L'image de l'individu noir dans la publicité

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RÉSUMÉ Quel est votre dernier souvenir d’un noir dans une publicité ? Vous avez du mal à trouver ? Banania ? Il n’est pas très évident de trouver des images fortes de personnes noires dans notre environnement médiatique. Pourtant elles sont là et participent à la construction, chaque jour, de l’image de la France. Alors pourquoi la France télévisuelle et le monde de la publicité ne montrent pas cette population ? Problème de couleur ? D’image ? De culture ? C’est ce que nous essayerons de déterminer dans ce mémoire. Dans un premier temps, nous verrons les origines de l’image noire actuelle, puis la façon dont la publicité s’en sert. Dans un second temps, nous analyserons plusieurs publicités qui toutes utilisent, de façon différentes l’image noire : celles qui utilisent la personne noire pour sa couleur, celles qui l’utilisent pour son corps, pour finir par celles qui usent de la personne noire pour le sens qu’elle y apporte. Tout cela dans le but de faire un bilan de l’utilisation de l’image noire dans la publicité, pour mieux comprendre le climat actuel français de représentation des «minorités visibles» en tirer, si ce n’est des solutions, des conclusions ou des recommandations.

L’expression « minorité visible » est un euphémisme pour désigner une minorité nationale dont les membres sont facilement reconnaissables par leur apparence physique. Cela concerne essentiellement les différences ethniques et en particulier la couleur de la peau.

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TABLE DES MATIÈRES I. INTRODUCTION II. THÉORIE A. Le noir, une image compliquée ? B. La publicité, diffuseur objectif ou créateur d’images, de stéréotypes ? III. ANALYSE A. L’utilisation du noir pour sa couleur - L’effet multicolore - La substitution - Le contraste

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B. L’utilisation du noir pour son corps - Le corps différent - Le corps sexué - Le corps sportif - Le corps sauvage

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C. L’utilisation du noir ce qu’il représente - Le noir pour parler aux noirs - Le mauvais noir - Le bon noir - Le noir exotique marabout. - Le noir cannibale - Le noir colonial

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IV. CONCLUSION

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V. RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIE BIBLIOGRAPHIE SOURCES IMAGES

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Fig.1 Publicité Citroën CX GTI Turbo par Jean-Paul Goude, avec Grace Jones, « C’est démon», Paris, 1983.

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INTRODUCTION De nos jours, la publicité, via les médias (internet, radio, journaux, télévision, affichages, cinéma, etc.), s’infiltre partout dans nos vies en réquisitionnant toujours plus notre paysage visuel. Nous subissons ainsi la publicité, que nous y soyons attentifs ou complètement passifs : quelque soit notre âge, notre statut social ou notre couleur, nous recevons la même quantité d’images chaque jour. Ainsi, mon entreprise consiste à analyser les messages véhiculés par ces images. En effet, la publicité a à promouvoir un produit, un service, dans un court laps de temps, elle a donc tendance à tronquer l’information pour aller à l’essentiel (d’un point de vue commercial) et simplifier le message pour le rendre mémorisable pour le public. Nous pouvons donc nous interroger sur la qualité du message publicitaire. Après un bref récapitulatif des grandes dates de la publicité ainsi qu’une présentation de l’image de l’individu noir, nous nous demanderons si la sélection de l’information est purement un souci publicitaire et commercial ou si des a priori plus profonds et plus individuels influent sur cette action. La publicité, victime des stéréotypes ou porteuse et créatrice de préjugés ? Pour cela, nous utiliserons l’image de l’individu noir et analyserons ce que la publicité fait de cette image : quelles informations sont supprimées, lesquelles sont au contraire conservées, avant d’être distribuées aux yeux du monde.

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Fig.2 Travail de montage photo sur la couverture de l’album Island Life, de Grace Jones, Par Jean-Paul Goude, 1990.

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LE NOIR, UNE IMAGE COMPLIQUÉE ? Le but de ce mémoire est de se poser des questions nouvelles sur la représentation des noirs et tenter d’y apporter, si ce n’est un point de vue différent, un début de réponse. Les entrées de chapitre sont illustrées par le travail de Jean-Paul Goude (1) et de sa muse Grace Jones (2).

(1) Jean-Paul Goude, né en 1940 à SaintMandé, est un graphiste, illustrateur, photographe, réalisateur et dessinateur de films publicitaires français. (2) Grace Jones, née le 19 mai 1948 à Spanish Town à la Jamaïque, est mannequin, chanteuse, auteur-compositeur et actrice.

En effet, l’oeuvre de Goude reflète par faitement notre problématique : la publicité est le reflet fanstasmé de notre monde mais ce reflet est créé par seulement quelques individus de ce monde qui parlent de et pour tous. Ainsi, nous analyserons le pouvoir des images publicitaires, savoir si un spot télévisuel ne parle que des bénéfices produits ou s’il fait appel aux sentiments du consommateur ? De ce fait, ne devrions nous pas faire plus attention à ce que nous laissons dire à la publicité ? Être moins passif face à cette invasion d’images? La publicité est-elle dîgne de confiance ? Les publicitaires qui la créent en sont-ils dignes ? Ne sont-ils pas naturellement influencés par leur expérience personnelle ainsi que par leur culture ? Jean-Paul Goude, le premier, reconnaît à propos de sa culture africaine, très présente dans ses créations : « C’est une Afrique imaginée. Je ne suis pas un voyageur, je n’ai jamais voyagé. Il est donc fort possible que la conception que j’en ai paraisse un peu désuète pour les gens qui connaissent la vraie Afrique ». L’artiste et grand publicitaire (nous lui devons notamment la publicité pour Kodak et ses Kodakettes) admet ainsi mettre sa propre vision de l’Afrique dans ses oeuvres et non pas la réalité. Il propose alors son point de vue complètement fantasmé de la femme noire, comme ces 9


Fig.3 Carolina Beaumont, Jean-Paul Goude, New York, 1976

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«digressions graphiques sur le thème du gros derrière» Goude, 1976 (Fig.3) avec, entre autres, sa muse et compagne Toukie. Le 14 juillet 1989, le gouvernement veut faire quelque chose de spécial pour le bicentenaire de la Révolution française et il demande à Jean-Paul Goude d’organiser le défilé. Goude crée un défilé de la diversité dans l’unité : un évènement porté par des personnes de tous horizons qui reflète la nouvelle France. Effectivement, la Révolution française avec sa Déclaration des Droits de l’Homme renvoie aux indépendances des colonies africaines (1960) et le gouvernement voulait que tous les français célèbrent ce bicentenaire de la Révolution ensemble. Ainsi, il y a des chars caribéens représentant les Antilles françaises, des chars pour l’Afrique (et même un char pour la Chine en soutien aux manifestations de la place Tian’anmen (3) du 4 juin 1989).

(3) Elles prennent la forme d’un mouvement d’étudiants, d’intellectuels et d’ouvriers chinois, qui dénoncent la corruption et demandent des réformes politiques et démocratiques. La contestation s’étend à la plupart des grandes villes, comme Shanghai, et aboutit à Pékin à une série de grandes manifestations et de grèves de la faim organisées sur la place Tian’anmen. Après plusieurs tentatives de négociation, le gouvernement chinois instaure la loi martiale le 20 mai 1989 et fait intervenir l’armée le 4 juin 1989.

Mais ce qui défile sur les Champs-Élysées c’est une interprétation de l’Afrique, l’interprétation fantasmée d’un homme qui n’y a jamais posé les pieds, cela intéresse plus les français «de souche» que les français de l’immigration qui ne se reconnaissent pas dans l’événement. Ceci dit, le défilé est un énorme succès télévisuel : 800 millions de téléspectateurs à travers le monde, ainsi qu’un million de spectateurs sur les Champs-Élysées. De la même façon, Joséphine Baker qui avait enflammé le coeur des parisiens par son exotisme exacerbé (pagne orné de bananes, danse sauvage, à demi-nue) en 1927. Sa petite victoire étant qu’au moins à Paris elle dansait devant des blancs, contrairement au climat ségrégationniste américain. Nous comprenons alors que l’image noire a subi de nombreuses altérations, et l’image que le blanc a du noir et de l’endroit d’où on l’imagine originaire : l’Afrique, et ce, parfois même si le noir est français, s’est transformée. Il y a une distorsion entre les images d’Afrique du défilé applaudi par la France et l’Afrique. Un peu comme l’image de l’Europe aujourd’hui en Afrique : un Eldorado du travail et du bien vivre. Pourquoi cette distorsion ? 11


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Dans une société où l’homme blanc est majoritaire, habitué à son image et à l’image de ses semblables régulièrement, il trouve en l’homme noir un intrus dans le paysage, quelqu’un de différent...d’exotique. Concernant cette couleur distinctive, rappelons que les personnes à peau noire ont hérité cette carnation d’une acclimatation de leur corps au climat chaud et ensoleillé de l’équateur. D’après Cheikh Anta Diop (4) : « Une humanité née sous la latitude des Grands Lacs, presque sous l’Équateur, est nécessairement pigmentée, d’après la loi de Gloger qui veut que des animaux à sang chaud soient pigmentés en climat chaud et humide. ». Nous serions donc tous nés noirs à l’origine puisque les premiers hommes seraient apparus en Mésopotamie (5), sous un climat très chaud et très ensoleillé, puis une partie des hommes migrant vers le nord et les climats froids et nuageux aurait donc blanchi. Cette mutation, Cheikh Anta Diop l’attribue à la quantité de mélanine présente dans l’épiderme : La mélanine filtrant les UVs, les organismes à peau foncée supporteraient mieux le soleil, tandis que les cheveux crépus retiendraient mieux l’humidité et les organismes n’en ressentant pas le besoin se dépigmenteraient peu à peu de cette protection.

(4) Cheikh Anta Diop (né le 29 décembre 1923 à Thieytou - mort le 7 février 1986 à Dakar) est un historien, anthropologue et homme politique sénégalais. Il a mis l’accent sur l’apport de l’Afrique et en particulier de l’Afrique noire à la culture et à la civilisation mondiales. Ses thèses restent aujourd’hui contestées, et sont peu reprises dans la communauté scientifique.

(5) La Mésopotamie est une région du MoyenOrient située entre le Tigre et l’Euphrate. Elle correspond pour sa plus grande part à l’Irak actuel. Connue en Histoire sous le nom de Croissant fertile (dû à sa forme) la Mésopotamie serait selon les scientifiques le berceau de la vie humaine dans lequel les plus anciennes traces de vie ont été retrouvées.

Bien que les thèses de Cheick Anta Diop peuvent porter à contestation, récemment, le chercheur américain, Heather Norton (Université de Tucson, Arizona) a confirmé l’hypothèse sur l’évolution de la couleur de la peau et la dépigmentation des noirs vers le blanc selon leur migration, même si ce dernier impute moins cette dépigmentation au climat qu’à l’alimentation des sujets. En effet, en retraçant l’évolution d’un gène lié à la couleur de l’épiderme, le chercheur a établi que la mutation qui a blanchi la peau des populations que nous appellons aujourd’hui européennes se serait produite il y a entre 5 300 et 6 000 ans. C’est-à-dire hier, à l’échelle paléoanthropologique ; et c’est à cette époque que les humains, se sédentarisant, vivaient plus de l’agriculture que de la chasse et manquaient donc cruellement de vitamine D (contenue dans le poisson et la viande) essentielle pour l’absorption du calcium et la minéralisation des os et des dents. Leur organisme aurait 13


Fig.4 Isis-Hathor. Époque saïte, XXVIe dynastie, vers 650-525 avant J.-C. Bronze

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donc régulé et réduit la production de mélanine, leur rendant la peau plus claire, dans le but de mieux produire ladite vitamine sous l’effet du soleil. Cette couleur noire d’origine trouve un écho par ces nombreuses icônes noires, toutes religions confondues. Héritée du plus lointain passé païen en référence à Isis (Fig.4), mère d’Horus et déesse Égyptienne, les peuples d’Europe ont accordé aux Vierges noires une réelle importance. Avant la naissance du Christ, les peuples vénéraient la «déesse-mère», déesse de la terre, celle qui crée et détruit, celle qui donne la vie et la reprend. De tout temps la couleur noire a représenté «La terre» donnant une idée de fécondité, de maternité : aucune terre n’est plus féconde que celle provenant de la décomposition de végétaux, c’est-à-dire une terre d’aspect noir. La couleur noire a donc une double signification, elle représente la terre sous ses deux aspects, l’un triste et destructeur, l’autre bienfaisant et fécondant, montrant le triomphe de la vie sur le néant. Le Christianisme qui se développe rapidement autour de la Méditerranée va se propager en Gaule dès les premiers siècles. Mais le Christianisme est une religion patriarcale. Tout en pratiquant le culte chrétien, les peuples continuent à vénérer les déesses-Mères très présentes dans leur religion. Pour tenter d’harmoniser le christianisme avec les traditions locales, l’Église va introduire le culte de Marie, mais cette introduction d’une Marie mère de Dieu plus classique, plus immaculée, plus chaste va se faire très lentement. Les documents sont rares, il faut donc attendre le Haut Moyen-Âge pour voir évoluer les choses. Au XVème siècle, la Mère du Christ sera représentée pleurant son fils, ce sera la Piéta. Au XIXème siécle la Vierge sert de lien entre les hommes et son fils : apparitions de Lourdes, Fatima, La Salette, c’est une Vierge lumineuse aux vêtements blancs et bleus. Ainsi peu à peu, la couleur noire, par opposition, perd de sa superbe et devient même de mauvaise augure. Scientifiquement, le noir peut renvoyer aux trous noirs et au néant. En optique, le noir absorbe toutes les longueurs d’onde et se caractérise 15


Fig.5 Saint Nicolas et le Père Fouettard, distribuant des prÊsents. Anonyme.

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donc par son absence apparente de couleur, à l’inverse du blanc qui s’obtient en renvoyant toutes les longueurs d’onde qu’il absorbe à parts égales. En Occident, le noir est associé au deuil, à la tristesse et au désespoir, à la peur et à la mort, représenté par les tenues des prêtres et des religieuses, il fait également écho à l’autorité, à l’austérité et à la rigueur. Derrière ce côté sombre, le noir offre également un autre visage, associé à l’élégance et à la simplicité. Peut-être justement car le noir se veut dans un second temps une couleur neutre, qui n’exprime pas à proprement parler de sentiments passionnés. De par notre héritage judéo-chrétien, nous sommes parfois, qu’on le veuille ou non, imbibés d’aprioris ou de préceptes. Notre société laïque évolue encore selon certains d’entre eux : société patriarcale, place de la femme subalterne (aujourd’hui toujours pas l’égale de l’homme en tous points), la culpabilité, le pardon. Les nombreuses valeurs de notre société restent teintées de cet héritage et nous aussi par la même occasion. Ainsi, la couleur noire évoque de sombres pensées : déprime, saleté, mort. Saint Nicolas (Fig.5) en est un exemple, il est un gentil vieillard qui apporte des cadeaux aux enfants sages le six décembre tandis que le Père Fouettard prodigue des châtiments aux garnements. Le vrai nom du Père Fouettard est «Zwarte Piet» en hollandais, qui signifie «le Pierre noir». Pendant que Saint Nicolas distribue traditionnellement une orange et du pain d’épices portant son effigie, le Père Fouettard français, vêtu de noir et porteur d’un grand fagot, parfois le visage barbouillé de suie, l’accompagne, et distribue une trique (une branche de son fagot) aux enfants qui n’ont pas été sages et menace de les frapper, d’où son nom de Père Fouettard. Pour ce qui est du personnage hollandais, c’est la caricature noire par excellence : il est le serviteur de Saint Nicolas, sa peau est noire et non peinte, il est habillé dans un mixe entre bouffon et costume exotique (turban, sarouel, babouches, boucles d’oreille), enfin il fait continuellement des gaffes. Le personnage reprend tous les codes du noir colonisé.

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Fig.6 Représentation de Jésus-Christ selon la doctrine catholique du Cœur sacré de Jésus-Christ. Anonyme.

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Et ces personnages sont utilisés pour éduquer les enfants, leur apprendre la différence entre le bien et le mal, le bon et le mauvais. Si l’enfant fait une mauvaise action, le mauvais monsieur va lui faire de mauvaises choses ; s’il n’est pas sage, l’homme noir va le fouetter. Nous plaçons donc, dès le plus jeune âge, les enfants dans un univers de préjugés et de clichés sous un format calibré pour leur âge. Cette tradition perdure jusqu’à nos jours, sans que rien ne soit fait, sous prétexte de vieille tradition. Ces coûtumes, d’une autre époque, que nous entretenons créent des non-sens, de la confusion. Par exemple, le fait d’apprendre l’Histoire de France aux français de l’immigration pose un problème de cohérence : ces français qui ne descendent pas de «nos ancêtres les gaulois». Aussi, si nous nous en tenons aux origines et au lieu de naissance de Jésus, juif, nazaréen, sémite, palestinien, il est fort probable qu’il n’ait ni ce teint d’albâtre dans lequel il est représenté, ni la couleur des yeux que nous lui faisons porter. Mais Jésus (Fig. 6) est, en effet, représenté de la même façon dans les portraits des foyers africains, blanc de peau, avec une couleur des yeux qui varie du noir au bleu avec des cheveux lisses dont la couleur est, au gré des peintres, noirs, blonds ou roux. Dans tous les cas Jésus est présenté sous le type occidental , caucasien. Connaissant les origines du prophète Jésus, nous comprenons la curiosité qui peut naître du comment et du pourquoi d’un tel portrait. D’après le 4ème des Dix Commandements : «Tu ne te feras pas d’idole, ni rien qui ait la forme de ce qui se trouve au ciel là-haut, sur terre ici-bas ou dans les eaux sous la terre». C’est là que se séparent les protestants des catholiques, car comme les musulmans et les juifs, les protestants prônent la sobriété, la non-représentation de leur dieu. Les catholiques ont conquis le monde et par ticulièrement le tiers-monde actuel, c’est-à-dire les colonies dans lequel ils envoyaient des missionnaires. C’est assez intéressant de voir que, de nos jours, aux Antilles, les croyants (descendant d’esclaves 19


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convertis à la religion du maître) sont aujourd’hui plus fervents que des français métropolitains instigateurs de cette croyance. Dans la Caraïbe, comme dans le reste des régions conquisent par le catholicisme (Afrique centrale, Amérique du sud...), on ne plaisante pas du tout avec la religion. Les antillais ont encore peur de jurer, blasphémer, l’Église reste une institution forte en dépît du relâchement subit en Europe. Il y a aussi ceux qui s’intéressent à la religion d’«à côté» (Islam, Protestantisme) par désolidarisation et rébellion contre l’oppresseur et cette religion imposée. Mais une chose est sûre : la représentation de Jésus Christ a été pensée par des blancs, pour des blancs, mais ils s’en sont aussi servi pour imposer une supériorité par l’image, c’est-à-dire leur ressemblance au Christ leur permettait d’obtenir un pouvoir sur ceux qui ne lui ressemblent pas, et qui par conséquent doivent se considérer comme inférieurs. L’impact d’une telle représentation de Jésus en homme blanc, type caucasien, n’a pas été sans impact sur les populations christianisées, notamment sur les populations noires. Elle a entretenu le mythe de l’homme blanc jusque dans la foi des convertis. Cette représentation erronée de Jésus, n’ayant jamais eue d’explication de la part des églises, ni des missionnaires, a toujours bénéficié d’une forme de consensus comme s’il y avait une volonté de maintenir une telle image dans un but inavoué. Il est certain que le maintien d’une telle image de Jésus ne pouvait qu’entretenir un questionnement chez l’homme noir, croyant. D’abord personne ne connaissant les traits véritables de Jésus, pourquoi persistons-nous à le représenter ? Et si l’église a tenu à le représenter sachant pertinemment l’origine de Jésus, pourquoi persiste-t-elle à le représenter en homme blanc ? Ensuite, cette représentation erronée de Jésus faite par des blancs pour des blancs, n’est-elle pas plutôt l’aveu et la preuve que chaque «race (6)» peut le représenter à son image et à sa couleur ? Le foisonnement de représentation de Jésus, des apôtres et des saints blancs, frappe jusque les esprits les plus innocents. Que se passe-t-il dans l’esprit d’un

(6) Pour la communauté scientifique, le concept de race est, aujourd’hui, invalide pour caractériser les différents sous-groupes de l’espèce humaine

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Fig.7 ÂŤLes brunes sont bellesÂť Agence Aline, pour Pelforth, 1988.

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enfant, quand il n’a pas d’autre perception de Jésus, donc du salut, que le blanc ? Cette représentation, du bien, de la sainteté en blanc n’a-t-elle pas un impact psychologique sur l’enfant noir ? Il grandit avec une telle image du blanc, quelle sera pour lui, la représentation du bien. Et le noir alors ? La domination d’une image est aussi forte que celle d’une pensée qu’elle génère, si la pensée peut se dissiper, l’image est toujours présente. Cette présentation de la couleur noire, comme une couleur du mal qui influence toute la culture et la société occidentale, tire ses origines d’une interprétation erronée que l’Église a faite de la Genèse (premier livre de l’ancien testament): Réduisant un de ses fils à l’esclavage parce qu’il avait vu sa nudité, alors qu’il était ivre, Noé, a créé l’esclavage parmi les hommes : «Noé commença à cultiver la terre et planta de la vigne, il but du vin, s’enivra et se découvrit au milieu de sa tente. Cham, père de Canaan, vit la nudité de son père et il le rapporta dehors à ses deux frères. Alors Sem et Japhet prirent le manteau, le mirent sur leur épaules, marchèrent à reculons et couvrirent la nudité de leur père, comme leur visage était détourné, ils ne virent point la nudité de leur père. Lorsque Noé se réveilla de son vin, il apprit ce que lui avait fait son fils cadet. Et il dit : Maudit soit Canaan ! Qu’il soit l’esclave des esclaves de ses frères ! Que Dieu étende les possessions de Japhet, qu’il habite dans les tentes de Sem et que Canaan soit leur esclave !» (Génèse 9 - 20 à 27) La Genèse, non seulement, rendit l’esclavage licite, mais déclara que les descendants de Cham sont les ancêtres des peuples noirs, soit : Canaan, Cush, Mitsraïm, Puth (Genèse, Chapitre 10, Versets 6-7). Une publicité (Fig.7) faisant référence à un passage du Cantique des Cantiques (appelé aussi Cantique de Salomon) un livre du IVème siècle av.J.-C. où poèmes et chants d’amour sont alternés entre homme et femme (1:5) : «Nigra sum, sed formosa» en français, « Je suis noire, mais je suis belle». 23


Fig.* Modèle noire, portant le tshirt «noire et fière». http://noiretfier.free.fr/splashnofi.html 2010.

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La publicité reprend ainsi cette fameuse phrase et nous montre une femme noire allégorie de la bière. Or, la phrase originale est déjà sujet à controverse puisqu’elle implique un «mais» : malgré, en dépit de sa couleur noire la femme est belle... Or nous n’en doutions pas, la publicité se débarrasse donc du «mais» et signe : «brune is beautiful.» Malgré cela, le message publicitaire compare la minorité des bières brunes dans un monde de bières blondes à la minorité des personnes de couleurs dans le monde des blancs et installe ainsi les noirs comme inférieurs et minoritaires. Par revendication et volonté d’assumer sa couleur, de s’affirmer aux yeux des autres à defaut d’être représenté dans les médias; certains ont créer des tshirts «Noirs et fiers» (Fig.*) reprenant le célèbre «Black and proud» du Godfather of Soul, James Brown. Cette affirmation de soi par sa couleur, Gaston Kelman en parlait déjà dans son livre «Je suis noir et je n’aime pas le manioc » : «[...] Je suis noir et je n’en suis pas fier. Franchement, je ne vois pas pourquoi je le serais. Tout simplement parce que je ne vois pas de raison à ce qu’on crie sa fierté d’être blanc, jaune, rouge ou noir. Je ne vois pas de raison pour qu’on soit fier d’être noir, et pour le Noir, c’est peut-être même plus que cela. Je suis noir et j’en suis fier ; cette affirmation, comme beaucoup d’autres slogans du monde black, nous est venue des USA. James Brown, le talentueux parrain de la soul music, a crié un jour : « Say it loud, I am black and proud ». Il n’y a rien de plus pathétique pour un peuple que d’être obligé de revendiquer le simple droit à l’existence. Quand un peuple est acculé à crier sa fierté, c’est qu’il ne l’a justement pas acquise.» C’est donc une image compliquée dont héritent les personnes noires : pas supposés français de par leur couleur, pas forcément africains non plus. Si nous récapitulons, le premier homme, donc noir, serait apparu dans le croissant fertile, puis une partie de ce premier peuple noir aurait décidé de migrer vers le Nord, actuelle Europe. Là-bas, les nouvelles 25


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conditions de vie les font s’adapter : plus de chasse mais de l’agriculture, moins de soleil donc blanchiment de la peau. Et à partir de ce moment là, il n’y aura plus d’égalité entre l’homme noir et l’homme blanc, à partir de ce moment là tout sera à regagner. Depuis les premiers colons, de Christophe Colomb qui déciment les Caribs des Caraïbes, en passant par le commerce triangulaire, prenant des esclaves dans des villages d’Afrique en échange de «pacotilles» (marchandises sans grande valeur), pour les faire travailler dans les champs de cannes à sucre, puis ramener des épices en Europe. Coloniser l’Afrique, et enrôler les africains sous le drapeau français, mourir pour nous, en leur promettant la nationalité française, et ne jamais honorer cette promesse. Depuis, abolition de l’esclavage, indépendances des colonies africaines, regroupement familial, reconnaissance du statut d’ancien tirailleur sénégalais et restitution de la pension d’ancien combattant. Après tout cela, une nouvelle image estelle possible ? L’homme noir peut-il retrouver son image perdue dans les manipulations occidentales externes ? L’homme noir doit-il créé sa propre image ? La publicité est-elle un allié ou un ennemi ?

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Fig.8 The clones Grace Jones, pour Goude, 1982.

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LA PUBLICITÉ, SIMPLE DIFFUSEUR OU CRÉATEUR D’IMAGES, DE STÉRÉOTYPES ? De nos jours, la publicité s’immisce partout dans notre paysage visuel, tous les espaces exploitables sont utilisés : télévision, affiches, journaux, magazines, textos, cookies sur internet, newsletters, dans le métro, sur les bus, au cinéma, à la radio. Comme dit Patrick Le Lay, ex-PDG de la première chaîne de télévision française, TF1 «Ce que nous vendons à CocaCola c’est du temps de cerveau humain disponible». La ville entière est son support, les yeux du monde la regarde qu’ils le veuillent ou non. Elle est même devenue un art à part entière avec des émissions consacrées comme Culture Pub et La nuit des publivores. La publicité, même si nous pouvons considérer les annonces de combats de gladiateurs (sous forme de fresque durant l’antiquité) comme prémisses du concept publicitaire, est assez récente. Si nous dressons un bref historique de l’avènement de la publicité en France nous trouvons une forme orale de la publicité avec les crieurs dans les rues de Paris qui annonçaient les ordonnances royales. En 1539, François Ier décrète que ces mêmes ordonnances doivent être écrites en français puis accrochées aux murs. À cette époque, le concept même de «publicité» n’existe pas encore, il n’a pas encore pris de sens dans la conscience collective. Ce n’est qu’en 1628 que Théophraste Renaudot applique l’idée de Montaigne de créer un service public «Le Bureau de Rencontres et d’Adresses» chargé de diffuser et de collecter les petites annonces. Puis en 1631, il fonde «la Gazette» bien 29


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qu’il n’y ait toujours pas de publicité dans la presse. Jusqu’en 1745, il n’y a que les tracts et les affiches qui constituent une forme de publicité : presse et annonces ne se mélangent pas car de nombreuses publicités étaient celles de charlatans et la presse qui était porte-parole de l’Ancien Régime puis de la Révolution ne voulait pas mêler les genres. La presse ne s’ouvre au monde de la publicité qu’en 1828 pour faire face à une augmentation de la fiscalité qui compromettait le maintien de ses bénéfices. En 1836, Émile de Girardin, patron de presse, utilise la publicité pour permettre d’abaisser les tarifs d’abonnement et de coût de revient des journaux en augmentant le rendement financier des annonces publicitaires. Cette pratique a marqué l’avènement d’un nouveau système qui perdure encore aujourd’hui. Son utilisation deviendra plus commerciale lorsque des métiers seront créés pour penser la publicité : nous repèrons la première agence en 1840 aux ÉtatsUnis. En 1844 la couleur apparaît sur les grands formats et en 1890 des personnalités comme Henri de Toulouse-Lautrec ou Alphonse Mucha propagent l’art de l’affiche : «l’Affichomanie» s’empare des collectionneurs. Dans les années 1920, la publicité s’installe à la radio, le nouveau média sonore se crée, Radiola, la première station de radio dédiée à la publicité. Pour séduire, les slogans ne sont plus parlés mais chantés sur des airs à la mode. De plus, les premières agences françaises, comme Publicis (1927) s’installent. 1930, des agences américaines arrivent en France et leurs méthodes, moins artistiques que techniques, font débat. Puis en 1968, lorsque la télévision passe à la couleur, les investissements publicitaires de la presse diminuent de plus en plus. En 1990, les premiers mouvements anti-publicité se créent avec les «casseurs de pub» qui dénoncent l’impact de la publicité sur les enfants par son effet de normes, la privatisation de l’espace public au profit des marques et le gaspillage publicitaire. Notons qu’au fil des années la définition de la publicité a changé, en 1694, le terme «publicité» signifie «de 31


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notoriété publique», tandis que de nos jours, la publicité se définit par l’ensemble des moyens de communication destinés à faire connaître un bien, un produit ou un service et à inciter le public à l’acheter. La définition de la publicité moderne prend donc en compte le nouvel aspect commercial de la publicité. La publicité est celle qui s’adresse «au peuple de la cité», elle vise le plus souvent une stratégie d’incitation à la consommation ciblant un public particulier. L’objet consommable peut être matériel (bien, produit) ou immatériel (service, événement). Par contre, dans la législation, la publicité peut être nommée non incitative dans le sens où elle crée une association positive avec une organisation (publicité d’image) sans inciter directement le récepteur à consommer. La publicité se donne pour but premier d’attirer l’attention du client sur le produit ou le service, puis de familiariser le consommateur avec lui afin de faire aller de soi, si elle le peut, l’acte d’achat. Son second but, sera de chercher, éventuellement, à créer un besoin, persuader que le produit répond à ce besoin et parfois convaincre qu’il le fait mieux que d’autres produits (publicité comparative) : la familiarisation est parfois suffisante à cette fin, un produit dont nous avons entendu parler ayant souvent préférence, toutes choses égales par ailleurs, à un autre dont le nom est inconnu. D’après le psychologue américain Walter Dill Scott qui a beaucoup étudié les relations entre publicité et psychologie : «Une publicité efficace doit introduire la pensée d’achat du produit dans l’esprit des consommateurs sans entraîner de pensées interférentes». En effet, beaucoup de psychologues ont été embauchés par les agences publicitaires dans le but de faire du marketing et d’aider les concepteurs à créer et comprendre des profils de consommateurs. Il y a donc un réel lien entre la psychologie et la publicité. Car pour séduire quelqu’un il faut savoir ce qu’il aime, ce qu’il attend de nous. Au début des années 1900, l’individu est encore considéré comme maître de ses émotions, de ses décisions. Nous créons ainsi des publicités qui promeuvent 33


Fig9 Dossier > RĂŠflexes conditionnĂŠs : le chien de Pavlov e-sante.futura-sciences.com

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strictement l’efficacité technique des produits, basée sur les aspects pertinents des produits. Dans les années 1940, les publicitaires comprennent l’importance des désirs et des pulsions profondes du consommateur. Une attention toute particulière est alors apportée aux concepts d’inconscient et de désirs et de nombreuses études sont engagées sur le comportement psychologique du consommateur, notamment avec la réflexologie de Pavlov (7) (Fig.9) et le conditionnement de l’esprit. Les scientifiques étudient les réactions et stimulis qui pourraient être associés à une marque, un produit. Entre 1950 et 1970, les publicitaires se tournent vers la psychologie sociale et l’influence des médias de masse. Ils découvrent que pour optimiser le caractère persuasif des publicités il faut respecter trois étapes : attirer l’attention du consommateur voulu, faciliter la compréhension pour aboutir à l’acceptation de l’argument publicitaire.

(7) On utilise souvent l’expression « chien de Pavlov » pour décrire quelqu’un qui réagit de façon instinctive à une situation, plutôt que d’utiliser son esprit critique. Dans l’expérience de Pavlov, le chien reçoit un entraînement. On teste d’abord séparément l’effet du stimulus porteur de sens, la nourriture, et du stimulus neutre, la cloche, pour voir leurs effets sur l’animal. Une fois les résultats préliminaires obtenus, on associe le stimulus conditionnant au stimulus neutre de manière répétitive. Si le conditionnement réussit – que l’animal met en mémoire le lien entre les deux stimuli – le stimulus neutre seul devient conditionné et entraîne les mêmes effets physiologiques que le stimulus conditionnant. Ce processus de conditionnement est également à l’œuvre dans la dépendance toxicomane.

La sémiologie fait aussi son entrée dans la publicité lorsque Georges Péninou entre à l’agence Publicis, vers 1960. Dès lors, les publicitaires attachent de l’importance à la symbolique de leur message, car ils ont compris le rôle des marques sur le plan identitaire. En 1970, le consommateur rationnel revient sur le devant de la scène, mais dix ans plus tard, la psychologie sociale reprend le dessus par l’implication et la persuasion et s’intéresse autant aux réponses cognitives qu’émotionnelles du consommateur. Il est désormais étudié comme système de traitement de l’information et son comportement analysé. De nombreux nouveaux métiers éclosent pour accompagner les nouveaux concepts comme le marketing, ainsi naissent des «planneurs stratégiques». Grâce aux avancées de la Science et de la Psychologie dans ce domaine, nous voyons s’opérer un glissement de la publicité explicite vers une publicité implicite, où du matériel publicitaire reste en mémoire de manière non consciente. Cette influence non consciente de la publicité sur l’individu est aujourd’hui clairement prouvée dans de nombreux ouvrages (8). La publicité est, depuis la fin

(8) Courbet, D., Borde, A., Intartaglia, J. et Denis, S., 2004, «L’influence non consciente des publicités vues furtivement et aussitôt oubliées : une méthode d’étude socio-cognitive appliquée à Internet».

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de la réclame, entrée dans le symbolisme. Elle vend du rêve : d’où notre déception devant la voiture tant convoitée, où est passé le sentiment de liberté ? de puissance? La publicité est ainsi un objet social qui va mettre en relation l’individu avec ses propres croyances, lui permettant de se situer dans la société : parce que j’apprécie de m’habiller en noir et d’avoir un look sombre, je fais partie des gothiques. Si j’achète une paire de chaussures de sport à Décathlon j’indique que je ne suis strictement intéressée que par la technicité de la chaussure, si j’achète ma paire de chaussures chez Nike, j’indiquerais au contraire que j’aime la mode, car, lorsque que j’achète Nike, j’achète l’image de Nike. Peut-être que j’achète cette paire parce que ma chanteuse préférée les porte aussi dans son dernier clip vidéo. C’est parce que la publicité crée ce compor tement que certains sociologues pensent que la publicité est un très bon témoignage de notre société : « Les historiens et les archéologues découvriront un jour que les annonces de notre époque constituent le reflet quotidien le plus riche et le plus fidèle qu’une société n’ait jamais donné de toutes les gammes de ses activités » (McLuhan, 1964) Mais alors qui de la publicité ou de l’humain génère le cliché ? Est-ce parce que j’aime les belles chaussures de sport que Nike axe ses efforts sur l’esthétique de la basket ou est-ce parce que Nike produit et donc promeut de belles chaussures que j’en ai envie pour faire partie de ce groupe, de suivre la mode ? Comme le suggère Valérie Sacriste : « La publicité est bien porteuse d’informations mais en même temps elle est toujours chargée [...] de connotations, de significations et de représentations. [...] Le récepteur est aussi simultanément émetteur, puisque c’est à partir de son profil et de ses représentations que la communication va se penser. » Elle va même jusqu’à dire que la publicité est le miroir de la société car «Symptôme social en tant qu’elle réfléchit la société, la publicité est aussi un miroir normatif au sens où la société 37


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va, à travers ce reflet, se réfléchir elle-même. Aspirant les représentations, les valeurs, les désirs elle les diffuse ensuite ». Par les images que propose la publicité, l’homme confronte ses opinions à l’image qu’il reçoit. Le fait est que cette première image que la publicité propose n’est pas générée ex nihilo mais un produit humain. L’homme est donc source et cible. Tout comme l’image que nous avons de nous même ou l’image que nous pensons renvoyer aux autres, la publicité n’est pas l’exact reflet de la réalité mais une représentation du monde. Elle nous offre donc une représentation sociale de notre environnement et de ses habitants. Une représentation sociale est donc l’image qu’un individu se fait d’un objet social. Un objet social peut être un phénomène (une maladie), un groupe de personnes (les noirs) ou un objet non physique (l’amour, le travail, l’argent) et bien évidemment une marque. Ces représentations sociales sont des croyances collectivement produites ; les personnes, en communiquant autour de l’objet de représentation, échangent des éléments d’information et concourent ainsi à la mise en commun des opinions qui fonderont en partie la représentation. La publicité usant de nombreux médias s’impose à tout individu, elle crée ainsi beaucoup de représentations des marques et des produits. Mais tout produit n’a pas forcément de représentation sociale, pour cela il faut un lien entre l’objet et l’individu mais aussi une pression sociale forte autour de l’objet. De telle façon que, si l’on est pas informé ou que l’on ne peut émettre aucun avis sur cet objet parce qu’on ne le connaît pas, l’on puisse se sentir marginalisé : qu’est-ce que cette Wii dont tout le monde parle ? Quelle image les gens perçoivent de vous si vous ne connaissez pas la dernière console vidéo interactive ? Parfois, les publicités elles-mêmes se retrouvent objet de conversation, tant elles sont drôles ou bien conçues. La publicité a donc un rôle dans la cohésion sociale, dans le positionnement par rapport à l’autre dans ce même groupe social, elle a une fonction identitaire. De plus, nous créons 39


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de la publicité pour des produits neufs, modernes, la publicité annonce quelque chose de nouveau qui doit se savoir. Si nous ne suivons pas cet élan vers le progrès alors nous prenons le risque de passer pour un ringard. Les représentations sociales se créent selon deux processus : «l’objectivation» et «l’ancrage». Le premier est le processus qui agence les connaissances que nous avons d’un objet d’une représentation : c’est le fait de rendre concret quelque chose qui était abstrait. Puis vient l’ancrage : «c’est ce que nous faisons lorsque nous essayons de comprendre l’internet en utilisant ce que l’on sait du minitel» (Moliner, 2001). L’ancrage consiste à intégrer un nouvel objet dans notre réseau de connaissance en interprétant sa signification d’après les indices que nous donne notre réseau. La publicité et ses arguments technologiques nous font nous adapter : la multiplication des produits contenant des omégas 3 nous font intégrer le fait que c’est meilleur pour notre santé, même sans réellement savoir pourquoi. De plus, la publicité va aider au processus d’objectivation car l’annonceur n’a que très peu de temps pour expliquer l’innovation, il doit donc simplifier le message pour que le spectateur puisse comprendre le caractère innovant du produit. Erving Goffman précisait cela il y a trente ans : « Le travail du publicitaire qui doit mettre en scène la valeur de son produit n’est pas très éloigné de la tâche d’une société qui imprègne ses situations de cérémonial et de signes rituels destinés à faciliter l’orientation mutuelle des participants. Ils ont l’un et l’autre à raconter une histoire au moyen de ressources visuelles limitées qu’offrent les situations sociales». Mais si la publicité est une représentation sociale, quelles sont les représentations qui orientent le publicitaire dans sa création ? La création publicitaire s’effectue grâce à quatre processus : le premier consiste à utiliser ce que le créateur sait pour déduire ce qui devrait fonctionner. Le second processus, est l’analyse du contexte, (c’est-à-dire l’annonceur, le produit, le client, pour quel public) de façon à prendre la meilleure 41


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décision. Le troisième procédé est le style graphique, son propre style, le style à la mode ou celui qui a le plus d’impact sur le spectateur. Dans le dernier processus, le créateur publicitaire va comparer son environnement déjà existant dans le but d’y faire référence (graphismes déjà réalisés). Le créatif doit jongler entre de nombreuses représentations parmi lesquelles celles du spectateur ne sont pas forcément les plus prises en compte. Le créatif a donc un énorme pouvoir sur notre vision du monde car il y participe, il peut ainsi, de façon délibérée ou non, contribuer à la création et à la conservation de stéréotypes. Les stéréotypes sont une façon que l’homme a de se rassurer en classant les choses, les concepts, les objets sur la base de similitudes. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le stéréotype n’apparait pas forcément négatif au premier abord : l’humour anglais, la cuisine française, la chaleur des gens du sud etc. Ce classement que l’homme effectue ne tient pas toujours compte de données objectives car il se base beaucoup sur l’expérience et c’est là que le stéréotype devient dérangeant : il est scientifiquement admis que la tomate est un fruit, mais notre façon de la déguster dans des plats majoritairement salés, nous fait classer la tomate parmi les légumes. L’homme se permet donc de changer le sens de tomate, malgré ce que peut en dire la science (objective), de par ses nombreuses expériences (subjectives) de tomate salée et le fait que cette expérience est partagée par un grand nombre, le réconforte dans son jugement. L’expérience comme base de classement peut rendre le stéréotype dévalorisant : un homme d’origine maghrébine nous a cambriolé, nous nous méfierons plus facilement, voire systématiquement, des hommes lui ressemblant car nous aurons vécu une mauvaise expérience. C’est dans cette situation que se situe le danger : lorsque l’homme assimile plusieurs choses qui n’ont que le lien de son expérience entre elles. Dans le domaine des marques, le système est le même : c’est un produit de beauté ou un produit allégé donc ce n’est pas pour moi qui suis un homme; c‘est une voiture 43


Fig.10 a) publicité Opel Corsa - Octobre 2010 b) Publicité Renault Mégane 3 - Octobre 2011. Une parodie de la publicité Opel Corsa.

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allemande donc elle est très fiable, classe et polluante. Le problème est qu’une fois le classement fait, il est très difficile de le bousculer pour en changer car l’homme n’aime pas modifier ses habitudes. C’est pourtant ce qu’essaient de réaliser certaines campagnes de publicité. C’est le cas de Renault (Fig.10b) qui tente désespérément de prouver que la fiabilité n’est pas seulement l’apanache des voitures allemandes et d’effacer ce stéréotype qui persiste. Pour ce faire, Renault parodie la publicité de l’Opel Corsa (Fig.10b), qui nous présente sa nouvelle voiture entièrement en allemand, puis en signant : « Pas besoin de comprendre l’allemand pour comprendre que cette Opel Corsa est une vraie voiture allemande ». Renault décide donc un an plus tard de moquer l’assurance d’Opel et joue l’humour décomplexé en nous présentant le véhicule en franco-allemand de façon plutôt réussie — « Ich bin in a berline, berline Renault Mégane ». Slogan faisant bien sûr référence à la fameuse phrase prononcée par John F. Kennedy en 1963 après la construction du mur de Berlin : «Ich bin ein berliner». Cette phrase («Je suis berlinois») avait pour but de montrer le soutien des États-Unis aux habitants de l’Allemagne de l’Ouest, et notamment aux Berlinois. Berlin-Ouest était en effet enclavée dans les territoires communistes de la RDA et le mur de Berlin séparait la ville en deux depuis presque deux ans. — Enfin, la marque signe «Renault. La qualité version française». Malheureusement sans pour autant modifier le stéréotype des voitures allemandes ni le comportement des consommateurs et par conséquent les ventes de Renault Mégane non plus (145.221 ventes en 2011). Les marques sont assez nombreuses à essayer de changer leur image, selon le contexte dans lequel elles évoluent : le réchauffement climatique et la nouvelle vague écologique par exemple. Ainsi EDF-GDF, Areva 45


Fig.11 Repositionnement du logo McDonald’s Jim Schindler, 1968 / 2009

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ou encore Total, de gros industriels, se posent en industriels responsables et essayent de transformer leur image. Tout comme McDonald’s qui n’étant pas très populaire au pays de la gastronomie (stéréotype) et considéré comme le représentant de la «Mal’bouffe», a changé son logo de couleur (Fig.11), passant du rouge au ver t, pour induire chez le consommateur une idée de nourriture saine, qui suit les codes du BIO et propose même des salades. Le nouveau logotype vert est accompagné d’une politique de développement durable. Pour lutter contre le réchauffement climatique, l’entreprise s’est équipée de camions moins polluants, utilise de l’électricité d’origine renouvelable, a changé ses packagings pour limiter l’utilisation des énergies fossiles, récupère l’eau de pluie, collecte puis traite ses huiles de friture. McDonald’s se positionne comme une entreprise soucieuse de l’environnement, dans le but d’améliorer son image. En conclusion, McDonald’s a réussi une bonne campagne de repositionnement vers le développement durable qui masque les méfaits de certains produits proposés par la chaîne de fastfood. Ainsi, même si tout le monde n’y adhère pas, chacun connaît la plupart des groupes de stéréotypes, ils sont une valeur sure pour le publicitaire qui est assuré de créer un lien avec le spectateur en sollicitant très peu de ses ressources cognitives. D’après Florence Amalou, dans Le livre noir de la Pub, il existe trois critères majeurs qui vont conduire quelqu’un, bien plus que d’autres, à être victime de stéréotypes : l’âge, le sexe et l’origine éthnique rendent cette personne vulnérable aux stéréotypes avant même qu’elle ne se présente. Pour contrer ces mécanismes humains l’Autorité de Régulation des Professionnels de la Publicité (ARPP) a édité des règles déontologiques de bonne conduite. Selon l’ar ticle 4 des Pratiques Loyales de la Chambre de Commerce Internationale, « La publicité ne doit cautionner aucune forme de discrimination, y compris celle fondée sur la race, l’origine nationale, la religion, le sexe ou l’âge, ni porter en aucune façon atteinte à la dignité humaine ». 47


Fig.12 Publicité pour le nouveau sac Longchamps modèle : Kate moss 2009

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Malgré cela, les clichés persistent : la femme est régulièrement utilisée comme un outil publicitaire, n’ayant aucun argument pour vendre le produit, si ce n’est sa plastique, en agissant comme une hôtesse pour désigner l’objet. Quand les femmes sont utilisées à la place d’un homme, c’est pour montrer la simplicité d’utilisation de l’objet car même une femme peut s’en servir (le cliché de la blonde écervelée ou de la mère de famille obsédée par son ménage, et ses enfants, ce dernier sera utilisé pour vanter une voiture spacieuse). Lorsque nous inversons les rôles et que l’homme use d’un appareil ménager, il nous démontre la simplicité de l’objet que même un homme peut comprendre. Second cas de figure, si l’homme explique comment fonctionne le produit, c’est parce qu’il est le seul à pouvoir le faire, car l’explication est technique (comme dans la publicité pour Dyson, où James Dyson explique son nouveau concept breveté d’aspirateur qui ne perd pas d’aspiration). Pourquoi cette image de la femme persiste-t-elle ? Si l’alibi des créatifs est de dire qu’ils n’ont pas assez de temps d’annonce pour creuser le personnage de la femme ou encore que c’est à prendre au second degré, nous apprenons dans Publicité et Psychologie (2009) d’une source anonyme que « l’image des femmes dans des postures dominée-dominante, de violence explicite ou allusive, ou de sexe, serait l’un des plus efficaces leviers que les publicitaires aient trouvé ». Enfin, simplement les publicitaires ne font que parler au public en utilisant les termes que ce public produit assez facilement à propos de la femme. Chose surprenante les publicités les plus négatives pour l’image de la femme sont celles des marques de luxe (Fig.12), comme Dior, qui ont pourtant un public exclusivement féminin. Ainsi par la publicité, les clichés les plus sexistes sont banalisés, mais la culpabilité revient aussi aux femmes qui ne disent mot. En effet, lorsque tout le monde accepte ces stéréotypes comme une fatalité, voire une réalité, alors c’est l’acceptation : 49


Fig.13 Image extraite du film La Haine, Matthieu Kassovitz Avec: Vincent Cassel, Saïd Taghmaoui et Hubert Koundé, 1995

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les femmes essayent de coller à ce que nous attendons d’elles. Cela s’opère de la même façon pour les personnes âgées, par exemple, qui sont toujours associées à la maladie (cholestérol), à la mort (obsèques), au handicap (le monte escalier, la colle à dentier). Rien de joyeux en somme, alors que les seniors représentent une importante part de marché très mal représentée. La publicité n’utilise pas de vrais personnes âgées pour garder l’esthétisme d’un people, car un people ne fait jamais son âge. Ainsi nous utilisons Robert Hossein pour représenter une marque de prothèses auditives. Mais les grands absents des écrans sont les minorités ethniques : le personnage noir ou arabe commence réellement à faire son apparition dans les années 1980, grâce à Harlem Désir et au mouvement antiraciste « Touche pas à mon pote ». Il est branché et pose pour Prisunic ou Lee Cooper. Dans les années 1990, le jeune de couleur est de plus en plus associé à la banlieue, avec des groupes de rap comme NTM, des films comme La Haine (Fig.13) de Matthieu Kassovitz, un parlé : le verlan. La publicité exagère alors la banlieue et caricature ses habitants. Une étude menée en 2005 par l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) montre que, sur 96000 visuels, (publicités télévisuelles, affichages, presse locale et magazines) seuls 3,1 % mettrait en scène un personnage de type extra-européen (Afrique, Dom-Tom, Méditerranée, Asie). Et sont répartis comme ceci : 17,1% à la télévision, 3% en affichage et seulement 0,6% en presse. L’étude constate notamment que les domaines dans lesquels ces personnes sont représentées sont le monde de la musique, puis du sport et enfin celui de la mode de façon anecdotique. Ce qui, au moins, n’est pas trop défavorable, grâce à l’ascencion sociale de personnalités telles que Zinédine Zidane ou Lilian Thuram ou encore Mc Solaar. Mais les professions qui sont attribuées à ces extra-européens sont toujours très connotées : marabout, épicier et judoka. Les publicitaires les utilisent lorsqu’ils veulent ajouter une touche d’exotisme ou pour faire 51


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l’allégorie avec ses attributs physiques et un produit : la peau noire pour du chocolat (développé dans la partie analytique). Bien que l’ARPP laisse passer ces quelques représentations, ils participent de fait à la «stéréotypisation» de ces minorités sans pour autant être réellement discriminants. L’absence de marketing ethnique en France, pour des questions de principe républicain et de non-communautarisme, conduit à ce que la publicité entretienne des stéréotypes à l’égards des noirs. Erik Vervroegen, directeur de création de TBWA en 2004, déclare à ce propos : « il y a encore aujourd’hui des marques qui refusent la présence de Noirs dans leur publicité ». C’est d’ailleurs ce que nous tenterons d’analyser plus en profondeur en seconde partie du mémoire. En conclusion, l’explication du maintien des stéréotypes réside dans la fréquence répétitive de personnages dans un nombre de rôles limitées comme le marabout africain, le chinois bagarreur, l’italien mafieux. Nous pourrions penser que cela renforce le préjugé et que par conséquent la sous représentation des minorités sous prétexte, en plus, qu’elles soient mineurs se justifie. L’impact négatif serait alors moins fort sur les stéréotypes peu représentés. Or c’est le contraire qui se produit, le cerveau qui ne croise qu’une fois ce stéréotype le perçoit de façon beaucoup plus violente que ceux qu’ils voient régulièrement, car ce stéréotype nous frappe et marque notre esprit par sa rareté. Nous finissons donc par penser que l’événement qui était rare est en fait fréquent. Les publicitaires ont donc définitivement un impact non négligeable sur les stéréotypes et ont une grande influence sur le cerveau humain par le biais des images. Ce sont les points que nous tenterons de vérifier et développer dans la partie analytique.

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Fig.14 La Blanche, Grace Jones, Jean-Paul Goude, Paris, 1983.

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L’UTILISATION DU NOIR POUR SA COULEUR Quand j’étais petite, un homme noir a presque brûlé mon visage avec sa cigarette en sortant rapidement du métro. Ma mère veut savoir qui a fait ça : « C’est l’homme habillé en noir devant ». Étant donné le nombres d’hommes vêtus de noir un matin gris à Paris, ma mère n’a jamais su qui c’était. Car il ne m’est pas venu à l’esprit de le désigner par « le noir», cela aurait simplifié les choses (?).

La couleur est devenue actuellement un sujet de débat qui suscite toutes les élucubrations possibles : à partir d’une couleur, nous définissons une origine, des a priori et s’ensuit un grand cercle vicieux de réflexions et de propositions politiques douteuses. La couleur est donc la première, car la plus visible, des différences. Analysons donc comment nous nous servons de la couleur des personnes noires dans un but publicitaire. Premier exemple, des plus connus, les campagnes pour la marque Benetton. La marque est très connue, par le biais d’Oliviero Toscani (9), pour ses publicités choc de par leur impact trangressif ou précurseur. Effectivement, les pulls multicolores s’effacent devant des visages cosmopolites pour promouvoir le United color. Il n’est même plus la peine de montrer le produit. L’image Benetton se sont des noirs et des blancs, des asiatiques, des arabes et des juifs, des homosexuels, etc. Et tous se tiennent par la main sur un fond coloré. Contrairement à l’Oréal qui propose un produit pour chaque carnation, Benetton joue la carte d’un produit unique qui va 55


Fig.15 Angel and devil, Oliviero Toscani, Benetton,1991.

Fig.16 Fairy Soap, FairyBank, New York, 1860.

Fig.17 Publicité télévisuelle pour Danette, Young & Rubicam, Danone, 2012.

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à tout le monde. Cette publicité (Fig.15) montre bien l’esprit de la marque. Nous pouvons y voir deux enfants enlacés qui regardent le spectateur. L’enfant blanc, aux yeux bleus et aux cheveux blonds, a les cheveux bouclés tel un innocent chérubin ; l’autre enfant, le noir, a les cheveux taillés en cornes de diablotin. Le photographe, nous renvoie à l’héritage judéochrétien qui se base sur la couleur blanche pour exprimer la pureté et sur la couleur noire pour signifier le vice. Nous pouvons d’ailleurs faire un parallèle avec cette vieille publicité américaine pour du savon (Fig.16), où nous retrouvons ces deux personnages: une petite fille blonde interpelle une petite fille noire en lui demandant «Pourquoi ta maman ne te lave-t-elle pas avec Fairy Soap ?» suggérant ainsi la saleté du noir à cause de sa couleur sombre. Et c’est là, que la stratégie Benetton entre en scène : au premier regard (de gauche à droite dans nos pays occidentaux), l’oeil s’offusque, repensant à ce fort impact colonial encore présent, puis nous finissons par atterrir sur le logotype United colors of Benetton. Cette publicité fut faite par Oliviero Toscani qui a rendu Benetton célèbre grâce à des campagnes volontairement choquantes (anorexie, racisme, vrais coeurs) par conséquent, le passant aime ou déteste mais s’en souvient. En 2012, Danette, le dessert sucré, décide de reprendre les codes Benetton: la marque qui, à la base, s’adressait plutôt aux enfants, nous inonde désormais de dizaines de couleurs, illustrant des dizaines de saveurs (spéculos ,  noisettes ,  praline , pistaches , liégeois, crousti-choco  et tant d’autres), le tout présenté en chanson par des dizaines d’acteurs très différents (des métisses couleur caramel, des jumelles rousses, un homme très noir, une indienne, des blonds, un couple, des grands parents, des enfants). À la fin du spot télévisé (Fig.17), arrive le packshot, et ce slogan qui dit : « On est tous Danette » en lettre de couleurs animées. Les couleurs choisies par la marque font, en général, partie des marrons, renvoyant aux saveurs chocolat,  caramel , expresso  mais aussi à la couleur des protagonistes noirs 57


Fig.18 Kinder Chocolat, Gang Advertising, Kinder,2010.

Fig.19 Danette spot tv «On r’met ça ? », Danette,1998.

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vus dans le spot. En effet, tout comme le géant des goûters chocolatés pour enfants Kinder, Danette cible les noirs. La nouveauté chez Kinder c’est que le petit allemand souriant, coupe-au-bol blonde, yeux bleus, a laissé place à une famille monoparentale métissée pour la publicité télévisée (Fig.18). Nous pouvons penser que l’usage d’une famille noire est seulement utilisée pour coller à ce nouveau produit qu’est Kinder Chocolat mais qu’est ce que cela apporterait de plus à une gamme déjà complètement chocolat ? Le desser t Danette lui, est déjà plus coutumier du fait : sentant l’engouement de la France pour son équipe lors de la Coupe du monde 1998, il avait utilisé l’image des bleus pour promouvoir son produit. Cette année-là, la France était derrière ses joueurs, car l’équipe étant très métissée (Zinédine Zidane, Patrick Viera, Thierry Henri, David Trézéguet), tous se sont sentis concernés par un même but : la victoire. Ce nouvel élan d’unité « black-blanc-beur » les publicitaires l’ont vu venir. Nous nous souvenons alors des slogans  : « Tout le monde se lève pour Danette » peu après les premières victoires de la France, puis lorsque les français sont enfin champions du monde, Danette s’offre l’image de Nicolas Anelka et Sylvain Wiltord (Fig.19) qui, devant la télévision, ne peuvent s’empêcher de manger des Danettes se relançant à grands coups de « On r’met ça ? », essayant de reproduire le langage jeune pour séduire les petits supporters : S’il sont cools et sportifs (devant la télé) comme ces joueurs de football, ils leur faut Danette. Le discours 2012 semble donc moins manipulateur envers ce segment de personnes, avec un spot frais, cosmopolite qui invite au partage. Il n’utilise pas de joueurs milliardaires et inaccessibles, mais simplement des gens comme nous : multicolores, « United colors of Danette ». En disant «On est tous Danette» la marque nous dit que ce dessert est comme nous, différent, coloré mais tous le monde l’aime. La coupe du monde 1998 a été un des grands déclencheurs de l’intérêt des publicitaires pour ces français issus de 59


Fig.20 Le logo Uncle Ben’s.

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l’immigration, ces «français issus de l’immigration», ces noirs. Pour la première fois, le noir n’est plus considéré en tant que second rôle faire-valoir, bouffon colonial duquel on peut se moquer, mais comme un client à part entière. Car dans un premier temps, la publicité ne cherche pas à capter l’attention de ces populations jugées trop pauvres pour avoir un pouvoir d’achat et donc à une considération marketing. Depuis la coupe du monde, l’engouement national et l’accroissement de cette population, les grands groupes marketing ont compris que ces minorités ne pouvaient pas être ignorées trop longtemps, car les snober c’est se passer d’une importante part de marché, laissée en jachère par orgueil. Ils se sont donc inspirés des américains et de leur système de quotas, car bien sûr les États- Unis avaient compris bien avant la France que tout le monde achète : le marketing ethnique (10) était né. Danette, a donc usé de la couleur de ses protagonistes pour représenter la diversité de ses saveurs et son ouverture d’esprit par rapport à cette nouvelle société cosmopolite, qui est visiblement bienvenue chez Danette. Suite à cette publicité et après avoir fait quelques recherches, nous constatons que la personne noire est très utilisée dans l’univers de l’agro-alimentaire et ce depuis très longtemps. Déjà durant la période coloniale, les publicitaires se servent de l’image du noir, pour personnifier la saleté pour illustrer l’efficacité d’un savon Fairy Soap, la personnification du chocolat Félix Potin, ou encore du cirage Bamboula. Le noir illustre le produit soit pour sa couleur, soit pour sa provenance. Par exemple, le riz Uncle Ben’s n’est pas noir, contrairement à la boisson chocolatée Banania, mais il provient des régions sud des États-Unis où vit une majorité d’Afro-américains. Le logotype (Fig.20) est donc un vieil homme noir aux cheveux blancs et au sourire apaisant qui respire la convivialité.

(10) « Le marketing ethnique consiste à segmenter le marché en s’appuyant sur l’homogénéité d’une souche ethnique de consommateurs (…) et de leur proposer des produits adaptés à leurs caractéristiques physiques et culturelles. » (B. Cova et O Badot).

Mais si nous regardons l’histoire de la marque, nous nous apercevons que cet homme n’est pas Uncle Ben qui était un homme blanc et déjà décédé au lancement de la marque, mais son majordome, noir donc. Ainsi, tout comme Banania, nous 61


Fig.21 Affiche publicitaire riz Uncle Ben’s, « Le nouveau né Uncle Ben aime qu’on lui tire les oreilles » 1999.

Fig.22 Affiche publicitaire chocolat Félix Potin, « battu et content » Bibliothèque forney, 1922.

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nous retrouvons avec un logotype hérité d’un passé colonial ou raciste, mais qui reste dans notre paysage commercial. Le logotype Uncle Ben’s n’est pas raciste, mais il est fabriqué sur des codes d’un autre temps, Uncle Ben’s a donc essayé plusieurs fois d’améliorer sa communication, et de la nuancer. Une première fois en changeant de personnage (Fig.21) : une petite fille, noire, qui se fait tirer les oreilles afin de représenter leur nouveau sachet avec des oreillettes qui facilite le retrait du riz sans se brûler. Ce changement avait été positif selon un sondage auprès du segment des ménagères qui avaient été attendries par l’enfant. Mais pouvons nous demander pourquoi la petite fille se fait tirer les oreilles, mis à part pour illustrer le sachet, il n’y a aucune raison évidente pour la punir, qui plus est par des mains blanches. Est- ce sa mère ? L’enfant Uncle Ben’s serait donc métisse (alors que son mariage virtuel avec une femme blanche n’est inventé qu’en 2004) ou bien est-ce pour représenter les mains de la ménagère (qui cuisine le riz Uncle Ben’s) auprès de qui la pub a très bien marché ? Sachant que le slogan précise que «Le nouveau né d’Uncle Ben’s aime qu’on lui tire les oreilles». Cette accroche rappelle la publicité pour le chocolat Félix Potin de 1922 (Fig.22), ou le slogan était «battu et content» en rapport aussi avec le produit puisqu’il fallait battre ce chocolat avec une «chocolette». Malgré ses efforts, Uncle Ben’s reste donc toujours dans un humour douteux et peine à s’éloigner de son origine sudiste. La marque a donc renouvelé l’essai sans pourtant s’améliorer en organisant, via l’agence C.super, le mariage de sa mascotte avec une blanche dans Paris. L’image d’une très jeune femme nommée mademoiselle Saveur et de ce vieux monsieur noir, est particulièrement troublante, d’autant plus qu’elle est orchestrée de façon réelle avec des figurants et qu’Uncle Ben avait déjà été marié par les publicitaires, en 1984, mais avec une noire cette fois. 63


Fig.23 Affiche publicitaire Le mariage d’Uncle Ben’s, C.super, pour Uncle Ben’s, 2004.

Fig.24 Los Angeles Fashion, Jean-Paul Goude, les Galleries Lafayettes, 2006.

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Depuis le triomphe des pubs Benetton au même moment, Uncle Ben’s a opté pour le métissage. De plus, tout le long de l’itinéraire du cortège, des affiches Uncle Ben’s parlaient de l’événement et notamment une (Fig.23), où nous voyons la mère d’Uncle Ben’s, robe à fleurs, coiffe de mamie cajun (11), tenant dans ses mains la photo des mariés, en disant fièrement « C’est mon fils ! ».

(11) Un cadien (terme dérivé du mot acadien par aphérèse et palatalisation) ou cajun, est un habitant de l’État de Louisiane.

Malgré tout, les clichés sudistes sont toujours là, et tiennent bon. Aujourd’hui les pubs Uncle Ben’s sont axées sur la convivialité avec plein de gens dynamiques et heureux qui cuisinent rapidement leur riz et «C’est toujours un régal». Uncle Ben’s a donc une image obsolète d’un humour douteux mais sans réel danger et qui fait des efforts pour transformer les origines, inappropriée désormais, de son histoire. L’homme noir a donc une forte capacité de représentation et de substitution à un produit grâce à sa couleur, notamment dans la mode, un milieu où les minorités ethniques et leurs différences sont très appréciées. La mode a ouvert les portes de la visibilité aux minorités bien avant n’importe quel autre domaine. Il y avait des Katoucha bien avant des Obama, peutêtre parce que de façon générale, nous reconnaissons plus facilement la beauté que l’intelligence. Car, dans le sens commun, le premier n’implique pas, à tort, le second. Dans cette publicité (Fig.24) pour les Galeries Lafayette par exemple, nous apercevons le top Naomi Campbell en parfait cliché Californien (Los Angeles Fashion) : la business woman, au téléphone, avec son petit chien et son ordinateur, coquette, en bikini lamé doré, prête à aller se baigner entre deux rendezvous, une femme qui prend soin de sa ligne (régime californien). Mais comme c’est une publicité française avec un thème sur l’Amérique, Jean-Paul Goude fait poser Naomi Campbell sur un énorme hamburger où finalement la couleur du top model suggère le premier steak haché du burger. La personne noire serait utilisée comme un caméléon, pouvant illustrer n’importe quel produit brun aux yeux des publicitaires 65


Fig. 25 Peugeot 3008 HYbrid4, BETC Euro RSCG, Peugeot, 2012.

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du monde occidental. Mais si le noir est souvent utilisé pour sa couleur, il est aussi très apprécié pour créer un contraste avec le blanc, que ce soit avec la personne blanche ou la couleur blanche. Prenons l’exemple de cette annonce pour la nouvelle voiture hybride Peugeot (Fig.25), le mot hybride, dans le jargon automobile, signifiant le mélange de deux énergies dont l’une est l’électricité. Ici, la marque croise l’électricité et le diesel et pour illustrer le produit, nous montre une athlète blanche, blonde, aux yeux clairs qui rayonne d’une lueur interne bleutée et que la caméra filme dans sa course. Jusque là, la musique était électro puis la musique change et prend un rythme plus saccadé (percussions) au moment où un athlète noir (qui rayonne rougebrun, lui) rattrape l’athlète blanche. Une compétition et un jeu s’installe entre les deux protagonistes, qui sautent à travers un brouillard, puis lorsqu’ils en sortent, ils se transforment respectivement en chacun des phares de la nouvelle voiture qui apparaît enfin. Le slogan vient paraphraser l’image en disant « Quand diesel et électricité unissent leurs performances.». Cette campagne utilise l’homme noir pour personnifier le diesel qui est une énergie polluante, non recyclable, dont nous essayons de nous débarrasser car elle coûte de plus en plus cher en raison de sa raréfaction. Tout le contraire de l’électricité cette énergie renouvelable, pure, mais faible aussi, sur qui nous ne pouvons pas encore compter pour alimenter sa voiture, qui a encore besoin du diesel pour faire fonctionner un véhicule. Alors Peugeot nous fait bien entendre que ces deux produits avec des lacunes ont été réunis pour nous, consommateurs, pour le meilleur, pour la performance: d’où les personnages d’athlètes. Peugeot associe ici le silence, la douceur mais aussi la faiblesse de l’énergie électrique à la femme et le rugissement, l’énergie leader à l’homme. Cette annonce semble beaucoup fonctionner sur les codes qui fondent notre société (l’homme supérieur et protecteur envers la femme, et la femme plus pure et plus propre que l’homme de couleur 67


Fig.26 PSP white & black, Sony, 2006.

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noire) et qui restent encore bien présents dans les codes des publicitaires puisqu’ils parlent à l’inconscient collectif. Passons donc à cette publicité (Fig.26) qui utilise ce contraste en excluant ce rapport homme-femme puisque l’annonce ne concerne que deux femmes. En 2011, Sony sort une version exclusive de la PSP (12), la blanche. Effectivement, tant dans le domaine du gros ménager (lave-vaisselle, réfrigérateur, radiateur, lave-linge) le blanc, illustrant l’hygiène, est de rigueur, tant dans l’univers du multimédia (télévision, hi-fi, ordinateur) le noir est leader. C’est pourquoi lorsque les marques sortent un appareil électroménager en blanc, cela est considéré comme un hors-série. C’est donc un événement qu’il faut annoncer; pour ce faire, Sony lance une série d’affiches sur lesquelles nous pouvons voir deux femmes se combattre. L’une est blanche, l’autre est noire et pas de jalousie puisque chacune à son panneau la montrant vainqueur. La PSP blanche combattant la PSP noire, comme dans un jeu vidéo.

(12) Playstation portable.

Le concept est donc plutôt simple: créer une mise en abyme où la PSP est représentée par un de ses personnages de combat. Mais rien n’est jamais simple avec l’utilisation de l’image noire, et bien que deux annonces sur trois proposent une domination noire, la seule affiche où la blanche domine la noire a dû être censurée puis retirée suite à de nombreuses réclamations. Nous voyons ainsi que, même lorsque la publicité tente de créer une image où les personnes sont représentées de façon égale, cela ne suffit pas. Souvent, les concepteurs publicitaires sont montrés du doigt pour avoir créé et entretenu des clichés, mais même lorsque ces mêmes personnes inversent la donne pour mettre tout le monde d’accord, un segment de consommateurs crie au scandale. Il était important par le biais de ces affiches de montrer que l’image des noirs est un sujet sensible qui ne satisfait que très rarement tout le monde. Mais comment se satisfaire d’une image généralisée que d’autres nous imposent non pas d’après une étude marketing 69


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poussée, mais d’après une couleur ? De nombreux noirs se plaignent de cette généralisation des noirs, citons, par exemple, Gaston Kelman (13) dans Je suis noir et je n’aime pas le manioc qui s’indigne et appelle à freiner la victimisation quasi systématique des noirs par les noirs et par les blancs, tout en appelant à casser les clichés: « Un midi, ma fille rentre de l’école. Elle me dit : < Papa, est-ce que je suis noire ? > Je lui dis que oui. Elle me répond en criant que non. Elle est marron clair. ». Ce passage me rappelle également lorsqu’un soir mon petit frère rentrait de l’école et que mes parents lui avait parlé de son ami noir et mon frère qui restait complétement obtu devant la question tentant en vain de savoir de qui il s’agissait parmi ses amis. La réponse était la même : aucun de ses amis n’était noir, sauf un qui était marron mais pas noir. « Humainement, personnellement, la couleur n’existe pas. Politiquement elle existe. » (James Baldwin)

(13) Gaston Kelman, Je suis noir et je n’aime pas le manioc, 2003 Gaston Kelman est un écrivain français né à Douala en 1953. Une polémique s’est créée autour de son livre, certains lui reprochant de trop prôner l’assimilation.

Ainsi l’on peut constater que dès le plus jeune âge la couleur de peau pose un problème, ne serait-ce que par sa définition. Pendant le grand débat autour de la notion d’identité nationale proposée par le gouvernement de Nicolas Sarkozy en 2009, Marie NDiaye, prix goncourt, est interrogée par le Nouvel Obs à ce sujet : « - Vous définissez-vous comme Noire de France, Noire en France, métisse... ou est-ce que ces « définitions » ne vous viennent pas à l’esprit ? -  Aucune définition de ce que je suis censée être ne peut me venir à l’esprit. En revanche, j’entends de plus en plus d’injonctions de se définir (en tant que Noire ou métisse, métisse en France, etc.). Se définir, c’est se réduire, se résumer à des critères, et par le fait entériner ce que d’autres seraient ou ne seraient pas. »

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Fig. 27 Don’t feed the animal, Grace Jones, by Jean-Paul Goude, for Play Boy, 1980.

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L’UTILISATION DU NOIR POUR SON CORPS Avec mon amie d’enfance de façon plutôt simple nous avions déduit que, puisque l’été nous bronzons et que les noirs vivent souvent dans les pays chauds, leur couleur était dû au soleil « comme quand c’est cramé ». Le pacte était fait : dès qu’on en aurait l’occasion nous irions muter au soleil pour valider notre déduction scientifique.

Comme nous l’avons vu précédemment, la couleur est la première distinction physique, le second niveau de distinction est l’apparence physique comme les cheveux, la bouche, le nez. Le noir a été décrit par les européens, via la caricature parfois extrême de son physique. Et souvent, les spécialistes de la condition de l’homme noir, font le rapprochement entre l’image noire et l’image juive (14). Ces deux peuples ont tous les deux été rejetés et décimés (la Traite négrière et l’Holocauste), sans lien direct avec leur comportement, mais indirectement à cause de l’image que les autres se faisaient d’eux. Par exemple, les juifs étaient seuls à pouvoir prêter de l’argent car leur religion n’interdisait pas sa manipulation, contrairement à la religion chrétienne. Les juifs attendaient ainsi sur les bancs devant l’église que la messe soit finie pour proposer leurs services aux paroissiens. D’où l’origine du mot banquier (bancs), d’où, aussi, l’origine d’une haine irrationnelle, qui consiste à détester le messager, la personne qui a prêté et qui reprend, pour ne pas penser que le véritable problème est l’endettement personnel.

(14) dans 28 minutes : «La Société fabriquet-elle ses ennemis ?» avec Pascal Blanchard, spécialiste de l’histoire des colonies, 20h15 sur Arte.

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Fig. 28 Caricature d’un juif H. M. Bateman, 1903.

Fig. 29 Hans Weiss, 1920

Fig.30 Jeux à gratter Astro, La Française des Jeux, 2004.

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De là, découle tous ce que nous connaissons à travers les cours d’histoire, les incitations à la haine et à la ségrégation, par la reconnaissance du faciès juif (Fig.28) : Nez énorme et pointu, les ongles crochus, la barbe, des petits yeux qui reflètent la fourberie, puis les vêtements orientaux, la blouse, la kippa : tout pour inspirer la crainte et la méfiance chez les non-juifs. C’est de cette même façon que l’on va caricaturer le physique noir (Fig.29) : un grand front, une grosse bouche bien rouge, un nez épaté, un sourire carnassier ou benêt, des yeux ronds et écarquillés, des cheveux dressés sur la tête, le tout sur un corps mou et fainéant de l’esclave qui ne veux pas travailler ou musclé et dansant tel un esclave rentable. Ces caricatures datent de la grande période coloniale française, elles devraient donc, vraisemblablement, avoir disparu depuis les années soixante (date des indépendances africaines). Voyons d’abord ce qu’il en est avec cette publicité télévisuelle (Fig.30) pour la Française des Jeux et datée de 2004. La scène commence dans un salon de coiffure africain à l’enseigne faite main, dans un quartier populaire et coloré. La protagoniste noire, une cliente du salon, hésite sur son choix définitif de coiffure, elle n’est pas convaincue par les tresses, la coiffeuse lui suggère d’autres idées qui semblent l’enthousiasmer : elle sort triomphalement avec une coiffure afro exagérée pour l’impact publicitaire. Au même moment, un pot de fleur chute d’une des fenêtres surplombant la boutique. Avec des tresses le projectile aurait sûrement fait du tort à cette cliente mais elle est chanceuse, elle a changé d’avis au dernier moment et elle y gagne. À la fin de la publicité, la signature dit « Les béliers tentez votre chance, grattez Astro ». Nous aurions difficilement pu remplacer ce personnage par une femme blanche ou même asiatique car toute la chute repose sur le rebond des cheveux et très rare sont les femmes nonnoires qui auraient des cheveux aussi crépus. Ainsi même s’il s’en était trouvé une, aurait-ce été du même effet sur le spectateur, en imaginant que d’autant plus rare sont les femmes blanches ou asiatiques qui ont besoin d’aller chez le coiffeur pour se faire des tresses ? Ou encore si la femme 75


Fig.31 Coloreria «Coloré c’est mieux», Coloreria, 2008.

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blanche aux cheveux fins sort de chez le coiffeur, non-africain donc, avec une permanente (qui n’égalera jamais la tenue d’une afro naturelle) cela ne renvoie plus du tout au même univers. Cette publicité est le parfait exemple de l’utilisation du corps noir, pour lui même, dans le but de servir la chute publicitaire ou le produit. Dans le même style, prenons ce spot télévisuel pour une marque de lessive italienne Coloreria (spot diffusé aussi en France) (Fig.31) : la publicité s’ouvre sur une jeune femme qui doit faire sa lessive, quand sournoisement son libidineux et repoussant mari (ces deux termes n’allant pas très bien ensembles) arrive en slip blanc et chaussettes. Le personnage est flasque, sans charisme et poilu ; alors qu’il s’approche d’elle, la femme le plonge dans la machine à laver, s’assied sur le couvercle et lance une lessive. Lorsqu’elle réouvre la machine à laver, il en sort un bel homme noir musclé, dessiné, avec un slip noir beaucoup plus sexy, imberbe, un grand sourire, et qui montre ses biceps triomphalement. La chenille est devenue papillon, le quadragénaire blanc au corps fatigué a laissé place à ce jeune homme au physique appelant les fantasmes exotiques de la ménagère. Cette publicité utilise les clichés habituels avec humour et signe « Coloré c’est mieux. ». La publicité, si elle se joue de nos travers et nous moque régulièrement, comme dans cette publicité pour une voiture à bas prix présentée à de nouveaux riches et où leur réaction est le dégoût face à un prix si dérisoire « On ne va quand même pas dépenser si peu ! » (15) (en moquant les uns, nous faisons acheter les autres), elle est d’autant plus intelligente lorsqu’elle se moque des clichés qu’elle même véhicule.

(15) Publicité télévisuelle pour la Dacia Duster gamme bas prix du groupe Renault

Voici, d’ailleurs un exemple de ces clichés redondants utilisés, ici, au premier degré. La marque Côte d’Or est un chocolat belge.Déposée en 1883, la marque est ainsi nommée en référence à la Côte d’Or, Ghana actuel, où son créateur Charles Neuhaus, sélectionnait ses fèves de cacao. Ainsi, dès le début, la présence africaine est forte autour de ce chocolat, 77


Fig. 32 Chocolat Côte d’or Aphrodisiaque, Côte d’or, 2012.

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d’autant plus que la Belgique est en pleine expansion coloniale au lancement de la marque, alors quoi de plus évident que de prendre pour logotype un éléphant. Un choix visionnaire puisque, malgré tous les rachats de l’entreprise, le logotype est encore présent sur les produits de la marque. L’image de la marque Côte d’Or est celle d’un chocolat qui plait à tous car il est très fortement décliné et propose régulièrement de nouvelles saveurs ; comme lors de sa création où grâce aux colonies cette marque de chocolat était une des rares à proposer toutes ces nouvelles saveurs venues de loin. Il y a donc dans les publicités pour ce chocolat cette notion d’ailleurs, d’aventure, de sensations fortes et d’exotisme. Toutes ces notions sont représentées par des fèves de cacao qui se brisent, des images d’Afrique, mélangées à des inserts d’enlacements charnels, pour ce chocolat exclusivement aphrodisiaque. Le tout soutenu par des battements de coeur qui s’accélèrent pour seule musique, et cette signature qui dit « le vrai pouvoir du chocolat», rappelant ainsi qu’une des particularités naturelles du chocolat, est son caractère aphrodisiaque. Pour bien démontrer cet effet, la publicité Côte d’Or (Fig.32) va crescendo avec au début des montagnes, de la pluie, une main blanche qui caresse les épis de blé d’un champ, une ambiance froide et bleutée comme dans les pays froids du nord. Puis survient l’orage, l’éléphant, les battements du coeur s’accélèrent, la peau blanche se fait recouvrir de poudre de cacao, l’homme noir arrive par métonymie, ses mains, puis son ombre, nous apercevons des étreintes furtives. Quand enfin le rythme des battements s’arrête, la caméra se fixe sur le torse de l’homme noir éclairé du dessus pour faire ressortir sa musculature, et là l’homme contracte ses muscles sur les derniers battements. La marque signe Afrodisiaque, surmonté du logotype à l’éléphant. Cette publicité repose sur des codes, des clichés façonnés par l’histoire de l’arrivée des noirs dans le monde blanc, avec l’esclavage, les colonies, la classification des espèces, des races, les zoos humains exposant aussi bien des animaux exotiques que des hommes. 79


Fig. 33 Détails extrait du triptyque Jardin des délices de Jérôme Bosch, 1503-1504 Musée du Prado. haut : détail de l’enfer. bas : détail du paradis,

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De cette Afrique lointaine narrée de façon fantasmagorique par des personnes servant leur intérêts, de ces hommes différents qui à grands renforts de mesures scientifiques hasardeuses ne sont encore que l’ultime maillon entre homme et animal et qu’on met en scène dans un habitat qu’on l’on a imaginé étant le leur, mais sans avoir étudié la complexité des us et coutumes qui en sont à l’origine. Les occidentaux de l’époque ont créé cette image fantasmée de ces peuples mal connus. Une image qui, comme tout sujet inconnu tend soit vers la curiosité et le désir soit vers la peur et le rejet. Ces deux réactions contraires sont souvent les premières étapes dans l’appréhension de l’inconnu, et ce depuis très longtemps. Citons, par exemple, une des plus célèbres inconnues : l’éventuelle vie après la mort et analysons les deux notions qui en découlent, c’est-à-dire l’enfer et le paradis (Fig33). Ces deux mondes se sont créés sur cette même façon de gérer ce qui nous échappe : la peur ou le désir, et les religions ont profité de ces instincts pour instaurer des règles de conduite. En créant le paradis, cet endroit magique qui appelle à tous les fantasmes, où tout ce que l’on souhaite sera réalisé, où une ultime justice sera faite par la récompense ; la religion donne envie à ses fidèles, elle crée le désir de cet inconnu, en en vantant les mérites dont elle-même ne peut être au courant. Pour contrebalancer et forcer les personnes à vouloir ce paradis et à ne pas rester passives, la religion crée cette opposition qu’est l’Enfer, car « à vaincre sans péril on triomphe sans gloire » (16). Cette réflexion nous montre aussi à quel point l’être humain cherche à classer les éléments de son environnement pour se les approprier et ce, de manière souvent manichéenne. Quelque chose d’inclassable est difficile à concevoir : c’est un peu des deux ou tout et rien à la fois et c’est régulièrement les

(16) Citation de Pierre CORNEILLE, dans le Cid, acte II, scène 2.

notions ambiguës qui posent problèmes dans notre société car ces notions ne sont pas rassurantes, c’est tellement sécurisant de pouvoir définir de façon unilatérale quelque chose. Alors l’être humain classe et stigmatise : le noir antillais par exemple, africain ayant survécu à la traversée atlantique dans 81


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des conditions très difficiles, et débarqué aux Antilles pour travailler durement dans les champs de cannes à sucre, est par conséquent l’élite de son groupe puisqu’il a été choisi en Afrique pour ses capacités physiques mais qu’en plus il a survécu à cette sélection naturelle qu’a été la traversée de l’océan. Beaucoup d’hommes et de femmes ont péri durant ce voyage mais les descendants d’esclaves qui peuplent aujourd’hui les Caraïbes seraient donc les enfants des hommes les plus résistants d’Afrique. Des supputations qui n’ont pas échappé aux concernés, créant ainsi un conflit intercommunautaire de plus (17), entre des antillais qui se targuent d’être une évolution de l’homme africain et des africains qui les rabaissent aux statuts d’esclaves, de vendus dépendants de l’homme blanc pour se nourrir. Les premiers de répliquer qu’en effet, ils ont bien été vendus mais par leur chef de tribu africain contre de la pacotille, et arguant que ces derniers sont encore des sauvages. L’Histoire crée l’image noire d’aujourd’hui : le noir paresseux, le bon sauvage, le noir rieur, le noir musclé en pleine forme (dont nous avons parlés précédemment) et le noir sportif. Nous avions évoqué le sujet avec Danette, avec les quotas limitant la quantité de noirs ou d’arabes dans l’Équipe de France de Football en 2011, actuellement les noirs sont de plus en plus présents et visibles au sein du sport. Que se soit les kenyans qui gagnent toutes les médailles en courses de fond avec Patrick Makau (18) ou les jamaïquains qui se sont installés désormais comme les meilleurs sprinters au monde avec Usain Bolt (19), l’image du noir dans le sport est désormais bien implantée. Tout changement de protagoniste dans le paysage qui nous entoure entraîne le même changement dans le miroir publicitaire.

(17) Antillais et africains le malentendu, ou l’avenir entre les mains des plus jeunes : pour une rencontre des cultures et des peuples. A l’occasion des etats généraux de l’Outre mer, Pape Cissoko, philosophe et conférencier, avait abordé le problème peu évoqué : des rapports entre Africains et Antillais. 30/04/2009

(18) Ce Kenyan de 26 ans a réussi l’exploit de détrôner l’Ethiopien Haile Gebreselassie en devenant le nouveau recordman du monde du marathon en 2011. Le nouveau temps de référence : 2h03’38’’, soit une moyenne vertigineuse de 20,48 km/h.

(19) Cet athlète jamaïcain, spécialiste du sprint, triple champion olympique et quintuple champion du monde, est détenteur de trois records du monde : 100 m (9 s 58), 200 m (19 s 19) et 4 × 100 m (37 s 04).

Ainsi le géant allemand de l’équipement sportif de haut niveau, Puma, a complètement axé sa communication sur cet essor noir : en créant des centres d’entraînement pour l’Équipe de football du Cameroun avec comme représentant Samuel Eto’o et en finançant la CAN (la Coupe d’Afrique des Nations) 83


Fig. 34 Spot télévisé, Love = Football Syrup, 2010 Pour PUMA

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ainsi que sa campagne publicitaire mondiale, en sponsorisant de grands sportifs comme Usain Bolt et toute son équipe jamaïquaine, La marque va même jusqu’à sélectionner, comme égérie de sa ligne féminine et urbaine pour la France, l’actrice sénégalaise Aïssa Maïga. Et en faisant cela, la marque ne s’est pas trompée, elle a beaucoup gagné elle aussi en visibilité et en popularité, utilisant dans ses spots télévisuels un savant mélange d’humour, d’auto-dérision, de stars populaires et de sublimes images sur les valeurs du sport. Comme dans ce spot télévisuel pour la Coupe du monde en Afrique du Sud où Puma, sponsor des équipes, réaffirme les valeurs premières du football : l’amour, la passion qui unie les hommes. La publicité (Fig.34) commence donc par un homme noir qui se peint le visage aux couleurs de l’équipe du Cameroun, l’arrivée de joueurs en autobus, puis des images du football qui peut se jouer partout (sur de la terre battue autant que dans une piscine abandonnée ou sur la plage) que l’on peut jouer pieds nus, en habit traditionnel ou bien sûr en vêtements Puma. Ces images sont chargées d’émotions liées au sport, comme la déception, l’attente, la peur, la tristesse, la joie, la transe de la foule victorieuse...Une campagne qui, pour synthétiser le tout, signe «love = football». Et la marque est très maligne d’avoir fait ça car en encourageant le sportif noir elle semble le porter, lui donner une chance, par rapport aux autres grands sponsors. Rappelons que PUMA et ADIDAS ont été créées par deux frères rivaux. En effet, Les frères Adolf et Rudolf Dassler, étaient propriétaires d’une usine de chaussures près de Nuremberg héritée de leur père, ce dernier produisait des pantoufles de qualité, eux décident de créer des baskets aussi confortables que les pantoufles du paternel. Lorsqu’Hitler arrive au pouvoir, en 1933, les frères rejoignent le parti Nazi, ils fournissent les bottes de la Wehrmacht ainsi que les chaussures de sport des Jeux Olympiques de Berlin de 1936. L’athlète noir américain Jesse Owen remporta d’ailleurs quatre médailles d’or (100m, 200m, 4x100m, saut en longueur) avec les baskets Dassler (Fig.35), pulvérisant notamment trois 85


Fig.35 Jesse Owen sur la 1ère place du podium aux Jeux Olympiques de Berlin. 1936.

Fig.36 Intel Core 2 duo processor, Intel, 2011.

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records du monde (au 100m, 200m et au saut en longueur). Pendant la seconde guerre mondiale, les frères Dassler sont mobilisés et s’éloignent de leur entreprise, laissant la gestion à leurs femmes respectives. Lorsqu’ils en reviennent, les deux femmes sont irréconciliables, les frères Dassler partagent alors l’entreprise en deux. Adolf ou Adi, rajoute le début du nom Dassler à son surnom, et crée la marque Adidas. Rudolf, avec un esprit plus marketing, crée Puma, une marque qui se veut la représentante des hommes forts qui se dépassent, mais aussi un mot qui se dit de la même façon dans toutes les langues. Ainsi nous pouvons penser que les communicants ont conseillé à Puma un retour aux sources, à l’artisan, au concepteur soucieux de la technique et de la performance de ses produits. Or, en revenant aux bases de l’empire Puma cela nous ramène aussi à l’implication assidue des deux frères dans le parti Nazi et cela n’est pas très vendeur. Mieux vaut alors transformer en positif ce passage de l’Histoire Dassler en mettant en valeur l’impertinence de la victoire d’un athlète noir représentant les États-Unis sur les athlètes allemands, le tout sous le regard d’Hitler, au sein de la capitale fasciste. Événement relégué mondialement comme l’échec de la théorie des races supérieures aryennes et jubilatoire pied-de-nez américain. Désormais, Puma c’est l’avancée technologique qui a permis à un homme, autre que blanc, autre qu’aryen, autre qu’allemand, de dépasser une idéologie à laquelle le concepteur de cette avancée lui-même croyait. La technologie au service du sport sans aucune opinion, simplement pour faire gagner le meilleur. Si Puma apprend des erreurs du passé en les rendants positives, Intel, s’est trompé dans cet exercice (Fig.36). En effet, le concepteur du premier microprocesseur, s’est fourvoyé avec cette publicité, format magazine, sur laquelle nous apercevons ces mêmes sportifs vêtus de jaune et vert. L’annonce nous présente un homme blanc, bien habillé, il semble être le patron de l’entreprise dans laquelle la photo est prise ( les box isolants nous orientent vers une agence de télécommunication ou d’informatique). Le patron, donc, 87


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paraît très satisfait et pose avec ses bras croisés, plein de confiance en lui et d’assurance. Six athlètes noirs en position de départ de course donc le corps courbé, face vers le sol, émergent de chaque box autour de l’homme blanc. L’image fait s’interroger de nombreux esprits sur le ton de cette publicité, car elle accumule tant de maladresses dans son message que nous pouvons nous demander ce à quoi les concepteurs pensaient et quelle culture leur a construit cette image. Pourquoi des athlètes noirs et non blancs ? Le slogan peut nous mettre sur la voie : « Décuplez votre performance informatique et maximisez le pouvoir de vos employés ». Le patron est content puisqu’avec Intel les capacités de ses employés atteignent un niveau de compétitivité digne de grands sportifs. Les publicitaires ont pensé a des sportifs noirs pour représenter la performance. C’est cette façon de penser, ce raccourcit hâtif, qui a choqué la plupart des gens. C’est cette image systématique, ce cliché qui, une fois créé, et diffusé devient difficile à changer. Nous avons tous des a prioris sur ce qui nous entoure, mais ils existent seulement à titre personnels et sont fondés sur notre expérience, notre éducation ou encore des anecdotes extérieures. Mais ce qui pose un problème dans cette utilisation du cliché, c’est qu’il soit utilisé dans une publicité. Une publicité sert à annoncer, à promouvoir un produit dans le but de le vendre ou de mettre en avant un produit dans le but d’améliorer son image auprès du consommateur. Les publicités ont donc un grand besoin et, par conséquent, de grands moyens de diffusions. C’est cette surmédiatisation du stéréotype qui est dérangeante, car la catégorie de personnes visée ne peut se défendre, contrôler cette image ou sa diffusion. Ainsi, ce segments de consommateurs subit, malgré lui, ce que quelques personnes ont conçus pour le montrer a des milliers d’autres.

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Fig.37-a Re-civilised yourself, Nivea Produits revitalisants pour la peau, draftFCB pour Beiersdorf, 2011.

Fig.37-b Sin City isn’t an excuse to look like hell.

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Comprenons mieux ce phénomène avec cette publicité Nivea (Fig.37-a). Nous voyons un beau jeune homme, noir, propre sur lui et musclé s’apprêtant à lancer au loin la tête de ce qui semble être un autre homme noir avec une barbe et une coupe afro. Mais grâce au slogan : « Se re-civiliser », les publicitaires nous font comprendre que ce masque est l’ancien visage du beau jeune homme en question, celui qu’il avait avant de connaître la gamme de rasage Nivea : avant de se «re-civiliser». Le problème dans cette annonce c’est la notion de civilisation, de renvoyer une image civilisée. Mais comment justifier un profil civilisé ? À quoi cela ressemble-t-il ? La définition du mot «civilisé» dit : « La civilisation apparaît comme étant le moyen pour les hommes de s’élever au-dessus de la condition animale. » ou encore quelques synonymes : « amélioré, apprivoisé, sociable, évolué, poli ». Ainsi la publicité Nivea insinue que le protagoniste noir a besoin de «se re-civiliser». Ce slogan n’a été utilisé qu’une seule fois dans toute la campagne «look like you give a damn» (faire attention à son apparence), effectivement, sur la publicité pour l’homme blanc (Fig.37-b) le slogan est : «Sin city isn’t an excuse to look like hell» (traduction <Sin City n’est pas une raison pour avoir une mine affreuse>). Il n’y a donc pas de jugement à proprement parler, c’est plus un conseil, nous pouvons vivre dans l’excès mais grâce à Nivea nous pouvons aussi rattraper les dégâts. Rien à voir avec le premier slogan, sur le ton de l’impératif, pour la publicité blanche il n’y a pas de jugement de civilisé ou pas. C’est ce qui a dérangé une partie de l’opinion publique qui a compris le message comme raciste et comme un nouvel appel à la standardisation de la beauté selon les critères blancs. En effet, de nombreuses célébrités noires opèrent des changements physiques pour s’approcher de ce standard, notamment Beyoncé (Fig.38) qui devient de plus en plus blanche et blonde au fur et à mesure des années (retouches Photoshop pour éclaircir sa peau, crèmes éclaircissantes, tissages blond platine et lisse). 91


Fig.38 Photographies de Beyoncé, Grammy Awards, 2010, 2011.

Fig. 39 Rihanna, égérie Nivéa. Nivéa, draftFCB pour Beiersdorf, 2011.

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Mais à l’heure du look négligé-travaillé de Brad Pitt et Johnny Depp, Nivea invite l’homme noir à «se re-civiliser». Comme si un homme noir aux cheveux longs et crépus avec une barbe de trois jours, était un sauvage. La marque est donc accusée de véhiculée et de renforcer le mal aise d’être noir. La marque a du s’excuser publiquement en promettant de ne plus jamais réutiliser cette annonce. C’est donc une opération complètement ratée pour Nivéa qui voulait s’orienter vers les consommateurs noirs avec cette campagne pour homme, ainsi qu’en élisant de Rihanna comme égérie de la marque (Fig.39). Une rumeur voudrait que l’auteur de cette bourde soit lui même noir, mais on n’est jamais seul dans une agence de communication, il y a les clients, les créatifs, les concepteurs ect. Le projet passe donc par de nombreuses mains et personne pour émettre un doute sur ce slogan. En effet, lorsque que l’on s’adresse à un public qui par son histoire avec un passé qui diffère du nôtre, nous nous devons de faire des recherches, de faire une étude marketing, (marketing éthnique dans ce cas là) pour ne pas heurter ce public : un exemple simple, manier avec subtilité la couleur blanche si nous nous adressons à des chinois, pour lesquels la couleur blanche est synonyme de deuil. Un ensemble de choses que Nivea n’a pas, ou pas assez bien approfondi et qui lui vaut de nombreux déboires, comme une baisse de ses ventes chez les personnes de couleurs et un buzz involontaire relayant l’événement malgré les excuses de la marque. L’image noire du corps noir se manipule donc avec précaution : si nous faisons une blague avec un homme blanc et un singe cela passera sans problème et tout le monde en rira ; mais si nous faisons la même chose en remplaçant le blanc par un noir, tout de suite cela renverra l’image du sauvage ou de l’être peu évolué que l’histoire a tant de fois renvoyer. De la même façon que la publicité d’Intel pour un nouveau processeur n’aurait pas engendrée de commentaires négatifs si les sportifs avaient été blancs. Là est toute la difficulté, car la publicité Nivea avait pourtant été pensée par un noir d’après Beierdorf. Mais, la couleur de peau n’implique pas une 93


Fig.40 JS Roundhouse Mids, Jeremy Scott, Adidas, 20 juin 2012.

Fig.41 Peluche My Pet Monster, American Grettings,1986.

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même façon de penser. Certains restent susceptibles à toute allusion d’esclavage même fantasmée, d’autre n’assimilent pas systématiquement leurs corps et leur couleur de peau aux drames de l’histoire et prennent du recul. Par exemple, le designer Jeremy scott a récemment créé une paire de basket pour Adidas avec des chaînes au niveau des chevilles (Fig.40), en s’inspirant d’une peluche monstre (Fig.41), donc enchaînée. La plupart des gens n’y ont vu que l’extravagance de ce créateur à laquelle il nous a habitué par ces précédentes créations et notamment avec des peluches. Mais une grande partie s’est insurgée contre ce qu’elle estime comme une vulgarisation de l’esclavage et une insulte à cet événement historique. De ce fait, Adidas a dû annuler la fabrication et la sortie de la chaussure. Nous ne pouvons donc pas utiliser et disposer du corps noir comme nous disposerions d’un corps blanc.

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Fig.42 Grace, Grace Jones byJean-Paul Goude, New York, 1982.

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L’UTILISATION DU NOIR POUR CE QU’IL REPRÉSENTE Une question qui insupporte de nombreux noirs et posée par de nombreux blancs à chaque personne noire qu’ils rencontrent : « De quelle origine es-tu ? ». En effet, cette question plus ou moins banale, les personnes blanches la pose parce que l’homme noir vient d’ailleurs, comme nous l’avons observé dans le premier chapitre sur la couleur, les occidentaux ont perdus leurs pigments depuis très longtemps ; les personnes a peau foncées viennent donc forcément de pays chauds et ensoleillés, des anciennes colonies, des migrations africaines. L’homme noir n’apprécie donc pas cette question puisqu’elle renvoie au fait que, par sa couleur de peau, on le voit d’une autre façon, selon nos stéréotypes pas toujours fondés : « pourquoi tu ne danses pas sur ta musique» dès qu’il y a une chanson un peu rythmée, par exemple, comme si le rock n’était réservé qu’aux blancs et le coupé décalé qu’aux noirs.

Nous avons précédemment vu comment les publicitaires utilisaient les personnes noires dans les publicités selon leur couleur, puis selon leur physique (leur forme), nous devons désormais faire une synthèse de ces deux éléments pour analyser ce que représentent ces corps noirs. De quelles façons les publicitaires occidentaux utilisent ce corps noir et dans quel contexte le place-t-ils ? Peut-être devons nous commencer par le plus évident : corps noir dans le but de toucher un public noir. Effectivement, comme pour l’alimentation Halal, les agences de communication utilisent une image qui va parler aux personnes 99


Fig.43 Canalsat-Caraibes, Canal+, 2009

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les plus susceptibles d’acheter de la viande Halal : c’est-à-dire des personnes au faciès ressemblant ou suggérant qu’elles sont musulmanes. Ainsi Canalsat opère de la même façon lorsqu’il s’agit de promouvoir leur nouveau bouquet de chaînes via satellite Canalsat Caraïbes. Comme nous le savons, la France possède de nombreux DOM-TOM (20), elle accueille donc de nombreuses personnes originaires de ces DOM-TOM en sa métropole. Ces nouveaux arrivants viennent donc de très loin et le changement est alors brutal lorsqu’ils s’installent en France : changement d’un climat tropical à tempéré, changement de décor, les building remplacent les plages, plus la même musique, plus la même gastronomie. Ainsi, même si ces personnes sont françaises, elles viennent de tellement loin que c’en est très dépaysant.

(20) Les DOM (Départements d’Outre-mer) comprennent : la Guadeloupe (971), la Martinique (972), la Guyane (973), la Réunion (974) et Mayotte (976) et les TOM (Territoires d’Outre-mer) sont les suivants : Saint Pierre et Miquelon (975), Saint Barthélémy (971), Saint Martin (971), Wallis et Futuna(986), Polynésie française (987), Nouvelle Calédonie ((988), ainsi que les Terres australes et antarctiques françaises. Les cinq départements d’Outre-mer sont d’anciennes colonies, restées françaises quasiment sans interruption depuis leur établissement au milieu du XVIIe siècle (XIXe siècle pour Mayotte). La citoyenneté française a été accordée à tous les habitants dès 1848. Le statut de département d’Outre-mer leur a été attribué par la loi du 19 mars 1946 formant l’Union française.

Canalsat a donc crée une chaîne spécialement adaptée à ces domiens qui comprend les chaînes d’information du pays en leur dialecte (le créole pour la plupart d’entre eux), des émissions et des films locaux ainsi que des chaînes de musiques caribéennes. Pour séduire cette cible qui est majoritairement noire et familiale, Canalsat Caraïbes nous propose ce spot télévisuel (Fig.43) dans lequel une petite fille nous raconte les films qu’elle a pu voir sur le bouquet satellite mais avec ses mots d’enfant. Cette publicité émeut tant la petite fille est mignonne mais montre en même temps les programmes proposés. La marque a choisi une petite fille métisse pour cette annonce symbolisant l’union entre la métropole et la caraïbe. Cela permet à la chaîne de parler à tous, de ne pas rester sur le segment noir, mais de suggérer l’ouverture et le partage d’une autre culture grâce à elle. Une ouverture d’esprit nécessaire pour ne pas stigmatiser en synthétisant trop vite des choses : voici deux exemples de publicité qui résument parfaitement les raccourcis hâtifs fait par notre société et relayé par les condensés publicitaires. La chaîne télévisuelle M6 a décidé de lancer un opérateur mobile plutôt axé adolescents, c’est un forfait peu coûteux, 101


Fig.44 M6 Mobile M6 / Orange France, 2011

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sans engagement, qui offre un accès illimité aux réseaux sociaux ainsi qu’à la musique et aux dernières informations. Pour séduire les jeunes il faut une publicité branchée et décalée (Fig.44), c’est ainsi que nous faisons la connaissance d’un stéréotype d’adolescent Florent Germond qui nous explique via une parodie d’émission comment il est devenu célèbre du jour au lendemain. Florent nous raconte qu’un matin le pneu de son vélo est crevé, comme il doit aller en cours, il décide de prendre la trotinette de sa sœur et tweet donc : « Ce matin [pour aller à l’école] c’est trotinette !» c’est de cette simple phrase que part le buzz de la trotinette, tout le monde touve ça drôle, du même coup la trotinette redevient à la mode. S’en suit une accumulation de parodie de jeu télévisuel où le cadeau du gagnant est une trotinette, des développeurs créent des jeux vidéo où l’on peut conduire la dîte trotinette, il y a même un rappeur noir qui en a fait une chanson. Donc grâce à son forfait M6, le jeune est toujours connecté au monde qui l’entoure et le monde le lui rend bien et en fais une star du buzz, car la marque a créée des suites à cette publicité : celle où, grâce à lui, tout le monde aime le rose, celle où tout le monde déteste les bananes ou encore celle où le monde entier tente de faire des plats dans l’eau comme lui. Revenons à ce qui nous concerne : le rappeur noir. M6 l’a reproduit comme nous les voyons aux Etats-Unis : grosses chaînes en or, casquette, survêtement clinquant, derrière lui son harem de groupies à moitié nues et des voitures de luxe. Nous pouvons donc analyser le choix de cette image par l’agence de communication, de la même façon qu’une image efficace pour parler de sport est une image d’un sportif noir, l’image efficace pour un rappeur est aussi celle d’un homme noir. Ce n’est pas un mal en soi car cette publicité se veut volontairement dans la parodie, mais nous pouvons voir que dans une publicité où de nombreux rôles sont à illustrer le noir écope, non pas du présentateur télé, mais de l’intimidant rappeur mysogyne aux lyrics limités : «J’ai ma trotinette bébé ! ». 103


Fig.45 Mamoudou BNP Paribas France, 2011

Fig.46 Malcolm X at Queens Court, Library of Congress, New York World-Telegram & Sun Collection. By Herman Hiller, World Telegram staff photographer, 1964

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Perpétuant ainsi l’image négative du noir qui est contraint et ramené à des rôles plutôt peu falorisants dans la société. Le second exemple est à l’opposé du premier. C’est une publicité (Fig.45) où nous pouvons voir un jeune homme noir nous vanter les mérites du nouveau service de la banque BNP Paribas : La NET Agence. Un ser vice qui propose une banque facile d’utilisation car tout se fait par internet ou téléphone. On peut gérer son compte en dehors des horaires d’ouvertures très restreintes des banques. C’est donc plutôt un service qui cible les personnes actives qui n’ont pas le temps de se déplacer ou sont souvent en déplacement, comme c’est le cas pour le jeune homme retenue par la BNP pour l’annonce. En effet, la banque a décidé d’accentué son image fiable et transparente en filmant de vrais clients et leurs vrais conseillers. Ainsi le jeune homme se nomme Mamoudou, un prénom bien africain qui rappelle que c’est un français originaire des anciennes colonies (Mali, Sénégal). Mais Mamoudou est responsable commercial, donc il a un travail, respectable qui plus est, il parle très bien français sans aucun accent, il est civilisé selon Nivea (rasé, cheveux courts), il porte un costume et à la fin de la pub il mentionne qu’il est content de retrouver sa famille ce qui installe de la sympathie pour le père de famille aimant qu’il est. Mais cerise sur le gâteau est qu’en plus de tout ça il porte les mêmes lunettes que Malcolm X qui est pourtant symbole de l’anti-assimilation, de l’autodétermination, de l’indépendance noire.(Fig.46). Ce dernier qui disait : « L’éducation est le passeport pour le futur, car demain appartient à ceux qui s’y préparent aujourd’hui ». En trente-deux secondes, sous des airs de franchise, c’est tout un symbole que nous vends la BNP qui va jusqu’à remercier de façon nominative Imène et Mamoudou pour leur participation. Car bien sûr la conseillère de Mamoudou n’est autre qu’Imène, son homonyme arabe du parfait exemple d’intégration réussie. BNP essaye ainsi de parler aux français de couleur en utilisant leurs héros, leurs icônes, pour que s’ils se reconnaissent 105


Fig.47 Joker + La Franรงaise des Jeux, 2002

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en Mamoudou ou Imène La NET agence de BNP Paribas est faite pour eux. Ces codes de communication sont les mêmes que lorsque Danette utilise des champions du monde de football pour séduire les jeunes qui les prennent en exemple. Pour certains, Mamoudou est trop intégré, assimilé, pas assez africain, il se serait perdu dans les méandres d’une société blanche qui façonnerait le «bon noir». Comme lorsque mon amie engagée dans la police se plaint d’entendre régulièrement des commentaires désobligeants, au sein de son équipe, la désignant malgré tout : « C’est toujours les mêmes qui foutent la merde ! - Je dois me sentir concernée ? - Mais nan, on parle des autres, toi, c’est pas pareil, t’as choisi la bonne voie». Par réaction à cet engouement de la société pour le «bon immigré» et la distinction sans appel qu’elle fait avec le «mauvais immigré». Ces «bons noirs» sont plutôt rejetées et qualifiées de Bounty, surnom tiré de la marque de barres chocolatées du même nom, à la particularité d’être enrobée de chocolat mais avec un coeur de noix de coco rapée. Ainsi un Bounty est une personne de couleur noire qui veut agir comme les blancs, qui est blanche à l’intérieur. C’est une expression très péjorative car elle affirme que l’invidu a complètement oublié et renié sa culture pour embrasser la culture blanche. Si certains sont jugés trop intégrés, d’autres gardent un pied en Afrique : vêtus d’habits traditionnels, cultivant leur coûtumes, leur accents et leur façon de vivre. Ce sont ceux-là même que le spot télévisuel pour le jeu Joker+ de la Française des Jeux parodie. En effet, l’annonce (Fig.47) nous montre un marabout pulvérisant du désodorisant pour toilettes sur un bulletin de jeux, puis jouant avec des coquillages et des poupées sudafricaines pour amener la chance. Le personnage est vraiment ridicule et ajoute « j’ai étudié très sérieusement», pour essayer d’être crédible. La Société FDJ propose plusieurs vidéos dans lesquelles on nous suggère des moyens pour augmenter sa chance aux jeux. Le but étant de montrer que la seule vraie solution est de jouer à Joker+. 107


(Fig.48) Un Caraïbe et sa famille, tel qu’imaginé par John Gabriel Stedman en 181

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À l’origine le marabout (mot arabe signifiant «celui qui est attaché») d’Afrique du Nord est un sage qui a beaucoup étudié le Coran, une sorte de saint qui vit reclus loin de son village dans le but d’avoir le recul nécessaire pour pouvoir dispenser ses conseils aux villageois. Comme de nombreux religieux, le marabout ne demande pas d’argent pour ses services mais les habitants subviennent à ses besoins. Cette définition ne correspond pas à celle du marabout d’Afrique noire Sub-saharienne, car ce dernier se réfère autant à l’Islam qu’à la religion chrétienne, qu’au vaudou ou l’animisme africain. Le marabout africain est plus un sorcier qu’un sage, il promet magie, sorts, envoûtements, voyance...Ses services sont plus obscurs, de plus ceux que l’on peut croiser en France reçoivent sur rendez-vous et demandent rémunération comme les médiums. Ces personnes n’hésitent pas à en rajouter sur leurs cartes de visite : «Reconnu pour sa grande clairvoyance, efficacité sous 3 jours 100% garantie». La publicité nous propose l’image peu flatteuse d’un homme en retard sur son temps et pas forcément intégré puisqu’il revêt des habits traditionnels et parle avec un fort accent. De plus, c’est un charlatan qui utilise la naïveté des autres pour gagner sa vie et s’il est vraiment convaincu par cette magie vaudou c’est encore pire car cela le fait passer pour un imbécile naïf, quelqu’un sans sens de la réalité des choses et qui croit encore en des choses obscures. Cela marque encore plus son décalage avec la société dans laquelle il évolue. Ainsi les publicitaires ont utilisé des méthodes risibles, occultes, et obsolètes pour mettre en avant l’efficacité de leur ticket de loterie : cela nous coûtera moins cher d’acheter un billet de loterie que de compter sur la magie ou d’autre méthodes à l’efficacité discutable. L’africain en retard sur son temps est malheureusement un cliché qui perdure et ce n’est pas le seul, il en est un autre beaucoup plus insultant qui est l’homme sauvage et même cannibale. Bien qu’il n’y ai aucun rapport scientifique, anthropologique ou éthnologique prouvant l’existence d’un 109


Fig.49 Blancs de poulet, Freetime, Agence Ecom-Univas, 1986

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quelconque cannibalisme en Afrique ou dans les Caraïbes le cliché persiste. Par exemple l’appellation «Caraïbe» vient du nom des ses habitants : les Caraïbes, Karibs ou Caribes (Fig.48) qui vivaient là avant l’arrivée des colons. Quand Christophe Colombs arrive en 1492 dans les Indes Occidentales (actuelles Caraïbes ou West Indies en Anglais) il note dans son journal qu’on lui a rapporté l’existence : « Des hommes avec un seul œil, d’autres ayant des museaux de chien, se nourrissant de chair humaine : sitôt qu’ils en capturaient un ennemi, ils le décapitaient, buvaient son sang et ils lui coupaient la nature ». C’est à partir de là que l’on parle pour la première fois de cannibalisme, l’origine de ce mot vient du fait que les Caribes était un peuple belliqueux qui envahissait régulièrement le peuple de calmes marins qu’étaient les Arawaks. Le mot «Caribe» par lequel le peuple s’autonommait signifiait «brave, hardi» mais pour le pacifique peuple Arawak il revêtait une toute autre connotation, celle du sang et de la mort. C’est cette version Arawak que Christophe Colombs a choisi de conserver, infléchissant ainsi l’image des Caribes au rangs de cruels cannibales. «Caribes» ou «Cariba» subit de nombreuses transformations orthographiques en passant par l’espagnol puis le français, pour devenir «Caniba» et enfin «cannibales». Ainsi, il n’y a donc jamais eu de réelle preuve d’un quelconque cannibalisme de la par t des Caraïbes, juste des propos choisis, déformés, imaginés, transformés. Cette réputation a beaucoup aidé les colons dans l’extermination des Caraïbes car ils avaient l’excuse de rendre la pareille à ce peuple qui terrorisait les Arawaks. Accusant même les Caribes d’avoir exterminé les Arawaks en tuant et mangeant les hommes puis en épousant leurs veuves mais il n’y a aucune preuve qui valide cette hypothèse. Nous subissons donc des clichés vieux de plus de cinq cents ans, que, de plus, sont complètement fictifs et qu’aucune science n’a validé. Analysons cette publicité (Fig.49) par exemple, nous apercevons un homme noir, à la vue de son expression on hésite entre l’effroi et le rire. L’homme roule des yeux énormes dans notre 111


Fig.50 La Baïonnette, Dessin d'Henriot, « - Kamarad ! - Non...moi camarade des Lions, pas des hyènes.», 28 septembre 1916.

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direction, avec un sourire carnassier. Il est torse nu et porte un collier fait d’osselets, il porte les cheveux très longs et rattachés en une touffe au sommet du crâne, ce qui nous l’avons plus tôt, signifie qu’il n’est pas civilisé. Le tout en s’exclamant «À quelle sauce je vais le manger, le blanc !» : une syntaxe qui rappelle le «Y’a bon» de Banania et qui reprend la façon de s’exprimer en français de certains africains des ex-colonies françaises (telles que Sénégal, Mali, Côte d’ivoire). L’individu parle de «manger un blanc» nous pouvons donc penser qu’il mange des hommes blancs souvent puisqu’il ne se sent pas concerné par la barbarie de l’acte cannibale seulement le choix de la sauce l’intéresse. Bien sûr, ce slogan est un jeu de mot, avec le blanc de poulet. Les publicitaires ont d’ailleurs jugé bon d’entouré l’homme de plumes de poulet pour calmer la violence de l’image. C’est donc une publicité pour des nuggets utilisant du «vrai blanc de poulet». Cette publicité aide à faire perdurer et à installer ce cliché qui n’existe que par ce genre d’images et, ce, depuis le début avec Christophe Colomb. Cela pose la question de savoir à partir de quand un cliché devient dangereux, lorsqu’on y prête plus attention? Lorsque tout le monde se permet de l’utiliser sans gêne? Est-ce qu’en rire dédramatise sa portée? Ces questions se posent notamment autour d’une fameuse marque de chocolat en poudre. En effet, la marque Banania utilise comme emblème l’image d’un tirailleur sénégalais. Les tirailleurs sénégalais sont un corps militaire français appartenant à l’armée coloniale et créé en 1857, par le gouverneur du Sénégal, Louis Faidherbe d’après une idée du Commandant Mangin qui prônait une «Force Noire » pour la France. Les tirailleurs sénégalais (Fig.50) sont recrutés dans toute l’Afrique Noire (Sénégal, Côte d’Ivoire, Bénin, Guinée, Mali, Burkina-Faso, Niger et Mauritanie). lorsque la France manque d’hommes et par conséquent ne sont pas forcément sénégalais. Bien sûr, les tirailleurs constituent la première ligne « ne pas 113


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ménager le sang noir pour conserver un peu de blanc » écrira, le Chef de l’Armée Française, le Générale Robert Nivelle. Les pertes côté «sénégalais» sont énormes : sur 15000 hommes envoyés sur le Chemin des Dames, 6000 meurent. Même les allemands critiquent cette politique de chair à canon sénégalaise, comme en témoigne la dépèche de l’agence Wolf le 5 juin 1918 : «Il est vrai que la défense de Reims ne coûte aucune goutte de sang français. Ce sont des nègres que l’on sacrifie. [...] Enivrés par les provisions de vins et d’eau-de-vie de la grande ville, tous les noirs portent le coupe-coupe, le grand couteau de combat. Malheur aux allemands qui tombent entre leurs mains.». Mais l’oppor tunité de devenir français avec une pension d’ancien combattant est alléchante : « Mes frères noirs, en versant le même sang, vous gagnerez les mêmes droits que vos camarades français. » leur promettait Blaise Diagne, député et commissaire de la République en 1918. Cette promesse ne sera pas tenue, après avoir utilisé les tirailleurs pendant la première (1914-1918) puis la seconde guerre mondiale (19391945), ainsi qu’en Indochine (1945-1954) et en Algérie (19541962), la France supprime définitivement les tirailleurs africains en 1960 et cristallise(21) leur pension. Ainsi, le premier pays à avoir créer les droits de l’homme (1789) est aussi le seul qui est allé enrôler, envoyer et utiliser en première ligne de parfaits étrangers en première ligne dans une guerre qui n’était pas la leur, pour préserver ses propres citoyens. La marque Banania utilise donc cette image du tirailleur sénégalais pour la représenter.

(21) «cristallisation» : gel de la dette contractée par l’Empire français et qui échoit à la seule métropole, par blocage de la valeur des points de pension à la valeur atteinte lors de l’accession à l’indépendance des pays, dont les anciens tirailleurs étaient ressortissants. Après presque 50 ans de contentieux, et après la sortie du film Indigènes évoquant le rôle des troupes nord-africaines en Europe en 1943-1945, le Parlement français a finalement voté le 15 novembre 2006 la revalorisation des pensions des soldats des ex-colonies dans le cadre du budget 2007 des anciens combattants. « 84 000 anciens combattants coloniaux de 23 nationalités devraient en bénéficier », s’ils se manifestent.

Banania naît en 1912 lorsque Pierre Lardet découvre, lors d’un voyage au Nicaragua, une boisson faîte de banane, de cacao, de céréales et de sucre. Lorsqu’il rentre en France, il dépose la marque Banania, un 31 août 1914. Pour représenté ses ingrédients coloniaux, la marque décide d’utiliser d’une antillaise mais, dans le contexte de la première guerre mondiale, celle-ci est très vite remplacée par le fameux tirailleur sénégalais (dessiné par Giacomo de Andreis en 1915). Le fondateur axe sa communication sur la guerre et envoie quatorze wagons de 115


Fig.51 Évolution Logos Banania, Banania, Anonymes & Hervé Moran, Sekigushi de 1936 à 1977.

Fig.52 Actuel logo Banania. Nutrial. 2005.

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Banania aux soldats pour leur donner «force et vigueur[...] sous le moindre volume possible». En 1930, Pierre Lardet développe la publicité autour de son produit avec le slogan « Y’a bon Banania ! ». Dans les années 60, la marque fait 30% de part de marché des chocolats en poudre. Elle a même des fans collectionneurs de tout produit dérivé, appelés «bananiaphiles». Malgré son succès auprès des consommateurs, la marque souffre d’une image colonialiste ; les années passant, l‘image du tirailleur sénégalais, grand enfant souriant en toute circonstance, naïf, qui s’exprime mal en français, agace. Banania décide alors d’épurer le logotype (Fig. 51) : d’abord en gardant que la tête et une main au tirailleur, puis en simplifiant ses traits faciaux (bouche rouge et dents énormes, encore plus souriant), en 1957, Hervé Morvan rend le logotype plus abstrait, plus graphique, le sourire disparaît, en 1977, Sekigushi ne conserve qu’un sourire et un regard sur fond jaune, plus de tirailleur sénégalais, les ventes s’effondrent. La marque s’arrête peu à peu au cours des années 80. En 2003, la marque est racheté par Nutrial qui décide de miser sur le capital sympathie de Banania et fait une apparition remarqué au Tour de France (Banania fut sponsor du maillot jaune de 1984 à 1986). Nutrial rajeunit et éclaircit «l’Ami Y’a bon»(Fig.52), c’est à présent un jeune homme à la peau mate non noire, d’une vingtaine d’années, toujours souriant les publicitaires lui ont même ajouté un éclat roux dans ses cheveux marrons. Peut-être la stratégie de Nutrial était de blanchir la peau de la mascotte pour pouvoir continuer à l’utiliser sans avoir de problèmes avec l’ancienne signification de cette mascotte. Car désormais nous ne pouvons plus dire que la mascotte est noire, donc ce n’est pas un tirailleur sénégalais, mais il semble métisse ou de descendance arabe, mais le chapeau du tirailleur est toujours là et de plus maintenant le personnage est torse nu. Mais désormais la marque ne possède que 8% de part de marché derrière Nesquik 31 % et Poulain 26%. Banania a du mal à se débarrasser de son image de véhiculeur de clichés 117


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racistes, de par son slogan réducteur «Y’a bon». Selon la légende, ce slogan proviendrait d’un tirailleur sénégalais blessé au front et embauché dans l’usine de Courbevoie. Goûtant le produit il aurait déclaré « Y’a bon ». Malgré les critiques, Nutrial a essayé de reintégré le slogan lors du rachat de la marque, de nombreuses associations et personalités se sont élévées contre l’utilisation de ce slogan. Comment pouvonsnous encore vouloir utiliser un slogan d’une époque coloniale qui réduit l’image du noir à un homme simplet incapable de parler français, toujours souriant même en temps de guerre comme s’il ne comprenait pas le contexte, un grand enfant à qui un chocolat chaud ferait oublier sa situation? C’est ainsi qu’en 2006, un accord a été trouvé et le slogan à nouveau retiré des produits dérivés de la marque. Le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) a obtenu en 2011 que Banania fasse cesser la vente de produits portant le slogan «Y’a bon». Dans son arrêt, la cour de Versailles a considéré que la société Nutrimaine devra faire disparaître «sous quelque forme et quel que soit le moyen, la fabrication et la commercialisation de toute illustration sur laquelle apparaîtrait» la fameuse phrase. Les associations ont démontré que cette image créée en 1914 participait à la structuration des stéréotypes et des clichés qui ont prospéré dans le contexte colonial français et qui humilient un groupe de personnes en raison de l’origine et était, tout simplement, raciste. Nous pouvons aussi nous demander si une marque peut impunément faire des bénéfices en utilisant l’image dégradante d’un groupe de personnes, sans aucune autorisation de la part de ces dernières sous prétexte que cela plait à une majorité? Car rappelons-nous que lorsque Banania a supprimé une première fois la mascotte de «l’ami Y’a bon», ses ventes ont chuté. Le public français est attaché à cette image du tirailleur à tel point que lorsqu’il n’est plus affiché le consommateur n’achète pas.

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CONCLUSION

Ainsi, pouvons-nous croire que le bon sauvage fait plus vendre que l’homme noir? Est-ce que les consommateurs qui ont été accompagnés depuis l’enfance par la boisson Banania, sont attachés à cette mascotte comme à un ami, un bon souvenir, peu importe ce qu’il représente comme stéréotypes ? Les images qui nous entourent au quotidien ont-elles un impact si fort sur notre comportement, nos goûts, nos choix, notre réflexion? Un homme blanc que nous avons rencontré en Namibie, nous expliquait qu’il avait peur de la paranoïa généralisée envers les arabo-musulmans aux États-Unis. Car lui qui a connu l’Apartheid(22) et a été élevé avec cette propagande antinoirs, que le gouvernement faisait passer pour des terroristes, nous raconte que s’il était seul dans la rue et se retrouvait face à un noir, il voyait sa vie défiler comme si c’était la fin. Il nous confie aussi cette fois où, lorsqu’il vivait en Angola, une magnifique femme noire avait beau lui faire les yeux doux qu’il ne pouvait même pas imaginer ne serait-ce qu’essayer de sortir avec elle. Et de finir cette honnête discussion en s’adressant à mon amie américaine, d’origine éthiopienne, donc noire : « Et le fait que tu parle parfaitement anglais sans accent m’aide beaucoup à oublier ta couleur.»

(22) Apartheid signifie en afrikaans «Vivre à part ». C’est en fait un système ségrégationniste basé sur la politique raciste du Parti national. En 1948, les Afrikaaners, qui ont emporté les élections contre les partis anglophones décident de mettre sur pied ce système qui leur permettra de concentrer le pouvoir, les ressources minières et les richesses du pays. Tous ceux qui n’étaient pas considérés comme «blancs» devenaient des citoyens de seconde catégorie. Ce système est basé sur la prétendue supériorité des blancs par rapport aux autres populations. Il existe une similitude avec la ségrégation des noirs aux Etats-Unis qui a commencé beaucoup plus tôt.

Nous avons donc ici un exemple du pouvoir que les images exercent sur le subconscient de l’être humain. Nous pouvons donc nous demander s’il ne faudrait pas revoir notre façon de représenter les personnes de couleur, dans le but d’intégrer ces personnes à notre société en leur laissant plus de pouvoir concernant leur propre image. 121


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À quand l’utilisation d’un noir, seulement pour lui même et parce qu’il est une part de notre société actuelle, sans accent africain «Y’a bon», sans qu’il soit marabout, rappeur machiste du 95, bon noir éduqué-assimilé ? Carglass ouvre la voie en remplaçant régulièrement son acteur principal, comme il remplace les pare-brises et utilise la personne noire comme un français normal sans relation avec sa couleur, un homme noir, français, sans accent, pas forcément sportif, pas forcément en boubou, pas forcément du 93 : un français quoi. Nous devrions porter plus d’attention à la publicité plutôt que de la subir passivement car nous comprenons bien ici que les messages qu’elle véhicule ne sont pas anodins ou inoffensifs pour notre cerveau, ou pire, le cerveau des enfants qui n’ont pas assez d’expérience pour distinguer le vrai du faux.

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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES PASCAL BLANCHARD INSTINCT NÈGRE ! BLACK LOGO 13 Esclavage : enjeux d’hier à aujourd’hui.

GASTON KELMAN Je suis noir et je n’aime pas le manioc.

Url : http://www.africultures.com/ php/index.php?nav=article&no=4493

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