Outil de dialogue
Eléments page Remerciements 2 1. Les objectifs du dialogue 5 2. Cartographie de la situation dans les sociétés 12 3. Les causes des conflits 18 4. Quels acteurs réunir autour de la table? 26 5. Conditions et contexte (micro-niveau et macro-niveau) 36 6. Faciliter le dialogue 43 7. Passer des obstacles cachés aux questions clés 49 8. Conception du processus de dialogue 54 9. Conclusions 59 10. Références et ressources 63 Sponsors et partenaires d’audit interne 70
Boîte à outils pour la pratique du dialogue interculturel
Remerciements Le travail d’élaboration de la présente boîte à outils pour la pratique du dialogue interculturel a débuté sous l’impulsion de la Conférence des organisations internationales non gouvernementales (Conférence des OING) du Conseil de l’Europe (CE), dans le cadre des préparatifs du Forum des ONG du Conseil de l’Europe qui s’est tenu à Istanbul les 24 et 25 mars 2011. Nous tenons à remercier nos hôtes, les organisateurs, les participants et tous ceux qui ont apporté leur soutien à cet événement. Les conclusions des ateliers de ce Forum, les débats lors des séances plénières ainsi que les nombreux questionnaires qui nous ont été retournés par les participants ont constitué de précieux retours d’expérience et donné des aperçus très utiles qui ont servi de matière première à cette boîte à outils. Nous remercions tout spécialement la Présidence turque du Comité des Ministres qui a réaffirmé la nécessité du dialogue interculturel, ainsi que Mme Gabriella Battaini-Dragoni, Directrice générale du Conseil de l’Europe, pour son engagement et son appui.
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Nous exprimons toute notre reconnaissance envers l’Unité des ONG du Conseil de l’Europe qui a généreusement organisé une réunion éditoriale de deux jours pour les membres du Groupe de rédaction, le Carrefour dialogue, réunion qui a constitué une étape essentielle dans notre travail. Les membres de la Conférence des OING et du Comité permanent ont également formulé, lors de leurs séances plénières et réunions respectives ultérieures, de précieux commentaires qui sont venus enrichir les travaux du Groupe de rédaction. Un premier document résumant en quatre pages les principales idées de la boîte à outils a été distribué aux participants au Forum de la Société civile européenne qui s’est tenu les 13 et 14 novembre 2011 à Strasbourg. Le Groupe de rédaction a beaucoup apprécié la diversité et le bienfondé des nombreux commentaires et retours recueillis ensuite, qui ont continué d’alimenter le processus. Cette boîte à outils est ainsi un véritable outil pratique car conçu par des intervenants sur le terrain pour des intervenants sur le terrain!
Remerciements | 3
Le projet avait besoin d’aide extérieure pour s’assurer une bonne visibilité. Nous tenons à exprimer notre profonde gratitude à l’égard des associations CAUX – Initiatives et Changement et Initiatives et Changement-International, en Suisse, pour leurs dons qui ont permis de donner le coup d’envoi du projet. Celui-ci a également bénéficié du soutien de la Division Sécurité humaine du Département fédéral suisse des affaires étrangères, dont la contribution a permis la mise en ligne du projet et le démarrage de la mise en œuvre. Nous remercions encore la société de médias Brunner AG, CH-6010 Kriens, de sa considérable contribution aux travaux graphiques, de mise en page et d’impression, ainsi que M. Ronak Sutaria qui a généreusement proposé de se charger de la construction du site Internet de l’outil de dialogue. Nous remercions aussi chaleureusement nos collègues de travail, nos amis et nos proches, le Groupe de rédaction et le Président de la Conférence des OING pour leur soutien indéfectible tout au long
de ce projet auquel nous avons consacré tant d’énergie pendant plus d’un an. Leurs questions, nos échanges ou tout simplement leur indulgence ont beaucoup compté! Les chapitres qui suivent constituent autant d’éléments de la boîte à outils. Ils ont été rédigés par différents auteurs du Groupe de rédaction, aux styles différents qui enrichissent encore les points de vue pluriels portés sur le projet. Nous comptons sur la bienveillante tolérance de nos lecteurs à l’égard de cette insolite joint-venture stylistique. Enfin, nos très sincères remerciements aux experts dont les commentaires avertis lors de la révision interne nous ont beaucoup aidés dans la finalisation de cet outil: Prof. Tom Woodhouse, Université de Bradford, Royaume-Uni; Prof. Eduard Vinyamata Camp, Université Oberta de Catalunya, Barcelone, Espagne; Prof. Konstantin Sigov, National University of Kyiv-Mohyla Academy, Kiev, Ukraine et M. Ulrich Bunjes, Directeur de département au Conseil de l’Europe, Strasbourg, France.
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Le Groupe de rédaction: Rui Gomes, Portugal (durant le Forum d’Istanbul), Romina Mattei, Roumanie; Denzil Nurse, Royaume-Uni; Christoph Spreng, Suisse, coordinateur; Anna Widegren, Suède et Italie; Yulia Zvereva, Fédération de Russie. Le Président de la Conférence des OING: Jean-Marie Heydt, France.
Outil de dialogue Boîte à outils pour la pratique du dialogue interculturel © 2012, Christoph Spreng au nom de la Conférence des OING du Conseil de l’Europe ISBN-10: 2-88037-526-044-2 ISBN-13: 978-2-88037-044-2 EAN (European Article Number): 9782880370442 Caux Edition, Suisse Internet: www.dialoguetoolkit.net/
1. Les objectifs du dialogue Pourquoi le dialogue? Ces dernières années, l’accumulation de questions toujours non résolues, liées à la diversité et la migration, a conduit, dans les pays européens, à un niveau intolérable de violations des droits de l’homme. Témoin de cette regrettable évolution, la Conférence des OING du Conseil de l’Europe s’est interrogée sur ses moyens d’action. Certes, il faut continuer de réagir aux actes d’exclusion et de discrimination en les dénonçant et en prônant la défense des droits individuels. Mais comment changer l’opinion souvent prédominante pour passer de la condamnation des actes à la recherche de solutions? C’est avec ce questionnement que la Conférence des OING a initié un processus de mise en œuvre du dialogue interculturel lors du Forum des ONG les 24 et 25 mars 2011, à Istanbul. Le processus a été alimenté par les échanges d’expériences, de connaissances et de bonnes pratiques entre les ONG participant. Il s’est poursuivi à Strasbourg à l’occasion de la Conférence des OING et dans le cadre des échanges avec les participants au Forum de la Société civile européenne les 13 et
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14 novembre 2011, recueillant ainsi un savoir-faire méthodologique et des idées plus pragmatiques. Le présent outil de dialogue est une contribution exceptionnelle de la Conférence des OING au renforcement de la cohésion sociale et à l’approche des questions liées à la diversité en se basant sur le respect des droits de l’homme. En 2010, le Groupe d’éminentes personnalités1 au Conseil de l’Europe a été spécialement mandaté pour évaluer «l’ampleur de la menace que la résurgence de l’intolérance fait peser sur les valeurs défendues par le Conseil de l’Europe». Dès 2008 déjà, le Livre blanc sur le dialogue interculturel2 constatait: «La disparition du dialogue, au sein des sociétés et entre elles peut, dans certains cas, offrir un terrain favorable à l’émergence et à l’exploitation par certains de l’extrémisme, voire du terrorisme. Le dialogue in1 http://www.coe.int/t/dc/files/events/groupe_eminentes_ personnes/default_FR.asp? 2 http://www.coe.int/t/dg4/intercultural/Publication_ WhitePaper_ID_fr.asp - Haut de la page
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terculturel, y compris au niveau international, est indispensable entre voisins.»3
Définitions Le philosophe Martin Buber considérait le dialogue comme un palliatif existentiel dans la lutte contre l’atomisation et l’aliénation sociale dans la société de masse de nos pays industrialisés. Parmi la multitude de sens que peut revêtir le
mot «culture», on utilise généralement l’un des trois sens de base suivants: • L’excellence de goût dans les arts et les lettres, une forme de culture plutôt «élitiste». • Un modèle intégré de la connaissance humaine, de croyances et comportements, qui dépend de la faculté de pensée symbolique et d’apprentissage social. • L’ensemble des comportements, valeurs, objectifs et pratiques partagés qui caractérisent une institution, une organisation ou un groupe. L’outil de dialogue se concentre sur ce dernier sens, plus général. C’est dans ce même esprit qu’il est suggéré de prendre le terme «interculturel» également au sens large. La boîte à outils privilégie ainsi une approche pragmatique, qui suggère un dialogue structuré, à savoir elle adopte «des pratiques de dialogue mises au point pour amener progressivement le discours dialogique vers la compréhension des problèmes et l’action consensuelle».4
3 Extrait du Livre blanc sur le dialogue interculturel, page 15, section 2.4
4 http://en.wikipedia.org/wiki/Dialogue#Structured_ dialogue (traduction libre)
On observe actuellement une tendance croissante à résoudre les problèmes soit en invoquant le système juridique, soit en l’évitant. Dans les cas les plus extrêmes, cela peut signifier que l’on invoque d’abord le pouvoir militaire. Puis ce n’est qu’au moment des efforts de reconstruction, une fois le conflit terminé, que l’on intègre le dialogue. Ne serait-il pas plus normal et plus efficace de commencer le cycle par un dialogue pluriel, conduit dans une approche intégrative et dont l’issue profiterait également à l’élaboration des lois?
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La boîte à outils adopte également le concept de «conversation honnête»5 – une pratique que décrit Rob Corcoran dans son livre «Trustbuilding.» Selon Harold H. Saunders6, ancien Secrétaire d’Etat adjoint américain, «ce livre nous parle, de manière à la fois sobre et édifiante, de citoyens qui se sont battus pour établir des rapports par le dialogue, dans une démarche respectueuse et productive, en surmontant les différences raciales et socio-économiques qui nous divisent dangereusement». Contexte Le troisième Sommet des chefs d’Etats et de gouvernement du Conseil de l’Europe (à Varsovie en mai 2005) a clairement inscrit le dialogue interculturel, avec le dialogue politique et le dialogue interreligieux, dans le Plan d’action arrêté, visant à faire de la diversité des cultures européennes une source d’enrichissement mutuel. En 5 http://www.amazon.com/Trustbuilding-Honest-Conversation-Reconciliation-Responsibility/dp/0813928753 6 Président de l’IISD, www.sustaineddialogue.org/
avril 2006, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a lancé les préparatifs d’un Livre blanc sur le dialogue interculturel7, qu’il a ensuite adopté en mai 2008. La Conférence des OING du Conseil de l’Europe a activement participé au processus d’élaboration de ce livre blanc. Dans le préambule du Livre blanc, les auteurs posent les questions suivantes: «La gestion démocratique d’une diversité culturelle grandissante en Europe – ancrée dans l’histoire de notre continent et amplifiée par la mondialisation – est devenue, depuis quelques années, une priorité. Comment répondre à la diversité? Quelle est notre vision de la société de demain? S’agit-il d’une société où les individus vivront dans des communautés séparées, caractérisée au mieux par la coexistence de majorités et de minorités aux droits et responsabilités différenciés, vaguement reliées entre elles par l’ignorance mutuelle et les stéréotypes? Ou, au contraire, représen7 http://www.coe.int/t/dg4/intercultural/Publication_ WhitePaper_ID_fr.asp – Haut de la page
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tons-nous une société dynamique et ouverte, exempte de toute discrimination et profitable à tous, qui privilégiera l’intégration de tous les individus dans le plein respect de leurs droits fondamentaux?» La boîte à outils propose une approche pratique pour mettre en œuvre les recommandations du rapport du Groupe d’éminentes personnalités «Vivre ensemble – Conjuguer diversité et liberté dans l’Europe du XXIe siècle», publié le 11 mai 2011. On peut lire dans ce rapport: «Le rôle des divers secteurs de la société civile pour répondre à toutes les questions abordées dans le présent rapport – les défis qui se posent à des sociétés ouvertes et plurielles, les difficultés du ‹vivre ensemble› et l’avenir des valeurs européennes – est donc plus important que ne le reconnaissent de manière générale les grands décideurs et faiseurs d’opinion en Europe. […] Pourtant, toutes ces activités sont menacées en permanence si les décideurs politiques ne reconnaissent qu’en théorie le rôle de la société civile, puis l’ignorent dans la pratique.»
C’est dans cette logique que la boîte à outils a été conçue comme un outil de mise en œuvre pratique faisant suite au Livre blanc sur le dialogue interculturel et au rapport susmentionné du Groupe d’éminentes personnalités. L’approche ne vise pas un niveau de «culture élitiste» mais entend apporter un soutien concret à tous ceux qui veulent construire la cohésion sociale et aborder les questions liées à la diversité en s’appuyant sur les droits de l’homme. Tout en saluant le concept d’un vivre ensemble harmonieux et en gardant à l’esprit la vision d’une «Europe offrant un sens d’appartenance et des opportunités à tous», la boîte à outils fournit un cadre pratique pour lutter contre les problèmes complexes et pressants auxquels sont confrontées les sociétés du XXIe siècle, en leur proposant une approche sans parti pris et n’excluant personne. Si l’on pense à la vitesse à laquelle la téléphonie mobile a été acceptée et s’est répandue à travers le monde, on a assisté non seulement à un accomplissement technologique majeur, mais aussi
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à une véritable réussite marketing. On peut se demander comment un tel raz-de-marée a pu se produire dans la communication dans des con textes socio-économiques aussi variés? Sur le plan infrastructurel, il était relativement facile de construire le réseau d’antennes. Mais ensuite, des spécialistes en marketing ont imaginé et ajouté toutes sortes de fonctions, donnant ainsi au «téléphone portable» sa position indispensable dans la révolution numérique, tout en lui conférant un statut de gadget sans aucun précédent. Néanmoins, si cette révolution a connu un tel caractère universel, c’est parce qu’au départ le téléphone portable est un système facile à utiliser. Et son succès planétaire est dû à la réalité universelle d’une culture fondée sur l’oralité, profondément ancrée dans nos comportements. La parole est la marque distinctive entre l’homme et les autres créatures. Depuis la nuit des temps, c’est par le récit que se sont transmis la sagesse de ce monde, l’art de la survie et plus généralement l’art de vivre. La tradition orale est donc d’une intégrité intrinsèque pour tenter de répondre aux besoins fondamentaux de l’être hu-
main. Ces récits et les histoires rapportées couvraient des sujets qui sont devenus plus tard les vastes domaines de l’instruction scolaire, de l’éducation et de la recherche. C’est comme si la personne du XXIe siècle était passée de la tradition orale et de la culture écrite à l’ère des images et des écrans tactiles. La phase de l’oralité est-elle révolue? Bien que nous puissions observer une tendance à l’atomisation de nos sociétés, le besoin d’appartenance et d’interaction significative reste un besoin de base, voire un besoin qui s’intensifie. C’est pourquoi, parmi nombre d’autres facteurs, la propagation rapide des téléphones portables est aussi fondée sur notre besoin très humain de comprendre, de parler, d’être entendu, écouté et compris. Ce qui constitue une autre bonne raison d’étudier cette boîte à outils sur la pratique du dialogue. Utilisation de l’outil de dialogue Au fond, l’approche par le dialogue est typiquement humaine. Nombre de références dans la boîte à outils proviennent d’un contexte euro-
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péen parce que la Conférence des OING a, en premier lieu, initié le processus de la boîte à outils pour répondre à des besoins perçus dans des sociétés d’Etats membres du Conseil de l’Europe. Toutefois, on ne saurait réduire son interprétation à une seule zone géographique, qu’il s’agisse de l’approche ou de la mise en œuvre. Les neufs éléments présentés dans les chapitres suivants le sont dans l’ordre chronologique de leur mise en œuvre. En fin de brochure, le chapitre Références et ressources indique de nombreux liens vers des articles et des ouvrages qui permettent d’approfondir le sujet, et vers des exemples de bonnes pratiques dans le domaine du dialogue interculturel. Les abréviations suivantes apparaissent au fil des pages: WS pour workshop, en référence aux rapports des ateliers qui se sont tenus pendant l’élaboration de la boîte à outils. FQ pour feedback questionnaire renvoie aux retours d’information reçus en réponse aux questionnaires distribués.
Nous ne vous proposons pas un livre de recettes. L’outil de dialogue est le résultat d’échanges d’expériences, d’observations sur le terrain et de débats. Il présente les enseignements qui en ont été tirés, sachant que des personnes préalablement formées à cet effet, des facilitateurs dont le rôle est décrit plus loin dans l’élément 6, devront les adapter en fonction du contexte dans lequel ils seront appelés à évoluer. Il faut également avoir conscience du fait qu’un dialogue doit être conçu comme un processus séquentiel avec des boucles de rétroaction, qui s’améliorera en fonction de la qualité et du temps qui lui sera consacré. Enfin, chacun des éléments de l’outil de dialogue propose un ou plusieurs axes d’intervention pour aider les utilisateurs à passer sans délai à la mise enœuvre. Il est conseillé d’aborder les différents éléments les uns après les autres, en faisant preuve d’ouverture d’esprit car, comme le dit un proverbe: «L’esprit est comme un parachute – il fonctionne mieux lorsqu’il est ouvert.»
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Axe d’intervention Si vous proposez un dialogue afin de passer en revue un ensemble de problèmes, vérifiez le point suivant: 1a) Une société dans son ensemble est aussi forte que son maillon le plus faible, comme cela est le cas dans une chaîne. Est-ce que les principales parties prenantes sont d’accord pour renforcer le maillon «faible» en entamant un dialogue? L’un des avantages est que cela permet de créer des espaces sûrs où l’on peut s’exprimer librement, dans un esprit de non-violence, sans craindre d’aborder les questions en suspens.
2. Cartographie de la situation dans les sociétés «Aujourd’hui, partout en Europe, les structures de la société se caractérisent, à des degrés certes variés, par la diversité culturelle.»8 Les 47 Etats membres que compte le Conseil de l’Europe ont pour objectif déclaré de faire respecter les valeurs communes que sont les droits de l’homme, la démocratie et la primauté du droit. Avec ses 800 millions d’habitants, notre continent présente une incroyable diversité, une histoire particulièrement riche mais aussi de nombreuses différences culturelles. Malgré les valeurs que nous partageons, nous connaissons de nombreux problèmes tels que la discrimination, une intolérance croissante et des personnes qui se sentent menacées. Ce chapitre a pour objet de dresser la cartographie des principaux dé8 http://www.coe.int/t/dg4/intercultural/Publication_ White-Paper_ID_en.asp – Haut de la page (traduction libre)
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fis que doivent affronter aujourd’hui les sociétés et le dialogue interculturel. La présente liste n’entend pas être exhaustive, une tâche quasi impossible au regard de la brièveté de ce texte. Aujourd’hui, le dialogue interculturel est bien plus complexe qu’une simple opposition entre une majorité et une minorité. Par le passé, la culture dominante était plus homogène. La situation a changé avec aujourd’hui une «société dominante fracturée», qui regroupe plus de sous-cultures et présente plus de différences dans le courant dit dominant que jamais auparavant. Il faut également tenir compte des nouveaux défis auxquels nous sommes désormais confrontés. Récemment, plusieurs chefs de file sur la scène politique européenne ont parlé de la «fin du multiculturalisme». De plus, la hausse du chômage et la précarité engendrée par la crise financière ont fait surgir des tendances populistes, certains se sentant menacés et ne se sentant plus en sécurité dans leur propre société. Il ressort de ces nouvelles prises de position que les approches politiques poursuivies par le passé ont parfois encouragé, sans le vouloir, un
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repli sur soi et l’apparition de sociétés parallèles (par opposition aux sociétés intégrées) en acceptant la séparation des communautés culturelles. Lors d’une table ronde sur le thème «Comment relever les nouveaux défis du multiculturalisme pour les sociétés européennes», Mme Gabriella Battaini-Dragoni, Secrétaire générale adjointe du Conseil de l’Europe, a observé que: Certains défis ne sont pas dus à une diversité culturelle (croissante), mais à la réponse insuffisante, inconsidérée ou franchement populiste de la part des forces politiques et autres institutions politiques. Généralement, les tendances xénophobes en politique engendrent plus de problèmes qu’elles ne prétendent en résoudre. En outre, nous constatons que le niveau de xénophobie et de discrimination est inversement proportionnel au niveau réel de diversité (à savoir plus la diversité culturelle est grande, plus le niveau de tendances xénophobes est bas, et vice-versa).
Le rôle de «l’identité» est essentiel lorsque l’on aborde les défis du dialogue interculturel. Selon M. Doudou Diene9 qui a clarifié ce concept, «toutes les identités sont construites». En Europe, les identités se sont essentiellement construites sur la base d’affiliations ethniques, religieuses ou nationales. Quand on considère le rôle de l’identité, il est important de se rappeler que les identités se sont souvent construites par opposition à une autre notion, ainsi l’identité nationale est-elle basée sur l’exclusion de «l’autre». Nombre d’identités ainsi construites sont nées de conflits historiques, d’autres sont nouvelles et malheureusement très résilientes. Il peut aussi y avoir manipulation des identités par des détenteurs du pouvoir politique qui recherchent un soutien populaire et veulent remporter des élections. Les identités sont alors instrumentalisées et politisées. Des identités qui se sont construites dans la négation peuvent avoir
Le grand public ne se trompe peut-être pas complètement, mais il faut reconnaître qu’il subsiste une certaine ambiguïté qu’il convient d’éclaircir.
9 Ancien rapporteur de l’ONU sur les formes contemporaines de racisme et Président de l’Initiative européenne des musulmans pour la cohésion sociale
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un impact très fort et causer de nombreux préjudices. Elles nourrissent souvent les stéréotypes et la ségrégation. Les principaux défis à relever en Europe Les différents points exposés ci-après ont été recueillis lors des débats du Forum d’Istanbul en mars 2011, et dans les réponses aux questionnaires distribués à cette occasion. A la question de savoir quelles sont les principales difficultés du dialogue interculturel, la majorité des réponses aux questionnaires évoquent des problèmes liés aux migrants et demandeurs d’asile, à l’ethnicité, à la religion et aux Roms. Les questions liées aux migrants: Quel que soit le sens réel du terme «migrant», il faut le voir ici à travers le prisme de ce que l’on entend ou perçoit lorsqu’on utilise ce terme. Il est ressorti des débats lors du Forum des ONG et des réponses aux questionnaires que la plupart des participants perçoivent les migrants ou immigrés, selon le terme choisi, comme des personnes qui sont confrontées à des défis et ne sont pas inté-
grées dans la société du pays d’accueil. En fait, c’est cette même vision que l’on retrouve dans le rapport «Vivre ensemble»10 où il est dit que «les gens qui, par l’apparence ou le style de vie, se démarquent clairement de la majorité sont souvent étiquetés ‹immigrés› » tandis que le terme «ne recouvre que peu ou pas des préjugés exprimés à l’encontre d’étrangers qui viennent vivre et travailler dans un pays où ils se fondent, sur le plan visuel, dans la majorité des habitants». Comme nous pouvons le constater, la perception de l’opinion publique et les étiquettes que l’on accole sont déterminantes dans ce débat. Les migrants sont souvent perçus comme des citoyens de seconde zone. Certains des préjugés à leur égard utilisent des termes comme «soushommes, paresseux, violents et criminels, parasites de la société, voleurs, dealers, incompétents, dangereux, profiteurs de l’aide sociale». 10 Vivre ensemble – Conjuguer diversité et liberté dans l’Europe du XXIe siècle, rapport du Groupe d’éminentes personnalités du Conseil de l’Europe
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On entend dire «qu’ils nous volent notre boulot» et font baisser le niveau dans les écoles. Cette stigmatisation souligne l’hostilité générale ressentie par une large catégorie de personnes, et ne sert qu’à attiser l’antagonisme et la ségrégation des personnes qui sont différentes. La question des Roms: La précarité de la situation des Roms a été mise sur le devant de la scène ces derniers temps. Bien que leur situation présente de nombreuses similitudes avec celle des migrants, elle se distingue aussi par certaines caractéristiques qui lui sont propres et valent qu’on lui accorde une attention particulière. Les Roms sont eux-aussi considérés comme des citoyens de seconde zone et sont constamment rejetés par le reste de la société. Ils ont du mal à avoir accès aux allocations, à faire valoir leurs droits et à participer à la vie publique et politique. Plus ils sont discriminés et plus on leur refuse la possibilité de participer à la vie sociale, plus ils sont mis en marge de cette société, ce qui ne fait qu’entretenir le cercle vicieux.
La question de la religion: Les barrières religieuses sont un problème que l’on connaît depuis des siècles et qui persiste encore de nos jours. Aujourd’hui, dans de nombreuses communautés, les stéréotypes religieux et la stigmatisation dressent des barrières sociales qu’il est difficile de franchir. En outre, ces dix dernières années, des extrémistes fondamentalistes et le terrorisme ont généré une islamophobie qui est désormais profondément ancrée dans la psyché de nombreuses personnes. Même lorsqu’il existe des lois pour sensibiliser les gens à la religion et à la liberté de religion, cela ne suffit pas toujours comme le montre cet exemple en Italie: «En Italie, les principales difficultés avec les immigrés africains musulmans tournent autour de la religion. La seule religion enseignée à l’école est la religion catholique, et même si la loi exige que des alternatives soient proposées, cela n’est que rarement le cas dans la pratique» (FQ). Conditions qui aggravent les divisions existantes: Le problème du chômage et les différences dans les conditions socio-économiques et les niveaux
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d’éducation contribuent largement à creuser les inégalités, et par là-même au racisme, à la discrimination, aux stéréotypes etc. Avec la hausse du chômage, les gens ne se sentent plus en sécurité et se sentent menacés, ce qui les conduit à chercher des boucs émissaires et à «rejeter la responsabilité de ce qui leur arrive sur l’autre». Du fait des différences dans les conditions socio-économiques et les niveaux d’éducation, les gens continuent de vivre dans des communautés séparées sans aucun espace naturel d’interaction, ce qui ne fait que renforcer les interprétations et les perceptions. Par ailleurs, plus les étiquettes et les stigmates sont renforcés, plus il devient difficile de faire céder les barrières, ce qui rend encore plus difficile aux victimes de la discrimination l’accès aux mêmes droits et aux mêmes aides dans les domaines de l’emploi, du logement, de l’éducation, de la santé et des services sociaux.
Sociétés parallèles: Les sociétés parallèles au sein des Etats-nations peuvent être préjudiciables à bien des égards. Tout d’abord, il est important de ne pas oublier que le «contact entre des personnes issues de cultures différentes ne concourt pas automatiquement à une meilleure compréhension réciproque»11. Un contact plutôt limité, sans dialogue ni compréhension, renforce largement les idées préconçues. Cependant, celles-ci naissent souvent du fait que «les non-autochtones redoutent souvent de perdre leur identité culturelle, souhaitent vivre ensemble et finissent par créer des genres de ‹ghettos›. Les autochtones peuvent être réfractaires à l’intégration de ces ‹nouveaux arrivants› du fait de la force de leur culture nationale» (FQ). Il est clair, au regard de ces récits, qu’un tel isolement entraîne une aliénation mutuelle entre les groupes, et favorise des dissentiments croissants. 11 Otten à Ramberg, I. (2009). Intercultural Learning in European Youth Work: Which Way Forward? Conseil de l’Europe, Budapest
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D’autres éléments ont également été mentionnés, comme la dimension du genre, les différentes perceptions de la liberté, les barrières historiques, les barrières intergénérationnelles, le manque d’information ou des informations trompeuses, et bien d’autres encore.
Axes d’intervention Lorsque vous dressez la cartographie d’une région où un dialogue est nécessaire, vérifiez les points suivants: 2a) Comment les différentes parties prenantes perçoivent-elles la situation? 2b) Pensez à utiliser les outils d’évaluation appropriés pour réaliser cette cartographie. 2c) Après avoir dressé les premiers constats, affinez les résultats en «croisant» les informations ou «en augmentant le nombre d’échantillons afin de réduire le taux d’erreurs».
3. Les causes des conflits Comment le changement est-il géré pour éviter les conflits? Quels sont les outils pour gérer le changement? Comment les conflits sont-ils gérés? Dans un monde de plus en plus pluriel, où les circonstances nous «forcent» à vivre et à travailler avec des différences, des conflits auront toujours tendance à survenir. En fait, les conflits sont inévitables. Pourtant, nous aspirons à une société ouverte à tous, où l’on fasse preuve d’estime mutuelle et où tous les membres contribuent à la vie démocratique de la société. Une société en paix avec elle-même! Il nous appartient collectivement de discerner les préoccupations et risques potentiels qui peuvent surgir dans la société, d’en identifier les sources et d’apporter la réponse appropriée, de manière stratégique et avec compassion pour l’autre.
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Lorsque l’on souhaite examiner les causes des conflits, il peut s’avérer nécessaire d’identifier au préalable les éléments qui peuvent engendrer la cause des conflits. 1. C ommencer par SOI-MEME. Réticence à avoir une conversation honnête avec soi/ Absence de conversations honnêtes avec soi Qui suis-je? Quelle est mon histoire? Mon sentiment d’appartenance (à une communauté accueillante et ouverte à tous). Reconnaissance de nos tendances intrinsèques «naturelles» et préjugés. Quels sont mes préjugés? Le besoin de sécurité et de survie de l’être humain. Quelles sont les menaces réelles ou perçues par rapport à ma survie?
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2. Reconnaître l’autre – ami ou ennemi/ Echec à reconnaître l’altérité Se mettre dans la peau de l’autre. Voir «l’autre» à travers le prisme de SOI-MEME. Reconnaître les différences sans se sentir menacé par elles. 3. Lacunes dans la cartographie des problèmes interculturels auxquels notre communauté, ville ou cité est confrontée Demander aux communautés de se regarder dans un miroir et réfléchir, pour nous-mêmes, aux domaines de vie qui engendrent des conflits ou présentent un potentiel de conflits. Les communautés ou les villes peuvent être confrontées à des problèmes différents (cf. également EVA LUATION COMMUNE DES BESOINS STRATEGIQUES – JSNA). 4. Perception déjà existante ou émergente des autres cultures, idéologies et religions comme une menace Les conflits historiques qui continuent d’influencer nos attitudes et nos identités.
L’émergence de nouvelles alliances, par exemple, pourrait être mal interprétée et ressentie comme une menace par les personnes exclues de ces alliances. Le concept d’un village planétaire du fait des mouvements migratoires et de la mondialisation peut être perçu comme une menace par rapport au statu quo. Les tragiques et bouleversants événements du 11 septembre 2001 qui servent d’illustration brutale aux dangers qui nous guettent dans notre monde mondialisé, et comme conséquence la montée de l’islam en Europe qui est perçu comme le nouveau foyer de conflit, et déclenche des réactions dont certaines posent défi aux valeurs communes. Pour donner un exemple des défis qui nous attendent: l’abîme actuel entre «l’Occident» et le monde islamique exige que nous nous engagions dans un dialogue pour commencer à jeter un pont entre ces deux mondes entre lesquels l’écart ne cesse de se creuser. L’Occident, l’Europe fait face à un questionnement fondamental et critique de la part de mu-
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sulmans dans le monde entier. On entend souvent parler de la notion de «deux poids deux mesures». De très nombreux musulmans ont le sentiment qu’il leur est fait tort et qu’ils sont injustement traités par l’Occident. Face à de telles déclarations, l’Occident doit répondre en établissant un dialogue à tous les niveaux, intensifier son engagement et son appel en faveur du traitement pacifique des différences. Il doit y avoir une volonté de mieux comprendre le point de vue et la manière dont les choses sont perçues dans le monde islamique. 5. Le changement: souvent une source de conflit Cependant, les choses changent. C’est une «constante». Comment le changement est-il géré pour éviter les conflits? Quels sont les outils pour le changement? Comment les conflits sontils gérés? Il faut développer des compétences, une prise de conscience et de la compassion pour que le changement puisse bénéficier à toutes les parties prenantes.
6. Richesse et pauvreté Malgré des niveaux de richesse inégalés, les disparités économiques et sociales se creusent de plus en plus entre les populations riches et les populations vulnérables en Europe. Cette situation a engendré des sentiments de ressentiment et d’hostilité, notamment à la lumière de la défaillance du secteur financier dans de nombreux pays. Les personnes qui souffrent de la faim s’offusquent des mesures d’austérité draconiennes, aussi nécessaires soient-elles, surtout par con traste aux sommes croissantes engagées dans les guerres et aux primes que continuent de percevoir les banquiers dans le cadre de leur «activité courante». Il est essentiel de proposer un développement économique, couplé à l’auto-réalisation et un épanouissement personnel, aux populations con cernées pour leur permettre de sortir progressivement de la pauvreté.
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7. LE RACISME: sous toutes ses formes et toutes ses apparences! «Vous ne changez jamais les choses en luttant contre la réalité existante. Pour changer les choses, créez un nouveau modèle qui rende obsolète le modèle existant.» (Buckminster Fuller) Le racisme est tellement enraciné dans notre société et devenu un problème si insoluble qu’il résiste à tous les efforts successifs des gouvernements, des institutions et des ONG pour l’éradiquer. L’impact de cette construction créée artificiellement par l’homme est de nier à ses victimes des possibilités de progresser dans la vie, de les dépouiller de leur dignité et d’avoir un effet débilitant sur la santé mentale, physique et émotionnelle des victimes, des spectateurs et des agresseurs.
mondes avec tous les profits tirés de telles aventures. Elle continue de nous motiver aujourd’hui, que ce soit à la recherche d’un nouvel emploi ou de la sécurité pour nos familles au sein de «l’espace protégé» de l’Union européenne ou en d’autres lieux plus éloignés. Ce sont les mêmes facteurs qui poussent les immigrés à débarquer en Europe. C’est pour cela que nous devons nous mettre à leur place pour comprendre cette problématique et l’affronter. La couverture dans les médias d’histoires sur des immigrés a parfois rajouté de l’huile sur le feu dans le traitement de la question. Des études ont établi qu’en prenant pour cibles des groupes minoritaires, ceux-ci faisaient l’objet d’attaques violentes (cf. sous Références et ressources: The Search for Common Ground: Muslims, Non-Muslims and the UK Media London. Autorité du Grand Londres (2007), p.18).
8. Les mouvements migratoires et tous leurs moteurs Pendant des siècles, la migration a entraîné les nations d’Europe à la découverte de nouveaux
9. La situation critique des gens du voyage Il y a nécessité de développer une stratégie commune pour intégrer les gitans, les Roms et les gens du voyage avec un contrôle efficace de l’im-
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pact des politiques menées pour ces groupes, notamment en matière de planification, d’éducation et d’emploi. Depuis 2011, le Conseil de l’Europe a pris des dispositions spéciales à cet égard.12 10. L’ambivalence de la couverture de l’actualité dans les médias Le rôle des médias dans la propagation des préjugés à l’égard de certains groupes ethniques et religieux reste une préoccupation majeure. Qu’il s’agisse de musulmans décrits en association avec le terrorisme, d’immigrés présentés comme des «clandestins» vivant aux crochets de l’Etat, de demandeurs d’asile qui déposeraient de fausses demandes de protection ou de gitans, Roms et gens du voyages décrits comme des fauteurs de troubles: ces catégories de populations sont fréquemment présentées dans les médias grand public sous un jour négatif. La couverture médiatique dans certains journaux à forte diffusion a été disproportionnée, hostile 12 http://www.coe.int/web/coe-portal/roma
et inexacte, usant de termes incendiaires comme «faux», «vague», «inondation» et «frauduleux» (Cf. sous Références et ressources: The Search for Common Ground: Muslims, Non-Muslims and the UK Media London. Autorité du Grand Londres (2007). Un exemple de bonne pratique dans les médias On trouve un bon exemple d’approche interculturelle par les médias à Leicester, au Royaume-Uni. Le Leicester Mercury, qui compte plus de 200 000 lecteurs, est le principal journal local de Leicester. Cette ville est l’une des plus plurielles du Royaume-Uni et Nick Carter, rédacteur en chef du Mercury, prend sa mission très au sérieux. Le journal entend dépasser le sensationnalisme et les mythes, et a instauré une politique de réfutation efficace dès que des messages extrémistes ou très à droite sont exprimés dans les communautés. Le Mercury est l’un des partenaires du
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Groupe consultatif multiculturel de la ville dont Nick Carter préside souvent les rencontres. Ce groupe se réunit une fois par mois pour débattre, arbitrer et identifier des moyens d’action afin de prévenir des conflits communautaires, pour se mettre d’accord sur des tactiques pour démystifier activement certains mythes et reprocher leurs propos aux groupes d’extrême droite ou autres groupes extrémistes locaux. Le rédacteur en chef n’assiste pas à ces réunions dans le but d’en rapporter les échanges, mais pour engager un dialogue permettant aux médias et aux différentes communautés de mieux se comprendre. Cela contribue à des reportages plus efficaces, sensibles et fondés, qui se jouent des défis du «sensationnalisme» et des mythes, tout en faisant participer la presse locale au maintien de la cohésion au sein de la ville. 11. L’extrémisme et les activités de l’extrême droite Le positionnement négatif du multiculturalisme présenté comme un échec, les discours avec leur rhétorique contre l’immigration et les politiques
de lutte contre le terrorisme axées sur des codes ethniques ont nourri la xénophobie et l’islamophobie, renforçant dans le même temps les activités de l’extrême droite et suscitant souvent à nouveau des déclarations et des actions antisémites. De telles activités font descendre de nombreux sympathisants dans la rue, qui recherchent la confrontation directe avec la communauté, souvent avec des conséquences violentes. Il faut que les gouvernements coopèrent avec les ONG pour établir des stratégies efficaces d’engagement de la communauté pour lutter contre ces menaces.13
13 L’une des recommandations du rapport conjoint des ONG du Royaume-Uni contre le racisme au Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) – (Juillet 2011)
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12. Accumulation du mécontentement, des désillusions et colère menant au conflit «Lorsqu’un individu cesse d’être un véritable citoyen, lorsqu’il n’éprouve plus le moindre sens de responsabilité vis-à-vis de sa société, alors l’individu est inexorablement conduit à se retrancher d’une société sans âme. Ainsi naît l’aliénation qui est sans doute la gangrène la plus envahissante et la plus insidieuse qui ronge la société contemporaine.» Martin Luther King, Jr. Souvent attisées par des signaux manqués ou ignorés, qu’il s’agisse de tensions entre les communautés, de la suppression de la liberté d’expression, d’une vie ou d’un mode de vie parallèle, ou encore de la mise en œuvre de mesures de contrôle excessivement autoritaires (police, lois, règlements administratifs), ces formes abstraites de conflits peuvent s’avérer explosives et déclencher spontanément un conflit. Les causes de tels conflits peuvent être bien plus profondes et complexes qu’elles ne le semblent à première vue.
Pour pouvoir évaluer les conséquences de tels conflits, il faudra «creuser» bien plus profond pour trouver la racine des problèmes, les aborder de front et faire preuve de suffisamment d’audace pour prendre des mesures fermes. Il n’est pas toujours facile d’évoluer dans un espace interculturel. Etre un citoyen actif dans un tel espace demande engagement et interaction. Il faut savoir poser des questions et être prêt à répondre à celles des autres, savoir écouter et être écouté, ne pas avoir peur de ne pas être d’accord et être prêt à franchir le pas pour travailler à la résolution d’un conflit et le résoudre en trouvant une solution commune. Cela implique également de reconnaître que la gestion de conflits est une compétence (cela fait partie des compétences multiculturelles). Il faut avoir conscience de la nécessité d’acquérir une telle compétence, qui ne doit pas être réservée à quelques spécialistes mais doit au contraire être proposée à tous ceux qui ont un rôle à jouer dans la gestion courante des différents services et autres espaces publics.
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Axes d’intervention Après avoir dressé la cartographie de la situation (point 2), poursuivez l’investigation pour découvrir la ou les causes des problèmes. 3a) Commencez par classer les résultats en causes «factuelles» et causes «perçues» pour préparer la conception du dialogue (élément 8). 3b) Les éléments conceptuels relèvent également des causes perçues, comme par exemple: le concept d’un village planétaire du fait des mouvements migratoires et de la mondialisation peut être perçu comme une menace par rapport au statu quo.
3c) Le changement étant une constante, trouvez comment le changement est géré. Est-il nié, évité, abordé ou instrumentalisé? Constitue-t-il une menace ou une opportunité? 3d) Prenez le temps de remonter la trace d’éventuelles causes enracinées et réfractaires, les dénis débilitants.
4. Quels acteurs réunir autour de la table? «Personne ne devrait être exclu.» (FQ)
Le dialogue est un processus quotidien multi-vectoriel et multidirectionnel qui réunit, dans une certaine mesure, tout le monde sans exception, soit l’individu dans sa capacité personnelle, soit les membres de groupes sociaux, que ce soit à titre privé, professionnel ou dans l’exercice de fonctions publiques. Avec les éléments de ce chapitre, nous souhaitons développer une approche systématique du cercle de base des parties prenantes au dialogue avec leur fonction dans ce processus et les facteurs sous-jacents qui le prédéterminent. Le Livre blanc sur le dialogue interculturel – Vivre ensemble dans l’égale dignité de 2008 définit les parties prenantes comme «tous les individus et les groupes minoritaires ou majoritaires qui sont concernés par le dialogue interculturel et jouent un rôle important à cet égard, à savoir plus par-
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ticulièrement les responsables des pouvoirs publics et des parlements de tous niveaux, les collectivités locales et régionales, les organisations de la société civile, les communautés de migrants et les communautés religieuses, les organisations culturelles et de médias, les journalistes et les partenaires sociaux». L’individu reste un maillon central dans le dialogue interculturel. Dans le monde actuel, en sa qualité d’acteur social, de tenant de sa propre culture et de membre de groupes sociaux, un individu est itérativement en contact avec d’autres phénomènes culturels et les représentants de ces cultures à l’occasion de divers forums et à différents niveaux – de l’école et de son lieu de travail jusqu’aux espaces publics. En conséquence, l’individu devrait élaborer une stratégie d’interaction avec eux. L’efficacité de cette interaction dépend de la disposition individuelle à bien vouloir s’engager dans de telles interactions et des compétences et connaissances, valeurs qui déterminent le comportement de chacun, ainsi que des origines sociales.
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L’idée de base repose sur le principe de l’unité dans la diversité – une condition préalable au développement progressif de tout système et de la société dans son ensemble. Non seulement, nous devrions accepter la diversité qui nous entoure, mais nous devrions aussi apprendre à l’apprécier et à vivre ensemble dans l’intérêt général et individuel. Pour y parvenir, nous devons être en mesure de comprendre l’autre, une culture différente, ce qui exige un certain niveau de connaissances.
ment, d’autres structures qui assument des fonctions pédagogiques, et plus particulièrement des éducateurs en tant que parties prenantes dans le dialogue interculturel.
«Pour avancer, il faut encourager une approche pédagogique interculturelle.» (WS)
Dans le domaine du dialogue interculturel nous pouvons identifier les fonctions pédagogiques suivantes: • Transmettre des connaissances sur l’histoire, la culture, la langue, les traditions et les religions des peuples. Un point important, notamment pour prévenir les interprétations erronées de l’histoire. • Développer la pensée critique qui améliore l’extirpation des stéréotypes et des préjugés et, en conséquence, empêche «l’altérisation»14 (WS). Cela permet également de rester ferme face aux tentatives de manipulation. • Instaurer, construire et développer une culture humaniste et la tolérance.
Nous parlons ici de tous les niveaux d’études, mais aussi de l’éducation non-formelle et informelle et donc des établissements d’enseigne-
14 Pour plus de détails sur ce concept, cf. Intercultural Communication: an Advanced Resource Book. 2e édition. Par A. Holliday, J. Kullman, M. Hyde. Routledge, 2010.
Comme cela a été souligné dans les résultats des trois ateliers et les réponses obtenues aux questionnaires, un facteur pédagogique est indispensable à ce processus et continue d’être une solution à long terme – l’un des outils permettant un changement de mentalité.
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• Impliquer l’individu dans les pratiques sociales du dialogue interculturel.
véritables «ambassadeurs» de l’intégration (WS) et une source d’innovation et d’inspiration (WS).
En même temps, comme d’autres participants l’ont souligné dans les débats, il est important d’intégrer des modules d’enseignement des relations interculturelles dans la formation des professionnels qui jouent un rôle essentiel dans ce domaine, à savoir les enseignants, les journalistes, les juristes et les responsables politiques. Ces modules doivent être mis en application dans la formation initiale et ne pas être présentés comme de simples propositions optionnelles. (WS)
Il faudrait également souligner le rôle de la génération des anciens en tant que gardiens des traditions, qui assurent la continuité dans les valeurs sociales et culturelles et l’expérience positive développée au fil du temps. Sur une échelle temporelle plus longue, on pense à l’idée du «présent de 200 ans» évoquée par Elise Bouldings15 et à l’approche du dialogue comme un moyen «d’imaginer le futur».
Dans ce contexte, il faut insister sur le rôle de la famille – l’agent clé dans la phase initiale de la socialisation d’un être humain, la construction de la personnalité et une source d’éducation informelle. C’est dans sa famille que l’individu développe sa première perception de lui-même et de son environnement social. Les jeunes se distinguent des groupes sociaux en tant qu’agents du changement (WS). Ils sont de
La société civile, qui institutionnalise le facteur d’auto-organisation de la société et de l’activité publique, est une partie prenante multifonctionnelle et complexe. Si l’on examine le rôle de la société civile dans le contexte du dialogue interculturel au prisme des 15 Pour plus de détails, cf. Conflict Resolution: Origins, Foundations and Development of the Field in Contemporary Conflict Resolution par O. Ramsbotham, T. Woodhouse, H. Miall., 2011. http://www.polity.co.uk/ccr/contents
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principaux objectifs et activités des ONG, on note les priorités suivantes: • La stimulation de sa propre pratique quotidienne du vivre ensemble au niveau de la base – l’extirpation des stéréotypes et des peurs en relation avec l’autre et les préjugés. • L’encouragement de la sensibilisation de la société aux thématiques liées à la diversité et au dialogue interculturel. La participation à l’éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits de l’homme, notamment au sein du système de l’éducation non-formelle et informelle (cf. Références et ressources: Recommandation CM/Rec (2010) 7 du Comité des Ministres aux Etats membres sur la Charte du Conseil de l’Europe sur l’éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits de l’homme). • L’articulation et la discussion des sujets sensibles au niveau du grand public.
• La création d’une plateforme d’interaction en tre représentants de différentes religions, cul tures, nationalités dans le but d’identifier nos valeurs communes. • Garantir l’hypothèse d’une fonction consultative dans le processus de développement et de prise de décision politique et de dialogue constructif entre la société et les autorités publiques. • Travail de lobbying auprès des pouvoirs publics pour défendre l’intérêt public. • Jouer un rôle d’observateur. Au niveau local, la mise en œuvre du dialogue interculturel dépend souvent de la bonne volonté et des activités des communautés. Il faut encourager la participation au dialogue des communautés de migrants, qu’il s’agisse d’associations formelles ou de groupes informels. Les activités des chefs religieux, des communautés et des institutions religieuses, qui jouent un rôle significatif dans la promotion
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d’une culture de paix (WS), mettent en évidence la dimension religieuse du dialogue interculturel. Leur coopération orientée sur la promotion de valeurs universelles et des idéaux du bien et de la moralité peut influencer la mentalité des populations concernées et favoriser le dialogue interculturel. Les activités des organisations sportives et culturelles et de leurs divers représentants sont extrêmement importantes dans la formation d’une culture basée sur le respect de la diversité et dans la préparation et l’entretien d’un dialogue. C’est à travers le sport, la musique, le théâtre, le cinéma ou encore les beaux-arts que nous pourrons assurer une interaction, indépendamment de la situation politique.16
16 Pour plus de détails, cf. Violence, conflit et dialogue interculturel par Jean-Fred Bourquin. CdE, 2003, p. 52–53. Conflict Resolution in Art and Popular Culture in Contemporary Conflict Resolution par O. Ramsbotham, T. Woodhouse, H. Miall (2011). http://www.polity.co.uk/ccr/contents/ chapters/16.pdf
Le rôle des intellectuels, universitaires et chercheurs est très important parce que ce sont eux qui élaborent les aspects théoriques des problèmes concernant tout le complexe des relations sociales au sein de la société, sans lesquels il serait impossible de prouver la nécessité objective et la possibilité d’un dialogue interculturel comme condition préalable à une évolution s’inscrivant dans la durée. Il semble évident que les comportements individuels ainsi que les vecteurs et tendances caractérisant les activités des groupes sociaux au sein de la société dépendent, en grande partie, de facteurs politiques. L’un des acteurs majeurs du dialogue interculturel est un dispositif de gestion spécifique, à savoir les pouvoirs publics, qui d’après le Livre blanc sur le dialogue interculturel regroupent «le gouvernement du pays, ainsi que les organes politiques et les administrations au niveau local, régional et central […], les conseils municipaux et autres collectivités locales, de même que les personnes physiques ou morales relevant du droit privé qui remplissent
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des fonctions publiques ou exercent une autorité administrative». Les pouvoirs publics assument les fonctions suivantes: • Développement de l’agenda politique dans le domaine du dialogue interculturel et définition des buts et objectifs. • Définition d’un discours public propice au dialogue interculturel. • Adoption de normes applicables, y compris législatives, pour créer les conditions permettant la mise en œuvre efficace du dialogue interculturel. Par exemple, modernisation de la législation pour combattre la discrimination, les délits d’ordre racial, religieux et ethnique, ou encore motivés par la haine. L’introduction de nouvelles lois pour établir un bon équilibre entre les différents droits (WS). • Alignement de la politique sociale sur l’inclusion sociale et la cohésion sociale. • Soutien des activités des ONG dans la mise en œuvre du dialogue interculturel. Il convient de souligner l’importance des pouvoirs publics locaux dans la mise en œuvre des initia-
tives visant à établir et alimenter le processus du dialogue interculturel (cf. Références et ressources: Des dieux dans la ville – Le dialogue interculturel et interreligieux au niveau local (CdE, 2008); Cités interculturelles. Vers un modèle d’intégration interculturelle. Ed. par Phyl Wood (CdE, 2010). Nous ne pouvons ignorer le rôle du secteur privé qui est fréquemment impliqué, via ses projets contemporains, dans une interaction interculturelle. Il représente aussi souvent une plateforme pour les représentants de différentes communautés culturelles, religieuses, linguistiques ou autres. «Les entreprises peuvent contribuer à des relations interculturelles positives en s’efforçant d’appuyer la diversité sur le lieu de travail, en adoptant des approches responsables dans leur marketing et en soutenant les projets de la communauté qui encouragent la tolérance dans la société en général.» Cf. Références et ressources: The Business of Peace. The private sector as a partner in conflict prevention and resolution par Jane Nelson. IBLF, 2000 cité dans Doing Business
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in a Multicultural World: Challenges and Opportunities. Rapport conjointement réalisé par l’Alliance des civilisations de l’ONU et le bureau du Pacte mondial de l’ONU, 2009. De son côté, une évolution durable de la société basée sur des relations interculturelles harmonieuses offre aussi un fondement solide à l’activité des entreprises, qui peut devenir l’un des facteurs d’un partenariat constructif entre le secteur privé et le secteur public. L’identification d’objectifs et d’intérêts communs dans ce domaine, puis leur mise en œuvre sur la base de ressources partagées, sont les éléments clés pour renforcer le processus d’instauration et d’entretien du dialogue interculturel.17
17 Pour plus de détails, cf.: Doing Business in a Multicultural World: Challenges and Opportunities. Un rapport conjointement réalisé par l’Alliance des civilisations de l’ONU et le bureau du Pacte mondial de l’ONU, 2009. http://www.unglobalcompact.org/docs/issues_doc/ Peace_and_Business/Doing_Business_in_a_Multicultural_ World.pdf
Le facteur d’information et de communication joue un rôle spécial, assurant l’efficacité de la communication horizontale et verticale entre toutes les parties prenantes qui, dans la société médiatisée d’aujourd’hui, façonne la nature de leurs relations et leurs décisions. L’une des tâches les plus urgentes – comme l’ont souligné les participants au Forum – est de changer le discours, d’abord et avant tout, en se concentrant sur des messages positifs et constructifs. Les médias de masse restent un canal d’information essentiel, mais sans exclusivité. Leurs principales fonctions dans la mise en œuvre du dialogue interculturel portent sur: • La communication: établir et entretenir la communication avec toutes les parties prenantes que ce soit au niveau horizontal ou vertical. • L’information: des informations détaillées et appropriées, basées sur les faits pour l’assistance, le public, les gens. Refléter la diversité existant dans la réalité, contribution positive
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des migrants à la vie économique et culturelle du pays, éviter de transférer à nouveau les stéréotypes et les préjugés, etc. • L’orientation sociale: refléter les réalités sociales de manière objective pour encourager les publics à s’orienter sur certaines valeurs visant la reconnaissance et le respect de la diversité, ancrer le dialogue interculturel dans la durée, identifier et couvrir les valeurs communes. • L’aspect culturel et pédagogique: transmettre le savoir sur la propre culture d’une société et sur la culture de l’autre. • L’aspect organisationnel: établir un dialogue entre les pouvoirs publics et la société, influencer les institutions sociales. Soutenir un sens partagé des responsabilités est l’un des aspects clés du travail des médias par rapport au dialogue interculturel. Dans les conditions actuelles, le choix d’une image ou d’un terme devient crucial, il peut s’avérer un facteur mobilisant aussi bien dans un sens positif que négatif. La politique de l’information par rapport
aux exigences des médias ainsi que la responsabilité personnelle des journalistes augmentent démesurément. Dans le monde contemporain mondialisé, chacun est concerné par le processus du dialogue interculturel. Ce processus est d’une nature complexe qui exige une approche coordonnée et intégrée.
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Axes d’intervention Sur la base des conclusions trouvées par le moyen des axes d’intervention 2 et 3, dressez la liste des participants potentiels au dialogue.
attentes? Réfléchissez notamment au rôle des médias et pensez au bon timing: il faut savoir quand le dialogue a besoin d’un «espace sécurisé» et quand il doit «être rendu public».
4a) Passez votre liste en revue: est-ce que toutes les parties prenantes sont présentes ou représentées? Essayez de réunir différentes classes d’âges, des personnes des deux sexes, différentes professions, différents milieux sociaux et groupes sociaux. Procédez aux ajustements nécessaires.
4c) Essayez d’évaluer les fonctions qui peuvent être respectivement mises en œuvre par les différentes parties prenantes dans votre cas particulier. Evaluez les ressources humaines et matérielles qui seront disponibles.
4b) Déterminez la manière dont les éventuels participants au dialogue sont organisés. Qui sont les principaux acteurs, chefs de file, leaders d’opinion? Quelles sont leurs
4d) Collectez des données sur les prises de positions, attitudes, dispositions prises, réalisations des éventuelles parties prenantes dans le cadre du dialogue interculturel.
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4e) Réfléchissez à et réexaminez la contribution que vous attendez de chacun des participants. 4f) Réfléchissez à la nature d’un organisme, d’une plateforme qu’il faudrait établir pour donner aux participants la possibilité d’exprimer leurs intérêts ouvertement, coordonner leurs efforts et dresser un programme d’activités. 4g) Sur la base des constats précédents, développez une stratégie inclusive pour un dialogue basé sur les intérêts partagés des parties prenantes.
5. Conditions et contexte (macro- et micro-niveau) «Il faudra un énorme investissement de la part des individus et des ONG pour promouvoir – et voir – la valeur de la dimension interculturelle en tant que ressource.» (WS)
Le dialogue interculturel est possible et efficace dès lors qu’un certain nombre de conditions sont réunies au macro-niveau comme au micro-niveau, deux niveaux qui sont étroitement liés et interdépendants. Selon l’évolution, ces conditions peuvent se trouver à l’un ou l’autre des niveaux. L’objectif de ce chapitre est de nommer les composantes de base de ces conditions et de définir le contexte ou scénario pouvant générer un terrain fertile au dialogue interculturel. «Les valeurs universelles défendues par le Conseil de l’Europe sont une condition préalable au dialogue interculturel. Le dialogue est en effet im-
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possible s’il n’y a pas de respect de l’égale dignité de tous les individus, des droits de l’homme, de la primauté du droit et des principes démocratiques.» (Livre blanc sur le dialogue interculturel) Le Livre blanc sur le dialogue interculturel rappelle que les macro-conditions concernent les valeurs et principes suivants, qui doivent fonctionner ou être réunis: • Droits de l’homme, démocratie et primauté du droit • Egale dignité et respect mutuel • Egalité entre les sexes • Abattre les barrières qui empêchent le dialogue interculturel Le respect des droits de l’homme, l’égale dignité et le respect mutuel impliquent la création d’un contexte qui permette à tout un chacun d’exprimer son unicité sans craindre d’être ostracisé, de prendre part aux débats, de prendre des décisions sur des sujets pressants de la vie publique
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et de les mettre en œuvre. C’est la base indispensable pour réunir des conditions objectives qui pourront servir de garde-fou à la discrimination, au racisme et à la xénophobie, et renforcer ainsi le processus de cohésion sociale. Ce modèle même de dialogue, s’il est correctement pratiqué, est la base d’un système politique démocratique, et un mode de vie. En même temps, un vrai dialogue n’est possible qu’en présence d’une attitude responsable et si l’on respecte l’équilibre entre des droits et libertés s’opposant. Aujourd’hui, dans nos pays européens qui se distinguent dans leur diversité culturelle, la notion d’une «citoyenneté culturelle» qui «outre les droits et privilèges traditionnels de tout citoyen dans un Etat démocratique», inclut «une troisième dimension: le droit général à la reconnaissance de sa culture et de son héritage», «est appelée à gagner en importance si l’on veut générer un sentiment d’appartenance, notamment dans les groupes qui se sentent souvent rejetés par les groupes culturels dominants» (cf. Références et ressources: Guide des valeurs pour la vie
en démocratie. Ed. par Robert Stradling et Christopher Rowe [2009], p. 7). Renforcer l’intégration sociale et surmonter l’exclusion sociale sont l’un des défis majeurs auxquels l’Europe est confrontée aujourd’hui. Il est particulièrement urgent de mettre en œuvre la nouvelle stratégie et le plan d’action du Conseil de l’Europe pour la cohésion sociale (2010), qui reposent sur quatre idées maîtresses: «réinvestir dans les droits sociaux et dans une société cohésive; bâtir une Europe des responsabilités partagées et sociales; renforcer la représentation et le processus décisionnel démocratique, et développer le dialogue social et l’engagement civique; bâtir un avenir sûr pour tous». La pauvreté, le chômage, le problème des sansabris et d’autres signes de privation sociale dans le monde d’aujourd’hui, notamment en période de crise, sont souvent sous-jacents aux conflits qui ne sont que superficiellement de nature ethnique, religieuse ou culturelle. La garantie de droits sociaux ainsi que la mise en œuvre totale et précise des obligations des Etats, telles que définies dans la Charte sociale européenne, sont
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essentielles pour inscrire l’évolution dans la durée et réunir les conditions permettant de réduire le nombre de conflits dans la société. Tous les droits de l’homme sont universels, indissociables, interdépendants et intiment liés. Cela a été réaffirmé dans la Déclaration sur les droits de l’homme dans des sociétés culturellement diverses, adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 1er juillet 2009. Il est clair que toute initiative en faveur du dialogue interculturel doit être fondée sur le principe de base de l’égalité de droits entre les hommes et les femmes qui sont partie intégrante des droits de l’homme et l’un des critères de la démocratie. Le risque de non-respect de ce principe dans la pratique signifie qu’une femme appartenant à une minorité fait l’objet d’une accumulation de discriminations: au titre de son sexe, à la fois au sein de son groupe soumis à une société essentiellement patriarcale et du fait de son appartenance à une minorité. Dans une démocratie, chaque individu a le droit de participer à la gouvernance des affaires de
l’Etat et de déterminer la réalité dans laquelle il vit. Toutefois, cela n’est possible que dans une culture participative avec une maturité civique. La primauté du droit en tant que condition préalable fondamentale au dialogue interculturel, supposant l’égalité de tous devant la loi et l’observation rigoureuse de la séparation des pouvoirs, vise à instaurer une atmosphère de stabilité et de sécurité. La violation des droits de l’homme, l’atteinte à la dignité de l’autre, le racisme, la discrimination, le non-respect de l’accès aux droits sociaux, la pauvreté et l’exploitation: tels sont les défis les plus couramment mentionnés en liaison avec le dialogue interculturel. Combattre ces phénomènes négatifs est l’une des conditions évidentes au macro-niveau pour le dialogue interculturel. La diversité est un trait essentiel de la réalité, qu’elle soit naturelle ou sociale, et exige un développement durable. Il ne s’agit pas tant aujourd’hui de se contenter de reconnaître, respecter et nourrir la diversité, mais de l’utiliser pour
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l’intérêt commun. Il s’agit plus d’un problème fondamental de changement de mentalité, l’opinion publique devant passer de la confrontation à des dialogues orientés sur des solutions. «Une culture étrangère ne se révèle dans sa complétude et dans sa profondeur qu’au regard d’une autre culture. … Un sens ne révèle toute son amplitude que lorsqu’il rencontre un autre sens, un sens étranger, qu’ils entrent en contact: ils entament alors une sorte de dialogue qui surmonte ‹le renfermement sur soi› et la diversification insuffisante de ces sens particuliers.» (Mikhail Bakhtin, Esthétique de la création verbale [1986]) Par conséquent, le point de départ du dialogue interculturel est la compréhension du phénomène d’unité dans la diversité en tant que réalité d’un monde moderne où la diversité est considérée comme un avantage et une ressource, et non comme une menace (WS). Les conditions initiales de base au micro-niveau incluent la motivation, l’intention et la bonne volonté (!) à se joindre au dialogue et à le me-
ner, l’ouverture d’esprit des participants qui leur permet d’aborder les enjeux pour lesquels des réponses ne pourront être trouvées que dans le cadre d’actions communes et l’identification de valeurs et d’objectifs communs qui pourront servir de base à une telle unité, à la confiance et au respect mutuels. La volonté d’engager le dialogue est étroitement liée à des conditions comme l’hospitalité, l’amabilité et la bienveillance, qui sont des expressions caractéristiques du respect de son ou ses partenaires dans le dialogue, et signale une invitation au dialogue. Cet ensemble de conditions comprend les points suivants: • Etre sur un pied d’égalité, un résultat de la macro-condition de base de l’égale dignité. «Dans la conception du processus de dialogue, les acteurs impliqués devraient être traités sur un pied d’égalité. Le concept devrait prévoir un dialogue avec des échanges conduits en toute honnêteté, qui rassemble autour d’une même table tous ceux qui devraient s’y trouver et aborde les ques-
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tions sur la base de ce qui est juste et non pas de qui a raison.» (FQ). • Une capacité d’écoute,18 savoir écouter attentivement en cherchant à comprendre l’autre. «Nous devons écouter l’autre et le déchiffrer (par ex. chercheurs et philosophes)» (WS). Le défi est d’arriver à donner la possibilité aux groupes qui ne font pas partie du processus décisionnel de parler franchement, de s’engager dans un dialogue et, plus important encore, de faire en sorte qu’ils soient entendus et ne soient pas de simples auditeurs passifs. Il faudrait insister sur le cœur du processus, à savoir le désir de se comprendre mutuellement, d’apprécier d’autres points de vue, «d’être ouverts à d’autres récits» – en d’autres termes: ne pas se laisser prendre au piège d’un «monologue parallèle» (FQ). Ce qui est loin d’être une tâche facile. Un bon timing et un terrain bien préparé sont autant de facteurs pouvant faciliter l’avan18 Pour de plus amples informations, consulter le site: http://www.infoplease.com/homework/listeningskills1. html, ou encore http://www.drnadig.com/listening.htm
cée et qui mettent l’accent sur le rôle des facilitateurs du dialogue. • La conscience de soi et l’auto-réflexion, qui sont étroitement liées à la capacité à avoir une pensée critique. • Une prise de conscience: connaître l’autre, ses traditions et sa culture permet de fonder le dialogue sur des faits tout en évitant les stéréotypes et les interprétations erronées et, au final, nous permet d’arriver à des décisions rationnelles. Voici quelques exemples de mesures ayant pour objectif d’atteindre cette condition: programmes d’échanges de citoyens, y compris programmes pour les jeunes, programmes de mobilité pour la jeunesse, programmes de renforcement des capacités et de sensibilisation, organisation d’évènements ou de projets qui présentent la culture et l’histoire des immigrés, les informent sur leurs droits, etc. (FQ). • La qualité et la quantité d’informations. • Des compétences en communication, basées sur un esprit de coopération. «Les êtres humains ont tous les mêmes besoins
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(amour, acceptation, compréhension, identité, respect, reconnaissance, égalité de traitement, bien-être, soutien, tolérance, appartenance par ex.) si bien que l’on peut arriver à une situation gagnant-gagnant» (FQ). • Un langage commun que tous les communicants peuvent comprendre, avec une terminologie commune et qui recourt à des méthodes créatives pour exprimer sa position. • Des compétences organisationnelles. • L’honnêteté et le courage, l’aptitude et le désir d’expliquer sa position ouvertement exigent souvent une certaine dose de courage ou une forme spécifique de courage et de détermination. • La résilience: la résilience est la capacité d’une société à s’adapter socialement, dans son ensemble et pour chacun de ses membres individuels, la capacité à surmonter l’impact négatif des conflits, des traumatismes ou tragédies, à récupérer et à faire face à l’amertume et à dépasser le désir de vengeance, à établir des relations constructives avec ses adversaires et à pardonner.
• Une approche responsable dans la mise en œuvre des droits et des libertés (du point de vue du caractère indissociable de la responsabilité et de l’obligation de répondre de ses faits). Si l’on est réaliste, il faut être prêt à travailler sur des postures de refus19 et savoir que faire lorsque le dialogue normal ne fonctionne pas ou pourrait ne pas fonctionner, à savoir quand les avis sont «radicalement différents», parce qu’il existe certains moyens de dépasser ces blocages. Enfin, l’efficacité du dialogue interculturel n’est possible que sur la base de l’approche prenant en compte l’ensemble des conditions au macro-niveau et micro-niveau ainsi que la dynamique des processus sociaux au XXIe siècle.
19 http://www.polity.co.uk/ccr/contents/cf. chapitre 18
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Axes d’intervention Cette phase de préparation du dialogue exige une attention particulière à l’égard des points suivants: 5a) Vérifiez auprès de tous les participants ou parties prenantes (qu’il s’agisse de décideurs ou non): la conscience des préceptes de base du dialogue qui est axé sur une culture participative. 5b) Préparez les participants en ayant des échanges oraux ou par écrit sur les qualités souhaitées pour le dialogue. Il faut susciter les échanges à ce sujet plutôt que de le faire de manière prescriptive.
6. Faciliter le dialogue Travailler sur l’intégrité du processus c’est … travailler sur la qualité du résultat d’un dialogue. Il faut savoir que la Conférence des OING a commencé très tôt à initier des dialogues, contribuant ainsi à créer un environnement favorable aux ONG avec par exemple le dialogue sur «le rôle des ONG dans la situation suivant le conflit d’août 2008», que se soit en liaison avec des congrès régionaux20 ou à Strasbourg21. Ces expériences ont également permis de mieux discerner le niveau de réflexion préalable et de facilitation nécessaires à des dialogues exigeants. Ce chapitre vise à clarifier le rôle d’un facilitateur de dialogue, en le distinguant d’autres rôles 20 http://www.coe.int/t/ngo/Source/Penza_NGO_Congress_ Declaration_en.pdf http://www.coe.int/t/ngo/Source/Vilnius_Congress%20_ Conclusions.pdf 21 https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1456177
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et procédures. Il expose également les responsabilités des facilitateurs ainsi que quelques unes des compétences nécessaires. Rôle du juge de paix et rôle de l’arbitre Certains systèmes judiciaires prévoient des dispositions selon lesquelles un juge de paix doit surveiller un processus de règlement à l’amiable au lieu que soit engagée une action en justice. Une autre voie relativement similaire est celle de l’arbitrage. D’après la définition du dictionnaire, «l’arbitre est une personne choisie pour juger et décider de l’issue d’un différent»22. Le rôle du médiateur En Suisse, le Département fédéral des affaires étrangères avec ses références de «bons offices» en diplomatie internationale déclare: «Un médiateur reçoit un mandat des parties au conflit. Il les aide à se rencontrer, mais aussi à trouver des solutions sur le fond. Il peut par exemple communi22 http://www.chacha.com/question/ what-does-arbitrator-mean
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quer à une partie une solution proposée par l’autre, aider les parties à trouver un terrain d’entente sur le fond, présenter des propositions.» «Les négociations de paix sont devenues des processus extrêmement complexes, dirigés par un médiateur chevronné entouré d’experts dans des domaines comme les structures de l’Etat, le droit constitutionnel, les élections, la réforme des systèmes de sécurité, le désarmement et la réinsertion des combattants, ou encore la gestion du passé.» Parmi les grands acteurs des médiations actuelles figurent des institutions multilatérales, certains petits Etats et des ONG. La Conférence des OING s’est penchée sur le sujet de la médiation dans le cadre de sa Commission Droits de l’homme, avec le soutien de Michèle Guillaume-Hofnung23, universitaire française de renom dans le domaine de la médiation. 23 Professeure des facultés de droit, directrice du master diplomatie et négociations stratégiques de l’Université de Paris 11. Auteure de «La médiation», 5ème édition 2009, PUF.
Le rôle du facilitateur Un facilitateur24 de dialogues, comme prévu dans le présent outil de dialogue, est une personne qui aide un groupe de participants pluriels à • s’accepter et s’estimer mutuellement, • évaluer tous les facteurs en jeu pour surmonter les difficultés, • assumer leur part de responsabilité pour faire la différence, • identifier les objectifs partagés au sein du groupe, et • soutenir ce qu’ils entendent réaliser. Les facilitateurs ont ainsi un rôle à jouer dans la création de l’espace et du climat nécessaires, et sont responsables du processus. Bien qu’ils aient un rôle foncièrement différent de celui des participants, ils ont le même intérêt à travailler ensemble pour trouver une issue favorable.
24 http://en.wikipedia.org/wiki/Facilitator
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L’intégrité du processus Les participants doivent être informés de l’affiliation ou des attaches du facilitateur qui ne doivent pas être en conflit avec l’indépendance requise de sa part. Si le facilitateur est mandaté par contrat pour œuvrer au dialogue, son mandataire devra déclarer son identité. Le facilitateur ne prend pas de position particulière par rapport à la teneur des échanges, mais est informé et connaît ou peut rechercher les informations nécessaires sur les thématiques en jeu dans un dialogue donné. Très tôt dans le dialogue, le facilitateur doit établir les règles de base avec les participants. Il lui incombera ensuite de les faire respecter. Les relations entre le facilitateur et les participants sont par conséquent symbiotiques, et son rôle peut être comparé à celui d’une sage-femme. De la même manière que la sage-femme prend soin de l’hygiène au moment de la naissance, le facilitateur surveille l’intégrité du processus du dialogue. Travailler à l’intégrité du processus signifie également travailler à la qualité de l’issue du dialogue.
Selon l’IAF25, une association professionnelle de facilitateurs, «les facilitateurs assurent l’intendance du processus et veillent à l’impartialité du contenu». Compétences et sélection Une personne peut présenter une aptitude naturelle à la facilitation, mais la plupart des facilitateurs ont suivi une formation. Depuis 20 ans, la facilitation est devenue une compétence professionnelle qui peut être acquise par le biais d’un enseignement formel ou informel. Le monde des affaires, la formation et la gestion des conflits sont les principaux domaines d’intervention des facilitateurs. «Les facilitateurs de dialogue doivent savoir comment utiliser des méthodes non formelles (expérientielles, participatives, actives) pour instaurer la confiance, développer les compétences en communication et créer un climat d’acceptation, évoluer vers des situations gagnant-gagnant, etc. Les facilitateurs doivent également faire 25 http://www.iaf-world.org/index.aspx
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preuve de patience dans le processus de dialogue car celui-ci peut prendre beaucoup de temps.»26 Autorisation De nombreux organismes de formation remettent une attestation suite à la participation à un cours de formation pour facilitateurs. Pour le type de dialogues proposés ici, la Conférence des OING organise un atelier d’introduction spécifique à l’attention des facilitateurs pour leur apprendre à gérer les paramètres exposés dans la présente boîte à outils. Travail d’équipe Selon l’ampleur du projet envisagé, il est recommandé de prévoir au moins deux facilitateurs afin d’encadrer le dialogue. La co-facilitation elle-même est un bon exemple pour montrer aux parties prenantes qu’un partenariat est réellement possible.
26 Feedback du questionnaire soumis lors du Forum de la société civile (novembre 2011).
Le groupe de pilotage du dialogue Comme cela vient d’être dit, la gestion d’un dialogue est une tâche d’envergure. L’approche la plus productive consiste à réunir les différents talents nécessaires au sein d’un groupe de pilotage. Leur mission est semblable du rôle des facilitateurs, la principale tâche du groupe de pilotage est de permettre le processus. Il a réussi lorsque l’ensemble des participants adhèrent aux résultats achevés par le dialogue. Planning du dialogue Comme pour le planning du dialogue, qui sera expliqué en plus de détail au chapitre 8, il faut réfléchir soigneusement au calendrier. Est-ce que deux jours seront suffisants? Faut-il envisager une semaine de réunions intensives, ou un à deux soirées par semaine sur plusieurs mois? Le choix du planning influe sur l’intégrité et la crédibilité du processus de dialogue. Un planning extrêmement serré peut être perçu comme une tentative de pression sur les participants, mais à l’inverse un planning très lâche peut être considéré comme un aveu d’inefficacité. Le groupe de
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pilotage du dialogue sera donc bien avisé de fixer le planning en fonction du déploiement du processus. Résultats Le travail avec les chapitres 2 à 5 aura permis de mettre en évidence la matrice des problèmes à aborder dans une situation donnée. D’où l’attente d’un résultat de la part des participants et des facilitateurs. Comme dans la gestion des processus moderne, le facilitateur doit penser à faire le point sur les éléments du dialogue qui peuvent former le résultat en n’oubliant pas d’obtenir l’aval des participants. De telles mises au point peuvent consister à ajuster, élargir ou réduire les résultats visés pour le dialogue. C’est pourquoi le dialogue doit être conçu comme un processus séquentiel avec des boucles de rétroaction, et s’améliorer en fonction de la qualité et du temps qui lui est consacré. Réaction, évaluation, suivi Les facilitateurs formés demanderont régulièrement un retour d’information des participants, à
la fois au cours du dialogue comme à la fin de celui-ci. Le groupe de pilotage du dialogue sera bien avisé de demander aux participants d’évaluer la situation six mois après la fin d’un dialogue. La comparaison entre le feedback immédiat et celui donné rétrospectivement permettra d’obtenir des données pour une évaluation complète. Cette évaluation permettra de mieux concevoir les mesures de suivi ultérieures. Quelles que soient ces mesures au final, les participants au dialogue devraient être invités à exposer à d’autres personnes ce qu’ils ont appris au cours du processus. Rappel: il faut bien comprendre le rôle et les compétences des facilitateurs en tant que catalyseurs du processus lorsque l’on assemble les éléments nécessaires au dialogue.
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Axes d’intervention Actions à réaliser dans l’étape suivante dans la préparation du dialogue: 6a) Dressez la liste des facilitateurs potentiels. Vous pouvez également consulter des tiers pour leur demander quels sont les facilitateurs qu’ils peuvent envisager. 6b) Demandez aux facilitateurs potentiels s’ils sont prêts à s’engager dans le dialogue proposé, en acceptant les préceptes de l’éthique des facilitateurs. 6c) Formez une équipe de facilitateurs pour le dialogue avec au moins deux facilitateurs pour chacune des sessions.
7. Passer des obstacles cachés aux questions clés Une question qu’il faut soulever dans la phase préparatoire au dialogue ou régulièrement au cours de celui-ci est POURQUOI? Ce chapitre invite le lecteur à réfléchir à certains obstacles éventuellement cachés qui empêchent un bon déroulement du dialogue interculturel. Ce volet de l’Outil de dialogue tourne plus autour du fait de «mettre sur la table» les problèmes qui ne sont pas manifestes au premier abord et ne sont pas souvent abordés dans le processus d’un dialogue. Il s’agit ici de lancer des idées et de proposer quelques pistes de réflexion. Quels sont les obstacles cachés qui entravent le dialogue? Quels sont (le cas échéant) les dilemmes lorsque l’on envisage le dialogue? Quels sont les mots déclencheurs ou les termes catalytiques s’il en est?
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Pour qu’il y ait dialogue, il faut qu’il y ait au moins deux parties en présence. Afin que le dialogue se passe bien, chacune des parties devrait être prête à donner et recevoir avec le même niveau d’honnêteté et de compréhension mutuelle. Ainsi le dialogue offre un espace sûr où on peut partager et explorer des aspects qui ne sont généralement pas abordés dans la vie quotidienne. Il est conseillé aux acteurs impliqués d’aborder les «sujets délicats» par le biais du dialogue interculturel sur la base d’une compréhension mutuelle. Pour cela, il faut impérativement faire preuve d’ouverture d’esprit et communiquer en toute honnêteté. La demande de dialogue peut venir de chaque côté, «du point de vue majoritaire tout comme du point de vue minoritaire» (cf. Références et ressources: Bashy Quraishy – La migration, l’intégration et le rôle de l’éducation, novembre 2010). Les participants au dialogue devraient être préparés au préalable avant d’entamer celui-ci. Il faudrait mettre sur pied un programme de déve-
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loppement personnel pour permettre aux groupes moins privilégiés de développer les compétences nécessaires pour participer à part égale au dialogue. Avant d’entamer le dialogue, il importe de bien comprendre les besoins des personnes impliquées et de faire place à l’autre. Toutes les parties prenantes impliquées dans le processus devraient exprimer leurs besoins (avant de commencer le processus du dialogue) et dire ce que chacune des parties est prête à donner à son ou ses homologues, ainsi que ce que chacune attend de l’autre. La préparation au dialogue interculturel doit être basée sur un «contrat» oral conclu entre les parties, où les attentes, les craintes et les contributions sont exprimées clairement et en toute honnêteté. Que les stéréotypes soient positifs ou négatifs, ils ont une influence significative sur le processus du dialogue. C’est pourquoi il faut aborder le sujet de la perception erronée, des stéréotypes et préjugés.
Un autre sujet que l’on considère parfois comme tabou est celui de l’identité propre. Il y a toujours une tension dans la diversité. Au fil du temps, l’humeur oscille, comme un pendule, entre l’acceptation et le rejet. Les participants peuvent craindre de perdre leur identité culturelle quand ils sont confrontés à la perspective de rencontrer beaucoup d’autres. On peut voir le dialogue comme une occasion qui se présente naturellement et en harmonie – et non comme un outil pour se battre, manipuler ou convaincre. Le dialogue interculturel ne concerne pas seulement les communautés marginalisées. Il renforce la société dans son ensemble parce qu’il peut cultiver un sens d’appartenance et d’égalité (WS).
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La question se pose souvent de savoir quelle part accorder à la liberté d’expression et liberté de religion. Où s’arrête l’ouverture d’esprit et l’honnêteté, et où on commence à offenser les autres? Certaines critiques au sujet de la religion et des différentes croyances peuvent paraître choquantes mais il reste toujours une différence entre une critique et une insulte, et l’incitation à la haine (WS). Dans ce processus, il faut faire preuve de respect à l’égard des valeurs et des croyances des personnes engagées dans le dialogue. On rencontre des obstacles au dialogue interculturel qui se met en place à tous les niveaux: local, régional, national et international. La manière dont les conflits sont traités au niveau international influence fortement les sentiments des personnes concernées, quel que soit l’endroit où elles vivent. Au niveau national, on observe de grandes différences dans les structures judiciaires, par exemple le manque d’institutions publiques expressément dédiées au problème de la discrimination. Il est vital d’encourager des politiques publiques à tous les niveaux pour introduire le dialogue interculturel et le préserver. Il
faut également une législation claire sur la discrimination «raciale» et ethnique et sur les crimes motivés par la haine, qui bénéficie du soutien d’institutions qui savent traiter ce genre de cas, avec l’appui de statistiques officielles sur la discrimination raciale et les crimes haineux (FQ). Une question importante qu’il faut soulever dans la phase préparatoire au dialogue ou régulièrement au cours de celui-ci est la question de savoir POURQUOI. Par exemple, «pourquoi l’immigration est-elle perçue comme une chose négative?», «pourquoi l’intégration des jeunes gens issus de l’immigration est-elle aussi importante?», «pourquoi avons-nous besoin d’un dialogue interculturel?» et ainsi de suite.
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Tandis que l’on arrive à discuter ouvertement des problèmes religieux ou sociaux, on continue de constater des réticences à aborder le sujet de la moralité personnelle et de l’éducation familiale parce qu’elles reposent sur un équilibre précaire (WS et questionnaires). On peut également aborder ces sujets par le moyen d’un dialogue. Il subsiste encore de nombreux obstacles qui peuvent bloquer ou interrompre le dialogue (à tous les niveaux – individuel, local, national, régional, international). On peut éliminer certains obstacles en faisant preuve d’un esprit d’ouverture et d’une aptitude à reconnaître les obstacles, les aborder ainsi que d’une volonté de les surmonter. Certains exigent du temps, des efforts, un engagement à long terme et le courage d’appuyer «là où ça fait mal». Au final, le dialogue interculturel est un processus organique qui peut être sans cesse amélioré et utilisé comme une méthode permettant de faire évoluer les paradigmes.
Le dialogue offre une plateforme de rencontre pour tous: minorité et majorité, médias et religion, politique et religion, culture et société, économie et culture. C’est ainsi qu’il incarne une «sagesse pragmatique» (WS).
Axes d’intervention Renseignez-vous et trouvez quels sont les éventuels pièges du dialogue dans la situation donnée. Puis transposez ces sujets en questions adressées aux participants. 7a) L’approche personnelle Demandez aux participants d’écrire et/ ou d’exprimer leurs sentiments à propos des questions suivantes: quelle est mon identité? Quels sont les éléments qui motivent ma perception de ma propre
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culture? Comment est-ce que je perçois les autres et leur culture? Essayez d’identifier et d’analyser les stéréotypes et préjugés cachés, etc.
dans lequel vous devez opérer. Est-ce qu’un problème a été ignoré dans les décisions prises en politique et dans la pratique?
7b) Les autres Quels sont vos besoins, qu’est-ce qui vous motive pour entamer le dialogue? Que souhaitez-vous obtenir avec ce processus? Qu’êtes-vous prêt à donner?
7d) Récits et communications Quelles sont les histoires racontées dans mon groupe sur nous-mêmes, sur les autres? Est-ce que je connais les histoires que les autres racontent à leur propre sujet et sur nous? Dans quelle mesure les médias reflètent-ils les différents récits?
7c) Le niveau institutionnel/structurel Evaluez les politiques et leurs mécanismes de mise en œuvre dans le contexte
8. Conception du processus de dialogue L’un des principes fondamentaux de la démocratie est que les personnes concernées par les décisions qui peuvent être prises doivent avoir voix au chapitre.
L’objectif de ce chapitre est d’exposer les exigences fondamentales à la conception d’un dialogue interculturel. Chaque situation demande un traitement spécifique comme cela a été précédemment indiqué, notamment dans les chapitres 2, 3 et 4. Les choses peuvent être présentées différemment dans le présent chapitre, engendrant peut-être quelques répétitions. Toutes les démarches de dialogue ont en commun des éléments fondamentaux qui sont brièvement exposés ci-après.
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Principes directeurs Les principes suivants devraient constituer les éléments essentiels de tout dialogue et valent la peine d’être mis à l’ordre du jour de tout dialogue: Comprendre les principes des droits de l’homme, de la démocratie et de la primauté du droit. Comprendre et gérer les conflits (théorie et pratique). Inclure les techniques comportementales. Cultiver les compétences de discernement. Chercher à promouvoir l’unité dans la diversité. Promouvoir des conversations honnêtes27 pour atteindre un bon degré de confiance. Travailler en fonction du principe: «Qu’est-ce qui est juste, et non pas qui a raison.» Garder à l’esprit la sagesse de la réflexion: «Nous devons développer la sagesse de la réflexion: se préoccuper des choses qui nous soutiendront et nous apporteront de bonnes expériences» – Valerie Tiberius.28 27 http://www.hopeinthecities.org/trustbuilding 28 http://philpapers.org/rec/TIBTRL
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Préparatifs Qui dirige? De par leur nature, les dialogues sont initiés par des personnes qui cherchent un moyen de répondre à des besoins insatisfaits. Il leur est conseillé de former dès le début un groupe de pilotage comprenant au moins un facilitateur. La composition du groupe de pilotage devra par la suite refléter le spectre des différentes parties prenantes. Qui décide? Au départ, les initiateurs devront assumer la responsabilité du processus. Mais au fur et à mesure qu’ils progresseront, le rôle du ou des facilitateurs sera de s’assurer de la «propriété partagée» avec les participants au dialogue. Veiller à ce que la responsabilité du processus soit partagée permet de bénéficier d’une énergie optimale au moment où le résultat du dialogue doit être mis en pratique. Qui assume les coûts? Les frais d’un dialogue peuvent fortement varier en fonction du périmètre géographique et thématique. L’objectif général des dialogues étant de promouvoir et mettre en pratique une culture participative, leur budget devrait également refléter un système de partici-
pation. Si un dialogue implique des groupes défavorisés, il faut envisager une participation symbolique. Un système de partage des coûts entre les participants peut également être envisagé. Pour les projets de dialogue plus importants on devrait connaître l’origine des dons. L’identité des donateurs peut être bénéfique si les politiques des donateurs sont conformes aux principes directeurs susmentionnés. Le Conseil de l’Europe serait ainsi le partenaire idéal pour assurer un financement et réaliser des programmes de dialogue, ses valeurs fondamentales pouvant ainsi être transmises. Gestion orientée sur les processus Lors des préparatifs au dialogue interculturel, chacune des étapes nécessitera son propre processus, y compris le matériel pour les ateliers, la documentation et la spécification des travaux. Participez: apprenez à vous connaître vousmême. Laissez de la place à l’autre. Les parties prenantes au dialogue ont besoin de développer un sentiment de destin partagé.
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Les participants forment «l’équipe» qui apportera les améliorations à la qualité de vie de la société. La constitution d’une équipe selon le modèle développé par Bruce Tuckman29 prévoit quatre étapes: la formation, la confrontation, l’établissement des normes et la mise en œuvre. Chacune des étapes représente un processus par lequel il faut passer. Eliminez les obstacles pour obtenir une bonne interaction: tirez les leçons du passé en réunissant des informations sur les récits actuels et l’histoire passée. L’expérience montre que les dialogues interculturels les plus efficaces ont pu panser les blessures du passé.30 Si on les laissait de côté sans s’en occuper, elles obstrueraient la voie vers un dialogue axé sur la recherche de solutions. Soyez concentré sur l’issue du dialogue: le processus peut être descendant (une proposition faite aux participants) ou ascendant (obtenir des 29 http://www.businessballs.com/tuckmanformingstorming normingperforming.htm 30 http://findarticles.com/p/articles/mi_m0KZH/is_2_19/ ai_n16726175/
idées des participants sur l’issue du dialogue). Essayez de repérer les capacités, compétences, données et connaissances nécessaires pour obtenir un résultat. Réunissez des informations sur les bonnes pratiques en scrutant l’horizon des fournisseurs et institutions. Obtenez l’implication des participants en les invitant, par exemple, à faire une analyse FFPM (SWOT en anglais) sur les forces, faiblesses, possibilités et menaces. Vous pouvez créer des systèmes qui permettent aux personnes de réfléchir à la cohérence et pertinence de leur participation au processus en lien avec leur vie ou travail, afin de répondre à la question implicite: «Dans quelle mesure cela me concerne-t-il?» Cela vaut notamment pour la participation des jeunes au processus de dialogue. Rendez les choses «cool» pour les jeunes en passant par Facebook, les réseaux sociaux et les blogs. Prévoyez des échanges locaux et des échanges de jeunes. Développez des supports médiatiques pour jeunes journalistes. Travailler ensemble et vivre ensemble à travers les cultures: là où c’est déjà le cas, vous pouvez vous servir de cette ressource. «Il faut souligner que
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chacune des parties a tout à gagner du dialogue, à savoir comparer les bénéfices du dialogue aux pertes générées par l’absence de dialogue.»31 Séquencer les étapes du dialogue: selon la situation et le contexte, un dialogue doit commencer séparément au sein des différents groupes de parties prenantes. C’est la phase des «conversations à l’intérieur des groupes». Et à nouveau en fonction de la situation et du contexte, il se peut que le dialogue avec tous les acteurs doive avoir lieu dans un «espace sécurisé» où les conversations ne seront pas répétées ou rapportées à l’extérieur. Lorsque les participants auront acquis une autonomie suffisante – dans la phase de performance/mise en œuvre – et qu’ils auront passé en revue les différents obstacles à un engagement sérieux, on pourra envisager de passer à la phase «publique» du dialogue, en présence des médias. Cette phase peut commencer dès que l’on a obtenu un consensus au sein du groupe. Il peut s’avérer utile de faire un «essai» avec quelques personnes choisies à l’extérieur du groupe.
Les spécialistes du terrain le savent bien: «Il faut savoir faire preuve de beaucoup de patience et savoir bousculer gentiment les personnes pour les amener ou les inviter autour d’une table pour dialoguer.»32 Le facteur temps est tout aussi important pendant le processus. Il faut de la patience, savoir résister à la tentation pour ne pas sauter certaines étapes ou abandonner le processus en cours lorsqu’il ne semble donner aucun résultat immédiat.
31 Feedback d’un questionnaire
32 Feedback d’un questionnaire
Exemples de bonnes pratiques et modèles Une bonne pratique dans un domaine donné peut ne pas être transposable dans un autre domaine, mais elle peut tout à fait servir de source d’inspiration avec quelques ajustements en fonction du contexte. Si possible, pensez à inviter des personnes extérieures pour partager leurs expériences de leur propre situation. Ou alors trouvez et utilisez des enregistrements vidéo qui documentent des bonnes pratiques réalisées ailleurs. Les situations seront toujours différentes, mais il
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est avéré qu’on peut beaucoup apprendre les uns des autres en faveur d’un processus entamé. Développez un processus ouvert et interactif, justifiable devant tous les partenaires, qui passe en revue et réconcilie le langage, les perspectives, les valeurs, etc. avec le but que tout les participants se sentent responsables des priorités et les comprennent, et s’engagent à faire changer les choses. Créez des feuilles de travail, des modèles et des fiches d’évaluation qui préservent et renforcent les valeurs et principes universels qui étayent ce modèle de dialogue interculturel. Et n’oubliez pas … Dans un monde qui est presque devenu un village planétaire, il est impossible de vivre où que ce soit sans être confronté à la diversité. Vivre ensemble dans une société plurielle est un défi qui ne pourra être relevé que si nous parvenons à vivre ensemble en étant égaux dans la dignité. Un tel processus ne peut se faire que par le dialogue.
Axes d’intervention Le groupe de pilotage du dialogue doit se charger des points suivants: 8a) Travailler sur les conclusions susmentionnées et celles des chapitres précédents. 8b) Décider d’un délai d’exécution initial et d’un lieu de réunion pour le dialogue. 8c) Décider si le dialogue doit commencer avec des conversations au sein des groupes avant de le pratiquer avec toutes les parties prenantes en séance plénière. 8d) Planifier les propres évaluations intermédiaires et, à intervalles appropriés, faire de même avec toutes les parties prenantes.
9. Conclusions Comme toutes les cultures, la culture participative ne saurait être imposée. Il faut la développer. (FQ) On pourrait se demander s’il ne serait pas plus simple que des ordres soient émis par une instance ayant autorité afin de mettre tout le monde au pas. Au cours des dernières décennies et des derniers siècles, nous avons assisté à l’accumulation successive des énormes coûts de l’exclusion, de l’assimilation et de l’annihilation. Et les événements récents ont montré que les individus aspirent d’avoir des perspectives d’avenir et à un sentiment d’appartenance – le produit même d’une culture participative. Au niveau universitaire, les travaux avancent bien pour clarifier le lien subtile mais important entre les processus électoraux et l’interaction so-
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ciale, qui font de la démocratie ce qu’elle est censée être. Dans ce contexte on entend parler de démocratie délibérative.33 C’est pour cela qu’il faut voir le dialogue dans le contexte du modèle de concordance, dans lequel on arrive à une compréhension commune du vivre ensemble par le biais d’un large consensus entre les parties concernées, les associations et les groupes d’intérêts, donc entre tous les acteurs. On ne saurait abandonner ce processus au hasard, notamment dans les situations de changement accéléré. Il s’agit d’une méthode de travail dans des situations ou pour des situations où la cohésion sociale est insuffisante et où il faut restaurer la confiance des citoyens dans la politique et l’administration. A qui profite le dialogue? «Le dialogue interculturel n’est pas seulement une bonne chose pour les communautés margi33 http://assets.cambridge.org/97805218/28710/ frontmatter/9780521828710_frontmatter.pdf
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nalisées. Il est bénéfique à tous les groupes et à la société dans son ensemble.» Ce constat provient de l’un des ateliers du Forum d’Istanbul. Le rapporteur d’un autre atelier a noté: «Il faudra un énorme investissement de la part des individus et des ONG pour promouvoir la valeur du dialogue interculturel et percevoir la dimension interculturelle en tant que ressource. […] Lorsque l’on parle de dialogue interculturel, on devrait changer les termes. Pourquoi conserver l’étiquette ‹issu de l’immigration›? – Et pendant combien de temps devrions-nous continuer ainsi? – Une alternative envisageable serait ‹jeunes gens avec des origines ethniques plurielles.›» Enfin, selon un feedback obtenu dans le cadre d’un questionnaire, «le dialogue interculturel instaure également des liens de confiance entre les communautés, crée un espace pour aborder différents problèmes tels que les personnes disparues, le retour et la réintégration, faire face à son passé, l’identité, etc.» Si l’on réunit toutes ces pistes, on pourrait résumer en disant que les participants au dialogue
doivent écouter les récits avec précaution parce que, par nature, ils tendent à présenter des perceptions appartenant au passé, dans certains cas même des récits sont transmis de génération en génération, risquant ainsi de passer à côté du passé récent et des réalités présentes d’une situation donnée et de fausser le diagnostic. Tout comme pour les récits, il ne faut pas non plus sous-estimer l’aspect identitaire qu’il faut bien prendre en compte. Car la plupart des sociétés ont invariablement subi des changements, souvent suite à une période pendant laquelle les identités ont été prescrites, avec des éléments hermétiques, qui risquent à nouveau de faire passer à côté des réalités récentes et actuelles d’une situation donnée et de fausser le diagnostic. C’est ainsi que des dialogues bien conçus participent du développement de la société toute entière. Le dénominateur commun Les auteurs de l’Outil de dialogue partent-ils du postulat selon lequel les sociétés devraient, par nécessité ou obligation, partir d’une page
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blanche pour débuter le dialogue? Sur quoi pourraient se baser de telles tentatives? Tout comme d’autres acteurs, ils sont également convaincus que des avancées déterminantes ont été réalisées au XXe siècle, au nombre desquelles la création du Conseil de l’Europe, la Convention européenne des droits de l’homme, la Charte sociale européenne et la Cour européenne des droits de l’homme. Autant de jalons auxquels l’on peut et l’on doit se référer, chaque nouvelle génération ayant besoin de se réapproprier les enseignements tirés du passé. Outre la défense classique des droits de l’homme, une référence universelle, l’approche par le biais du dialogue peut susciter une «réappropriation» de ces valeurs par les sociétés au fur et à mesure de leur évolution, au fil du temps. Plus spécifiquement, la méthode du dialogue permet de travailler de manière créative sur les questions pressantes qui pourraient sinon finir comme «des marronniers politiques» rendant encore plus difficile la vie des dirigeants et des populations.
Le contexte élargi Une étude britannique sur le changement culturel, intitulée «Achieving Culture Change»34, constituait l’un des volets de réflexions sur la manière «d’améliorer le fonctionnement du gouvernement». Les principaux enseignements tirés de cette étude valent la peine d’être cités ici pour mieux illustrer le contexte élargi dans lequel les dialogues proposés peuvent avoir lieu: • «Chercher à assurer les grands changements sur le long terme. • Diriger les opérations en visant à être un exemple de norme sociale positive. • Le signaler de manière logique en décrivant des politiques et par des décisions politiques. • Créer des ‹espaces sécurisés› pour tester et essayer de nouvelles idées et innovations.
34 Publication: Strategy Unit, Admiralty Arch, The Mall, London SW1A 2WH, Crown Copyright 2008
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• Identifier les changements intervenant déjà dans la société et se développer à partir de là – et soigneusement planifier l’intervention pour donner un cadre au dialogue et aux débats. • Rassembler de multiples interventions aux impacts les plus forts. • Etre prêt à innover et emprunter de nouvelles voies, comme le recours à des mentors. • Comprendre les limites de l’acceptation du public pour l’intervention, et chercher à le gagner à sa cause avec le temps en passant par le dialogue, les débats et en faisant preuve d’efficacité et de compétence.» La plupart des points susmentionnés contiennent des éléments favorables à la pratique de dialogues. Qui devrait initier un dialogue? Selon un vieux dicton peu connu il faut «créer les choses que l’on juge nécessaires». Les auteurs souhaitent souligner que la perception et la volonté sont primordiales pour initier un dialogue. Puis vient la question de savoir comment ré-
pondre aux besoins et aux exigences d’un tel processus. Explorer, établir un budget, planifier, faciliter, trouver un lieu, autant de besoins à prendre en compte. On peut concevoir et modéliser une culture participative dès la phase de planification et la pratique de dialogues, ce qui renforcera la crédibilité de l’ensemble de l’entreprise. «La démocratie n’est pas un sport de spectateurs»35 Enfin, la Conférence des OING et le Groupe de rédaction – qui avaient pour mandat d’élaborer le présent Outil de dialogue – vous remercient de l’attention que vous leur avez consacrée et vous adressent tous leurs vœux de réussite pour développer des dialogues, dans l’espoir que vous pourrez ainsi contribuer à la culture participative souhaitée.
35 Citation reprise d’un panneau d’affichage réalisé par les participants à une conférence intitulée «Making Democracy Real», qui s’est tenue en Inde en janvier 2012
10. Références et ressources Livre blanc sur le dialogue interculturel «Vivre ensemble dans l’égale dignité» (2010) • La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) du Conseil de l’Europe est un organe de protection des droits de l’homme du Conseil de l’Europe, chargé du suivi des problèmes de racisme, de discrimination, de xénophobie, d’antisémitisme et d’intolérance et de présenter des exemples de bonnes pratiques dans la lutte contre toutes les formes de discrimination au niveau national, plus spécifiquement dans les médias. (http://www.coe.int/t/ dghl/monitoring/ecri/default_fr.asp) • La Direction générale de la Démocratie propose des exemples de bonnes pratiques dans le domaine de l’éducation civique. • Le COMPENDIUM des politiques et tendances culturelles en Europe: site du Conseil de l’Europe qui propose une base de données d’exemples de bonnes pratiques. • La Commission européenne (DG Education et Culture) de l’Union européenne a publié deux manuels d’exemples de bonnes pratiques en
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vue de préparer l’année européenne du dialogue interculturel en 2008. • Quelques programmes de financement qui soutiennent le dialogue interculturel: • L e Fonds européen pour la jeunesse – http://www.eyf.coe.int/fej/ • J eunesse en Action – http://eacea.ec.europa.eu/youth/ programme/about_youth_fr.php • L ’éducation et la formation tout au long de la vie – http://ec.europa.eu/education/ lifelong-learning-programme/doc78_fr.htm • F ondation euro-méditerranéenne Anna Lindh pour le dialogue entre les cultures – http://www.euromedalex.org/fr • Outils utilisés pour promouvoir le dialogue interculturel au niveau local, régional et national: • Human Library – http://humanlibrary.org/ • Inter faith dialogue – http://www.interfaith.org.uk/ • Mobility projects – http://www.youthcan.eu/ • One World Movies – http://www.jedensvetnaskolach.cz
Références et ressources | 64
• Projets mis en œuvre avec succès: • European Movement – http://www.emins.org/emins_english/ content/index.html • Projet universitaire international – mis en œuvre par l’Université Panteion d’Athènes (Grèce) et la Commission grecque pour l’étude des Communautés européennes – http://unipd-centrodirittiumani.it/en/ pubblicazioni/B-Governing-a-MulticulturalEurope-a-New-Republican-Aproach-AthensTeam-Introduction/318 • Mise en œuvre de la législation: le nouveau sujet de «L’éducation à la citoyenneté et aux droits de l’homme» est introduit dans les écoles en Espagne – http://www.coe.int/t/dg4/education/ edc/2_edc_hre_in_member_states/ country_profiles/profile_spain_EN.asp
Livres et autres articles: Autobiographie de rencontres interculturelles par Michael Byram, Martyn Barrett, Julia Ipgrave, Robert Jackson, María del Carmen Méndez García avec la contribution de Eithne Buchanan-Barrow, Leah Davcheva, Peter Krapf, Jean-Michel Leclerq (2009) http://www.coe.int/t/dg4/autobiography/ Source/AIE_en/AIE_autobiography_en.pdf Cités interculturelles. Vers un modèle d’intégration interculturelle Edité par Phil Wood (2010) http://www.coe.int/t/dg4/cultureheritage/ culture/cities/ICCModelPubl_fr.pdf Contemporary Conflict Resolution par O. Ramsbotham, T. Woodhouse, H. Miall. 3e édition. 2011 Contribution des enseignants à l’éducation à la citoyenneté et aux droits de l’homme Cadre de développement de compétence Peter Brett, Pascale Mompoint-Gaillard et Maria Helena Salema avec la contribution de Virgílio
Références Aimsetofressources Dialogue | 65
Meira Soares, Vedrana Spajic-Vrkaš, Sulev Valdmaa et Ulrike Wolff-Jontofsohn. Sous la direction de Sarah Keating-Chetwynd (2009) http://www.coe.int/t/dg4/education/edc/ Source/Pdf/Contribution%20enseignants_ d%C3%A9velop_competencesf.pdf Des Dieux dans la ville – Le dialogue interculturel et interreligieux au niveau local (2008) http://book.coe.int/FR/ficheouvrage.php?PAGEID=36%E3%80%88=EN&produit_aliasid=2289 Dialogue interculturel dans le système européen de protection des droits de l’homme (Série livre blanc – volume 1) par Patricia Wiater (2010) Dialogue interculturel sur les campus universitaires (Série enseignement supérieur du Conseil de l’Europe n° 11) par Sjur Bergan et Jean-Philippe Restoueix (2009) Dix thèses sur le rapport entre les rencontres européennes de jeunes, l’apprentissage interculturel et
les qualifications requises des animateurs permanents et bénévoles dans ces rencontres. Hendrik Otten (2009) http://www.nonformality.org/wp-content/ uploads/2007/11/ten.pdf Doing business in a multicultural world: challenges and opportunities. Rapport conjointement réalisé par l’Alliance des civilisations de l’ONU et le bureau du Pacte mondial de l’ONU (2009) http://www.unaoc.org/ibis/2010/05/17/ doing-business-in-a-multiculturalworld-challenges-and-opportunities/ Domino – Un manuel sur l’emploi de l’éducation par groupes de pairs en tant que moyen de lutte contre le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme et l’intolérance (3e édition) (2004) Education aux droits de l’homme dans les systèmes scolaires d’Europe, d’Asie centrale et d’Amérique du Nord. Recueil de bonnes pratiques (2011) http://www.ohchr.org/Documents/Publications/ CompendiumHRE_fr.pdf
Références et ressources | 66
End Game in Ireland (2002) par Eamon Mallie et David McKittrick. Hodder & Stoughton Guide des valeurs pour la vie en démocratie. Robert Strandling et Christopher Rowe (2009) How all teachers can support citizenship and human rights education: a framework for the development of competences. Peter Brett, Pascale Mompoint-Gaillard et Maria Helena Salema avec la contribution de Virgílio Meira Soares, Vedrana Spajic-Vrkaš, Sulev Valdmaa et Ulrike Wolff-Jontofsohn. Sous la direction de Sarah KeatingChetwynd (2009) http://www.coe.int/t/dg4/education/edc/ Source/Pdf/Documents/6555_How_all_ Teachers_A4_assemble.pdf Human Rights Education in the School Systems of Europe, Central Asia and North America: A Compendium of Good Practice http://www.ohchr.org/Documents/Publications/ CompendiumHRE.pdf
Intercultural Communication: An Advanced Resource Book for students. 2nd Edition. Par A. Holliday, M. Hyde, J. Kullman (2010) Interreligious and Intercultural Dialogue in Youth Work Sous la direction de Silvia Volpi (2007) http://www.eycb.coe.int/eycbwwwroot/hre/ eng/HREportal%20documents/Symposium%20 IRID/List%20of%20pax%20final%20for%20 uploading.pdf La migration, l’intégration et le rôle de l’éducation par Bashy Quraishy (2010) http://www.iiz-dvv.de/index.php?article_ id=729&clang=2 LE DIALOGUE DEMOCRATIQUE – Un manuel pratique par Bettye Pruitt et Philip Thomas (2007) http://www.idea.int/publications/democratic_ dialogue/fr.cfm
Références Aimsetofressources Dialogue | 67
Les droits de l’homme dans des sociétés culturellement diverses: défis et perspectives (2009) Living in Diversity – Lesson Plans for Secondary Schools (2010) http://book.coe.int/EN/ficheouvrage.php?PAGEID=36&lang=EN&produit_aliasid=2553 Manuel sur le discours de haine (2009) Anne Weber Manuel sur le port des symboles religieux dans les lieux publics (2009) Malcolm D. Evans Models of Intercultural Competence par Martyn Barrett http://www.theewc.org/content/resources/ intercultural.competence/ Mosaic. The training kit for Euro-Mediterranean youth work (2010). http://book.coe.int/EN/ficheouvrage.php?PAGEID=36&lang=EN&produit_aliasid=2482
Nouvelle stratégie et plan d’action du Conseil de l’Europe pour la cohésion sociale (2010) http://www.coe.int/t/dg3/socialpolicies/ socialcohesiondev/source/2010Strategie_ PlanAction_CohesionSociale.pdf Politiques et pratiques de l’enseignement de la diversité socioculturelle – Concepts, principes et enjeux dans la formation des enseignants (2009) Recommandation CM/Rec (2010). 7 du Comité des Ministres aux Etats membres sur la Charte du Conseil de l’Europe sur l’éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits de l’homme. Regard critique sur le dialogue interculturel et ses risques pour l’éducation http://ebookbrowse.com/calin-rus-regardcritique-sur-le-dialogue-intercultureldoc-d217447927
Références et ressources | 68
Speaking across borders: the role of higher education in furthering dialogue interculturel (Série enseignement supérieur du Conseil de l’Europe n° 16) (2010) Sjur Bergan et Hilligje van’t Land (Eds) Strategic support for decision makers – Policy tool for education for democratic citizenship and human rights http://www.coe.int/t/dg4/education/edc/ Source/Pdf/Downloads/6896-2-ID9989-EDC-HRE %20Strategic%20Support%20for%20Decision%20 Makers%2016x24%20 assembl%C3%A9.pdf Structures consultatives locales pour résidents étrangers (2004) Sonia Gsir, Marco Martiniello T-kit 4: L’apprentissage interculturel (2000) http://youth-partnership-eu.coe.int/youthpartnership/publications/T-kits/4/Tkit_4_FR The Business of Peace. The private sector as a partner in conflict prevention and resolution par Jane Nelson (2000)
http://www-dev.iblf.org/docs/ BusinessofPeace.pdf The Search for Common Ground: Muslims, Nonmuslims and the UK Media London (2007) http://ics-www.leeds.ac.uk/papers/ vp01.cfm?outfit=ks&folder=75&paper=170 Un soutien stratégique pour les décideurs – Instrument d’action pour l’éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits de l’homme David Kerr et Bruno Losito en collaboration avec Rosario Sanchez, Bryony Hoskins, William Smirnov et Janez Krek http://www.coe.int/t/dg4/education/edc/ Source/Pdf/Downloads/ID11172%20FRA%20 7061%20Soutien%20strategique%20Version%20 web%20Policy%20Tool.pdf Violence, conflit et dialogue interculturel par Jean-Fred Bourquin (2003) http://book.coe.int/FR/ficheouvrage.php?PAGEID=36&lang=FR&produit_aliasid=1693
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