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ENTRETIEN AVEC ANTOINE GARAPON
Deals de justice
Antoine GARAPON Magistrat Docteur en Droit Secrétaire général de l'Institut des Hautes Etudes sur la Justice (IHEJ)
Antoine Garapon est magistrat, Docteur en droit, et Secrétaire général de l’Institut des Hautes Etudes sur la Justice. Membre du comité de rédaction de la revue Esprit, il a également publié de nombreux écrits, au rang desquels on trouve Le gardien des promesses, justice et démocratie, Bien juger : essai sur le rituel judiciaire ou encore La raison du moindre État : le néolibéralisme et la justice. Il nous parle ici de Deals de justice, le marché américain de l’obéissance mondialisée, ouvrage qu’il a codirigé avec Pierre Servan-Schreiber. Cet ouvrage décrypte un nouveau mode de régulation par lequel les autorités américaines utilisent la menace du procès pénal, long et à l’issue incertaine, pour contraindre des multinationales à se mettre en conformité avec leurs lois et à payer des amendes très importantes. Tout d’abord, pourriez-vous présenter votre parcours et les raisons pour lesquelles vous avez choisi de vous détacher de la magistrature pour l’Institut des Hautes Etudes sur la Justice (IHEJ) et l’écriture ? J’ai suivi une formation de magistrat, mais j’ai également fait une thèse en sociologie du droit avec Jean Carbonnier sur le « rituel judiciaire ». J’ai été juge des enfants pendant un peu moins de douze ans, et en même temps, j’ai enseigné la sociologie du droit à Paris II. Ainsi, j’ai une double formation de sciences humaines et de droit. Quand le premier ministre de l’époque Michel Rocard a créé l’IHEJ, c’était l’occasion pour moi de rentrer dans cet institut qui cherche à combler le « trou » entre les universités, la recherche et la pratique judiciaire. L’objectif de l’IHEJ est de réfléchir sur toutes les questions nouvelles qui traversent le droit, et qui sont tellement nouvelles qu’elles ne sont pas encore pensées par l’université. Ce sont des questions qui portent sur l’éthique des juges, les médias, la corruption, l’économie bien sûr, la comparaison des cultures judiciaires, le droit financier, et surtout la mondialisation. Le champ des études juridiques est trop enclavé en France, dans un droit qui est trop positif et trop coupé des sciences humaines. Cela m’a amené à travailler sur des champs très divers, à publier et, de fil en aiguille, à faire des émissions de radio. Donc je suis un juge perdu pour la pratique du droit !
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REVUE DES JURISTES DE SCIENCES PO - PRINTEMPS 2014 - N°9!