Libre Cours n°4

Page 1

Libre cours

Trimestriel Automne 2012 2 € www.rsf.org

La revue de Reporters sans frontières pour la liberté de l’information - n°04

BIRMANIE une leçon de journalisme et de courage

we fight censorship l'info à l'abri de la censure

charlie hebdo la caricature inoPportune ?


1

© Prix Bayeux-Calvados

En vues

1. Hommage aux Reporters Partenaire du prix Bayeux-Calvados des correspondants de guerre, Reporters sans frontières a rendu hommage, le 13 octobre, aux journalistes disparus en 2011. La 19e édition du prix fut l'occasion de se recueillir sur la stèle du Mémorial portant les noms des 67 journalistes tués. Parmi eux, Gilles Jacquier, lauréat du prix Bayeux-Calvados en 2002 et en 2010, premier journaliste français tué en Syrie depuis le début de l’insurrection et Rémi Ochlik, tombé aux côtés de l’américaine Marie Colvin lors des intenses bombardements qui avaient touché le quartier de Baba Amr, à Homs.

liberté pour tous

Pour accompagner le lancement de son album 100 photos de Steve McCurry pour la liberté de la presse, Reporters sans frontières sensibilise le public à l'importance de la liberté de l’information. Avec la campagne "Chacun a le droit d'être informé", l'association entend faire comprendre que la liberté de l'information est une liberté pour tous. Réalisée par l'agence McCann Genève, elle se compose de quatre visuels et donne à réfléchir aux conséquences du manque d'information.

3. Grand-messe francophone chez Joseph Kabila À l'occasion du XIVe Sommet de la Francophonie, du 12 au 14 octobre 2012 à Kinshasa, Reporters sans frontières et Journaliste en danger ont présenté un rapport intitulé "Monsieur Kabila, vous aviez pourtant promis de lutter contre l'impunité". Cette étude dénonce les fausses promesses du chef de l'État congolais et la dégradation de la situation depuis 2011, pointe du doigt les responsables des violations de la liberté de l'information en République démocratique du Congo, et demande la libération des journalistes incarcérés. Les deux organisations s'inquiètent de la situation des journalistes dans toute l’Afrique centrale.

2 I reporters sans frontières

Sans information, on pourrait croire que c’est la dernière

tendance Chacun a le droit d’être informé. Agissons ensemble sur rsf.org

3

© AFP Photo / Gwenn Dubourthoumieu

2. L'information est une

2


Portes ouvertes aux adhérents

ÉDITO

Dominique Gerbaud Président de Reporters sans frontières

La question revient souvent dans nos conversations. Et vous avez sûrement des idées à nous soumettre. Comment faire vivre une association comme la nôtre ? Comment pourrions-nous –  au moins à notre niveau  – resserrer les liens entre adhérents et dirigeants ? Comment mieux vous associer aux combats que nous menons en votre nom et au nom d’une idée qui nous dépasse : la nécessaire liberté d’informer ? Comment enrichir ce lien entre ceux qui paient une cotisation par solidarité avec cette conception de la liberté, et ceux qui font tourner la boutique ? Peut-être faut-il se parler plus souvent. Pourquoi ne pas se rencontrer pour échanger ? Pourquoi ne pas organiser, par exemple, une “journée portes ouvertes” à Paris, rue Vivienne ? Et en profiter pour débattre de la liberté d’expression si souvent mise à mal. Nous vous en reparlerons.

Nous sommes convaincus qu’il est temps d’enrichir le lien entre adhérents et permanents. Il existe certes un conseil d’administration de vingt-cinq personnes, instance élue par vous lors de l’assemblée générale. Ce conseil d’administration (CA) se réunit tous les deux mois. Vous connaissez certains noms. D’autres – souvent des journalistes en activité qui ne veulent pas être interdits d’entrée dans tel ou tel pays  – préfèrent la discrétion. Puis il y a un bureau exécutif, instance plus restreinte de sept administrateurs, dont le président du CA, son vice-président, Daniel Junqua et son trésorier Jean-Michel Boissier. Le bureau exécutif peut être amené à débattre de questions urgentes, plus politiques, délicates, personnelles.

« Il est temps d'enrichir le lien entre adhérents et permanents. »

Enfin et surtout, il y a l’équipe des permanents de RSF. Une trentaine de personnes, dont vingt-sept salariés, aidés par des stagiaires. À leur tête, en poste depuis la mi-août, Christophe Deloire, le directeur général, également secrétaire général de RSF International. Reporters sans frontières, c’est une ruche, un bouillon d’idées pour trouver les meilleurs moyens de faire vivre la liberté d’information. Vous avez compris qu’RSF, c’est aussi une entreprise. Et comme beaucoup, nous traversons une période difficile. Parce que nos albums se vendent un peu moins bien, parce que les mécènes se font plus rares et que l’argent public – à notre niveau il s’agit souvent de fonds européens – est plus difficile à décrocher. Pour tenir bon, pour que notre combat ne faiblisse pas, nous devons trouver de nouveaux adhérents. Même si le montant de la cotisation à RSF est l’un des plus faibles des grandes associations internationales, c’est vous qui nous faites vivre. Il nous faut trouver de nouveaux adhérents et vous pouvez nous y aider. Que chacun d’entre nous trouve un ami, une copine, un collègue, une consœur, et RSF se portera mieux. Et même si le sujet est parfois délicat à évoquer, pourquoi ne pas aborder celui des legs? Plusieurs grandes associations humanitaires vivent grâce à ces dons de personnes sans héritiers qui lèguent tout ou partie de leurs biens à une association. RSF est habilitée à en recevoir. Parlez-en autour de vous. À votre notaire, à vos amis. Le plus petit don à RSF servira une grande cause.

reporters sans frontières

I 3


Win Tin. Birmanie, a么ut 2012.

漏 James Mackay / Enigma Images

grand angle


grand angle

Birmanie

La leçon de journalisme et de courage de Win Tin et Hla Hla Win Christophe Deloire Directeur général de Reporters sans frontières

Win Tin et Hla Hla Win n’ont aucun lien de parenté, sinon leur sang birman, la familiarité de l’héroïsme et de la liberté, et celle des barreaux. Des générations les séparent, mais l’un et l’autre ont fait front devant la junte ubuesque qui a dominé le pays pendant des décennies. Reporters sans frontières a pu enfin les rencontrer lors d’une mission en septembre dernier. Népal

Superficie : 676 578 km2

Bhoutan Inde

Chine

Population : 48,34 millions (World Bank 2011)

Bangladesh

Birmanie

Viêt Nam Laos

Rangoun Thaïlande

Le journalisme change parfois la vie des gens. C’est la leçon de Win Tin et Hla Hla Win. Le premier a quatre-vingt-cinq ans et la seconde, vingt-huit. Tous deux ont bravé un groupe de généraux férus de numérologie, de torture et de massacres, qui a écrasé le pays sous sa botte martiale avant de relever le talon en 2011 pour finalement laisser prospérer une transition démocratique.

© Democratic Voice of Burma

Reporters sans frontières a soutenu ces deux journalistes avec intensité, mais à

Hla Hla Win

Langue : birman Chef de l'État : Thein Sein, depuis mars 2011

Prix RSF : Democratic Voice of Burma (média, 2007), Zarganar et Nay Phone Latt (blogueurs, 2008), Weekly Eleven News Journal (média, 2011) 169e sur 179 dans le classement mondial de la liberté de la presse

Nombres d’internautes : 300 000

distance, car l’organisation figurait sur une liste noire d’organisations et de personnalités interdites sur le territoire birman. Surnommé “Saya” (le sage), Win Tin est un Mandela birman. Membre de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), il était l’adjoint d’Aung San Suu Kyi lorsqu’il fut incarcéré en 1989. La “Dame”, recluse dans sa maison sur la rive du lac Inya, obtiendra le prix Nobel de la paix en 1991, tandis que lui restera dixneuf ans dans les abominables geôles de la junte.

En 2004, Reporters sans frontières diffusait une affiche pour “célébrer” les 75 ans du résistant. Sous son visage entre deux barreaux, il était écrit “bon anniversaire Win Tin !” Il restera encore quatre ans en prison. Quelques mois après sa libération, une jeune professeure, Hla Hla Win, prenait un sinistre relais. Elle était arrêtée pour avoir interrogé des moines bouddhistes, qui s’étaient illustrés en 2007 lors de la “révolution du safran” écrasée dans le sang. Le pouvoir, qui entendait réduire au silence le petit groupe de vidéo journalistes de la Democratic Voice of Burma –  les “VJ’s”  – la condamne alors à vingtsept ans de prison pour des motifs fallacieux, notamment la “conduite d’une moto non enregistrée” ! Après la démission du dictateur Than Shwe, et "l’élection" d’un nouveau président, Thein Sein, le groupe est libéré en janvier 2012. Le 20 août dernier, la censure préalable a été abolie en Birmanie. Même si aucun quotidien privé n’a encore été autorisé, même si les lois répressives n’ont pas été formellement retirées, même si les enfants des généraux de la junte tentent de trouver leur place dans le nouveau marché de l’information, le “printemps birman” est manifeste dans les kiosques.

reporters sans frontières

I 5


grand angle

Dans un quartier de Rangoun où les chiens errants quadrillent les carrefours, nous frappons à la porte de la minus-

« Interviewer, enquêter, monter un sujet, pour être un contre-pouvoir. » cule baraque de Win Tin. L’homme qui a dû manger pendant dix-huit ans sans dents, et sans que ses tortionnaires lui fournissent un dentier, reçoit dans une chemise bleue, de la couleur des habits de détenus, en hommage aux prisonniers politiques (si plus aucun journaliste n’est détenu en Birmanie à ce jour pour ses activités, il demeure des prisonniers politiques). La pièce est décorée d’une peinture rose représentant Aung San Suu Kyi et de l’affiche de Reporters sans frontières. “J’ai beaucoup souffert, mais je n’ai jamais abandonné”, répète aujourd’hui Win Tin. Il a toujours refusé les marchandages proposés, lorsque la junte lui faisait miroiter la liberté à condition qu’il promette de mettre fin à toute

activité politique et journalistique. Win Tin n’a toujours pas abandonné. De la liberté de l’information, il donne la plus belle des définitions : “C’est la liberté qui permet de vérifier l’existence de toutes les autres (libertés)”. C’est donc une liberté première. Malgré son combat politique, le vieil homme se revendique toujours journaliste, au motif qu’il est “un homme libre” qui préfère définitivement une ligne éditoriale à celle d’un parti. On lui demande si, au terme (prometteur) du combat de son existence, il considère que les journalistes peuvent changer un pays et la vie de ses habitants. Naturellement, croit-on, il va citer la Birmanie, un pays où plus qu’ailleurs les journalistes ont contribué aux progrès démocratiques. Eh bien, non ! Ce n’est pas sa réponse. “Nous, nous n’avons pas de liberté de la presse depuis quarante ans, nous ne pouvons encore rien changer, mais chez vous, où vous avez cette liberté depuis longtemps, vous pouvez changer les choses.”

Une femme vend un journal local avec l’image de l’icône de la démocratie Aung San Suu Kyi. Rangoun, 2011.

6 I reporters sans frontières

© AFP Photo / Soe Than Win

Le 30 août dernier, Reporters sans frontières a enfin disparu de la liste noire des autorités birmanes, à l’instar des enfants de la Dame et de l’ancienne secrétaire d’État américaine Madeleine Albright. C’est pourquoi nous nous retrouvons quelques semaines plus tard à Rangoun pour voir éclore les bourgeons du printemps birman. Nous voilà dans un café face à Hla Hla Win. Il y a seulement un an, le secrétaire général de Reporters sans frontières envoyait, à des milliers d’exemplaires, un courrier pour demander un soutien en faveur de la jeune femme. Aujourd’hui que veut-elle ? Devenir une vraie journaliste, en suivant des formations. Maintenant qu’elle peut sortir de l’ombre, elle veut désormais faire vivre la liberté conquise, en apprenant à interviewer, enquêter, monter un sujet, pour être un contre-pouvoir dans la démocratie birmane qui s’annonce.


Charlie Hebdo et le théorème de la caricature “opportune”

France

Benoît Hervieu Responsable du bureau Amériques

© AFP Photo / Fred Dufour

Lorsqu'un journal use de la liberté prévue par l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, peut-il être en faute ?

Charb, directeur de la rédaction de Charlie Hebdo. Septembre 2012.

“Une provocation inutile.” “Un excès dans le contexte actuel.” À la mi-septembre 2012, les esprits s’échauffent et s’inquiètent. Les insolents de Charlie Hebdo se voient gratifier de noms d’oiseaux qui valent pour eux autant de compliments : des “faux culs”, des “irresponsables”, des “apprentis sorciers”. Le géopoliticien Pascal Boniface ose un distinguo entre les présents dessins et le “Bal tragique à C o lo m b ey   =   1   m o r t ” , du temps béni où Hara-Kiri (futur Charlie Hebdo) “tapait sur le pouvoir au lieu de taper sur les plus faibles”.

logue Ghaleb Bencheikh pour rappeler que l’islam n’est pas plus dispensé de raillerie qu’une autre religion ou croyance, et qu’en aucun cas le Mahomet version Charlie n’incitait à la haine ou au mépris envers une communauté croyante.

« Une caricature ne se soumet à aucun pouvoir, à aucun dogme, à aucune valeur traditionnelle. »

Curieusement, l’hebdomadaire satirique devra compter sur la sagesse du théologien musulman et anthropo-

Curieuse société laïque et sécularisée, dans un monde certes troublé, où l’on voudrait subitement réconcilier la caricature et la vertu. Seulement voilà : une caricature n’est ni “utile”, ni “décente”, ni “opportune”. Elle est caricature, c’est-àdire déformation. Elle ne s’embarrasse ni de prévenance ni de politesse. Elle frappe, en revendiquant le trait délibérément forcé qui la définit. Elle ne se soumet à aucun pouvoir, à aucun dogme, à aucune de ces “valeurs traditionnelles” que la Russie, l’Organisation

de la conférence islamique, les dictatures d’Asie centrale et même la Chine, censément communiste, voudraient faire inscrire au frontispice normatif du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Reporters sans frontières l’a rappelé dans une tribune publiée dans Le Monde au lendemain de la parution d’un Charlie Hebdo vite épuisé en kiosque (comme quoi…) : céder aux chiourmes du blasphème et de l’atteinte au sacré, c’est renoncer à l’universalité de cette liberté d’informer et de s’exprimer qui inclut celle de contester et de moquer. L’islam n’est pas seul concerné. Deux jours après la sortie de l’“inopportun” Charlie Hebdo, un jeune grec de 27 ans était envoyé en prison pour avoir posté sur Facebook un pastiche du moine orthodoxe Paisios, réputé pour ses dons de prophétie. Un autre revers à cet article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui doit demeurer notre seul absolu.

reporters sans frontières

I 7


combattre la censure Grégoire Pouget Chef de projet du bureau Nouveaux Médias

Les actions de Reporters sans frontières de lutte contre la censure, en ligne ou hors ligne, ont désormais une nouvelle vitrine : le site wefightcensorship.org. L’organisation apporte ainsi une nouvelle dimension à son activité de défense et de soutien de la liberté de l’information et de ses acteurs. Wefightcensorship.org (WeFC) est né de la volonté de Reporters sans frontières de rendre la censure caduque, de démontrer qu’emprisonner l’auteur d’un article, saisir des exemplaires d’un journal ou bloquer l’accès à un site n’empêchera pas le contenu luimême de faire le tour du monde, bien au contraire. WeFC a été conçu tant comme une plate-forme de publication de contenus censurés ou interdits que comme un “kit de survie numérique”. Il s’agit d’un "abri virtuel", un refuge pour les victimes des censeurs. WeFC assure la publication de documents (articles, photos, vidéos, etc.) frappés par la censure, interdits de publication, ou sources de représailles pour leurs auteurs. Disponibles dans leur langue originale, ces contenus sont également traduits

en français et en anglais. Les contenus publiés, bruts ou à caractère journalistique, sont accompagnés des éléments de contexte nécessaires pour apprécier leur valeur informative. Au cours de la sélection des contenus, et avant leur publication, le comité éditorial de WeFC assure une vérification scrupuleuse du matériel qui lui a été soumis.

kit de survie numérique Grâce à un “coffre-fort numérique” –  ou “formulaire de contribution”  – les internautes ont la possibilité de faire parvenir des documents à Reporters sans frontières de manière sécurisée (cf. focus). Le site propose des outils pratiques, des conseils et des éléments techniques pour apprendre aux net-citoyens à contourner la censure et sécuriser

leurs communications et leurs données. Cet “abri virtuel” ambitionne de rendre les contenus, outils et guides hébergés sur WeFC accessibles dans les pays où ils sont actuellement interdits. Le site peut donc être facilement dupliqué, sur le principe de sites miroirs hébergés dans le monde entier. Un document détaillant les différentes manières de créer des copies du site a été rendu public, parallèlement à un appel aux internautes qui souhaitent relayer cette initiative et faire en sorte qu’en vertu de l'effet Streisand, plus la volonté de censure d'une information sur Internet est forte, plus l'information est diffusée par la communauté. Rendez-vous sur : wefightcensorship.org

la liberté de l'information en chiffres En 2012, 1/3 de la population n'a pas accès à un Internet libre, 12 pays figurent sur la liste des "ennemis d'Internet",

© AFP Photo / Yige Gou

14 pays figurent sur la liste des pays "sous surveillance". En 2011, 1044 journalistes ont été arrêtés, 1 960 autres ont été agressés et menacés, 500 médias ont été censurés.

8 I reporters sans frontières


Internet

“Ce site n’est pas un nouveau WikiLeaks” Interview avec Lucie Morillon Responsable du bureau Nouveaux Médias Censorship a véritablement vu le jour en novembre 2012. Nous avions fait le constat que le site traditionnel de Reporters sans frontières ne promouvait pas suffisamment les contenus produits par les journalistes que nous défendons. Nous défendions jusqu’alors des personnes, mais sans assez valoriser leur travail de journalistes.

Quelle est l’origine du projet ? » En juin 2010, Reporters sans frontières avait inauguré dans ses locaux un abri anti-censure à l’attention de journalistes ou blogueurs réfugiés ou de passage, pour leur permettre d’accéder à une connexion sans être inquiétés. Au cours des mois suivants, l’idée nous est venue de développer un abri virtuel, disponible de n’importe quelle région du monde, même et surtout les plus répressives. Avec l’appui de l’Union européenne et de la mairie de Paris, qui avait déjà parrainé l’abri physique, le projet WeFight

focus

WeFightCensorship se laisse-t-il comparer à WikiLeaks ? » Non. Nous ne méconnaissons pas le rôle tenu par WikiLeaks dans l’accès du public à certaines informations cruciales, notamment les violations des droits de l’homme commises par les États-Unis au nom de la guerre contre le terrorisme. À ce titre, nous avons d’ailleurs défendu WikiLeaks et créé un temps un site miroir sur celui de RSF. WeFightCensorship n’est pas la même chose. Ce nouveau site ne délivrera jamais de documents bruts. Ses contenus sont sélectionnés et replacés dans leur contexte. Il s’agit de raconter un cas de censure, pas seulement de publier un contenu censuré, quitte même à y ajouter, par exemple, la décision de justice ou des autorités du pays concerné qui avait empêché sa publication ou sa diffusion.

Pourquoi vouloir sensibiliser à la protection des données et des communications ? » Ce site a, en effet, vocation à mettre en avant les actions concrètes de RSF contre la cyber-censure. Trop de journalistes, locaux mais tout aussi bien issus de médias internationaux, ne protègent pas suffisamment leurs sources en ligne. Un email non chiffré envoyé à une source présente dans un pays répressif peut coûter cher à la source en question. D’où la nécessité de mettre à disposition des moyens pour contourner la censure. Les adhérents de RSF peuvent-ils participer au projet et comment ? » Toute personne sensible à la cause de la liberté d’informer peut évidemment y apporter son concours. En relayant, par exemple, les contenus censurés auprès des réseaux sociaux, en dupliquant le site WefightCensorship par un site miroir, ou encore en offrant ses services pour aider à traduire les contenus qui nous parviennent. WeFightCensorship aura besoin de soutiens à sa diffusion. Nos adhérents sont, une fois de plus, les bienvenus. Propos recueillis par Benoît Hervieu

Qu'est-ce qu'un « coffre-fort numérique » ?

Le coffre-fort numérique est un ensemble d’outils conçus pour préserver la sécurité et l’anonymat des internautes souhaitant transmettre des documents à Reporters sans frontières. La confidentialité des échanges repose sur trois principes : chiffrement des documents de leur envoi à leur réception, non conservation des données de connexion, séparation du formulaire d’envoi et de l’espace

de stockage. Lorsqu’un internaute transmet un document à l’aide du formulaire sécurisé, celui-ci est chiffré sur le serveur puis envoyé vers l’espace de stockage de Reporters sans frontières. Le serveur hébergeant le formulaire d’envoi ne conserve aucun document ni aucune donnée permettant de remontrer jusqu’à l’internaute : ni heure de connexion, ni adresse IP.

Si le formulaire est accessible depuis Internet, l’espace de stockage, lui, n’est accessible qu’au sein d’un réseau privé contrôlé par Reporters sans frontières. Une fois dans cet espace, le document est récupéré sur un poste de travail dédié, puis déchiffré à l’aide d’une clé privée unique. Il est enfin analysé par plusieurs anti-virus.

reporters sans frontières

I 9


Dans l’actu

tunisie

Le bureau de tunis fête sa première année

Au cours d’une conférence de presse, le 4 octobre 2012, le nouveau directeur général, Christophe Deloire, a manifesté sa vive inquiétude concernant la situation de la liberté de l’information dans le pays, dix-huit mois après le départ de Zine elAbidine Ben Ali. Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement d’Ennahda refuse, en effet, d'adopter les décrets d’application des décrets-lois 115 et 116 sur le code de la presse et la mise en place d’une haute instance de régulation des médias audio-

© RSF

À l’occasion du premier anniversaire de l’ouverture du bureau de Reporters sans frontières en Tunisie, une délégation s’est rendue à Tunis, accompagnée de ses deux représentants permanents. visuels. Vide juridique qui menace non seulement la création de nouveaux médias audiovisuels mais également l’indépendance des médias publics, le gouvernement nommant systématiquement les dirigeants de ces médias, avec les conséquences attendues sur leur ligne éditoriale. Dénonçant cet état de fait, Christophe Deloire a également rappelé l’opposition de l’organisation à toute référence à l'existence d'un crime “d'atteinte au sacré” dans la Constitution, qui viendrait restreindre la liberté d’expression.

Olivia Gré, la responsable du bureau tunisien de l’organisation, a quant à elle insisté sur la multiplication des violences physiques et verbales que subissent les professionnels de l’information, et l’impunité dont jouissent leurs auteurs. Depuis le 1er janvier 2012, RSF Tunisie a dénombré près de 130 violations de la liberté de l’information dans le pays. Le comportement d’hommes politiques de premier plan à l’encontre des journalistes expose clairement ces derniers à la vindicte publique.

nouvel album

Après avoir photographié la vie quotidienne des Américains à travers le pays, le new-yorkais Sam Shaw se tourne vers le cinéma et devient un photographe très prisé des studios hollywoodiens. De sa collaboration avec Billy Wilder sur le tournage de Sept ans de réflexion naît l’image mythique de Marilyn Monroe au-dessus d’une grille d’aération du métro. Il continuera à la photographier, tout au long de sa carrière, parmi de nombreuses autres stars du cinéma de l’époque.

10 I reporters sans frontières

Cet album de Noël ouvre les coulisses des plus grands tournages du cinéma américain. Mais cet album est, aussi et toujours, la découverte de talents photographiques à travers le monde. Des photos touchantes, émouvantes, bouleversantes… de l’Égypte, de la République démocratique du Congo, de la Syrie, etc. Des pépites à découvrir en kiosques et librairies à partir du 13 décembre. Le savez-vous ? Vous pouvez acheter en ligne tous nos albums photos sur boutique.rsf.org

100 photos de Sam Shaw pour la liberté de la presse

© Sam Shaw.

100 photos de Sam Shaw pour la liberté de la presse


l'AGENDA

13 décembre 2012

Sortie de l'album "100 photos de Sam Shaw pour la liberté de la presse"

Questionnaire rénové, méthodologie renouvelée

classement mondial

Antoine Héry Responsable du classement mondial de la liberté de la presse

18 décembre 2012

Cérémonie du prix Reporters sans frontières-Le MondeTV5Monde janvier 2013

Publication du classement mondial de la liberté de la presse

Érythrée

Radio Erena n’a pas dit son dernier mot En brouillant le signal de Radio Erena, miaoût 2012, le gouvernement d'Asmara a sans doute cru venir à bout de cette voix qui le dérange. Basée à Paris et lancée en juin 2009 à l'initiative de Reporters sans frontières et de journalistes érythréens en exil, cette station est la seule source d'information indépendante, en langue locale, pour la population de l'Érythrée. Dans ce pays sans presse privée (elle a été officiellement "suspendue" en 2001) et bon dernier du classement mondial de la liberté de l'information depuis cinq ans, elle est le seul média échappant à la propagande du régime. Ne tolérant plus le succès grandissant de Radio Erena, Asmara a employé la manière forte : réclamation auprès d'Arabsat, brouillage, piratage du site internet. Pendant deux mois, le signal a donc été coupé. Mais l'équipe de la radio n'est pas du genre à abdiquer. Avec l'appui de RSF, la station a trouvé une solution pour pénétrer à nouveau à l'intérieur du pays, non seulement par satellite mais également en ondes courtes. De quoi faire passer de nouvelles nuits blanches au prédateur Issaias Afeworki.

Pour son édition 2013, le classement mondial de la liberté de la presse fait peau neuve avec l’adoption d’une nouvelle méthodologie. Entre autres modifications, le questionnaire a été entièrement refait. Utilisé pour interroger le réseau de Reporters sans frontières ainsi que de nombreux professionnels des médias, avocats, militants, ou chercheurs basés dans plus de 170 pays, il expose les principaux critères de bonne gouvernance en matière de liberté de l’information, et conditionne directement la qualité du classement mondial. C’est dans un souci de s’adapter toujours mieux à la réalité du terrain que les équipes de Reporters sans frontières ont procédé à son renouvellement. Fruit d’un travail transversal, la nouvelle version du questionnaire comprend un plus grand nombre de questions, qui permettent de saisir plus efficacement

les situations auxquelles font face les journalistes, les médias et les netcitoyens. Dans sa forme également, le questionnaire évolue, puisqu’il sera désormais possible d’y répondre en ligne, sur le site de Reporters sans frontières et dans plus de quinze langues, parmi lesquelles le chinois, le russe ou le portugais.

« Indicateur de bonne santé démocratique, le classement mondial est un outil de référence unique. »

Indicateur de bon ne santé démocratique, le classement mondial de la liberté de la presse est un outil de référence unique sur l’état de la liberté de l’information dans le monde. Compilé depuis dix ans par Reporters sans frontières, le classement est aussi un moyen de pression efficace contre les gouvernements qui tolèrent ou perpétuent des violations à l’encontre de la liberté d’informer. Sa parution est prévue en janvier 2013.

FREEDOM OF THE PRESS WORLDWIDE IN 2012

FIJI

LA LIBERTÉ DE LA PRESSE DANS LE MONDE EN 2012 reporters sans frontières

I 11


interview

« Votre soutien m’a permis d’échapper à la mort »

Journaliste rwandaise, Lucie Umukundwa a travaillé pour plusieurs médias indépendants dans son pays jusqu’en 2006. Elle est aujourd’hui réfugiée en France grâce à l’appui de Reporters sans frontières. Pourquoi avez-vous dû fuir le Rwanda? » J’ai fui le Rwanda parce que la situation devenait de plus en plus dure, parce qu’on était épié, que les intimidations se faisaient quotidiennes et les menaces trop oppressantes. J’avais interpellé le chef de l’État à ce sujet. Pourquoi ces intimidations, pourquoi ces filatures, pourquoi ces atteintes à la vie privée ? C’est ce jour-là que mon domicile a été attaqué. Je n’étais pas sur place, mais mon frère, lui, a subi un sévère passage à tabac. RSF m’a prise en charge et m‘a permis de fuir en sécurité.

Comment l’organisation vous a-t-elle concrètement aidée ? » RSF m’a aidé à sortir du pays et à obtenir un visa et l’asile politique en France. L’assistance que vous m’avez offerte ne m’a pas seulement permis d’être intégrée en France ou de me réorienter professionnellement. RSF m’a épargné la mort, je dirais. C’est très important de le rappeler. Depuis que j’ai quitté mon pays, deux journalistes ont été assassinés. Propos recueillis par Camille Lacoste-Mingam

LEGS, DONATIONS ASSURANCES-VIE Transmettre aujourd’hui pour les libertés de demain Demande d’information

à retourner à : Reporters sans frontières - Service successions 47 rue Vivienne - 75002 Paris - Téléphone : 01.44.83.84.83 - www.rsf.org

Oui

, je souhaite recevoir gratuitement et en toute confidentialité une brochure d’information sur les legs, les assurances-vie et les donations au profit de Reporters sans frontières

Oui,

je souhaite m’entretenir avec la responsable des successions

M.

Mme

Mlle

Nom Prénom N° et rue N° Apt, étage Bâtiment Lieu Dit Code postal Ville Pays Téléphone Je souhaite être contacté entre

h et

h

Email Reporters sans frontières s’engage à la confidentialité la plus absolue en matière de successions. N’hésitez pas à nous contacter si vous avez des questions. Libre cours la revue de Reporters sans frontières pour la liberté de l’information - Publication trimestrielle - Prix 2 € - Abonnement un an : 6 € N°ISSN 1814-8190 - Directeur de publication : Christophe Deloire - Rédacteur en chef : Benoît Hervieu - Directeur de la communication : Alexandre Jalbert - Directrice du développement des ressources : Perrine Daubas - Secrétaire de rédaction : Justine Roche - Impression et routage : Imprimerie Chauveau - 2 rue du 19 Mars 1962 - 28630 Le Coudray - Maquette : Noémie Kukielczynski - édité par Reporters sans frontières - Association loi 1901 reconnue d’utilité publique - 47 rue Vivienne - 75002 Paris - Tél : 01 44 83 84 84 - E-mail : rsf@rsf.org - Site : www.rsf.org - Dépôt légal à parution

Photo de couverture : © AFP Photo / Soe Than Win

RECEVEZ GRATUITEMENT ET EN TOUTE CONFIDENTIALITÉ NOTRE BROCHURE


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.