Il n'y a pas que les barbecues : repenser le travail en circonscription pour...

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ENTREVUES DE SAMARA AVEC DES DÉPUTÉS SORTANTS : VOLUME II

Il n’y a pas que les barbecues repenser le travail en circonscription pour activer un engagement démocratique local

PREMIER RAPPORT : LES DÉPUTÉS AU PARLEMENT DEUXIÈME RAPPORT : LES DÉPUTÉS DANS LEUR CIRCONSCRIPTION TROISIÈME RAPPORT : LES DÉPUTÉS AU SEIN DE LEUR PARTI POLITIQUE


La tournée des barbecues en été est un des temps forts du travail des députés dans les circonscriptions. Ils enchaînent les événements communautaires, spatule à la main, afin de rencontrer en personne le plus grand nombre possible de concitoyens. Mais les députés et les citoyens s’écoutent-ils vraiment les uns les autres? « Au final, je ne sais pas au juste comment rejoindre un grand nombre de citoyens. J’ai fait du porte-à-porte tous les vendredis pendant quatre ans et demi. J’ai tenu des séances de discussion ouverte. J’étais actif sur les réseaux sociaux. J’ai envoyé six millions de documents dans le quartier. J’ai vraiment essayé de mobiliser les citoyens. Mais je ne suis pas sûr que l’engagement ait réellement augmenté. »

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Table des matières ENTREVUES DE SAMARA AVEC DES DÉPUTÉS SORTANTS : VOLUME II

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SYNOPSIS

6

QUI A PARTICIPÉ?

8

INTRODUCTION 9 Mais il en a toujours été ainsi

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Description du poste : les députés dans la circonscription

13

ÉVÉNEMENTS : « IL Y A 100 OU 150 ÉVÉNEMENTS OÙ IL FAUT ÊTRE IMPÉRATIVEMENT »

14

« Je suis là parce que vous avez souri »

15

Il ne s’agit pas de ceux qui ont besoin d’aide

15

CONSULTATIONS : « ALLEZ-VOUS BEAUCOUP M’INVECTIVER AUJOURD’HUI? »

17

Chérie, il appelle d’Ottawa!

18

Avancer à tâtons

18

La technologie va nous sauver!

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ÉTUDE DES DOSSIERS : « SERVICE CANADA EST LÀ POUR ÇA »

21

Là où se fait le travail

22

Pas toutes égales au départ

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Colmater les fuites dans le barrage

25

Quand les arbres cachent la forêt

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CONCLUSION : IL FAUT AMÉLIORER L’ENGAGEMENT DÉMOCRATIQUE LOCAL

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Première étape : Décharger le bureau de circonscription du traitement des dossiers

30

Deuxième étape : Faire en sorte que les députés et leurs employés se concentrent sur l’engagement et la consultation du public

32

Comment faire pour y arriver : qui fait quoi?

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MÉTHODOLOGIE

36

NOTES

37

REMERCIEMENTS

38

ANCIENS DÉPUTÉS AYANT PARTICIPÉ À L’ÉTUDE

40

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Entrevues de Samara avec des députés sortants : volume II La démocratie représentative traverse une mauvaise passe. Cela fait des décennies que la confiance dans les institutions démocratiques baisse, mais nous avons vu récemment comment la tendance peut être exploitée pour causer des torts durables quand les leaders accentuent cette méfiance envers les institutions démocratiques à leur profit. Selon un ancien député, « il ne s’agit pas simplement d’un genre de politique post-vérité, mais bien d’une politique post-démocratique ». En 2018, il est urgent que les Canadiens réhabilitent la démocratie représentative en tant que compromis entre les référendums quotidiens et le gouvernement d’une élite incontrôlée. Les représentants eux-mêmes, qui constituent le maillon essentiel entre les citoyens et leurs institutions démocratiques, sont au cœur de la démocratie représentative. Le Centre Samara pour la démocratie a mené de 2008 à 2011 la toute première série d’entrevues systématiques avec d’anciens députés. Au total, 80 entrevues ont été faites au domicile et dans les collectivités de députés des 38e, 39e et 40e législatures (2004-2011). Les discussions ont servi de base à une série de rapports d’étude et au livre à succès Tragedy in the Commons. Lors de ces entrevues, nous avons fait un constat surprenant : même après des années de service public, les députés n’avaient pas une idée claire et commune de ce qu’était réellement leur travail comme représentants politiques1—de la façon dont ils devraient utiliser leur temps et leur énergie pour représenter leurs électeurs au Parlement et dans la collectivité. Comment peut-on s’attendre alors à ce que les parlementaires défendent la démocratie représentative s’ils ne s’entendent pas sur la mission essentielle qu’ils sont censés remplir? L’an dernier, Samara a de nouveau rencontré d’anciens députés avec l’aide de l’Association canadienne des ex-parlementaires; il s’agissait cette fois-ci de députés de la 41e législature (2011-2015) ayant démissionné ou été battus lors de l’élection générale de 2015. Nous voulions savoir si les rôles des députés étaient en train de changer—en mieux ou en pire. Là encore, les parlementaires ont parlé de leur expérience comme représentants dans le cadre d’entrevues individuelles qui se sont déroulées dans leurs collectivités. Les entretiens menés partout au pays avec 54 députés représentant tous les partis, qui ont totalisé plus de 100 heures, ont permis d’établir un constat clair : le problème d’ « un poste sans mode 4


d’emploi » n’est toujours pas réglé. Il a même empiré à certains égards. Les parlementaires n’ont jamais été aussi écartés du travail essentiel d’examen, de législation et de représentation. Si le rôle d’un député est vidé de sa substance, les élections connaissent le même sort. Le Parlement s’est dégradé et, comme l’a dit un ex-député, « il n’y a pas de démocratie en dehors de cette institution ». Une intervention s’impose. Cette série de rapports utilise les témoignages et expériences d’anciens députés pour défendre une vision particulière prônant une représentation politique indépendante, réfléchie, engagée et à même d’agir. Il s’agit d’une vision effectivement ambitieuse, qui oblige à intervenir et à partager le pouvoir. Mais la démocratie canadienne exige de l’ambition, surtout dans un climat public où la polarisation, la partisanerie, le cynisme et la méfiance ont gagné du terrain. Les Canadiens doivent faire l’effort d’améliorer leur démocratie, et le pays mérite au moins cela.

Chaque rapport faisant partie de cette série mettra l’accent sur un cadre essentiel auquel tous les députés consacrent beaucoup de temps et d’énergie. Il contiendra aussi des recommandations pour promouvoir les objectifs suivants : Au Parlement : les députés—qu’ils fassent partie de l’arrière-ban du gouvernement ou de l’opposition—devraient façonner indépendamment les lois et les politiques, et prendre sur eux d’examiner attentivement le gouvernement, au lieu de s’occuper des motions à débattre et des examens sous la direction du centre de leur parti; Dans les circonscriptions : les députés devraient trouver des façons nouvelles et innovatrices d’impliquer les citoyens dans les processus politiques, au lieu de fournir un service à la clientèle de base qui incombe en fait à la fonction publique; Au sein des partis politiques : les députés devraient ouvrir leurs portes aux citoyens et participer à de véritables délibérations sur les politiques des partis, au lieu d’agir en gardiens et de suivre les chefs.

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5


Synopsis Les députés sont censés représenter leurs concitoyens à Ottawa. Ils sont là pour servir de maillon entre les citoyens et les institutions démocratiques nationales, et faire en sorte que les Canadiens aient leur mot à dire dans les décisions fédérales. Mais le rôle qu’ils jouent dans les circonscriptions a changé avec le temps; la prestation de service et les mondanités les occupent à présent davantage que les consultations et l’adoption des lois. Les députés ont beau être davantage présents dans leur circonscription, les institutions nationales semblent de plus en plus inaccessibles aux yeux des Canadiens. C’est le moment de réexaminer sérieusement la façon dont les députés emploient leur temps dans les circonscriptions.

Ce qu’en disent les ex-députés

Pourquoi c’est important

Le travail en circonscription est très prenant et mobilise

Quand les députés affectent des ressources au travail

beaucoup leurs employés.

en circonscription, ils ont moins de moyens et d’employés pour les aider à remplir leur rôle parlementaire qui consiste à surveiller le gouvernement.

Ils se sentent fortement obligés par les chefs de parti et leurs

La « tournée des barbecues » permet moins d’avoir

concitoyens à assister en personne à toujours plus d’événe-

des échanges ou des consultations valables avec les

ments dans la communauté.

concitoyens.

Le traitement des dossiers—le fait d’aider les concitoyens

Les problèmes liés aux services publics pourraient

à surmonter les difficultés d’accès aux services publics—

être réglés d’une façon plus équitable et honnête si on

occupe une part considérable et apparemment

s’occupait avant tout de résoudre ceux du système au

grandissante du temps et des ressources de leurs

complet, au lieu de se contenter d’aider individuellement

employés.

les citoyens qui ont besoin d’un coup de main. Pire encore, le fait d’utiliser les bureaux de circonscription pour étudier les dossiers peut amener certains citoyens à bénéficier d’un traitement préférentiel.

Beaucoup ont dit avoir le sentiment de ne pas arriver à

Les députés veulent avoir de meilleures façons de

vraiment mobiliser et consulter leurs concitoyens. Ils

communiquer avec leurs électeurs, d’obtenir leur point

ont recours à des méthodes traditionnelles comme

de vue et de s’adresser à eux. Mais ils ont besoin de

des séances de discussion ouverte, bien qu’ils aient le

plus de temps, de ressources et de soutien.

sentiment de toujours entendre le point de vue du même petit groupe de concitoyens.

6


2

Le travail en circonscription n’a pas toujours fait partie du rôle. Les députés passent moins de temps à Ottawa et sont plus présents dans leurs localités que leurs prédécesseurs. Ils n’ont jamais été aussi visibles et accessibles— et pourtant, la confiance et la satisfaction à l’égard des politiciens ont bien diminué par rapport à l’époque où les députés s’absentaient de leurs circonscriptions pendant plusieurs mois d’affilée pour vivre à Ottawa. Les députés ne fonctionnent pas comme un maillon essentiel entre les citoyens et Ottawa. Cela signifie que les circonscriptions devraient être repensées comme des carrefours civiques et des avant-postes du Parlement, au lieu d’être des centres de services. C’est envisageable, mais il faut pour cela un changement institutionnel et un appui politique. Le présent rapport propose deux mesures importantes en ce sens : éliminer tout d’abord le traitement des dossiers dans les bureaux de circonscription, et permettre ensuite aux députés et à leurs employés de se concentrer sur l’engagement et la consultation auprès du public.

7


QUI A PARTICIPÉ? (54 DÉPUTÉS ONT ÉTÉ INTERVIEWÉS) PARTI

3

3

23

25

Verts/Indépendants/ Forces et démocratie

Libéraux

Conservateurs

NPD

SEXE

Femmes

23

Hommes

31

RÉGION

Nord

0

ColombieBritannique

6

Atlantique

Prairies

Québec

10

16

3

Ontario

19

ÂGE MOYEN DES NOUVEAUX ÉLUS

10

ANCIENS MINISTRES

38

Défaits lors de l’élection de 2015

400+

ANNÉES D’EXPÉRIENCE EN TOUT AU PARLEMENT

48

8


Introduction Le rôle d’un député est en fait double. Les deux fonctions n’ont pas toujours grand-chose en commun d’ailleurs—et chacune peut empiéter sur les prérogatives de l’autre. Comme l’a expliqué un député : J’avais l’habitude de dire à [un journaliste d’Ottawa], qui se passionne pour le Parlement, que « vous devriez suivre un député dans sa circonscription pendant un week-end pour avoir une idée de la pression qu’il subit là-bas ». Car si vous reprochez à un député de ne pas [examiner] suffisamment les

La démocratie oblige les

estimations [financières] du Parlement, c’est peut-être qu’il n’a pas tout lu

représentants politiques à

au Parlement parce qu’il a été pris du jeudi soir au dimanche après-midi avec des événements dans sa circonscription. Quand pourrait-il trouver le temps de lire les estimations?

s’impliquer au niveau local auprès de ceux qu’ils sont censés représenter. Mais

Dans le premier rapport de cette série, intitulé « Laisser tomber le scénario »,

seuls les députés sont

Samara soutenait que les députés devraient avoir plus de poids au Parle-

en mesure d’accomplir

ment—notamment intervenir plus directement sur les lois et les politiques, et examiner plus sérieusement le gouvernement. En l’état actuel des choses, bien des députés et leurs employés n’ont en fait guère les moyens de remplir un tel rôle sur la Colline du Parlement—entre autres parce que les circonscriptions mobilisent leurs efforts et leur attention. C’est problématique. Certes, la démocratie oblige les représentants politiques à s’impliquer au niveau local auprès de ceux qu’ils sont censés représenter. Mais seuls les députés sont en mesure d’accomplir le travail parlementaire. Et leur rôle accru dans les circonscriptions—qui consiste surtout à fournir des services publics que la bureaucratie pourrait assurer d’une façon plus équitable—n’aide pas vraiment à représenter les électeurs dans la politique nationale. Comme l’a dit carrément un député :

le travail parlementaire. Et leur rôle accru dans les circonscriptions—qui consiste surtout à fournir des services publics que la bureaucratie pourrait assurer d’une façon plus équitable—n’aide pas vraiment à représenter les électeurs dans la politique nationale.

Quand j’entends des députés dire « vous savez, Ottawa c’est du théâtre, le vrai travail consiste à résoudre le problème de nos concitoyens », je trouve que ce sont des foutaises. C’est ce que j’avais l’habitude de faire [dans la collectivité]. Je réglais les problèmes des gens. Je me suis insurgé contre l’État et battu pour leurs droits. Je n’ai pas mis mon nom sur un bulletin de vote pour continuer à faire ça. 9


Sachant à quel point le rôle parlementaire des députés a été vidé de sa substance1, c’est parfaitement naturel qu’ils se tournent là où ils ont la liberté relative de faire un travail indépendant pour résoudre de vrais problèmes. Après tout, la plupart des élus se sont portés candidats pour pouvoir changer les choses dans leur collectivité.2 Les ex-députés ont indiqué qu’ils se souciaient de leur collectivité et voulaient vraiment travailler pour leurs concitoyens. Et dans bien des cas, ils aident effectivement les gens en fournissant des services. Mais comme le montre le présent rapport : Le travail en circonscription sous sa forme actuelle n’a trop souvent pas grand-chose à voir avec le rôle parlementaire des députés, et peut amener les députés à moins s’occuper des lois et des dépenses, alors qu’ils devraient le faire davantage. Il y a de meilleures façons d’aider les citoyens, entre autres en réglant systématiquement les problèmes dans les services publics, au lieu de trouver des solutions individuelles. On peut mieux représenter les citoyens, par exemple en menant des consultations innovatrices permettant au public d’apprendre en quoi consiste avant tout le travail en circonscription. C’est important que les élus comprennent bien ce qu’est l’engagement démocratique local. Les citoyens se sentent très éloignés de leurs institutions politiques, même si les députés consacrent plus de temps et de ressources à leurs circonscriptions. Le moment est venu de changer d’approche. Le présent rapport va montrer comment faire, en redistribuant les responsabilités et la charge de travail de façon à ce qu’ils aient le temps d’être des représentants plus efficaces.

MAIS IL EN A TOUJOURS ÉTÉ AINSI Le rôle que joue un député dans sa circonscription est en fait un phénomène relativement moderne. Avant qu’il n’y ait des bureaux de circonscription et des moyens de faire rapidement de longs déplacements à prix abordables, les députés passaient l’essentiel de la session parlementaire à Ottawa et ne retournaient dans leur circonscription que sur une base saisonnière. En 1967, 10


par exemple, le Parlement a siégé en tout pendant 176 jours, ce qui a obligé les députés à vivre environ la moitié de l’année à Ottawa (voir la figure 1). Les députés n’étaient pas physiquement présents d’une manière permanente dans la circonscription, sauf en période électorale. On attribue parfois la création des premiers bureaux de circonscription à Ed Broadbent et à Flora McDonald, qui ont été députés à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Leur innovation a consisté à ouvrir dans la collectivité un espace spécialement conçu pour favoriser une discussion continue sur les priorités locales et les intentions du gouvernement fédéral.3 D’autres universitaires évoquent une époque plus lointaine et plus informelle où des bureaux avaient été établis au Québec pendant les années 19304 et le rôle que les épouses (et parfois les mères) des députés ont joué chez elles jusque dans les années1960, en répondant aux appels des électeurs et en offrant une aide informelle.5 Chose certaine, le travail en circonscription n’a pas toujours fait partie des attributions d’un député, mais il semble obliger les députés à y consacrer de plus en plus de temps et d’efforts, car le Parlement siège moins souvent (figure 1) et permet donc aux députés d’être davantage dans leur circonscription.

POURCENTAGE DE L’ANNÉE OÙ LE PARLEMENT SIÈGE

Figure 1

FRÉQUENCE À LAQUELLE LA CHAMBRE DES COMMUNES SIÈGE

60% 60

50% 50

40% 40

30% 30 60

9

-6

68

19

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69

19

2

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70

19

72

19

4

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73

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6

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74

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7

-7

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19

8

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77

19

9

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3

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4

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6

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19

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1

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3

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0 20

09

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11

0-

1 20

SESSION PARLEMENTAIRE (EN ANNÉES) *Compte non tenu des sessions de moins de 100 jours

50

De

3

-1

11

20

15

20

5

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20

u’à

t

en

és pr

sq

ju

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Plusieurs facteurs pourraient expliquer ce changement : Les députés ont parlé de la grande responsabilité qu’ils ressentent envers

ceux qui les ont élus. Comme l’a dit le premier ministre Stephen Harper à son caucus, « ce n’est

pas à Ottawa qu’on vote ». Les députés ont eu le sentiment que le public s’attendait davantage à ce

que les élus soient visibles et accessibles. Ils se sont aperçus que le grand public avait besoin de plus d’aide pour

s’y retrouver dans les services publics. Grâce aux billets d’avion abordables et aux frais de déplacement plus

généreux, c’est devenu plus facile et par conséquent souhaitable de faire

la navette entre Ottawa et les circonscriptions.6 Les attitudes plus modernes et des différents sexes à l’égard de la

conciliation travail-famille font que les députés des deux sexes veulent

avoir plus de temps pour s’occuper de leurs enfants et de leurs proches.7

Mais il y a aussi des facteurs qui incitent fortement à s’éloigner d’Ottawa. Des députés avec de longs états de service ont évoqué l’ambiance plus collégiale du Parlement—un sentiment de communauté plus fort—qui s’est estompée à la longue. Beaucoup d’ex-députés ont décrit en outre le sentiment d’indépendance, de contrôle et de satisfaction générale que leur procurait

Les députés n’ont jamais été aussi physiquement accessibles et présents dans la collectivité. Mais la baisse de confiance et de satisfaction des citoyens suggère que le

le travail en circonscription. Cela contrastait avec la façon dont ils ont parlé

public est de plus en plus

l’étroite surveillance exercée par les chefs de partis et le personnel du

porté à croire le contraire

Parlement. Comme l’a expliqué un député :

ou à tout le moins qu’il

[Le travail en circonscription permettait de] rencontrer de vraies personnes

n’est pas convaincu.

et de se sentir très utile parce qu’on pouvait les aider dans bien des cas, vous comprenez. En revanche, sur la Colline, on siège pendant toute la période de questions. Disons que ce n’est pas très efficace. Le fait que le travail en circonscription soit relativement nouveau au Canada comporte certains paradoxes. Les députés n’ont jamais été aussi physiquement accessibles et présents dans la collectivité. Mais la baisse de confiance et de satisfaction des citoyens suggère que le public est de plus en plus porté

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à croire le contraire ou à tout le moins qu’il n’est pas convaincu.8 Les députés et leurs concitoyens voient aussi le travail en circonscription d’un autre œil.9 Beaucoup de députés n’hésitent pas à dire combien ils sont ravis de fuir la « bulle d’Ottawa » pour être avec leurs concitoyens. Mais selon une compilation récente de l’opinion publique, une majorité de Canadiens préférerait que les députés restent et concentrent leur énergie à Ottawa.10 Il y a quelque chose qui cloche.

Le travail en DESCRIPTION DU POSTE : LES DÉPUTÉS DANS LA CIRCONSCRIPTION Une démocratie représentative exige, pour être forte, des députés indépendants et en mesure d’agir, réfléchis et engagés. Ces valeurs devraient se refléter dans tous les aspects de leur travail. Au niveau de la circonscription, les députés : Favorisent un dialogue permanent avec leurs concitoyens sur les

priorités locales;

circonscription devrait être lié aux responsabilités essentielles des députés, à savoir la représentation, l’examen et la législation.

Créent un espace où les citoyens peuvent s’engager activement sur

les enjeux nationaux; Ont des contacts avec toute la diversité de citoyens.

Le travail en circonscription devrait être lié aux responsabilités essentielles des députés, à savoir la représentation, l’examen et la législation. Pour ce faire, les parlementaires devraient être libérés des autres responsabilités dont ils se sont chargés par hasard au fil du temps—un travail qui peut être mieux accompli et d’une façon plus équitable par d’autres. Dans les entrevues, les ex-députés ont pu discuter librement de leurs expériences dans la circonscription. Il est clairement ressorti que leur façon d’aborder le travail en circonscription varie énormément.11 Mais certaines expériences communes ont été relevées. La prochaine section est structurée autour de trois principaux aspects du travail qui se fait dans les circonscriptions : la présence à des événements locaux, la consultation des citoyens et le « traitement des dossiers »—autrement dit le fait d’aider les électeurs à avoir accès aux services publics ou de s’y retrouver.

13


Événements : « Il y a 100 ou 150 événements où il faut être impérativement »

L’approche à l’ancienne consistant à « distribuer des sourires » est un des principaux buts du travail en circonscription. Les ex-députés ont décrit la pression dont ils faisaient l’objet pour apparaître au plus grand nombre possible d’événements dans leur circonscription—activités caritatives, barbecues de financement, défilés, cérémonies de citoyenneté et festivals ethnoculturels. Cette pression provient de plusieurs sources. Comme l’a expliqué un député, il n’y avait pas moyen d’échapper à la pression de la direction du parti, même pour cet aspect local du rôle : On insistait fortement pour que nous allions à des événements, et la stratégie de sensibilisation dominante et fondamentale consistait à faire en sorte que le député soit visible et présent en tout temps. Dans certains cas, ils faisaient un suivi de notre présence… [Le Cabinet du premier ministre] vérifiait si on y allait et à combien d’endroits, et il nous en parlait… Je n’ai jamais trouvé que c’était une bonne façon d’employer son temps. La pression pouvait aussi venir des pairs. Un député a reçu des conseils différents sur le nombre d’événements auxquels il devrait assister :

Les députés de la 41e

Un député m’avait donné un conseil au début : « Si vous n’assistez pas

législature avaient

à au moins cinq événements le samedi et à quatre ou cinq autres le

constaté que la

dimanche... vous ne vous montrez pas assez. » Un autre, de la circon-

population s’attendait

scription voisine, a dit : « Foutaises… N’oubliez pas votre famille. Vous

de plus en plus à ce

êtes à la maison pour le week-end. Si vous assistez à cinq événements

qu’ils fassent acte de

le samedi, vous ne verrez pas votre famille. Ce n’est pas bon. Refusez

présence à une cadence

chaque fois que vous le pouvez. » Bien entendu, la pression venait aussi des citoyens. Les députés de la 41e

qu’ils trouvaient parfois impossible à maintenir.

législature avaient constaté que la population s’attendait de plus en plus à ce qu’ils fassent acte de présence à une cadence qu’ils trouvaient parfois impossible à maintenir. Comme l’a évoqué un député, « il y a probablement 100 ou 150 choses à faire ‘impérativement’… Des événements pour lesquels vous devrez justifier votre absence. ‘Comment se fait-il qu’elle n’était pas là?’ ‘Où était-elle?’… ‘Elle ne travaille pas …’ » 14


Comme l’a raconté un autre député : « J’allais à environ sept à neuf [événements] par jour… Malgré cela, les gens trouvaient que je ne me montrais pas… J’essayais d’être au plus d’endroits possible, mais… j’avais toujours l’impression de laisser tomber les gens. » Pendant les entretiens, beaucoup ont évoqué la semaine de travail parlementaire à Ottawa, suivie de week-ends entièrement pris par des événements communautaires. « C’est facile de se brûler » et « Quand on veut tout faire bien, on finit par être débordé » sont des réflexions que Samara a notées, en particulier à propos du travail en circonscription. Le fait de ne jamais s’arrêter a aussi de sérieuses répercussions personnelles. Un député a parlé d’un collègue « qui allait partout. J’avais des remords. Il en faisait deux fois plus—et son mariage n’a pas résisté. » Personne ne se lance en politique en s’attendant à ce que ce soit une partie de plaisir. Mais il y a des limites au temps et à l’énergie que l’on peut exiger des députés et de leurs employés. Dans ce cas-là, le temps passé en « sourires de circonstances » est-il bien employé?

« JE SUIS LÀ PARCE QUE VOUS AVEZ SOURI »

« J’allais à environ sept à neuf [événements] par jour… Malgré cela, les gens trouvaient que je ne me montrais pas… J’essayais d’être au plus d’endroits possible, mais… j’avais toujours l’impression de laisser tomber les gens. »

La présence à une succession d’événements communautaires procure un certain avantage public. Les ex-députés estiment que cela peut humaniser les politiciens et les rendre plus accessibles. « Les barbecues sont un aspect extrêmement important du travail politique, car les gens vous voient. Et ils se disent ‘Oh, c’est la gentille dame qui m’a servi un hamburger; elle a souri et a parlé avec moi. Elle n’est pas si intimidante. Je pourrais lui parler, lui donner mon opinion ou lui demander de l’aide ou des conseils’. » Ou encore « Je vous ai vu au défilé de la fierté gaie, vous aviez l’air vraiment bien et sympathique. Je suis ici [au bureau du député] parce que vous avez souri. » Cela peut aussi aider les députés à connaître leur circonscription. Même s’ils y résident depuis longtemps, ils peuvent apprendre quelque chose de nouveau sur leurs voisins en assistant à des événements locaux : « Ça fait 20 ans que je vis dans cette circonscription et il y a tellement de choses que je ne connais, ne vois ou ne comprends pas bien, d’activité et de développement communautaire, et autres trucs qui se passent, que je n’en reviens tout simplement pas ». Voici ce qu’a dit un député à propos de l’intérêt d’assister à des événements locaux : 15


Saviez-vous qu’il y a de la nourriture qui n’a rien à voir avec de la pizza ou un hamburger? Ça a été une révélation pour moi! La pizza était l’aliment le

« Saviez-vous qu’il y a de

plus ethnique que j’avais l’habitude de manger… on va à des événements et

la nourriture qui n’a rien

des activités qui font grandir en tant qu’être humain. Un conseil : sortez de

à voir avec de la pizza ou

votre zone de confort. Pour les députés de circonscriptions diversifiées, les événements peuvent être

un hamburger? Ça a été une révélation pour moi! »

d’excellentes occasions d’en apprendre davantage sur des collectivités distinctes : « On va à de nombreux événements ethniques et culturels et on goûte à la nourriture… On assiste à plein de choses. Et même si l’on est fatigué le weekend, on apprécie à chaque fois d’aller à ces événements. » Un certain nombre de députés ont spécifiquement insisté sur l’intérêt d’assister à des événements organisés par des communautés ethnoculturelles, en particulier celles qui sont constituées de nouveaux arrivants qui ont été marginalisés. Mais comme l’a fait remarquer un autre député, le circuit des événements ne permet quand même pas de vraiment établir un contact avec les collectivités démobilisées : « Il y a des groupes culturels carrément silencieux et d’autres très actifs ».

IL NE S’AGIT PAS DE CEUX QUI ONT BESOIN D’AIDE D’un autre côté, le fait de multiplier les brèves apparitions au cours d’une journée n’offre que des occasions limitées d’amener la politique nationale dans la circonscription et inversement. Après avoir fait un effort colossal pour être un vrai « député de circonscription », l’un d’eux a exprimé des réserves quant à la démarche—et les compromis que cela impliquait : « … Au final, cela n’a guère

« Est-ce que c’était

d’importance. Est-ce que c’était intéressant de rencontrer tous ces gens et de

intéressant de rencontrer

faire autant de choses? Sans doute, mais c’est épuisant. Et bien souvent, on retourne épuisé à Ottawa le lundi. »

tous ces gens et de faire autant de choses?

Ce genre d’événements peut aider à promouvoir la marque et le message du

Sans doute, mais c’est

parti, à rallier des bénévoles à la cause ou, croit-on, à gagner des votes.

épuisant. Et bien souvent,

En fait, ces événements offrent uniquement des occasions brèves et fugaces de parler avec les citoyens—c’est peu probable qu’ils donnent une image

on retourne épuisé à Ottawa le lundi. »

représentative de la circonscription. Quand on a suggéré à un ex-député que les événements permettaient de connaître les préoccupations des citoyens, sa réponse a été claire : « Je suis désolé, mais c’est de la foutaise. Les gens qui assistent à ces événements ne sont pas ceux qui ont habituellement besoin d’aide et des documents à vous montrer. De la foutaise. Vous mangez et buvez aux événements… Vous n’avez pas le temps d’avoir une vraie discussion. »

16


Consultations : « Allez-vous beaucoup m’invectiver aujourd’hui? » Les événements ne sont pas des consultations, et la plupart des ex-députés en ont convenu. Mais d’une façon générale, ils avaient peu de méthodes efficaces à suggérer pour écouter les citoyens leur parler des enjeux qui leur tiennent à cœur. Ce n’était pas nécessairement par manque d’intérêt ou faute d’avoir essayé. Certains se sont vraiment efforcés de consulter leurs concitoyens sur différents sujets. L’un d’eux a raconté à quel point ses efforts ont été vains : J’ai vraiment essayé. J’organisais trois à quatre séances de discussion ouverte par année sur plusieurs sujets, j’envoyais des bulletins parlementaires et un dix-pour-cent, et cela se passait dans différents endroits de la circonscription. Je leur faisais savoir que c’était gratuit, qu’il y aurait du café et des collations, et je les invitais à venir parler à leur député. J’avais l’impression de voir toujours les mêmes têtes, peu importe là où cela se passait. Et il n’y avait jamais beaucoup de monde.

COMMENT EST-CE QUE LES DÉPUTÉS COMMUNIQUENT AVEC LES CITOYENS? Les députés reçoivent un budget de la Chambre des communes pour produire et envoyer des communications à leurs électeurs. Outre un budget pour la publicité générale, il y a deux principales catégories de matériel pouvant être envoyé par la poste, qui doivent remplir certaines exigences :

« Bulletins parlementaires »—bulletins imprimés jusqu’à quatre fois par année et envoyés à tous les

ménages de la circonscription.

Dix-pour-cent—dépliants imprimés en noir et blanc et pouvant être distribués à un maximum de

10 % des ménages de la circonscription.

Ces envois postaux financés par les impôts sont censés informer les électeurs de ce qui se passe à Ottawa, et à obtenir leur avis et leur rétroaction. Mais des études ont montré que lors des dernières législatures, les dix-pourcent ont de plus en plus servi à véhiculer un message du parti central à l’aide de modèles qu’il était recommandé aux bureaux des députés d’utiliser.12 Les dix-pour-cent peuvent aussi contenir des messages négatifs sur les autres partis et leurs dirigeants.

17


C’était toujours les mêmes qui se présentaient : Il y avait ceux qui vous détestaient et se présentaient simplement pour hurler. Je voyais toujours les mêmes têtes. Je leur disais à chaque fois « Bonjour, je suis ravi de vous revoir. Allez-vous beaucoup m’invectiver aujourd’hui? » Ce député n’est pas le seul à avoir vécu ce genre d’expérience. Un autre a parlé des « accros du micro » : « Vous annoncez que la réunion va porter sur un sujet. Vous vous levez et prenez la parole. Arrive le tour de ceux que j’appelle les ‘accros du micro’, parce que ce sont toujours [les mêmes] qui parlent, peu importe l’endroit. »

CHÉRIE, IL APPELLE D’OTTAWA!

« Je déchirais une page de l’annuaire et je téléphonais aux gens depuis l’aéroport. Je leur disais simplement

D’autres députés ont parlé avec fierté de leur façon directe de solliciter les

‘Bonjour. Il y a un projet

citoyens. Ceux que nous avons interviewés ont évoqué l’efficacité du porte-

de loi sur cette question.

à-porte traditionnel, qui consiste parfois à profiter d’« une soirée vraiment

Qu’en pensez-vous?’ »

pluvieuse » pour montrer aux électeurs à quel point ils sont dévoués. Un député était largement connu pour appeler à froid ses électeurs : « Je déchirais une page de l’annuaire et je téléphonais aux gens depuis l’aéroport. Je leur disais simplement ‘Bonjour. Il y a un projet de loi sur cette question. Qu’en pensez-vous?’ » Il a raconté, non sans satisfaction, à quel point son approche directe surprenait les électeurs : « ’Chérie, prends le téléphone. Il appelle d’Ottawa!’ »

AVANCER À TÂTONS Conscients des limites des séances de discussion ouverte et des bulletins, certains députés ont essayé d’innover dans leur façon de consulter. Un exdéputé a tenu des forums sur des enjeux spécifiques, ponctuels et propres à la collectivité. Le but était d’informer les électeurs sur un enjeu politique et de trouver ensemble une solution : Nous avons commencé par tenir des forums. Ça durait… quatre heures. Cela se passait généralement le samedi et portait sur une question… Les gens disaient « Pourquoi faites-vous ça? » C’était une question qui concernait la circonscription. J’avais un sommet. Je réunissais des gens… il y en a toujours qui connaissent le sujet, n’est-ce pas? Ils sont autour de 18


vous. J’amenais donc des gens pour parler de la question. La pièce était pleine. Je facilitais les tables pour amener les gens à parler de ce qu’ils jugeaient important à propos de la question et trouver des solutions. Je faisais ensuite un rapport. MÉTHODES DE SENSIBILISATION EMPLOYÉES PAR LES ANCIENS DÉPUTÉS

INNOVATEUR Sensibilisation sur les réseaux sociaux

INDIRECT

Appels à froid aux électeurs Bulletins et dix-pour-cent

Séances de discussion libre

DIRECT

Comités locaux et basé sur les enjeux

Porte-à-porte

TRADITIONNEL

Un autre député a essayé de tenir compte de la diversité de son électorat en mettant sur pied des forums de moindre envergure dans sa circonscription13 : J’avais pour habitude de viser ce que nous appelions des « groupes communautaires ». Un groupe communautaire pouvait être déterminé par la géographie. Nous avions douze gouvernements locaux dans la circonscription et chacun représentait une zone géographique très différente. Il pouvait être défini par l’ethnicité ou la culture… Ce groupe devenait pour ainsi dire mon patron dans la zone en question… Cela me permettait d’avoir énormément d’expertise là où je n’en aurais pas eu sinon.

19


Pour un député, l’engagement auprès des citoyens pouvait et devrait jouer un rôle éducatif, un avis qui n’était toutefois pas partagé par tous. Comme il l’a expliqué : Plus les citoyens sont engagés, meilleur est le service public, ce qui signifie qu’on devrait, par principe, mesurer notre réussite d’après le nombre de citoyens activement engagés… Beaucoup pensent que le rôle des députés consiste à résoudre les problèmes des gens. Ce n’est pas mon avis. Nous réglons effectivement des problèmes, mais l’éducation et l’organisation sont bien plus importantes—pour que les citoyens puissent résoudre leurs propres problèmes.

LA TECHNOLOGIE VA NOUS SAUVER! Pendant la 41e législature, les réseaux sociaux ont fait leur apparition (du moins en théorie) en tant que nouvelle frontière pour l’engagement et la consultation des

À quelques exceptions près, les députés ont

citoyens. Mais pour l’essentiel de cette cohorte de députés, les réseaux sociaux

globalement décrit

n’étaient pas encore un outil pratique. Un ex-député plus jeune qui avait tenté

comment d’autres

de faire des réseaux sociaux une plateforme d’engagement en a conclu que

aspects du travail en

« la pénétration était très faible ». Un autre a répondu franchement :

circonscription les

Je n’ai pas vraiment considéré cela comme une plateforme. Si je publie

avaient empêchés de

quelque chose sur Twitter, je ne sais jamais qui va le relever… Il y a plein

faire des consultations

de gens qui vous suivent, mais ils suivent plein d’autres choses. C’est

approfondies et

donc très difficile de savoir au juste quel impact cela a, car on en est

innovatrices.

encore au début. À quelques exceptions près, les députés ont globalement décrit comment d’autres aspects du travail en circonscription les avaient empêchés de faire des consultations approfondies et innovatrices. Et pour ceux qui ont entamé leur mandat avec la réelle intention de mobiliser leurs concitoyens, des années d’efforts ne semblent pas avoir changé grand-chose : Au final, je ne sais pas au juste comment rejoindre un grand nombre de citoyens. J’ai fait du porte-à-porte tous les vendredis pendant quatre ans et demi. J’ai tenu des séances de discussion ouverte. J’étais actif sur les réseaux sociaux. J’ai envoyé six millions de documents dans le quartier. J’ai vraiment essayé de mobiliser les citoyens. Mais je ne suis pas sûr que l’engagement ait réellement augmenté. 20


Étude des dossiers : « Service Canada est là pour ça » Les députés n’avaient pas grand-chose à dire au sujet des consultations, mais ils ont déclaré presque unanimement que le traitement des dossiers était une énorme responsabilité pour leurs bureaux. Beaucoup ont mentionné qu’il s’agissait d’une de leurs réalisations les plus satisfaisantes. Comme l’a indiqué un député : [Le travail en circonscription] était l’aspect le plus important de mon rôle. Les gens dans la circonscription devraient être la priorité pour chaque député. Ottawa reste une bulle. Mais si vous pouvez aider les gens dans votre collectivité, votre circonscription, ça en vaut la peine.

EN QUOI CONSISTE LE TRAITEMENT DES DOSSIERS? Le traitement des dossiers est une des principales responsabilités des députés et des employés dans leurs circonscriptions. Cela consiste à travailler avec les citoyens pour les aider à accéder aux services publics ou s’y retrouver. Cela peut prendre plusieurs formes. Par exemple :

Beaucoup de députés ont tenu des cliniques de passeports au cours desquelles leur personnel a aidé

des citoyens à remplir des formulaires de demande et à se procurer les documents appropriés.

Les députés et les employés de leur circonscription ont aussi joué le rôle d’ombudsman en s’occupant

de régler les plaintes ou les défis des citoyens concernant les autorités publiques.

Ils se sont occupés de problèmes qui ne pouvaient être réglés par les voies habituelles. Les entrevues ont montré que les dossiers dont s’occupent les députés et leur personnel relèvent souvent de plusieurs grands programmes, notamment les retraites et la sécurité de la vieillesse,“l’assurance emploi, les services aux anciens combattants, les passeports et l’immigration.

Il est ressorti des entrevues que les députés allouaient beaucoup d’effectifs et de temps pour résoudre les problèmes personnels des électeurs. Là encore, cela tient surtout à une récente évolution du rôle. Des études ont montré que le traitement des dossiers représentait une infirme partie du travail des députés, du moins jusque dans les années 1960, si ce n’est bien plus tard.14 Mais ces tâches ont commencé graduellement à demander plus de temps et d’efforts de la part du personnel des représentants. Un député de la 41e législature a raconté à quel point les choses ont changé au cours de sa vie : 21


Il n’y avait pas de bureau de circonscription. Le député rencontrait les gens ici et là; maintenant, nous fournissons des services complets à la population. Et nous n’avons pas le choix, car les gens comptent [à présent] sur ça. Pour certains, les compressions dans les services publics de première ligne, combinées au temps que les employés des bureaux de circonscription offraient

Ce qui devait être ini-

en personne, ont créé les conditions voulues pour que le traitement des

tialement un tremplin

dossiers s’implante bien et prenne de l’expansion dans les circonscriptions.15

entre les paliers local et

Ce qui devait être initialement un tremplin entre les paliers local et national est à présent le recours ultime pour les citoyens qui sont acculés se retrouvent dans un cul-de-sac avec la bureaucratie fédérale. Certains sont des citoyens

national est à présent le recours ultime pour les citoyens qui sont acculés

et des nouveaux arrivants que la bureaucratie a laissé tomber et qui n’ont pas

se retrouvent dans un

eu droit à un recours équitable. Il y a aussi les citoyens qui veulent un coup de

cul-de-sac avec la

main politique pour contourner les processus habituels. En plus de leur travail

bureaucratie fédérale.

à temps plein comme parlementaires, les députés s’occupent à temps partiel des dossiers de leurs concitoyens.

LÀ OÙ SE FAIT LE TRAVAIL Bien entendu, ils ne sont pas seuls. Les députés ont du personnel qui prend sur ses épaules l’essentiel de cette responsabilité. Selon une récente étude sous forme d’observation-participation des députés dans leurs circonscriptions, la façon dont les députés s’impliquent personnellement dans le traitement des dossiers varie considérablement : certains y consacrent tout leur vendredi et sollicitent activement les citoyens chaque fois qu’ils les rencontrent pour savoir s’ils ont besoin d’aide, tandis que d’autres se déchargent en grande partie de la tâche sur leur personnel.16 Il n’en demeure pas moins que le traitement des dossiers a de réelles répercussions sur la capacité qu’ont les députés de remplir leurs autres fonctions. C’est une question d’attribution des ressources. Les députés ont un budget défini pour leur personnel et ils peuvent choisir eux-mêmes d’affecter ces employés à leur bureau parlementaire à Ottawa ou à celui de leur circonscription. Ils ont beau essayer de trouver un juste milieu, la charge de travail dans la circonscription peut l’emporter sur le travail parlementaire. Comme l’a indiqué

22


un député, c’est pour le travail dans sa circonscription qu’il avait vraiment besoin de personnel : « Il m’arrivait de [faire appel à] mes employés d’Ottawa

« Il m’arrivait de [faire

pour s’occuper des citoyens, car leur charge de travail ne se compare pas

appel à] mes employés

du tout à celle du bureau de circonscription… Et vous savez quoi? Ils en font beaucoup plus dans la circonscription. »

d’Ottawa pour s’occuper des citoyens, car leur

Un autre a raconté avoir réorganisé son personnel en réponse à la demande

charge de travail ne se

excessive dans sa circonscription : « Vers la fin, je n’avais plus d’employés au

compare pas du tout

Parlement. Je m’occupais de tout… à mes frais… » Il a notamment dû préparer

à celle du bureau de

seul l’essentiel du travail législatif qui se faisant dans les comités, toute son

circonscription… Et vous

équipe étant dans la circonscription : « Il y avait moi et les gardiens de sécurité. Parce qu’ils avaient pitié de moi, aux petites heures du jour… L’édifice de la Confédération empestait le maïs soufflé par ma faute. » Le fait d’affecter la moitié (ou, en de rares occasions, la totalité) du personnel pour soutenir la cir-

savez quoi? Ils en font beaucoup plus dans la circonscription. »

conscription signifie que les députés ont moins d’aide pour faire des recherches sur les politiques, analyser les lois, surveiller les activités du gouvernement et se préparer pour les travaux des comités—autrement dit pour accomplir leur travail de législateurs. Ce déséquilibre au niveau de l’affectation du personnel rend les

Le fait d’affecter la

députés plus dépendants de l’aide de leur parti et, par conséquent, moins

moitié (ou, en de rares

à même d’agir d’une façon indépendante.

occasions, la totalité) du personnel pour soutenir

PAS TOUTES ÉGALES AU DÉPART Cela n’a pas été le cas pour tous les ex-députés qui ont été interviewés et cela dépendait dans une certaine mesure de la circonscription. Les circonscriptions ne sont pas toutes égales au départ et elles n’ont pas les mêmes besoins du gouvernement fédéral. Certaines ont, d’une façon générale, davantage de

la circonscription signifie que les députés ont moins d’aide pour faire des recherches sur les politiques, analyser

familles de nouveaux immigrants voulant être réunies avec des membres qui

les lois, surveiller les

attendent encore qu’on statue sur leur cas. D’autres sont constituées de citoy-

activités du gouver-

ens plus âgés dont l’accès à la sécurité de la vieillesse est menacé.

nement et se préparer

Les députés ont révélé qu’il y avait une inégalité quant à la quantité de dossiers qui sont traités d’une circonscription à l’autre, certaines étant submergées tandis que d’autres se tournent les pouces. Les députés sont en quelque sorte des agents libres, mais avec des ressources similaires (à moins d’être un

pour les travaux des comités—autrement dit pour accomplir leur travail de législateurs.

ministre). Le financement des bureaux de circonscription tient compte de la géographie, de la densité de la population et des défis que pose le transport, mais les besoins sociodémographiques des circonscriptions peuvent varier 23


considérablement. Le député qui racontait avoir dû affecter tout son personnel à sa circonscription a comparé le nombre de dossiers dont sa circonscription s’occupait avec deux bureaux de circonscription voisins : C’était [une] zone où il y avait énormément de dossiers à traiter. Et les gens pouvaient se présenter à l’improviste, jusqu’au jour où cela n’a plus été possible. J’ai comparé mon bureau avec celui de la porte d’à côté. Il y en avait donc un [député] qui recevait un visiteur à l’improviste, peutêtre une fois tous les 15 jours. Un autre député] en avait peut-être un par semaine. Dans mon cas, c’était aux deux heures. Outre les besoins communautaires propres à chacun, les bureaux de circonscription offraient différents niveaux de service, ce qui a contribué à accentuer l’inégalité de traitement dont les Canadiens font l’expérience dans tout le pays. Des ex-députés ont même indiqué qu’ils s’étaient occupés des dossiers de citoyens de circonscriptions voisines. Ces citoyens s’étaient présentés parce qu’ils n’arrivaient pas à obtenir de leur propre député le soutien dont ils avaient besoin.

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LES CIRCONSCRIPTIONS EN CHIFFRES

2,093,190 km2 Nunavut

27,197 personnes Labrador

158,749 personnes Edmonton—Wetaskiwin

Plus petite et plus grande circonscriptions en termes de superficie Moyenne : 368 km2

6 km2 Toronto Centre

Plus petite et plus grande circonscriptions en termes de population Moyenne : 100,535 personnes

COLMATER LES FUITES DANS LE BARRAGE Il ressort des entrevues que les députés et leur personnel se sont vraiment efforcés de résoudre les problèmes individuels des citoyens et la plupart ont semblé l’apprécier—même si cela a empiété sur le travail législatif. Les Canadiens s’adressent directement au bureau de leur député afin d’éviter la complexité du gouvernement, de régler leurs dossiers plus vite ou simplement pour parler à quelqu’un qu’ils reconnaissent. Quel est donc le problème? En plus de devoir réaffecter les ressources, ce qui diminue les moyens de jouer leur rôle de parlementaires, les ex-députés se sont demandé pourquoi ce travail n’incombait pas au service public. Comme l’un d’eux l’a fait observer, « nous faisions fonctionner pratiquement un sous-ensemble du gouvernement fédéral du Canada dans notre bureau de circonscription. » « J’avais des [employés] formidables, a raconté un autre, mais je me disais ‘ Pourquoi fais-tu ce travail? Il y a un bureau de Service Canada juste à côté.’ » 25


Les bureaux de circonscription ne fournissent pas toujours une assistance optimale aux citoyens. Comme l’ont fait remarquer les ex-députés d’une façon générale, les citoyens ne font pas la distinction entre les ordres de gouvernement quand ils cherchent à obtenir de l’aide. L’un d’eux s’est rappelé s’être senti comme un « glorieux conseiller municipal » en accomplissant le travail de circonscription. Il a profité de ce qu’il avait une circonscription « verticalement intégrée » sur le plan politique—où le même parti était au pouvoir à différents niveaux de gouvernement—pour rediriger les citoyens vers le bon bureau. Cette dynamique dépend toutefois de la qualité des rapports entre les bureaux des divers élus locaux, qualité qui est variable. Mais c’est important de souligner que le fédéralisme fait du bureau de circonscription un centre de services médiocre. Il n’y a pas de guichet unique pour les services gouvernementaux, car les différents gouvernements ne fournissent pas les mêmes services et les citoyens sont censés savoir vers qui se tourner pour obtenir de l’aide. La nature politique des bureaux de circonscription en fait aussi de piètres vitrines pour le service public. Après les élections, tout peut changer. Il arrive que le bureau déménage, ce qui oblige les citoyens à trouver la nouvelle adresse. Des dossiers sont abandonnés ou perdus en cours de route; des députés sortants ont déclaré avoir été obligés d’en détruire en partant, faute d’avoir demandé à l’avance le consentement des citoyens pour les confier à leurs successeurs. Les députés ont aussi évoqué le soutien insuffisant qui est fourni lors de la transition pour monter de nouveaux bureaux. Le fait de devoir trouver du personnel, reconstruire et possiblement rééquiper un bureau de circonscription est un fardeau qui s’ajoute à une charge de travail déjà lourde et qui peut entraîner des lacunes dans les services aux citoyens. Un député a fait part de sa frustration : « Qu’on arrête de déménager les meubles! » L’absence d’une bonne coordination centrale ou de consignes sur la façon de faire la transition entre les députés sortants et ceux qui arrivent montre que les bureaux de circonscription ne sont tout simplement pas équipés ou habilités pour fournir beaucoup de services Mais le principal problème avec le traitement des dossiers c’est que les députés se retrouvent à essayer de résoudre les problèmes des particuliers alors qu’il est impossible de le faire d’une façon systématique et équitable.

Un député a résumé brièvement la situation : « La plupart des gens ne vous appellent pas. Ils ne savent pas comment faire. » Celui qui franchit la porte est avantagé, tandis que ceux qui ne le font pas risquent que leur dossier ne soit pas réglé.

Un député a résumé brièvement la situation : « La plupart des gens ne vous appellent pas. Ils ne savent pas comment faire. » Celui qui franchit la porte 26


est avantagé, tandis que ceux qui ne le font pas risquent que leur dossier ne soit pas réglé. Le pire qui puisse arriver c’est que les citoyens qui prennent contact avec le bureau de leur député reçoivent un traitement préférentiel pour ce qui est des services publics. Une telle approche n’a rien à voir avec les normes modernes stipulant que ces services devraient être universels et impartiaux. Le soutien peut aussi varier d’une circonscription à l’autre, selon les niveaux de besoins relatifs et les niveaux d’engagement variables des députés et de leur personnel. Un service public professionnel devrait,

« Quatre-vingt pourcent

au contraire, contribuer à améliorer l’accès aux services et la qualité de leur

de mes dossiers con-

prestation d’une manière uniforme et équitable pour toutes les populations

cernaient l’immigration…

et toutes les régions, compte tenu des besoins.

C’est une chose qui devrait faire l’objet d’un

QUAND LES ARBRES CACHENT LA FORÊT Les députés peuvent s’occuper autrement et mieux des dossiers dont ils sont saisis. L’un d’eux s’est dit frustré d’avoir à régler continuellement les mêmes problèmes au niveau local au lieu de les résoudre à l’échelle nationale : « Quatre-vingt pourcent de mes dossiers concernaient l’immigration… C’est une chose qui devrait faire l’objet d’un débat [à Ottawa]… Ne pourrait- on pas réformer un ministère de sorte que les bureaux des députés ne soient pas pris avec ce genre de travail quatre-vingt pourcent du temps? » De même qu’il

débat [à Ottawa]… Ne pourrait- on pas réformer un ministère de sorte que les bureaux des députés ne soient pas pris avec ce genre de travail quatre-vingt pourcent du temps? »

incombe aux députés de demander des comptes au gouvernement à Ottawa, ils sont dans une certaine mesure responsables d’exiger du gouvernement élargi de dire ce qu’il en est de la prestation des services en première ligne. Le fait de s’occuper des cas individuels au lieu de travailler sur les politiques ou les programmes empêche de rendre le gouvernement responsable des problèmes au niveau des services publics. Le fait que les bureaux de circonscription réclament un soutien pour le traitement des dossiers montre qu’il y a un besoin constant d’améliorer la prestation des services publics. Il s’agit de problèmes importants qui exigent des solutions centrales, permanentes et à l’échelle du système. Les députés devraient insister pour obtenir ces solutions et ils peuvent le faire efficacement à Ottawa, en se servant de l’expérience de leurs concitoyens.

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COMPARAISON DES BUREAUX DE SERVICE CANADA ET DES BUREAUX DE CIRCONSCRIPTION AU PAYS Si ce n’était de leurs députés, qui d’autre serait à même de s’occuper des problèmes des Canadiens? Exception faite du Québec, il y a dans chaque province et territoire du Canada plus de bureaux de Service Canada que de bureaux de circonscription. Les bureaux de Service Canada, qui ont été instaurés en 2005 pour agir comme guichets uniques pour les services gouvernementaux, se trouvent dans un rayon de 50 km du lieu de résidence des Canadiens et offrent en option un accès en ligne et téléphonique.17 Les bureaux de circonscription ne peuvent pas les rivaliser, car leur emplacement et leur niveau d’accès sont à la discrétion de chaque député.

6 1 11 1

62 50

42 39

17 1

48 24

30 14

38 17

99 105 180 145

6 4 28 12

24 14

TOTAL: 591 bureaux de Service Canada 426 bureaux de circonscription Sources : Les adresses des bureax de Service Canada disponible en ligne à : http://www.servicecanada.gc.ca/tbsc-fsco/sc-hme.jsp?lang=fra (8 juin 2018) Les adresses des bureaux de circonscription disponible en ligne à : https://www.noscommunes.ca/Parliamentarians/fr/constituencies/addresses (8 juin 2018)

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Conclusion : Il faut améliorer l’engagement démocratique local

C’est au Parlement que le travail des députés devrait commencer, mais ceux-ci restent attachés à leur circonscription. Les deux rôles devraient être théorique-

Les députés devraient

ment complémentaires; mais au fil du temps, et surtout avec l’avènement et

s’occuper de ce qui se

l’augmentation du traitement des dossiers, ces deux sphères en sont venues à se faire concurrence. Les ex-députés ont souvent admis qu’ils n’arrivaient pas à bien faire la part des choses.

passe dans la vie de leurs concitoyens. Mais cela devrait consister à

Les ex-députés de la 41e législature ont expliqué comment le traitement des

lier le local et le national

dossiers et les événements communautaires représentaient l’essentiel du

en présentant les débats

travail qui se fait dans les circonscriptions, au détriment d’un réel engagement

du Parlement aux

démocratique auprès des Canadiens. Les députés devraient s’occuper de ce qui se passe dans la vie de leurs concitoyens. Mais cela devrait consister à lier le local et le national en présentant les débats du Parlement aux citoyens d’une façon qui favorise une participation informée et en recherchant des solutions nationales aux problèmes communautaires. Les deux rôles peuvent être liés d’une façon plus efficace qui favorise la démocratie. Mais cela exige de repenser le travail qui se fait de nos jours dans les circonscriptions. Pour y arriver, nous proposons deux grandes mesures.

citoyens d’une façon qui favorise une participation informée et en recherchant des solutions nationales aux problèmes communautaires.

Il faut tout d’abord alléger l’emploi du temps des députés et de leur personnel, ce qui peut se faire en traitant les dossiers d’une manière plus équitable et plus systématique—avec le concours du service public professionnel. Ensuite, les bureaux de circonscription devraient être reconfigurés pour devenir une vitrine non pour la prestation du service public, mais pour une consultation innovatrice et des délibérations démocratiques.

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PREMIÈRE ÉTAPE : DÉCHARGER LE BUREAU DE CIRCONSCRIPTION DU TRAITEMENT DES DOSSIERS C’est logique de commencer par là, car le traitement des dossiers tient une place considérable dans le travail des députés en circonscription. Il est prouvé dans une certaine mesure qu’un écart existe entre les types de services que les Canadiens veulent avoir et ce que le gouvernement fournit actuellement, et que les bureaux de circonscription comblent de plus en plus ce manque. Mais les députés ne sont pas les mieux placés pour jouer ce rôle et ils ne devraient pas chercher à le faire. Mais les citoyens ont développé certaines attentes quant à ce qu’un bureau de circonscription doit faire. Les recommandations qui suivent visent à réduire le traitement des dossiers qui incombe au personnel des députés, tout en faisant en sorte que les citoyens reçoivent des services de leur circonscription.

Créer des bureaux de circonscription permanents : Les ex-députés ont parlé des défis qu’il leur a fallu relever pour mettre sur pied et faire fonctionner les bureaux de circonscription après avoir été élus pour la première fois. Ils étaient surtout préoccupés par les dossiers non réglés qui risquaient de se perdre pendant la transition entre les députés sortants et ceux qui arrivaient. Un ex-député a demandé que le Parlement conçoive un « processus de mise en boîte des députés » pour que les bureaux puissent être mis sur pied et fonctionner plus vite et plus facilement. Des bureaux de circonscription permanents permettraient de commencer à régler ce problème, en plus de soutenir d’autres recommandations du présent rapport. Dans la pratique, cela reviendrait à avoir des bureaux de circonscription gérés d’une façon centrale depuis la Chambre des communes non partisane, au lieu que celle-ci alloue des budgets aux députés à qui il incombe ensuite d’ouvrir les bureaux. Cette approche s’aligne sur des travaux menés récemment par la Chambre des communes, qui ont consisté à examiner les aspects centralisateurs de la gestion des bureaux de circonscription afin d’avoir des niveaux de soutien plus uniformes et d’accroître la sécurité et la confidentialité.18 Transformer les bureaux de circonscription en carrefours civiques : Les bureaux de circonscription permanents devraient être situés et conçus pour être des carrefours civiques. Actuellement, les bureaux des députés sont souvent installés là où c’est le moins cher, autrement dit dans des mails linéaires et des zones à faible densité. Avec le nouveau modèle, les administrateurs du réseau de bureaux de circonscription devraient rechercher des espaces plus centraux pour la collectivité et à proximité d’autres services municipaux tels que bibliothèques, écoles ou espaces publics importants. Les jumeler au personnel de Service Canada : Service Canada serait un groupe clé de ce nouveau projet de carrefour civique. Cela permettrait d’offrir aux Canadiens une intercollaboration et une approche en continu, et d’assurer l’uniformité et l’équité des services offerts aux citoyens. Service Canada pourrait aussi évaluer la demande en fonction des besoins pour des services particuliers entre circonscriptions.

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Faire intervenir plusieurs paliers : Idéalement, les élus provinciaux et municipaux finiront par se joindre au carrefour civique pour que les citoyens puissent trouver le palier d’aide dont ils ont besoin. Trouver des solutions à l’échelle du système pour les aspects des services publics qui préoccupent les citoyens : Certains députés se sont demandé pourquoi les mêmes problèmes concernant les services publics revenaient sans cesse dans un nombre incalculable de dossiers. Cela montre que les députés ne peuvent pas simplement arrêter d’aider leurs concitoyens aux prises avec ces problèmes. Ils devraient continuer à le faire, mais d’une façon systématique, centrale et basée sur des preuves. Les députés en poste devraient chercher avant tout d’améliorer les services publics à Ottawa, au lieu de se contenter de régler les problèmes des personnes qui frappent à leur porte. L’accès aux services publics est le seul contact direct qu’ont la plupart des citoyens avec l’État. Ce n’est peut-être pas ce qu’il y a de plus intéressant au niveau politique, mais c’est important de bien offrir les services publics pour renforcer la confiance des citoyens dans le gouvernement.

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DEUXIÈME ÉTAPE : FAIRE EN SORTE QUE LES DÉPUTÉS ET LEURS EMPLOYÉS SE CONCENTRENT SUR L’ENGAGEMENT ET LA CONSULTATION DU PUBLIC Si les députés et leurs employés sont moins pris par le traitement des dossiers, ils doivent profiter de cette nouvelle marge de manœuvre pour avoir un engagement plus significatif avec les citoyens sur des enjeux qui ont une importance locale et nationale. Les bureaux de circonscription peuvent être au cœur d’un engagement citoyen plus raffiné, grâce à l’apprentissage et à la consultation du public. C’est là que les représentants peuvent apprendre quels enjeux comptent le plus pour leurs concitoyens, et y introduire des débats nationaux. Ce genre d’engagement démocratique est le plus important travail qu’un député puisse accomplir dans la circonscription pour renforcer la démocratie représentative, mais il faut pour cela s’écarter du modèle de circonscription traditionnel. Il y aura toujours de la place pour le porte-à-porte et les bonnes vieilles séances de discussion ouvertes. Mais quand ces méthodes ne réussissent pas à mobiliser tout le spectre des concitoyens, les députés doivent essayer quelque chose de nouveau. Le Parlement lui-même peut faire en sorte que les députés soient formés pour utiliser ces nouveaux outils et revendiquent leur place. La Bibliothèque du Parlement, en particulier, pourrait, avec la collaboration d’experts, développer des soutiens pour l’engagement, l’apprentissage public et la consultation des députés au niveau local. Un centre d’excellence pour l’engagement démocratique, qui serait hébergé à la Bibliothèque et accessible à tous les députés, offrirait des produits sur le mode d’emploi et une assistance interne pour améliorer le processus de consultation des citoyens pour tous les députés. La Chambre des communes finance déjà les députés pour qu’ils communiquent avec leurs concitoyens par l’intermédiairesde bulletins parlementaires et de « dix pour cent », ce qui permet aux députés de passer à l’étape suivante. Des exemples d’approches innovatrices de l’engagement démocratique comprennent:

Apprentissage public : Les citoyens devraient pouvoir s’informer sur une question et écouter tous les aspects d’un argument avant d’être invités à donner leur opinion. Par exemple, les panels de citoyens19—qui ont été utilisés par divers organismes publics au Canada et ailleurs pour solliciter l’opinion des citoyens— se réunissent régulièrement pour avoir l’avis d’experts et avoir un débat approfondi. Dans les versions plus raffinées, les citoyens sont choisis au hasard, ce qui permet de s’assurer que le petit groupe est représentatif de la circonscription. L’approche cultive le principe consistant à appeler au hasard les citoyens à partir de l’annuaire téléphonique, mais elle leur donne l’occasion de réfléchir aux enjeux sur lesquels ils sont invités à donner leur point de vue.

32


De la consultation à la coproduction : La démocratie participative permet avant tout de déborder de la consultation publique (le fait de demander l’avis des citoyens) en donnant l’occasion de coproduire des politiques (le fait de demander aux citoyens de concevoir le résultat). La budgétisation participative est un exemple notoire utilisé à présent par les gouvernements locaux dans le monde. C’est ce qui se passe quand les citoyens décident directement—par le biais d’assemblées ou d’un vote en ligne—de la façon de dépenser une petite somme de l’argent public mis de côté par le gouvernement. Les citoyens sont appelés à réfléchir en échangeant leurs points de vue et en relevant les défis de la mise en œuvre, et à parvenir à un consensus. Les députés n’ont pas le même droit de regard sur les budgets du gouvernement, mais d’autres formes de coproduction sont possibles. Par exemple, en 2018, le député Nathan Cullen a lancé un concours invitant les citoyens à soumettre des idées pour un projet de loi qui émanait de lui, et il s’est engagé à présenter un projet de loi qui reflèterait l’idée gagnante à la Chambre des Communes.20

Délibération de groupe : Les délibérations de groupe basées sur des enjeux ou la démographie sont une autre méthode envisagée et intentionnelle d’apprendre des concitoyens qui n’ont peut-être pas autrement accès à leur député. Le recours grandissant aux conseils jeunesse, qu’un nombre de députés actuels ont institué comme mécanisme officiel pour interagir avec les jeunes dans leur collectivité, est un exemple récent de ce genre d’innovation.21 La structure et l’intention de ces groupes varient d’une circonscription à l’autre, l’objectif commun étant toutefois de recruter dans chaque cas un ensemble diversifié de jeunes dans un espace non partisan où les députés les écoutent directement et inversement. Cette approche pourrait être étendue à d’autres collectivités sous-desservies dans une circonscription. Une poignée d’ex-députés a décrit les rassemblements de comités basés sur des enjeux—par exemple des cyclistes locaux—pour examiner les preuves, discuter des priorités et voir comment des mesures nationales pourraient soutenir leurs objectifs. De tels groupes pourraient fournir des occasions d’avoir des discussions approfondies, informées par la communauté, qui peuvent soutenir des mesures concrètes du député à Ottawa.

Revitalisation des séances de discussion ouverte : Il y a quelque chose d’irremplaçable dans une séance de discussion ouverte où tous les membres de la collectivité sont invités. Mais il y a place à l’innovation ici aussi. Par exemple, des séances de discussion ouverte utilisant une technologie de pointe peuvent fournir en permanence aux participants l’occasion d’exprimer leur point de vue en votant en ligne par la voie d’un plébiscite (ce qui éviterait le problème des « accros du micro » qui monopolisent les procédures).22 Les séances de discussion ouverte peuvent aussi incorporer une fonction d’éducation publique en mettant l’accent sur un enjeu en particulier d’importance nationale ou locale, et en combinant soigneusement des renseignements accessibles et impartiaux (par exemple, des orateurs ou des documentaires) et des interventions citoyennes.

33


COMMENT FAIRE POUR Y ARRIVER : QUI FAIT QUOI? Députés

Demandez à la Bibliothèque du Parlement de vous aider à faire en sorte que votre

bureau de circonscription puisse mener des consultations.

Amenez les responsables de Service Canada, d’Immigration, Réfugiés et

Citoyenneté, des Services aux Autochtones, des Anciens combattants et d’autres

organismes fournissant des services publics à examiner leur prestation de

services d’après l’expérience de vos concitoyens. Les comités parlementaires

sont en mesure de demander que les hauts fonctionnaires répondent aux

questions. Administration du Bureau de régie interne et de la Chambre des communes

Demandez à l’administration centrale des circonscriptions de rationaliser la

configuration des bureaux et d’introduire plus d’uniformité dans les niveaux

de service, la confidentialité, la sécurité et la gestion des dossiers dans tous

les bureaux locaux des députés.

Envisagez des options permettant à la Chambre de mettre sur pied des bureaux

de circonscription permanents qui partagent un espace commun.

Bibliothèque du Parlement

Entamez des consultations avec les députés pour comprendre leurs besoins

en matière d’engagement démocratique local.

Citoyens

Soutenez les députés qui ont une conception critique de leur rôle dans la

circonscription, et qui expérimentent différents moyens d’engagement en

dehors du porte-à-porte et des séances de discussion ouverte.

N’oubliez pas que l’absence de votre député à un événement ne veut pas dire

qu’il ne travaille pas ou qu’il ne s’en préoccupe pas.

Service public

Les employés des bureaux des députés sont une précieuse source de données

pour les besoins de la circonscription. Pensez à utiliser ces renseignements pour

apporter des améliorations systémiques.

Collaborez avec le Parlement pour voir comment les bureaux des députés et le

personnel de Service Canada peuvent travailler ensemble.

34


Pour obtenir un bon engagement démocratique local, il faut redonner au service public professionnel la charge du traitement des dossiers. C’est la meilleure façon et la plus équitable de régler les problèmes des Canadiens avec les services d’État. En échange, les Canadiens devraient attendre de leurs députés qu’ils soient plus disponibles pour les écouter et leur parler—et au final pour les représenter à Ottawa d’une façon plus réfléchie et engagée, indépendante et habilitée. Rappelons que les bureaux de circonscription sont eux-mêmes une véritable innovation. Ils ont été créés par un petit nombre de députés ayant un esprit d’initiative, ce qui a poussé d’autres à leur emboîter le pas. Une nouvelle norme a fini par naître. Des députés ambitieux et ayant un esprit d’initiative peuvent aussi s’interposer en devenant les premiers à instaurer le travail en circonscription dans un engagement démocratique innovateur. Les députés peuvent commencer à repenser leurs bureaux de circonscription traditionnels comme des carrefours civiques—une démonstration puissante de la volonté politique de réhabiliter la démocratie représentative.

LA SUITE DE LA SÉRIE? Ce rapport présente une vision nouvelle de ce que devrait être le travail du député dans sa circonscription. Il fait suite au premier rapport de la série, Laisser tomber le scénario, qui proposait des façons d’habiliter les députés pour influencer directement les lois et les politiques, et surveiller attentivement le gouvernement sur la Colline du Parlement. Le troisième et dernier rapport se penchera sur la force la plus puissante qui façonne les expériences des députés dans la vie publique : le parti. Il traitera des relations que les ex-députés entretenaient avec leurs dirigeants et leur caucus, et il réfléchira à la façon dont les partis façonnent notre expérience démocratique au Canada.

35


MÉTHODOLOGIE Début 2017, Samara a pris contact avec des députés qui étaient partis à la retraite ou avaient perdu leur siège après la 41e législature (2011-2015). Comme pour la première série d’entrevues avec des députés sortants, nous avons choisi de parler à d’ex-députés, plutôt que des députés en poste, car nous estimions qu’ils seraient moins limités par les exigences de la fonction et, comme ils avaient quitté le pouvoir, ils auraient du temps pour réfléchir à leurs années de vie publique. Nous avons interviewé 54 anciens députés, en nous assurant qu’ils étaient issus des principaux partis politiques nationaux et de la plupart des régions du pays. La répartition des députés que nous avons rencontrés reflète grosso modo la cohorte de députés sortants en 2015. L’Association canadienne des ex-parlementaires a été notre partenaire dans ce projet et a remis en notre nom aux ex-députés la lettre initiale d’introduction et d’invitation. Les entrevues ont été organisées selon une méthode semi-structurée. Nous avons créé un guide de questions standard, mais fait en sorte que les entrevues se déroulent d’une façon organique, ce qui a permis aux ex-députés de mener la conversation. Toutes les entrevues se sont déroulées en personne, généralement à la maison ou au bureau de l’ex-parlementaire, dans la langue qu’il privilégiait. La durée des entrevues, quoique variable, a été en moyenne de deux heures. Nous avons demandé aux participants de signer un formulaire de consentement détaillé qui donnait l’autorisation de citer des parties de l’entrevue en leur attribuant le crédit. Toutes les entrevues, à l’exception de deux, ont été enregistrées, et les enregistrements audio ont été retranscrits. Les transcriptions ont été codées et analysées à l’aide du logiciel d’étude qualitative NVivo. Nous nous sommes engagés à faire en sorte que les résultats soient largement diffusés pour permettre au public de mieux comprendre le rôle du leadership politique et du Parlement du Canada. Samara a obtenu des participants l’autorisation de déposer les entrevues aux Archives nationales une fois que le projet d’entrevues avec les députés sortants sera terminé, ce qui va être fait. Il s’agit d’une des enquêtes les plus ambitieuses, à grande échelle et permanentes menées sur les députés du Canada, et nous tenons à nous assurer que sa valeur éducative profitera aux générations futures. 36


NOTES 1. Voir Michael Morden, Jane Hilderman et Kendall Anderson, 2018, Laisser

13. Voir aussi la discussion sur les « secteurs locaux » dans Royce Koop,

tomber le scénario : la législature doit redynamiser la démocratie représentative,

2012, « Party Constituency Associations and the Service, Policy, and Symbolic

Toronto : Centre Samara pour la démocratie, disponible en ligne à :

Responsiveness of Canadian Members of Parliament, » Revue

https://www.samaracanada.com/research/political-leadership/mp-exit-inter-

canadienne de science politique 45 (2) : 359-378.

views/volume-ii/flip-the-script.

14. Voir par exemple C.E.S. Franks, 2007, « Members and constituency roles

2. Voir Le citoyen accidentel?, 2010, Toronto : Samara, disponible en ligne à :

in the Canadian federal system, » Regional and Federal Studies 17 (1) : 23-45.

https://www.samaracanada.com/research/political-leadership/mp-exit-inter-

15. Peter MacLeod, 2005, The low road to democratic reform: Constituency offic-

views/volume-i/the-accidental-citizen-report.

es, public service provision and citizen engagement, rapport au Bureau du Conseil

3. Peter MacLeod, 2006, « Comment organiser efficacement son bureau de

privé du Canada.

circonscription, » Revue parlementaire canadienne 29 (1): 9-13.

16. Koop, Bastedo et Blidook, 2018.

4. Julie Anderson, 2014, « Bureaux de circonscription : Les chiffres ». Revue

17. Emploi et Développement social Canada (EDSC). Rapport sur les résultats

parlementaire canadienne 37 (2): 34-35.

ministériels 2016-2017. Disponible en-ligne à : https://www.canada.ca/fr/em-

5. C. E. S. Franks, 2007, « Members and constituency roles in the Canadian

ploi-developpement-social/ministere/rapports/resultats-ministeriels.html.

federal system ». Regional and Federal Studies 17 (1): 23-45.

18. Canada. Parlement. Chambre des Communes. Bureau de la régie interne,

6. Voir aussi l’hypothèse de Price et Mancuso dont discute David Docherty

Retranscription, 42e Parl, 1ère session, No.7 (24 mai 2018), disponible en ligne

1997, Mr. Smith goes to Ottawa: life in the House of Commons, Vancouver: UBC

à : https://www.noscommunes.ca/DocumentViewer/fr/42/bri/reunion-7/tran-

Press.

scription.

7. Toutefois, l’expansion du rôle des circonscriptions a, curieusement, accen-

19. Pour une discussion récente, voir Matthew Taylor, 2018, « Democratic

tué la pression temporelle qui peut avoir des répercussions négatives sur la vie

Deliberation Should be an Integral Part of Policy Making, » Royal Society

de famille des députés. Voir, par exemple, James Farney, Royce Koop, et Alison

for the Arts, disponible en ligne à : https://www.thersa.org/discover/publi-

Loat, 2013, « L’équilibre travail-famille : un défi pour les députés canadiens, »

cations-and-articles/matthew-taylor-blog/2018/04/democratic-delibera-

Revue parlementaire canadienne 36 (1): 37-42.

tion-should-be-an-integral-part-of-policy-making. Voir aussi Mass LBP, 2017,

8. Par exemple, le pourcentage de Canadiens estimant qu’« une fois élus au

How to run a Civic Lottery: Designing fair selection mechanisms for deliberative

Parlement, les députés perdent vite le contact » est demeuré essentiellement

public processes, Toronto : MassLBP, disponible en ligne à : https://stat-

constant au cours des 30 dernières années et quelque (71 % en 1984, 67 % en

ic1.squarespace.com/static/55af0533e4b04fd6bca65bc8/t/5aafb4b-

2011). La proportion de Canadiens qui « ne croient pas que le gouvernement

66d2a7312c182b69d/1521464506233/Lotto_Paper_v1.1.2.pdf.

se préoccupe beaucoup de ce que les gens comme moi pensent » est passée

20. Joan Bryden, 2018, « Contest seeks ideas for new federal laws, MP to turn

de 17 % en 1974 à 65 % en 2011 (Patrick Fournier, Fred Cutler, Stuart Soroka, et

winner into private bill, » IPolitics, 19 mai 2018, disponible en ligne à : https://

Dietlind Stolle, 2015, Étude Électorale Canadienne, (ensemble de données)).

ipolitics.ca/2018/05/19/contest-seeks-ideas-for-new-federal-laws-mp-to-turn-

9. Voir, par exemple, Docherty 1997, en particulier le chap. 7.

winner-into-private-bill/.

10. 55 % des Canadiens préfèrent les députés qui « passent plus de temps sur

21. Adelina Petit-Vouriot, 2018, Intéresser les jeunes entre les élections : Un

la Colline du Parlement à s’occuper des enjeux qui comptent pour leurs élec-

guide et rapport sur les conseils jeunesse locaux, Toronto : Centre Samara pour

teurs » à ceux qui « passent pus de temps dans leur circonscription avec leurs

la démocratie, disponible en ligne à : https://www.samaracanada.com/docs/

concitoyens. » Vox Pop Labs Inc., 2017. MaDémocratie.ca : outil numérique en

default-source/reports/a-report-on-local-youth-councils-by-samara-canada.

ligne de consultation et de mobilisation yDemocracy.ca: Online digital consultation

pdf?sfvrsn=f338032f_2.

and engagement platform – Rapport Final. Disponible en ligne à : https://www.

22. Selon certaines études, le fait d’utiliser des plateformes en ligne pour faire

canada.ca/content/dam/pco-bcp/documents/pdfs/mydem/MaDemocratie.

une médiation pendant les séances de discussion ouverte peut avoir un effet

ca.PDF.

réellement persuasif par-delà les lignes idéologiques et de parti existantes. Voir

11. Pour une discussion complète sur cette diversité d’approches, voir Royce

William Minozzi et al., 2015, « Field experiment evidence of substantive, attri-

Koop, Heather Bastedo et Kelly Blidook, 2018, Representation in Action: Canadi-

butional, and behavioural persuasion by members of Congress in online town

an MPs in the Constituencies, Vancouver: UBC Press.

halls, » Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of

12. Alex Marland, 2016, Brand Command: Canadian Politics and Democracy in the

America 112 (13) : 3937-42.

Age of Message Control, Vancouver: UBC Press, p. 155-157.

37


REMERCIEMENTS D’abord et avant tout, nous devons beaucoup à la vision d’Alison Loat, cofondatrice et première directrice générale de Samara, qui, avec le président du Conseil Michael MacMillan, est à l’origine de la première série d’entrevues avec des députés sortants et de l’ouvrage Tragedy in the Commons. Cette étude était la toute première initiative menée par Samara, et elle a permis de définir son engagement en faveur du leadership public, de la rigueur de la recherche et des idées accessibles. Cette deuxième série d’entrevues avec des députés sortants n’aurait pu être possible sans la générosité des nombreux donateurs et fondations qui soutiennent le Centre Samara pour la démocratie. Nous tenons à remercier tout particulièrement la Fondation de la famille MacMillan, Bennett Jones, la Fondation BMO, Rosamond Ivey, Bill Graham, et la Fondation de la famille John et Judy Bragg, qui appuient le projet depuis plusipoueurs années. Nous remercions également Vass Bednar, Grant et Claudia Buchanan, Peter Grant, Tony Griffiths, Beth Haddon, Ernie et Verna Hilderman, Margaret Huber, Gerard Kennedy, Stephen D. Lister, l’hon. Jim Peterson, Elaine Solway, Gary Solway, Nalini Stewart, Grace Westcott, Richard Woods et Leen Al Zaibak, qui nous ont permis, grâce à leurs dons, de susciter tôt un intérêt pour la deuxième série d’entrevues. Nous sommes infiniment reconnaissants du généreux soutien de l’Association canadienne des ex-parlementaires, en particulier le directeur général Francis LeBlanc et le conseil d’administration. L’Association appuie le projet d’entrevues avec des députés sortants depuis ses débuts et, si ce n’avait été de son implication, Samara n’aurait pu rejoindre autant de députés ayant quitté la vie publique. Nous remercions également les 54 ex-députés qui ont donné généreusement de leur temps pour être interviewés, et qui ont partagé leurs expériences et perspectives avec nous. La liste des députés participants est disponible en annexe. Le fait que ces députés nous aient reçus si volontiers et aient parlé abondamment de leurs expériences reflète leur volonté de soutenir la prochaine génération de leaders politiques et de bâtir une vie publique positive au Canada.

38


Nous sommes également reconnaissants à ceux qui nous ont aidés à organiser et à mener les entrevues. Christina Vietinghoff s’est occupée de la sensibilisation, de la conception et de la planification, en plus des entrevues. Miriam Fahmy a interviewé surtout des députés du Québec et a fourni une précieuse analyse. Jane Hilderman, Michael MacMillan et Michael Morden se sont chargés du reste des entrevues. Ruth Ostrower et Erica Chan ont coordonné le transport et les autres aspects logistiques pour se rendre dans les différentes localités canadiennes. Laura Pin, Natalie Brunet, Terhas Ghebretecle et Louise Cockram ont analysé et codé les retranscriptions des entrevues. Royce Koop, Peter MacLeod et Mel Cappe nous ont fourni des commentaires fort utiles sur les ébauches préliminaires du rapport. Nous remercions Erin Tolley et Janice Neil pour leurs conseils et leur formation sur la façon de mener avec succès des entrevues enregistrées sur des sujets personnels. Nous avons aussi bénéficié des suggestions et encouragements préliminaires de nombreux conseillers spéciaux, qui ont partagé leurs idées et façonné notre approche lors de la planification de ce projet. Merci également à Elamin Abdelmahmoud, Caroline Andrew, Catherine Annau, Michele Austin, Tom S. Axworthy, Stephen Azzi, Karim Bardeesy, Harvey Berkal, Karen Bird, Don Boudria, Morris A. Chochla, David Daubney, Benjamin Errett, Bill Fox, Rachel Gouin, Chris Hannay, Jennifer Hollett, Jean-Noé Landry, Francis LeBlanc, Grace Lore, Bernie Lucht, Alex Marland, Laura Payton, Jim Peterson, Jennifer Robson, Sean Speer et Paddy Torsney.

39


ANCIENS DÉPUTÉS AYANT PARTICIPÉ À L’ÉTUDE Député (e)

Circonscription

Province

Appartenance Politique (récente)

Hon. Diane Ablonczy

Calgary—Nose Hill

Alberta

Conservateur

Hon. Chris Alexander

Ajax—Pickering

Ontario

Conservateur

Stella Ambler

Mississauga South

Ontario

Conservateur

Paulina Ayala

Honoré-Mercier

Québec

NPD

Joyce Bateman

Winnipeg South Centre

Manitoba

Conservateur

Lysane Blanchette-Lamothe

Pierrefonds—Dollard

Québec

NPD

Charmaine Borg

Terrebonne—Blainville

Québec

NPD

Hon. Ron Cannan

Kelowna—Lake Country

Colombie-Britannique

Conservateur

Corneliu Chisu

Pickering—Scarborough East

Ontario

Conservateur

Olivia Chow

Trinity—Spadina

Ontario

NPD

Rob Clarke

Desnethé—Missinippi —Churchill River

Saskatchewan

Conservateur

Joe Comartin

Windsor—Tecumseh

Ontario

NPD

Raymond Côté

Beauport—Limoilou

Quebec

NPD

Hon. Irwin Cotler

Mount Royal

Quebec

Libéraux

Libby Davies

Vancouver East

Colombie-Britannique

NPD

Paul Dewar

Ottawa Centre

Ontario

NPD

Hon. Steven Fletcher

Charleswood—St. James —Assiniboia

Manitoba

Conservateur

Mylène Freeman

Argenteuil—Papineau —Mirabel

Québec

NPD

Hon. Shelly Glover

Saint Boniface

Manitoba

Conservateur

Peter Goldring

Edmonton East

Alberta

Conservateur

Claude Gravelle

Nickel Belt

Ontario

NPD

Dan Harris

Scarborough Southwest

Ontario

NPD

Jack Harris

St. John’s East

Terre-Neuve-et-Labrador

NPD

Bryan Hayes

Sault Ste. Marie

Ontario

Conservateur

Ted Hsu

Kingston and the Islands

Ontario

Libéraux

Bruce Hyer

Thunder Bay—Superior North

Ontario

Verts/Indépendants

Jean-François Larose

Repentigny

Québec

Forces et Démocratie

Alexandrine Latendresse

Louis-Saint-Laurent

Québec

NPD

Hélène LeBlanc

LaSalle—Émard

Québec

NPD

Megan Leslie

Halifax

Nouvelle-Écosse

NPD

Chungsen Leung

Willowdale

Ontario

Conservateur

40


Laurin Liu

Rivière-des-Mille-Îles

Québec

NPD

Hon. Ted Menzies

Macleod

Alberta

Conservateur

Marie-Claude Morin

Saint-Hyacinthe—Bagot

Québec

NPD

Rick Norlock

Northumberland— Quinte West

Ontario

Conservateur

Hon. Bev Oda

Durham

Ontario

Conservateur

Hon. Christian Paradis

Mégantic—L’Érable

Québec

Conservateur

Ève Péclet

La Pointe-de-l’Île

Québec

NPD

Hon. Bob Rae

Toronto Centre

Ontario

Libéraux

James Rajotte

Edmonton—Leduc

Alberta

Conservateur

Brent Rathgeber

Edmonton—St. Albert

Alberta

Independent

Craig Scott

Toronto—Danforth

Ontario

NPD

Kyle Seeback

Brampton West

Ontario

Conservateur

Djaouida Sellah

Saint-Bruno—Saint-Hubert

Québec

NPD

Jinny Jogindera Sims

Newton—North Delta

Colombie-Britannique

NPD

Rathika Sitsabaiesan

Scarborough—Rouge River

Ontario

NPD

Peter Stoffer

Sackville—Eastern Shore

Nova Scotia

NPD

Mike Sullivan

York South—Weston

Ontario

NPD

Nycole Turmel

Hull—Aylmer

Québec

NPD

John Weston

West Vancouver—Sunshine Coast—Sea to Sky Country

Colombie-Britannique

Conservateur

David Wilks

Kootenay—Columbia

Colombie-Britannique

Conservateur

Hon. Lynne Yelich

Blackstrap

Saskatchewan

Conservateur

Terence Young

Oakville

Ontario

Conservateur

Wai Young

Vancouver South

Colombie-Britannique

Conservateur

41


Copyright © Le Centre Samara pour la démocratie 2018 ÉDITEUR : Le Centre Samara pour la démocratie DATE DE PARUTION : 25 juillet 2018 CITATION : Terhas Ghebretecle, Michael Morden, Jane Hilderman, et Kendall Anderson, 2018. Il n’y a pas que les barbecues : repenser le travail en circonscription pouractiver un engagement démocratique local. Toronto : Centre Samara pour la démocratie. RECHERCHE ET ANALYSE DES DONNÉES : Natalie Brunet, Louise Cockram, Miriam Fahmy, Terhas Ghebretecle, Michael MacMillan, Laura Pin, Christina Vietinghoff. RÉVISION : Katie Hayden CONCEPTION : Geneviève Biloski TRADUCTION : Françoise Orvoine Le Centre Samara pour la démocratie est un organisme de bienfaisance non partisan qui s’emploie à renforcer la démocratie au Canada en la rendant plus accessible, réactive et inclusive. Samara produit des études basées sur l’action—ainsi que des outils et des ressources pour les citoyens actifs et les leaders publics—pour inciter les Canadiens à s’impliquer dans leur démocratie. Pour en savoir davantage sur le travail de Samara ou pour faire un don afin de soutenir nos études, visitez www.samaracanada.com/fr ou appelez-nous au 416-960-7926.

33, avenue Prince Arthur, Toronto (Ontario) M5R 1B2 416-960-7926 | info@samaracanada.com Facebook “f ” Logo

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