DÉCRIRE LE PYROPAYSAGE, LE CAS DU PLATEAU DE L’ARBOIS
Photographie : Incendie de Rognac, 10 août 2016, Mathieu Coquillat, ONF
Roxane Rahimi, Mémoire d’initiation à la recherche, DEP3, Ecole Nationale Supérieure de Paysage de Versailles-Marseille, 19/05/2019
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont nourri ma recherche grâce à leurs informations, photographies, visites de site et qui ont consacré du temps à partager leurs connaissances du plateau de l’Arbois et des incendies : Amandine Maria, Paysagiste DPLG, Mathieu Coquillat, agent ONF, Oriane Malanot, paysagiste DPLG, Robin Levet, photographe, Jean-Daniel Ralambondrainy, chargé de mission à la métropole Aix-Marseille-Provence, PUYA paysage, paysagistes DPLG, Véronique Mure, botaniste, l’association Forêt méditerranéenne, Francois Grimal, LPO, l’association Graine de Vitrollais… Ainsi qu’Audrey Marco, enseignante référente, et l’équipe pédagogique de l’Ecole Nationale Supérieure de Paysage qui m’ont permis d’organiser cette pensée.
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SOMMAIRE
Remerciements 2 Sommaire 3 Le pyropaysage, origine de la recherche 5 Introduction 7 PARTIE 1. Protocole mis en œuvre : Arpenter, photographier et lire le paysage 15
1.1 Le plateau de l’Arbois (13), terrain de recherche 1.1.1 Un relief de cuesta 1.1.2 Un plateau ceinturé autrefois par l’agriculture, aujourd’hui par la ville 1.1.3 Un plateau soumis de manière récurrente aux feux de forêt 1.2 La collecte des données 1.2.1 Arpenter le plateau de l’Arbois 1.2.2 Les données collectées, les photographies 1.3 Analyse des données collectées 1.3.1 Analyser le paysage selon différentes époques du passage du feu 1.3.2 Lire les paysages incendiés grâce à la photocomparaison
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PARTIE 2. Les résultats : un cycle, des paysages
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2.1 L’incendie, le paysage du feu à t+0 2.2 Le paysage pelé à T+0,5 2.3 Quand le paysage reprend vie à T+3 2.4 effacement du paysage du feu à T>20 2.5 Paysage forestier à T>40 2.6 Synthèse des résultats 2.6.1 Les paysages du cycle de l’incendie 2.6.2 Analyse colorimétrique des paysages
30 34 37 44 45 47 47 48
Conclusion. Le plateau de l’arbois, palimpseste du pyropaysage
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Bibliographie 57 Table des illustrations 59 Résumé et mots-clefs 62
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Dans l’inconscient collectif, l’incendie ou le feu de forêt sont synonymes de destruction, de disparition du patrimoine -arboré ou non. C’est un événement traumatisant contre lequel nous luttons. Incendie de Notre Dame de Paris, avril 2019, photographie Hava Rahimi (Figure 1)
Incendies en Californie, novembre 2018, photographie Suzy Pelshaw, Facebook (Figure 2)
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LE PYROPAYSAGE, ORIGINE DE LA RECHERCHE
Le mémoire d’initiation à la recherche qui va suivre est l’occasion de me tourner vers les paysages du feu. Mon installation en région méditerranéenne m’a conduite à me poser diverses questions concernant les particularités des paysages méditerranéens, des spécificités climatiques et des adaptations végétales locales, que je souhaite approfondir sous l’angle du risque incendie et des changements climatiques à venir. J’ai eu l’occasion de constater les « dégâts » causés par les feux dans le secteur de Carry-le-Rouet (commune des Bouches-du-Rhône) l’an dernier, quelques mois après l’incendie de 2016 qui a parcouru environ 3000 hectares de la Côte Bleue. La perception d’un paysage brûlé est très subjective. Ces paysages témoignent à la fois de la puissance de l’incendie, aussi dévastatrice soit-elle, du danger du feu, mais aussi de la capacité de régénération, de la résilience du vivant, parfois même des bienfaits du feu pour la reproduction de certaines plantes. La mise en sécurité des habitants face au feu reste néanmoins une des préoccupations principales des acteurs des territoires. Le passage du feu change brutalement le paysage, il constitue un traumatisme pour les habitants qui perçoivent non seulement le danger mais aussi la disparition de leurs forêts. Le paysage est noir, brûlé, désertique, l’incendie est perçu comme un élément uniquement négatif. Plus récemment, les incendies « Camp Fire » et « Woolsey Fire » survenus aux Etats-Unis du 8 au 25 novembre 2018, ont confirmé qu’aujourd’hui, les problématiques liées au feu de forêt dépassent largement la seule problématique de perte de biodiversité. Ils ont duré plusieurs semaines et ont été très difficiles à contrôler du fait d’un vent violent et d’une sècheresse accrue. Les surfaces brûlées ont été très importantes, environ 620km2 et on dénombre 85 morts pour le « Camp Fire », on parle alors de « méga-feux »1. Ils nous donnent à voir des paysages dévastés où des villes entières ont disparu de la carte. Les problématiques rencontrées lors de ces incendies sont diverses : villes détruites, nombreux décès, évacuations impossibles, perte d’une grande biodiversité, nuage de fumée toxique. L’impact économique et écologique n’est pas encore connu, sans compter l’impact psychologique sur les populations locales. Suite à ces événements, notamment l’incendie « Camp Fire », qualifié de l’incendie le plus dévastateur aux Etats-Unis, d’un point de vue humain et matériel a minima, de l’augmentation de la fréquence des feux, de leur durée, il semble indispensable de se questionner sur la présence d’une matière combustible plus importante qu’auparavant et surtout à proximité de nos espaces de vie. En effet, grâce à la prévention contre les incendies et suite à la déprise agricole, la forêt méditerranéenne est en progression sur le territoire français, elle est donc plus que jamais soumise au risque, et ce, au plus proche des habitations. Aussi, ce mémoire de recherche est l’occasion de se questionner sur ces paysages du feu : les «pyropaysages». Le terrain de recherche choisi est le plateau de l’Arbois, qui fait écho à mon site de Projet de Fin d’Etudes dont le sujet est de repenser par le projet de paysage les paysages incendiés de l’Arbois. Dans ce mémoire, je vais pouvoir approfondir la connaissance de ce qu’est un pyropaysage, et disposer ainsi d’une matière réflexive pour le PFE. 1 Les « mégafeux » qualifient les incendies d’une surface importante de plusieurs centaines ou milliers d’hectares et qui ont un impact dommageable, qui causent des victimes
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INTRODUCTION
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Cuesta de Rognac, avril 2017, photographie Oriane Malanot (Figure 3)
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INTRODUCTION
Le pyropaysage ou paysage du feu, du grec « Pyro » qui signifie « feu » ou ce qui est relatif à la flamme, celui créé par les incendies, celui qui existe par les incendies, celui qui le supporte, se transforme avec son passage. Ce paysage en mouvement, est un paysage cyclique qui a toujours existé et qui témoigne de la résilience de la nature, des évolutions adaptatives des espèces végétales, mais également de comportements animaux dont il nous reste beaucoup à apprendre : certains oiseaux sont capables de propager le feu en déplaçant des brindilles enflammées afin de pouvoir chasser des petits animaux qui fuiraient le front de flammes. De nombreux ouvrages font état de la connaissance des couverts végétaux et de leur dynamique sous l’influence du feu et de sa récurrence notamment en contexte méditerranéen. La forêt méditerranéenne est caractérisée par une végétation sclérophylle adaptée au climat chaud et sec dans laquelle on la trouve. Selon Gilles Clément, paysagiste et jardinier, « La singularité du biome méditerranéen au sein du jardinage planétaire vient du feu en tant que mécanisme naturel répété, induisant au fil du temps une pyro-flore adaptée, voire même appelant le feu pour assurer sa régénérescence. »2 . Le feu semble donc synonyme de paysage méditerranéen. Dans la forêt méditerranéenne où le passage du feu est fréquent, certaines espèces dites pyrophytes ont développé une adaptation permettant de repartir de leur base après le passage du feu, c’est le cas du chêne liège. Le feu fait partie du développement de la forêt méditerranéenne dont les espèces ont développé des adaptations tels qu’un système végétatif drageonnant pour le chêne kermès, qui lui permet de repartir de la souche lorsque le système aérien est mort. D’autres espèces dites pyrophiles ont besoin du feu pour se répandre comme le pin d’Alep et le sequoia géant car la chaleur permet l’ouverture des cônes et la libération des graines. Les graines de ciste restent en dormance dans le sol jusqu’au passage du feu dont la chaleur favorise la germination. Ces végétaux dits pyrophiles ont besoin du passage du feu pour assurer leur expansion. Selon Philippe Lavaivre3, certains insectes et champignons peuvent également se développer grâce à la présence des arbres morts. Dans la forêt méditerranéenne, il faut une période de 40 ans pour retrouver une forêt de chêne vert. Le rythme élevé des incendies peut bloquer la forêt au stade de garrigue, voire de pelouse érodée. Les incendies créent des perturbations et changent les écosystèmes. L’évolution de la forêt méditerranéenne est révélée au fil du temps en quatre grandes étapes biologiques : - T+0 : l’incendie, mise à nu des sols, végétaux calcinés, dissémination des graines de pin d’Alep et levée de dormance des graines de ciste. - T+0 à 5 : la pelouse à brachypodes, paysages ouverts, réouverture des vues. - T+5 à 20 : la garrigue ou le maquis, apparition d’espèces arbustives, l’ombre permet la germination des pins. - T+20 à 40 : la pinède, les graines ont été libérées par le passage du feu, le risque incendie est élevé car cette essence est hautement inflammable. - T>40 : la forêt provençale, se développe en l’absence d’incendie, des feuillus s’installent, on observe une fermeture des paysages.
2 CLEMENT Gilles. Feu, ami ou ennemi ? Article PAYSAGE, p.153 3 LAVAIVRE Philippe. Quand les écosystèmes renaissent de leurs cendres. Découverte, revue du palais de la découverte, mars-avril 2018, n°415, p. 28-35.
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GARRIGUE, apparition d’une strate arbustive, dynamique progressive
PELOUSE, roches apparentes
Pelouse à Brachypodes : capable de se regénérer en un an après l’incendie à partir de rhizomes ou semences. - Brachypode, Brachypodium ramosum - Thym, Thymus vulgaris
T+0
Récurrence du feu
La garrigue (sol calcaire) ou maquis (sol siliceux ou acide): strate arbustive offre de l’ombre pour la germination des pins. - Chêne kermès, Quercus coccifera - Ajonc, Ulex parviflorus - Romarin, Rosmarinus officinalis
T+5
T+20
T+40
PINEDE, apparition d’une strate arborée
CHENAIE, densification de la strate arborée
La forêt provencale : sol calcaire, constituée de chênes verts, chênes pubescents et Pins d’Alep et parasol. - Chêne vert, Quercus ilex - Chêne pubescent, Quercus pubescens
La pinède : les graines du Pin d’Alep peuvent rester en dormance et ne se libèrent qu’après le passage du feu. - Pin d’Alep, Pinus halepensis - Pin parasol, Pinus pinea
Schéma d’évolution de la croissance de la forêt méditerranéenne en l’absence d’incendies, interprétation personnelle issue de «L’impact de l’homme et de ses animaux sur la forêt méditerranéenne par Henri-Noël LE HOUÉROU» (Figure 4)
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Répartition des écosystèmes méditerranéens (Figure 5)
Garrigue, Maquis
Chapparal
Mattoral
Fynbos
Bush
Sur le pourtour méditerranéen, les formations buissonnantes qui résultent du passage du feu sont appelées en France soit garrigue si le sol est calcaire, soit maquis si le sol est siliceux ou acide. Ces formations sont présentes dans d’autres régions du monde notamment au Chili, au Mexique, en Californie ou en Espagne où l’on parle de mattoral4 (CF Figure 5). Celui ci est composé d’espèces épineuses, des broméliacées ainsi que de cactus. En Californie, on parle de Chapparal, le maquis californien. Le paysage est soumis à la sècheresse et aux incendies, on y trouve des arbustes et arbres xérophylles comme les pins ou cyprès5. En Afrique du Sud, le Fynbos est un écosystème inflammable qui survit dans des sols pauvres, des zones soumises à des vents violents, un ensoleillement très fort et des pluies très rares. Le Fynbos doit brûler tous les 10 à 20 ans pour permettre une sélection naturelle : détruire les plantes invasives et permettre la germination des graines. L’apport de cendres permet d’amender le sol pauvre et de stimuler les nouvelles pousses. Le feu, en éliminant les grands sujets, permet de rendre disponible la lumière et l’eau pour les petits sujets6. L’incendie est également présent dans la savane qui permet le maintien des prairies tropicales ouvertes. 4 « Le matorral est une formation de végétaux ligneux, nanophanérophytes ou chaméphytes, dont la taille et le port sont soit naturels et par conséquent spécifiques, soit artificiels, résultant alors de traitements dégradants (coupe, incendie, pâture). » Charles Sauvage, « Recherches géobotaniques sur les subéraies marocaines », Société des sciences naturelles et physiques du Maroc, 1961, p.181 5 https://www.domainedurayol.org/le-jardin/les-paysages-au-fil-du-jardin/ 6 Burning to survive, the world’s smallest flower kingdom, http://www.bbc.com/travel/gallery/20190304-south-africas-flammablefloral-kingdom
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VÉGÉTAUX PYROPHYTES, Domaine du Rayol, avril 2019, photographies Roxane Rahimi (Figure 6)
AUSTRALIE, Melaleuca rhaphiophylla : l’arbre à thé, les graines patientent dans les fruits en bois en attendant le passage du feu.
CALIFORNIE, plantes succulentes, adaptation à la sécheresse et au stockage de l’eau.
CHILI, Mattoral cotier d’altitude, Lande à Puya, Puya chilensis Molina Bromeliaceae.
BASSIN MÉDITERRANÉEN, Cistes : les graines sortent de leur dormance après le passage du feu.
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Interface ville-forêt, Vitrolles, GoogleEarth 2003 (Figure 7)
Les villes méditerranéennes, caractérisées par une urbanisation diffuse, se développent aujourd’hui de plus en plus au contact de la forêt. Par conséquent, les franges urbaines situées au contact de la forêt augmentent et les interfaces ville-forêt deviennent des secteurs à risque face aux incendies. Ces secteurs d’interface concernent un cinquième des espaces naturels de la région PACA7. En 2012, l’interface forêt/habitat concernait 15 départements, 5 millions d’hectares d’espaces naturels, dont plus d’un million d’interfaces. Ces interfaces sont concernées par les départs de feu, ainsi que l’arrivée du feu sur les bâtis, ce sont donc 1 500 000 habitants et 475 000 bâtiments concernés : les populations vivent dans des zones forestières très exposées au risque8. Se pose la question de la protection de la forêt, ou des biens et personnes, lors d’un incendie, la protection des deux étant souvent impossible. Le pourtour méditerranéen est la zone la plus attractive en France métropolitaine avec une augmentation de 10 habitants/km2/an, la densité de population est déjà plus élevée que la moyenne avec plus de 5000 hab/km2 contre une moyenne nationale de 100hab/km29. Ces territoires soumis à une forte pression démographique sont donc des lieux à enjeux dans la prise en compte du risque incendie. Ils sont aussi les témoins de différents paysages du feu. Les enjeux ne sont pas les mêmes que pour les feux en zone naturelle, la savane ou le bush australien, qui, par exemple, nécessitent le feu pour se régénérer et sont maitrisés et connus des populations. Les feux font partie du cycle de la forêt méditerranéenne depuis toujours mais de nos jours la présence d’une population non préparée au risque pose question. 7 Région Sud (anciennement Provence-Alpes-Côte d’Azur) 8 SAVAZZI Rémi, Office National des Forêts, Agence DFCI Midi-Méditerranée, Carry-le-Rouet, Changer de regard sur nos forêts, 12/03/2019. 9 CONZALES Jean-Noël, Maitre de conférences en urbanisme et aménagement du territoire, Aix-Marseille Université, CNRS, TELEMME, Carry-le-Rouet, Changer de regard sur nos forêts, 12/03/2019
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Aujourd’hui, partout dans le monde le changement climatique modifie le danger tel que nous le connaissons. Les périodes de sécheresse et le manque de précipitations créent des nouvelles conditions toujours plus propices au passage du feu, modifiant la réaction et la résilience des végétaux. Les plans de prévention et d’évacuation ne sont pas toujours adaptés et la modification d’un vent, la vitesse de propagation, les attaques de braises ou l’apparition des « mégafeux » liés à la plus grande présence de biomasse, causent parfois des dommages et des victimes nombreuses. Ces paysages du feu sont donc les nouveaux paysages du quotidien. Pourtant, bien que les effets sur la végétation soient connus et étudiés, les paysages en eux-mêmes sont considérés à l’instant de l’incendie, puis durant les quelques mois qui suivent, avant d’être oubliés. Ce passage récurrent du feu crée une succession de paysages, une évolution dans le temps de ce que l’on peut appeler les pyropaysages. L’objectif de ce travail de recherche est de décrire les paysages du feu en région méditerranéenne. Il s’agit de rendre compte d’une forme de réalité grâce à des concepts capables de produire une représentation d’un paysage du feu. En effet, différents acteurs du paysage, comme les paysagistes Gilles Clément et Jordan Szcrupak utilisent ce terme de pyropaysage pour parler de ces paysages, mais comment peut-on les dépeindre ? Ce travail de description des paysages du feu sera conduit plus particulièrement sur le plateau de l’Arbois situé dans le département des Bouches-du-Rhône. Il vise à rendre compte de ces paysages, en zone d’interface ville-forêt, dans un secteur péri-urbain des Bouches-du-Rhône.
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PARTIE 1. PROTOCOLE MIS EN ŒUVRE : ARPENTER, PHOTOGRAPHIER ET LIRE LE PAYSAGE
Cuesta de Vitrolles, avril 2019, photographie Roxane Rahimi (Figure 8)
Limite de l’incendie du 10 août 2016
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L’objectif de ce mémoire est de rendre compte d’un paysage du feu, de le comprendre et d’en créer une vision commune. Il s’agit donc de le lire et de le décrire au travers d’une analyse de terrain et de photographies. Le paysage que nous percevons s’inscrit dans un tout global, celui qui s’offre à nos yeux, celui que nous façonnons. « Le plus simple et le plus banal des paysages est à la fois social et naturel, subjectif et objectif, spatial et temporel, production matérielle et culturelle, réel et symbolique. Le paysage est un système qui chevauche le naturel et le social. Il est une interprétation sociale de la nature. » 1 On peut distinguer le paysage perçu par la vue notamment, avec des vues lointaines, externes, panoramiques, à partir d’une mise à distance : on montre une scène ; du paysage vécu avec ses vues internes, ses détails proches mais aussi ses dynamiques, ses acteurs, leur manière de façonner le territoire. C’est pourquoi nous choisirons d’étudier différents points de vues et situations afin de comprendre comment le feu se matérialise dans le paysage et d’en montrer ses différents visages. Ce travail est conduit sur le plateau de l’Arbois, au nord de Marseille, fréquemment traversé par les flammes. L’objectif est de chercher et d’identifier des paysages du feu, afin de comprendre comment ces différentes temporalités d’incendie se manifestent dans le paysage et leur inscription dans le cycle paysager lié à la destruction puis à la régénération des éléments. 1
Georges Bertrand, géographe, http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/paysage
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1.1 LE PLATEAU DE L’ARBOIS (13), TERRAIN DE RECHERCHE
1.1.1 Un relief de cuesta Le massif de l’Arbois est un ensemble de cuestas1 qui forment un îlot forestier entouré par différents pôles urbains métropolitains majeurs : Aix-en-Provence, Vitrolles et Marignane. L’ensemble de ce territoire forme une mosaïque d’usages et de paysages : on y trouve un massif boisé, des zones d’activités, un aéroport, des zones industrielles, des villes étendues, des parcelles agricoles rescapées du développement urbain généralisé sur les rives de l’Etang de Berre. Il s’étend sur 15 km de long et 10 km de large sur les communes d’Aix en Provence, Velaux, Vitrolles, Rognac, les Pennes-Mirabeau, Mirabeau, Ventabren, Bouc Bel Air et Cabriès. Le massif appartient à une formation géologique de cuestas caractérisée par une succession d’étagements avec des fronts rocheux apparents puis des plateaux en pente légèrement inclinée. On rencontre d’ouest en est les plateaux intermédiaires de Vitrolles et Rognac, où se développent les villes, puis le plateau principal de Vitrolles, et enfin le plateau de l’Arbois. L’altitude moyenne du massif est de 180 mètres et les hauteurs du plateau offrent des vues sur le massif de la Sainte-Victoire, le Luberon et les Alpilles ainsi que sur la chaîne de l’Estaque et l’Etang de Berre. 1 Une cuesta est un relief dissymétrique composé d’un plateau faiblement incliné, le revers et d’un front rocheux apparent qui surplombe une dépression
Vue sur l’Etang de Berre depuis le Rocher de Vitrolles, photographie Roxane Rahimi (Figure 9)
Vue sur la Sainte Victoire depuis le Rocher de Vitrolles, photographie Roxane Rahimi (Figure 10)
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Garrigue fréquemment incendiée
Vallons agricoles
Plateau de l’Arbois
Habitat
Zones d’activités
VITROLLES
ROGNAC
Etang de Berre
N
Pinèdes
Cultures en terrasses (oliveraies)
Vue axonométrique du massif de l’Arbois (Figure 11)
Etang de Berre
A
Plateau de Plateau de Vitrolles l’Arbois
AIX TGV A’
VITROLLES
MARIGNANE
N
150
A
200
90
0m alt.
Etang de Berre
Plateau de Plateau de Vitrolles l’Arbois
Localisation des cuestas et plateaux du massif de l’Arbois (Figure 12)
17
A’
1.1.2 Un plateau ceinturé autrefois par l’agriculture, aujourd’hui par la ville
Le territoire du plateau de Vitrolles a évolué de façon très rapide depuis les années 1960. Avant cette date, les noyaux villageois de Vitrolles et Rognac étaient entourés de parcelles agricoles: du maraîchage, des cultures céréalières ainsi que des oliveraies, de nombreuses terrasses agricoles sur les versants de cuesta, du pâturage. Cela constituait des paysages ouverts, non boisés, entretenus et productifs. Avec l’installation de la ville nouvelle, des zones d’activités, le développement urbain fut très rapide. La déprise agricole est notable, les espaces sont soit construits, soit abandonnés au profit de la pinède. Plus au Nord, le plateau de l’Arbois ne faisait pas partie des projets de développement lors de la construction des villes nouvelles autour de l’Etang de Berre. Il est donc resté en partie agricole bien que la déprise ait engendré des zones boisées. La construction de l’autoroute crée également une nouvelle fracture dans un territoire déjà marqué par la ligne de train et les coupures liées au relief (CF Figure 17). La comparaison de cartes postales de 1950 et de vues actuelles nous montre la disparition de l’agriculture, des vergers, au profit de l’étalement urbain dans le paysage : installation de bâti et de zones industrielles. En comparant les cartes de l’Etat major et des photographies aériennes de 1950, 1978 et 2018, on observe une disparition quasi totale des espaces agricoles au profit d’un développement forestier et urbain.
Vitrolles, années 1950, carte postale (Figure 13)
Vitrolles, 2015, photographie Roxane Rahimi (Figure14)
Vitrolles, années 1950, carte postale (Figure 15)
Vitrolles, 2017, internet (Figure 16)
18
Etat Major, 1820, 1886
Des villages groupés entourés de parcelles agricoles, les reliefs sont boisés.
Entre 1950 et 1965
Extension des villages autour de leurs noyaux, installation militaire sur le plateau, peu de modification de la part agriculture/forêt.
Rognac
Etang de Berre
Rognac
Etang de Berre
Vitrolles
Les PennesMirabeau
Marignane
1978
Extensions urbaines non jointives, parsemées en partie basse principalement.
2018
Extension urbaine et zone d’activités au détriment des anciennes zones agricoles. La ville entre au contact de la forêt. L’agriculture est résiduelle.
Rognac
Etang de Berre
Vitrolles
Marignane
Agriculture Garrigue/forêt
Les PennesMirabeau
Marignane
Rognac
Etang de Berre
Vitrolles
Les PennesMirabeau
Centre urbain ancien Extensions urbaines
Vitrolles
Marignane
N
Cartographies de l’évolution de l’occupation du sol, du XIXème siècle à aujourd’hui (Figure 17)
19
Les PennesMirabeau
1.1.3 Un plateau soumis de manière récurrente aux feux de forêt Les plateaux de Vitrolles (à l’Ouest), Rognac (au Nord) et de l’Arbois (à l’Est) sont traversés de manière récurrente par les incendies. Tous les 10 à 15 ans surviennent de grands feux, et de façon ponctuelle des petits feux se déclarent de part et d’autre. Les documents fournis par la DREAL lors du classement du site montrent des zones incendiées en 1980, 1995 ou encore en 2004. Le secteur incendié de 2016 m’a été fourni par les services de la métropole Aix-Marseille Provence (CF Figure 22). Ces documents nous permettent de connaître peu ou prou l’âge des couverts végétaux et des boisements sur le secteur d’étude. De plus, les communes de Vitrolles, Rognac, Velaux, Aix en Provence et les PennesMirabeau, qui entourent le massif de l’Arbois, ont connu des grandes transformations territoriales, telles que le passage de villages entourés d’agriculture à la création de villes nouvelles, de zones d’activités et de zones industrielles. Elles sont représentatives des dynamiques à l’œuvre au XXème et XIXème siècle autour de l’Etang de Berre. L’incendie du 10 août 2016 a parcouru 3000 hectares, se superposant à des feux précédents, principalement au grand feu de 2004. Certains secteurs sont traversés tous les 10 ans, avec parfois 3 passages depuis 1982, ce qui est une fréquence élevée, même dans le contexte méditerranéen. Le plateau de Vitrolles est donc composé d’un stade très érodé de garrigue à romarin. La figure 18 nous montre l’incendie en haut du plateau et menaçant les versants de la cuesta de Vitrolles. La figure 19 témoigne de la destruction d’un bâtiment durant l’incendie. La proximité de ville et de la forêt est l’une des problématiques principales de ce secteur.
Incendie du 10 août Vitrolles, quartier des 2016, internet (Figure 18) Pinchinades, 2016, internet (Figure 19)
Le ciste cotonneux, Cistus Albidus, est un arbrisseau pyrophyte présent sur les sols calcaires (Figure 20)
20
Jeune pousse de pin 9 mois après l’incendie, photographie Mathieu Coquillat, ONF, mai 2017 (Figure 21)
Rognac
Etang de Berre Gare d’Aix TGV Vitrolles
Marignane Les PennesMirabeau
N
Cartographie des secteurs incendiĂŠs depuis 1982 (Figure 22)
21
1.2 LA COLLECTE DES DONNÉES
1.2.1 Arpenter le plateau de l’Arbois Afin de collecter des informations sur les paysages du feu j’ai choisi d’arpenter le territoire. L’objectif est de cibler différents secteurs qui présentent des caractéristiques distinctes en terme d’occupation du sol, de la récurrence des feux, de situations géomorphologiques. Les différents secteurs permettent de révéler différentes entités : interfaces ville-forêt, zones agricoles, abords de monuments, zone en développement, ou encore le centre d’enfouissement des déchets, zone reléguée aux confins du plateau. La cartographie (Figure 24) rend compte du parcours effectué, en voiture (trait plein) et en randonnée (trait pointillé). L’utilisation de la voiture permet de franchir les obstacles que constituent l’autoroute à l’Ouest et la RD9 à l’Est, qui centurent le plateau et rendent les accès piétons compliqués. Le secteur d’étude s’étend de l’Etang de Berre (0m alt.) aux sommets qui s’élèvent à 270m d’altitude. A l’Ouest, ce parcours traverse des zones urbaines : à Vitrolles, des quartiers d’habitat diffus composés de villas, le centre historique « le rocher » sur la première cuesta, puis dans les versants on observe une agriculture présente avec des oliveraies et de la viticulture ainsi que des jeunes pinèdes. Sur le second plateau le paysage est ouvert, les points de vues panoramiques sont nombreux, on se trouve sur le secteur incendié en 2016 (soit à T+2,5ans). A l’Est on se tourne vers des secteurs non touchés depuis 1982, soit T>35 ans, par exemple à l’Aqueduc de Roquefavour, secteur vallonné dont les hauteurs offrent des vues sur la frange nord du massif. Plus au sud, dans le Parc départemental de la Tour d’Arbois on se trouve dans un secteur incendié en 1995, soit à T+24 ans. Enfin, autour de la gare d’Aix TGV et du centre d’enfouissement on trouve des secteurs non incendiés, mais impactés par les aménagements de la ligne de train et les occupations de type décharges sauvages et le camp des gens du voyage par exemple.
Vue panoramique de Vitrolles à Rognac, photographie Roxane Rahimi (Figure 23)
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Aqueduc de Roquefavour
Parc départemental de la tour d’Arbois
Rognac Départs de sentiers, Rognac
Etang de Berre
Centre d’enfouissement
Radar de contrôle aerien de Vitrolles
Gare d’Aix TGV Le Rocher de Vitrolles
Vitrolles Tissu pavillonnaire
Tissu pavillonnaire Tissu pavillonnaire
Marignane Les PennesMirabeau
N
Cartographie de l’arpentage selon les passages du feu (Figure 24)
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1.2.2 Les données collectées, les photographies J’ai réalisé deux arpentages un en janvier et un autre en avril 2019. J’ai souhaité collecter des photographies de vues proches et lointaines sur chacun des lieux choisis. Chaque photographie est localisable, la date de prise de vue est connue, le dernier passage du feu aussi. Afin de faire une étude systématique des lieux analysés, j’ai souhaité prendre en compte des éléments comparables en différents endroits : définir le contexte environnant, avoir un regard panoramique, analyser le paysage lointain et le paysage proche grâce à la lecture de différents éléments. L’arpentage du site permet de collecter, avec un carnet, des informations sur le relief et la géographie (ripisylve, plateau sommital, pente, falaise), les infrastructures présentes, l’accessibilité, la présence de bâti, de maisons, de pistes DFCI (Défense de la Forêt Contre les Incendies), de réseaux de déplacements, de panneaux de signalisation. J’observe les limites, se trouve-t-on au cœur du feu ou en bordure, quels sont les contrastes, l’incendie est-il visible ou non? Quels sont les indices, les traces qui témoignent de son passage, y a-t-il des arbres morts, des coupes d’arbres, des souches, des végétaux noircis, etc. Mon regard se porte également sur les sols, la présence de roches apparentes, leurs couleurs, brulé ou non ; le recouvrement végétal : la strate présente, ses couleurs, hauteurs, les espèces, la présence de végétaux brûlés ou non. Observe-t-on les traces de gestion forestière et/ou de Restauration des Terrains Incendiés (RTI) : présence d’arbres coupés, de souches, de fascines, de débroussaillage, éclaircies forestières. Afin de s’approcher et de rentre compte des sensations véhiculées par ces paysages il s’agit de consigner le climat du jour, les sonorités, la présence de vent, de véhicules ou d’avions, ainsi que de décrire les sensations grâce à des adjectifs qualificatifs : ressenti, ambiance, ouverture, fermeture, et des mots clefs: désertique, lunaire, calciné, noir, vert, rouge, dévasté, renaissance, grandeur, oppression, etc. Pour décrire l’évolution du paysage incendié, à partir du démarrage de l’incendie, il s’agit de récolter des photos, cartes postales de différentes époques, trouver leurs points de prise de vue, les cartographier, retourner au même endroit et prendre une photo depuis un point de vue identique lorsque cela est possible. Afin de mettre en évidence une description du paysage du feu, je souhaite comparer les photographies prises quelques mois après l’incendie par Oriane Malanot, paysagiste DPLG, avec mes photographies réalisées durant l’arpentage deux ans et demi après le passage du feu. Les lectures et la rencontre des acteurs vient compléter les informations que nous pouvons lire sur ce territoire et permettent de contextualiser l’analyse des photographies.
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1.3 ANALYSE DES DONNÉES COLLECTÉES
Un tri des photographies réalisées sur le terrain a été effectué par thèmes afin de les analyser. La sélection de photographies variées nous permet de distinguer les éléments urbains et les éléments végétaux, les vues ouvertes et vues fermées, les restes et indices du passage du feu. L’objectif est de faire apparaître l’évolution du paysage et révéler le cycle de croissance d’un paysage lié au passage du feu. Il s’agira donc de préciser les caractéristiques des incendies précédents dans le secteur, afin de connaître l’âge du paysage. L’utilisation d’un traitement informatique sur la photographie permettra de mettre en valeur des formes ou des motifs récurrents, de distinguer les limites, des lignes distinctes, de mettre en avant les surfaces ouvertes ou fermées, des usages, des couverts végétaux ainsi que tout élément susceptible de faire naitre une vision du plateau de l’Arbois. 1.3.1 Analyser le paysage selon différentes époques du passage du feu A partir du cycle végétal identifié, (CF Figure 4), il s’agira de mettre en place une lecture de ces paysages de manière globale, intégrant en plus d’une lecture de l’incendie, une lecture des modes de gestion forestière, de l’impact du pastoralisme et des cultures, des formes urbaines ainsi que des pratiques des habitants et des volontés politiques. Pour ce faire, les photographies sont organisées de manière chronologique, c’est à dire qu’elles mettent en valeur des époques de paysage par rapport au dernier passage du feu. L’analyse est menée grâce à une observation des paysages et la mise en place de clefs de lecture et de schématisation des éléments visibles sur les photos. Ces schémas s’organisent selon des thématiques de gestion forestières ou de replantation, ils mettent en valeur les limites visibles et les traces de l’incendie. La figure 25 est un exemple de schéma de lecture que nous étudierons en deuxième partie. Pinèdes Garrigue Plantations Ciel, horizon Sol brûlé
Légende des clefs de lecture : Limite de l’incendie Contours divers
Horizon dégagé Massif boisé Secteur non incendié
Cultures, oliveraie Zone incendiée Oliveraies, Chemin des Malagas, Versant de cuesta de Rognac, avril 2019, photographie Roxane Rahimi (Figure 25)
Schéma de lecture du paysage
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1.3.2 Lire les paysages incendiés grâce à la photocomparaison Les photographies réalisées durant l’arpentage sont comparables aux points de vues des photographies réalisées par Oriane Malanot, paysagiste DPLG, en 2017 et quelques photographies de sites internet réalisées après l’incendie en 2016. Cela nous permet d’observer l’évolution du passage sur des secteurs spécifiques des plateaux de Vitrolles et Rognac, sur un pas de temps de 2 ans, de quelques mois après l’incendie, à aujourd’hui, 2 ans et 7 mois après l’incendie. Elle viendra compléter la lecture chronologique afin de mieux saisir les différences d’une période à l’autre.
Septembre 2016 (Rognac), internet (Figure 26)
Avril 2019 (Rognac), photographie Roxane Rahimi (Figure 27)
Septembre 2016 (Vitrolles), Edza photographie, Robien Levet (Figure 28)
Avril 2019 (Vitrolles), photographie Roxane Rahimi(Figure 29)
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Cuesta de Rognac, décembre 2016, Oriane Malanot (Figure 30)
Cuesta de Rognac, avril 2019, photographie Roxane Rahimi (Figure 31)
Cuesta de Rognac, décembre 2016, Oriane Malanot (Figure 32)
Cuesta de Rognac, avril 2019, photographie Roxane Rahimi (Figure 33)
Cuesta de Rognac, décembre 2016, Oriane Malanot (Figure 34)
Cuesta de Rognac, avril 2019, photographie Roxane Rahimi (Figure 35)
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PARTIE 2. LES RÉSULTATS : UN CYCLE, DES PAYSAGES
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Cuesta de Rognac et Vitrolles, avril 2019, photographie Roxane Rahimi (Figure 36)
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2.1 L’INCENDIE, LE PAYSAGE DU FEU À T+0 Sud-Est
NordOuest
Flammes
L’incendie du 10 août 2016, vue vers le plateau de Vitrolles, photographie internet (Figure 37)
Dans cette étude, le passage du feu est considéré comme le temps zéro du paysage (T+0). Le feu est une remise à nu du paysage. Sur cette photographie on peut observer le plateau de Vitrolles en proie aux flammes. La ville en contre-bas est bordée d’une frange d’arbres d’ornement, de pins âgés, puis d’une seconde frange de pins âgés d’une cinquantaine d’années dans le versant. On observe une continuité végétale, les arbres se touchent offrant des échelles à feu, permettant à l’incendie de se propager facilement. Le front de cuesta est visible depuis ce point de vue en hauteur. Le haut du plateau est boisé de pins, lesquels sont en train de brûler. On observe des flammes hautes, un nuage de fumée noire épaisse qui se déplace avec un fort mistral (vent nord-est vers sud-ouest) en direction de Marseille. La fumée est l’un des facteurs de risque pour les populations qu’il faut évacuer. On observe sur cette photo que le feu qui longe la crête commence à menacer le versant : les arbres du front de cuesta peuvent propager le feu, des sautes de braises rendent également le feu incontrôlable. Les pompiers se concentrent dans les zones habitées afin de protéger les biens et les personnes, l’incendie parcourt le plateau du nord, depuis son départ à Rognac, jusqu’aux Pennes-Mirabeau et aux portes de Marseille au sud, il parcourt ainsi15 km.
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Roches apparentes Pinède
Fumée Flammes Horizon dégagé
Sud-Est
Nord-Ouest
L’incendie du 10 août 2016, vue au coeur du plateau de Vitrolles, photographie Mathieu Coquillat, ONF (Figure 38)
Sur cette photographie réalisée par un membre de l’Office National de la Forêt, on peut observer l’incendie depuis l’intérieur du plateau vers le front de cuesta de Vitrolles. Le plateau est alors composé d’une garrigue âgée de 12 ans car il a précédemment brûlé lors de l’incendie de 2004. Le paysage est relativement ouvert avec une couverture végétale allant de quelques centimètres à moins de 2 mètres. On observe de jeunes pins hautement inflammables au premier plan tandis qu’en arrière-plan se propage le feu. Le front de flammes est très large mais relativement près du sol lorsqu’il parcourt la garrigue. La fumée est noire et suit la direction du vent du nord-ouest vers le sud-est. Le vent du jour est d’environ 50km/h, un mistral habituel pour le secteur, mais qui engendre des sautes de braises, les « pluies de feu » qui peuvent dépasser plusieurs centaines de mètres, voire quelques kilomètres. Les pompiers se concentrent sur la protection des biens et des personnes en contrebas et n’ont d’autre choix que de laisser courir le feu sur le haut du plateau. Il brûlera environ 3000 hectares de garrigue. La garrigue est donc en proie aux flammes, mais il s’agit de stopper le feu avant qu’il n’entre dans Marseille.
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Jeunes pins
Fumée Flammes Horizon dégagé
Intervention des pompiers pendant l’incendie du 10 août 2016, photographie Robin Levet, EDZA Films (Figure 39)
Sur cette photographie de Robin Levet (EDZA films), on peut observer le travail des pompiers durant l’incendie. On constate une présence au sol, pendant que quelques canadairs et hélicoptères survolent le plateau. Au sol, on observe la fournaise : un paysage forestier en flammes. Au premier plan on devine une strate arbustive dense, puis des pins dont les premières branches sont relativement hautes. L’élagage des arbres doit permettre une coupure de l’échelle verticale du feu. On peut voir que l’écorce des pins est rougeâtre, elle brûle sur l’arbre. En arrière plan, on devine les masses rocheuses des fronts de cuesta et un halo de lumière jaune orangée de l’incendie qui se propage en haut du plateau. Une fumée couvre le paysage à hauteur d’Homme. On se saurait dire s’il fait jour ou nuit tant les couleurs et lumières sont étranges. Ces couleurs évoquent un feu de bois dans la cheminée.
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Végétaux Fumée Flammes et braises Halo de lumière
Au lendemain de l’incendie, des maisons disparues dans le quartier des Pinchinades à Vitrolles, photographie AFP (Figure 40)
Sur cette photographie prise au lendemain de l’incendie, on peut imaginer la mauvaise surprise pour les habitants. Durant l’évacuation, quelques bâtiments ont brûlé. On peut ici observer les limites de l’incendie avec au premier plan un paysage désolé de ruines noircies, des arbres morts. Il n’y a plus de toiture, seul un trou béant entre quatre murs permet d’imaginer la maison qui se tenait la. Un léger nuage de fumée perdure. A droite et au second plan, on observe des maisons qui ont échappé aux flammes. La végétation est verte, le contraste est d’autant plus fort que le premier plan est un véritable paysage en noir et blanc qui parait figé dans le temps. On peut observer en arrière-plan des maisons individuelles avec jardin, créant un paysage de toitures en tuiles et de végétaux d’ornement.
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Eléments brûlés Sol mis à nu Toitures
Végétaux d’ornement
2.2 LE PAYSAGE PELÉ À T+0,5
Cuesta de Rognac, septembre 2016, photographie : ville-rognac.fr (Figure 41)
Dans les premiers mois qui suivent le passage du feu, on parle de paysage dévasté. Pour les habitants, le phénomène de l’incendie et la perte de la forêt qu’il engendre sont des traumatismes. Pour autant que l’on observe un paysage noirci, cette mise à nu des sols révèle la géomorphologie particulière de Rognac. Les fronts de cuestas et les sols sont apparents, les contrastes entre la pierre claire et les végétaux calcinés ne sont que plus forts. On distingue des vallons ainsi que des étages façonnés dans le relief.
Roches apparentes Sol brûlé Végétaux calcinés Végétaux épargnés
Les végétaux au premier plan paraissent morts, une sensation de fin du monde plane. Le sol parait recouvert de cendres ce qui donne un aspect plutôt doux aux microreliefs du sol. Les cheminements sont apparents et contrastent avec les sols noirs qui l’entourent. L’horizon est dégagé on ne distingue pas de trace de vie apparente.
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Horizon dégagé
Oasis dans le désert, photographie : TPFE Oriane Malanot, décembre 2016, Rognac (Figure 42)
Sur cette photographie prise quatre mois après l’incendie on observe une oasis de verdure au cœur d’un paysage noirci et dévasté. En effet, le feu qui a parcouru les versants semble avoir épargné les cultures présentes, oliveraie et céréales, comme si une barrière de protection s’était levée face aux flammes. La limite de l’incendie est marquée. Au premier plan, on observe les branches brûlées d’arbustes, les roches sont apparentes, le sol est mis à nu. Au second plan on observe des paysages ouverts où les reliefs de cuestas sont mis en exergue par le contraste des silhouettes noires et du blanc des roches bien que les cendres semblent adoucir les microreliefs. Au troisième plan, on retrouve des couleurs avec la présence d’une pinède non touchée par l’incendie. En arrière-plan, on observe les différents reliefs présents jusqu’au Luberon. La vue est largement ouverte grâce à l’absence d’arbres dans les versants.
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Roches apparentes Sol brûlé Végétaux calcinés Pinède Garrigue Horizon dégagé
Cuesta de Rognac, photographie : TPFE Oriane Malanot, décembre 2016, Rognac (Figure 43)
Sur cette photographie de la cuesta de Rognac, on peut observer les limites de l’incendie. Quelques mois après son passage, on observe la pinède qui n’a pas été touchée, dont les arbres sont verts, et le passage pelé, noirci et ponctué d’arbres calcinés sur les hauteurs et le haut des versants. Là où l’incendie est passé, le sol est gris-noir, il contraste avec les roches claires des fronts de cuesta. Sur les hauteurs, le paysage est ouvert, laissant des vues dégagées vers les massifs avoisinants et vers Rognac. En contre-bas la ville de Rognac n’a pas été touchée, on observe une trame verte importante entre les bâtiments. En arrière-plan, les collines sont boisées, les masses boisées sont sombres et le paysage se referme.
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Roches apparentes Sol brûlé Végétaux calcinés Pinède
Horizon dégagé
2.3 QUAND LE PAYSAGE REPREND VIE À T+3 Après l’incendie, le paysage renait de ces cendres dès les premières pluies. Ce paysage renaissant est un paysage cicatriciel qui laisse apparaitre des marques de l’incendie tout en donnant une impression de renouveau et de rajeunissement du paysage.
Cuesta de Rognac, avril 2019, photographie Roxane Rahimi (Figure 44)
Sur cette photographie d’avril 2019, presque trois ans après le passage de l’incendie, les traces ont parfois disparu (CF Figure 41 page 34). Toutefois, on observe au premier plan des arbustes qui repartent du pied, bien que subsistent les branches calcinées. Au second plan, la cuesta est reverdie, la garrigue s’installe, les reliefs d’anciennes terrasses apparaissent et donnent la sensation d’un paysage agricole. Les fronts de cuesta sont visibles mais le contraste est moindre que lorsque le paysage végétal était noir. Le paysage est majoritairement vert clair, donnant une sensation de renaissance de ces versants. Au fond, on observe le radar aérien de Vitrolles qui marque la ligne de cuesta depuis de nombreux points de vues, il est un repère important dans ce paysage. Il se trouve au sommet de la cuesta, marque la limite entre les versants visibles depuis la ville et l’autoroute, du plateau inconnu du grand public, invisible depuis les axes principaux.
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Roches apparentes Végétaux calcinés Strate arbustive
Strate herbacée de pré-garrigue Horizon dégagé
Cuesta de Rognac, avril 2019, photographie Roxane Rahimi (Figure 45)
Sur cette photographie de la cuesta de Rognac que l’on peut comparer à la figure 42, page 35, on peut observer en premier plan un couvert végétal dense de chêne kermès, de cistes et de romarin. Le sol n’est plus apparent. Au second plan, seules les roches de front de cuesta sont visibles, l’ensemble des sols est recouvert d’une strate herbacée ou buissonnante d’une hauteur d’environ 30 cm : la garrigue s’installe. L’oasis agricole est toujours visible avec ses parcelles cultivées et son oliveraie, mais le contraste humide/sec est moins marqué qu’auparavant. En arrière plan on observe une pinède épargnée par l’incendie de 2016. Le paysage n’est plus noir et blanc, on observe un patchwork de tonalités vertes variables selon les essences végétales présentes. On observe un changement de structures végétales.
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Roches apparentes Roches apparentes Garrigue Cultures Pinède Horizon dégagé
Cuesta de Rognac, avril 2019, photographie Roxane Rahimi (Figure 46)
Sur cette photographie comparable à la Figure 43, page 36, on observe le contraste entre le versant boisé d’une pinède et le versant brulé en 2016. En effet, d’un couvert végétal boisé dense on passe à un plateau partiellement recouvert d’une strate herbacée et arbustive. On observe quelques branches brûlées au premier plan, quelques pins calcinés au second plan mais globalement le socle géologique est recouvert d’une couche végétale verdoyante qui donne une impression de fraicheur et de jeunesse au paysage. La plupart des arbres morts ont été coupés, ce qui réduit les indices du passage du feu. Les pins semblent maintenant descendre dans la ville le long de corridors boisés, ce qui pourrait conduire un éventuel feu jusqu’au cœur de la ville. Le haut du plateau est ouvert, il offre des vues lointaines vers les différents massifs.
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Roches apparentes Roches apparentes Garrigue Cultures Pinède Horizon dégagé
Quelques éclaircies Pinède densité moyenne Citerne
Sol débrousaillé Strate herbacée Présence d’une citerne entre les pins, le sol est défriché (Aix-en-Provence) (Figure 47) Horizon visible Pinède jeune de faible densité
Sol débrousaillé
Abords d’une piste DFCI débroussaillée, broyat laissé sur place, Parc départemental de la Tour d’Arbois (Aix en Provence) (Figure 48)
Au cours de l’arpentage des plateaux de l’Arbois, Vitrolles et Rognac, des photographies de plan plus resseré nous donnent à voir différents indices indiquant un paysage du feu lorsque les traces récentes de l’incendie ont disparu. On rencontre différentes formes de gestion forestière et de coupures de combustibles liées aux recommandations de défense de la forêt contre l’incendie (DFCI). On peut noter la présence de pistes, de coupures de feu, de citernes, on peut observer le survol de la zone par des avions canadairs, des barrières à l’entrée des pistes ou encore des zones débroussaillées. Le principe de débroussaillement s’applique sur 50 mètres de part et d’autres des pistes et permet de garder des zones dégagées comme sur la première photographie pour permettre un accès à la citerne. Sur les deux photographies on peut observer des pins, à deux stades de développement différents. Sur la première (Figure 47), des pins adultes parsemés dans un secteur débroussaillé, l’échelle verticale du feu est donc rompue. Sur la seconde (Figure 48), on peut voir des jeunes pins et quelques arbustes conservés. Cette gestion vise à limiter la propagation des incendies mais ne permet pas de développement de la forêt, qui nécessite l’ombre des plantes pionnières pour se développer, elle ne peut donc engendrer qu’un stade de pinède, hautement inflammable.
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Etang de Berre
Zone bâtie Zone de tir Couvert végétal peu dense
Pinède densité moyenne Zone incendiée
Limite de l’incendie grâce à la présence de la piste DFCI (Rognac) (Figure 49) Horizon dégagé Pins isolés et ripisylve
Zone incendiée et plantations de feuillus Plantations de feuillus par l’association Graine de Vitrollais au Parc du Griffon (Vitrolles) (Figure 50)
Afin de faire disparaitre les traces de l’incendie dans l’inconscient collectif, mais aussi dans un souci de sécurité des personnes, les arbres morts présents aux abords des sentiers ou dans les espaces publics sont abattus. Dans les zones non fréquentées on rencontre 3 ans après l’incendie des arbres gris qui semblent figés dans le temps. Sur la première photographie (Figure 49) on peut observer la limite entre la pinède brulée et les pins conservés, on observe l’implantation d’une zone de tir dont le paysage est ouvert. On peut délimiter l’horizon de la première cuesta, la ville en contre-bas, puis l’étang de Berre. La seconde photographie (Figure 50) dans le parc du Griffon fait état de plantations de feuillus entourés de filets de protection. Ces derniers ont été plantés là où se trouvaient des pins qui ont brûlé lors de l’incendie de 2016. Ce secteur au contact d’un quartier d’habitation et de la route D9 fortement empruntée, a pour vocation d’être reverdi, aux abords du ruisseau de la Cadière, afin de reverdir le talus mais aussi d’effacer toute trace liée au traumatisme.
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Horizon dégagé
Pins isolés conservés
ta Front de cues
Fascines Strate végétale T+2,5 Détail de fascines et d’arbres coupés par l’ONF (Vitrolles) (Figure 51)
Pins isolés élagués Habitations
Versant brulé
Coulée verte Chemin des Pignès, limite d’incendie (Vitrolles) (Figure 52)
En observant les versants du plateau de Vitrolles, on peut voir des troncs et des branchages au sol. Ces morceaux de bois mort sont assemblés en fascines, mises en place par l’ONF avec le bois coupé sur place, elles servent à limiter l’érosion, maintenir les sols et ainsi conserver le stock de graines présent sur place. En effet, la mise à nu des sols après l’incendie favorise l’érosion par ruissèlement sur les terrains en pente. L’objectif est de permettre une reprise naturelle des végétaux afin de favoriser un couvert végétal naturel et spontané. Cependant, on peut constater que cette croissance de pelouse mènera en quelques décennies à la pinède, qui sera amenée à brûler de nouveau. Sur la première photographie (Figure 51) on peut observer un paysage réouvert qui laisse apparaitre le front de cuesta, puis un versant abrupt ponctué de quelques arbres survivants et de fascines maintenant le sol. Sur la seconde photographie (Figure 52) on observe une situation similaire à l’arrière du quartier des Pinchinades. Les pins ont été élagués et la strate herbacée est coupée court afin de limiter les échelles de feu. On peut constater la proximité des espaces impactés par le feu et des habitations.
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Horizon dégagé Pins morts laissant apparaitre l’arrière-plan
Reprise des strates herbacée et arbustive
Sol apparent Des cendres renaissent les végétaux (Vitrolles) (Figure 53)
Horizon dégagé
Massif boisé
Lignes des fronts de cuesta
Pins morts de petite taille
Strate herbacée T+2,5
Des pins calcinés (Vitrolles) (Figure 54)
Sur ces photographies, on peut observer la reprise des végétaux malgré le maintien des branches calcinées. Sur la première photographie (Figure 53) on observe de la bruyère et quelques plantes arbustives qui ponctuent le sol qui est principalement nu. Le couvert végétal est peu dense, les végétaux sont bas, les arbres morts ne bloquent pas la vue, on peut voir la ligne d’horizon. Sur la seconde photographie (Figure 54) les différents plans et front rocheux se distinguent nettement. Au premier plan le plateau est couvert d’une strate végétale herbacée et arbustive verdoyante, ponctuée de jeune pins brulés. Ceux-ci marquent un paysage figé dans le temps comme si le feu ne l’avait interrompu que pour un instant. Le massif en arrière-plan est quant à lui boisé, il se trouve au sud, dans la direction du vent et donc sur la route du feu.
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2.4 EFFACEMENT DU PAYSAGE DU FEU À T>20
Vallons de garrigue d’environ 25 ans (Parc départemental de la Tour d’Arbois), photographie Roxane Rahimi, avril 2019 (Figure 55)
Au cœur du plateau de l’Arbois, on rencontre des secteurs non incendiés depuis une trentaine d’années. Dans le Parc départemental de la Tour d’Arbois, on peut observer un paysage vallonné de garrigue. Les vallons sont marqués par des ruisseaux temporaires et le fond présente une végétation dense de feuillus. En haut du plateau on observe un paysage ouvert avec différentes strates végétales : herbacée, arbustive, petits arbres. Les vues sont dégagées vers les massifs alentours et notamment vers la montagne Sainte Victoire à l’Est. Le parc nous offre une promenade dans un paysage verdoyant, humide autour du canal de Marseille, plus sec sur les hauteurs balayées par le vent. Les jeunes végétaux sont vert clair, donnant une impression champêtre au paysage. On observe quelques végétaux isolés plus développés, vert foncé. Autour des sentiers et des pistes de défense de la forêt contre l’incendie (DFCI) on rencontre des zones défrichées mécaniquement, ce qui maintien un paysage ouvert. A ce stade, aucun élément calciné ne persiste, seul l’âge des végétaux, les espèces présentes et les méthodes de gestion sont visibles dans ce paysage du feu. La cartographie des incendies nous informe du passage du feu en 1995 soit il y a 24 ans.
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Garrigue
Pinède Horizon dégagé
2.5 PAYSAGE FORESTIER À T>40
Pinèdes âgées en bordure d’autoroute, photographie Roxane Rahimi, avril 2019 (Figure 56)
Sur les bords d’autoroute aux abords de Marseille, on peut observer une succession de paysages forestiers, de paysages brûlés, de paysages rocailleux, de paysages de garrigue, des paysages ouverts vers l’Etang de Berre aux vues sur les massifs ou dans des couloirs boisés. Ici, on observe des pins âgés, sur les versants de collines de part et d’autres de la route. Les abords immédiats sont débroussaillés sur une largeur d’environ 2 mètres. Au-delà de cette distance de sécurité, on observe un étage d’arbustes avant de rencontrer des pins âgés jusqu’en haut des versants. Ce type de paysage est l’un des plus soumis au risque incendie, en particulier les départs de feux liés aux jets de mégots depuis les véhicules. D’autre part, les sautes de feu ou « pluies de braises » peuvent conduire les incendies d’un côté à l’autre de la route qu’il ne faut pas considérer comme un pare-feu. Jusqu’au milieu du siècle dernier les massifs calcaires étaient utilisés pour le pâturage et des cultures sèches, avec l’installation de terrasse de cultures, par exemple d’oliviers. Depuis l’abandon de ces pratiques agricoles on observe un développement de la pinède, et de la forêt méditerranéenne à grande échelle. Ces paysages sont donc relativement nouveaux, même s’ils sont les plus âgés dans le cycle des pyropaysages.
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Autoroute
Pinède
Horizon dégagé
Vue sur une pinède âgée et la montagne Sainte Victoire depuis le parc départemental de l’Arbois, photographie Roxane Rahimi, avril 2019 (Figure 57)
Sur cette photographie réalisée depuis le parc départemental de la Tour d’Arbois, on peut observer différents plans : au premier plan la garrigue, vert clair, au second plan des arbres à feuilles caduques, marron, au troisième plan une colline recouverte de pinède, vert foncé, au dernier plan la montagne Sainte Victoire, gris-bleuté.
Garrigue Pinède
La garrigue est interrompue par la présence d’un parking d’accueil et est traversée par une ligne à haute tension. La pinède quant à elle est marquée par la présence d’un bâtiment en construction et de sa grue ainsi que par un château d’eau. Ce secteur est également traversé par le canal de Marseille, la ligne de TGV ainsi que par de nombreux réseaux électriques. Cet espace de nature est donc largement anthropisé, ce qui induit une mise en danger des populations lors d’un futur incendie dans ce secteur.
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Sainte Victoire Horizon dégagé
2.6 SYNTHÈSE DES RÉSULTATS
A travers ce déroulé chronologique, plusieurs résultats peuvent être mis en avant grâce à l’analyse des mots-clefs cités dans le texte ainsi que grâce à l’analyse colorimétrique des photographies. 2.6.1 Les paysages du cycle de l’incendie La récurrence des feux maintient certains paysages ouverts et efface les traces des précédents incendies. Durant mon arpentage j’ai pu principalement observer des paysages impactés par l’incendie de 2016, il y a bientôt 3 ans. J’ai également pu me rendre dans des secteurs non impactés depuis plus de 40 ans. Le plateau, parcouru par le mistral est soumis à des incendies qui se propagent rapidement. Le contour du feu de 2016 chevauche presque de manière identique celui de 2004 qui avait également parcouru une surface importante. De ce fait, le plateau de Vitrolles était principalement constitué d’une garrigue de 12 ans en 2016, et il est aujourd’hui recouvert d’une strate herbacée et arbustive sur la majorité des espaces. Aujourd’hui on peut y lire quelques éléments liés au pyropaysage comme la présence de pistes DFCI, de citernes, de quelques branches et arbres morts dont la noirceur a laissé place au gris qui se fond dans le paysage. C’est sur les versants que la différence est nette. En effet, la déprise agricole des 60 dernières années a permis le développement d’une pinède le long du front de cuesta, principalement sur des parcelles privées peu accessibles, sous forme de jardins. Cette pinède a été fortement impactée et la disparition des arbres qui ont été abattus par sécurité laisse un vide pour les habitants. Néanmoins, ce vide permet de révéler les fronts rocheux de la cuesta, de près comme de loin, et donc de mettre en valeur la géologie et l’identité des lieux. Quand le paysage reprend vie, paysage cicatriciel
L’incendie, le paysage en flammes, paysage pelé Flammes Halo de lumière Fumée noire épaisse Braises Troncs en feu Pinède Propagation Peur Danger Traumatisme Pompiers Lutte
T+0
T+5
T+40
T+20
Garrigue Arbustes Floraison Verdoyant Roches apparentes Relief mis en valeur Végétaux calcinés Traces Vestiges agricoles Terrassements Ressurection Phénix
Disparition du paysage du feu, la garrigue
Paysage forestier, la pinède Pin d’Alep Vert foncé Fermeture Couvert végétal dense Faible biodiversité Gestion Débrousaillage Pistes DFCI
Garrigue Paysage vert Homogène Dense Arbres isolés Sol recouvert Chêne kermès Gestion Débrousaillage Pistes DFCI Souches
Schéma de l’évolution du paysage (Figure 58)
47
2.6.2 Analyse colorimétrique des paysages
L’analyse colorimétrique du paysage met en valeur l’évolution au fil du temps du paysage du feu.
Le paysage de l’incendie à T+0
Végétaux calcinés Halo de lumière Flammes et braises Garrigue
On peut constater une grande diversité de couleurs au temps zéro, pendant l’incendie, qui se réduit au fur et à mesure que le temps passe (CF figures 37 à43). Ce moment est surtout marqué par le rouge des flammes et les lumières apocalyptiques dégagées, ainsi que par une épaisse fumée. Juste après l’incendie le noir et le gris sont les plus présents avec les végétaux calcinés et les sols apparents sont brûlés et recouverts de cendres.
Le paysage renaissant à T+3 Roches apparentes Sol brûlé Végétaux calcinés Garrigue Horizon dégagé
Le paysage noir et blanc est éphémère, il disparait dès les premières pluies (CF figures 44 à 54). Dans les premières années qui suivent l’incendie, la strate herbacée recouvre assez rapidement les sols. On observe alors une disparition progressive des sols et roches apparentes, pendant que le paysage tourne au vert. Durant ces premières années, les couleurs rencontrées sont vert clair, les roches claires, le ciel car l’horizon est dégagé. Au fil des saisons on aurait pu observer différentes floraisons, différentes cultures dans les parcelles agricoles. Au printemps on observe la floraison rose des cistes cotonneux.
La garrigue à T+20
Garrigue
Pinède Horizon dégagé
A partir d’une vingtaine d’années, le paysage s’uniformise, les pins sont très présents, accompagnés de chênes kermès principalement, offrant des paysages verts seulement ponctués par les activités humaines. Les traces d’incendie ont disparu, seule la gestion apparait et donne des indices, on peut observer des zones défrichées, des pistes, des souches (CF figure 55).
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La pinède à T+40
Pinède
Au bout de quarante ans on observe un paysage de pinède. Le feu, qui libère les graines de pin d’Alep permet son expansion. Les paysages sont donc amenés à se refermer et la couleur dominante est le vert foncé. Les points de vue se referment, les milieux se referment. Il n’y a plus de traces d’incendie, seulement quelques indices comme la composition végétale et l’omniprésence du pin (CF figures 56 et 57).
Horizon dégagé
Au fil des ans, on observe le passage d’un paysage noir et blanc, un paysage meurtri à un paysage cicatriciel ou les traces se camouflent dans une renaissance globale. Puis, petit à petit, les paysages s’uniformisent, les traces s’effacent, les reliefs s’estompent et seule la pinède domine.
Roches apparentes Végétaux calcinés
Sol brûlé
Halo de lumière Flammes et braises Garrigue
Pinède
Végétaux calcinés
T+0
T+5
T+40
T+20
Garrigue Horizon dégagé
Garrigue
Pinède Horizon dégagé
Horizon dégagé
Schéma de l’évolution colorimétrique du paysage (Figure 59)
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L’incendie, le paysage en flammes, paysage pelé Flammes Halo de lumière Fumée noire épaisse Braises Troncs en feu Pinède Propagation Peur Danger Traumatisme Pompiers Lutte
Quand le paysage reprend vie, paysage cicatriciel Roches apparentes
Végétaux calcinés
Sol brûlé
Halo de lumière Végétaux calcinés
Flammes et braises
Garrigue
Garrigue
Horizon dégagé
T+0
T+5
T+40
T+20 Disparition du paysage du feu, la garrigue
Paysage forestier, la pinède Pin d’Alep Vert foncé Fermeture Couvert végétal dense Faible biodiversité Gestion Débrousaillage Pistes DFCI
Garrigue Arbustes Floraison Verdoyant Roches apparentes Relief mis en valeur Végétaux calcinés Traces Vestiges agricoles Terrassements Ressurection Phénix
Garrigue
Pinède
Pinède Horizon dégagé
Horizon dégagé
Schéma de synthèse de l’évolution du paysage (Figure 60)
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Garrigue Paysage vert Homogène Dense Arbres isolés Sol recouvert Chêne kermès Gestion Débrousaillage Pistes DFCI Souches
Ce dernier incendie, qui a été un grand traumatisme pour les habitants des communes riveraines, ainsi qu’un avertissement pour la ville de Marseille, est aujourd’hui presque invisible pour qui ne le cherche pas. L’étude de paysages d’autres époques nous permet d’imaginer l’évolution des paysages du plateau de Vitrolles, dont 3000 hectares sont partis en fumée. Ce plateau aujourd’hui ouvert pourrait se refermer en quelques décennies, si le processus de croissance n’est pas interrompu par un incendie. Les conditions climatiques locales et le changement climatique actuel nous laissent présumer d’une fréquence de plus en plus accrue des feux de forêt. Toutefois, la gestion pourrait être adaptée afin de maintenir des paysages ouverts grâce au pastoralisme permettant de créer de véritables coupures autour d’îlots de sénescence préalablement identifiés. Du point de vue de la biodiversité, le maximum d’espèces sont présentes autour de la 4ème année suivant le passage du feu. Les milieux ouverts sont des lieux d’accueil pour de nombreux oiseaux, insectes, batraciens, ainsi que pour la flore. Bien que la préservation de la forêt soit aujourd’hui un enjeu majeur à l’échelle mondiale1, la forêt méditerranéenne quant à elle augmente2 : la déprise agricole transforme les paysages d’antan en forêt et la lutte contre les incendies des quarante dernières années ayant fonctionné, les surfaces forestières augmentent. Cependant, le risque étant lui aussi de plus en plus élevé, les futurs feux seront probablement des méga-feux, de par la plus grande présence de combustible. Ces forêts et leurs futurs incendies se trouvent à proximité de pôles urbains majeurs comme Aix-en-Provence, Marseille et le pourtour de l’Etang de Berre, qui constituent des bassins de vie important, il s’agit donc non seulement de protéger la forêt, mais aussi les populations.
1 On estime que la surface forestière mondiale diminue de 3,3 millions d’hectares par an. (ecotree.fr) 2 En France métropolitaine, la forêt méditerranéenne a augmenté de 6% entre 2007 et 2015 (Stephane Guitet, Changer notre regard sur les incendies de forêt, Carry-le-Rouet, 12/03/2019)
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CONCLUSION
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Cuesta de Rognac, avril 2019, photographie Roxane Rahimi (Figure 61)
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LE PLATEAU DE L’ARBOIS, PALIMPSESTE DU PYROPAYSAGE
Le paysage du feu tel que nous l’avons étudié sur les plateaux de Vitrolles, Rognac et de l’Arbois est un exemple de paysage méditerranéen caractéristique. Les différents paysages de ces plateaux naissent d’une géomorphologie particulière, les cuestas, qui créent un paysage en étages, mais aussi de l’anthropisation car l’Homme occupe ce territoire et le transforme et le feu n’est qu’un élément supplémentaire dans son évolution et ses adaptations. Le choix de cet exemple, un paysage brûlé il y a bientôt trois ans pour la dernière fois permet de rendre compte des évolutions récentes depuis l’incendie et post-incendie, et ainsi de comprendre le cycle de ce paysage en mouvement. Ce travail ne porte que sur un échantillon de pyropaysage. Les plateaux semblent de bons cas d’étude concernant les zones de contact dans les franges ville-forêt où les problématiques liées au feu sont très présentes. Comment protéger la ville du feu, comment préserver la forêt ? Les dynamiques sociales en place visent à préserver la forêt, comme élément de nature et attrait lié aux loisirs des urbains. Pourtant, nous avons pu observer grâce aux cartes d’évolution du territoire et aux cartes postales anciennes, que ce paysage était autrefois principalement agricole et la présence de la forêt moindre. Les espaces de garrigue étaient pâturés, limitant le couvert végétal et la puissance des incendies. Gilles Clément propose de réfléchir à un urbanisme de l’inflammabilité et la réorganisation des interfaces habitat/forêt ainsi que de prendre en compte le changement climatique afin de proposer une prise en compte du « grand paysage » en amont des risques et en connaissance de la vulnérabilité d’un territoire.1 Le projet de classement du massif de l’Arbois, approuvé en 2017, est « justifié par l’intérêt qui s’attache à la préservation durable du massif de l’Arbois en tant qu’espace remarquable à dominante naturelle au contact des grandes agglomérations d’Aix-en-Provence – Marseille – étang de Berre. » 2. Ce contexte de classement met en valeur les espaces « naturels » tels qu’ils sont perçus et protégés par différentes directives Natura 2000, Zone de Protection Spéciale, Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique. Au regard de cette perception, l’objectif est de préserver le massif d’une urbanisation incohérente. Le secteur de la gare d’Aix-TGV est exclu du périmètre de classement, ce qui permet l’implantation de projets d’aménagements de type Zone d’Aménagement Concertée. Dans cette enclave exclue du périmètre on rencontre également le centre d’enfouissement des déchets d’Aix-en-Provence et un camp de gens du voyage. Au cœur même du plateau de l’Arbois l’incohérence est notable. En dehors de l’enclave du secteur de la gare d’Aix-TGV, la vocation de ce territoire est d’être un espace de nature, une « coupure verte » pour les habitants des agglomérations riveraines. En outre, nous avons pu observer que ce territoire avait majoritairement perdu sa vocation agricole pourtant ancestrale et antérieure à l’aspect forestier des plateaux. 1 2
RIBET Nadine. Feu, ami ou ennemi ? Cité des sciences et de l’industrie, 2018. 205p. (Dunod) DREAL, Proposition de classement au titre des sites du massif de l’Arbois, Dossier d’enquête publique, p.26
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Aujourd’hui, le projet du GR2013, sentier de grande randonnée en zone péri-urbaine du département des Bouches-du-Rhône, offre un refuge péri-urbain appelé le Rocher. Cette construction est un point d’appel pour le tourisme et les randonneurs. Il permettra la mise en place d’un observatoire photographique dans le parc départemental de l’Arbois, à proximité du canal de Marseille et des voies de la ligne à grande vitesse. Le sentier démarre à la gare d’Aix-TGV et propose de traverser le plateau de l’Arbois. Ce sentier touristique révèle des paysages en tout genre, des usines, des zones péri-urbaines, mais il s’inscrit également dans une vision pittoresque et contemplative du paysage de l’Arbois. Cette augmentation du nombre de visiteurs est à questionner face au risque incendie. La gestion forestière nationale et les objectifs de défense de la forêt contre les incendies (DFCI) mis en place dans les années 1970 nous mènent-ils à un cercle vicieux ? L’augmentation des surfaces forestières entraine une augmentation des surfaces à risque. Comment pouvons nous concilier cette contradiction ? Les plateaux étaient autrefois couverts de garrigue, utilisés comme zones de pâtures et entretenus grâce à des brulages pastoraux. Le paysage de ces plateaux était donc principalement ouvert et marqué par l’activité pastorale. Dans les vallons où le sol est le plus fertile, on rencontrait des cultures maraichères et céréalières. Les versants étaient aménagés en terrasses accueillant des cultures sèches comme les vignobles, les amanderaies et les oliveraies. Le territoire était donc ouvert, aménagé et surtout productif. Aujourd’hui c’est la préservation de la forêt qui domine les différents enjeux. Le classement du site permet de limiter l’invasion urbaine, mais prévoit la préservation d’un espace de « nature », également classée zone naturelle au plan local d’urbanisme, sans aucune prise en compte du potentiel agricole du secteur. Le pyropaysage peut donc être considéré comme un paysage en évolution dont l’un des paramètres est le potentiel passage du feu. Il concerne de nombreux secteurs notamment dans la forêt méditerranéenne. Un paysage forestier peut être perçu comme un paysage en attente d’un incendie probable. On considère par exemple que 80% de la surface de la Corse est susceptible de brûler3. Sur l’ensemble du littoral méditerranéen, la forêt engendre l’incendie et l’incendie révèle le passé agricole. Le plateau de l’Arbois apparaît comme un palimpseste4 où les écritures du passé forestier sont effacées par l’incendie. Il permet aujourd’hui de réécrire une histoire agricole en révélant les traces des restanques oubliées. L’incendie est un périscope5 qui permet de voir à travers la forêt les traces du passé. La localisation du plateau de l’Arbois en porte d’entrée de la métropole, au cœur de trois pôles urbains majeurs permet d’envisager ce territoire comme noyau productif pour les populations. La remise en culture des restanques, la revalorisation du pâturage pourraient créer des paysages-vitrine pour la métropole. 3 Géo 360°- Corse, les maquisards du feu. (En ligne) Disponible sur : https://www.arte.tv/fr/videos/078702-001-A/360-geo-corseles-maquisards-du-feu/?fbclid=IwAR1cHdjcw0TZFpCN57uKgXTivHbIhjWEiV-cylvTYJqF0pe7KM21MZMW9Kk 4 Palimpseste, n.m. Parchemin dont la première écriture, grattée ou lavée, a fait place à un nouveau texte. Larousse 5 Périscope, n.m. Instrument d’optique formé de lentilles et de prismes à réflexion totale, qui permet de voir par-dessus un obstacle. Larousse
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Ce travail a été l’occasion pour moi de partir à la recherche des paysages du feu. Malheureusement dans les limites de l’exercice et notamment dans le temps imparti, il n’a pas été possible d’étudier et de comparer différents massifs du département afin d’infirmer ou de confirmer les observations réalisées sur le Plateau de l’Arbois. De plus, l’utilisation de photographies réalisées par différentes personnes et différents appareils ne permet qu’une fiabilité partielle de l’étude colorimétrique. Néanmoins, la mise en place de ce protocole sur le plateau de l’Arbois et l’étude des différents points de vue à T+0 et T+3 ans pourrait permettre de poursuivre ce travail via le biais d’un observatoire photographique de l’évolution des paysages. En outre, cette étude a mis en lumière le cycle du paysage lié au feu, un paysage vivant qui n’existe pas seulement à l’instant T. En cela, il me semble qu’il permet de relativiser le « paysage du feu » tel que perçu par les populations à savoir perçu comme un paysage dévasté, désolé et traumatique. En effet, ce paysage est éphémère. La présence du feu dans les paysages méditerranéens est ancestrale et ne saurait que perdurer. Il s’agit donc de comprendre les cycles engendrés par son passage afin de l’accepter et de réapprendre à vivre avec. Ce travail ne questionne pas seulement l’incendie en tant que tel, il soulève aussi les problématiques liées au contact entre la ville et la forêt, notamment en révélant par son passage, les vestiges de territoires agricoles qui ceinturaient autrefois les villages. A l’heure métropolitaine, les territoires enfrichés ne doivent pas être considérés comme des réserves foncières pour une urbanisation tentaculaire mais comme des paysages agricoles à revaloriser. Les accès du Plateau de l’Arbois étant limités, il s’agit également de questionner la vision des habitants sur leur rapport à cet espace « naturel » balayé par le mistral qui m’a semblé parfois hostile durant mes arpentages et où je n’ai croisé presque personne. Le contact des habitations à la cuesta privatise les espaces de nature perceptibles depuis la ville sur plusieurs kilomètres. Ce paysage inatteignable mérite une réappropriation collective dont le passage du feu a permis de révéler de nombreux atouts, notamment la réouverture de la ligne d’horizon qui met en valeur les fronts de cuesta visibles depuis tous les accès à la ville et l’identité géomorphologique du lieu.
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BIBLIOGRAPHIE
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TABLE DES ILLUSTRATIONS
Figure 1 : Incendie de Notre Dame de Paris, avril 2019, photographie Hava Rahimi Figure 2 : Incendies en Californie, novembre 2018, photographie Suzy Pelshaw, Facebook Figure 3 : Cuesta de Rognac, avril 2017, photographie Oriane Malanot Figure 4 : Schéma d’évolution de la croissance de la forêt méditerranéenne en l’absence d’incendies, interprétation personnelle issue de «L’impact de l’homme et de ses animaux sur la forêt méditerranéenne par Henri-Noël LE HOUÉROU» Figure 5 : Répartition des écosystèmes méditerranéens Figure 6 : VÉGÉTAUX PYROPHYTES, Domaine du Rayol, avril 2019, photographies Roxane Rahimi Figure 7 : Interface ville-forêt, Vitrolles, GoogleEarth 2003 Figure 8 : Cuesta de Vitrolles, avril 2019, photographie Roxane Rahimi Figure 9 : Vue sur l’Etang de Berre depuis le Rocher de Vitrolles photographie Roxane Rahimi Figure 10 : Vue sur la Sainte Victoire depuis le Rocher de Vitrolles, photographie Roxane Rahimi Figure 11 : Vue axonométrique du massif de l’Arbois Figure 12 : Localisation des cuestas et plateaux du massif de l’Arbois Figure 13 : Vitrolles, années 1950, carte postale Figure 14 : Vitrolles, 2015, photographie Roxane Rahimi Figure 15 : Vitrolles, années 1950, carte postale Figure 16 : Vitrolles, 2017, internet Figure 17 : Cartographies de l’évolution de l’occupation du sol, du XIXème siècle à aujourd’hui Figure 18 : Incendie du 10 août 2016, internet Figure 19 : Vitrolles, quartier des Pinchinades, 2016, internet Figure 20 : Le ciste cotonneux, Cistus Albidus, est un arbrisseau pyrophyte présent sur les sols calcaires Figure 21 : Jeune pousse de pin 9 mois après l’incendie, photographie Mathieu Coquillat, ONF, mai 2017 Figure 22 : Cartographie des secteurs incendiés depuis 1982 Figure 23 : Vue panoramique de Vitrolles à Rognac, photographie Roxane Rahimi Figure 24 : Cartographie de l’arpentage selon les passages du feu Figure 25 : Oliveraies, Chemin des Malagas, Versant de cuesta de Rognac, avril 2019, photographie Roxane Rahimi Figure 26 : Septembre 2016 (Rognac), internet Figure 27 : Avril 2019 (Rognac), photographie Roxane Rahimi Figure 28 : Septembre 2016 (Vitrolles), Edza photographie, Robien Levet Figure 29 : Avril 2019 (Vitrolles), photographie Roxane Rahimi Figure 30 : Cuesta de Rognac, décembre 2016, Oriane Malanot Figure 31 : Cuesta de Rognac, avril 2019, photographie Roxane Rahimi Figure 32 : Cuesta de Rognac, décembre 2016, Oriane Malanot Figure 33 : Cuesta de Rognac, avril 2019, photographie Roxane Rahimi Figure 34 : Cuesta de Rognac, décembre 2016, Oriane Malanot Figure 35 : Cuesta de Rognac, avril 2019, photographie Roxane Rahimi Figure 36 : Cuesta de Rognac et Vitrolles, avril 2019, photographie Roxane Rahimi Figure 37 : L’incendie du 10 août 2016, vue vers le plateau de Vitrolles, photographie internet Figure 38 : L’incendie du 10 août 2016, vue au coeur du plateau de Vitrolles, photographie Mathieu Coquillat, ONF Figure 39 : Intervention des pompiers pendant l’incendie du 10 août 2016, photographie Robin Levet, EDZA Films
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Figure 40 : Au lendemain de l’incendie, des maisons disparues dans le quartier des Pinchinades à Vitrolles, photographie AFP Figure 41 : Cuesta de Rognac, septembre 2016, photographie : ville-rognac.fr Figure 42 : Oasis dans le désert, photographie : TPFE Oriane Malanot, décembre 2016, Rognac Figure 43 : Cuesta de Rognac, photographie : TPFE Oriane Malanot, décembre 2016, Rognac Figure 44 : Cuesta de Rognac, avril 2019, photographie Roxane Rahimi Figure 45 : Cuesta de Rognac, avril 2019, photographie Roxane Rahimi Figure 46 : Cuesta de Rognac, avril 2019, photographie Roxane Rahimi Figure 47 : Présence d’une citerne entre les pins, le sol est défriché (Aix-en-Provence) Figure 48 : Abords d’une piste DFCI débroussaillée, broyat laissé sur place, Parc départemental de la Tour d’Arbois (Aix en Provence) Figure 49 : Limite de l’incendie grâce à la présence de la piste DFCI (Rognac) Figure 50 : Plantations de feuillus par l’association Graine de Vitrollais au Parc du Griffon (Vitrolles) Figure 51 : Détail de fascines et d’arbres coupés par l’ONF (Vitrolles) Figure 52 : Chemin des Pignès, limite d’incendie (Vitrolles) Figure 53 : Des cendres renaissent les végétaux (Vitrolles) Figure 54 : Des pins calcinés (Vitrolles) Figure 55 : Vallons de garrigue d’environ 25 ans (Parc départemental de la Tour d’Arbois), photographie Roxane Rahimi, avril 2019 Figure 56 : Pinèdes âgées en bordure d’autoroute, photographie Roxane Rahimi, avril 2019 Figure 57 : Vue sur une pinède âgée et la montagne Sainte Victoire depuis le parc départemental de l’Arbois, photographie Roxane Rahimi, avril 2019 Figure 58 : Schéma de l’évolution du paysage Figure 59 : Schéma de l’évolution colorimétrique du paysage Figure 60 : Schéma de synthèse de l’évolution du paysage Figure 61 : Cuesta de Rognac, avril 2019, photographie Roxane Rahimi
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RÉSUMÉ
Ce mémoire d’initiation a la recherche vise à décrire un pyropaysage. Il se porte sur l’analyse du plateau de l’Arbois, entre Marseille, l’Etang de Berre et Aix-en-Provence, trois pôles de développement majeurs de la métropole Aix-Marseille Provence. Ce territoire d’étude a subi un incendie de près de 3000 hectares le 10 août 2016. Deux ans et demi après, ce travail cherche à montrer au travers de cette analyse les différentes évolutions du paysage. Il s’inscrit dans un cycle végétal de destruction et de régénérescence, ou le paysage meurtri se transforme en paysage cicatriciel avant de redevenir un paysage forestier. Ce travail montre également qu’au delà de l’instant T de l’incendie et au delà de la seule vision végétale, le territoire s’inscrit dans une évolution globale des pratiques, des modes d’habiter, d’un abandon des terres agricoles, d’un enfrichement général, d’une progression des territoires forestiers en Méditerranée. Le choix d’un territoire d’étude en frange ville-forêt permet de révéler les nouveaux modes d’habiter mais il s’agit aussi de zones que l’on peut considérer à risque, puisque l’incendie est un élément inévitable du cycle de ces paysages méditerranéens. Cet échantillon de pyropaysage permet de révéler un paysage en mouvement où les différentes actions de l’Homme et du feu façonnent le territoire. Dans ce contexte méditerranéen, la forêt engendre l’incendie et l’incendie révèle le passé agricole. Cette recherche questionne donc la place de la forêt dans ces territoires de franges urbaines au regard du risque qu’elle engendre.
Mots-clefs : pyropaysage, incendie, paysage du feu, paysage pelé, paysage cicatriciel, cycle de croissance, végétaux calcinés, garrigue, pinède, forêt méditerranéenne, franges urbains, interface ville-forêt.