6 août 2013 Mobilisation de la presse française pour les journalistes Didier François et Édouard Élias disparus en Syrie depuis 2 mois.
LA MONTAGNE MARDI 6 AOUT 2013
France & Monde
41
DOSSIER DOSSIER
PRISE D’OTAGES ■ La France est le pays occidental qui a le plus de ressortissants retenus par des terroristes
Les Français dans le collimateur Dix otages français sont actuellement détenus dans le monde. Action terroriste à part entière, la prise d’otages est devenue un moyen de pression très efficace. Barbara Arsenault
rançois Hollande a réaffirmé récemment la fermeté de la Fran ce face à la prise d’otages. Alors que des preuves de vie des quatre Français enlevés au Niger lui ont été fournies, il n’en a pas dit plus, rappelant que la règle concernant les ota ges était de parler « le moins possible ». Dans un premier temps, la rapidité et la discrétion sont souvent les maîtres mots. Les autorités espè rent ainsi plus d’efficacité auprès des ravisseurs. Mais lorsque les pour parlers n’aboutissent pas et que la situation s’enlise, les proches aspirent à la médiatisation. L’espoir d’une négociation muette est remplacé par une stra tégie de mobilisation na tionale où tout est mis en œuvre pour en faire une pr ior ité constante des autor ités françaises et pour que le dossier des
BIENTÔT 3 ANS Daniel Larribe, Thierry Dol, Pierre Legrand, Marc Féret. Employés d’Areva et Vinci, enlevés à Arlit (Niger) le 16 septembre 2010 par AQMI (Al-Quaïda au Maghreb islamique).
D. Larribe
Th. Dol
2 ANS Rodolfo Cazares. Chef d’orchestre franco-mexicain enlevé par des narco trafiquants le 9 juillet 2011 à Matamoros (Mexique).
P. Legrand
Matamaros
MEXIQUE
NIGER
Arlit
Diéma Rimi
NIGÉRIA S. Lazarevic
otages reste audessus de la pile. Christophe Deloire, di recteur général de Repor ters Sans Frontières, l’ex plique par « la culture du pays ». « En France l’atta chement à la liberté de
F. Collomp
1 AN ET 8 MOIS Serge Lazarevic. En voyage d’affaires pour un projet de cimenterie, son enlèvement, le 24 novembre 2011 à Hombori (Mali) est aussi revendiqué par AQMI. 8 MOIS Gilberto Rodriguez-Leal. Parti en camping-car, il est enlevé le 20 novembre 2012 à Diéma (Mali) par le MUJAO (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest).
l’information passe aussi par le soutien aux otages. Dans certains pays, ces af faires sont traitées de ma nière plus discrète, soit parce que les autor ités préfèrent le faire ainsi, ou bien parce qu’il y a un cli
É. Élias
SYRIE 7 MOIS Francis Collomp. Ingénieur, il est pris en otage le 19 décembre 2012 à Rimi (Nigéria) par Ansaru, un groupuscule islamiste.
mat d’indifférence géné r a l e. » C ’ e s t l e c a s d e s ÉtatsUnis ou du Royau meUni dont la politique est de ne pas négocier avec les preneurs d’otages. La médiatisation est aus si un message envoyé aux
IRAK
2 MOIS Didier François, Édouard Élias. Journaliste et photographe pour Europe 1, ils sont enlevés le 6 juin 2013 au nord de la Syrie. ravisseurs et peut repré senter un soutien pour les familles. Il s’agit aussi de soutenir les victimes, sou ligne Christophe Deloire. « La plupart des anciens otages témoignent qu’à un moment où à un autre, ils
Actuellement, il y a plus de journalistes tués en Syrie que dans n’importe quel autre pays. Les attaques émanent des deux camps : des forces du régime comme de l’opposition.
OTAGES PARCE QUE
JOURNALISTES
« Les enlèvements ont considérablement aug menté », constate l’ONG Press Emblem Campaign. « La prise d’otage est de venue la norme en Syrie à la manière de l’Irak en tre 2003 et 2006. » Selon l’organisation de défense de la liberté de la p re s s e Re p o r t e r s s a n s frontières (RSF), une quin zaine de journalistes étrangers sont portés dis parus ou ont été enlevés en Syrie. Et depuis mars 2011, au moins 24 journalistes et 60 citoyensjournalistes ont été tués alors qu’ils
Deux mois, déjà ! Le 6 juin 2013, Didier François, grand reporter à Europe 1, et Édouard Élias, photo-journaliste, ont été enlevés en Syrie, au Nord d’Alep par des hommes cagoulés. Nous n’avons sur eux qu’une seule information : ils seraient vivants, selon des éléments jugés dignes de foi par les autorités françaises. Quant à leurs ravisseurs, toutes les hypothèses sont ouvertes, nous dit-on : ils pourraient être otages d’une milice de l’opposition syrienne, d’une organisation mafieuse ou, tout aussi bien, secrètement détenus par des forces du régime de Bachar Al-Assad. Les uns ? Ou les autres ? Il ne s’agit pas d’un détail, loin de là. Mais à ce stade, nous savons de façon certaine que Didier et Édouard sont détenus parce qu’ils faisaient leur métier : nous informer sur ce conflit. En Syrie, la chasse aux journalistes est ouverte : 21 reporters internationaux ont été enlevés, 12 ont été tués depuis le début des évènements en mars 2011. Le devoir d’informer, la liberté de la presse et, plus crûment, les droits de l’homme appellent respect et vigilance tout particulièrement dans les zones de conflit. Il appartient aux partisans de Bachar Al-Assad, qui prétend exercer son autorité dans le pays, comme à ses opposants, qui affirment se battre pour la liberté, d’assurer celle de Didier et Édouard. À nous, il revient de nous battre pour eux : la liberté de l’information est notre liberté à tous. Le Comité de soutien à Didier et Édouard présidé par Florence Aubenas, Serge July et Karen Lajon le 6 août 2013
DEUX REPORTERS FRANÇAIS. Depuis le 6 juin 2013, on est sans nouvelles de Didier François et Edouard Elias. PHOTO AFP couvraient le conflit sy rien.
Silence radio
La spécificité de toutes les disparitions de journa listes en Syrie ? Absence totale de revendications ou même de contact… Si
lence radio de la part des ravisseurs après l’enlève ment, on parle même de disparitions « mystères ». Pour la libération des otages ce mutisme est bien sûr une difficulté supplémentaire. ■ Barbara Arsenault
■ La sécurité des journalistes en zone de conflit
Signez la pétition sur :
Otages en Syrie
D. François
Mais la médiatisation n’a pas que des avantages. Une fois les projecteurs éteints, combien de dé pressions, de licencie ments, de divorces ? Ou même de suicides, comme celui du photographe Bri ce Fleutiaux. Après avoir été détenu huit mois en Tchétchénie et avoir vécu les pires atrocités, il n’avait pu reprendre une vie normale. Le cameraman de Fran ce 2, JeanJacques Le Gar rec a lui aussi été otage en 2000 et dresse ce sombre constat. « Quand on est pris en otage, le pire, c’est de ne pas revenir. Mais quand on revient, le pire, c’est le retour. » Florence Aubenas, enle vée en Irak en 2005, relève les dégâts d’une déten tion. « Les nerfs de ceux qui attendent sont mis à vif. Or, il ne faut surtout pas se déchirer. Car c’est l’otage libéré qui, passé l’euphorie de sa sortie, de v ra a s s u m e r c e c l i m a t empoisonné. » ■
Syrie : les journalistes entre deux feux
APPEL À LA LIBÉRATION DE DIDIER ET ÉDOUARD
Avec le soutien de
ont été mis au courant de la mobilisation en France et que ça a été un énorme soutien psychologique. »
Et après ?
Hombori
G. Rodriguez
CENTRE-FRANCE
R. Cazares
M. Féret
MALI
MAURITANIE
Ph. CHAPELLE
ÉTATS-UNIS
@OtagesenSyrie 418016
F
Les 10 otages français dans le monde
En 2002, une Charte sur la sécurité des journalistes en zones de conflit a été élaborée, à l’initiative de Reporters sans frontières. Ce document pose huit principes : l’engagement, le plein gré, l’expérience, la préparation, l’équipement, l’assurance, le soutien psychologique et la protection juridique. S’ils sont respectés par les directions des médias, ils contribuent à limiter et à prévenir les risques encourus par les professionnels qui travaillent dans des conditions périlleuses.
Dans le prolongement de ce travail, fin 2006, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1738 sur la protection des journalistes en zones de conflit. Les autorités françaises et grecques ont soutenu ce projet et convaincu les autres membres du Conseil de sécurité de l’adopter. Ce texte contraint les États membres des Nations unies à protéger les journalistes et à mener des enquêtes lorsqu’ils sont victimes d’un conflit armé.