 |  99 Textes et photos : Jean-Luc Dauvergne

l’excellence optique, mais aussi profiter du prestige de l’image luxueuse d’une des trois grandes marques européennes. Or, si Nikon bénéficie bel et bien d’une image prestigieuse dans son département photo, ce n’est pas le cas dans sa partie “sport optic”. En effet, le fabricant a fait le choix de se positionner sur une gamme très large avec, en bas de l’échelle, des produits peu coûteux fabriqués en Chine. Sa gamme haute est quant à elle qualitative, sans pour autant se hisser au niveau de prix et d’excellence du trio européen. C’est donc manifestement pour faire évoluer cette image que Nikon a voulu démontrer sa capacité à concevoir une optique d’exception. Qu’attend-on de telles jumelles ? Une très bonne maîtrise du chromatisme, une haute transmission de la lumière, des couleurs neutres, un champ large et des images détaillées aussi bien au centre qu’au bord. Et c’est là que Nikon frappe fort avec un champ annoncé de 9°, là où les Swarovski plafonnent à 6,6°. Avec une surface de champ 1,8 fois supérieure, Nikon pulvérise donc le record dans cette catégorie. C’est énorme, mais pas gratuit. Les Swarovski, avec un poids de 1,08 kg, sont déjà relativement lourdes. Les Nikon affolent la balance en affichant 2,5 kg. Une belle enclume pour lester le sac de randonnée ! Heureusement, la mobilité n’est pas l’ambition de cette optique tournée vers un usage astronomique. Or, dans ce domaine, il est toujours appréciable d’utiliser ses jumelles sur un pied photo. Autre particularité : Nikon embarque des prismes d’AbbeKönig. Inventé par la marque Zeiss, ce système n’était utilisé jusqu’ici que dans ses Victory HT (à ne pas confondre avec les Victory SF, évoquées plus haut). Il est plus encombrant que le classique Schmidt-Pechan. En contrepartie, la réflexion de la lumière est totale sur les faces du prisme. Avec ce fameux prisme d’Abbe-Kœnig, Zeiss affiche une transmission de lumière record de 95 % à travers les Victory HT, là où les autres marques plafonnent à 92 %. Dans un Schmidt-Pechan, la réflexion n’est jamais de 100 % ;

pour s’approcher de cette valeur, les fabricants doivent mettre en œuvre des traitements optiques complexes, donc coûteux.

En pratique : une mécanique simple Malgré le poids des Nikon WX 10 x 50 IF, une utilisation à main levée n’est pas totalement à proscrire. En fait, le centre de gravité est plutôt vers l’arrière, et les jumelles prennent naturellement appui contre le visage, les bras de l’observateur sont allégés et ce poids supplémentaire offre un surcroît de stabilité. Les jumelles avec un centre de gravité ainsi déporté vers l’arrière sont assez rares, car la partie la plus lourde est généralement l’objectif, situé à l’avant. Mais ici, entre les prismes d’Abbe-Kœnig et les imposants oculaires grand champ, la bascule se fait vers l’arrière. C’est un bon point. Mais ne nous réjouissons pas trop vite : la gravité aidant, les bras fatiguent assez rapidement, les 2,5 kg sont toujours là. La tenue à main levée demeure bien pratique pour regarder autour du zénith. Pour le reste, on recommande sans réserve l’utilisation d’un trépied. D’ailleurs, le fabricant fournit un support pour trépied très solide et rigide. Le système de mise au point est des plus simples. Il s’agit d’une bague hélicoïdale sur le fût de chaque oculaire. Pour changer de distance, il faut donc régler les deux côtés. Ce choix mécanique est un peu simpliste pour un produit aussi haut de gamme, mais il n’est pas si choquant pour les jumelles faites pour être utilisées principalement sur le ciel, en faisant la mise au point à l’infini. Fuji a d’ailleurs fait de même sur ses fameuses 10 x 50 FTM-SX à un usage de marine et d’astronomie. En mer, les cibles sont lointaines le plus souvent et une mise au point à l’infini convient dans la majorité des situations. Avec un tel système de mise au point, on pourrait redouter que ces jumelles ne soient pas étanches, mais elles peuvent bel et bien résister à une immersion. Nikon annonce jusqu’à 10 minutes à 5 m de profondeur. C’est un standard assez classique sur les produits haut de gamme aujourd’hui.

Cette coupe des Nikon WX montre le grand nombre d’éléments optiques nécessaire pour obtenir un champ aussi large. Le prisme est surdimensionné par rapport à la normale, et la formule d’AbbeKoenig est en elle-même bien moins compacte que les prismes de type Schmidt-Pechan utilisés habituellement. Illustration : © Nikon


TEST

100

m24 m23

Le champ de 9° des Nikon WX 10x50 IF permet de contempler un grand nombre d’objets simultanément. La vision de la zone autour des nébuleuses Trifide (M20) et Lagune (M8) est particulièrement impressionnante.

m21

m20

m8

Le fabricant annonce une mise au point minimale de 20 m, nous avons constaté qu’il est possible de descendre à 10 m. Tout dépend de la vue de chacun. Le relief d’œil de 15,3 mm est un peu court pour les porteurs de lunettes, mais seuls les astigmates auront vraiment besoin de les conserver. Pour les myopes, les hypermétropes et les presbytes, les jumelles offrent une très grande plage de correction de dioptrie de – 6 à + 5, là où les autres marques se limitent souvent à +/- 4 (voire moins). On considère qu’un relief d’œil de 20 mm est préférable. Sur les Nikon WX 10 x 50 IF, même lorsque l’on ne porte pas de lunettes, il est difficile de voir le bord du champ. Pour en profiter au maximum, un soin particulier doit être apporté à l’écartement entre les oculaires et au réglage de la bonnette rétractable. Elle permet d’ajuster finement la distance entre l’œil et le verre d’œil de l’oculaire. Cette bonnette crantée offre six positions différentes. Certains observateurs seront gênés par l’écartement minimal des oculaires, de 58 mm. En général, on estime qu’il faut pouvoir au moins resserrer jusqu’à 56 mm pour que l’écartement puisse convenir à la majorité des adultes (c’est d’ailleurs pour ça qu’au-delà de 56 mm, il n’y a pas de jumelles droites sur le marché : passé ce diamètre, les fabricants utilisent le système classique de prismes de Porro). Un

écartement de 58 mm sera trop important pour beaucoup d’enfants et quelques adultes en particulier chez les femmes.

Sur le ciel : le grand confort Le confort de vision apporté par les oculaires à grand champ est vraiment au rendez-vous. La sensation est comparable à celle que l’on a dans des oculaires de type Nagler et ce confort est réellement accru par la vision binoculaire. Les amas ouverts M7 et M6, coincés entre le Scorpion et le Sagittaire, sont visibles simultanément dans le même champ et résolus en étoiles. L’image est vraiment impressionnante même pour des profanes. La nébuleuse de la Lagune est également parfaitement visible, de même que la barre de poussière sombre qui la coupe en deux, malgré la faiblesse du grossissement. Les amas M21, M23 et M24 apparaissent dans le même champ, alors que M23 et M24 seraient trop éloignés dans des 10 x 50 classiques. Malgré le faible grossissement, la vision de la Lune est très agréable, avec des images fines et contrastées. Et surtout, aucun chromatisme n’est perceptible. La Lune est un des sujets les plus sensibles à ce défaut avec ses noirs et ses blancs très contrastés. Ce bon niveau de correction est lié à l’utilisation d’un objectif à trois lentilles en verre ED. De plus, leur distance


554 |  101

focale est relativement longue si on en juge par la longueur totale des jumelles de 290 mm (à comparer aux 174 mm des Swarovski 10 x 50 EL, par exemple).

Sur le banc optique : 5/5 ! Non seulement ces 10 x 50 ont un champ plus important que leurs concurrentes, mais la qualité d’image en bord de champ est la meilleure constatée sur le marché. Elle surpasse légèrement celle des Swarovski EL, une référence sur ce plan. La finesse des images est quasi limitée par l’œil même en bord de champ. Pour le reste, aussi bien sur la qualité d’image au centre que le chromatisme, les performances rivalisent aussi avec Swarovski. La transmission de lumière de 91 % est digne des standards haut de gamme du marché. Néanmoins, avec le prisme d’Abbe-Kœnig, on pouvait espérer une valeur encore plus haute. Sans doute que les quelques points de transmission gagnés par ce choix de prisme sont perdus dans l’oculaire à cause du nombre de lentilles nécessaire pour couvrir un champ aussi large et bien corrigé. Seul bémol : la neutralité des couleurs perfectible, avec une dominante jaune. Ce n’est pas trop pénalisant pour les observations de nuit, mais cela signifie que la transmission de lumière n’est pas aussi bonne dans le bleu que dans le vert et le rouge. La note finale (voir tableau) classe ces jumelles à un niveau de performance comparable aux meilleurs produits. Selon les mêmes critères de notation, les Swarovski 10 x 50 EL obtiennent 40/40. Mais en réalité, sur certains aspects comme la largeur du champ et la qualité d’image en bord de champ, les Nikon font encore mieux et mériteraient une prime de points supplémentaires pour la prouesse. La différence tient presque uniquement à leur neutralité des couleurs imparfaite. Pour le reste, il est difficile de comparer davantage ces produits, car leur vocation est différente entre des jumelles de terrain d’un côté, et de l’autre, un démonstrateur technologique dédié à un usage sur trépied en astronomie.

Nos conclusions Avec un champ et une résolution en bord de champ record, Nikon réalise un tour de force remarquable. D’une façon générale, c’est le paramètre le moins bien maîtrisé par les fabricants. Seules les Swarovski EL et les Zeiss Victory SF s’approchent de cette qualité en bord d’image. La démonstration de Nikon est donc convaincante. Mais à 6 799 €, ces jumelles font surtout office de démonstrateur technologique. Seuls quelques collectionneurs et amateurs fortunés pourront se payer le luxe de mettre une telle somme dans des jumelles de “seulement” 50 mm d’ouverture. Maintenant que Nikon a mis en avant ce savoir-faire, on ne peut qu’être dans l’attente de le voir mis en œuvre dans des jumelles haut de gamme positionnées dans les standards de prix déjà élevés de Leica, Zeiss et Swarovski, c’est-à-dire entre 2 000 et 3 000 €. Pour réaliser un tel produit, le champ devra être revu à la baisse afin de réduire les coûts et surtout le poids.

Qualité de fabrication

5/5

Ergonomie

4/5

Qualité d’image au centre

5/5

Qualité d’image en bord de champ

5/5

Chromatisme

5/5

Transmission à 532 nm

91 %

Neutralité des couleurs (ici accentuée)

Champ

Note totale*

5/5

2/5

5/5

36/40

* Cette note est calculée sur les critères de notation établis dans l’ouvrage Observer avec des jumelles, paru chez Belin. De 10 à 20/40, la qualité est faible. De 20 et 25 elle est passable. De 25 à 30 elle est bonne. De 30 et 35 elle est très bonne. À plus de 35/40, il s’agit de produit d’excellence. Nous remercions Nikon pour la mise à disposition du matériel et Guillaume Blanchard pour la participation aux mesures.

Près de 70 tests à retrouver sur vos écrans Retrouvez tous nos tests réalisés depuis dix ans, dans deux horsséries numériques à découvrir dans l’application “Ciel & Espace le +”, disponible pour iOS et Android. En tout, 70 produits ont été évalués : oculaires, jumelles, télescopes, lunettes et montures. Ces tests ont tous été faits avec des moyens de métrologie professionnels en suivant des protocoles rigoureux et constants dans la durée. Il est ainsi aisé de comparer les instruments examinés.


102

éphémérides

DÉBUT DE NUIT

DU 15 JUILLET AU 15 AOÛT

NORD SE

SO

EST

OUEST

N E

O N

Ciel visible à la latitude de Clermont-Ferrand (45° 47’ N). Si vous habitez au nord de cette ville, l’Étoile polaire sera plus haut dans le ciel et les étoiles de la partie sud de la voûte céleste seront plus proches de l’horizon (et inversement si vous habitez au sud).

FIN DE NUIT

NORD EST

OUEST

E

N

N

O

SUD

LÉGENDE

SE

Amas ouvert Amas globulaire Nébuleuse planétaire Nébuleuse diffuse Galaxie Astéroïde Planète

SO

Symboles

Noms Orion Constellation Spica Étoile Vénus Planète

SUD


554|  103 Rubrique réalisée par Jean-Luc Dauvergne

MILIEU DE NUIT

O N

NORD OUEST

N E SE

SO

EST COMMENT UTILISER CES CARTES

1 Éloignez-vous de toute source lumineuse. Laissez vos yeux s’habituer à l’obscurité pendant au moins 15 minutes. Pour lire la carte sans être ébloui, utilisez de préférence une lampe rouge.

2 Le centre de la carte correspond au zénith, le point situé au-dessus de votre tête. Une constellation représentée à mi-distance du centre et du bord de la carte est donc à égale distance de l’horizon et du zénith.

3 Si, par exemple, vous observez vers l’ouest, tenez la carte comme indiqué ci-contre, en plaçant le mot “ouest” vers le bas. Les constellations dessinées au-dessus de l’horizon ouest vous font face sur le ciel.

Cartes : © C&E

SUD


104

éphémérides

LES PLANÈTES DU 15 JUILLET AU 15 AOÛT

Mercure

En tout début de nuit, vous devrez choisir entre la difficile Mercure, visible autour du 30 juillet, ou Jupiter. Cette dernière est plus évidente, mais il faut la viser au télescope dès le crépuscule, car elle décline rapidement ensuite. C’est dans tous les cas une cible à ne pas manquer lors des Nuits des étoiles. Mais si sa faible hauteur sur l’horizon ne permet pas de pousser le grossissement, ses deux bandes de nuages sombres principales restent facilement visibles, de même que son cortège de satellites : Io, Europe, Ganymède et Callisto, discernables aux jumelles. Juste à la tombée de la nuit, ne perdez pas de temps, Saturne culmine. Il faut vraiment l’observer au télescope quand elle est au méridien, car elle s’élève peu à nos latitudes en raison de sa position défavorable dans la constellation d’Ophiuchus. C’est, avec Jupiter, la cible immanquable pour les Nuits des étoiles. Même à faible grossissement autour de 100 à 150 x la vision de ses anneaux au télescope est féérique. Bien des vocations sont nées ainsi en la découvrant pour la première fois à l’oculaire d’un télescope.

POSITIONS HÉLIOCENTRIQUES 0°

Uranus

15/7

tailles apparentes relatives des planètes

constellation

1/8

Lion

Taureau

Gémeaux

magnitude

– 0,1

0,5

– 4,1

–4

diamètre apparent

6,1”

8”

16,4”

14,7”

élongation

22° e

27° e

42° o

38° o

distance (ua)

1,098

0,845

1,025

1,147

6 h 35/21 h 10

7 h 27/20 h 35

1 h 49/16 h 51

1 h 54/17 h 17

lever/coucher intérêt

MERCURE est à son élongation maximale le 30 juillet. C’est donc une période très favorable pour l’observer. La planète est à chercher dans le ciel du soir. Le 25 juillet, un croissant de Lune distant de 5° facilite son repérage.

Terre

Vénus

15/7

1/8

Cancer

visibilité

Neptune

Vénus

L’angle entre VÉNUS et le Soleil diminue lentement, mais l’étoile du Berger est toujours bien installée dans le ciel du matin. Malgré une taille apparente en diminution, sa forme gibbeuse est toujours bien perceptible au télescope.

Mercure 270°

90°

Saturne

Mars

lundi

mardi

mercredi

jeudi

17

18

19

20

Jupiter 180°

-|

Les planètes sont positionnées pour le 15 août. Pour Mercure, Vénus, la Terre et Mars, la portion de courbe plus large indique leur déplacement depuis le 15 juillet.

12 h 55

24 20 h 11

méridien

coucher

15/7

4 h 12

11 h 53

19 h 34

20/7

4 h 17

11 h 54

19 h 30

25/7

4 h 22

11 h 54

19 h 24

30/7

4 h 28

11 h 55

19 h 19

5/8

4 h 35

11 h 53

19 h 10

10/8

4 h 41

11 h 52

19 h 03

15/8

4 h 47

11 h 52

18 h 55

13 h 13 |

6 h 43 |

23 h 41

7

20 h 47

14 h 11 |

4 h 10

14 11 h 56

21 h 19

5 h 12

23 h 18 |

13 h 07

16 h 31

9 h 02 |

21 h 48

16 h 02 |

0 h 51

20 h 34 |

7 h 22

3 15 h 08 |

0 h 14

9 19 h 34 |

1 h 22 |

27 7 h 53 |

-

15 22 h 38 |

15 h 19

2

8 19 h |

0 h 38 |

26

1/8

31

lever

14 h 07

25 5 h 31 |

LE SOLEIL DU 15 JUILLET AU 15 AOÛT

0 h 01 |

10 20 h 05 |

6 h 16


554 |  105

Mars

Jupiter

Saturne

1/8

1/8

1/8

Uranus

Neptune

1/8

1/8

Gémeaux

Vierge

Ophiuchus

Poissons

Verseau

1,7

-1,9

0,3

5,8

7,8

3,5”

34,3”

17,7”

3,6”

2,3”

2° o

68° e

133° e

100° o

145° o

2,658

5,747

9,344

19,7

29,108

4 h 44/19 h 41

10 h 56/22 h 14

16 h 28/1 h 23

22 h 30/1 h 05

20 h 58/8 h 07

Sans atteindre le méridien, URANUS grimpe à 40° de l’horizon en fin de nuit. C’est donc une cible intéressante au télescope.

NEPTUNE culmine en fin de nuit. Elle est donc désormais dans une situation favorable à son observation au télescope.

En conjonction avec le Soleil fin juillet, MARS n’est plus observable.

vendredi

JUPITER est toujours visible SATURNE culmine en à l’œil nu dans le ciel du soir, début de nuit mi-juillet et mais elle décline rapidement au crépuscule mi-août. et devient moins intéressante au télescope.

samedi

dimanche

15/7

16

22 h 59 |

21

10 h 36

22 2 h 13 |

17 h 37

28

23 h 29 |

LA LUNE AU SOMMET

MER DES PLUIES

11 h 45

23 3 h 13 |

18 h 37

29

4 h 20 |

19 h 28

OCÉAN DES TEMPÊTES

La Lune est à observer mi-août. Les 12 et 13, le Soleil se couche sur la mer de la Sérénité. L’éclairage sur Clavius est idéal le 14. Ce jour-là, la Lune culmine peu après le lever du Soleil. Il faut donc plutôt l’observer à l’aube.

MER DE LA SÉRÉNITÉ

Copernic

30 Theophile

10 h 07 |

22 h 16

4

11 h 11 |

22 h 43

5 16 h 53 |

1 h 33

11 8 h 29

23 h 11

18 h 22 |

3 h 13

Terminateur le 12 Terminateur le 13

6 17 h 40 |

2 h 20

12 21 h 03 |

12 h 13 |

Clavius

13 21 h 32 |

9 h 37

22 h 03 |

10 h 46

LÉGENDE Lever | Coucher

Taille angulaire : 32’

Tycho

dernier quartier

16 juillet

19 h 26

nouvelle lune

23 juillet

9 h 46

premier quartier

périgée

le 21 juil.

17 h

361 236 km

apogée

le 2 août

18 h

405 024 km

date

hauteur méridien phase

30 juillet

15 h 23

12 août

45°

3 h 18

81 %

pleine lune

7 août

18 h 11

13 août

49°

4 h 07

71 %

dernier quartier

15 août

1 h 15

14 août

53°

5 h 57

60 %


106

éphémérides

DÉBUT DE NUIT

DU 15 AOÛT AU 15 SEPTEMBRE

NORD SE

SO

EST

OUEST

N E

O N

Ciel visible à la latitude de Clermont-Ferrand (45° 47’ N). Si vous habitez au nord de cette ville, l’Étoile polaire sera plus haut dans le ciel et les étoiles de la partie sud de la voûte céleste seront plus proches de l’horizon (et inversement si vous habitez au sud).

FIN DE NUIT

NORD EST

OUEST

E

N

N

O

SUD

LÉGENDE

SE

Amas ouvert Amas globulaire Nébuleuse planétaire Nébuleuse diffuse Galaxie Astéroïde Planète

SO

Symboles

Noms Orion Constellation Spica Étoile Vénus Planète

SUD


554 |  107

MILIEU DE NUIT

O N

NORD OUEST

N E SE

SO

EST COMMENT UTILISER CES CARTES

1 Éloignez-vous de toute source lumineuse. Laissez vos yeux s’habituer à l’obscurité pendant au moins 15 minutes. Pour lire la carte sans être ébloui, utilisez de préférence une lampe rouge.

2 Le centre de la carte correspond au zénith, le point situé au-dessus de votre tête. Une constellation représentée à mi-distance du centre et du bord de la carte est donc à égale distance de l’horizon et du zénith.

3 Si, par exemple, vous observez vers l’ouest, tenez la carte comme indiqué ci-contre, en plaçant le mot “ouest” vers le bas. Les constellations dessinées au-dessus de l’horizon ouest vous font face sur le ciel.

Cartes : © C&E

SUD


108

éphémérides

LES PLANÈTES DU 15 AOÛT AU 15 SEPTEMBRE

Mercure

En début de nuit, Jupiter est toujours visible, mais sa faible hauteur limite son intérêt au télescope. On peut néanmoins de jour en jour suivre le ballet de ses satellites. Ne tardez pas pour viser Saturne, un peu mieux lotie (encore proche du méridien en début de nuit). Sa hauteur reste faible, car elle est dans la constellation d’Ophiuchus. Ses anneaux offrent une ouverture quasi maximale, et les amateurs d’imagerie peuvent en profiter pour photographier le vortex nuageux en forme d’hexagone situé au pôle de la planète. Les deux vedettes du moment sont finalement plutôt Uranus et Neptune. Cette dernière reste une cible pour les experts, car elle n’est pas visible à l’œil nu et il est assez difficile de dévoiler des détails dans ses nuages en imagerie. Un filtre rouge ou proche infrarouge donne plus de chance, et il faut utiliser un télescope d’au moins 300 mm. Avec la même technique, des détails peuvent être dévoilés avec de plus grandes chances de succès sur Uranus, là aussi accessibles qu’en imagerie. Profitez de la sa hauteur désormais généreuse pour tenter de la localiser à l’œil nu.

POSITIONS HÉLIOCENTRIQUES 0°

Uranus

Neptune

constellation

15/8

1/9

1/9

Sextant

Lion

Gémeaux

Cancer

magnitude

1,5

2,7

– 4

– 4

diamètre apparent

10,1”

10”

13,6”

12,5”

élongation

19° e

9° o

36° o

32° o

distance (ua)

0,665

0,675

1,240

1,343

7 h 05/19 h 36

4 h 53/18 h 11

2 h 11/17 h 30

2 h 44/17 h 33

lever/coucher intérêt visibilité

Terre

90°

15/8

tailles apparentes relatives des planètes

Vénus

Mi-août, MERCURE se couche presque en même temps que le Soleil. Elle redevient visible à l’aube à partir du 5 septembre.

Toujours bien installée dans le ciel de l’aube, VÉNUS poursuit son rapprochement avec le Soleil. Sa hauteur reste néanmoins généreuse. Elle est à 15° de l’horizon en fin de nuit le 15 août par exemple.

270°

Mercure

Saturne

Vénus

lundi

mardi

mercredi

jeudi

15/8

15/8

16

17

23 h 18 |

Mars Jupiter

21

13 h 07

22

-|

14 h 16

23

0 h 04 |

15 h 23

7 h 49 |

20 h 15

24

180°

Les planètes sont positionnées pour le 15 septembre. Pour Mercure, Vénus, la Terre et Mars, la portion de courbe plus large indique leur déplacement depuis le 15 août.

4 h 20 |

28 22 h 13

4

lever

méridien

coucher

15/8

4 h 47

11 h 52

18 h 55

20/8

4 h 53

11 h 51

18 h 47

25/8

5h

11 h 49

18 h 38

30/8

5 h 06

11 h 46

18 h 29

5/9

5 h 13

11 h 46

18 h 18

10/9

5 h 19

11 h 44

18 h 08

15/9

5 h 25

11 h 42

17 h 58

5 h 31 |

19 h 16

29 12 h |

LE SOLEIL DU 15 AOÛT AU 15 SEPTEMBRE

18 h 42

12 h 58 |

2 h 59

11

22 h 48

10 h 58

31 13 h 54 |

23 h 28

6 18 h 06 |

4 h 03

12 21 h 17 |

19 h 47

30

5 17 h 33 |

6 h 41 |

12 h 08

-

7 18 h 36 |

5 h 08

13 22 h 01 |

14 h 46 |

19 h 05 |

6 h 16

23 h 51 |

14 h 16

14 22 h 52 |

13 h 15


554 |  109

Jupiter

Mars

Saturne

1/9

1/9

Uranus

1/9

Neptune

1/9

1/9

Lion

Vierge

Ophiuchus

Poissons

Verseau

1,8

-1,8

0,3

5,8

7,8

3,6”

32,1”

16,9”

3,6”

2,3”

12° o

43° e

102° e

130° o

176° o

2,635

6,138

9,796

19,245

28,94

4 h 29/18 h 29

9 h 21/20 h 23

14 h 25/23 h 15

20 h 27/10 h 01

18 h 55/6 h

Trop proche du Soleil, MARS n’est plus observable.

JUPITER est toujours visible au crépuscule, mais elle est désormais très basse et se couche rapidement.

vendredi

samedi

dimanche

18

19

20

0 h 59 |

16 h 23

25

2 h 01 |

17 h 17

26 8 h 55 |

20 h 43

1/9

3 h 09 |

SATURNE est proche de sa quadrature. Elle décline donc rapidement en début de nuit mais reste intéressante au crépuscule.

21 h 11

MER DES PLUIES

18 h 03

2

Terminateur le 12/9 11 h |

NEPTUNE culmine en milieu de nuit. Une situation idéale pour être observée au télescope.

LA LUNE AU SOMMET

27 9 h 59 |

URANUS culmine en fin de nuit à plus de 50° de l’horizon. Vous pouvez la chercher à l’œil nu sous un bon ciel.

21 h 41

3

OCÉAN DES TEMPÊTES

La Lune est au plus haut autour du 11 septembre en fin de nuit. Durant cette période, ne manquez pas Copernic, Tycho et Clavius.

MER DE LA SÉRÉNITÉ

Copernic Terminateur le 11/9

15 h 34 |

0 h 13

8

16 h 18 |

1 h 04

9 19 h 35 |

7 h 26

16 h 57 |

1 h 59

20 h 39 |

9 h 47

Théophile

10 20 h 06 |

8 h 36

Tycho

15

Taille angulaire : 32’

Clavius

-|

15 h 11

nouvelle lune

le 18 août

13 h

366 127  km

apogée

le 30

11 h

404 305  km

18 h 30

date

hauteur méridien phase

29 août

8 h 13

10 sept.

52°

2 h 54

83 %

pleine lune

6 septembre

7 h 03

11 sept.

57°

3 h 46

73 %

dernier quartier

13 septembre

6 h 25

12 sept.

60°

4 h 41

62 %

premier quartier LÉGENDE Lever | Coucher

21 août

périgée


éphémérides

110

juillet 20

jeudi

La Lune, Vénus et Aldébaran sont regroupées dans le ciel du matin. 6.° 25

Au crépuscule, la Lune et Jupiter ne sont séparés que de 3°.

29

août 2

vendredi

samedi

Maximum d’activité des Delta Aquarides, avec un pic d’activité voisin de 25 étoiles filantes à l’heure. Le Premier Quartier se couche vers minuit, offrant une belle fenêtre d’observation durant la seconde partie de la nuit du 28 au 29.

dimanche

Plus grande élongation est de Mercure (27,2°), à observer le soir au crépuscule.

mardi

Conjonction LuneMercure-Régulus, difficile à observer dans les lueurs du couchant à la latitude de la France, mais rapprochement intéressant sous les tropiques.

28

30

18

lundi

Éclipse partielle de Lune visible en Asie centrale et dans l’océan Indien. Les habitants de la Réunion sont bien placés pour voir le bord de la Lune entrer dans l’ombre de la Terre. Depuis l’Hexagone, seule la toute fin du phénomène peut être observée, au moment du lever de la Lune.

9

mercredi

À Paris, le Soleil se couche dans l’Arc de Triomphe si on l’observe depuis le rond-point des Champs-Élysées.

samedi

Maximum d’activité des Perséides. On attend 150 étoiles filantes à l’heure. La Lune gibbeuse décroissante perturbe les observations. Pour s’en affranchir, l’idéal est d’observer le 12 en début de nuit même si la constellation de Persée reste basse dans le ciel.

mercredi

La Lune gibbeuse est à 6° de Saturne en début de nuit.

7

12

samedi

Beau rapprochement (3°) entre un fin croissant de Lune et Vénus à l’aube.

21

vendredi

Conjonction LuneJupiter visible en en fin de crépuscule, juste audessus de l’horizon ouest.

30

mercredi

Conjonction LuneSaturne. Moins de 4° séparent les deux astres.

vendredi

La lumière cendrée est bien visible le matin.

19

25

lundi

5

Opposition de Neptune. Cette planète est visible seulement au télescope.

10

1er

vendredi

Le matin, Vénus croise non loin au sud de l’amas de la Crèche. Un beau rendez-vous à observer aux jumelles et à photographier avec un petit téléobjectif.

dimanche

À l’aube, moins de 1° sépare Mercure et Régulus.

12 septembre

mardi

mardi

Élongation maximale de Mercure à l’ouest du Soleil. L’angle apparent entre les deux astres atteint 17,9°. Jusqu’au 20, elle gagne en brillance et fait une belle apparition dans le ciel du matin.

Éclipse totale de Soleil visible aux États-Unis (lire C&E n° 549 et, pour la France, p. 96).

22

mardi

Jusqu’à fin août, recherchez la lumière zodiacale le matin à l’est, avant le début de l’aube.

signification des pictos œil nu

jumelles télescope

LES HORAIRES SONT EN TEMPS UNIVERSEL Pour obtenir l’heure légale en France métropolitaine, ajoutez 2 heures.

CHAQUE MOIS, RETROUVEZ LES ÉPHÉMÉRIDES SUR https://soundcloud.com/ciel-et-espace/sets/les-eph-m-rides


554 |  111

jeudi

20 juillet à 4 h ue

Capella

tiq lip c É

COCHER

Écli ptiq ue

Aldébaran

Vénus

PETIT LION

VIERGE

TAUREAU

LION

Lune

Lune Régulus

10°

10°

Mercure OUEST

EST

mardi

25 juillet à 20 h 10

7

lundi août 20 h 52 19 h 19 18 h 20 17 h 24

15 h 51

SERPENTAIRE ÉCU DE SOBIESKI

Ombre de la Terre

Sabik

Lune

Écliptiq u

e

Nunki

Saturne

Pénombre

Antarès

SAGITTAIRE Kaus Australis 10°

Pas d’éclipse Éclipse Au lever

SUD

mercredi

30 août à 20 h

1er septembre à 22 h Vénus

Écl ipt iqu

e

vendredi

Au coucher

SCORPION

Shaula

Algieba Asellus Borealis Régulus

Vénus

LION

CANCER

Mercure

Mars

e

Asellus Australis

Écl ipti qu

mardi

12 septembre à 4 h 30

10°


112

ouvert la nuit

COUP DE CŒUR

Philippe Zara

Yves Courtel

Après la lecture de notre hors-série “Le guide de la photo du ciel” (juillet 2016), Philippe a eu l’idée de traiter un panorama de l’Isère en mode “petite planète”. Ce résultat est obtenu à partir d’une image à 360°. Dans le ciel, les traînées lumineuses sont celles de la station spatiale internationale. Les deux prises de vue ont été réalisées à 24 h 45 min d’écart. Samyang 8 mm / Nikon D7000 / 20 s à 200 ISO et f/3,5

Spécialiste des alignements de la Lune et du Soleil avec des éléments terrestres, Yves est parvenu à saisir ce croissant de Lune le 3 avril dans l’alignement des Champs-Élysées. Il faut arriver à éviter les feux rouges lors du cadrage. Difficulté supplémentaire la nuit : il faut trouver un cadrage qui évite les reflets des phares dans l’objectif. Téléobjectif réglé à 210 mm / Nikon D90 / 1 s à 200 ISO et f/11


554 |  113 Rubrique réalisée par Jean-Luc Dauvergne

Laurent Lacote Emblématique du ciel de l’hémisphère Sud, la galaxie Centaurus A est visible depuis le sud de la France. Il est très difficile de la dévoiler sous nos latitudes, tant elle reste basse dans le ciel. Laurent a profité d’une mission à l’observatoire du Pic du Midi pour saisir son passage furtif entre les sommets des Pyrénées. La galaxie n’étant qu’à 4° de l’horizon, une transparence exceptionnelle est nécessaire pour obtenir un tel résultat ! Objectif Canon 200 mm f/2,8 / Canon EOS 6D / 28 min 30 s à 6400 ISO et f/4,5

Adressez-nous vos photos à : ouvertlanuit@cieletespace.fr

Merci de nous envoyer vos images à leur résolution maximale, de préférence dans un format JPEG peu compressé.


114

ouvert la nuit

Nicolas Jongis

William Pellissard

Cette aurore boréale a été prise depuis le parc naturel d’Abisko le 2 mars, en Suède. Malgré la baisse d’activité solaire, il est toujours possible de voir de belles aurores à ces latitudes. Cette nuit-là, une tempête de classe G1 animait le ciel. Il y en a en moyenne 1 700 par cycle solaire de 11 ans. Objectif 14 mm / Nikon D810A / 5 s à f/3,2

Jupiter et son satellite Callisto ont été captés en plein Paris, le 23 avril 2017. William observe depuis son balcon au 15e étage, une hauteur qui permet d’avoir un peu moins de turbulence qu’au sol. De nombreux détails sont visibles dans la Grande Tache rouge de Jupiter, et même sur Callisto ! Notez la coloration de la Tache rouge plus forte que ces dernières années. Celestron 14 / Caméra ZWO ASI 224 C


554 |  115

Stéphane Gonzales Ce superbe croissant de Vénus a été photographié alors que la planète était à seulement 16° du Soleil le 16 mars 2017. L’image a été prise en plein jour. Du coup, la lumière du Soleil entrait un peu dans le tube optique. Dans ces conditions, l’instrument chauffe et génère de la turbulence. Celle-ci a été figée par une prise de vue à très haute cadence : Stéphane a enregistré 250 images par seconde ! Télescope Newton 300 mm f/4 / Caméra ZWO ASI 224 C


116

conseil photo

APPRIVOISEZ LA LUMIÈRE DE LA LUNE Avec un croissant de Lune, la Voie lactée reste parfaitement visible sur le fond de ciel bleu, comme sur ce paysage de Namibie. © J-L.Dauvergne

Page de droite : cette vue des Hautes-Alpes montre comment on peut tirer parti d’une phase plus avancée en intégrant des lumières artificielles pour indiquer qu’il s’agit bien d’une photo nocturne. © S. Fonteneau

Souvent, lorsque la Lune se lève, les astrophotographes se couchent. Il est pourtant possible de jouer avec sa lumière, en particulier en photo de paysage. La présence de la Lune est particulièrement intéressante dans les zones où la pollution lumineuse étend son emprise. La Voie lactée n’est de toute façon pas — ou peu — visible. Il n’y a donc pas grand sacrifice à faire définitivement une croix dessus en photographiant le ciel aux heures où notre

satellite l’illumine. Et c’est sans regret, car la présence de notre voisine peut être transformée en atout dans ce cas précis. En effet, la lumière de nos villes donne une teinte orangée très peu esthétique à nos photos. À l’inverse, dès que la lumière de la Lune reprend le dessus, l’atmosphère devient bleutée et le rendu de la photo est bien plus agréable et naturel. Qu’en est-il loin des villes ? Même avec un bon ciel de montagne, vous ne serez


554 |  117 Jean-Luc Dauvergne

jamais en France totalement affranchi de la pollution lumineuse. C’est pourquoi il peut être intéressant de photographier la Voie lactée en présence d’un très fin croissant de Lune. Dans ces conditions, le rendu du ciel reste bleuté plutôt qu’orangé, et la Voie lactée est encore bien visible. Les périodes du 25 au 27 juillet, puis du 24 au 26 août, sont intéressantes pour ce type de photo le soir. En choisissant bien votre moment, vous pouvez même intégrer à votre composition les lueurs de la fin du crépuscule à l’horizon sudouest. L’effet est garanti ! Que vous soyez à la ville ou à la campagne, jusqu’au Premier Quartier, la lumière de la Lune est intéressante et facile à exploiter. Passé cette phase, le photographe doit faire face à une nouvelle

difficulté : la luminosité de la Lune est telle que les photos peuvent facilement avoir un rendu assez similaire à une image prise en plein jour. Le fond de ciel est bleu certes, mais il est si lumineux que les étoiles deviennent vraiment très discrètes. Qu’à cela ne tienne, votre sac à malice n’est pas encore vide, il vous reste plusieurs astuces pour limiter cet effet. Commencez déjà par sous-exposer la photo, de telle sorte qu’elle donne l’impression qu’il fait nuit. Vous gagnerez aussi à laisser descendre la Lune vers l’horizon et, de préférence, photographier dans la direction opposée. Si vous voulez éviter définitivement toute confusion possible entre le jour et la nuit, vous pouvez retourner en atout la nuisance des lumières urbaines. Avec quelques lampadaires dans votre photo,

et une sous-exposition bien dosée, la personne qui découvrira le résultat saura sans ambiguïté que la photo a bel et bien été prise de nuit. L’effet obtenu peut être vraiment esthétique ! Enfin et surtout, pour ce type de photo, soignez plus qu’à l’accoutumée le choix de l’avant-plan. La Lune va le dévoiler au grand jour. Vous ne pouvez donc pas compter cacher des détails disgracieux sous le tapis de l’obscurité. Une solution possible est de se mettre au bord de l’eau. Soit elle est agitée, et le long temps de pose lui donnera un aspect cotonneux mystérieux et poétique, soit elle est calme et vous tirerez parti de l’effet miroir. Et puisqu’une photo réussie est faite pour être partagée, n’hésitez pas à envoyer le résultat de votre moisson estivale à l’adresse ouvertlanuit@cieletespace.fr !


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118

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54/2 - l e mont-saint-michel - 60 x 40 cm Tirage simple : 27 € - Tirage contrecollé* : 146 €

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Tarifs valables pour la France métropolitaine jusqu’au 30 septembre 2017

*Le tirage contrecollé est un tirage simple contrecollé sur aluminium 1mm avec des barres d’accrochages au dos.

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54/5 - s aint-tropez - 60 x 40 cm Tirage simple : 27 € - Tirage contrecollé* : 146 €

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GALLERY ASTRO AFA, 17, rue Émile-Deutsch-de-la-Meurthe 75014 Paris 54/6 - c alvi - 60 x 40 cm Tirage simple : 27 € - Tirage contrecollé* : 146 €

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INITIATIVES

ÉPINAL S’ENGAGE CONTRE LA POLLUTION LUMINEUSE

A

lors que les yeux s’habituent à l’obscurité, le ciel se dévoile entre deux nuages et quelques étoiles timides apparaissent. Ce n’est pas en pleine campagne que l’on peut, bercé par le murmure de la Moselle, admirer cette voûte céleste, mais au cœur même d’Épinal (Vosges), une ville de 32 000 habitants. Depuis 2015, la commune éteint tout éclairage public entre 1 h 30 et 4 h 30. Faisant d’une pierre deux coups, elle économise 75 000 € par an et favorise la biodiversité en réduisant sa pollution lumineuse. “La seule vraie réaction que j’ai eue à l’annonce de cette mesure venait de la police, qui m’a indiqué que l’extinction des lumières compliquait son travail. Mais ça fait deux ans maintenant que nous éteignons l’éclairage public et elle n’est

Depuis 2015, la ville d’Épinal éteint ses lumières 3 heures par nuit. La commune des Vosges réalise ainsi une économie de 75 000 € par an et préserve la biodiversité sur son territoire. © Marie Cros

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pas revenue me voir, explique Michel Heinrich, député-maire d’Épinal. On sait de façon sûre qu’il n’y a pas plus de délits qu’avant. Je crois même que leur nombre a diminué. Mais ça, ce n’est qu’une conviction personnelle”, ajoutet-il. Déjà sensibilisé aux politiques environnementales, il décide cette mesure en 2015, suite à deux événements distincts : la baisse des budgets attribués aux communes et les engagements de la ville dans le Grenelle Environnement, une initiative politique visant à diminuer la consommation énergétique et à favoriser la biodiversité. La nécessité de faire des économies encourage le maire à franchir le pas. L’initiative s’inscrit dans le plan biodiversité de la ville et protège les espèces nocturnes en créant une trame noire, sans lumière, qui relie les

240 ha d’espaces verts d’Épinal et les 3 400 ha de forêt qui l’entourent. Une mesure bienvenue dans un secteur privilégié par les chauves-souris. Classé Natura 2000, un label qui vise à préserver la biodiversité européenne, le site sert de gîte à plusieurs espèces de chiroptères. “La pollution lumineuse est insidieuse parce que ces effets sur la biodiversité ne sont pas visibles tout de suite, mais sont, en revanche, quasiment irrévocables, explique Claude Maurice, le fondateur de l’association OiseauxNature. Ainsi, le grand paon de nuit, un papillon nocturne, a quasiment disparu, brûlé par les ampoules de nos lampadaires. Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres ! Alors, à la moindre initiative qui préserve la biodiversité, nous sommes ravis”, conclut Claude Maurice, qui salue la décision du maire. Quelques


habitants, rencontrés au hasard des rues, aimeraient que plus de grandes villes prennent cette résolution. “Si ça se généralisait en France, on aurait un moyen d’économiser l’énergie et de peut-être réduire notre dépendance à l’énergie nucléaire !” s’enflamme un jeune électricien. D’autant plus que l’impact sur les habitants est minime puisque le vendredi et le samedi soir, la ville reste allumée toute la nuit. Pas de couvrefeu donc pour les fêtards spinaliens. “Le soir, dans le noir, c’est vrai qu’on se retourne un peu plus souvent et que ça réveille certaines peurs. Mais en deux ans, ça ne m’est arrivé en tout et pour tout que deux fois”, raconte un autre passant. Pas la mer à boire a priori, surtout que les aspects positifs pour les citoyens semblent multiples : la nuisance sonore a largement diminué les soirs de semaine, on dort mieux et la commune économise. “La ville plongée dans le noir a un charme déconcertant. C’est très agréable. On a l’impression de traverser un village”, confie Didier Mathieu, directeur du planétarium d’Épinal. Réjoui de la décision du maire, il sensibilise les Spinaliens à la pollution lumineuse depuis quatorze ans, lors du Jour de la nuit. À l’occasion de cette manifestation nationale, l’ensemble du quartier ouest d’Épinal éteint ses lumières à 22 h. “Je ne fais pas ça pour observer le ciel, mais pour expliquer comment les villes et notamment la pollution lumineuse affectent la faune et la flore. Après, pouvoir contempler la Voie lactée et un ciel étoilé, c’est un peu comme la cerise sur le gâteau”, continue-t-il. Une cerise plutôt magique quand on regarde, sous les étoiles, la masse sombre des ruines du château d’Épinal faiblement éclairée par la Lune. Marie Cros

À Nantes (en haut) ou à Auch (en bas), les astronomes font rêver les jeunes patients en leur parlant d’exploration martienne et d’espace… au besoin en enfilant un scaphandre ! © P’tits cueilleurs d’étoiles

Des astronautes à l’hôpital Depuis mai 2016, “Les p’tits cueilleurs d’étoiles” interviennent dans plusieurs hôpitaux à Lille, à Nantes, à Paris, à Auch, pour faire rêver les enfants malades avec l’espace et les étoiles. Durant les animations, les jeunes patients peuvent toucher des météorites, se balader sur Mars, découvrir les planètes du Système solaire... Grâce à un financement participatif, les animateurs pourront désormais se rendre dans les hôpitaux vêtus de scaphandre. De quoi faire briller encore un peu plus les yeux des enfants hospitalisés. http://lesptitscueilleursdetoiles.fr/

La Hongrie protège ses étoiles Il fait bon observer le ciel en Hongrie. Le 13 juin, l’International Dark-Sky Association (IDA) a annoncé que le parc national du Bükk, situé au nord du pays, près de la ville de Miskolc, est désormais labélisé Dark Sky Park. Le pays est l’un des leaders en Europe en matière de protection du ciel. En effet, cette labélisation fait suite à deux autres, celle des parcs nationaux de Hortobágy et du Zselic.

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DU CÔTÉ DE L’ASSOCIATION FRANÇAISE D’ASTRONOMIE

Les Terres habitables à l’honneur des es 27 Nuits des étoiles À vos agendas : les 28, 29 et 30 juillet prochains,

© C&E 2017

28, 29, 30 juillet 2017

Tous les sites sur www.afastronomie.fr

les Nuits des étoiles reviennent pour une 27e édition ! Depuis 1991, chaque été, clubs d’astronomie, planétariums, centres de culture scientifique, mais aussi offices de tourisme, centres de vacances, ainsi que les mairies se mobilisent à l’appel de l’AFA pour organiser les Nuits des étoiles et permettre aux petits comme aux plus grands d’observer le ciel étoilé. L’événement est si ancré dans notre paysage estival que près de 3 000 bénévoles sortent télescopes, écrans, vidéoprojecteurs et lampes torches pour communiquer leur passion à un public toujours plus large. Chaque année, des dizaines de milliers de personnes viennent admirer le spectacle céleste, comprendre un peu mieux l’Univers, s’émerveiller et partager un moment de contemplation. Un rendez-vous estival que les chaînes de télévision n’hésitent pas à relayer lors de soirées thématiques, et même des sites “pirates” se mettent en place à l’occasion ! Une fois encore, le Cnes, Airbus Defence and Space, le CEA, les ministères de la Transition écologique et solidaire, et de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation concourent à l’organisation de cet événement populaire. L’association Humanité et biodiversité, dont Hubert Reeves est le président d’honneur, a de même contribué à la mise en place des Nuits des étoiles 2017. Sans équivalent en Europe, les Nuits des étoiles sont la première manifestation astronomique en termes d’audience et de mobilisation. Une manifestation où le public n’est pas seulement spectateur ou auditeur d’un exposé, mais bel et bien acteur de son savoir par l’observation du ciel, des planètes, galaxies et


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autres nébuleuses, première étape d’une démarche scientifique. Les Nuits des étoiles sont une invitation à l’observation du monde qui nous entoure et une contribution à sa compréhension. Cet été, les Nuits seront l’occasion de parler des terres habitables qui, si elles sont sans doute légion, ne restent pas moins hors de portée. Leur éloignement rend, de fait, notre Terre encore plus précieuse. L’astronomie permet de faire comprendre la fragilité de notre planète. Il n’existe pas de “Terre de secours”. Pas de plan B pour l’humanité. Raison de plus pour changer notre regard sur la Terre et

sensibiliser les gens à la conserver “habitable”. Pour toutes les espèces vivantes, pour nos enfants et pour le futur de notre espèce. Rendez-vous à l’une des 400 soirées organisées, ou partagez avec votre famille et vos amis, la beauté de la voûte étoilée depuis votre jardin, avec le Guide des Nuits des étoiles, téléchargeable gratuitement sur l’appli iOs et Android “Ciel & Espace Le +” (pour Android, code 65famkici).

Renseignements : www.afastronomie.fr

152 853 personnes sur le terrain pour l’édition 2016

470 manifestations

2 818 bénévoles mobilisés

Les 28, 29 et 30 juillet prochains, découvrez le ciel dans l’un des nombreux sites des Nuits des étoiles en France. © IAU/C&E


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Voyage en terre mongole ! Cette fois, pas d’éclipse à observer, pas d’observatoire à visiter : simplement la nature à l’état brut, à l’état pur. Quelques temples bouddhistes, la présence de marques chamanistes, discrètes mais prégnantes tout au long des pistes empruntées ou de nos lieux de bivouac, le musée de Gengis Khan à Karakorum, l’ancienne capitale de la Mongolie du temps de l’Empire mongol, des steppes à perte de vue, des dunes et chameaux, d’immenses plateaux d’altitude traversés par d’énormes troupeaux de yaks, moutons, chèvres et chevaux à moitié sauvages… et une nuit extraordinaire. Un ciel, peut-être encore plus pur que celui du désert d’Atacama, pourtant une référence : où l’on voit la Voie lactée plonger derrière l’horizon est, avec la même netteté et la même clarté que lorsqu’elle se trouve proche du zénith. Nous avons durant ce périple partagé des moments intenses avec nos guides mongols dans des paysages fabuleux. Un vrai “retour aux sources”. Prochain départ en 2018 Jean Prelle

DU CÔTÉ DE L’ASSOCIATION FRANÇAISE D’ASTRONOMIE

Décrocher sa 2e étoile C’est sur le domaine de la Grande Garenne, à Neuvy-sur-Barangeon, dans le Cher, que s’est déroulé le nouveau stage 2e étoile de l’AFA. Vingt-trois stagiaires attentifs ont, durant deux nuits et une journée dense d’ateliers, pu réactiver leur 1re étoile et décrocher la deuxième. Collimation des instruments, entretien, principes optiques, choix des cibles et des oculaires, optimisation de l’observation, notions d’échelles, de temps, de spectroscopie ont été au programme. Un stage pratique où l’apprentissage est d’autant plus efficace qu’il est réalisé sur son propre équipement. La formule est séduisante : en internat, du vendredi fin d’après-midi au dimanche matin, pour éventuellement visiter le Pôle des étoiles et l’observatoire de Nançay, à quelques kilomètres, ou éviter les retours chargés sur les grandes agglomérations.

Prochain stage : du 29 septembre au 1er octobre. 280 € en pension complète. Inscription sur le site de l’AFA.

Les stagiaires “2e étoile” ont appris à maîtriser leur télescope sous le ciel de Sologne. © N. Franco/A. Tessier

Les adhérents de l’AFA ont pu faire le plein de nature et d’étoiles lors du dernier voyage organisé en Mongolie. © J.Prelle


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Les voyages de l’AFA L’AFA propose à ses adhérents des voyages aussi exotiques qu’astronomiques. Pour les amoureux des étoiles, voici nos prochaines dates.

Ciel noir et observatoires aux Canaries

du 17 au 24 octobre 2017 2 450 €

Un voyage exceptionnel au Kazakhstan

Hélène Pihan-Le Bars (en bleu), lors de sa visite du Cern.

du 27 novembre au 4 décembre 2017

© H. Deloison

Ce périple vous conduira à Baïkonour, pour une visite du musée de l’Espace, du Buran Orbital Complex et pour assister au lancement d’un Soyouz le 30 novembre. Il se prolongera ensuite vers Almaty et le plateau d’Assy, pour y découvrir le ciel et les équipements de l’observatoire d’Almaty. Le déroulement du séjour peut être largement modifié pour s’adapter à d’éventuels changements de date pour le décollage du Soyouz. 3 650 €

Cinq minutes pour ma thèse pour ma thèse”, organisé par le LPNHE et l’AFA, a visité plusieurs installations du Cern, en compagnie de chercheurs impliqués dans celles-ci. Cette visite lance pour l’AFA l’édition 2017 du concours, qui aura lieu dans le cadre du Festival des 2 infinis, en octobre prochain. Ce concours est ouvert à tous les doctorants ou post-doctorants franciliens dont le sujet est en relation avec les deux infinis. Il se tiendra le mercredi 18 octobre, de 10 h à 13 h, dans l’amphi Charpak du LPNHE, à Paris. Chaque étudiant ou étudiante doit faire, en cinq minutes, un exposé clair, concis et convaincant sur son projet de recherche, à l’aide du ou des supports de son choix ! Il répond ensuite aux questions de la salle, pendant cinq autres minutes. Ici, pas d’enjeu colossal ! Le concours se passe dans une ambiance sympathique, joviale, et à l’issue des présentations, le jury remettra un prix aux trois meilleurs candidats, dont la visite du Cern, celle de l’observatoire du Pic du Midi, un télescope, des abonnements à Ciel & Espace… L’objectif de ce “concours” est de montrer la diversité, la richesse des sujets, des candidats et la passion qui les anime. L’idée est aussi de faire se rencontrer jeunes physicien(ne)s et astrophysicien(ne)s, et sensibiliser les doctorants à la médiation vers les publics profanes. Cette animation permet de donner une image concrète et dynamique de la recherche. Chaque présentation sera filmée pour alimenter un site web accessible aux jeunes (Astrojuniors).

Les étudiants qui souhaitent participer doivent s’adresser avant le 20 septembre à l’AFA, qui coordonne la session (eric.piednoel@afastronomie.fr).

© D.Fossé/C&E

Le 12 mai, Hélène Pihan-Le Bars, la lauréate du concours 2016 “5 minutes

Chassez les aurores en Islande

du 11 au 19 février 2018 1 850 €

Sous le ciel austral de Madagascar

du 7 au 17 juin 2018 3 074 € Programmes détaillés et inscriptions sur www.afastronomie.fr Des voyages réservés aux membres de l’AFA (cotisation 18 €)


AGENDA

FLEURANCE, L’INCONTOURNABLE

TAUTAVEL, 10 ANS !

Du 4 au 11 août, le Festival de Fleurance propose un programme riche et varié. Sa soirée d’inauguration donne le ton, avec la remise des prix du livre Ciel & Espace, une conférence sur la détection des astéroïdes et un récital à l’église Saint-Laurent. Le 5, vous poursuivrez sur un bon rythme avec le 9e Marathon des sciences, de midi à minuit. Son thème : attraction/ répulsion. Sont également prévus de nombreuses conférences (le 8, ne ratez pas “Newton et Einstein remis en cause”, qui fait écho à notre dossier), un concours mondial de maths, des cours “L’astrophysique pour les nuls”, la réalisation de microfusées, cuisiner sur Mars…

L’Homme de Tautavel, ancêtre de Néandertal, vivait il y a 450 000 ans dans la Caune de l’Arago, une grotte dominant le Verdouble. C’est dans ce lieu chargé d’histoire que se tient le festival d’astronomie “450 000 années-lumière”. Amateur confirmé ou simple curieux, muni ou non d’un instrument, vous êtes convié à la fête ! En plus des soirées d’observation, de nombreuses conférences seront organisées (“Voyage dans la galaxie”, “Seul sur Mars, science ou fiction ?”), ainsi que plusieurs ateliers (carte du ciel, bijoux célestes…), des séances de planétarium et une tombola.

Astrorama, 04 93 85 85 58

www.astreschevelus.fr

http://www.astrorama.net

www.festival-astronomie.com

DR

DR

Adulte : 13 €. Enfants et étudiants : 10 €

AILLON-LE-JEUNE (73)

LOURDES (65)

Festival “À la conquête de l’espace”, avec des ateliers créatifs (construction d’une carte du ciel, d’une station spatiale…), un parcours thématique sur l’Univers, l’observation du ciel au télescope. Clou de ces deux journées : l’inauguration d’un astroport ! Les 22 et 23 juillet

Semaine de l’astronomie au château de Lourdes, du 24 au 28 juillet : exposition sur les comètes, observation du Soleil chaque après-midi, en préparation des Nuits des étoiles, qui auront lieu sur le même site. Du 24 au 28 juillet, de 14 h à 18 h Astroclub lourdais,

http://www.lesaillons.com

http://astro-club-lourdais.skyrock.com

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Un spectacle burlesque, poétique, interactif, c’est plus original qu’une simple conférence pour parler des comètes ! Dans le spectacle Chasseurs de comètes, présenté comme un petit musée itinérant, les écrits des auteurs se mêlent à ceux des poètes, des dramaturges et rencontrent ceux des astronomes pour révéler les mystères de ces “astres vagabonds”. Pour réaliser ce spectacle, le producteur “Le grain de sable” et le metteur en scène Jacques Laurent se sont appuyés sur les conseils scientifiques de l’astronome Jean-Louis Heudier. Èze (06) – 9 août, 19 h

Tautavel (66) – Du 20 au 23 juillet Fleurance (33) – Du 4 au 11 août

POÈTES ET CHASSEURS DE COMÈTES

SAINT-TROPEZ (83) “Existe-t-il d’autres Terres habitables ?” Conférence de l’astrophysicien Patrick Michel, organisée par la mairie de Saint-Tropez et la Société d’astronomie de Cannes (Saca). 30 juillet, 21 h Entrée libre Cinéma La Renaissance 13, place des Lices

LATRAPE (31) Festival Ciel et nature : ateliers de science animée, observations, exposés, conférences, contes, séances de planétarium, spectacles. Du 7 au 15 août Balcon des étoiles, 05 62 23 21 13 http://www.les-pleiades.asso.fr


ÉTÉ ASTRO EN PROVENCE

TREIZE-VENTS SUR ORBITE

Chaque année, le Centre de Saint-Michel-l’Observatoire, situé près du célèbre observatoire de Haute-Provence, redouble d’inventivité pour vous faire passer un bel été astro. En plus des soirées de découverte du ciel (en français et en anglais), des séances de planétarium, des expositions, vous pourrez également participer à des pique-niques au crépuscule, apprendre à manipuler de grands télescopes (600 et 760 mm)… Tout l’été, de nombreuses soirées événements sont prévues autour du théâtre astro, de la Nuit du cinéma…

Le 2e Festival Treize-Vents en orbite sera encore plus riche d’activités autour de l’astro qu’en 2016 : planétarium, stand de fusées à eau, atelier dessin et bricolage (mobile planétaire, carte du ciel) pour les enfants, mais aussi observation du soleil, expo photo, projection vidéo, conférences, observations nocturnes. Une tombola sera également organisée. À gagner : une nuit astronomique en gîte insolite, lunette, météorites, soirée d’observation…

Saint-Michel-l’Observatoire (04) Centre d’astronomie, plateau du Moulin à vent

AVIONS, SURF ET TÉLESCOPES Si le surf est toujours à l’honneur à Mimizan, cet été, l’air et le cosmos le sont aussi. L’astroclub du Marsan Léo Lagrange organise sa grande Fête de l’air et des étoiles sur le tarmac de l’aérodrome. Au programme, côté air : vols en immersion avec caméra embarquée, vols de drones, simulateurs de vol, aéromodélisme, baptêmes de l’air avion/ULM. Réjouissances côté cosmos : observations diurnes et nocturnes, construction de cadrans solaires, conférence…

Treize-Vents (85) – Du 19 août, 14 h, au 20 août, 5 h École Sainte-Marie-des-Vents

Mimizan (40) – 10 et 11 août

10, rue des Néfliers

Aérodrome, allée Andrée-Dupeyron

lesetoilesauvent@orange.fr, 06 12 08 77 39

Astroclub Léo Lagrange http://www.astroclubmarsan.net

DR

© Denis Pourcher

www.centre-astro.fr

MARS (07)

LA CHAPELLE-AUX-LYS (85)

CHAMPOLÉON (05)

PARIS (75)

Le Club de Mars vous propose trois nuits d’observation. Vous installerez votre équipement avec votre tente, véhicule ou camping-car dans un grand champ au milieu duquel se dresse un observatoire doté d’un RC600. Du 19 au 22 juillet, 80 €,

Festival Astro-Lys, sur le thème de l’archéo-astronomie : mesure du temps par les calendriers, alignements astronomiques, observatoires antiques… Du 12 août, 15 h, au 13 août, 18 h Mairie de la Chapelle-aux-Lys, 11, rue Saint-Blaise 06 78 32 77 67,

Quatre jours d’astro au refuge du Tourond, près des Écrins : observation du Soleil et du ciel nocturne aux télescopes, dont un instrument de 450 mm d’ouverture. Du 23 au 26 août Association Copernic, 04 92 57 88 65

À l’occasion des 350 ans de l’observatoire de Paris, soirée mêlant conférences scientifiques, projections, expositions et observations à l’Hôtel de Ville. 8 septembre, de 19 h à 23 h Réservations : Planète sciences, astronomie@planete-sciences.org

http://www.asso-copernic.org

http://www.planete-sciences.org/astro

http://www.clubastromars.org

http://astrolys.blogs.fr

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LIRE, VOIR

DOCUMENTAIRE

JEUNESSE

ON S’EST POSÉ SUR UNE COMÈTE

L’ASTRONOMIE AU BOUT DES DOIGTS

LE PUBLIC Ce documentaire s’adresse au plus large public qui soit. Même si vous êtes peu familier avec le Système solaire et les sondes spatiales, il vous permettra de comprendre facilement quelle a été l’aventure de Rosetta. EN RÉSUMÉ Tout commence le 20 janvier 2014 par le réveil de la sonde européenne après de nombreux mois passés en hibernation dans l’espace. Andrea Accomazzo, directeur de vol de Rosetta, raconte comment il a vécu cet instant et il avoue que ce petit engin envoyé en direction d’une comète l’a changé pour toujours. Tout au long du film, on le suit dans les moments décisifs de la mission : l’approche, la satellisation, le largage du module Philae vers le noyau de la comète ChuryumovGerasimenko, l’étude de ce corps céleste tourmenté et, enfin, les derniers instants de Rosetta en septembre 2016. Ce récit est entrecoupé d’explications générales sur les comètes, sur la genèse de la mission et sur ses enjeux, racontés par les scientifiques qui ont conçu les expériences embarquées. Parmi eux : Jean-Pierre Bibring, chef du projet Philae, mais aussi Holger Sierks, responsable de la caméra à haute résolution de Rosetta. NOTRE AVIS Incontestablement, L’odyssée Rosetta atteint son objectif : raconter l’une des plus captivantes explorations spatiales jamais tentées. Ce long documentaire divulgue tous les aspects de la mission, de sa raison d’être à ses résultats sans jamais oublier de vulgariser les faits pour permettre à tous d’en saisir la portée. Il contient notamment une petite pépite dans une séquence qui montre une passe d’armes entre Andrea Acomazzo (pour les ingénieurs) et Jean-Pierre Bibring (pour les scientifiques) à propos du choix du site d’atterrissage de Philae. La tension de cet échange fait bien percevoir l’importance des attentes de cette mission. Dans les intervalles entre les opérations, on suit lors de flash-back différents scientifiques qui travaillent à tester leurs instruments afin d’être capables de comprendre les données qu’ils vont envoyer concernant la comète. L’ensemble forme un récit passionnant, jamais trop technique, à l’issue duquel on comprend bien les découvertes qui ont été faites. À noter, quelques bonus, courts (15 min) mais intéressants, qui apportent des informations supplémentaires à ce film qui s’impose comme un document de référence. À voir et à conserver !

LE PUBLIC Ce livre pratique s’adresse aux enfants (jusqu’à 12 ans environ), mais aussi à leurs parents. Les adultes pour ront en ef fet s’en servir comme support pour initier les plus jeunes à l’expérimentation scientifique tournée vers les étoiles. EN RÉSUMÉ Pas de propos interminable dans ce livre qui, après trois pages de présentation, s’engage résolument sur des expériences à réaliser seul ou en famille. Cinquante-deux manipulations relativement f aciles sont décrites pour comprendre le mouvement des astres, des phénomènes physiques ou naturels, mais aussi pour faire ses premiers pas dans l’observation du ciel. Tout cela est rangé dans six chapitres dont le premier, intitulé simplement “Observer”, propose de petites choses très bien pensées pour s’habituer à voir et à interpréter, bref, à adopter une démarche scientifique. NOTRE AVIS Ce livre “pour les kids” est extrêmement bien conçu. Chaque expérience peut être réalisée facilement avec des objets usuels et permet à toute la famille de percer les secrets de la physique qui régit les corps célestes. Nul doute que bien des adultes seront étonnés par certaines des manipulations de cet ouvrage très malin ! PH

PH

L’ODYSSÉE ROSETTA / Jean-Christophe Ribot et Cécile Dumas Arte Éditions / DVD de 90 min / 20 € / 128

LABO ASTRONOMIE / Michelle Nichols Éditions Eyrolles / 150 p. / 18 € /


À éviter

Pourquoi pas

Bien

Excellent !

HISTOIRE

VULGARISATION

VULGARISATION

UN HÉRITAGE MÉCONNU

DES PARTICULES ET DES HOMMES

DÉGUSTER LA PHYSIQUE EN 100 NOMBRES Colin Stuart / Belin / 180 p. / 16,90 € Arpenter la physique par les nombres est une façon originale d’aborder le domaine. Chacun d’eux est le prétexte d’explorer une notion, et la majorité d’entre elles est liée à l’astronomie. Pour adultes et adolescents. JLD

LE PUBLIC Tous les curieux d’astronomie trouveront dans ce livre une mine d’informations sur un pan méconnu de l’histoire de cette science. EN RÉSUMÉ Aussi loin que remonte l’histoire de la Chine, l’astronomie est présente. Plus étonnant : les Chinois ont mis en place une démarche scientifique avec une avance considérable sur le reste du monde. Ils ont ainsi mesuré avec mille ans d’avance la longueur du méridien avec une précision honorable. Ce n’est donc pas un hasard si, avec cette préoccupation constante, ils ont été parmi les seuls à conserver une trace écrite de l’explosion de la célèbre supernova de 1054, devenue aujourd’hui la nébuleuse du Crabe. NOTRE AVIS Ce livre passionnant tend à bousculer l’histoire de l’astronomie telle qu’elle nous est présentée généralement. Avant le XVII e siècle, l’empire du Milieu avait acquis des connaissances astronomiques bien supérieures à celles de l’Occident. Le développement de l’optique en Europe et des secousses politiques durables en Chine inverseront ensuite la tendance. Mais comprendre cet héritage éclaire les efforts actuels faits par la Chine pour revenir sur le devant de la scène internationale en astronomie.

LE PUBLIC Tous ceux qui aiment que la science leur soit contée, et non pas professée. EN RÉSUMÉ De la tour Eif f el à l a p a m p a a r ge n t i n e, le physicien des hautes énergies Antoine Letessier-Selvon raconte un siècle de physique fondamentale sur la piste des particules de l’Univers. À son épopée historique se mêle le récit de son quotidien de chercheur. NOTRE AVIS Ce livre est une excellente surprise ! À partir d’une matière a priori ardue — la physique des par ticules, les rayons cosmiqu es —, l’au teu r con str u it u n récit passionnant et humain, qui se lit à merveille. Son style direct y est pour beaucoup, tout comme son souci de raconter la grande histoire de la science comme une succession de petites histoires, à hauteur d’homme. Enfin, on lui sait gré de ne pas avoir cherché à se placer “en surplomb” de son lectorat, comme il aurait facile de le faire. “Impressionner avec des mots, imposer un statut de sachant, intimider, voilà ce que je veux éviter ici”, écrit-il. Objectif atteint ! Son ouvrage n’en a que plus d’attrait. DF

DOCUMENTAIRE

LE MYSTÈRE ETTORE MAJORANA Réalisé par Camille Guichard / 52 min / 15 € Le physicien italien Ettore Majorana, mystérieusement disparu en 1938, a eu l’intuition du neutron, et son concept de particules dites de Majorana est toujours au cœur de la recherche de la matière noire. JLD VULGARISATION

RELATIVITÉ ET QUANTA : UNE NOUVELLE RÉVOLUTION SCIENTIFIQUE… Gilles Cohen-Tannoudji et Michel Spiro / Éditions Le Pommier / 120 p. / 10 € Ce petit livre très clair est une mise à jour de Particules élémentaires et cosmologie : vers les lois ultimes ?, publié en 2008. Les auteurs estiment que la découverte du boson de Higgs, la carte de Planck du rayonnement cosmologique et l’observation des ondes gravitationnelles ont engagé la révolution qui réconciliera relativité et physique quantique. DF ESSAI

JLD

4 000 ANS D’ASTRONOMIE CHINOISE / Jean-Marc Bonnet-Bideau

KOSMOS / Antoine Letessier-Selvon

Éditions Belin / 200 p. / 23 € /

CNRS Éditions / 190 p. / 18 € /

LA TERRE ET LES HOMMES Hubert Reeves / Éditions Robert Laffont / 690 p. / 29 € Une compilation de huit ouvrages d’Hubert Reeves (liés à l’écologie) qui n’a jamais cessé de nous alerter sur les bouleversements en cours. DF

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L’empire des 1 000 exoplanètes

C

ette planète solide aux anneaux multicolores n’existe pas. Elle fait partie de la centaine de mondes créés dans son atelier par Adam Makarenko (1). Et ce n’est qu’un début. Car cet artiste canadien a entrepris de donner corps (au sens physique du terme) à mille mondes tels que les données des astronomes peuvent nous permettre de les imaginer. À ce jour, plus

de 3 600 exoplanètes ont été détectées et l’on suspecte certaines d’être habitables (2). Pourtant, aucune d’elles n’a été photographiée. Et la plupart des informations nécessaires à les décrire nous échappent encore. D’où la liberté d’interprétation dont Adam Makarenko a profité. Et, qui sait, la planète aux anneaux multicolores existe peut-être… Philippe Henarejos

(1) http://www.adammakarenko.com/exoplanets/ (2) Lire notre hors-série “Terres habitables” en kiosque le 22 juillet. 130

© Adam Makarenko

REGARD




LA CARTE DES NUITS DES ÉTOILES Cette carte est valable pour les 28, 29, 30 juillet vers 23 h, heure légale.

LÉGENDE Amas globulaire Nébuleuse planétaire Nébuleuse diffuse Galaxie

NORD Capella

LYNX

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Lune le 29

SERPENT

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Lune le 28

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Arcturus

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BALANCE

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Nébuleuse de la Lagune

Nunki SAGITTAIRE COURONNE AUSTRALE

SO

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Rasalhague

Altaïr

Antarès SCORPION

Kaus Australis

© C&E 2017

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COURONNE BORÉALE

SUD

COMMENT UTILISER CETTE CARTE

1 Éloignez-vous de toute source lumineuse. Laissez vos yeux s’habituer à l’obscurité pendant au moins 15 minutes. Pour lire la carte sans être ébloui, utilisez de préférence une lampe rouge.

2 Le centre de la carte correspond au zénith, le point situé au-dessus de votre tête. Une constellation représentée à mi-distance du centre et du bord de la carte est donc à égale distance de l’horizon et du zénith.

3 Si, par exemple, vous observez vers l’ouest, tenez la carte comme indiqué ci-contre, en plaçant le mot “ouest” vers le bas. Les constellations dessinées au-dessus de l’horizon ouest vous font face.

.


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TERRES HABITABLES

15/06/2017 09:59


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