MEXIQUE HOMMAGE AUX JOURNALISTES ASSASSINÉS ET DISPARUS
international
Un classement mondial secoué par les vagues protestataires
CYBERCENSURE la peine de mort pour les sites Internet Américains ?
En vues
1. première édition du prix
Le prix photographique international Lucas Dolega rend hommage au jeune photoreporter tué le 17 janvier 2011 à Tunis alors qu’il couvrait la « Révolution du Jasmin ». Organisé avec le soutien de Reporters sans frontières et en partenariat avec la Mairie de Paris, ce prix est attribué aux photographes qui exercent leur activité dans des conditions périlleuses. Pour sa première édition, le 18 janvier 2012, le jury a récompensé le photographe espagnol Emilio Morenatti pour son reportage « Displaced in Tunisia ».
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© Emilio Morenatti / AP
photographique lucas dolega
à l’occasion des vingt ans de sa collection « 100 photos pour la liberté de la presse », Reporters sans frontières renouvelle son format d’album. Avec 24 pages consacrées à la photographie d’hier et d’aujourd’hui et un portfolio central rehaussé de nombreux inédits, nos publications se veulent plus percutantes et engagées. Pour cette nouvelle édition, le célèbre photographe britannique Martin Parr nous livre 100 photos sur le thème du tourisme.
3. (presque) à nu pour
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sensibiliser les futurs touristes
© Martin Parr / Magnum Photos
2. nouvelle formule de nos albums photo !
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reporters sans frontières
© Philippe Wojazer/ Reuters
Reporters sans frontières a reconstitué une plage en plein cœur de Paris pour alerter les citoyens sur la situation de la liberté de l’information en Thaïlande, au Vietnam et au Mexique. Dans le quartier des grands magasins, au premier jour des soldes, des militants de l’organisation en maillots de bain n’ont pas hésité à braver l’hiver parisien pour sensibiliser le public. (Lire aussi page 10.)
Tout bouge et tant mieux
ÉDITO
Dominique Gerbaud Président de Reporters sans frontières
Diable, que de remous en ce début d’année 2012 ! Et dire qu’on nous en annonce d’autres ! Tout d’abord, vous recevez un nouveau journal, qu’on appelait jadis le Courrier de Reporters sans frontières, certes moins attendu mais plus gai qu’un bulletin de paye. Ce courrier-là a belle allure. Plus clair, plus lisible, plus illustré, plus interactif, bref, plus agréable à lire. Mais il ne suffit pas d’être beau pour être utile. Il s’agit d’être plus précis, plus complet sur la vie de Reporters sans frontières. Sur ce qui se passe dans et autour de notre organisation. Raconter ce que nous faisons et ce que l’on dit de nous. Libre Cours doit être ce lien indispensable entre l’association et ses adhérents et donateurs. Un lieu d’échange, de propositions aussi. Des remous, nous venons d’en connaître avec le départ de notre secrétaire général Jean-François Julliard qui, après treize ans de bons et loyaux services à Reporters sans frontières, rejoint Greenpeace. Un très grand merci à Jean-François pour ce qu’il a apporté à l’organisation. D’abord comme chercheur, spécialiste de l’Afrique, puis comme coordinateur de la recherche, enfin comme chef de cette belle équipe. Il abattait du travail et le faisait très bien. Bon vent à Jean-François !
« Des remous, nous en connaîtrons en France en cette année électorale.»
Des remous, nous allons en connaître après son départ. Car c’est la première fois, depuis la création de Reporters sans frontières, que le patron viendra très probablement de l’extérieur. On dit souvent que c’est une bonne chose de faire appel à du sang neuf. Mais diriger une organisation aussi importante que Reporters sans frontières, avec sa culture très forte et très particulière – savant mélange d’une entreprise de près de trente salariés et d’une association militante – exige des qualités de management, une capacité à trouver des fonds pour assurer la pérennité et une imagination toujours en alerte pour défendre la liberté d’informer. Ici et maintenant. Dans le monde entier et demain lorsqu’Internet dominera l’information. Des remous, nous en connaîtrons en France en cette année électorale. Pour la première fois dans l’histoire de Reporters sans frontières nous publions un rapport minutieux et sans concession sur la liberté de la presse en France. Et nous mettrons à profit cette campagne électorale pour soumettre aux candidats un Pacte avec six engagements précis pour respecter la liberté de l’information en France. à eux de le signer. Ou de refuser. Leur choix aura un sens et une portée politiques. Même si la situation en France n’a rien de comparable à celle de pays non démocratiques, même si on peut enquêter, dénoncer, publier des caricatures, il devient parfois plus difficile d’exercer le métier de journaliste en toute quiétude. Les relations entre les journalistes et le monde politique sont de plus en plus tendues. Nous sommes passés de la méfiance – naturelle et saine dans une démocratie – à la défiance qui crée un climat malsain.
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Une femme manifeste contre la violence faite aux journalistes. Mexico, 2011.
© Ronaldo Schemidt / AFP Photo
grand angle
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MEXIQUE
L’hommage aux journalistes assassinés et disparus Benoît Hervieu Responsable du bureau Amériques
Au jour anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, Reporters sans frontières a tenu un forum à Mexico avec des proches de journalistes assassinés et disparus. Ce 10 décembre coïncidait avec les cinq ans de l’offensive fédérale contre les cartels, qui a fait 50 000 morts.
Turquie
Grèce
États-Unis
Population : 113,42 millions Fédération de 32 États, incluant le District Fédéral (ville de Mexico)
Mexique Cuba Bélize Guatemala Honduras Salvador Nicaragua
Dom. Rép. Haïti
Prédateurs de la liberté de la presse : les cartels de Sinaloa, du Golfe et de Juárez
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Tunisie
Chypres Liban Territoires Israël Palestiniens
80 journalistes tués depuis 2000, Algérie Libye 14 disparus depuis 2003 149e sur 179 dans le classement mondial de la liberté de Niger la presse
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Égypte
Soudan
Chad
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Costa Rica
© Laura Salas
« Je ne demande pas justice pour mon mari. Je la réclame pour tous ses collègues tués et assassinés dans ce pays. » Prise à la gorge d’émotion mais d’un ton volontaire, Rosa Isela Caballero a longtemps macéré ces mots avant de pouvoir les souffler à la face d’un auditoire. Ce 10 décembre 2011, elle a rejoint le centre de Mexico pour prendre la parole au forum organisé ce jour-là par Reporters sans frontières et son organisation partenaire, le Centre de journalisme et d’éthique publique (CEPET), avec le soutien de
l’Instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme (IEDDH) de l’Union européenne. à ses côtés, épouses et proches de journalistes assassinés ou disparus – comme son mari, José Antonio García Apac, qui n’a plus donné signe de vie depuis novembre 2006 – ont saisi cette tribune pour dénoncer la violence et l’impunité. Venues pour la plupart de l’État du Michoacán comme Rosa Isela, mais aussi de Ciudad Juárez, comme Blanca Martínez, veuve du journaliste Armando Rodríguez Carreón
Forum organisé par Reporters sans frontières à Mexico, le 10 décembre 2011.
assassiné en 2008, ces familles incarnent bien malgré elles toute la mauvaise conscience d’un pays devenu en dix ans le plus dangereux du continent pour la profession et d’un État incapable d’arrêter l’hécatombe. Avec 80 journalistes tués depuis 2000 et 14 autres portés disparus depuis 2003, le Mexique n’a guère à envier aux terres afghanes et pakistanaises leur dangerosité extrême pour tous ceux qui font œuvre d’informer. La situation a évolué encore plus tragiquement depuis la prise de fonctions du président Felipe Calderón, qui cèdera bientôt sa place après les élections fédérales du 1er juillet 2012. à peine investi, le chef de l’État décrète une vaste offensive policière et militaire contre les cartels sur l’ensemble du territoire. Natif du Michoacán comme Rosa Isela Caballero, Felipe Calderón choisit son bastion d’origine pour lancer l’opération. « Une façon de faire oublier les collusions de la classe politique avec le narcotrafic », persifle Jesús Lemus Barajas, lui aussi présent au forum, quelques mois seulement après sa sortie de prison. Cet ancien directeur du quotidien local El Tiempo, en délicatesse directe avec l’homme fort de Mexico alors qu’il était en campagne, a payé de trois ans de prison une fausse accusation de « trafic de drogue » dont il a été relaxé en mai 2011. reporters sans frontières
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Le bilan humain de l’offensive fédérale a atteint les 50 000 morts à ce jour. Ce 10 décembre 2011 à Mexico, sur la place dédiée au célèbre journaliste et constituant Francisco Zarco (1829-1869), le soleil ambiant a un goût de plomb. Le jour anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme coïncide avec cette sinistre commémoration de cinq ans de guerre, où la bataille d’envergure engagée contre le narcotrafic par des autorités bien souvent compromises avec le crime organisé se superpose à la lutte d’influence permanente entre cartels rivaux, de Sinaloa, de Ciudad Juárez, du Golfe ou du Pacifique. La gangrène criminelle n’épargne aucun secteur d’activités, que ce soit par le blanchiment, l’infiltration ou la terreur directe. Une terreur qui n’affecte plus seulement des journalistes locaux trop peu soutenus par leur rédaction, mais aussi ces blogueurs
Marche de journalistes contre la violence. Mexico, 2011.
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« Où sont les dossiers ? Au parquet général de la République ? Dans les juridictions des États ? Nous ne le savons même pas ! » ou usagers des réseaux sociaux qui osent la dénoncer. En 2011, trois internautes l’ont payé de leur vie en plus de cinq journalistes – sur onze au total – assassinés en lien avéré avec leur activité. « Où sont les dossiers ? Au parquet général de la République [PGR, le ministère fédéral] ? Dans les juridictions des États ? Nous ne le savons même pas ! », se révoltent les familles de victimes. à la tribune suivante, représentants de la Commission nationale des droits de
l’homme ou de l’antenne mexicaine du Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU jurent tant bien que mal de leurs efforts pour contrecarrer cette sœur siamoise de l’impunité qui s’appelle la bureaucratie. Une machine administrative pesante et décourageante, dont le protocole dissimule l’impuissance d’un État à contrôler une situation qu’il a luimême contribué à aggraver. Recevant un peu plus tard les familles présentes à l’événement, le procureur spécial fédéral chargé du suivi des atteintes à la liberté d’expression, Gustavo Salas Chávez, table sur la fédéralisation automatique de tous ces crimes, votée le 11 novembre dernier par la Chambre des députés et actuellement en examen au Sénat. Mais le temps passe et l’impunité perdure. Retrouvez notre rapport d'enquête « Crime organisé, main basse sur l'information » sur www.rsf.org
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cinq ans de guerre : 50 000 morts
Le goût amer d’un quinquennat très médiatique Gilles Lordet
France
Coordinateur de la recherche
De six petits points seulement, la France remonte au dernier classement mondial de Reporters sans frontières pour en atteindre… la 38e place. Pas de quoi pavoiser au terme du quinquennat d’un très médiatique président, souvent aux prises avec les journalistes.
Pétition pacte pour la liberté de la presse en france Reporters sans frontières lance le Pacte pour la liberté de la presse en France et demande aux candidats à l’élection présidentielle de s’engager sur six points fondamentaux. Garantir l’indépendance des rédactions, revenir sur la nomination des présidents de l’audiovisuel public, amender la loi de protection des sources font partie des principes fondamentaux que les prétendants à la Présidence doivent impérativement défendre. Parce que la liberté d’informer est essentielle au bon fonctionnement de la démocratie.
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Demandez que la liberté de la presse soit au cœur des programmes des candidats, signez la pétition sur pacte2012.rsf.org
Les poursuites pour « recel de violation du secret de l'instruction » – ou du secret professionnel –, les perquisitions dans les rédactions, les placements en garde à vue ne datent certes pas du début de mandat de Nicolas Sarkozy. Depuis janvier 2006, la France totalise une quinzaine de perquisitions de sièges de médias ou de domicile de journalistes et au moins autant de mises en examen.
de Nicolas Sarkozy, invité du 19/20, le 30 juin 2008. Le président de la République n’y était pas franchement à son avantage. L’ire présidentielle a fait le reste. Le chef de l’État pardonne difficilement aux indociles. Il avait pourtant accédé à la demande de la profession en plaidant pour une loi de protection des sources, adoptée en janvier 2010. Or, aux insuffisances de la nouvelle loi n’a pas tardé à s’ajouter son scandaleux démenti dans les faits.
« Le chef de l’État pardonne difficilement Si celle d’Augustin Scalbert aux indociles. » de Rue89, en avril 2010, dans le cadre d’une plainte déposée par France 3 pour « vol, recel et contrefaçon » a néanmoins pris valeur de symbole, c’est en ce qu’elle résume la relation ô combien ambivalente de l’actuel locataire de l’Élysée avec le monde de la presse. La plainte en question est intervenue après diffusion sur Internet de propos hors antenne
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Le relevé des « fadettes » du journaliste du Monde Gérard Davet, en septembre 2010, obéissait-il à cet « impératif prépondérant d’intérêt public » au moyen duquel la loi en vient à contourner son propre principe ? Certes pas ! Il s’agissait bel et bien de protéger l’entourage présidentiel
éclaboussé par l’affaire Bettencourt. Les menaces de mort adressées, en juillet dernier, à Fabrice Arfi de Mediapart, – en pointe sur le dossier Karachi – auront également révélé une difficulté grandissante pour la profession à enquêter sur les cercles proches du pouvoir. Reporters sans frontières s’est constituée partie civile dans cette affaire. Tout aussi préoccupante est cette reprise en main d’un paysage médiatique largement dominé par des entreprises privées – parfois prestataires de service de l'état – dont la première activité n’est pas l’information et dont les dirigeants sont souvent des intimes du château. La réforme du mode de nomination des patrons de l'audiovisuel public apparaît, quant à elle, comme une régression, en restaurant l’emprise régalienne sur l’audiovisuel public. La campagne présidentielle qui s’annonce ne fera pas l’économie d’un tel débat. 20/10/10 11:53:55
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© Marco Longari / AFP Photo
MONDE MONDE
M o y e n - O r ie n t
Révoltes arabes : les médias, témoins clés et enjeux de pouvoir Soazig Dollet Responsable du bureau Maghreb et Moyen-Orient
Les mouvements de soulèvements démocratiques qui ont agité le monde arabe tout au long de l'année 2011 ont eu des conséquences importantes sur les médias et le travail des professionnels de l'information, qu'ils soient nationaux ou étrangers. De Rabat à Manama en passant par Sanaa et bien sûr Damas, aucun pays n'a Chypres Syrie Tunisie Liban été épargné. Pendant ces révoltes, les Territoires Israël Irak Iran Palestiniens médias ont couvert les mouvements de Jordanie Algérie Libye contestation et leur répression, et souBarheïn Égypte Quatar vent soutenu les mobilisations. Dans la Arabie E.A.U Saoudite plupart des cas, les nouveaux médias Oman Niger comme Facebook et Twitter ont permis Soudan Chad la circulation de l’information, suppléant Erythrée Yémen une presse traditionnelle inféodée aux Somalie pouvoirs en place. Malgré sa couverture Ethiopie à géométrie variable, notamment sur le Bahreïn, Al-Jazeera a joué un rôle important, en relayant les voix de l’opposition. Place au classement mondial de la Quand ils ont pu envoyer des équipes sur liberté de la presse (sur 179 pays) : place, les grands médias internationaux Tunisie 134e, égypte 166e, Libye 154e, ont permis de limiter la répression. D’où Bahreïn 173e, Syrie 176e, Yémen 171e la volonté des autorités de plusieurs pays de les déclarer non grata. Prédateurs tombés : Zine El-Abidine Ben Ali - Tunisie, Les journalistes eux-mêmes ont payé le 14/01/11 un lourd tribut. Avec la mort de Gilles Hosni Moubarak - égypte, le 11/02/11 Mouammar Kadhafi - Libye, le 20/10/11 Jacquier, le 11 janvier dernier en Syrie, le nombre de professionnels des médias et de journalistes-citoyens tués dans l’exercice de leurs fonctions s'élève à dix-sept, Journalistes et cyberdissidents tués parmi lesquels des figures de renom depuis les soulèvements : du photojournalisme et de la presse Tunisie : 1, égypte : 2, Libye : 5, internationale. Les principales victimes Barheïn : 2, Yémen : 2, Syrie : 5 restent toutefois des locaux. Grèce
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Turquie
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Les régimes en place ont tenté d’imposer une censure totale, professionnels de l’information, blogueurs et net-citoyens faisant les frais d’une répression brutale et meurtrière. Chaque pays a développé sa stratégie pour bloquer ou ralentir la circulation de l’information. à l'occasion de l'anniversaire du début des soulèvements, Reporters sans frontières a publié un rapport dressant le bilan de la censure et des violations de la liberté d’informer au cours de six soulèvements populaires (Tunisie, égypte, Libye, Bahreïn, Syrie et Yémen). Si certains prédateurs de la liberté de la presse et ennemis d’Internet sont tombés, d’autres sont toujours en place. Les transitions amorcées n'évoluent pas forcément vers davantage de pluralisme. Par ailleurs, il convient de souligner combien les libertés gagnées sont fragiles et qu’elles peuvent être balayées très facilement. Il est de la responsabilité de chacun de les préserver.
MONDE
C l a s s eme n t
Un classement mondial secoué par les vagues protestataires Gilles Lordet Coordinateur de la recherche
Ce sont bien sûr les Printemps arabes et les mouvements de protestation qu’ils ont pu inspirer dans le reste du monde qui ont marqué l’actualité en 2011 et façonné le classement mondial de la liberté de la presse. et accouche dans la douleur d’un régime démocratique qui ne donne pas encore une place entière à une presse libre et indépendante (lire également page 8).
De la place Tahrir à Wall Street, les journalistes ont été au plus près des événements et ont souvent pris des risques pour informer la communauté internationale. Le contrôle de l’information reste un enjeu vital pour les régimes totalitaires et répressifs. L’année 2011 illustre également le rôle prépondérant joué par les net-citoyens pour la production et la diffusion de l’information. Le traditionnel trio infernal comprenant l’Érythrée, le Turkménistan et la Corée du Nord – dictatures absolues où n’existe aucune liberté publique –, occupe sans surprise la fin du classement. Il est talonné cette année par la Syrie, l’Iran et la Chine, trois pays aspirés dans une folle spirale de terreur ; mais également le Vietnam et le Bélarus, régimes d'oppression par excellence.
Le Bahreïn (173e), exemple d’une politique de censure réussie, le Yémen (171e), qui de l’impasse politique est passé à une situation de chaos social ; l’égypte (166e), pour l’instant incapable d’une vraie transition démocratique, et surtout la Syrie (176e) dont l'aveuglement du régime laisse pantoise la communauté internationale, ont été au devant de la scène. La Tunisie (134e) progresse de trente places
© DR
D’autres pays, comme l’Ouganda (139e), en proie aux colères de l’opposition, ou le Honduras (135e), miné par les séquelles du coup d’État de juin 2009, s’enlisent à force de discriminations et de violences. Le Chili, où le mouvement étudiant cible également une concentration des médias héritée de la dictature de Pinochet, essuie une chute sévère de 47 points (80e). Les états-Unis (47e) perdent 27 points en raison des multiples agressions subies par la presse en marge des cortèges d’Occupy Wall Street.
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© Robyn Beck / AFP Photo
à l’inverse, le Cap-Vert (9e) et la Namibie (20e), modèles de stabilité politique, se hissent à quelques rangs des éternels premiers du classement : les démocraties du nord de l’Europe. Le Niger (29e, +75 places) fait également une progression remarquée en raison d’un processus de démocratisation réussi et d’un engagement réel des dirigeants politiques en faveur de la liberté de la presse.
Erol Önderoglu, correspondant en Turquie
La Turquie chute de 10 places dans le classement de la liberté de la presse 2011-2012 et se retrouve 148e. Le pays compte pourtant une presse plurielle et vigoureuse… Comment l’expliquer ? » La place de la Turquie dans ce classement témoigne d’un vrai malaise quant à la transition démocratique de ce pays. Le gouvernement impose son autorité par une politique extrêmement répressive. Aux abus de la police s’ajoute l’arbitraire des magistrats. L’incarcération massive et sans motif de journalistes critiques explique pour bonne part cette dégradation. Mais aussi l’application d’un arsenal législatif qui s’est encore durci entre 2005 et 2007. Enfin, l’autocensure s’est renforcée sur l’information financière et les sujets religieux. Quel est l'impact du classement en Turquie ? » De nombreux journalistes le reprennent dans leurs articles et s’en servent comme d’un miroir brandi à la face du gouvernement, pour souligner la gravité de la situation. Quels sont les principaux défis à relever dans le pays pour que la situation de la liberté de la presse s'améliore ? » Des réformes législatives sont indispensables, de même qu’un changement radical dans l’attitude de la justice à l’égard de la presse. Mais ces avancées ne pourront voir le jour que dans un climat d’apaisement entre les principaux partis politiques pour résoudre les problèmes majeurs, tels que la question kurde. Les associations nationales de journalistes devront impérativement être consultées. Propos recueillis par : Johann Bihr Responsable du bureau Europe et Asie Centrale reporters sans frontières
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Dans l’actu
campagne
« L’objectif de cette campagne est de sensibiliser les vacanciers avant leur départ au soleil. Nous n’appelons pas au boycott de ces destinations, mais nous voulons que les voyageurs connaissent aussi l’envers du décor. Nous avons choisi trois pays qui sont à la fois des destinations paradisiaques pour les vacances et des enfers pour les journalistes : le Mexique, le Vietnam et la Thaïlande », a expliqué Alexandre Jalbert, directeur de la communication de Reporters sans frontières.
www.censorship-paradise.com
* Merde à la démocratie. Partez en vacances en Thaïlande. Lorsque vous pensez à la Thaïlande, vous rêvez de vacances. Mais derrière les plages magnifiques se cache un système corrompu qui viole la liberté d’expression. Les journalistes et les blogueurs risquent 20 ans de prison pour vous informer. La Thaïlande a chuté à la 153e position du classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières. Ne tournez pas le dos à la censure. Découvrez l’envers du décor de vos prochaines vacances sur www.rsf.org campagne_horizontal_FR.indd 1
« Derrière les palmiers, les plages ou les temples se cache parfois une répression dure à l’égard des journalistes et des blogueurs. Nous prônons un tourisme responsable. C’est votre plus grand droit de choisir votre destination de vacances. Mais c’est notre devoir de vous dire où vous mettez les pieds. » Au Mexique, 80 journalistes ont été tués en dix ans. Enquêter sur le narcotrafic est devenu une activité à haut risque. L’impunité qui caractérise ces crimes permet
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Lancée en octobre 2011, une campagne de communication inédite sensibilise les vacanciers à la liberté de l’information en Thaïlande, au Vietnam et au Mexique.
Fuck democracy. Book a vacation in Thailand.*
© JS Callahan / Tropicalpix
Reporters sans frontières informe les touristes
25/10/11 09:31
aux assassins de continuer leur besogne. Au Vietnam et en Thaïlande, les sujets tabous sont nombreux. Critiquer les dirigeants, dénoncer la corruption qui règne dans les plus hautes sphères du pouvoir peut vous conduire derrière les barreaux pour 15 à 20 ans.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur www.censorship-paradise.com
soirée
Prix Reporters sans Frontières-Le Monde pour deux symboles de courage
Les dessins d’Ali Ferzat pointent du doigt les dérives d’un pouvoir aux abois et encouragent les Syriens à revendiquer leur droit à s’exprimer librement. Il a été consacré « Journaliste de l’année 2011» 10
reporters sans frontières
pour la qualité de son travail et son engagement pour la défense de la liberté de la presse. Le Weekly Eleven News s’est toujours dressé face à la junte militaire au pouvoir en Birmanie. L’hebdomadaire a fait preuve d’une ingéniosité extraordinaire pour passer à travers les mailles du filet de la censure et informer la population birmane. Il s’est vu décerner le prix du média.
© Jean Larive
Reporters sans frontières et Le Monde, avec le soutien de TV5MONDE, ont décerné le prix 2011 à deux symboles de courage, le dessinateur de presse syrien Ali Ferzat et le média birman Weekly Eleven News. La 20e cérémonie du prix de la liberté de la presse s’est tenue à l’auditorium du Monde, à Paris, le 7 décembre 2011.
l'AGENDA 13-17 février 2012 Mission du bureau Afrique au Sénégal dans le cadre de l'élection présidentielle 12 mars 2012
. Journée mondiale contre la cybercensure . Cérémonie du prix
Reporters sans frontières du Net-citoyen 30 mars 2012 Signature du Pacte 2012 pour la liberté de la presse en France 3 Mai 2012
. Journée internationale de la liberté de la presse . Sortie du nouvel album "100 photos de Martin Parr pour la liberté de la presse"
assistance
Reporters sans frontières aide des journalistes pakistanais à se former
Aux états-Unis, « la peine de mort... pour les sites Internet » ?
internet
Lucie Morillon Responsable du bureau Internet et Nouveaux Médias La formule de l’universitaire américain Mark Lemley cible à juste titre deux propositions de loi fédérales remettant en cause la nature même d’Internet. Ces textes, voulus par les lobbies d’Hollywood, institutionnaliseraient la censure du Web au nom de la protection du droit d’auteur. Le Protect IP Act (PIPA), introduit au Sénat, consacre le filtrage et le blocage de sites portant atteinte à la propriété intellectuelle. Son équivalent à la Chambre, le Stop Online Piracy Act (SOPA) va plus loin. Il permet aux ayants droit d’exiger le retrait d’un contenu en ligne sans passer par un juge. Les sites présumés complices de violation du droit d’auteur disparaîtraient des moteurs de recherche et verraient leurs moyens de paiement en ligne bloqués, causant leur asphyxie financière. Les outils de contournement
de la censure, pourtant soutenus par le Département d’état à hauteur de dizaines de millions de dollars, seraient criminalisés, privant de protection les cyberdissidents de certains pays. Supporters et détracteurs de SOPA et PIPA se livrent une véritable bataille rangée. Hollywood et l’industrie du divertissement d’un côté, contre la Silicon Valley, des ONG – dont Reporters sans frontières – et des « pères d’Internet » de l’autre. SOPA et PIPA placent les intérêts des ayants droit avant l’exigence universelle de la liberté d’information. Si le soutien à ces projets semble s’éroder au Congrès, la vigilance reste de mise. Ces deux textes discréditeraient les prises de position des États-Unis en faveur de la liberté d’expression en ligne et porteraient le coup de grâce aux libertés numériques du pays qui a vu naître Internet.
Le Pakistan n’a pas démenti sa réputation de pays le plus meurtrier du monde pour les journalistes, avec dix tués en 2011. Trois d’entre eux exerçaient dans les zones tribales, à la frontière de l’Afghanistan, sous les feux croisés des Taliban, des potentats locaux, des forces pakistanaises et américaines.
© Mario Tama / Getty Images / AFP Photo
Afin de permettre à ces professionnels d’être mieux armés face aux risques, Reporters sans frontières a organisé six sessions de formation en novembre 2011 à Peshawar. Quatre-vingtdix reporters ont été entraînés à réagir en cas de danger et formés aux premiers secours. « Le climat dans lequel nous évoluons est très complexe », confie Wali Khan Shinwari, journaliste à Landikotal. « Nous tâchons de couvrir l’actualité objectivement mais cela ne suffit pas à garantir notre sécurité. Recueillir le témoignage d’un insurgé vous expose à des menaces des autorités et vice versa. J’ai déjà été kidnappé plusieurs fois alors que je faisais mon métier. » L’organisation espère pouvoir reconduire l’expérience au Pakistan et dans d’autres pays. reporters sans frontières
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interview
Des centimes pour financer nos projets Mécène depuis un an, Bertrand Nenic, cofondateur du site Jingoo et www.annuaire-photographe.fr, nous explique sa méthode originale pour soutenir Reporters sans frontières.
Comment démarchez-vous concrètement ? » Depuis un an, chaque tirage photo effectué sur Jingoo génère un don d’un centime au profit de Reporters sans frontières. Cela nous a permis de collecter 6 000 € cette année. En plus, nous réaffectons la défiscalisation de notre don à l'achat des albums photo de Reporters sans frontières
pour les offrir à nos clients, élèves photographes, collaborateurs. Et demain ? » On voit que les choses bougent, que l'actualité doit être relayée, plus que jamais. Pour faire avancer les choses à notre échelle, notre objectif en 2012 est de mettre Reporters sans frontières en contact avec nos principaux fournisseurs et partenaires, pour les aider à monter d’autres opérations. Et de notre côté, ces trois prochaines années, nous comptons bien récolter 30 000 € au profit de Reporters sans frontières ! © DR
Pourquoi soutenir Reporters sans frontières ? » Notre site Web, Jingoo, propose des services aux photographes, c'est donc tout naturellement que nous nous sommes tournés vers Reporters sans frontières lorsque nous avons souhaité soutenir une association.
Propos recueillis par : Perrine Daubas Responsable du bureau Mécénat
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E-mail Reporters sans frontières s’engage à la confidentialité la plus absolue en matière de successions. N’hésitez pas à nous contacter si vous avez des questions. Libre cours la revue de Reporters sans frontières pour la liberté de l'information - Publication trimestrielle - Prix 2 € - Abonnement un an : 6 € N°ISSN 1814-8190 - Directeur de publication : Olivier Basille - Rédacteur en chef : Benoît Hervieu - Directeur de la communication : Alexandre Jalbert - Directrice du développement des ressources : Perrine Daubas - Impression et routage : Imprimerie Chauveau - 2 rue du 19 Mars 1962 - 28630 Le Coudray - Conception graphique : Claire Béjat - édité par Reporters sans frontières - Association loi 1901 reconnue d’utilité publique - 47 rue Vivienne - 75002 Paris - Tél : 01 44 83 84 84 - E-mail : rsf@rsf.org Site : www.rsf.org - Dépôt légal à parution
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