REUNIR UN TERRITOIRE DIVISE Continuités paysagères et rénovation du centre-bourg de Tharon-Plage, Loire Atlantique
Ecole Nationale Supérieure d’Architecture Paris Val-de-Seine Master 2 - Février 2017 Ryane de Choiseul
A mes grands-parents, Papi-Tatillon et Mamie-Pointilleuse Tharonnais depuis 1976
“
Tu sais ce qui est beau, ici ? Regarde : on marche, on laisse toutes ces traces sur le sable, et elles restent là, précises, bien en ligne. Mais demain tu te lèveras, tu regarderas cette grande plage et il n’y aura plus rien, plus une trace, plus aucun signe, rien. La mer efface, la nuit. La marée recouvre. Comme si personne n’était jamais passé. Comme si nous n’avions jamais existé. S’il y a, dans le monde, un endroit où tu peux penser que tu n’es rien, cet endroit, c’est ici. Ce n’est plus la terre, et ce n’est pas encore la mer. Ce n’est pas une vie fausse, et ce n’est pas une vie vraie. C’est du temps. Du temps qui passe. Rien d’autre.
“
Alessandro Baricco in Oceano Mare, 1998
SOMMAI 8
INTRODUCTION I. SITE (S) - Un territoire désuni I.1. Situation
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I.2. Entre continuités et ruptures : - Historiques - Territoriales - Saisonnières - Paysagères
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I.3. Enjeux
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II. INTENTION (S) - Le renouvellement urbain par la création de continuités transversales II.1.Le projet paysager Lier le territoire par des connexions transversales “Reconnecter “ deux villages par un tracé historique
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II.2. Le projet urbain Adapter le centre-ville à sa saisonnalité marquée
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II.2. Le projet architectural Un équipement dédié à la vie de quartier
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I.3. Stratégie 3 échelles d’intervention, 3 intentions : 1 projet de liaison
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6
AIRE III. STRATEGIES (S) - Le projet urbain et architectural III.1. Principes d’implantation 64 66 68
Des sentiers de promenade le long des cours d’eau existants Une succession d’espaces publics jalonnant l’avenue Ernest Chevrier Un équipement de quartier à l’articulation de deux axes majeurs III.2. Recherches programmatiques et morphologiques
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Un équipement hybride dédié aux commerçants et aux habitants Programmes additionnels : la placette intimiste et la tour d’observation L’esplanade sur la côte, un accès à la plage revisité III.3. Recherches de matérialités et références
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Les halles : entre tradition et modernité La tour : entre verticalité et porosité L’aménagement du littoral : la relation à l’eau
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CONCLUSION
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REMERCIEMENTS
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ANNEXES
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SOURCES
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INTRODUCTION : Pour ce Projet de Fin d’Etudes, j’ai choisi de porter mon regard sur un type de territoire que je n’avais pas eu l’occasion d’étudier lors de mon cursus à l’ENSAPVS : un bourg de 4000 habitants, au bord de l’océan Atlantique. Loin de Paris, de sa banlieue et de ses enjeux urbains, Tharon-Plage est une petite station balnéaire du début du XXème siècle, située dans le territoire du Pays-de Retz (département de la Loire-Atlantique), à une cinquantaine de kilomètres de Nantes. Là-bas, les problématiques sociales, paysagères et saisonnières sont bien différentes de celles soulevées par les projets que j’ai pu concevoir dans notre capitale et d’autres grandes villes lors de ces cinq années d’études. Le projet urbain mêlé à une intervention architecturale est l’occasion, pour ce dernier projet universitaire, de m’ouvrir à des réflexions combinant des aspects sociaux, historiques et spatiaux me permettant ainsi de concevoir un projet global et cohérent pour la ville. Si, dans un premier temps, c’est mon affect pour ce village que je fréquente depuis l’enfance, son cadre charmant, la beauté de ses paysages marins qui m’ont attirée vers le choix de ce site, je me suis rapidement rendue compte qu’il fallait que je réussisse à m’abstraire de cette connaissance intime et adopter un regard neuf sur ce bourg ainsi que ses environs afin d’en faire ressortir de nouveaux questionnements. C’est grâce au constat, développé en première partie et réalisé à l’aide d’une analyse cartographique, d’entretiens avec les services techniques de la mairie et au travers de recherches historiques et géographiques sur ce territoire métissé et imprégné d’influences bretonnes et vendéennes, que j’ai pu comprendre les enjeux de ce site, au delà de mes a priori et envisager, ainsi, les premières intentions de projet détaillées en seconde partie.
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J’ai choisi de réaliser un projet mêlant des interventions paysagères, urbaines et architecturales afin de formuler des réponses qui soient les plus complètes possibles face aux situations particulières de la ville dont le visage change radicalement avec l’arrivée de l’été, comme toute station balnéaire en vérité. L’aspect saisonnier de mon site a été pour moi l’un des critères majeurs à prendre en compte lors de l’élaboration de ce projet : Comment faire vivre une station balnéaire desertée en dehors des vacances scolaires ou des week-ends ensoleillés? Comment adapter un projet à des contextes aussi opposés que le calme hivernal et la ferveur estivale? Quel programme concevoir pour s’adresser à une population veillissante, parfois active? Comment pallier à l’isolement des retraités et quels espaces créer afin de favoriser le cotoîement, la rencontre, l’échange ou le rassemblement et ainsi dynamiser le bourg? Ces questions sont celles qui m’ont animée et auxquelles je tente de répondre par un projet d’une échelle assez réduite, celle du bourg, tout en essayant de diversifier les interventions afin qu’elles puissent s’adresser aussi bien aux résidents qu’aux estivants de passage dans Tharon. Mon projet doit être un projet de lien. Au sein de ce territoire, le manque de connexions à la fois spatiales et sociales est très marqué et c’est en prenant exemple sur les seules liaisons subsistant dans le paysage local (continuités des trames bleues et vertes) que j’ai conçu mon intervention. Sauf mentionné, les documents graphiques et photographies sont de l’auteure de ce rapport.
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SITE (S) Un territoire dĂŠsuni
SITUATION : Tharon, un village qui a une place de choix sur la côte de Jade
Le bourg auquel je m’intéresse pour ce Projet de Fin d’Etudes est situé dans le département de la Loire Atlantique et fait partie du territoire du Pays-de-Retz, juste au dessous de l’estuaire de la Loire. Tharon-Plage s’étend le long de la côte de Jade, appelée ainsi en raison de la couleur que prennent parfois les reflets de l’océan. La côte de Jade est marquée par la forte présence de petites cités balnéaires ayant fleuries au début du XXème siècle. Ces villes côtières s’adressent à une forme de tourisme assez populaire (en comparaison avec les grandes stations balnéaires du nord de l’Estuaire, telles la Baule et le Croisic qui, à l’origine, visaient un public plus bourgeois). Peu de grands hôtels ni de belles villas, ici c’est plutôt l’image des “congés payés”, des colonies de vacances, de la pêche aux moules et des séjours en campings ou en locations qui prime. Cette petite station balnéaire peine à trouver son identité sur le littoral malgré de nombreux atouts que je vais tenter d’exposer dans la première partie de ce rapport.
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Echelle départementale : la Loire-Atlantique
Echelle territoriale : le Pays-de-Retz
ECHELLE DEPARTEMENTALE ECHELLE DEPARTEMENTALE
ECHELLE TERRITORIALE ECHELLE TERRITORIALE
ECHELLE INTERCOMMUNALE ECHELLE INTERCOMMUNALE
LOIRE ATLANTLIQUE LOIRE ATLANTLIQUE
PAYS DE RETZ PAYS DE RETZ
COMMUNAUTE DE COMMUNES COMMUNAUTE DE COM DE PORNIC DE PORNIC
ECHELLE INTERCOMMUNALE ECHELLE INTERCOMMUNALE
COMMUNALE ECHELLEECHELLE COMMUNALE
COMMUNAUTE DE COMMUNES COMMUNAUTE DE COMMUNES DE PORNIC DE PORNIC
COMMUNE COMMUNE DE DE MICHEL CHEF-CHEF SAINTSAINT MICHEL CHEF-CHEF
Echelle intercommunale : C.C. de Pornic
Echelle communale : Saint-Michel Chef-Chef
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ENTRE CONTINUITES ET RUPTURES Les stations balnéaires de la côte de Jade : une urbanisation rapide au début du XXème siècle
Au XIXème siècle, villages et hameaux sont répartis assez uniformément dans le territoire. On peut remarquer que les villages les plus proches des côtes conservent néanmoins une certaine distance avec le littoral. Avec la mode des “bains de mer” apparue au début du XXème siècle et promouvant les bienfaits de l’eau salée, l’inauguration de la ligne ferroviaire Pornic-Paimboeuf en 1906, fleurissent, sur le littoral Atlantique, de nouvelles villes et petites stations balnéaires dont fait partie le bourg de Tharon-Plage. Surtout fréquentées l’été et plus encore à partir de 1936, grâce à la création des congés payés, ces villes côtières se développent au détriment, parfois, des villages situés à l’intérieur des terres. En 1939, lorsque la Seconde Guerre Mondiale éclate, la ligne ferroviaire Pornic-Paimboeuf ferme. Elle ne réouvrira jamais et sera remplacée par un service d’autocars. A l’époque de l’essor de l’automobile, le réseau viaire se densifie permettant aux familles de se rendre dans ces stations qui prospèrent et continuent de s’agrandir (du milieu des années 50 à la fin des années 70) pour accueillir toujours plus de vacanciers. Dès les années 80, le développement de ces villages se ralentit et ce sont les plus grandes villes côtières comme Saint-Brévin-les-Pins (sous l’estuaire de la Loire) et Pornic qui prennent davantage d’importance, notamment grâce à la construction du pont de Saint-Nazaire pour la première et à la réhabilitation d’une ligne de train reliant Pornic à la ville de Nantes pour la seconde. Sur la carte de 1990, on peut voir que le phénomène d’étalement urbain ralentit fortement. Le XXIème siècle n’aura pas bouleversé le visage du territoire.
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... HISTORIQUES
1866
1950
1971
1990
10 Km
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ENTRE CONTINUITES ET RUPTURES Une entité administrative, deux bourgs très différents
Le bourg de Tharon-plage est rattaché à la commune de Saint-Michel-Chef-Chef, située un peu plus haut dans les terres, à 3km au Nord. Malgré ce regroupement administratif, le bourg possède une identité distincte de celle de Saint-Michel : leur histoire est bien différente et cela se ressent dans l’organisation et l’ambiance de ces deux villes. Saint-Michel-Chef-Chef est une petite ville dont la naissance remonte au 12ème siècle. Au Moyen-âge, le village se développe autour de son église (datant du début du 13ème). A la Révolution, elle compte 800 habitants qui sont majoritairement des marins et des pêcheurs ainsi que quelques agriculteurs et éleveurs dont témoignent les terres bien cultivées et les prairies aux portes de la ville. A la fin du XIXème siècle, la ville centrée sur l’eglise et le cimetière s’agrandit et les nouvelles constructions vont chercher le littoral. L’histoire de Tharon-Plage est, quant à elle, bien différente. C’est dès l’année 1906 et la construction de la ligne ferroviaire reliant Pornic à Paimboeuf par la côte, que le bourg commence à croître. A partir de ce moment là, la ville prospère : on voit s’ouvrir des petits casinos, restaurants, bars et commerces. Les années 50 et 60 marquent l’avênement des campings, des locations longues et des résidences secondaires. L’essor des “charters” dans les années 80 change quelque peu la donne estivale, le développement du bourg stagne et ce jusqu’au début du XXIème siècle où l’on peut observer une hausse de la fréquentation pendant la haute saison notamment.
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... HISTORIQUES
Tharon - Plage au début du XXème siècle La plage •
L’avenue Ernest Chevrier •
Les premières habitations le long de la mer •
La gare •
•
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www.cparama.com
ENTRE CONTINUITES ET RUPTURES ... Au delà des limites administratives
Comme nous avons pu le voir précédemment, Saint-Michel s’est développée lentement autour de son église et son cimetière, puis de sa mairie, de ses écoles et de son usine des emblématiques Galettes Saint-Michel, alors que Tharon s’est bâti rapidement au début du XXème siècle. C’est notamment le plan en damier si caractéristique de l’époque (que l’on retrouve également à Saint-Brévin) qui donne au bourg ses airs de station balnéaire. Bien éloigné de l’atmosphère de village que l’on retrouve au Nord, Tharon s’oriente radicalement vers l’océan, niant presque la commune de Saint-Michel ainsi que le territoire plus agricole situé pourtant à quelques centaines de mètres à l’Est de la ville. Le tissu de Saint-Michel centré sur son église d’une part et la mono-orientation vers l’Ouest de Tharon d’autre part, empêchent un certain échange entres les deux villages : ils se tournent le dos. Il me semble alors important de concevoir mon projet urbain -qui prend place à Tharon- en lien avec la ville de Saint-Michel-Chef-Chef et de son centre-ville mais aussi avec les terres agricoles intérieures afin de reconnecter ces territoires qui s’ignorent pour le moment.
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... HISTORIQUES Les deux centre-villes se tournant le dos...
2,5 Km
Cimetière Ecole Maternelle et primaire publique
Ecole Maternelle et primaire privée Mairie
Bureau de Poste Mediathèque Cinéma
Eglise Saint-Michel
Usine de Galettes Saint-Michel
SAINT-MICHEL CHEF-CHEF Centré sur son église
THARON-PLAGE Orienté vers l’océan
Poste de Secours (Plage)
Cimetière Ecole Maternelle et primaire publique
Paroisse St Gildas de la mer
Bureau de Poste Mediathèque Cinéma Pêcheries
Office du Tourisme
Ecole Maternelle et primaire privée Mairie Eglise Saint-Michel
Usine de Galettes Saint-Michel
Tennis Club
Bureau de Poste
Marché Estival Cimetière
1 Km Poste de Secours (Plage) Paroisse St Gildas de la mer
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ENTRE CONTINUITES ET RUPTURES Une résille viaire dense qui favorise l’accès aux deux bourgs mais enclave le littoral
La bande côtière agrémentée par l’enfilade de stations balnéaires est particulièrement bien desservie par un réseau d’infrastructures viaires, raccordant aisément ces communes avec les grandes agglomérations du département (Nantes et Saint-Nazaire). Les autres villages de la côte sont néanmoins plus difficilement accessibles par les transports publics, notamment le train qui désormais, ne dessert plus que les deux villes importantes des environs, Pornic et Saint-Brévin. Le réseau routier dense est fragmentant, à l’image de la césure que créé la départementale 213 (la “Route Bleue” - deux fois deux voies, limitée à 110 Km/h- reliant la ville de Saint-Nazaire à Pornic et qui sépare les zones urbaines des zones agricoles) et, dans une autre mesure, le boulevard de l’océan longeant la côte de Jade (formant une limite entre le tissu urbain et les plages). Les cités balnéaires sont comme contenues par les limites naturelles et artificielles, enclavées et ceinturées par des routes qui les coupent de leurs paysages naturels. Un des enjeux de ce projet sera de créer des porosités transversales afin de relier le littoral aux bocages en passant au travers des villages.
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... TERRITORIALES
Carte des réseaux routiers et des transports
vers Nantes
vers La Baule
Saint-Nazaire vers Nantes
Saint-Brévin les-Pins
Saint-Père en Retz vers Nantes
vers Nantes
Saint-Michel Chef Chef
vers Arthon en Retz
Préfailles
vers Nantes Pornic
vers Noirmoutiers
vers Nantes
Villes
Réseau de bus
Réseau viaire
Réseau ferré
10 Km
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ENTRE CONTINUITES ET RUPTURES Un territoire orienté vers l’eau reniant ses paysages agricoles
La “Route Bleue” coupe Saint-Michel et Tharon de leurs terres agricoles : la station balnéaire se tourne alors principalement vers son rivage, favorisant le tourisme et l’économie marine (zones conchylicoles et ports de pêche), tout en délaissant une partie non négligeable de son histoire, de son terroir et de son agriculture.
Comment de nouveau ouvrir la ville vers ses terres et ainsi recréer un lien entre l’économie marine et le monde agricole, aujourd’hui séparés par une bande urbaine dense et des zones commerciales longeant la “Route Bleue” ?
Isolement des exploitations agricoles dû à la route départementale D213
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... TERRITORIALES
Le réseau viaire, une limite au dialogue entre la ville et ses zones agricoles
Zones Conchycoles
Ports de pêche
Zones Boisées
Champs
Exploitations Agricoles
Réseau viaire
1 Km
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ENTRE CONTINUITES ET RUPTURES Un littoral marqué par le tourisme dans lequel Tharon peine à trouver sa place
Le département - et plus particulièrement la côte de Jade - bénéficie d’une grande attractivité touristique. La plage avec ses loisirs nautiques ainsi qu’un patrimoine architectural varié1 et des sites paysagers singuliers attirent de nombreux touristes en saison estivale ainsi que bon nombre d’habitants de la région Nantaise pendant les week-ends ensoleillés et les vacances scolaires. Néanmoins, Tharon est assez pauvre en sites touristiques (hormis sa grande plage et le club nautique) malgré sa position privilégiée sur un circuit de randonnée cyclable tres emprunté. Comment redonner à cette station balnéaire un attrait singulier, une identité à faire valoir afin qu’elle retrouve une place dans ce chapelet de cités balnéaires ?
influencé par l’architecture bretonne d’une part (bâtisses en pierres et toitures en ardoise) et vendéenne d’autre part (maisons blanches de plain-pied aux toits en tuiles oranges). 1
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... TERRITORIALES
Carte référençant les sites touristiques et les grands espaces naturels du Pays-de-Retz
P
M
A
A
P
P A
P
L P P
M A
P P
M
L P
L
A
P
L A
P
A P
A A A L
A
P P
L
L
L
Sites de Loisirs
M
Musées
A
Patrimoine architectural remarquable
P
Sites paysagers et jardins
Réseau cyclable
Parcs naturels protégés
10 Km
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ENTRE CONTINUITES ET RUPTURES Tharon, un bourg aux deux visages : le village calme et la station balnéaire fréquentée
La petite station balnéaire de la côte atlantique accueille environ 4 000 Tharonais et Tharonaises à l’année, alors qu’en saison estivale, la fréquentation de la ville explose et peut atteindre 30 000 habitants que l’on retrouve dans leurs résidences secondaires, campings, hôtels, chambres d’hôtes et locations. La population résidente est relativement âgée : plus de 30% ont plus de 60 ans... Un profil d’habitants bien différent de celui que l’on peut retrouver en haute saison et qui se compose majoritairement de familles. Le bourg vit sur deux rythmes tranchés : - La basse saison, pendant laquelle la plage est dépeuplée et où, seul le centre ville (autour de l’avenue Ernest Chevrier et ses commerces de proximité) s’anime encore. - La saison estivale pendant laquelle Tharon change, se charge, s’agite et fourmille. Les marchés diurnes (2 fois par semaine) et nocturnes (tous les soirs) sont très fréquentés, les glaciers ouvrent leurs portes et la fête foraine prend place pour accueillir les familles après une journée de baignade ou de promenade sur la côte de Jade. Cette saisonnalité marquée est à prendre en compte dans l’élaboration d’un projet qui devra pouvoir s’adapter aux rythmes à contre-temps de la ville.
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... SAISONNIERES
La plage de Tharon, au Sud du bourg : Pêcheries et estran marin
La plage de Tharon, du côté du port de Comberge : Club nautique et touristes •
•
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www.borddemer-camping.com
ENTRE CONTINUITES ET RUPTURES Continuités bleues et vertes, des corridors naturels à renforcer
Un des grands atouts de la région est sa diversité paysagère. Le Pays de Retz est un territoire marqué par des paysages naturels variés à préserver d’un étalement urbain irraisonné et dont la diversité est à valoriser. Malgré la fracture visible entre la côte et les terres intérieures, certaines continuités persistent, notamment autour des cours d’eau se jetant dans l’océan Atlantique autour desquelles ont été conservées des bandes végétalisées non constructibles. Appuyer ces trames bleues et vertes par un projet paysager peut-être un moyen de créer de nouvelles liaisons, plus transversales, dans ce territoire meurtri par un découpage en “tranches” longitudinales très marqué empêchant la communication entre les différentes séquences du paysage.
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... PAYSAGERES
Carte des espaces naturels : trames bleues et vertes
Espace protégé ZNIEFF II
Zones Boisées
Champs
Zone d’estran
Continuités bleues et vertes
1 Km
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ENTRE CONTINUITES ET RUPTURES Continuités bleues et vertes, des corridors naturels à renforcer
Ce territoire à la confluence de la Bretagne et de la Vendée est marqué par un métissage de paysages. Deux atmosphères y sont principalement ressenties : d’une part, le mouvement symbolisé par le paysage marin sans cesse changeant, entre vents et marées... vers lequel les villes se tournent et d’autre part, la permanence de la nature à l’image du bocage, territoire intérieur imprégné des paysages de l’ordinaire et du quotidien, composé de champs et de prairies, d’espaces boisés et de marais. Le changement d’ambiance paysagère est souvent très ténu, les marais laissent place aux bois puis aux terres agricoles par des transitions, des lisières douces. nous pouvons également observer ce phénomène sur le littoral: Les dunes, la plage et l’estran se succèdent pour se fondre dans l’océan. Ces continuités, qui permettent de lier ce territoire désuni, m’ont inspirée pour concevoir le projet.
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... PAYSAGERES
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ENJEUX :
Après avoir entrevu dans une première partie les écueils et les atouts de ce territoire empreint d’une diversité de situations (territoriales, paysagères et saisonnières) favorisant de grands écarts d’usage dans Tharon, les enjeux de mon intervention urbaine et architecturale peuvent se résumer ainsi : • Lier la commune de Saint-Michel-Chef-Chef au• bourg de Tharon-Plage, tout en respectant leurs identités afin d’inciter les habitants à profiter de ce que chaque village peut offrir. • Rassembler en un lieu, monde agricole et monde marin autour d’un projet commun visant à dynamiser l’intercommunalité. • Développer l’éco-tourisme en faisant découvrir aux habitants et aux estivants la diversité de paysages de la région qui ne se limitent pas uniquement au littoral. • Adapter le projet à la double temporalité de la ville en s’adressant aussi bien aux habitants du bourg qu’aux touristes, le moment venu.
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Lier : SAINT-MICHEL CHEF-CHEF
THARON-PLAGE
SAINT-MICHEL CHEF-CHEF
THARON-PLAGE
SAINT-MICHEL CHEF-CHEF
THARON-PLAGE
Rassembler :
Janvier
Février
Mars
Avril
Janvier
Février
Mars
Avril
Mai
Juin
Juillet
Août
Mai
Juin
Juillet
Août
Septembre Janvier
Mai Janvier
Octobre
Novembre
Février
Mars
Juin Février
Septembre
Juillet Mars
Octobre
Décembre Avril
Septembre
Adapter :
Janvier
Août
Mai
Avril
Novembre
Janvier
Décembre
Octobre
Novembre
Février
Mars
Juin Février
Septembre
Juillet Mars
Octobre
Décembre Avril
Août Avril
Novembre
Décembre
Mai
Juin
Juillet
Août
Mai
Juin
Juillet
Août
Septembre
Octobre
Novembre
Décembre
Septembre
Octobre
Novembre
Décembre
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II. INTENTION (S) Le renouvellement urbain par la crĂŠation de continuitĂŠs transversales
LE PROJET PAYSAGER : Lier le territoire par des connexions transversales
Comme nous avons pu le voir dans la première partie de ce rapport, la côte de Jade est un territoire sectionné en une série de bandes longitudinales Nord/Sud. Cette division contribue au manque de continuité entre les différentes entités du paysage. D’Ouest en Est, nous retrouvons l’océan, la plage, les dunes puis le Boulevard de l’Océan qui longe toute la côte, isolant les villes de leur rivage. Place ensuite à la “bande urbaine” dense, ceinturée par une autre infrastructure viaire, la Route Bleue, qui forme un mur invisbile d’une trentaine de mètres de large séparant les villes des parcelles agricoles et des prairies. A plus grande échelle, celle du territoire, nous avons d’un côté les zones urbaines denses tournées vers l’océan et de l’autre des villages isolés, orientés vers les champs. Les ruptures subsistent également à l’échelle de la ville : le tissu urbain ne parvient que rarement à franchir la barrière dessinée par le Boulevard2.
Contrairement à ce que nous pouvons observer dans les communes avoisinantes dans lesquelles le boulevard de l’Océan s’écarte du littoral pour laisser place à des habitations ainsi qu’à des sentiers piétons longeant le bord de mer. 2
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Séquences paysagères : depuis l’océan jusqu’aux clôtures des habitations •
Le boulevard de l’Océan à Tharon-Plage
•
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www.vjoncheray.fr
LE PROJET PAYSAGER : Lier le territoire par des connexions transversales
Si d’un coté, les constructions et les infrastructures ont parfois été conçues en rupture avec le territoire, des continuités vertes persistent. Les éléments naturels du paysage ne s’interrompent pas aux limites bâties par l’Homme ; des liaisons entre les différents milieux se dessinent et, en s’abstrayant des infrastructures, nous remarquons que ces transitions sont essentiellement formées de lisières : Nous passons, par exemple, d’une ambiance de bocage aux paysages rocailleux du bord de mer par des transitions douces, des espaces d’entre-deux et de charnières qui fonctionnent comme un liant. Ces lisières forment non seulement des espaces de liaison qui permettent de lire le paysage de manière continue -et non plus en rupture comme une succession d’entités distinctes- mais elles constituent aussi des seuils, des espaces à la fois de pause et de déséquilibre, qui accordent le paysage tout en confrontant plusieurs milieux parfois très distincts. Nous retrouvons, notamment dans la région, le long des plages, la forte présence de dunes et de zones d’estran, qui sont à la mer, ce que l’orée est aux champs et aux bois. Ces zones d’interface forment des lieux dont la richesse et la complexité sont à étudier pour nourrir le projet.
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L’estran
Les dunes
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La lisière
LE PROJET PAYSAGER : Lier le territoire par des connexions transversales
Ces frontières (dunes et estran) sont des lieux riches, tout d’abord d’un point de vue écologique. C’est principalement dans ce type d’espace, là où se côtoient des univers aussi différents que peuvent être la terre et la mer, que nichent des espèces uniques. C’est par exemple au sein de l’estran que l’on peut observer un échantillon de la biodiversité des eaux peu profondes de l’Atlantique. D’autre part, d’un point de vue plus esthétique et paysager, ces seuils -qui prennent autant de formes qu’il existe de paysages- sont des lieux singuliers de passage d’un monde à l’autre, au visage changeant, qui invitent à s’y installer. Enfin, plus symboliquement cette fois, les lisières, comme les seuils, forment le lieu des possibles, entre la stase et la mobilité, des espaces à la fois au bord et à l’écart du monde. “La plage est une lisière. Comme la vie est impossible sur mer, et presque autant sur terre, les gens s’amassent à la lisière, comme si l’unique espoir d’exister figurait au milieu des néants. Tout tient et se presse dans un petit chemin de sable où l’espoir fait ambuler sans cesse, toute vie s’inscrit dans une frange entre deux infinis.” 3 C’est à partir de l’image et de l’imaginaire de ces lisières, que l’idée d’un projet paysager permettant de lier Tharon à ses environs a mûri.
3
GALIBERT, Jean-Paul, “Le bord de la solitude”, Conserveries mémorielles n°7, 2010 consulté en ligne le 30 mars 2016 Texte intégral en annexe
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Coquillages sur l’estran de la plage de Tharon
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LE PROJET PAYSAGER : Lier le territoire par des connexions transversales
L’idée principale du projet à l’échelle de l’intercommunalité est donc de réaliser des continuités paysagères transversales, principalement Est/Ouest, afin de créer des porosités et des passages entre le littoral et l’intérieur du Pays de Retz. Pour réaliser ces liaisons, je me propose de m’appuyer sur les continuités de trames bleues et vertes. Les prolonger vers l’océan permet de renforcer les corridors écologiques et d’offrir un nouveau regard qui, pour le moment, se focalise uniquement sur le littoral au détriment des paysages plus ordinaires mais tout aussi riches de la région. La création de nouveaux sentiers réservés aux circulations douces offre une balade au coeur du territoire au sein desquels les promeneurs pourraient enfin s’abstraire de la confrontation permanente avec l’automobile. Ces chemins offrent une traversée des seuils paysagers du territoire pour aller progressivement à la rencontre d’une grande variété d’atmosphères. Ce projet paysager, appuyé par le développement de l’éco-tourisme, se raccroche à des sentiers de randonnées cyclables et pédestres existants autour de Tharon.
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Sentier du Calais
Ecluse du Calais
Ruisseau de la Tabardière
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LE PROJET PAYSAGER : Lier le territoire par des connexions transversales Continuités transversales : Sentiers paysagers le long des ruisseaux de la commune SAINT-MICHEL CHEF-CHEF Centre-Ville
Le Calais
THARON PLAGE Centre-Bourg
Ruisseau de la Tabardière
Zones végétalisées
Ruisseaux
Centre-villes
Sentiers paysagers
1 Km
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Photo-Montage réalisé à partir d’une photo du site
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LE PROJET PAYSAGER : “Reconnecter” les deux villages par un tracé historique : l’ancienne voie ferrée Pornic-Paimboeuf
Au delà de ces continuités entre les différentes ambiances paysagères de la région, je me suis également posée la question du lien entre Saint-Michel et Tharon. Distantes d’un peu plus de deux kilomètres, les villes communiquent par un réseau de voirie très développé grâce à une certaine continuité du tissu -l’étalement urbain des deux bourgs ayant progressivement comblé l’écart qui les séparait-. Néanmoins, il n’existe aujourd’hui pas de liaison douce ni de points de vue permettant d’amorcer un dialogue visuel entre les deux bourgades. Le manque de topographie des environs, la dense végétation composée d’arbres relativement imposants et la distance séparant ces villes, n’offre que peu de possibilités de regard de l’une vers l’autre.
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Gare de Tharon •
Gare de Saint-Michel •
Office du tourisme de Tharon (à l’emplacement de l’ancienne gare)
La Poste de Saint-Michel (à l’emplacement de l’ancienne gare)
•
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LE PROJET PAYSAGER : “Reconnecter” les deux villages par un tracé historique : l’ancienne voie ferrée Pornic-Paimboeuf
Si aujourd’hui les villes de Tharon et Saint-Michel ne semblent pas vraiment communiquer, au début du XXème siècle pourtant, la ligne ferroviaire Pornic-Paimboeuf ouverte entre 1906 et 1938, permettait de les lier plus étroitement. Cet élément a retenu mon attention comme étant un vecteur de lien potentiel à réhabiliter pour réaliser une nouvelle connexion entre ces deux communes et plus globalement entre toutes les stations balnéaires de la côte de Jade. S’il ne subsiste plus aucun vestige de la voie ferrée, le tracé d’une route qui se distingue du dessin très géométrique du plan de la ville de Tharon m’a interpellée et après quelques recherches, il s’est avéré que l’avenue en question (l’actuelle avenue de la Convention, qui rejoint l’avenue du Calais puis l’avenue des Sports) correspondait bien à l’ancienne voie ferroviaire reliant les deux centre-villes. Aux emplacements des anciennes gares se trouvent désormais la poste de Saint-Michel et l’office du tourisme de Tharon. Ce dernier constitue le site à côté duquel j’ai choisi d’implanter mon projet architectural. Le projet d’une liaison paysagère entre les deux villes prend donc place sur ce tracé, qui, prolongé, pourrait permettre de reconnecter l’ensemble des villes de la côte, comme ce fût le cas il y a 100 ans.
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Tracé de l’ancienne ligne de train Pornic-Paimboeuf et l’implantation des anciennes gares de la commune
SAINT-MICHEL CHEF-CHEF Centre-Ville
Gare de Saint-Michel
Tracé de l’ancienne ligne de train Pornic - Pamboeuf
THARON PLAGE Centre-Bourg
Gare de Tharon-Plage
500 m
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LE PROJET URBAIN : Adapter le centre-ville à sa saisonnalité marquée
Si Tharon est une station balnéaire qui accueille un grand nombre de touristes l’été ainsi que lors des vacances scolaires, le bourg est essentiellement composé, le reste de l’année, d’une population relativement agée. Le projet doit donc pouvoir s’adapter à ces spécificités et s’inscrire dans l’ambition de la mairie de Saint-Michel qui souhaite redynamiser le bord de mer sans toutefois oublier de renforcer le lien social entre ses habitants. Afin de répondre à ces enjeux, j’ai choisi de m’implanter au coeur de Tharon, le long de l’avenue Ernest Chevrier qui s’étend d’Ouest en Est du village, reliant l’océan à l’entrée de ville. Cette artère, autour de laquelle se développe le centre-ville, ses activités et ses commerces, est l’axe clé de mon projet de rénovation urbaine.
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Zone d’intervention dans le centre-bourg de Tharon-Plage
100 m
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LE PROJET URBAIN : Adapter le centre-ville à sa saisonnalité marquée
Actuellement, cette avenue large d’une vingtaine de mètres est en grande partie occupée par les automobiles (une voie de circulation à double-sens et des espaces de stationnement en bataille de part et d’autre de la voirie) ne laissent que peu d’espaces appropriables par les piétons. La place de la voiture est largement surestimée les huit mois de la basse-saison et particulièrement envahissante en haute-saison alors que les déplacements dans la bourgade se font surtout à pied ou à vélo. L’accès à l’eau (physique et visuel) est assez hostile aux promeneurs : les panoramas sont souvent encombrés par les voitures et il n’existe pas encore aujourd’hui de véritable promenade délivrée de l’automobile. Au bout de l’avenue, la vue vers l’océan est obstruée par le manège (entre mai et octobre) ainsi que par deux parkings de part et d’autre de la place du Grand Escalier, qui constituait auparavant l’accès principal à la plage. Ainsi, la grande perspective vers l’eau aboutit sur un espace public délaissé. Le premier enjeu de cette intervention urbaine est de redessiner l’avenue Ernest Chevrier en aménageant une vraie promenade vers la côte afin de favoriser les circulations douces, aujourd’hui reléguées au second plan.
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Avenue Ernest Chevrier, vue vers la Place du Grand Escalier
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LE PROJET URBAIN : Adapter le centre-ville à sa saisonnalité marquée
Plus que la réalisation d’une simple promenade sur l’avenue Ernest Chevrier, mon intervention consiste en la création d’une série d’espaces publics, constituant ainsi des jalons afin de séquencer le parcours le long de cet axe. Les infrastructures dédiées à la voiture étant omniprésentes, le maillage dense de la voirie n’offre que peu d’espaces vides ni de lieux de respiration. C’est pour pallier à cette carence que je me propose de concevoir une diversité d’espaces publics hierarchisés selon des usages précis pour ponctuer la balade. Nous pourrions ainsi retrouver d’Est en Ouest : - D’abord, une placette, légèrement à l’écart de l’avenue, pour se rassembler autour des commerces et activités du centre-ville. - Puis une grande place bordée par les terrasses des restaurants, point de départ du marché, pour s’arrêter un instant, se rencontrer. - Et enfin, une esplanade et un ponton sur le littoral pour contempler le paysage avant d’emprunter les escaliers ou la rampe pour accéder à la plage.
Ces séquençages racontent l’histoire et la saisonnalité de la ville : passant progressivement d’un espace public assez confidentiel et plus voué aux Tharonnais à un grand ponton en belvédère sur l’océan s’adressant davantage aux touristes.
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Zone d’intervention dans le centre-bourg de Tharon-Plage
Esplanade et ponton
Grande Place
Placette
100 m Etat existants de ces trois sites dans le bourg
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LE PROJET URBAIN : Adapter le centre-ville à sa saisonnalité marquée
Grande place Point de départ du marché estival Espace de rassemblement Terrasses de café et de restaurants
Esplanade et accès à la mer Ponton en bélvédère sur la plage Pavillon de la découverte : Espace dédié à l’éco-tourisme - Espace d’accueil et d’information sur le territoire - Ateliers pédagogiques : pêche-à-pied, pêche en carrelets - Départ en randonnées pédestres et cyclables - Location de vélos
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Parking Paysager Parvis de la Poste
Observatoire du paysage
Placette autour du marché d’hiver Pavillon Terre-Mer : - Marché couvert - Espace associatif (cuisine et restauration) - Maison de quartier : • Club de cartes et jeux de société • Gym douce et Yoga • Activités artistiques (Arts visuels, Chorale) 50 m
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LE PROJET ARCHITECTURAL : Un équipement flexible dédié à la vie de quartier
Actuellement, il n’existe dans le bourg aucun équipement ni véritable lieu de rassemblement qui, je crois, pourrait participer à faire vivre la ville tout au long de l’année et offrirait, notamment pendant la saison estivale, un espace pouvant accueillir de petites manifestations et s’ouvrir ainsi à un plus large public. La problématique de la saisonnalité est véritablement à considérer dans la conception de cet équipement qui doit être un espace flexible, autant dans le programme et les activités qu’il propose, que dans sa forme qui doit pouvoir s’adapter à une certaine oscillation en terme de fréquentation. C’est pour répondre aux problématiques liées à cette double temporalité que j’ai conçu un programme mêlant des activités à la fois commerciales, associatives et de loisirs. L’idée est de fabriquer un lieu ouvert pour stimuler le centre-ville et générer du lien.
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Photo-Montage réalisé à partir d’une photo du site
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STRATEGIES :
3 échelles d’intervention, 3 intentions : 1 projet de liaison
Mon intervention pour la ville de Tharon est constituée de trois grandes intentions à trois échelles différentes : - Le projet paysager à l’échelle du territoire : Il s’agit d’un travail de reconnexion par le développement de continuités paysagères. D’un coté, nous avons la création de sentiers traversant les différentes séquences du paysage du Pays de Retz au delà des limites communales et de l’autre, un travail de liaison intercommunale dont le but est de renouer le dialogue entre Saint-Michel et Tharon. - Le projet urbain à l’échelle du bourg : L’idée principale est de retravailler le maillage viaire afin de pouvoir dessiner le long d’une large promenade piétonne, une succession d’espaces publics. Ces lieux destinés à inciter au rassemblement et à la rencontre s’adaptent à une diversité d’usages, selon une progression allant de la placette intimiste au belvédère ouvert sur la plage. - Le projet architectural à l’échelle du quartier : J’ai retenu l’idée d’un programme hybride, mêlant commerces et activités associatives dans le but d’offrir à Tharon un espace de vivre ensemble autour d’une coopérative et d’une maison de quartier dans lesquelles le public sera invité à rencontrer producteurs, commerçants et habitants. Ces trois interventions forment un projet unique sur la thématique du lien : un lien territorial et intercommunal par le paysage, un lien par le sol pour connecter l’entrée de ville au littoral et un lien social par la création d’un équipement de quartier.
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III. STRATEGIE (S) Le projet urbain et architectural
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PRINCIPES D’IMPLANTATION Des sentiers de promenade le long des cours d’eau existants
Les intentions de projet que je vais développer dans cette troisième partie tournent principalement autour de deux thématiques : - Le développement d’activités alternatives liées à l’éco-tourisme - La création d’un lieu d’échange adressé aux habitants Les intentions et les implantations de ces diffférents projets ont été pensées selon les potentialités offertes par le territoire. Ainsi, j’ai conçu une série de chemins pédestres et cyclables autour de Tharon et Saint-Michel afin de faire découvrir aux touristes les autres facettes du Pays-de-Retz. C’est tout naturellement que j’ai choisi d’implanter ces sentiers le long des cours d’eau existants : le Ruisseau de la Tabardière, au sud de la ville, formant la frontière naturelle entre Tharon et le bourg voisin (Le Cormier) et le Calais dont l’écluse s’ouvre sur le port de Comberge, au nord de Tharon. Ces deux cours d’eau offrent la possibilité d’accéder au coeur du territoire depuis le littoral. Ceints d’espaces de verdure encore peu aménagés, ces ruisseaux et leurs alentours forment un vrai potentiel pour la création d’un projet paysager, tourné vers la découverte et qui pourrait ainsi participer au développement des activités éco-touristiques de la commune.
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Coupe de principe du projet paysager sur le ruisseau du “Calais” (Ouest-Est)
1
2
3 10 m
1 Balade le long des dunes
2 Accès au ruisseau
3 Chemin le long du Calais - Caillebotis surélevé
10 m
Coupe de principe du projet paysager sur “Le Calais” (Nord-Sud)
10 m
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PRINCIPES D’IMPLANTATION Une succession d’espaces publics jalonnant l’avenue Ernest Chevrier
Au delà du projet paysager, j’ai choisi de concentrer mon intervention autour d’un projet de rénovation urbaine afin, tout d’abord, de redynamiser le centre-bourg de Tharon en toutes saisons et ce à travers une requalification de l’espace viaire et piéton notamment. Comme nous avons pu le voir précédemment, le coeur de mon projet urbain se situe le long de l’avenue Ernest Chevrier. Cet axe -reliant l’océan aux terres agricoles se situant à l’extrémité Est de la commune- constitue le coeur du bourg. C’est le lieu où se concentrent les seuls commerces, activités et services de la ville. Néanmoins, la prépondérance des automobiles et l’absence de place publique privent les habitants d’espaces à la fois de déambulation et de pause favorables à la rencontre et au vivre ensemble. C’est pour pallier à ce manque que je me propose de retravailler l’ensemble de la voirie du centre-ville pour pouvoir dégager une large promenade propice à la flânerie et créer une place, une esplanade et une placette dédiées au rassemblement autour du marché, des cafés et des restaurants.
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Voirie - Etat existant 5m
10 m
Voirie - Projection 5m
10 m
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PRINCIPES D’IMPLANTATION Un équipement de quartier à l’articulation de deux axes majeurs
Enfin, le choix du développement de mon projet architectural s’est tout naturellement orienté sur une parcelle qui possède une situation particulière au coeur de la ville. Ainsi, j’ai choisi un terrain se situant à un noeud important du tissu de Tharon: Une parcelle vacante qui jouxte l’office du tourisme à la jonction de l’avenue Ernest Chevrier et de l’avenue de la Convention (anciennement occupée par la ligne ferroviaire Pornic-Paimboeuf) constituant une charnière porteuse de projets. Ce site, entouré des principaux commerces et services du bourg (la Poste, l’Office du Tourisme, la boulangerie, le bureau de tabac-presse) demeure, même au creux de l’hiver, la zone vivante et constitue un tremplin adéquat pour y installer un équipement de quartier. En effet, le positionnement de cette parcelle au noeud de ces deux axes majeurs lui confère deux orientations : l’une principale sur l’avenue Ernest Chevrier qui mène vers l’océan et l’autre, donnant sur l’avenue de la Convention qui conduit, au nord, directement au centre-ville de Saint-Michel, et au sud, vers Le Cormier. Cette situation en “pivot” fait de cette parcelle une interface : deux directions marquées (Est-Ouest et Nord-Sud), deux situations paysagères distinctes (d’un côté le littoral, de l’autre les champs) convient clairement à l’implantation de l’équipement de quartier. Cet équipement que j’appelle le “Pavillon Terre-Mer” est un lieu situé à mi-chemin entre un marché couvert et une maison de quartier, associant un espace de vente sur le principe de la coopérative, au sein duquel nous retrouverons des locaux commerciaux, un espace réservé aux stands ainsi qu’un lieu abritant des activités dédiées aux habitants (notamment aux séniors). Ce programme complexe tente de répondre à deux problématiques qui me tiennent à coeur : - Comment mettre en contact les habitants avec les producteurs et les pêcheurs? - Comment pallier à l’isolement des personnes agées ?
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Office du Tourisme Presse-Tabac
Café de la Gare
Club de Pétanque
Av. de
la C onv ent
ion
Un site de projet architectural au coeur de la vie de quartier
Av. de
la C onv ent
ion
Av. Ernest Chevrier
Boulangerie
Café
La Poste
Pharmacie
20 m
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RECHERCHES PROGRAMMATIQUES ET MORPHOLOGIQUES Un équipement hybride dédié aux commerçants et aux habitants
Ce Projet de Fin d’Etudes a été l’occasion pour moi d’élaborer un programme hybride “sur-mesure” réunissant diverses activités adaptées aux problématiques de ce site. C’est pour répondre au manque de lieux dédiés au vivre ensemble que j’ai choisi de créer un équipement reliant les commerçants et la coopérative de producteurs à la maison de quartier. Cet ensemble contribuera à conforter et à réanimer le centre-ville tout au long de l’année en offrant un espace pluriel, associatif et commercial, s’inscrivant dans les nouvelles éthiques de consommation, locales et bio. Les producteurs des environs sont invités à vendre leurs produits sans intermédiaire. Ce lieu, tourné vers les productions régionales offre également le moyen d’attirer les habitants des communes voisines et ainsi faire vivre davantage le centre-ville à l’occasion des marchés et autres manifestations. Ce pavillon ouvert sur la ville formera un lieu flexible s’adaptant à différentes fréquentations, tant en nombre d’occupants que du type de public qu’il pourra accueillir. Un des enjeux du projet est de concevoir un bâtiment d’une taille adaptée à l’échelle du bourg pouvant se transformer afin d’accueillir un public plus large.
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Un équipement public pour féderer les activités de la ville
Vers Le Cormier
Vers l’Océan
Tour d’Obs.
Poste
Boulangerie Café Presse Tabac
Pavillon Terre -Mer Pharmacie
Café Office du Tourisme
Vers les exploitations agricoles
Club de Pétanques
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Vers Saint-Michel Chef-Chef
RECHERCHES PROGRAMMATIQUES ET MORPHOLOGIQUES Programmes additionnels : la placette intimiste et la tour d’observation
Deux éléments de programme viennent s’ajouter à celui de l’équipement:
- Un espace public plus intime, d’une typologie proche de celle de la placette ou du square. - Une tour d’observation des paysages du territoire.
La placette est l’occasion de réunir, par un travail du sol, les commerces et les activités autour de l’équipement. Cet espace public, à l’écart de l’avenue principale est légèrement resserré afin d’en faire un lieu plus intimiste, peut-être plus propice à la rencontre et au rassemblement. Situé à l’articulation des commerces du bourg mais légèrement en retrait du bruissement de la ville, cet espace public constituera encore davantage le lieu d’échange où les habitants se retrouveront autour des terrasses de cafés, de la maison de quartier et du marché. C’est un lieu où l’on flâne, conduit par les odeurs des produits en vente sur les stands de la coopérative, où l’on croise ses voisins et où l’on prend le temps de s’arrêter pour discuter avec les commerçants. La création de ce type d’espace public, adressé à la vie quotidienne des Tharonnais, sera l’occasion de créer une véritable vie de quartier à l’atmosphère plus chaleureuse.
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Ambiances : Place Saint-Pierre, Roquebrune-sur-Argens
Neue Meile Böblingen
lesmaisonderoquebrunesurargens.fr
landezine.com
Place du Jeu de Paume, Aiguèze
Place de la Liberté, Sarlat-la-Cadéna
photos-alsace-lorraine.com
Philaber.com
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RECHERCHES PROGRAMMATIQUES ET MORPHOLOGIQUES Programmes additionnels : la placette intimiste et la tour d’observation
La tour d’observation symbolisera la ville et son nouvel engagement, tel un phare tourné vers ses paysages et sa population. Ce nouveau symbole dans la ville pourrait peut-être donner à Tharon une centralité qui n’existe pas aujourd’hui. Le plan en damier et le placement de la petite paroisse en périphérie du centre ville n’a pas permis la fabrication d’une “place de l’église” que l’on retrouve dans tant de petites bourgades françaises et autour de laquelle les habitants se rassemblent naturellement. La tour d’observation fait ainsi référence au phare mais aussi au clocher de l’église ou encore au beffroi, sa hauteur nécessitant alors de la placer dans un espace non bâti afin d’avoir le recul nécessaire pour l’appréhender dans sa totalité. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi de la placer au niveau de l’espace public, au coeur du quartier. L’intégration de la tour dans l’espace public est complexe, il faut lui trouver un positionnement judicieux qui traduise son rôle d’articulation ainsi qu’une matérialité adaptée au site et lui donner un certain caractère tout en essayant de l’intégrer dans ce village à l’architecture hétéroclite.
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Côte de Jade, Saint-Brévin Vjoncheray.fr
Champs, Saint-Michel Chef-Chef Vjoncheray.fr
Côte de Jade, Tharon-Le Cormier Vjoncheray.fr
Saint-Michel Chef-chef Vjoncheray.fr
Place du grand Escalier, Tharon
Av. Ernest Chevrier, Tharon
Vjoncheray.fr
Vjoncheray.fr
Coupe de principe de la tour d’observation
2m
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RECHERCHES PROGRAMMATIQUES ET MORPHOLOGIQUES L’esplanade sur la côte, un accès à la plage revisité
C’est à l’extrême Ouest de l’axe principal de la ville que se situe le dernier élément de ce projet : au bout de l’avenue Ernest Chevrier, je me propose de redessiner la place du Grand Escalier, aujourd’hui occupée par un manège obstruant la vue vers la mer ainsi que par les deux parkings, de part et d’autre de l’escalier vétuste menant à la plage. L’idée de ce projet plus paysager est de retravailler un espace public au bout de la perspective amorcée par l’axe principal du bourg. J’ai donc souhaité concevoir un accès à la mer différencié : un accès rapide par un escalier, un autre par une rampe douce allant jusqu’à l’eau pour favoriser l’accès aux personnes agées et celles à mobilité réduite d’une part ainsi que pour des petites embarcations, chars et planches à voiles d’autre part. Pour contenir cette esplanade, je propose d’y ajouter un équipement plus léger, tourné vers l’éco-tourisme, au sein duquel nous pourrions retrouver des ateliers autour de pratiques ancrées dans les us et coutumes de la région telles que la pêche-à-pied à marée basse (aux crevettes et aux couteaux), la pêche aux carrelets (pêcheries) ainsi que l’accès à la location de matériel (vélos ou articles de pêches par exemple). Ce pavillon, que je nomme le “Pavillon de la découverte” offrirait une alternative au tourisme de plage auquel est associé Tharon.
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Une esplanade pour parachever la perspective de l’avenue Ernest Chevrier
Grande Place publique
Restaurant
Vers le Centre-bourg
Commerce Restaurant
Commerce
Restaurant
Restaurant Commerce Commerce Commerce Av. Er ne
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de
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an
l’Océ
Vers Saint-Brévin
77
Vers Le Cormier Esplanade du Grand Escalier
r
Bld de
l’Océan
RECHERCHES DE MATERIALITE ET REFERENCES Les halles : entre tradition et modernité
Marché Couvert de la Chapelle, Paris
Marché aux Légumes, Chartres
jaimemonmarche.fr
pixabay.com
Halles Centrales, Les Sables d’Olonnes
Marché Couvert, Albi
lessablesdolonne-tourisme.com
ladepeche.fr
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Marché Couvert, Saint-Benoit (974)
Le Markthall, Rotterdam
Latelier-archi.fr
easyvoyage.com
Halles Couvertes de la Linière, Sautron (44)
Marché Couvert, Pau
chouzenoux-architecture.fr
ameller-dubois.fr
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RECHERCHES DE MATERIALITE ET REFERENCES La tour : entre verticalité et porosité
Les Brise-lames sur la plage, Tharon-Plage
Clocher de l’église, Saint Michel Chef-Chef
Le phare du Port de Comberge, Tharon-Plage
Pêcheries aux carrelets sur la plage, Tharon-Plage
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Look-Out Tower, GmĂźnd en Allemagne
Galyateto Look-Out Tower, Matra Montains, Hongrie
dlubal.com
homeworlddesign.com
Observation Tower, Lettonie
Tours de San Gimignano, Sienne en Italie
archdaily.com
italyinlimo.com
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RECHERCHES DE MATERIALITE ET REFERENCES L’aménagement du littoral : la relation à l’eau
Paysage dunaire, Tharon-plage
Plage à marée-basse, Tharon-Plage
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Ponton, Port Leucate
Kastrup Sea Bath, Copenhague
barcaresamor.canalblog.com
amusingplanet.com
Ostende Beachwalk (Collectif OMNE), Belgique
Bunker 599, Culemborg au Pays-Bas
Facebook.com
flickr.com
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CONCLUSION : Ce Projet de Fin d’ Etudes débuté en Fevrier 2016, à la suite d’un échange scolaire avec l’Université de Technologie de Brisbane, constitue à la fois l’aboutissement de cet exercice mais aussi celui de mon cursus à l’ENSAPVS, ce qui représente une étape importante dans ma vie personnelle et professionnelle. Cette année de P.F.E. a été l’occasion pour moi d’explorer un site que je qualifierai de “sensible”: un village et des paysages que je n’avais pas eu la chance de d’étudier précédemment à l’école. C’est pour cette raison que j’ai consacré une grande partie de cette année à effectuer des recherches afin de m’imprégner des problématiques inhérentes à ce type de territoire assez différentes des enjeux liés à Paris et ses alentours. C’est en me concentrant notamment sur les aspects paysagers, sociaux et saisonniers que j’ai abouti à l’intervention que je présenterai lors de la soutenance et qui constitue une des réponses que l’on peut apporter pour la ville de Tharon. Le mélange d’échelles d’interventions distinctes (celles du territoire, de la commune et du quartier) m’a permis de formaliser un programme sur-mesure, en cohérence avec les problématiques du site et ainsi de constituer une intervention globale qui tente de répondre à toutes les questions que je me suis posé pendant l’élaboration de ce projet. La soutenance orale sera alors l’occasion de vous présenter plus précisement les détails de mon projet urbain et architectural, mes choix en terme de volumétrie et morphologie, matérialité et structure, travail du sol et dessin des espaces publics qui ont été adoptés suite aux conclusions de mon analyse. Je crois que cet exercie m’a permis d’en apprendre plus sur à la fois sur les méthodes et l’organisation de mon travail ainsi que sur ma capacité à concevoir un projet en autonomie sans pour autant m’abstraire du conseil de mes pairs dont l’aide m’a été précieuse tout au long de ces deux semestres.
Nouvel accès au Port de Comberge, au Nord de Tharon-Plage
CONCLUSION : Ce Projet de Fin d’Etudes débuté en Février 2016, suite à mon retour d’Australie où j’avais eu la chance de bénéficier d’un échange avec l’Université de Technologie de Brisbane, constitue l’aboutissement de mon cursus à l’ENSAPVS et représente une étape importante de ma vie personnelle et professionnelle. Cette année de P.F.E. a été l’occasion pour moi d’explorer un site que je qualifierai de “sensible”: un village et des paysages que je n’avais pas eu la chance d’étudier précédemment à l’école. C’est pour cette raison que j’ai consacré une grande partie de cette année à effectuer des recherches afin de m’imprégner des problématiques inhérentes à ce type de territoire, assez différentes des enjeux liés à Paris et ses alentours. C’est en me concentrant sur les aspects paysagers, sociaux et saisonniers que j’ai abouti à l’intervention que je présenterai lors de la soutenance et qui constitue une des réponses que l’on peut apporter pour la ville de Tharon. Le mélange d’échelles d’interventions distinctes (celles du territoire, de la commune et du quartier) m’a permis de formaliser un programme “sur-mesure”, en cohérence avec les problématiques du site et ainsi constituer une intervention globale qui tente de répondre à toutes les questions que je me suis posées pendant l’élaboration de ce projet. La soutenance orale sera l’occasion de vous présenter plus précisement les détails de mon projet urbain et architectural, mes choix en termes de volumétrie et morphologie, matérialité et structure, travail du sol et dessin des espaces publics qui ont été adoptés suite aux conclusions de mon analyse. Je crois que cet exercice m’a permis d’en apprendre davantage sur la méthode et l’organisation de mon travail ainsi que sur ma capacité à concevoir un projet en autonomie sans pour autant m’abstraire du conseil de mes pairs dont l’aide m’a été précieuse tout au long de ces deux semestres.
REMERCIEMENTS :
Enfin, je tiens à remercier l’ensemble des personnes qui m’ont soutenue et accompagnée durant mes cinq années d’études en architecture et en particulier : Mes enseignants de projet, Sylvie Chirat et Léo Legendre pour leurs conseils, leur pédagogie et leur encadrement durant cette dernière année ainsi que les professeurs et architectes qui m’ont suivie tout au long de mon cursus et qui ont ainsi participé à forger ma vision de future architecte : Dominique Brard, Philippe Roussel, Rémy Lacau, Didier Marty, Aynard de Leusse. Je remercie chaleureusement mes collègues, camarades et ami(e)s cher(e)s, qui ont su m’épauler mais aussi me questionner pour mon Projet de Fin d’Etudes, en cela je leur en suis très reconnaissante: L’ensemble des étudiants de Master 2 de l’atelier «BE» et plus particulièrement Ambre Rotenberg, Charlène Coëffic, Jean-Christophe Collognat, Marie-Gabrielle Lafont, Charlotte de Pas, Eléonore Bourgeois, Emilie Jouchoux. Et pour terminer ma famille, notamment mon père et mon partenaire Maxime, pour leur présence, leurs encouragements et leurs précieux conseils ainsi que leur soutien sans limites.
Enfin, j’ai choisi de clore ce rapport de P.F.E. par un texte de Jean-Paul Galibert que j’affectionne particulièrement. Il évoque avec pertinence et finesse la lisière et par là, la rencontre avec l’autre. Ce texte sur le bord et le seuil constitue en quelque sorte, le point de départ de ma réflexion pour cet ultime projet d’étude.
LE BORD DE LA SOLITUDE (Texte intégral) Jean-Paul Galibert, Conserveries mémorielles #7, 2010 Le seuil est le plus rassurant des bords, car il distingue un dedans et un dehors. C’est une ligne qu’on imagine à l’embrasure, à cet endroit où la paroi, la limite réelle fait défaut, pour ménager le passage. Comme toutes les trajectoires passent par le seuil, il me laisse tous les choix. Je puis entrer, sortir, changer d’avis. Tout est possible, sensé et réversible. Le seuil me tend le bonheur de la marmotte : à moitié dans sa maison, et le reste au dehors. Un être sympathique et craintif, aussi social que casanier. Mais hélas peu imitable par l’homme. Le seuil, on aimerait y vivre, car il est heureux et logique, mais on ne peut pas, car il est imaginaire. Le bonheur est sur le seuil, car il nous laisse un choix dont la solitude nous prive. Avec le choix permanent entre sortir et rentrer, on s’y sent libre, alors qu’au bord, on pressent plutôt la fatalité. Le seuil est sensé, comme les mouvements affairés qu’il permet. C’est l’endroit de la hâte et de l’utilité. Le lieu du choix, aussi, car s’il y a un dedans et un dehors, je puis toujours opter pour l’un en m’absentant de l’autre. Je puis me réfugier dedans, ou m’enfuir au dehors. Le seuil est ainsi l’instrument parfait du bonheur nécessaire, bondissant et entreprenant, comme une joueuse alternance entre les travaux et les jours. Le bord, lui, est absurde : on ne sait jamais pourquoi l’on s’y trouve, dans un mouvement ralenti qui paraît chercher son but, sans grand espoir, ou peut-être même se prolonger encore, sur sa propre lancée, longtemps après y avoir renoncé. Il est le lieu par excellence du mouvement inerte, des figures sans motif, où chacun se voit condamner sans raison à une errance sans fin. Le seuil est domestique, comme cette porte que l’on ouvre, que l’on ferme ou que l’on entrebâille, comme le pore de la maison. C’est la limite intime, comme le seuil du foyer où les miens toujours m’attendent. On y est toujours à deux pas d’un chez soi. L’intime est là tout près, avec son calme et le secret de son repos. Confort, réconfort. Cette limite est un lien. C’est le trait le plus rassurant.
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Le bord est sauvage. Même balisé, bâti, entretenu et comme grillagé, il demeure dangereux, comme un péril toujours si latent qu’il est inamovible. On a reconnu la mort. La signature véritable, l’odeur même de la sauvagerie et du malheur. Le bord pue la mort. C’est pourquoi, peut-être, il n’a rien de logique. Car rien, sans doute, dans une histoire, ne laisse présager qu’elle s’interrompe d’un coup. Or, au bord de l’eau, la terre s’interrompt. Elle s’arrête exactement où la mort commence. Tous les marins le savent : un homme à la mer est mort, de froid, d’abord, même par beau temps, et par la quasi impossibilité de quadriller rationnellement la zone maritime à sillonner pour le retrouver vivant. La mer est la mort. Naviguer est le pire des audaces : flotter sur la mort, confier sa vie à la mort. Les vrais bords n’ont pas de côté sûr : ils séparent deux dehors. Tout bord est comme la solitude : fatal, absurde, irréversible. Tout y est impossible, tragique, comme une double négation. Au lieu d’un héros qui franchit le seuil, entre en présence, voici un passant qui longe le bord ténu qui sépare deux silences infinis. La logique du seuil est toujours réversible, car il sépare à peine deux possibles. L’illogisme du seuil, lui, est absolu, car il scinde à jamais deux impossibles. Nous sommes aussi incapables de vivre dans la mer que de nous passer de son spectacle, comme si nous étions faits pour un infini où nous ne saurions vivre. C’est peut-être cela, la solitude, notre désir proprement tragique d’infini, ce sentiment navrant de complète incomplétude face auquel la dialectique du seuil n’est qu’un amusement d’enfant. Nous élirions donc volontiers domicile sur le seuil des maisons, des êtres et des autres, si nous pouvions le faire. Mais le seuil, comme lieu de vie, est beaucoup trop beau pour être vrai. S’il y avait des seuils, je pourrais passer d’un côté à l’autre, m’occuper, être un acteur de ma vie, au lieu d’en être le témoin. Et je pourrais donner rendez-vous à quelques autres pour jouer ensembles quelques scènes mémorables de notre commun théâtre. Je pourrais être plus que le simple témoin de ma vie. S’il y avait des seuils, on pourrait bâtir des villes, remplir des maisons. Plus rien ne serait vide, et je serai dispensé à jamais de la peur comme du désir du vide. S’il y avait des seuils, tout pourrait toujours être franchi. Point de limite sans record, point de mur sans passage. On ne serait jamais obligé de contourner, de longer, d’attendre. Tout serait passage, et rien ne serait station. Tout serait sécant, et rien ne serait tangent. En un mot tout serait fini, et rien infini. Comment ne pas voir dans le seuil l’effort désespéré d’imaginer un monde où la solitude ne serait tout simplement pas possible ? Chacun sent bien que le seuil est imaginaire et le bord réel, autrement dit, que nous sommes condamnés à la solitude. Sauvage, anomale, irréversible, comme la mort.
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Le bord de l’infini : la mer
Pourquoi y a-t-il toujours tant de gens au bord de l’eau ? Pourquoi partout ces digues, ses jetées, ces chemins, avec tant de gens qui se croisent, qui longent, ou se contentent de s’asseoir ? Pourquoi cette faveur générale pour la station ou la marche au bord de l’eau ? C’est un appel de l’infini, sans doute, mais qui se content du bord et de sa protection. Le bord est plein de tact : il dispense la vue en dispensant de tout départ. Il offre la tempête sans péril, le désert sans départ, l’infini sans invite. On ne songe pas assez au fait pourtant patent que le bord de la mer est en même temps le bord de tout le reste. On ne songe pas assez non plus à la tacite alliance du vent avec le sable le plus fin. Il y a là quelque secret que le nord connaît avec la neige. C’est toujours du plus fin et du plus pernicieux que le vent s’empare, et toujours de lui qu’il use pour atteindre les recoins les plus ténus. Le résultat est qu’au bord de la mer, il n’y a rien sans sable. Il est tapi dans les canalisations, entre les grains du goudron des rues. Il est dans les nuages, il est dans les poumons. Comme si le sable s’était chargé d’unifier les riens marins. Comme s’il était les griffes du vent, qui se glissent déjà entre la peinture et le bois. Vent, soleil, sable : le bord de la mer est tout environné de morts. Qu’elles rodent en ces confins comme si la pure limite de la mer, de la terre et du ciel présentait pour elle comme une absence radicale de passage. Ainsi les animaux rodent-ils le long d’un fleuve à la recherche d’un gué. Mais est-ce la terre, la mer ou le ciel que ces morts ne peuvent pénétrer ? Car les deux côtés on toujours en commun que l’on ne peut y vivre : l’infini est désert comme un néant. Le bord est donc le plus grand des isolements, l’enfermement dans la frange qui sépare deux néants. Pouvons-nous imaginer un monde pire qu’un bord séparant deux néants ? Comment imaginer qu’une existence s’y produise, et en rencontre une autre ? n’est-il pas clair au contraire, que si je m’y trouvais condamné, j’y serais par là même condamné à la plus parfaite des solitudes; nous ne dirons pas le contraire, car chacun sent bien qu’il y aurait dans tout déni comme un refus pur et simple de notre condition. Mais nous allons essayer de penser qu’il ne saurait y avoir deux néants sans une lisière d’existence pour les séparer, en sorte que le bord est un lieu vivable, et qu’il est même un modèle de contact, entre deux solitudes, à jamais infinies.
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La plage est une lisière. Comme la vie est impossible sur mer, et presque autant sur terre, les gens s’amassent à la lisière, comme si l’unique espoir d’exister figurait au milieu des néants. Tout tient et se presse dans un petit chemin de sable où l’espoir fait ambuler sans cesse, toute vie s’inscrit dans une frange entre deux infinis. Y a-t-il un sens, au bord ? La question est ambigüe. Les sens n’ont affaire qu’à la surface, alors que le sens vise une profondeur. Faut-il les dire complémentaires et rêver quelque saisie globale, qui les ajointerait, en rendant voisines et continues la chose du dehors et la chose du dedans? Ou bien faut-il renoncer à jamais à ajointer les confins, à coudre bord à bord les limites, à compléter sans béance? Au bord, je sens, comme une évidence, que la limite devient une distance aussi infranchissable qu’un infini. Car il y a pire que la béance, qui épaissit la limite en faille: il ya ces limites à tous égards fatales qui séparent et ajointent deux confins irréels,comme la frontière de deux pays imaginaires, ou le pont reliant deux rives évanouies. Quelle est donc cette distance infime qui sépare épanoui d’évanoui? La distance métaphysique elle même, qui figure comme un discret décalage entre deux choses qui n’existent pas. Deux personnes font l’amour. La chose se peut fort bien sans qu’aucune n’existe, puisqu’on n’a pas le choix. Mais elle ne saurait se produire sans faire vibrer la limite qui sépare ces deux inexistences. Il y a donc comme une trajectoire de leur limite commune, qui se passe aussi bien de leur plénitude que de leur simple existence, mais qui suffit, sinon à les faire être, du moins prendre l’empreinte de leur activité. Il n’y a que des néants, mais il y a entre eux des limites qui leur sont communes et qui bougent d’une manière assez spécifique pour les définir. La définition métaphysique consiste à saisir le style de mouvement des courbes qui séparent les néants. Au bord de la mer, chacun se moque de la mer autant que de la terre: ce qui fascine, c’est ce mouvement si caractéristique des vagues, ce jeu de la limite si singulier qu’il forme comme la signature de la mer. Qu’importe au fond qu’il n’y ait point de choses, si nous avons pour en tenir lieu le mouvement suggestif de leurs empreintes, et la douceur fugitive de leurs courbes? Le métaphysique est ce moment où le monde est encore chaud de l’être évanoui, et le site encore plein des choses disparues. On entend bruire l’absence. On y sent que le néant est un peuple. Qui mieux que l’irréel saurait être anonyme? On presse le vrai nom de l’innommable, cette absence de Dieu, comme alourdie, qu’on nomme le néant.
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Tout l’art du bord est d’être une extrémité qui s’exempte des deux mondes qu’il sépare. S’il y a le néant, je meurs. Mais s’il y a deux néant, une lisière se produit où je peux trouver à exister, nécessairement, puisque je ne peux exister ailleurs. Béance, faille, charnière. La lisière se produit comme un fil d’existence, comme un chemin entre les riens, comme une jetée sans fin dans la brume du néant. Mais on peut suivre le néant comme un fil conducteur, le longer, et c’est tout l’art de celui qui borde la mer : il ne s’endort ni à terre ni sur mer. Il veille. Il borde sans choisir, il longe l’un comme l’autre des infinis. Il ne s’envole même pas, il est au fond très bien sur la grande route humaine, celle qui ne même nulle part. Le bord de l’infini est la route qui les longe tous et permet de profiter de chacun comme un spectacle merveilleux, à la fois proche et lointain, dont il fait se sentir tout proche et qu’il convient pourtant de laisser au plus loin. Nous ne sommes pas plus faits pour vivre dans le fini que dans l’infini. Il n’y a de vie humaine possible qu’au bord de l’infini.
Le bord de l’autre : la caresse
On ne peut pas rompre la solitude. On ne peut que l’épouser. En suivre les formes, en épouser les courbes. Et c’est cela, caresser : longer, tout doucement, la solitude de l’autre. Il ne s’agit donc pas de séduire, ni de maintenir telle ou telle distance amoureuse. La caresse, en un mot, est le contraire de la conquête. Comment imaginer quelque séduction dont le prix ne serait pas la solitude du conquérant ? Le conquérant règne comme il veut, mais seulement sur une armée morte, comme ce roi de Chine qui croyait qu’un garde enfoui de plus lui donnerait, quelque once de pouvoir ou de vie, ou de grandeur supplémentaire. Vivre par la mort des autres, quelle étrange idée : nous existons déjà si peu. Il faut plutôt coller comme des simulacres ou des silhouettes, les existences l’une à l’autre, afin de donner quelque épaisseur à l’ensemble. Encore faut-il cesser d’être contre, pour devenir tout contre. Le prix à payer pour posséder l’autre, c’est la solitude. La caresse est au contraire l’invention patiente, modeste, pleine de tact et de retours, d’un espace commun, à la lisière des corps, à l’orée des peaux. Aucun ne peut prendre la place de l’autre. Aucun ne peut ouvrir quelque porte secrète et tout montrer, ou tout dire, ou encore tout comprendre et partager. La solitude est incessible, inaliénable, incommunicable. Mais, précisément parce que l’autre restera toujours en face de moi, étranger, comme un dehors inaccessible, chacun de nous peut être pour l’autre comme un infini à longer. Chacun peut se présenter à l’autre comme un bord, une niche, un recoin ou vivre, comme une épaule connue où l’on pose sa tête.
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L’autre n’est pas un seuil à franchir, mais un bord à longer. L’autre on le croise, on le caresse, mais on ne le possède jamais. Car on ne peut lui prendre son altérité sans le détruire comme autre. Et c’est cela, être seul : se croire le maître de l’autre, lorsqu’on en est le meurtrier. La rencontre produit un lien humain lorsque chacun reste au bord de l’autre, laisse l’autre être l’autre. Désir, jouissance de l’autre comme tel. La solitude consiste à croire que l’on connaît comme on conquiert. Cessons de prendre l’amour et la connaissance pour des pénétrations. Cessons de rêver d’invasion, de conquêtes et de possessions. Que la forme des sexes cesse enfin de nous induire en erreur : il ne s’agit pas d’entrer, mais toujours de border, de frotter peau contre peau, d’épouser une courbe de peau avec la courbe d’une autre peau, de sentir, l’une par l’autre, des densités tapies, et à jamais évasives. Tout l’art de la caresse est là : il ne s’agit jamais que de border une courbe, de suivre un bord, inlassablement. Une courbe peut-elle s’empêcher d’en épouser une autre ? Peut-on cesser de suivre une courbe ? C’est peut-être cela, toucher. Car comment épouser sans éprouver, et comment éprouver sans épouser? Comment toucher sans suivre des doigts, sentir sans ressentir, laisser la courbe guider la main vers le plaisir ? Autant cesser de désirer. La caresse palpe. Elle se repaît de formes. C’est un banquet de profils, un bouquet de silhouettes. Mais c’est aussi le tact des textures, une palpation des tissus. La douce pression de la main pénètre dans la mollesse, teste la résistance de la chair, tâte bien au- delà de la peau, comme une âme du corps même. L’amant est amoureux : il veut tout savoir. Il veut tout toucher et ne se lasse d’aucune forme. Il a sous la main toutes les connaissances possibles, il les sait toutes par cœur sans qu’aucune jamais ne le dissuade de faire à nouveau le geste entrepris des milliers de fois. C’est peut-être cela, la paix : un éternel retour sans le moindre ennui. Le simple plaisir du geste est-il une raison suffisante de la répétition inlassable ? Ou vit-il –mais comment, mais pourquoi ?- la nécessité de refaire ce geste sans fin ? S’il ne s’agissait ni de plaisir ni de connaissance, de quoi s’agirait-il ? Tout simplement d’éprouver. Un geste doit-il avoir une finalité ? Et si suffisait la simple réputation de ce geste comme nécessaire ? C’est peut-être cela, le sacré : l’éminence, la toute nécessité d’un geste comme dispensée de toute raison. Le désir est peut-être l’expérience d’une telle urgence. Mais pourquoi naît-il précisément à caresser ces formes-là ? Le désir naît comme caresse des yeux, voilà pourquoi la rencontre des regards est si troublante, mais le regard anime en son toucher tous les autres sens.
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Il aspire à se déployer comme une algue de sens, mobilisant la langue, l’odorat, les mains, le corps en son entier. Il prétend enfin toucher du corps tout le corps, en une parfaite couverture, comme Ouranos fit avec Gaia, ou le Yang avec le Yin. C’est une caresse de tous les sens épousant toute courbe. C’est une empreinte globale de toutes les formes sensibles. Je vibre d’être la cire dont toutes les formes de l’autre sont le sceau. Comme si le désir était en soi féminin, la part femelle qui se conforme à la part formelle. Pour quoi se tenir par la main ? Et où a lieu exactement le contact ? Ni dans un corps ni dans l’autre : le contact a toujours lieu entre les corps, à leur corps défendant. Abandonner sa main. A qui est-elle alors ? Elle est tout entière logée dans la limite entre les corps, qui s’apaise et s’épaissit, qui s’étale et s’alanguit au point de former le vrai lieu, le seul lieu possible de l’amour. Faire l’amour, soit. Mais où ? La question n’est pas celle de l’endroit propice, puisqu’il n’en est aucun qui s’y prête vraiment ni qui l’exclue radicalement. L’amour n’est pas sans détourner le lieu, fût-il prévu. Le vrai lieu de l’amour, c’est entre les corps, le long des courbes du corps. C’est là que l’on s’épouse bien plus directement que dans le mariage. Ma tête sait exactement le mouvement qu’elle doit faire pour se placer à l’endroit précis de ton épaule qui l’accueille parfaitement. L’habitude est devenue exactitude. Que s’établit-il alors, que l’on pourrait nommer amour ? Est-ce une plénitude qui profiterait de la parfaite continuité des corps ? L’amour est-il cette unité retrouvée qui rendrait les corps indistincts ? Mais ne serait alors comme une noyade dans un grand un indistinct ? Pourrions-nous encore sentir les courbes s’épouser, si elles cessaient d’être distinctes. Aimer est-ce être un ou demeurer côte à côte ? Car la côte est une courbe. Il n’est point si absurde que dieu ait pu faire la femme avec une côte de l’homme ; Comme il se pouvait fort bien qu’une cuisse vienne apporter son mouvement. Car en ce genre de chose, la seule règle vraiment indispensable consiste à suivre une courbe, à l’épouser. Le miracle est que les courbes puissent s’adopter, se suivre point par point. Comme un chemin longe la côte, comme une main maternelle borde en drap enfantin, la caresse n’en finit pas de jouir de la coïncidence des courbes. Ni la main ni le sein ne se peuvent lasser du hasard qui leur a donné la même forme. On peut prendre une empreinte, une mesure. Il laisse tout intact, celui qui vole la courbe seule. Il prend juste dans les doigts la mémoire de la texture du corps. Empreinte prise et non laissée. Juste de quoi pouvoir fermer les yeux et revivre sans fin, mais quoi au juste ?
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Quelque chose peut-être comme l’indistinction des corps. Car si la forme de mon geste épouse les formes de ton corps, nos limites sont communes, au point de s’estomper. Aucun espace ne nous sépare plus : seulement une limite sans épaisseur, toute traversée par la communauté des sécrétions. Les liquides se mélangent qui permettent les frottements sans douleur. A qui appartiennent-ils, ces liquides communs, qui emplissent le jeu demeurant entre les corps ? Des liquides aussi nécessaires au bien être des sexes que le liquide amniotique au bien être du fœtus. Ce sont ces liquides qui substituent le plaisir à la douleur. Deleuze disait que le désir est ce qui coule de l’un à l’autre. Mais ce qui coule, n’est-ce pas justement ce qui suit la courbe, l’épouse ? Et même épouse les deux formes ? Miracle de l’eau ; elle prend toujours exactement la forme de toutes les formes, ainsi que de tous les corps qui plongent en elle. Quels que soient leur nombre, leur complexité et leurs mouvements. L’eau est la caresse même. La plus parfaite, la plus complète. Formellement, la mer, cette caresse absolue, est aussi compliquée que la totalité des roches, des parties immergées des coques de bateaux, que la totalité des plongeurs, animaux et algues qu’elle contient. Négativement, la forme de la mer est aussi complexe que tout ce qui y baigne. Seul l’air est aussi admirable par son art sans défaut d’épouser toute forme. Est-ce donc là le discours et le but du désir : je serai la mer et le bain de tes formes, l’air de tes cheveux ? Tout être occupe exactement une forme vide dans l’air. Désirer, c’est prendre la place de l’air. Le désir est une enveloppe. On ne désire jamais que d’’être le simulacre de l’autre, sa limite, sa silhouette, sa courbe. On ne désire jamais que devenir la courbe de l’autre. On ne désire jamais que devenir la limite de l’autre. Mais pourquoi privilégier tel autre plutôt que toutes les formes à la fois ? Pourquoi baigner une singularité plutôt qu’une multitude ? Parce que cette singularité est en elle- même déjà multitude. Car on ne désire jamais que le jeu des formes. Ce qui plait n’est pas tant cette forme-ci que sa manière de devenir toutes ces formes là. Il suit que rien n’est plus multiple que la singularité désirée, en sorte que le choix de l’objet unique est ici une élection de l’infini. Désirer devient aimer en saturant le temps, en le vouant tout entier à une exploration des possibles, avec la claire conscience propre à l’amour que l’on ne peut se donner ni se livrer qu’à une exploration des possibles. Superbe mot que « se livrer », car celui qui s’abandonne se livre, tout autant que celui qui explore. Les deux s’adonnent également à une exploration. On dirait que cette activité d’exploration est mutuelle. Chacun explore l’autre.
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La caresse est réversible. Lorsqu’ une main se pose sur un corps, le corps lui-même est main, et la main corps. Lorsque je te caresse, dans le mouvement même de ma caresse, tu me caresses. Je caresse ton sein de ma main parce que je veux que ton sein caresse ma main. Il n’y a donc ni activité ni passivité des rôles dans l’acte amoureux, mais une égale participation à une activité mutuelle et réciproque, où celui que se laisse faire agit exactement autant que l’autre, parce que tout sens est réversible, commun, et qu’aucun contact humain ne peut être sans être immédiatement ressenti par les deux êtres humains. Coagir, cossentir : voila les règles inévitables de l’acte amoureux. La caresse est donc un acte profondément commun, effectué et ressenti par les deux, ensemble. C’est une action au bord, non seulement à la frontière, mais dans l’épaisseur de la frontière, dans un champ limité, certes, mais déjà commun, comme un double dehors qui serait coïnterne. C’est cela le coït. A l’intérieur des deux. Faire ensemble ce qui est à l’intérieur de chacun. C’est plus qu’intime, c’est interne. Mais mystérieusement, c’est interne à toi et en même temps à moi. C’est dans chacun de nous. C’est plus qu’un partage. Car rien n’est coupé. Chacun a tout, tout entier, en lui. Car le miracle de la caresse est de multiplier les courbes tout en les unifiant. En un mot, de produire l’infini. Voila peut-être la possibilité d’un amour infini, ou d’un amour de l’infini, ou d’un amour à l’infini, si l’on accepte d’entendre par là l’infinité du nombre des événements possibles. En tout cas, c’est un amour au bord de l’infini. Ce que l’on nomme tendresse, cette douceur toute à la fois de l’âme et de la chair. Comme l’amour, une contagion des chaleurs et frottements se joue des frontières entre les corps. La peau est poreuse à la caresse. Imperméable à la pluie, mais traversée par la chaleur, par la douceur, par les flux de désirs. Tout entre et sort par des pores. C’est une usine à sensation un monde machinique de flux, de tubes et de branchements. Mais nous n’entrons pas, ou à peine. Le désir est le projet d’apprendre, non pas la peau, ni la totalité du corps, mais l’espace intermédiaire, le jeu entre la peau et le corps. Comment nommer cette profondeur du corps, cette étendue de la peau, sinon la chair ? La courbe comme objet de désir renvoie à la chair, car seule la chair dispose ses textures, l’architecture qui permet au corps de produire comme sa limite une telle courbe. C’est tout l’édifice qui permet le tracé du tout. Songez à toutes les fondations nécessaires à la silhouette du Mont Saint Michel.
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Au fond, le tracé, le profil, la courbe est la traduction la trahison le miroir le miroir le plus précis de l’ensemble des conflits, des forces, des histoires internes à la chose. Le plus profond est donc la peau. Elle est comme la transparence de toute chair, le miroir et la mémoire de toute intériorité passée. La peau cesse d’être ce qui cache pour devenir ce qui montre tout, ce qui conserve trace de tout, une sorte d’inconscient visible, palpable, qui peut être caressé à loisir. Comment ne pas chérir la peau ? L’amour n’est donc pas intrusif. Il ne s’éprouve pas plus qu’il ne se ressent. L’amour n’est pas dans moi ; l’amour est entre les corps, comme un pont qui n’est sur aucune rive, ou comme le fleuve qui forme les deux rives à la fois, sans appartenir à aucune. Il est crucial que l’amour n’appartienne à aucun des amants. Sinon il serait personnel, égoïste, comme une propriété ? Mais non. L’amour est commun. Il est nécessairement un lieu commun. Désespérant de platitude comme ces menus objets, ou ces terrain ouverts qui ne sont à personne parce qu’ils sont abandonnés de tous. A qui serait la limite conjointe de nos corps ? A personne, et là est le repos, là est la grande fuite hors de l’inexistence qui finit par s’opérer entre les corps. Il suit que les enfants n’appartiennent à personne. Car ils sont tout entier conçus dans cette limite entre les corps. L’enfant est la matérialisation du bord des corps. Il est la limite rendue épaisse, vivante. Nous ne sommes jamais que cette surface qui a séparé et nit nos parents, quelque simulacre qui aurait mieux réussit que d’autres aurait gagné en épaisseur, au point d’être garanti dans l’existence par son numéro de sécurité sociale. Comment rencontrer les hommes, les autres, ceux qui ne seront jamais à la distance si intime de la caresse ? En croisant leurs trajectoires. En les longeant. L’important, à cet égard, est de se tenir au bord de l’endroit où ils passent, à la croisée. Et de partager leur horizon. La croisée n’est pas le croisement. Dans le croisement, chacun reste sur sa voie, les routes se croisent sans donner la possibilité de bifurquer. Dans la croisée, son chemin laisse place tout à coup pour la saisie inopinée d’un autre chemin. L’aventure s’ouvre. Elle se referme aussitôt, le plus souvent, mais non sans prodiguer l’impression délicieuse, délictueuse et vaguement nostalgique d’une soudaine efflorescence de possibles évanouis aussitôt qu’entrevus. C’est chaque instant, au fond, si l’on se donnait la peine de s’en rendre toujours compte, qui seraient des croisées. Ce serait cela, au fond, le temps: le parcours, ou le passage, de croisées. C’est évidemment plus ouvert qu’un bord, à moins que de croisée en croisée l’habitude se prenne et se maintienne d’une certaine fidélité de cap, une sorte de droiture ; tenir bon, c’est alors tenir droit.
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La liberté au fond, consiste à ne bifurquer pas. Etre libre c’est continuer tout droit quand les possibles se multiplient. C’est être le temps, malgré les croisées. Ainsi comprend-on la ténacité de celui qui longe le bord. Il pourrait repartir, ou sauter le pas, ne rien tenter, ou tout tenter. Mais il reste, demeure et chemine dans l’entre deux. Il est là, droit devant mais peu à peu, dans le milieu qui se rit des extrêmes. Rencontrer les autres, c’est se tenir, ici, où ils sont, mais aussi voir comme eux se qui nous entoure tous, la ligne éperdue, de perspective et de fuite, qui nous fascine au bord de la mer, parce que nous sentons tous, sans la moindre phrase, qu’elle trace d’un trait la ligne de flottaison de notre existence, en tirant un trait entre les infinis comme entre autant de néants. Parce que nous sentons tous que nul ne peut exister en dehors que de sa si mince épaisseur. Partager l’humanité, c’est partager l’horizon, parce que cela revient à accepter que l’infini, comme la mort, soit au bord, soit le bord de chaque choses. L’horizon est à la fois courbe et bord. Forme plastique de la limite de l’air, il est la forme des formes, la forme ou toutes les formes se produisent et s’ajointent. Toutes les choses sont prises dans un bain d’air, comme une empreinte. Tout n’a qu’un bord avec l’air, et ce bord est horizon. C’est comme si la mort, toujours, venait nous border, comme toute chose. Toutes les choses coïncident exactement avec leur forme dans l’air. Telle est exactement la forme du vide. Car il n’est pas plus d’air dans la chose que de chose dans l’air. Chaque forme est la limite de deux vides. Elle sépare un dedans sans dehors et un dehors sans dedans. Deux vides qui n’ont rien d’autre en eux qu’avoir la même forme. C’est le propre de l’empreinte, d’être à jamais la trace de l’absence dans l’absurde. Aucune chose n’a de rapport à l’air ambiant. Chacune épouse exactement sa propre absurdité. Le vide est cet écrin qui abolit le sens. Et convenons que l’air en son insinuation figure au mieux un tel vide. Le soleil ne brille pas, il accuse les contrastes et les porte à l’abrupte cassure du blanc et du noir. Ce damier tout cru, sans milieu, est une autre forme d’horizon, où deux mitans s’épousent bord à bord. Le propre d’un tel horizon est de partager n’importe quel chaos en deux moitiés parfaites, égales et jointives. L’horizon casse en deux. C’est son motif, sa signature, sa vocation. Il crée du double. La courbe en sa douceur ourle tout contour. L’enveloppe s’alanguit tout au bord des surfaces. L’horizon est le bord du monde. Qu’y a-t-il de l’autre côté? Un simple jeu de vide et de lumière. La totalité ou presque de l’homme est dans l’air. L’homme est littéralement hors du monde. Ce n’est que pour dormir qu’il se pose sur ou sous l’horizon. Dehors et dedans ne prennent sens que par rapport á l’horizon.
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Mais même dedans il est dehors, toujours en plein ciel. Il est l’être des confins. L’homme est celui qui dépasse de partout, toujours de trop, au delà de tout et en deca du reste. L’homme est la catastrophe de l’horizon, comme un sein sur une poitrine de femme. Catastrophe: ce qui, faute de raison de se produire, change tout. Car la femme l’est-elle avant le sein, ou l’horizon avant l’homme? La catastrophe est une chose sans contour, sans alentour pour l’expliquer: elle est texte sans contexte. C’est une ile. Mais cet isolement s’impose et fait qu’on ne voit qu’elle. Les révolutionnaires sont ceux qui n’ont point de place: ils doivent tout changer pour simplement s’asseoir. Exister: la tache est vaine, et proprement sans lieu, à moins de se faire catastrophe, comme un passant sur une grève. Passons, soyons le temps au bord de l’eau. L’homme est le seul vivant capable de promenade, de figurer, sans intérêt comme un temps pur. Flâneur: on ne voit du paysage que le temps, que ce temps roulé en boule, lentement déroulé, que ce temps qui inspire tout autant qu’il expire. Allez où vous voulez, je vous défie de voir plus que des hommes. Pourquoi? Parce que chaque homme se place et pèse au centre du visuel de chaque autre. Voici, pour le confirmer, une expérience fort aisée. Tirez, sur une feuille toute blanche, un simple trait horizontal. Posez sur cette ligne, presque jointifs un petit nombre de rectangles minuscules. Cela suffit à vous montrer une ville. Mais si vous remplacez les rectangles par de minuscules traits verticaux, vous aurez des hommes, au bord de l’horizon. Il est remarquable que l’effet persiste, lorsqu’on éloigne ces traits de la ligne d’horizon. Mais si l’on fait les mêmes petits traits sur une feuille on l’on n’a pas tracé de ligne d’horizon, on voit des traits, et non des hommes. Nul ne peut dessiner l’horizon sans dessiner tous les hommes.
Jean-Paul Galibert, « Le bord de la solitude », in Conserveries mémorielles, #7 2010
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SOURCES :
Certaines informations et réflexions qui ont servi à l’élaboration de ce rapport sont le fruit de mon expérience personnelle de ce village dans lequel j’ai eu l’occasion de passer beaucoup de temps depuis 1995, de discussions avec ma famille (mes grands-parents, Denise et Guy de Choiseul, ayant vécu à Tharon-Plage 1976 à 2015, ainsi que mon père Thierry de Choiseul) et d’un entretien avec Monsieur Lhonoré travaillant aux services techniques de la mairie de Saint-Michel Chef-chef.
Pour les cartographies j’ai pu m’appuyer sur :
• www.geoportail.gouv.fr • www.petr-paysderetz.fr (documents du SCoT)
En ce qui concerne l’Histoire de la commune de Saint-Michel Chef-Chef, j’ai effectué mes recherches notamment sur les sites internets : • www.stmichelchefchef.fr • www.ccpornic.fr • Et grâce à un entretien par écrit avec Monsieur Greffe, ayant effectué des recherches approfondies sur la ligne ferroviaire Pornic-Pamboeuf.
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Ecole Nationale Supérieure d’Architecture Paris Val-de-Seine Master 2 - Février 2017 Ryane de Choiseul