Sanctifier - Sept-Ot-Nov-2012

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Octobre-Novembre-DĂŠcembre 2012


Table des matières Editorial

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Prière ou illusion?

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Jean Simonart

Saint Charbel Makhlouf

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Charbel Eid

Au cœur des sept sacrements quelle présence pour Marie ?

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Noël M. Rath

Marie nous enseigne la nécessité de la prière

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Benoît XVI

La Bienheureuse Kateri Tekakwitha

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Bernard Bracke

Bienheureux les pauvres en esprit

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Jean Simonart

Apprends-nous à prier

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Christian Tricot

Libre pour dire « oui » et aimer

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Alain Mattheeuws

Joie de connaître, vivre, annoncer la sainteté

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Liliane Bertrand

Un livre à lire Jean Simonart

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Editorial Bien chers amis, vous recevez cette fois le « Sanctifier » nouvelle mouture. Désor­­­­­mais, ceux qui le demandent sur papier le reçoivent par la poste comme auparavant, les autres par l’internet. Vous recevez ce « Sanctifier », émanation du centre « Horeb » à Bruxelles. Celui-ci ferme ses portes, au moins tempo­raire­ment, mais « Sanctifier » continuera à vous être adressé. Ce numéro vous parvient après les mois d’été, qui pour beaucoup sont des mois de vacances ; mois favorables à la lecture et à la réflexion. Nous espérons que ce numéro pourra utilement vous nourrir et vous inspirer sur le chemin de la vie chrétienne vers la sainteté. Ce « Sanctifier » vous parle de deux saints: le Père Charbel Makhlouf dont le rayon­ ne­ ment ne fait que s’étendre et Catherine Tekakwitha, canonisée par Benoît XVI le 21 octobre.

Vous trouverez aussi dans ces pages une approche de la béatitude « Bien­ heureux les pauvres en esprit », qui est une des clés de la sainteté et, en lien avec l’année de la prière, un article qui nous précise ce qu’est en fait la prière. Vous constaterez que plus d’un des ar­ ticles font allusion à la Vierge Marie, notre Mère toute sainte que avons célébrée avec toute l’Eglise le 15 août dernier. Enfin, avant de vous conseiller un bon livre, ce « Sanctifier »vous transmet un article spécialement adressé aux couples: une méditation sur la liberté à partir du chapitre premier de l’Evangile de Jean. Nous vous souhaitons une très bonne lecture et une excellente rentrée. La Rédaction

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Spiritualité 4

Prière ou Illusion Au centre de la démarche religieuse, il y a la prière.

Peut-on dire avec précision ce qu’elle est? Elle prend mille formes différentes, mais peut-on en préciser le cœur toujours présent? Nous pourrions à cette fin évoquer les nombreuses définitions qui lui furent données à travers les siècles. Nous ne le ferons pas, car notre propos, ici, se veut plus pratique que théorique. Nous tâcherons seulement de répondre à cette question: “Quand suis-je en prière”? “Quand n’y suis-je pas?”. Il est bien essentiel, dans un domaine si important de ne pas se tromper, ni de s’illusionner soi-même!


Avant de répondre à cette question, il nous faut donner une précision; nous réservons ici le qualificatif “prière” à la prière chrétienne, c’est-à-dire celle qui s’adresse au Dieu révélé en Jésus-Christ.

Le texte dit que Moïse répondit: “Me voici”. Cette fois Moïse est bien “dans” la prière. A la prière de Dieu, qui le précède, il répond! D’emblée, il se situe dans une relation interpersonnelle avec Dieu.

Nous nous inscrivons de ce fait dans la tradition judéo-chrétienne, qui s’adresse à un être transcendant personnel. Il s’agit donc ici de s’adresser non pas à quelque chose mais bien à quelqu’un 1.

Et sa réponse: “Me voici” exprime l’attitude juste devant Dieu… et exactement l’attitude du priant!

Un texte de l’Ecriture nous met sur le chemin. Il s’agit du passage que nous trouvons en Exode3,1… Moïse aperçoit un buisson flamboyant, mais chose particulière, bien que le buisson brûle, il ne se consume pas. Il se dit alors: “Je vais m’avancer pour considérer cet étrange spectacle, voir pourquoi le buisson ne se consume pas.” Moïse se trouve devant une chose. Intrigué, il s’avance en observateur. Manifestement, Moïse n’est pas dans l’attitude de prière. Il est simplement observateur. Le texte continue: “Yavhé le vit s’avancer pour mieux voir et Dieu l’appela du milieu du buisson: Moïse, Moïse! Cette fois Moïse prend conscience qu’il n’est pas devant une chose mais devant quelqu’un.

(1) Nous excluons donc de la “prière” toutes formes de démarches visant à rejoindre son “moi” éventuellement “profond” ou celles qui visent à capter des “énergies”. A leur propos Marthe Robin disait jadis: “Les pauvres, ils ne font que se rencontrer eux-mêmes”.

“Me voici” a deux significations, qui toutes les deux définissent l’attitude de prière. D’abord cette expression exprime la présence. Me voici, signifie “Je suis là”. Je suis présent. Et plus précisément encore: je te suis présent. En d’autres mots: Je suis à toi, je suis attentif à toi, à ce que tu veux me dire. Cette présence est le cœur de toute prière. Prier, c’est avant tout être présent à Dieu. C’est tourner notre attention vers Dieu. C’est d’une certaine façon, rejoindre en pensée et de cœur Dieu qui toujours est présent. C’est s’ouvrir à sa présence. C’est là véritablement la pierre de touche pour savoir si l’on est effectivement dans la prière ou non. Ce n’est pas parce que je suis dans une église, ce n’est même pas parce que je suis à genoux qu’effectivement je prie. La prière commence lorsque dans la foi, je me tourne vers Dieu, que je suis présent à Dieu. Comme Dieu est invisible et que mes sens sont sollicités par le visible et le sensible, il faut dégager mon attention entraînée par mes sens pour la diriger vers Dieu.

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C’est ce que nous appelons le recueil­ lement: mes facultés éparses sont rassemblées pour être centrées sur Dieu. Cette présence à Dieu est l’essence même de la prière. Elle se retrouve dans toutes ses formes. Qu’elle soit prière de demande, d’action de grâces, de louange ou d’adoration, ou prière d’oraison. Toujours, si elle est prière, elle est avant tout présence à Dieu! Saint Paul invitait les chrétiens à prier sans cesse. La prière continuelle estelle bien possible? S’il s’agit de se retirer à l’écart, pour vivre explicitement un temps de relation à Dieu, seul à seul, cela n’est pas réalisable. Mais vivre toute chose, dans l’esprit de prière, c’est -à-dire en cette présence de Dieu, cela c’est autre chose. Le Seigneur disait à Abraham: Marche en ma Présence… S’il y a présence à Dieu… nous sommes dans la prière.

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La réponse faite par Moïse à l’appel de Dieu: “Me voici” a encore une seconde signification. Il ne s’agit pas seulement d’être “présent à”, mais aussi d’être “disponible pour”.

Quand Moïse répond me voici, il exprime aussi une disposition intérieure qui est, elle aussi, au coeur de la vraie prière… “Je suis à ta disposition”. C’est là la disposition fondamentale du chrétien devant son Dieu. C’est cette disposition que nous trouvons dans le cœur de Marie tout au long de son existence et qu’elle exprime en réponse à l’Ange annonciateur: “Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta Parole”. C’est la disposition fondamentale du Christ devant son Père. L’Epître aux Hébreux nous le rappelle lorsqu’elle met sur les lèvres du Fils de Dieu venant en ce monde les paroles du psaume 40: Tu ne voulais ni offrande, ni sacrifice, alors j’ai dit: “Voici que je viens, O Dieu, pour faire ta volonté”. Cette disponibilité, dès qu’elle comprend quel est le désir de Dieu, se mue en engagement. Ainsi la vraie prière conduit à l’engagement. Traditionnellement, on a toujours donné comme autre pierre de touche de l’authen­tique prière, qu’elle favorise effectivement l’engagement de la charité. Jean Simonart


Hagiographie

Saint Charbel Makhlouf Un pôle d’attraction pour tous les âges. Né le 8 mai 1828 à Biqua’kafra (Liban Nord), Saint Charbel entra dans l’Ordre Libanais Maronite en 1851 ; fut ordonné prêtre en 1859 ; et vécut seize ans au couvent St Maron à Annaya. Mais au terme de 16 longues années passées en communauté, il demande l’autorisation de se retirer définitivement à l’ermitage Saints-Pierre-etPaul dudit monastère.

Sa requête sera refusée jusqu’au jour où son supérieur, découvrant que la lampe du prêtre fonctionnait avec de l’eau et non avec de l’huile, comprit que Charbel était un saint. Dès lors, c’est dans une petite cellule que Charbel s’adonnera à la méditation jusqu’à l’union au Divin. Ses 23 années de vie solitaire ont été vécues dans un esprit d’abandon total à Dieu. Le 16 décembre 1898, alors qu’il célébrait la messe, il fut atteint d’hémiplégie et entra dans une agonie de huit jours durant lesquels il garda son calme en dépit de ses douleurs atroces. L’ âme de Charbel s’envola en toute liberté vers l’au-delà, le 24 décembre 1898, la veille de Noël, telle une goutte de rosée qui retourne à l’océan. Quelques mois après sa mort, des lumières éblouissantes éclairaient son tombeau. Les supérieurs ont demandé d’ouvrir son tombeau et ont trouvé son corps intact. Depuis ce jour-là, un liquide, comme du sang, suinte de son corps. Les experts et les médecins sont incapables d’expliquer un tel phénomène. En 1950, sa tombe a été rouverte

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et son corps avait encore l’apparence d’un vivant. Sa sainteté Paul VI le déclara Bienheureux le 5 décembre 1965 et le canonisa le 9 octobre 1977.

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Les miracles de Saint Charbel ont dépassé les frontières du Liban et le grand nombre des lettres et des rapports conservés dans les registres du couvent Saint Maron de Annaya attestent clairement l’expansion de sa sainteté dans le monde entier. Phénomène unique qui a opéré un retour à la morale et à la foi et éveillé les vertus dans les esprits, faisant du tombeau de Saint Charbel un pôle d’attraction pour toutes les catégories et pour tous les âges. Tous sont égaux dans le recueillement et l’invocation, toutes religions et confessions confondues. En effet, tous sont appelés fils de Dieu. Les guérisons obtenues par l’intercession de Saint Charbel et consignées dans les registres du couvent Saint Maron de Annaya se comptent par dizaines de milliers. S’y ajoutent celles répandues partout dans le monde et touchant toutes les couleurs, religions et confessions. Dix pour cent de ces guérisons concernent des personnes non baptisées. Elles ont été obtenues soit par la prière et l’invocation, soit par l’huile bénite, soit par les feuilles des chênes de l’ermitage, soit par la terre prise à son tombeau, soit en visitant son tombeau et en en touchant la porte, soit par son image et sa statue. Certaines de ces guérisons se rapportent au corps, mais les plus importantes touchent l’âme. De nombreux repentis ont retrouvé Dieu par l’intercession de Saint Charbel, en franchissant le seuil du couvent Saint-Maron de Annaya ou celui de l’ermitage Saints-Pierre-etPaul.

Depuis le premier janvier 2010, les moines libanais maronites ont inauguré un sanctuaire de saint Charbel en Belgique. A côté du Saint Sang, à l’Abbaye de BoisSeigneur-Isaac, vous trouvez une châsse et un reliquaire en forme de Cèdre du Liban, qui contiennent un fragment d’os de saint Charbel. Depuis son arrivée en Belgique, saint Charbel a fait plus de quinze miracles. Charbel Eid

PRIÈRE À SAINT-CHARBEL pour obtenir des grâces Dieu infiniment Saint et glorifié dans Vos Saints, qui avez inspiré au moine et ermite Saint-Charbel de vivre et de mourir dans une parfaite ressemblance avec Jésus, lui accordant la force de se détacher du monde afin de faire triompher, dans son ermitage, l’héroïsme des vertus monastiques : la pauvreté, l’obéissance et la chasteté, nous Vous supplions de nous accorder la grâce de Vous aimer et de Vous servir à son exemple. Seigneur Tout-Puissant, qui avez manifesté le pouvoir de l’intercession de Saint-Charbel par de nombreux miracles et faveurs, accordez-nous la grâce (...) que nous implorons par son intercession. Ainsi soit-il.


Spiritualité mariale

Au cœur des sept sacrements quelle présence pour Marie ?*

Onction des malades

« A l’heure où les ombres s’allongent » du fait de l’âge ou quand une maladie peut mener à la mort, une grâce particulière est nécessaire pour affronter un changement de vie. L’onction des malades existe pour cela.

Toutefois l’objectif n’est plus uniquement d’apporter un soutien au moment de l’agonie et du passage pascal. C’est pourquoi on ne peut plus parler d’extrême-onction. Mais d’une nouvelle situation irréversible à vivre dans la foi, fondée sur l’indication de la lettre de Jacques 5,14-15 : « Si l’un de vous est malade, qu’il appelle ceux qui exercent dans l’Église la fonction d’Anciens : ils prieront sur lui après lui avoir fait une onction d’huile au nom du Seigneur. Cette prière inspirée par la foi sauvera le malade : le Seigneur le relèvera et, s’il a commis des péchés, il recevra le pardon.» Le rituel ne fait référence à Marie que quand il y a le « Je confesse à Dieu » mais il serait bon de nous rappeler que si la Croix du Christ est le point culminant de la passion, toute la vie du Christ, de l’incarnation à la résurrection est passion pour le salut. Il est Dieu avec nous dans les

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joies comme dans les peines, dans la santé comme dans la maladie et Marie, disciple parfaite, est celle qui, ayant connu la douleur sous toutes ses formes a su rester ferme dans la foi. Elle garde une confiance absolue en Jésus qui guérit les malades et sauve les pécheurs. Dans le : « voici ton fils » de Jésus sur la Croix (Jn 19,25) il fait de Marie la mère de l’humanité renouvelée et il l’associe à sa mission de salut pour qu’elle soit présente au pied de toutes les croix. Avec Jésus, Marie est là pour intercéder et donner l’exemple de l’attitude qui doit être celle du disciple : la compassion. A travers l’onction des malades, se révèle la volonté de Dieu que « tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de sa vérité » (1 Tim 2,3-4). En associant Marie à cette mission, Jésus montre que toutes celles et ceux qui auront la même attitude seront eux-aussi associés au salut. En recevant le sacrement des malades, le disciple reçoit la grâce d’associer comme Marie sa douleur à la croix du Christ.

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Avec elle, il témoigne d’une espérance et d’un amour plus forts que l’épreuve, plus forts même que la mort. Ainsi le disciple entre dans la supplication de Marie et par son intercession accomplit jusqu’au bout sa vocation de baptisé.

« Au pied de la Croix, la Vierge a épousé plus intensément que personne le désir qu’avait son Fils de sauver le monde entier. Elle intercède-plus instamment qu’à Canapour que ce désir s’accomplisse en tous les hommes, pour que tous ceux qui ne s’y refuseront pas soient sauvés ; en ce sens, elle est la Mère de tous les hommes, qu’ils le sachent ou qu’ils l’ignorent. Mais pour ceux qui sont ouvertement membres du Corps mystique dont le Christ est la Tête, son intercession se colore d’une flamme nouvelle. Elle supplie pour que selon leur force, ils puissent être un peu, par le Christ, avec le Christ, dans le Christ, non seulement sauvés mais sauveurs des autres hommes : en ce sens précis, Marie est évoquée comme Mère de l’Eglise. » (Cardinal JOURNET extrait de l’introduction de LA VIERGE MARIE ET L’EGLISE- Ed. Tequi)

Noël M. Rath *Suite de l’exposé Marie dans la vie sacramentelle


Prier avec Marie

BENOÎT XVI

Marie nous enseigne la nécessité de la prière Dans ce contexte d’attente, situé entre l’Ascension et la Pentecôte, Saint Luc mentionne pour la dernière fois Marie, la Mère de Jésus, et sa famille (v. 14).

Il a consacré à Marie les débuts de son Evangile, de l’annonce de l’Ange à la naissance et à l’enfance du Fils de Dieu fait homme. Avec Marie commence la vie terrestre de Jésus et avec Marie commencent également les premiers pas de l’Eglise ; dans les deux moments, le climat est celui de l’écoute de Dieu, du recueil­ lement. C’est pourquoi je voudrais m’arrêter aujourd’hui sur cette présence orante de la Vierge dans le groupe des disciples qui seront la première Eglise naissante. Marie a suivi avec discrétion tout le chemin de son Fils au cours de sa vie publique jusqu’au pied de la croix, et elle continue à présent de suivre, avec une prière silencieuse, le chemin de l’Eglise. Lors de l’Annonciation, dans la maison de Nazareth, Marie reçoit l’Ange de Dieu, elle est attentive à ses paroles, elle les accueille et répond au projet divin, en manifestant sa pleine disponibilité : « Voici la servante du Seigneur; que tout se passe pour moi selon ta volonté » (cf. Lc 1, 38).

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Marie, précisément en raison de l’attitude intérieure d’écoute, est capable de lire son histoire, en reconnaissant avec humilité que c’est le Seigneur qui agit. En rendant visite à sa parente Elisabeth, elle se lance dans une prière de louange et de joie, de célébration de la grâce divine, qui a empli son cœur et sa vie, en faisant d’elle la Mère du Seigneur (cf. Lc 1, 46-55). Louange, action de grâce, joie: dans le cantique du Magnificat, Marie ne regarde pas seulement ce que Dieu a opéré en elle, mais également ce qu’il a accompli et accomplit continuellement dans l’histoire. Saint Ambroise, dans un célèbre commentaire au Magnificat, invite à avoir le même esprit dans la prière et écrit : « Qu’en tous réside l’âme de Marie pour glorifier le Seigneur; qu’en tous réside l’esprit de Marie pour exulter en Dieu » (Expositio Evangelii secundum Lucam, 2, 26 : PL 15, 1561). Elle est aussi présente au Cénacle, à Jérusalem, dans « la chambre haute où se tenaient habituellement » les disciples de Jésus (cf. Ac 1, 13), dans un climat d’écoute et de prière, avant que ne s’ouvrent les portes et que ces derniers ne commencent à annoncer le Christ Seigneur à tous les peuples,

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enseignant à observer tout ce qu’Il avait commandé (cf. Mt 28, 19-20). Les étapes du chemin de Marie, de la maison de Nazareth à celle de Jérusalem, à travers la Croix où son Fils lui confie l’apôtre Jean, sont marquées par la capacité de conserver un climat de recueillement persévérant, pour méditer chaque événement dans le silence de son cœur, devant Dieu (cf. Lc 2, 19-51) et, dans la méditation devant Dieu, de comprendre également la volonté de Dieu et devenir capable de l’accepter intérieurement. La présence de la Mère de Dieu avec les Onze, après l’Ascension, n’est donc pas une simple annotation historique d’une chose du passé, mais elle prend une signification d’une grande valeur, parce qu’Elle partage avec eux ce qu’il y a de plus précieux : la mémoire vivante de Jésus, dans la prière ; elle partage cette mission de Jésus: conserver la mémoire de Jésus et conserver ainsi sa présence. La dernière mention de Marie dans les deux écrits de saint Luc se situe le jour du samedi : le jour du repos de Dieu après la Création, le jour du silence après la mort de Jésus et de l’attente de sa Résurrection.


Et c’est sur cet épisode que s’enracine la tradition de la sainte Vierge au samedi. Entre l’Ascension du Ressuscité et la première Pentecôte chrétienne, les apôtres et l’Eglise se rassemblent avec Marie pour attendre avec Elle le don de l’Esprit Saint, sans lequel on ne peut pas devenir des témoins. Elle qui l’a déjà reçu pour engendrer le Verbe incarné, partage avec toute l’Eglise l’attente du même don, pour que dans le cœur de chaque croyant « le Christ soit formé » (cf. Ga 4, 19). S’il n’y a pas d’Eglise sans Pentecôte, il n’y a pas non plus de Pentecôte sans la Mère de Jésus, car Elle a vécu de manière unique ce dont l’Eglise fait l’expérience chaque jour sous l’action de l’Esprit Saint. Saint Chromace d’Aquilée commente ainsi l’annotation des Actes des Apôtres : « L’Eglise se rassembla donc dans la pièce à l’étage supérieur avec Marie, la Mère de Jésus, et avec ses frères. On ne peut donc pas parler d’Eglise si Marie, la Mère du Seigneur, n’est pas présente... L’Eglise du Christ est là où est prêchée l’Incarnation du Christ par la Vierge, et où prêchent les apôtres, qui sont les frères du Seigneur, là on écoute l’Evangile » (Sermo 30, 1 : sc 164, 135).

Le Concile Vatican II a voulu souligner de manière particulière ce lien qui se manifeste de manière visible dans la prière en commun de Marie et des Apôtres, dans le même lieu, dans l’attente de l’Esprit Saint. La constitution dogmatique Lumen Gentium affirme : « Dieu ayant voulu que le mystère du salut des hommes ne se manifestât ouvertement qu’à l’heure où il répandrait l’Esprit promis par le Christ, on voit les Apôtres, avant le jour de Pentecôte, “persévérant d’un même cœur dans la prière avec quelques femmes dont Marie, Mère de Jésus, et avec ses frères” (Ac 1, 14); et l’on voit Marie appelant elle aussi de ses prières le don de l’Esprit qui, à l’Annonciation, l’avait déjà elle-même prise sous son ombre » (n. 59). La place privilégiée de Marie est l’Eglise où elle est « saluée comme un membre suréminent et absolument unique… modèle et exemplaire admirables pour celle-ci dans la foi et dans la charité » (ibid., n. 53). Vénérer la Mère de Jésus dans l’Eglise signifie alors apprendre d’Elle à être une communauté qui prie : telle est l’une des observations essentielles de la première description de la communauté chrétienne définie dans les Actes des Apôtres (cf. 2, 42).

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Souvent, la prière est dictée par des situations de difficulté, par des problèmes personnels qui conduisent à s’adresser au Seigneur pour trouver une lumière, un réconfort et une aide. Marie invite à ouvrir les dimensions de la prière, à se tourner vers Dieu non seulement dans le besoin et non seulement pour soi-même, mais de façon unanime, persévérante, fidèle, avec « un seul cœur et une seule âme » (cf. Ac 4, 32). Chers amis, la vie humaine traverse différentes phases de passage, souvent difficiles et exigeantes, qui exigent des choix imprescriptibles, des renoncements et des sacrifices. La Mère de Jésus a été placée par le Seigneur à des moments décisifs de l’histoire du salut et elle a su répondre toujours avec une pleine disponibilité, fruit d’un lien profond avec Dieu mûri dans la prière assidue et intense. Entre le vendredi de la Passion et le dimanche de la Résurrection, c’est à elle qu’a été confié le disciple bien-aimé et avec lui toute la communauté des disciples (cf. Jn 19, 26). Entre l’Ascension et la Pentecôte, elle se trouve avec et dans l’Eglise en prière (cf. Ac 1, 14).

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Mère de Dieu et Mère de l’Eglise, Marie exerce cette maternité jusqu’à la fin de l’histoire. Confions-lui chaque étape de notre existence personnelle et ecclésiale, à commencer par celle de notre départ final. Marie nous enseigne la nécessité de la prière et nous indique que ce n’est qu’à travers un lien constant, intime, plein d’amour avec son Fils que nous pouvons sortir de « notre maison », de nous-mêmes, avec courage, pour atteindre les confins du monde et annoncer partout le Seigneur Jésus, Sauveur du monde. (© Copyright 2012 - Libreria Editrice Vaticana)

Benoît XVI


Hagiographie

La bienheureuse

Kateri

Tekakwitha

Kateri Tekakwitha est née en 1656 à Auriesville (New York) d’une mère algonquine chrétienne et d’un père agnier. C’est là même à Ossernenon (Auriesville) que les saints Isaac Jogues, René Goupil et Jean de la Lande avaient versé leur sang pour la foi !

En 1660, une épidémie de petite vérole lui enleva ses père, mère et petit frère. Elle échappa à la mort, mais la maladie lui laissa la vue affaiblie et le visage grêlé. Avec les autres survivants, elle s’installa un peu à l’ouest de son village natal et plus tard sur la rive nord de la Mohawk. Dès l’âge où les jeunes Indiennes pensaient aux fiançailles, son oncle, un des chefs du village, ainsi que ses tantes lui cherchèrent un mari convenable. Mais à la consternation des siens, elle ne voulut épouser aucun des prétendants. Bientôt gronda la colère, ses proches usèrent de ruse et de force pour la fléchir, rien n’y fit. Son seul désir était de recevoir le baptême.

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Le baptême de Tekakwitha Un jour, la jeune fille confia au père jésuite qui dirigeait la mission le secret de son cœur : devenir chrétienne ! Six mois plus tard, le dimanche de Pâques 1676, le missionnaire la baptisa. Elle avait vingt ans. Elle reçut le baptême à Gandaouagué (Fonda). Ce fut un grand jour au village. La petite chapelle regorgea de monde. Douce et charitable, Kateri s’était gagné l’affection de tous.

Son nouveau nom Jusqu’alors, on l’appelait Tekakwitha. Au baptême, elle reçut le nom de Catherine, en iroquois Kateri. On la surnomme parfois « le Lys des Iroquois » ou « le Lys des Agniers ».

Sa fuite au Canada

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Au cours de l’automne 1677, pour éviter la persécution, elle s’évada de son canton agnier pour aller vivre à la Mission SaintFrançois-Xavier, sur le Saint-Laurent. Sa douceur, son humilité, sa bonté, sa bonne humeur et même un certain humour gagnèrent rapidement le cœur de toute la population. Chaque matin à quatre heures et ensuite à sept heures, elle assistait à la messe. Par ignorance, cependant, elle se laissait aller à des mortifications excessives (et notamment le jeûne qu’elle pratiquait beaucoup) jusqu’à ce que son confesseur lui ait enjoint de les modérer. Il avait bien compris, pourtant, que ces pénitences étaient le fruit de son amour très vif pour le Seigneur Jésus, pour sa sainte Mère et pour son prochain, quel qu’il fût. Elle faisait ses délices de la prière, surtout devant le Saint Sacrement. Quelques mois après son arrivée, le jour de Noël 1677, on permit à Kateri de faire sa première Communion.

Dès lors, elle progressa comme le cerf qui se hâte vers les sources d’eau vive. Cette jeune Amérindienne illettrée parvint même ici-bas à ce que les théologiens nomment «l’union divine». Avec quelques amies, elle songea alors à fonder une com­munauté de religieuses indigènes, mais son directeur spirituel, persuadé qu’elle était trop jeune dans la foi pour une fondation de cette sorte, l’en dissuada. Il ne faut pas se surprendre qu’environ quarante ans plus tard, sa biographie traduite en espagnol facilita l’établissement des premières clarisses indiennes au Mexique, parmi lesquelles une descendante de l’empereur Montezuma. Le 25 mars 1679, il fut permis à Kateri Tekakwitha de prononcer de façon privée le vœu de virginité et de se consacrer à Notre-Dame qu’elle aimait éperdument.

Sa mort Au début de 1680, sa santé qui n’avait jamais été florissante s’altéra davantage à la suite d’une course avec des compagnes à Laprairie, quelques milles en aval du SaintLaurent, par un jour froid à pierre fendre. Le mardi de la Semaine Sainte, elle reçut la Communion en viatique. On a retenu son regret que la seule robe qu’elle possédait ne fût pas convenable, à son avis, pour accueillir son Bien-Aimé. Le lendemain, elle ne s’opposa pas au départ de ses compagnes pour la cueillette du bois de chauffage et les assura qu’elle ne mourrait pas avant leur retour. Il en fut ainsi. Un peu après trois heures, en murmurant: «Jésus, Marie», elle alla à la rencontre du Seigneur. Elle avait environ vingt-quatre ans. En moins d’un quart d’heure son visage devint d’une beauté à ravir les missionnaires et tous les siens.


Elle est morte le 17 avril 1680. Sa réputation se répandit grâce aux relations des Jésuites. Par son intercession, partout à travers la Nouvelle-France, les Indiens et les colons commencèrent presque aussitôt à obtenir du Ciel des faveurs, voire des miracles. Rien d’étonnant alors à ce que des biographies de la Bienheureuse Kateri Tekakwitha aient paru en quatorze langues différentes. Ainsi se perpétua son souvenir à travers le monde. Le 3 janvier 1943, Pie XII la déclara «Vénérable», proclamant qu’elle avait héroïquement pratiqué les vertus chrétiennes. De tous côtés, on continua d’implorer son aide. En 1980, tricentenaire de son entrée en Paradis, Jean-Paul II décida que le temps était enfin venu de l’élever au rang des Bienheureux. Elle devenait ainsi la première bienheureuse indienne du continent nord-américain. Sa fête est célébrée le 14 juillet. Elle est aussi la première amérindienne d’Amérique du Nord qui sera canonisée. En effet, un nouveau décret sur ses miracles a été signé en décembre 2011 et sa canonisation par le pape Benoît XVI est prévue le 21 octobre 2012. Kateri Tekakwitha est l’une des saintes patronnes principales de l’Eglise au Canada, aux Etats-Unis et pour les missions. Aujourd’hui son tombeau est exposé à ville Sainte-Catherine, sur les bords de la voie maritime du Saint-Laurent, face à l’église actuelle, située au 5365 boulevard MarieVictorin.

Prière pour la Canonisation de la Bienheureuse Kateri Tekakwitha Dieu qui, parmi les multiples merveilles de ta grâce dans le nouveau monde, as fait fleurir sur les rives de la Mohawk et du Saint-Laurent le pur et tendre Lys, Kateri Tekakwitha, daigne nous accorder la grâce que nous te demandons par son intercession ; afin que cette petite amante de Jésus et de sa croix soit élevée au rang des Saints par notre Mère la sainte Église et nous attire plus vivement à l'imitation de son innocence et de sa foi. Par le même Jésus-Christ Notre-Seigneur. Amen.

Bernard Bracke

Bienheureuse Kateri, prie pour nous !

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Spiritualité 18

Bienheureux les pauvres en esprit Après avoir envisagé, dans un article précédent, la seconde béatitude « Bienheureux les doux», nous voulons cette fois aborder la première. Luc dans son évangile l’énonce comme suit

«Heureux, vous les pauvres, car le Royaume de Dieu est à vous». Matthieu, lui, l’exprime en parlant des « pauvres en esprit». Nous nous arrêterons ici à l’expression matthéenne qui accentue un aspect non point absent de l’énoncé lucanien. Nous nous proposons de d’abord considérer le sens premier du mot « pauvre». Ensuite nous tâcherons d’en préciser le sens spirituel et l’expérience qui y a conduit. Enfin, nous rapprocherons cette béatitude de Marie et de son Magnificat..


Le sens premier des mots Chaque langue a son vocabulaire propre et la traduction d’une langue à une autre peut quelquefois tordre le sens ou l’appauvrir. Aussi nous faut-il essayer de comparer la signification que le mot «pauvre» a en français, dans le grec biblique et même en hébreu qui en est le fond nourricier. En français le mot «pauvre» se définit comme celui qui manque du nécessaire ou ne possède que le strict nécessaire1 . En fait le mot français «pauvre» vient du latin « pauper » apparenté à «paucus» : peu . En latin le « pauper » est celui qui possède peu... Il n’est pas l’indigent qui manque du nécessaire. La langue française, elle, y ajoute une nuance : le pauvre n’est pas celui qui a peu mais celui qui a « trop peu ». En grec, l’on emploie deux expressions pour désigner le pauvre. On y parle du « tapeinos » et du « ptôchos ». Le « tapeinos » évoque celui qui doit travailler dur pour subvenir à ses besoins, tandis que le « ptôchos » est celui 2 qui est incapable de subvenir à ses besoins et qui doit attendre d’autrui les moyens pour subsister : c’est le mendiant. Pour comprendre dans toute sa richesse l’expression employée par l’évangile et traduit en notre langue par « pauvre» il faut encore considérer le vocabulaire hébreu.

1 Dictionnaire de P. Robert 2 « Les béatitudes » de J. Dupont T II p 20

La langue hébraïque possède princi­pale­ment trois termes pour désigner le « pauvre ». D’abord le mot « ébyon ». Il vise le pauvre, mais en tant qu’il a besoin d’une aide venue des autres. C’est le mendiant qui espère, qui attend de l’aide. Ensuite, il y a le mot «dal» qui désigne le pauvre en soulignant sa faiblesse, sa mai– greur. Il est un chétif, un homme dépourvu d’apparence et d’importance sociale. Il y a surtout le mot « ani ». Celui-ci désigne le pauvre dans son accablement. C’est un homme courbé, incliné, abaissé, un homme qui fléchit. Un homme incapable de tenir tête... un homme opprimé. Alors qu’en français, et aussi en grec classique le mot « pauvre » désigne celui qui possède insuffisamment et vise une condition matérielle, la conception hébraïque est plus sensible à l’aspect humain et social. Le pauvre n’est pas seulement un dépourvu, mais un homme sans défense, et bien souvent un opprimé.3

Le sens spirituel Dans la version matthéenne des béatitudes nous trouvons, contrairement à celle de Luc, bienheureux les pauvres « en esprit » (parfois aussi traduit par pauvres « de cœur ») Matthieu accentue ainsi un trait, qui n’est pas absent dans l’évangile de Luc, il le souligne davantage.

3 Dupont. Ibidem p 30

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« En esprit » exprime qu’il s’agit d’une transposition sur le plan des dispositions intérieures. Qu’il s’agit ici d’une attitude d’âme et de cœur. Mais comment une situation de privation matérielle peut-elle être spiritualisée au point de devenir des dispositions de l’âme? Il faut pour le comprendre évoquer l’histoire vécue par les « pauvres » en Israël. Moïse avait donné au peuple la loi de l’Alliance lui imprimant une âme commune et une sorte de sensibilité collective4. Chaque individu participait aux heurts et aux joies du peuple tout entier. La solidarité quasi organique faisait que les individus vivaient et agissaient en fonction du tout5. Dans cette optique, que certains soient dans la pauvreté et l’indigence, alors que d’autres vivaient dans l’aisance était tout simplement impensable. La pauvreté était considérée comme un état scandaleux, inacceptable et portant atteinte à la seigneurie du Dieu de l’Alliance. Cependant, au fil de son histoire, et malgré les préceptes de la loi régulant la répartition des biens matériels, il s’est établi des situations sociales et matérielles très disparates. Il y eut en Israël des démunis et des possédants, des riches et des pauvres.

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Cette infidélité, au sens premier de l’Alliance, va faire subodorer dans le riche, un « exploiteur », un rusé et un malhonnête.... qui une fois enrichi s’installe dans une « suffisance » orgueilleuse voir méprisante pour les moins bien nantis. Les grands prophètes n’en finissaient pas de dénoncer toutes les formes de l’oppression : le commerce frauduleux, l’accaparement des terres...6

4 A. Gelin : « Les pauvres de Yahvé » p 1 et sv 5 id 6 A. Gelin : ibidem p 16

Progressivement s’instaurera ainsi une association entre les concepts de «riche » et de «méchant » et entre le concept de «pauvre » et de «juste ». Il y eut cependant aussi une autre évolution qui allait dans le sens inverse puisqu’elle voit non pas dans le riche mais dans le pauvre l’homme pécheur. La théologie de l’époque n’a toujours pas la perspective de la résurrection et d’un audelà. Aussi conçoit-elle, bien sûr, un Dieu qui récompense le bien et le juste et qui punit ou défavorise le méchant et le pécheur, mais elle le conçoit comme inhérent à la vie icibas. Ainsi en arrive-t-on à voir dans l’homme heureux et nanti celui que Dieu récompense de sa vie vertueuse. Tandis que l’homme démuni et indigent n’a que ce qu’a mérité son péché. Cette conception trop étroite, contre laquelle le livre de Job réagira, a longtemps dominé les esprits. Ceci faisait que l’homme qui connaissait la souffrance de l’indigence et de la pauvreté se retrouvait chargé d’une autre souffrance : celle d’être « condamné » comme pécheur par ses concitoyens et chargé d’un poids de culpabilisation. Sous la pression de ces éléments, les pauvres qui aimaient se regrouper examinaient et affinaient leur conscience pour la purifier au maximum. Ne pouvant dans ces conditions n’attendre aucune aide extérieure, ils se tournaient avec espérance vers Dieu qui sonde les reins et les cœurs et reconnait l’innocence du juste. Dieu devient ainsi leur seul recours. Le mot pauvre renvoie toujours à une pauvreté réelle : mais désormais il évoque davantage le découragement qui en résulte, mais qui provoque chez les fidèles une ardente recherche de Dieu,


avec prière, confession et mortification et avec cela cette humilité qui transforme les « pauvres » en « pieux »7. Dans ces milieux socialement et matériellement démunis, a ainsi pris naissance un état d’âme, une attitude spirituelle qui au fil du temps sera transmise de génération en génération tout au long de l’Ancien Testament comme étant le secret de la sainteté. Elle se caractérise par quatre traits principaux. D’abord le dénuement, et lié à celui-ci, l’humilité, ensuite la pureté de conscience et enfin l’espérance-confiance en Dieu. Dans les psaumes les «pauvres» sont ceux qui «craignent Dieu », « ceux qui le cherchent », les « justes », les « intègres », « ceux qui observent l’Alliance ». Ce sont ceux qui font profession « d’observance et de soumission à Dieu ». Ils se « réfugient en lui », se « fient à lui ». Le pauvre est aussi celui qui « ne fait pas le malin avec Dieu, « c’est le cœur humble ! Le « pauvre », écrit A. Gelin8, est celui qui se tient devant Dieu, tremblant à sa parole, obéissant à ses ordres, accueillant ses dons. Déconcerté certes sous ses coups, il est conscient d’être pécheur et fragile, mais 7 Duhm, Das Bush Jesaia Göttingen, 1892 p 404 8 A. Gelin : ibidem p 66

sûr aussi de faire partie de la « race de ses enfants ». Ainsi, l’expression «le pauvre » devient porteuse d’une physionomie spirituelle. Et en même temps que ce vocable se spiritualise, il s’élargit à tous ceux qui sont malheureux, les « affligés » ! Ces pauvres aiment se regrouper, se ren­contrer. Quand l’un d’eux s’est vu gratifié de la part du Seigneur, il en témoigne parmi les siens et ainsi les fortifie dans leur espérance en Dieu. Ils constituent un groupe en Israël qui s’oppose à celui des «puissants», des « riches », des « orgueilleux », des «moqueurs», des «artisans d’iniquité», des «impies». Ce sont ces «spirituellement pauvres» qui constituent ce que le prophète appelait le «Reste d’Israël». La parole de Dieu n’avait-elle pas proclamé par le prophète Sophonie : « Je laisserai subsister en ton sein un peuple pauvre et humble : il cherchera refuge dans le nom du Seigneur, le reste d’Israël ! » (So 3,11-13) C’est ce Reste d’Israël sur qui désormais reposeront les promesses de Dieu.

9 P. Bernard : Le mystère de Marie p 103 Paris 1933

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La Vierge Marie, vrai point de passage entre l’ancienne et la nouvelle alliance sera de ce groupe des pauvres, de ces humbles qui mettent toute leur espérance en Dieu et qui sont ses fidèles serviteurs. Le Père Bernard écrit à propos de Marie9 : « Toute la vie spirituelle ... de l’ancien temps atteint en Marie son apogée, son point de parfaite maturité ».

La béatitude des pauvres. Jésus proclame bienheureux les pauvres. Matthieu précise « les pauvres en esprit ». Ainsi Jésus reprend et « accomplit » cette tradition spirituelle de l’Ancien Testament. Cette béatitude, qui en ouvre la série, nous l’avons vu, couvre un riche contenu et est comme le ton majeur d’une symphonie. La pauvreté dont il s’agit ici est bien la pauvreté spirituelle. Le substrat matériel de dénuement a été abandonné pour retenir une attitude d’âme faite de détachement, d’humilité, d’ouverture foncière à Dieu dans la confiance et l’obéissance.

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Cette première béatitude est liée et comprend celle des humbles et des doux, des affligés, des persécutés. Elle donne vraiment la note dominante. Mais cette béatitude spirituelle n’a-t-elle plus aucun lien avec la pauvreté « effective » ? Déjà à la fin de l’Ancien Testament, on trouve chez les esséniens, par exemple, un engagement volontaire à la pauvreté concrète. La conscience qu’un dénuement réel favorise cette pauvreté est demeurée dans les cœurs ; mais cette pauvreté peut cependant être vécue aussi par des possédants « détachés » et disponibles à Dieu.

10 A. Gelin ibidem p 125

Au cœur du message délivré par la béatitude des pauvres, il y a la réalité de la miséricorde de Dieu. Il est un Dieu qui est sensible à la détresse des siens et se penche avec prédilection vers le petit et le pauvre. Par une intuition fulgurante, éclairée par l’Esprit, la jeune Thérèse de Lisieux a rejoint le cœur de ce message. «La sainteté, dit-elle, ne consiste pas dans telle ou telle pratique, mais dans une attitude de cœur qui nous rend humbles et petits entre les bras de Dieu, conscients de notre faiblesse et confiants jusqu’à l’audace en son Amour de Père.» Elle a perçu de manière privilégiée cette caractéristique de l’Amour de Dieu qui s’appelle la Miséricorde. C’est cette miséricorde que Marie chante dans son Magnificat. Elle chante cette miséricorde inépuisable qui vient au secours des petits, des « affamés », de ceux qui Le craignent. Tandis que les riches, les orgueilleux, les potentats, Il les renvoie, les disperse... Dans son Magnificat «on entend, écrit Gelin, la femme qui s’est profondément assimilé l’âme des anawim - les pauvres - au point d’en être, sous le coup de la nouveauté de l’Incarnation, l’expression la plus vibrante et la plus parfaite!»10 Tous ceux qui reconnaissent en Marie leur modèle ne peuvent donc que faire leur cette attitude intérieure et spirituelle que la première béatitude déclare bienheureuse. Jean Simonart


Prière

Apprends-nous Mère Bien-Aimée, Nous te rendons grâce pour le temps que tu as brûlé Dans ta maison à Nazareth Tu as écouté la Parole de Dieu Dans la libération de l’Exode, le cantique d’Anne, « Mon âme exalte le Seigneur ! » « Ils n’ont plus de vin ! » « Qu’ils me soit fait selon ta Parole ! » Marie, comme au Cénacle, apprends-nous à prier, Donne-nous d’écouter le Seigneur, parler dans l’Ecriture ! Seigneur Jésus, Nous te remercions pour tes nuits passées en prière, A travers les étapes de ton ministère, Tu as écouté le Père te parler, A travers Moïse, Isaïe, et les psaumes ; « Ce sont nos péchés que tu vas porter » « Voici Seigneur, je viens faire ta volonté » Jésus, comme avec tes apôtres, apprends-nous à prier, Donne-nous d’écouter le Seigneur parler dans l’Ecriture.

à prier

Esprit de Sainteté, Nous te glorifions, pour ta puissance d’amour qui est relation ; De la création du monde, jusqu’à la résurrection, Tu as communiqué la Parole du Père, Tu es présent dans l’Ecriture, les sacrements et le cœur de l’humanité. « Le souffle de Dieu plane sur les eaux, comme sur Marie et sur l’Eglise » « Les cœurs de pierre se changent en chair ! » Esprit de vérité, comme au baptême de Jésus, apprends-nous à prier, Donne-nous, d’écouter le Seigneur parler dans ses sacrements ! Trinité Sainte, nous demandons votre aide, Que nous puissions recevoir la grâce de l’écoute qui est amour : A travers l’espoir des hommes de bonne volonté, A travers les situations de peines et de souffrance, A travers les joies et les réussites qui conduisent à la louange ! Amen Christian Tricot

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Spiritualité familiale 24

Libre pour dire «oui» et aimer

Cette méditation sur la liberté chrétienne a fait l’objet d’un enseignement à la Maison des Familles le 16 octobre 2011. Elle s’inspire de l’appel des disciples en Jn 1,35-51 et souligne quelques traits de l’amour conjugal et familial.


Le texte que nous méditons est précédé du témoignage de Jean-Baptiste dont la mission est bien décrite au début du même chapitre. Dans la vie publique, il est la personne la plus proche de Jésus, le dernier des prophètes de l’ancien Testament avant la venue du Messie. Il est celui qui désigne dans la foule « celui que le peuple d’Israël » attendait. Son attitude est liée à la délicatesse spirituelle de sa personne (humilité : « il faut qu’il grandisse et que je diminue ! ») mais aussi à la perception de sa mission. Il est bien conscient qu’il n’est pas le Prophète et il le dit aux personnes qui viennent le voir, à ses propres disciples. Il est la voix. Il fait signe. Il prépare le chemin. Il baptise dans l’eau comme signe de pénitence et de conversion. Ceux qui sont venus le voir n’auront pas perdu leur temps : ils auront appris ce qu’est l’attente. Voir Jean-Baptiste, c’est voir celui qui prépare les voies du Seigneur. Trouver des Jean-Baptiste dans nos vies, c’est trouver des personnes qui ont une assurance sur le salut présent dans l’histoire. La mission de Jean-Baptiste, celle de ses disciples, c’est de signaler une présence : « voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». Etre comme Jean-Baptiste, c’est s’effacer devant Celui qui vient et qui baptise dans l’Esprit Saint. On le voit : sa personne et sa mission supposent l’humilité, l’assurance d’une vérité vue et reconnue, un amour qui fait passer l’autre avant soi, une véritable charité qui montre le Christ, un discernement qui éclaire : « Regardant Jésus qui passait, il dit : “Voici l’agneau de Dieu.” » (Jn 1, 36).

Notre récit d’aujourd’hui s’enracine dans cette parole de Jean-Baptiste. Il indique à ses disciples ce qu’il a « vu » en la personne de Jésus. Les yeux de la foi ouvrent un horizon : un espace et un temps où il faut chercher. Ses yeux de la foi sont aussi les yeux de l’amour. Tout comme dans le sentiment amoureux qui s’approfondit, l’homme et la femme sont invités à se reconnaître, à se connaître en vérité pour ce qu’ils sont : des fils et filles de Dieu. Sontils faits l’un pour l’autre ? Cette rencontre, comme toute rencontre, est-elle la bonne ? Il n’y a pas de réponse sans des pas à faire, sans une route à parcourir, sans un engagement de la liberté vers la part du mystère de l’autre, sans des signes à reconnaître, sans des témoins qui nous livrent leurs discernements. Ce qui est vrai pour le Messie, est vrai pour toute relation humaine : pour toute décision engageant une vie, pour toute vocation. Les disciples de Jean-Baptiste lui font confiance et ils « suivent » Jésus. Ils marchent derrière lui, à sa suite. C’est Jésus qui alors se retourne et, les voyants en marche, leur adresse la parole. Cette première manière de rencontrer le Christ est significative. L’homme est libre. Sa liberté doit l’engager à chercher la source de l’amour. Se mettre en route, c’est déjà « voir » quelqu’un (même de dos !), s’ouvrir à une présence, quitter son monde pour entrer dans un autre monde, dans une aventure dont nous ne maîtrisons pas tous les paramètres. Le cœur des disciples est rempli de confiance : par leur confiance, ils se dirigent vers « la personne adéquate ». Et si Jésus leur parle, c’est pour les questionner sur leurs motivations profondes : « Qui, que cherchez-vous ? »

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Au ton de la voix, au regard peut-être, les disciples nomment déjà leur interlocuteur, le reconnaissent pour une part : « Rabbi, Maître où demeures-tu ? » C’est une question concrète. Nous avons tous besoin de situer dans l’espace et dans le temps notre soif de vérité, notre attente de l’amour. Quelle est la demeure du Rabbi ? Où se dirige, ou bien d’où vient ce Jésus ? Quel est son lieu ? Car si nous désirons mieux le connaître et l’aimer, il nous faut savoir où il demeure. L’amour est toujours concret, incarné, proche du corps d’autrui, là où il marche, là où il se dirige, là où il mange, là où il dort. La demeure est le lieu des liens personnels, des autres relations familiales que nous ne connaissons pas au début de nos rencontres. La demeure pour le Christ, ce sont les « siens ». Une allusion est faite au prologue de saint Jean : il est venu habiter parmi les siens et ceux-ci ne l’ont pas reconnu. Demeurer avec le Christ, c’est l’accueillir puis entrer dans une relation avec Lui, dans les relations aussi qu’il tisse avec les siens, avec tous les hommes. Le verbe « demeurer » suggère une permanence, une stabilité, mais paradoxalement, Jésus répond à cette question par une ouverture indéterminée, infinie : « Venez et vous verrez ». Ainsi ces deux verbes répondent-ils à la question de la demeure : venir et voir. Suivre le Christ et le voir de près dans ses faits et gestes. « Venez et vous verrez » : la réponse du Christ ouvre un champ à la liberté. Elle ne précise pas une définition, n’enferme pas dans un seul lieu, dans une seule décision. Elle centre les disciples sur une relation vivante et dynamique : la suite du Christ. Ce n’est pas une réponse floue ou ambiguë, mais centrée sur la personne du Christ. Toutes nos questions et nos réponses sont inscrites dans le mystère de cet homme (« Voici l’homme ») : il nous reste à le

suivre et à déchiffrer par nos forces,- celles de notre intelligence, de notre volonté, de notre mémoire -, ce que nous dit la personne du Christ. Il est la « Parole » par excellence, le Verbe de Dieu, la vie de notre vie. En Lui nous trouvons ce que nous cherchons et librement nous pouvons élaborer et construire le sens de notre vie. Notons la confiance des disciples, la manière dont librement ils passent la journée avec le Christ. Le conseil de Jean-Baptiste est suivi et porte du fruit. Quand nous parlons de foi, il nous faut penser au mot « confiance ». Ces termes ont même racine. Quelle est la confiance qui anime nos décisions, nos propres paroles, nos gestes ? Comment nous laissons-nous librement entraîner par celui qui est le chemin, la vérité et la vie ? Foi et confiance sont des attitudes de disciples, des attitudes également de ceux qui s’aiment, qui se découvrent l’un l’autre, qui marchent ensemble et se soutiennent mutuellement par exemple dans la vie conjugale et familiale. Ce mode de rencontre est éclairant pour une relation profonde entre nous et avec le Christ. Le reste du récit nous décrit d’autres tonalités de l’appel du Christ et de son respect de nos libertés. Jean-Baptiste avait encouragé deux de ses disciples à suivre Jésus. Désormais, le témoignage va passer ainsi de personne à personne, comme une bonne parole : un évangile. Forts de leur expérience, les disciples vont la partager et s’appeler mutuellement. Puisque Jésus a été comme « dévoilé » en son identité, les disciples aussi vont se dévoiler en sa présence, et face à Lui, surtout, face à son regard et dans sa parole. La liberté humaine est toujours convoquée à partir de ce qu’elle n’est pas : un événement extérieur, un objet, un corps, une personne.


L’  extériorité peut être un passage, un premier pas, une étape pour l’apprentissage d’une liberté. Mais il faut aller plus loin. Bien sûr, dire « oui », c’est entrer intérieurement dans une communion personnelle avec Dieu et avec les autres. S’engager librement, c’est acquiescer de tout son être, de toute sa personne. Dans ces divers appels de l’évangile, la parole est importante : elle dit l’enjeu de la décision à prendre. « Nous avons trouvé le messie », dit André à son frère Simon. Souvent, une parole précède nos décisions libres. Elle les éclaire. Entre la parole et la compréhension de celle-ci, il y a parfois des temps de latence, d’incompréhensions, d’éclaircissements. Ici, le disciple convie son frère : « Viens et tu verras ». Et Simon se met donc en marche vers Jésus. Et ce dernier prend encore l’initiative : un regard et une parole. Le regard est une parole du corps : il dit toujours quelque chose d’important dans la relation interpersonnelle. N’est-il pas déjà une parole pour ceux qui s’aiment, sont appelés à s’aimer, qui entrent en communion interpersonnelle ? C’est ce qui se passe entre Jésus et Pierre. Mais cette rencontre va plus en profondeur. Comme si Simon acquiesçait subitement au cœur de la rencontre. Et Jésus sans détour change son nom : c.à.d. pour un juif lui fixe une mission, lui dit son identité par rapport à Lui et par rapport à ses frères. Simon reste Simon. Il est encore toujours inscrit dans ses liens fraternels et amicaux, mais Jésus détermine son « oui », son acquiescement de disciple en le nommant « Pierre ». Ainsi toute liberté qui s’offre, s’ouvre à une gratuité inconnue, à une reconnaissance imprévue d’un autre, de l’Autre par excellence qu’est Dieu. Si nous cherchons à évaluer le poids de la sponta-

néité humaine dans l’acte libre, il nous faut considérer à la fois ce que chaque homme avec sa sensibilité et son histoire « fait » à partir de son propre « fond » mais aussi ce que la grâce, l’intervention divine suscite dans le cœur, éveille de nouveau et de créatif dans celui qui se sent interpellé, appelé. Et Jésus continue à appeler. C’est Lui qui fait le premier pas, qui interpelle ceux qu’il rencontre dans ce chapitre : ce ne sont pas de longs discours, mais des paroles brèves, claires. Il convoque la liberté de ceux qui viennent à Lui. En amour, nous pensons souvent qu’il nous faut maîtriser tous les paramètres de nos décisions, de nos sentiments. Au contraire, en amour, la liberté est « appelée » à consentir : elle décide vraiment, mais pas à partir d’un vide, d’un virtuel, d’un « possible », mais toujours à partir d’une personne concrète. Ce caractère abrupt de l’appel « Suis-moi » ne déroute d’ailleurs pas Philippe. Parfois, la clarté d’une interpellation, d’une parole sur la vérité de nos sentiments, permet de les clarifier, de nous mettre en route, de prendre une vraie décision. L’effet de cette parole de Jésus est décrit par l’évangéliste sous forme d’un témoignage : « Philippe rencontre Nathanaël et lui dit : “Celui dont Moïse a écrit dans la Loi, ainsi que les prophètes, nous l’avons trouvé : Jésus, le fils de Joseph, de Nazareth.” » (Jn 1, 45). Ce témoignage va à l’essentiel. Il dit ce que croit et pense Philippe. La réponse de Nathanaël quant à elle nous montre dans un premier moment ses réticences : il n’est certainement pas subjugué, fasciné, envouté. Il est dans les méandres de son argumentation et de sa connaissance de l’histoire de son peuple. Il exerce sa liberté.

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Mais il consent à la démarche de vérité : « Viens et vois ». C’est toujours la même logique : poser un acte pour mieux le comprendre, poser un acte pour entrer dans une vérité plus grande. Cette logique de la vérité est essentielle : elle informe le consentement matrimonial. Durant la liturgie sacramentelle du mariage, les questions qui le précédent ne sont pas un examen, mais un acte liturgique et une expression de la matière de la liberté. Mais le consentement, s’il dit « tout » d’un don total, ne dit pas toute l’histoire des nouveaux époux. C’est dans le « venir l’un vers l’autre », dans le regard d’amour l’un sur l’autre, dans la permanence de l’action des deux verbes « venir et voir » que les époux découvriront toute l’ampleur de l’amour qui les unit. Dans ce passage de l’évangile, le dialogue avec Nathanaël est le plus long. Il éclaire les traits principaux de l’appel du Christ à ses disciples. Ils nous offrent les traits d’une liberté appelée par le Fils de Dieu. Jésus est bien le « Maître de l’histoire » mais il respecte les médiations de l’histoire humaine : nos libertés s’expriment en nos corps, en nos paroles, dans les délibérations de notre conscience. Nathanaël signifie « Dieu donne » ou « donné par Dieu ». Comme toute créature, Nathanaël est un vrai sujet, libre, donné à lui-même. Il n’est pas le jouet des événements : il est d’ailleurs un fils d’Israël et il en est fier. Et Jésus le souligne en lui parlant : « voici un vrai israélite, sans artifice ». Un homme droit. Jésus suscite en Nathanaël la mémoire d’Israël et particulièrement l’épisode de Jacob qui avait trompé son frère, Jacob ou l’homme de la ruse. Etonnement de Nathanaël de se voir ainsi « qualifié » par un inconnu, enveloppé à nouveau par un regard personnel. « D’où me connais-tu » ? Question normale. Ques-

tion souvent de défense de la personne surprise dans son intériorité. Question de surprise dans toute relation humaine : comment et pourquoi un autre peut-il à la fois me connaître sans que je le veuille, ou me connaître mieux que moi-même, ou connaître et me révéler des aspects de ma personne que je ne mesurais pas ? N’est-ce pas l’enjeu de tout dialogue de liberté : un dévoilement et une révélation. En m’offrant à l’autre, je dis qui je suis et en même temps il m’est révélé qui je suis. Cette œuvre de vérité n’est juste que dans l’amour. Ce travail, le Christ le fait toujours. Quant à nous, nous peinons parfois à le faire ou à bien le faire. Dans l’amour, nos libertés sont sauvées par celle du Christ et nous parvenons à cet échange de communion. Jésus dit clairement que sa connaissance de Nathanaël précède sa rencontre. Non seulement parce qu’il est le Fils de Dieu, mais aussi par ce qu’est Nathanaël et sa manière de vivre. La connaissance du Christ est une connaissance d’amour qui laisse chacun à sa liberté et à sa vérité. Dans notre cas, par son regard, le Christ « a vu Nathanaël » sous le figuier. Phrase symbolique qui ouvre à une connaissance personnelle : le figuier est le symbole de la Loi, du don de la Loi par Dieu à son peuple. En vivant dans et sous la Loi, comme un bon fils d’Israël, Nathanaël était connu de Dieu. La conscience droite, la liberté qui fait le bien, est déjà en Dieu, connue de Dieu. Cette affirmation d’une connaissance intérieure, antérieure, personnelle de sa personne confond et touche le cœur de Nathanaël. Une telle connaissance d’amour, respec­ tueuse de la personne, éveille la


confiance. Une telle affirmation suscite la liberté à l’acte de foi. Dès lors, avec trois titres de référence de l’Ecriture, Nathanaël reconnaît la vérité de la personne de Jésus : le Rabbi qu’il rencontre est bien le fils de Dieu et le roi d’Israël. Nathanaël parvient ainsi à la connaissance que Jésus a de lui et il est éclairé sur lui-même et sur son interlocuteur. C’est par cette connaissance qu’il accède librement à la foi. Cette foi éclaire aussi sa connaissance. Cette foi qui le fait parler est forte. Jésus lui indique cependant qu’elle aura une histoire et qu’un chemin l’attend. Par la foi, la liberté reste entière. Elle est et sera toujours en chemin : « Tu verras des choses bien plus grandes ». Et l’affirmation solennelle de retentir : « Et il lui dit : “En vérité, en vérité, je vous le dis, vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme » (Jn 1, 51). Ces anges qui montent et qui descendent nous rappellent le songe de Jacob en Gn 28,12 : ce Jacob qui lui aussi a vu son nom être changé en Israël. Que le ciel soit ouvert et qu’un lien existe entre le ciel et la terre donnent toutes les dimensions de l’appel du Christ, de la mission des disciples et par là des enjeux de notre liberté. Quand l’homme dit « oui » sur la terre, son « oui » a une dimension éternelle et donc décisive. Les fruits de la liberté humaine transcendent le temps et l’espace. Il n’y a rien de plus beau ni de plus grand qu’un « oui » conscient et aimant de l’homme face à un appel de Dieu. Et l’appel de Dieu est toujours à aimer, dans toutes les situations, dans tous les états de vie. Dans la relation conjugale, Dieu convoque l’homme et la femme à vivre une communion d’amour qui reflète son amour dans l’histoire concrète d’un peuple.

Une conclusion sous forme de synthèse 1. Toute liberté humaine est précédée par celle de Dieu, dans l’histoire également depuis l’Incarnation du Verbe. 2. La liberté humaine a des moments, des étapes : elle est en route. Elle fait route avec d’autres personnes et avec le Christ. « Viens et suis-moi » : dans l’action, la liberté se trouve également. 3. La liberté est fortifiée dans l’amour perçu, dans le regard qui fait « être personne » aux yeux de tous. La liberté grandit par la parole échangée. Elle s’ouvre clairement à une décision dans une parole d’acquiescement. Dire « oui », c’est aussi grandir en liberté. 4. La rencontre de Jésus nous permet de le connaître mais aussi de nous connaître. Quand Jésus se dévoile à nous, il nous révèle à nous-mêmes et nous permet de nous dévoiler en vérité à autrui. 5. La connaissance que le Christ a de nous est une connaissance d’amour : elle nous enveloppe, elle nous interpelle, elle nous fait grandir en liberté. Cette connaissance nous précède toujours. 6. La liberté chrétienne n’est pas face au vide, ni à des multiples possibles. Plus profondément, elle est toujours convoquée au consentement : dire « oui » à la volonté aimante de Dieu. Alain Matthews, s.j.

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Mouvement Pro Sanctitate 30

Joie de connaître, vivre, annoncer la sainteté

« Quand les personnes s’aiment, les voies de la communication deviennent infinies. » G. Giaquinta Les contingences économiques et vocationnelles nous poussent à momentanément quitter le Centre Horeb Hautclair. « Que Ta volonté soit faite, Seigneur » ! Mais la nécessité de devenir des saints et le message de sainteté ne connaissent pas d’arrêt, même temporaire ! Trois canaux continuent à véhiculer ce message.


Les membres du Mouvement Pro Sanctitate présents en Belgique et … en Hollande A Bruxelles et Oisterwijk, une équipe d’une vingtaine de personnes a depuis quelques années cheminé et approfondi la spiritualité Pro Sanctitate. Touchées par l’Amour infini de Dieu, ces personnes désiraient répondre à l’Amour divin, dans leur état de vie, dans leur milieu professionnel et ont donc décidé de suivre la formation spécifique donnée dans le Mouvement. Elles sont de différents horizons, d’âges différents, mais sont toutes conscientes de leur obligation –qui a ses racines dans le baptême- de devenir saintes et de faire connaître ce message à d’autres. Plus d’une a été littéralement « retournée » par les paroles de Mgr Giaquinta : « Nous parlons de sainteté, nous la communiquons verbalement. Mais la transmettons-nous par notre vie ? C’est vraiment le nœud du problème : sommes-nous vraiment un témoignage vivant de la sainteté ? Demandons à Marie de nous donner le courage de nous lancer dans ce rêve : tendre réellement à la sainteté et devenir de vivants témoignages de la sainteté. » Ce sont elles qui reprennent le flambeau, qui continuent d’être témoins permanents et semences de sainteté en Belgique et en Hollande. Qu’elles soient ce que le Seigneur veut : « Des âmes pleines de confiance, d’espérance ; qu’elles soient contagieuses de l’espérance qui les habite et qu’elles la donnent à chaque frère qu’elles rencontrent !»

Une équipe missionnaire internationale Autour des membres « locaux » du Mouvement Pro Sanctitate s’est formée une équipe missionnaire internationale, composée d’italiens, lettons, russes et maltais. L’idée de cette équipe missionnaire internationale a longuement été portée dans la prière et c’est pour nous une grande joie de voir les merveilles que le Seigneur réalise à travers elle ! Alors qu’elle priait et jeûnait tout en programmant une de ses « sorties d’évangélisation », l’équipe a reçu ce texte : « En ceci consiste la nouvelle évangélisation : nous devons aller dans le monde et crier à tous que c’est seulement en devenant saints ou pour le moins en s’efforçant de le devenir, que les choses changeront. Il nous faut travailler « à l’intérieur », dans l’intime des cœurs et des consciences. (…) Il y a un grand besoin d’évangéliser. Nous sommes en présence d’un nouveau monde, un monde nouveau qu’il nous FAUT évangéliser et nous avons le devoir de le faire ! Que pouvons-nous proposer à ce nouveau monde ? « Le mystère caché depuis les siècles en Dieu », nous répond saint Paul. Pour Paul, ce mystère était en effet l’universalité de l’appel à rejoindre le Christ ; pas seulement l’universalité de l’appel au salut, mais l’universalité de l’appel à la sainteté » (G. Giaquinta, Texte Inédit, 1992). Nous ne pouvions recevoir plus bel encouragement et confirmation pour « aller au large et jeter les filets » !

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Tout comme saint Paul et sûre de son intercession, l’équipe missionnaire s’est lancée dans l’évangélisation et est prête à répondre aux sollicitations de l’Esprit. « Il n’est pas possible de rester ‘bien au chaud’ à contempler la bonté du Bon Dieu qui habite en nous par la présence trinitaire alors que le monde autour de nous s’écroule ; nous ne pouvons nous délecter sereinement d’avoir le Seigneur avec nous, tout en nous désintéressant de tout le reste. C’est le moment d’agir ! Pas seulement en portant du secours matériel à nos frères, mais en leur portant le Christ. Et comme saint Paul, poussé par l’Esprit, être convaincu de ceci : « Malheur à moi si je n’évangélise pas, car l’Amour du Christ me pousse et me brûle le cœur ! » (G. Giaquinta, La sainteté).

La revue Sanctifier, nouvelle formule Le troisième point d’ancrage qui est aussi prolongement de la présence Pro Sanctitate en Belgique et au-delà des frontières, est votre revue Sanctifier.

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Ce petit instrument d’évangélisation et d’approfondissement de la vie spirituelle nous tient très à cœur ; nous l’avons reçu tel un cadeau du ciel des mains de l’Abbé Soete en 1982 et nous avons donné la teneur, les couleurs qui vous lui connaissez. Soutenus par la parole forte du Fondateur du Mouvement Pro Sanctitate : « Nous devons employer toutes les techniques possibles pour faire triompher l’amour. A ceux que nous contactons, nous devons « marteler » la parole ‘amour’ en toutes occasions et de toutes les façons possibles.

Tout ce qui peut faire connaître la révolution de l’amour devra être utilisé pour créer dans nos milieux de vie un état d’alarme [de la sainteté] permanent et systématique »-, nous avons décidé de continuer la publication de Sanctifier avec un tirage sur papier limité aux lecteurs qui nous en font la demande expresse mais aussi de rejoindre les innombrables lecteurs potentiels, utilisateurs de la toile Internet (www.sanctifier.eu). Nous vous demandons de bien vouloir nous excuser si un numéro manquera dans votre série de Sanctifier ; notre choix, longuement porté dans la prière et la réflexion, avait besoin d’un peu de rodage initial avant d’être concrétisé. Cette double option –papier et internet- nous consentira de réaliser ce que Monseigneur Giaquinta écrivait dans L’amour est révolution : « Le monde a besoin d’un sain optimisme, de savoir qu’il y a encore des forces de bien qui aspirent à un monde différent du monde banal et plat qui nous côtoyons quotidiennement ; de connaître les événements positifs, les choses belles plutôt que les faits divers ; d’être sûr que la sainteté existe réellement sur notre terre. Concrètement, tout cela peut être réalisé à travers la presse, les articles de journaux, tout ce qui touche de près ou de loin aux publications et qui nous permet d’acquérir la confiance de pouvoir devenir meilleurs. Pour cela, nous ne devons pas nous limiter à la presse écrite sur papier mais nous ouvrir à tous les grands moyens de formation et d’information de l’opinion publique, en ce y compris ce qui remplit nos loisirs (films, disques, théâtre, musique, panneaux publicitaire,…).


L’important n’est pas le soutien visible mais la conviction que nous voulons partager, la mentalité nouvelle que nous voulons créer et qui a les traits caractéristiques du peuple de Dieu, appelé à la sainteté ». (1978) Avant d’être canal de transmission, chacun de nous est appelé à être une coquille qui recueille en son sein l’abondance des grâces divines. Pour ensuite, les transmettre à ceux qui nous sont chers. « Esto concha, non canalis », disait saint Bernard. Les chemins du Seigneur sont vraiment innombrables et insondables ! Le changementtransfiguration de la présence Pro Sanctitate débouchera nécessairement sur une plus grande charité. Les Oblates Apostoliques ne peuvent assure une présence physique au Centre Horeb, la Revue limitera son tirage sur papier ; qu’à cela ne tienne ! Les membres laïques du Mouvement, l’équipe missionnaire et le lancement de Sanctifier sur la toile vous permettront de trouver le « pain spirituel » dont le prophète Elie se nourrissait à l’Horeb, et qui constitue le bon « fortifiant » pour votre cheminement de foi et de sainteté. Ainsi, fidèles à notre charisme, nous continuerons à contribuer à l’évangélisation de la sainteté en Belgique, en Hollande, et plus largement, partout dans le monde où la revue est lue. Liliane Bertrand

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Un livre à lire 34

Le Prix à payer

Par Joseph Fadelle, Ed. «Pocket « 2012

Une situation actuelle que tout homme informé doit connaître. Un témoignage émouvant d’attachement à Jésus et à son Evangile. Un stimulant pour tout chrétien et en particulier ceux de nos pays. Jean Simonart


Informations et contact Rédaction et abonnements:

Institut des Oblates Apostoliques Centre Horeb « Hautclair » Avenue Hamoir 14a 1180 Bruxelles GSM: 0486641104 E-mail: sanctifier@prosanctitate.be

Prix du numéro: 8 euros Tout don supplémentaire nous permet d'envoyer gratuitement la revue dans les pays de mission. Merci en leur nom. C.C.P. IBAN BE 34 000 - 1485936 - 90 BIC BPOTBEB 1 Banque BNP PARIBAS FORTIS BIC GEBABEBB IBAN BE 14 2100 5669 9683 de l'ASBL Institut des Oblates Apostoliques Bruxelles EDITEUR RESPONSABLE: L. Piccioli avenue Hamoir 14a 1180 Bruxelles IMPRIMATUR Malines, 01 Novembre 2012 E. VAN BILLOEN, Vic. Gen.

MOUVEMENT PRO SANCTITATE Avenue Hamoir 14a - 1180 Bruxelles GSM 0486 641104 secretariat@prosanctitate.be www.prosanctitate.be


http://www.prosanctitate.be


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