Sanctifier I Juillet-Aout-Septembre 2013

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Table des matières Editorial

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Marcher, édifier, confesser . . .

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Pape François

Qu’est-ce donc la FOI?

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Jean Simonart

« L’Europe : Terre d’Evangélisation. »

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Jean Djosir Djobkang

La foi

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Charles de Foucauld

Corps adorable de Jésus

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Joumana Khalil

Il est Vivant … pour que l’on Vive

19

Jean-Marc de Terwagne

Maurice : martyr africain devenu saint européen

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William Frei

Prière du Fantassin à Saint Maurice

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Maison des familles : une Maison « habitée ».

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Alain Mattheeuws

Blaise Pascal

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Philibert Secretan

Sentence des Pères du désert

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Recension - Au nom d'une passion

37

Vincent Siret

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EDITORIAL Bien cher lecteur, chère lectrice, Voici votre nouvel envoi de « Sanctifier » ! Nous espérons que vous prendrez plaisir à le lire et d’en tirer le nectar, à l’instar de ce que disait saint François de Sales, lorsqu’il conseillait dans son beau langage de l’époque, de faire comme les « avettes » (les abeilles). Elles vont de fleur en fleur pour en tirer tout le nectar et en faire leur miel. Le miel est doux, mais aussi très nourrissant. Dans ce numéro, vous trouverez les deux : La douceur, par exemple, dans l’article de Joumana Khalil, du substantiel dans l’article de Alain Mattheeuws. Mais, pour tous ceux que la foi anime, tous les articles de ce numéro apporteront consolation, approfondissement et matière à méditation. L’ensemble de ses articles, qui abordent des thèmes différents, sans bien l’avoir recherché se rejoignent selon trois pôles qui sont liés entre eux. On y retrouve comme dominant, le pôle de la foi : réflexions sur la foi, foi en la résurrection, foi en l’incarnation… Vient s’y greffer tout naturellement celui de l’évangélisation : L’Europe, terre d’évangélisation, Saint Maurice et ses compagnons… Et enfin comme troisième pôle, intrinsèquement lié aux deux autres, la réalité de la conversion personnelle. Tout cela fait de ce numéro une nourriture consistante pour tous ceux qui ont à cœur de progresser sur le chemin vers la sainteté. Faites-en votre miel ! Bonne lecture ! La Rédaction 3


Magistère

Homélie du Pape François aux cardinaux 14 mars 2013

Marcher, édifier, confesser

...

Marcher. « Maison de Jacob, allons, marchons à la lumière du Seigneur » (Is 2, 5). C’est la première chose que Dieu a dite à Abraham : Marche en ma présence et sois irrépréhensible. Marcher : notre vie est une marche et quand nous nous arrêtons, cela ne va plus. Marcher toujours, en présence du Seigneur, à la lumière du Seigneur, cherchant à vivre avec cette irréprochabilité que Dieu demandait à Abraham, dans sa promesse. Édifier. Édifier l’Église. On parle de pierres : les pierres ont une consistance ; mais des pierres vivantes, des pierres ointes par l’Esprit Saint. Édifier l’Église, l’Épouse du Christ, sur cette pierre angulaire qui est le Seigneur lui-même. Voici un autre mouvement de notre vie : édifier. Troisièmement, confesser. Nous pouvons marcher comme nous voulons, nous pouvons édifier de nombreuses choses, mais si nous ne confessons pas Jésus Christ, cela ne va pas. Nous deviendrons une ONG humanitaire, mais non l’Église, Épouse du Seigneur. Quand on ne marche pas, on s’arrête. Quand on n’édifie pas sur les pierres qu’est-ce qui arrive ? Il arrive ce qui arrive aux enfants sur la plage quand ils font des châteaux de sable, tout s’écroule, c’est sans consistance. Quand on ne confesse pas Jésus 4


Christ, me vient la phrase de Léon Bloy : « Celui qui ne prie pas le Seigneur, prie le diable ». Quand on ne confesse pas Jésus Christ, on confesse la mondanité du diable, la mondanité du démon. Marcher, édifier-construire, confesser. Mais la chose n’est pas si facile, parce que dans le fait de marcher, de construire, de confesser, bien des fois il y a des secousses, il y a des mouvements qui ne sont pas exactement des mouvements de la marche : ce sont des mouvements qui nous tirent en arrière. Cet Évangile poursuit avec une situation spéciale. Le même Pierre qui a confessé Jésus Christ lui dit : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. Je te suis, mais ne parlons pas de Croix. Cela n’a rien à voir. Je te suis avec d’autres possibilités, sans la Croix ; Quand nous marchons sans la Croix, quand nous édifions sans la Croix et quand nous confessons un Christ sans Croix, nous ne sommes pas disciples du Seigneur : nous sommes mondains, nous sommes des Évêques, des Prêtres, des Cardinaux, des Papes, mais pas des disciples du Seigneur. Je voudrais que tous, après ces jours de grâce, nous ayons le courage, vraiment le courage, de marcher en présence du Seigneur, avec la Croix du Seigneur ; d’édifier l’Église sur le sang du Seigneur, qui est versé sur la Croix ; et de confesser l’unique gloire : le Christ crucifié. Et ainsi l’Église ira de l’avant. Je souhaite à nous tous que l’Esprit Saint, par la prière de la Vierge, notre Mère, nous accorde cette grâce : marcher, édifier, confesser Jésus Christ crucifié. Qu’il en soit ainsi ! 5


En cette année de la foi, voici quelques réflexions sur la foi Vie d’Eglise

Qu’est Qu’est--ce donc la FOI? Quelques définitions Le dictionnaire « Robert » définit le mot croire de différentes façons. Il précise que « croire que » désigne une conviction, une possibilité généralement nuancée d’un doute. Quand il parle de « croire » tout court, il le définit comme « tenir une chose pour véritable ou tenir quelqu’un pour sincère, véridique ». La foi en Dieu, est pour le même dictionnaire, une adhésion profonde de l’esprit et du cœur qui emporte la certitude. »

Dans son dictionnaire théologique, le Père Bouyer définit la foi comme une vertu surnaturelle qui nous fait accepter les vérités révélées sur la parole de Dieu qui nous les révèle. Enfin le Catéchisme de l’Eglise catholique (n° 26) définit la foi comme une réponse de l’homme à Dieu qui se révèle et se donne à lui en apportant en même temps une lumière surabondante à l’homme en quête de sens ultime. 6


La foi est une grâce La foi est davantage qu’une simple croyance. Tous les dictionnaires théologiques parlent de la foi en soulignant qu’il y a dans l’acte de foi quelque chose de surnaturel, qu’il est une grâce. Le Concile Vatican II dans la Constitution dogmatique sur la révélation l’explicite admirablement en reprenant la doctrine des conciles précédents (Concile d’Orange et de Vatican I). « Pour exister la foi requiert la grâce prévenante et aidante de Dieu ainsi que les secours intérieurs du Saint-Esprit qui touche le cœur et le tourne vers Dieu, ouvre les yeux de l’esprit et donne à tous la douceur de consentir et de croire à la vérité. » Ainsi le Concile ne fait qu’expliciter la doctrine évangélique : « Nul ne vient à Moi, si le Père ne l’attire » (Jn 6, 44). Et aussi : « Ce n’est ni la chair, ni le sang qui t’ont révélé cela, Pierre, mais mon Père qui est dans les cieux » (Mt 16,17). Que la foi soit une grâce pourrait paraître désespérant si on l’interprétait comme une proclamation de l’arbitraire de Dieu et en plus pourrait engendrer une indifférence paresseuse. Il faut équilibrer cette affirmation par une autre précision faite

au Concile de Trente (deuz : 794) : « Dieu appelle tous les hommes à la foi et leur donne la grâce suffisante pour y parvenir quelque soit leur fonction dans l’histoire ou l’espace et il demande à tout homme de se prêter aux inspirations de la grâce, d’y consentir et de coopérer à sa propre rédemption. » La conversion de Paul Claudel, le 25 décembre 1886 en la cathédrale N.D. de Paris illustre bien ce que l’on vient de dire. Paul Claudel témoigne ainsi de cet événement. Etant incroyant et commençant à écrire il se décida à suivre les offices de Noël à la cathédrale espérant que ceux-ci lui donneront un excitant pour écrire. « J’assistai avec un plaisir médiocre à la Grand Messe et n’ayant rien de mieux à faire, je revins aux vêpres. J’étais moimême debout dans la foule, près du deuxième pilier à l’entrée du chœur, à droite du côté de la sacristie. Et c’est alors que se produisit l’événement qui domine toute ma vie. En un instant, mon cœur fut touché et je crus. Je crus d’une telle force d’adhésion, d’un tel mouvement de tout mon être, d’une conviction si puissante, d’une telle certitude ne laissant place à aucune espèce de doute, que, depuis, tous les libres, tous les raisonnements, tous les 7


hasards d’une vie agitée n’ont pu ébranler ma foi, ni à vrai dire la toucher. En essayant, comme je l’ai fait souvent, de reconstituer les minutes qui suivirent cet instant extraordinaire, je retrouve les éléments suivants qui ne formaient cependant qu’un seul éclair (...) : Que les gens qui croient sont heureux ! Si c’était vrai pourtant ? C’est vrai ! Dieu existe, il est là. C’est quelqu’un, c’est un être aussi personnel que moi. Il m’aime, Il m’appelle. Les larmes et les sanglots étaient venus... » (Convertis du XXème siècle, vol . II). Oui, l’acte de foi, est bien sûr un acte humain mais il est aussi une grâce. Le récit de Claudel en témoigne : il y eut d’abord le désir éveillé par l’Esprit. « Que les gens qui croient sont heureux ! » Ensuite, il y a l’illumination qui nous fait (perce-)voir la réalité : « Dieu existe, c’est quelqu’un, Il m’appelle, Il m’aime ». Il y a finalement l’acte humain d’adhésion où l’homme s’engage sous la motion de l’Esprit : « Je crus ». La foi est une confiance Si plusieurs dictionnaires théologiques parlent, quand il s’agit de la foi, « d’accepter des

vérités » (P. Bouyer) ou « d’assentiment de l’intelligence à des vérités » (Dictionnaire Spirit.) en raison du témoignage de Dieu. Il faut bien reconnaître que ces définitions n’en n’explicitent pas la réalité fondamentale. Croire à ce que dit quelqu’un c’est toujours croire en quelqu’un. C’est faire confiance à une personne. Au creux de l’acte de foi, il y a toujours cette dimension fondamentalement personnaliste. Saint Thomas jadis, écrivait : « Tout croyant adhère aux dires de quelqu’un. Ainsi, ce qui apparait comme principal et comme ayant, en quelque sorte, valeur de fin en tout acte de croyance, c’est la personne à la parole de qui on donne son adhésion. Quant aux détails des vérités affirmées dans cette volonté qu’on a d’adhérer à quelqu’un, il se présente alors comme secondaire ». Croire, c’est finalement accorder sa foi à quelqu’un. L’acte de foi nous établit dans une relation (de confiance) avec Dieu. Il est de soi une relation de personne à personne. C’est pourquoi elle est inséparable de l’amour. Cet aspect de confiance a été dénommé « foi subjective » par opposition à la « foi dite objective ». 8


Foi subjective et foi objective Cette foi confiance est surtout soulignée et vécue par la tradition protestante. Dans certains courants protestants, le piétisme, les dogmes, les vérités de foi n’ont presque plus aucune importance. L’attitude personnelle et intérieure envers Dieu est l’élément le plus important et presque exclusif. Au contraire, les catholiques et les orthodoxes insistent depuis toujours sur les vérités de foi. Et au fil du temps, le problème des vérités à croire a pris le dessus sur l’aspect personnel et subjectif du croire. La réaction protestante à ce développement a fait que l’Eglise catholique a encore davantage insisté sur cet aspect objectif de la foi : la foi devient une adhésion au Credo. L’on comprend aisément que l’insistance unilatérale sur l’un des aspects au détriment de l’autre ne peut que mener à une impasse. La foi purement subjective conduira à ce que la norme de la foi devienne ce que je pense, mon expérience personnelle. Mais la foi purement objective ne suffit pas non plus, si elle ne conduit pas au contact personnel avec le Christ, à l’intimité avec Lui. La foi au sens complet du mot est l’union des deux : croire de manière personnelle dans une relation (de confiance, person-

nelle au Dieu qui se révèle et se donne en Jésus-Christ) et en même temps avoir foi en l’Eglise qui nous précise les données de la foi. L’Eglise nous préserve ainsi de réduire les réalités de foi et nous maintient dans une perspective toujours plus large que notre expérience subjective; toujours limitée (cfr Cantalamessa ; in Marie, p.58-60). La foi, source de salut La foi est donc une grâce de l’Esprit « qui nous éclaire et, non seulement, nous attire vers le Christ mais nous unit à Lui. Dans l’Evangile, nous est dit que celui qui croit en Jésus sera sauvé. Cfr Jn 3 : « Comme Moïse éleva le serpent au désert, ainsi faut-il que soit élevé le Fils de l’Homme, afin que tout homme qui croit ait par Lui la vie éternelle ». Le salut, la vie éternelle, nous n’avons pas à l’obtenir par nos efforts et nos mérites. Elle est un don gratuit. Saint Paul le répète à l’envi dans ses Epîtres. Ce salut, cette vie éternelle que nous ne parvenons pas à conquérir par nos propres forces, nous est offert par le Christ qui l’a « mérité » pour nous. La foi c’est dire oui, j’accueille ce don. C’est dire oui avec mes lèvres, c’est dire oui 9


avec mon cœur, avec toute l’aspiration profonde de mon être, avec toute ma vie. Je crois, j’ouvre mon cœur, mon esprit, ma vie pour que la Vie (éternelle) puisse y être reçue et vécue. La foi est tout cela : mon acquiescement et l’écoulement en moi d’une vie qui vient de Dieu. C’est une nouvelle naissance. En ce sens la foi est ‘transformante’. Saint Thomas écrivait : « L’humanité du Christ dans sa passion est cause instrumentale de la justification et cette cause nous est appliquée spirituellement par la foi ». La foi est le canal par lequel les biens du salut nous sont transmis (Gal 3 ;26 ; Eph 8,8), elle nous unit au Christ. La foi est une vie La foi ne peut être limitée à une simple adhésion de l’esprit... C’est une vie nouvelle, une nouvelle manière de vivre. « Si elle ne produit pas des œuvres, les bonnes œuvres, notre foi est morte » écrit saint Jacques. Pour revenir à Claudel. Nous savons qu’après l’événement vécu en la cathédrale de Paris, à Noël 1886, la manière de vivre de Claudel n’était pas pour autant transformée. Toutes ses manières de penser

et d’agir héritées d’un passé incroyant restaient encore bien présentes en lui. Il lui fallait ensuite les transformer à la lumière et sous l’impulsion de ce qu’il avait reçu en la cathédrale et qu’il exprimait en disant : « Je crus ». La foi conduit l’homme à la conversion… jamais achevée. Au sens plénier du mot, le croyant est celui qui imprègne toujours davantage son mode de penser, de sentir, de vivre de cette vie nouvelle. Et la grâce de Dieu est à l’œuvre pour amener l’homme à une foi toujours plus totale, plus pure et plus parfaite. Conclusion Oui, comme le disait Claudel, « ils ont de la chance, heureux sont-ils,ceux qui croient ». Ils ne peuvent que remercier Dieu pour ce don immense, le sauvegarder, le nourrir et en vivre toujours davantage et en témoigner aussi longtemps qu’ils sont sur cette terre car, comme l’écrivait la Petite Thérèse, « nous n’avons que cette vie ici-bas, pour vivre de foi. » Jean Simonart

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Evangélisation

« L’Europe : Terre d’Evangélisation. » Réflexion et Témoignage personnel sur la question de la Nouvelle Evangélisation. D’emblée, il serait intéressant voire impératif de noter déjà ici que la vocation et la mission primordiale de l’Église est celle de l’annonce de la Bonne Nouvelle d’où, l’Évangélisation. C’est une tâche que l’Eglise ne s’est pas simplement arrogée mais c’est plutôt la mission que Jésus-Christ luimême confia à la communauté des hommes et des femmes qui revendiqueraient leur appartenance et leur attachement à Lui. Très explicitement, Il déclare : « Allez dans la monde entier, annoncer la Bonne Nouvelle ! » (cf. Mc 16 :15) Cette fameuse mission est supposée être constante et perpétuelle. Elle peut changer de forme mais le fond restera toujours le même : que Dieu nous aime et que nous devons nous aimer les uns les autres. (cf. Jn 15 :9&17) L’amour, tout le monde en a besoin à tout moment de la vie, surtout l’amour saint et incondi-

tionnel comme celui de Dieu notre père. Malheureusement, beaucoup d’entre nous aujourd’hui donnent l’impression de tourner le dos à ce message par nos manières de faire, d’agir et de vivre. Notre fameux thème de la Nouvelle Évangélisation « Europe : Terre d’Évangélisation », ne serait rien d’autre qu’un vivant (r)-appel au premier continent Évangélisateur de renouveler son amour en renouant avec sa foi en JésusChrist. En d’autre terme, c’est inviter l’Europe à se rappeler, et à re-témoigner de sa foi à l’exemple d’un couple fidèle qui renouvelle sans cesse son leitmotiv d’amour. Selon les statistiques, ce n’est qu’en Occident qu’on observe une déclinaison nette de la pratique religieuse chrétienne. « En 2010, le nombre global de catholiques dans le monde a atteint 1,2 milliard. En 20 ans, l´augmentation a été de 29%. L´Europe est le seul continent à enregistrer une baisse 11


de 1%. » . Alors, peut-on déjà affirmer que le désamour a commencé en Europe ? Peut-être que oui ! Peut être que non ; puisque jusqu’aujourd’hui bon nombre sont encore ceux qui se réclament de cette identité Catholique. Et le langage à la mode qu’on peut entendre aujourd’hui de part et d’autre est donc celui-ci : Je suis chrétien mais je ne pratique pas. Alors, peut-on dire vraiment qu’une foi peut se vivre sans se pratiquer ? Sans adhésion concrète et visible ? Comment peut-elle être exprimée en terme concret et vivant ? D’une part, croire en JésusChrist comme Messie du Dieu d’amour, c’est être disposé à aller vers l’autre comme Jésus luimême est venu vers les humains en prenant la condition humaine. En d’autre terme, la Nouvelle Évangélisation serait donc cette manière nouvelle d’aller vers l’autre et on doit le faire, surtout dans notre société actuelle où tout un chacun cherche égoïstement à se réaliser ou bien à se suffire sans l’autre, parfois même sans celle ou celui qu’on aime. Etre disciple du Christ (chrétien) c’est en fait être avec les autres, et c’est ce au nom de quoi l’Église nous rassemble.

Par ailleurs, il y a cette communauté des croyants car l’Église doit être prise en son sens prophétique et sacramentel du terme comme le souhaite le Concile du Vatican II, comment peut-on envisager alors notre appartenance au Christ sans adhésion à l’ensemble de cette communauté ? « L’Église comme sacrement est à fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain. » (cf. LG, 1). Cependant, la tentation serait forte pour moi de dire tout de suite qu’une foi qui ne se pratique pas est une foi qui ne se vit pas, et une foi qui ne se vit pas n’est rien d’autre qu’une foi qui n’annonce pas la Bonne Nouvelle, parce qu’elle ne va pas vers l’autre. La foi, c’est quelque chose qui se partage ; et c’est dans ce partage avec les autres qu’elle grandit et s’affermit. Parler aujourd’hui de l’Europe comme 12


Terre d’Évangélisation, c’est d’une part confronter les défis et/ou obstacles qui empêchent que la foi chrétienne grandisse, s’affermisse en Europe, bref c’est confronter tout ce qui obstrue le chrétien d’Europe d’aller vers l’autre pour être ensemble et parler de leur commune et joyeuse avent ure vers le Royaume de Dieu. Il est évident que la société dans laquelle nous vivons a une emprise très forte sur les gens. Cette société se révèlerait parfois même un peu trop envahissante et possessive. D’habitude, sous l’effet de (masse) foule, beaucoup de personnes se retrouvent souvent embarquées dans des barques sans aucune conviction réelle et profonde et toute personne qui entend ne pas suivre les mouvements de masse est souvent considérée comme étant en train de vouloir naviguer à contre-courant ou bien en marge de la société. Mais pourtant, naviguer à contre-courant n’est absolument pas une chose insensée. Il existe des valeurs incontestables comme celles véhiculées par l’Évangile, mais qui pourraient quelques fois se voir submergées

et noyées par d’autres valeurs éphémères. Sans surprise donc, beaucoup de choix chrétiens ont été très souvent considérés comme étant en décalage ou bien en marge de la société. Lorsque les individus sont tentés comme beaucoup aujourd’hui de se barricader, de s’isoler et chercher seul son chemin, il revient à ceux et celles qui se réclament chrétiens de montrer le contraire en témoignant du bien-fondé de la communion, le « Être avec les autres. » Faire ainsi ce serait sans doute aller à contre-courant mais cela mérite vraiment d’être fait. Les chrétiens d’Europe doivent redécouvrir la joie d’être ensemble comme communauté des croyants. Un tel 13


choix demande vraiment du courage et surtout de la détermination. En somme, on pourrait affirmer que la nouvelle Évangélisation en Europe serait de faire le choix de naviguer à contrecourant de l’effet de la masse. La question de la Nouvelle Évangélisation est sans doute confrontée aux défis théologiques, mais je trouve que dans le contexte européen, elle est beaucoup plus d’ordre pastoral que théologique. Comme pour toucher du doigt la réalité de l’Europe mais aussi celle d’ailleurs, je me permettrai d’affirmer que les réalités sociales et culturelles sont d’une influence non négligeable sur le choix et le comportement des personnes. Certaines pratiques et idéologies actuelles sont sans doute en train d’œuvrer contre l’esprit de communion en créant une fausse idée d’autosuffisance

démesurée ou bien d’une certaine forme d’individualisme exubérant. La Nouvelle Evangélisation devra répondre à la question suivante : comment faut-il atteindre les hommes et les femmes qui semblent donner l’impression de ne plus avoir (trop) besoin de quelque chose ou bien peut-être même de quelqu’un ? Et pourtant, il est évident pour beaucoup de personnes que pour mieux vivre et bien s’épanouir dans la vie, on a besoin les uns des autres, on a besoin d’être ensemble, et lorsqu’on se réunit librement au nom de l’amour, nous confessons que c’est Dieu qui nous rassemble, puisqu’Il est Lui-même Amour. P. Jean-Djosir Djopkang (smmm) Étudiant KUL - Belgique

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Prière

La foi La vertu que Notre Seigneur récompense, la vertu qu’il loue, c’est presque toujours la foi. Quelquefois, il loue l’amour, comme dans Magdeleine (Lc 7,47) ; quelquefois l’humilité, mais ces exemples sont rares ; c’est presque toujours la foi qui reçoit de lui récompense et louanges… Pourquoi ? Sans doute parce que la foi est la vertu, sinon la plus haute (la charité passe avant), du moins la plus importante, car elle est le fondement de toutes les autres, y compris la charité, et aussi parce qu’elle est la plus rare. Avoir vraiment la foi, la foi qui inspire toutes les actions, cette foi au surnaturel qui dépouille le monde de son masque et montre Dieu en toutes choses ; qui fait disparaître toute impossibilité ; qui fait que ces mots d’inquiétude, de péril, de crainte, n’ont plus de sens ; qui fait marcher dans la vie avec un calme, une paix, une joie profonde, comme un enfant à la main de sa mère ; qui établit l’âme dans un détachement si absolu de toutes les choses sensibles dont elle voit clairement le néant et la puérilité ; qui donne une telle confiance dans la prière, la confiance de l’enfant demandant une chose juste à son père ; cette foi qui nous montre que, « hors faire ce qui est agréable à Dieu, toute est mensonge » ; cette foi qui fait voir tout sous un autre jour – les hommes comme des images de Dieu – mon Dieu, donnez-la moi !

Bienheureux Charles de Foucauld 15


Spiritualité

Corps adorable de Jésus Le mystère de l'Incarnation dans le tourbillon des enjeux bioéthiques Comment se fait-il que tu aies voulu être un « plus pauvre parmi les pauvres », un presque rien, une cellule, fragile comme un souffle ? Habiter le corps d'une femme, devenir chair, inscrit dans la chair, corps embryonnaire, gravé dans une filiation humaine, et recevoir dans ta fragilité la vie des entrailles d'une mère. Et un nom. Et un visage. Comment se fait-il que tu te sois soumis aux lois du temps qui fait grandir ? Comment Celui qui est devient-il ? Le Donateur devient Don. De qui se reçoit-il, Celui qui donne tout ? “Et elle enfanta son fils premier-né. Elle l'emmaillota, et le coucha dans une crèche,”1 Comme tu nous ressembles, petit ! Ou plutôt... comme nous te ressemblons...! « Que ne m'es-tu un frère, allaité aux seins de ma mère » 2! N'avons-nous point goûté les mêmes angoisses, les mêmes fatigues, les mêmes souffrances, les mêmes joies ? Presque... Comment se fait-il, par quel mystère, dans quelle folie es-tu devenu chair ?... « Il est venu dans le monde, mais le monde ne l’a pas reconnu »3. Il y a eu le parfum de la myrrhe, l’or et l’encens, et des étrangers venus de loin pour t’adorer, mais les tiens ? Les tiens, comment n’ont-ils pas deviné ? Pourtant partout où tu passais, tu faisais le bien4. Saisi de compassion, tu guérissais les corps et les âmes, ressuscitais les morts, chassant les démons et répandant ta Parole dans les cœurs et les vies. La Loi et les prophètes : tout était en train de s'accomplir. 1

Lc 2,7.

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Ct 8,1.

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Jn 1,10b.

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cfr Ac 10,38.

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Mais alors, ...le donateur de la Loi pouvait-il être soumis aux lois ? Comment as-tu couru le risque de la vie, alors que ta mère aurait pu être lapidée à cause de son « oui » ? Et puis devant l'autre, celui qui pensait avoir autorité sur ta vie, pourquoi ne t'es-tu pas défendu, pourquoi n'astu pas répondu que tu étais la Vie, et cette Vérité qu'il cherchait dans tes yeux ? « Sans un mot, sans un cri, l'Agneau s'est laissé lier »5... Tu t'es laissé lier par l'amour d'abord, et “ayant aimé les (tiens) qui étaient dans le monde, (tu) les (aimas) jusqu'à la fin”6. Avec quelle tendresse tu leur as lavé les pieds, à ces pécheurs inconstants qui allaient cette nuit-même t'abandonner : comme une mère le corps de son bébé... Et comment se fait-il que tu aies ainsi livré ton corps, comme une transplantation de cœur à chaque fois et pour chacun : prenez et mangezen tous... Et comme si devenir un frère ne te suffisait pas, tu as voulu devenir « un époux de sang »7 toi qui fais alliance dans ton Sang... et tu l'as versé, dans un don sponsal, comme une transfusion d'amour et de vie dans nos vies vidées : prenez et buvez-en tous... Mais Celui qui s’est tout donné, « il est venu chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçu »8. Comment se fait-il que tu choisisses cette humanité pour épouse, avais-tu les yeux bandés ? On te les a bandés, ces yeux qui ont vu naître l'univers, et ton corps immaculé, on l'a roué d'une insatiable violence. Comme ces tout-petits à qui on refuse la vie. Et ta tête, qui est d'or pur fut couverte d'une rosée de sang9 mêlée de la sueur de l'agonie. Et toi, Verbe incréé, tu n'as pas ouvert la bouche ! Oh si, tu l'as ouverte... mais pour crier vers Dieu au nom de cette humanité blessée, pour lui donner ta mère, le paradis, et lui pardonner.... et tu as enfanté en ton corps crucifié et par ta parole, celle née de ton côté transpercé, comme Eve de la côte d'Adam. Chair de ma chair, os de mes os, elle sera appelée Eglise, celle-là... Et tu remis l'Esprit. Et « le noble Joseph ayant descendu du bois ton corps immaculé, l'enveloppa d'un linceul bien blanc, avec des aromates, lui ayant rendu les derniers de5 6

Hymne du vendredi Saint. Liturgie de la Communauté des Béatitudes 7 Jn 13,1. Ex 4,25. 8 Jn 1,11. 9Ct 5,2-3.

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voirs, il le déposa dans un tombeau neuf »10. De quels soins t'a-t-il donc entouré... Mais le shabbat commençant à luire, il n'a pas eu le temps de te laver. Heureusement qu'il y a eu les larmes de la pécheresse, et le nard pur de Marie. Ces femmes, elles t'avaient reconnu. Tu as été jusqu'au bout, et au-delà. Même dans l'extrême angoisse, tu n'as pas refusé l'agonie et la mort. Quelle dignité que cette vie que personne n'a pu prendre, mais qui a été donnée, livrée, jusque dans les bras de ce Joseph, qui, comme le charpentier, t'a recueilli et porté. Mais l'histoire ne s'arrête pas là. « Quels sont donc ces propos que vous échangez en marchant ? » Et ils s'arrêtèrent, le visage sombre. « Tu es bien le seul habitant de Jérusalem à ignorer ce qui y est arrivé ces jours-ci ! »11: Avortements, gender, lois contre le droit naturel, relativisme, manipulations génétiques, expérimentations sur les cellules souche embryonnaires, mariage pour tous, PMA, NMF, euthanasies et autres violences de tout genre. Alors il leur dit : « O cœurs sans intelligence, lents à croire à tout ce qu'ont annoncé les Prophètes »!12. Ayez la paix en moi. « Dans le monde vous aurez à souffrir. Mais gardez courage ! J'ai vaincu le monde. »13. Le troisième jour, il ressuscita des morts… Et en ton corps glorifié qui sent encore la myrrhe vierge, tu es monté au Ciel, Jésus, tu t’es assis à la droite du Père. Et puis, -oh ! Comment se fait-il?- tu as envoyé l'Esprit Saint pour que désormais toute chair devienne «temple de l'Esprit » et qu'en Lui tout homme enfin se reçoive, se donne, et se répande -ô mystère – comme la bonne odeur du Christ, le parfum ineffable d’un amour autre, d’un autre Christ parmi les siens... « Et moi je serai avec vous tous les jours, jusqu’à la fin des temps ».14 Joumana Khalil. Communauté des Béatitudes

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Hymne Byzantine.

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Lc 24,17-18.

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Lc 24,25.

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Jn 16,33.

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Mt 28,20

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Temps Liturgique

Il est Vivant ... pour que l’on Vive Au terme de notre chemin de carême, nous voici arrivé au jour de Pâques. La résurrection ! La Vie plus forte que tout. Les forces du mal et les souffrances auraient bien voulu anéantir la vie dans la mort. Mais non, oh mort, où est ta victoire ? Certes, le Vendredi Saint, la victoire de la mort semblait bien réelle et présente … mais à présent, où est cette victoire ? Si le mal remporte un combat, il ne remporte pas la guerre. Le combat final c’est Dieu qui le remporte et Dieu est toujours du côté du bien et de la Vie. C’est Pâques ! Déjà dès le livre de la Genèse au chapitre 3 verset 15, cela se trouve inscrit lorsque YHWH

s’adresse au serpent après la ‘chute’ : « Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ton lignage et le sien. Il t’écrasera la tête, et tu l’atteindras au talon ». Qui est la nouvelle Eve ? Marie. Qui trouve-t-on dans son lignage ? Jésus. Oui, Jésus au matin de Pâques, par sa résurrection, écrase le mal et sa conséquence ultime qu’est la mort, à la tête, à la racine. Certes, nous expérimentons combien, si le mal est vaincu, il en reste des traces bien présentes au cœur de notre monde et en nous-mêmes ; il nous atteint au talon. Mais vaincu une fois pour toutes, jamais il n’aura le dernier mot. Nous sommes invités à mettre notre 19


foi en un Dieu qui est Dieu de Vie jusque-là, au-delà des apparences de victoire du mal telles qu’on peut parfois les constater. Exactement comme nous sommes invités à mettre notre foi en la résurrection du Christ au-delà des apparences trompeuses qui semblent donner la victoire de la guerre au mal et à la mort, semblant être définitive, de Jésus sur la croix !

Confiance et espérance Quelle source de confiance et d’espérance pour vous, pour moi, pour notre monde, notre société. La Vie plus forte que tout ! Certes, ce n’est pas une invitation à nous ‘laisser aller’ en se disant que de toute façon Dieu rattrapera tout cela ! Non, n’oublions pas que la fête de Pâques se vit après un carême de 40 jours. Temps qui revient chaque année et nous rappelle combien le chrétien que nous sommes est invité, conduit par l’Esprit, à se laisser toujours davantage convertir par le Seigneur. Nous sommes donc, avec nos richesses et pauvretés, conviés à vivre tout notre chemin de vie dans un incessant mouvement de conversion nous détournant, avec l’aide de Dieu, du vieil homme afin de revêtir

l’homme nouveau. Mais revêtir l’homme nouveau n’est-ce pas aussi revêtir l’Homme nouveau en la personne du Fils de Dieu ressuscité. Le laisser nous rejoindre et nous ‘habiller’ de sa présence, n’est-ce pas le signe du vêtement baptismal. Se laisser habiller de la présence du ressuscité, c’est ce à quoi seront invités les disciples au soir de la résurrection, lorsqu’ils sont rejoints par Jésus alors qu’ils avaient verrouillés toutes les portes par peur des juifs. Jn 20, 19 : « Jésus vint, il se tint au milieu d’eux … ». Ainsi le Ressuscité est celui qui fait sauter les verrous de nos peurs, il nous rejoint dans l’aujourd’hui de notre vie et le premier don qu’il nous accorde, comme à ses disciples de l’époque, c’est sa paix. Jn 20, 19 : « … et il leur dit : ‘la PAIX soit avec vous’ ». Cette paix, Jésus sait que nous en avons un tel besoin au cœur de ce que nous vivons dans nos parcours de vies pas toujours faciles, parfois stressants et angoissants. Comme pour les disciples de l’époque, n’oublions jamais que si Jésus ressuscité nous rejoint, c’est toujours pour nous apporter un surcroît de vie, c’est pour20


quoi au cœur de ce que l’on vit il nous offre sa paix. Mais il fait encore deux autres cadeaux à ses disciples à ce moment-là : il leur confie une mission. Jn 20, 21 : « Comme le Père m’a envoyé, à mon tour je vous envoie ». Le Ressuscité nous fait donc sortir de nos enfermements pour ‘aller vers’. Il leur donne ensuite le nécessaire pour accomplir cette mission : « Ayant ainsi parlé il souffla sur eux et leur dit ‘recevez l’EspritSaint’ » Jn 20,22. Au baptême et à la confirmation nous avons non seulement reçu l’EspritSaint mais en avons été marqués, comme d’un don de Dieu qui est présence et force en vue de notre agir et mission de chrétien.

Remarquons que la teneur de la mission qui leur est confiée est précisément de témoigner de la miséricorde de Dieu auprès de ceux qui sont englués dans le péché, et de cette responsabilité d’offrir cette miséricorde : « ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. Ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus » Jn 20, 23. Que tes œuvres sont grandes, Seigneur, Dieu de l’univers. Et quel prix chaque être humain a pour Toi ! « Qui donc est l’homme pour que tu penses à lui ; le fils d’un homme que tu en prennes souci ? » Jean-Marc de Terwangne

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Hagiographie

Maurice : martyr africain devenu saint européen Les Suisses aiment pratiquer la randonnée ou skier sur les pentes des Alpes dans le beau canton du Valais. Combien savent -ils du drame qui se déroulait il y a 1500 ans au fond de la vallée, à son entrée, là où la montagne se resserre et la rivière du Rhône arrive juste à passer entre les pentes rocheuses ? Juste là, sur les prés qui s’ouvrent après le passage difficile, les 6600 hommes d’une légion romaine, avec à leur tête Maurice, secondé par deux officiers, Exupère et Candide, tous africains, tous chrétiens, tous sont passés par le

fil de l’épée car ils ont refusé d’abjurer leur foi au Christ.1 Dans sa fureur, Maximilien ignore que son geste sanctifie cette terre helvétique au cœur de l’Europe, cette terre maintenant gorgée de tant de sang, d’un sang chrétien, venu d’Afrique, du Haut Nil, de Thèbes. La date exacte n’est pas connue, mais c’est probablement après l’Edit de persécution des chrétiens en 303 (il y a juste 1700 ans2). Ces valeureux guerriers avaient-ils refusé de persécuter d’autres chrétiens ou de sacrifier aux dieux païens avant le combat, l’on ne le sait exactement.

1

Voir le récit de Saint Eucher, évêque de Lyon, vers 435, à lire : http://www.patristique.org/ Passion-des-martyrs-d-Agaune.html 2 http://www.abbaye1500.ch/

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Ce qui est sûr c’est que, vers 370, Théodore, évêque d’Octodure (aujourd’hui Martigny), a institué le culte en l’honneur des martyrs thébains. Le 22 septembre 515, un monastère fut fondé à l’emplacement du martyre par Saint Sigismond, fils du roi des burgondes. L’Abbé saint Ambroise y édifia une basilique contiguë au sanctuaire primitif. L’on y inaugura pour la première fois en Occident la « Laus perennis », la louange perpétuelle,

chantée sur le tombeau des martyrs. Cela dura deux siècles. Au IX siècle, les chanoines succèdent aux moines pour garder le sanctuaire et accueillir les nombreux pèlerins. Dès l’an 1128, ils adoptent la règle de Saint Augustin, un autre saint africain. Centre spirituel renommé, l’Abbaye abrite une congré3 4

gation de chanoines réguliers de Saint Augustin, active dans la liturgie, le ministère des paroisses, l’enseignement et les missions. La communauté compte actuellement 48 religieux. L’Abbaye abrite un Trésor, un site archéologique et d’inestimables archives, riches de milliers de documents3. Fleuron de l’Abbaye, le Collège de Saint-Maurice accueille aujourd’hui près de 1000 étudiants qui se préparent aux études universitaires par l’obtention d’un certificat de maturité. L’abbé y a rang d’évêque. Cette charge est revêtue depuis 1999 par Monseigneur Joseph Roduit qui écrit sur le site de l’Abbaye : « Au compte du temps qui passe, il y aura 547.875 jours, le 22 septembre 2015, que notre Abbaye n’a jamais fermé ses portes. Veilleur humble et fragile dans un monde en continuelle mutation, l’Abbaye de SaintMaurice est le témoin vivant et vivace, à travers l’histoire, de la vitalité, de l’actualité du message chrétien ».4 Ce qui est particulier et qui frappe lorsque l’on se penche sur Saint Maurice et ses compagnons, c’est le dramatique de cet événement, de cette foule de soldats qui se laissent massacrer, comme un troupeau d’agneaux que l’on

http://www.abbaye-stmaurice.ch/abbaye.html http://www.abbaye-stmaurice.ch/

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égorge, sans un cri, cette détermination à ne pas faiblir, ce courage et ce calme devant la fureur et la rage d’un Empereur tout puissant. Ce carnage impitoyable, barbare, qui par vagues de décimations laisse de plus en plus à ceux qui attendent leur tour le temps de l’épreuve, qui peut conduire à l’hésitation, la peur, le recul. Mais c’est au contraire la détermination qui se renforce, l’exemple des premiers stimule les derniers, rendant le romain fou de rage. C’est long de tuer plus de 6600 hommes et en même temps cela se fait si vite. Une légion d’hommes jeunes et plein de vie, puis plus rien, le silence… Folie et scandale de la croix. Et puis, pendant des siècles, cette forêt de bois mort donne tant de si beaux fruits. Comment comprendre que des soldats, armés, faits pour combattre, blesser et tuer, en quelques heures donnent pacifi-

quement leur vie ? Pouvaient-ils imaginer lorsqu’ils quittaient leur terre natale le sort qui les attendaient tous dans ce défilé helvétique ? Il leur a d’abord fallu partir de chez eux, quitter les leurs, se lancer dans une longue marche, tant de distance à parcourir, et puis tout a basculé d’un coup. C’est contre l’Empereur qu’ils servent qu’il faut se rebeller, pacifiquement : abandonner l’Empire et ses idoles pour le Paradis et ses anges. Quelle leçon pour notre monde d’aujourd’hui. Tous ces légionnaires donnent leur vie sans gloire ni récompense, dans un anonymat parfait. Pas d’exaltation de l’individu, seul le nom Maurice est resté qui exhortait ses soldats à résister vaillamment aux menaces de Maximilien et attendait de mourir en dernier. Mais le sacrifice des 6600 autres n’a pas été moindre. Ils ont partagé la même foi, la même obéissance à l’appel au dépassement et tous se sont sacrifiés « d’un même cœur ». L’ennemi n’est pas l’Empereur, la montagne qui nous domine, mais la vallée, le fond de notre cœur, où se tapit la peur, la lâcheté, le calcul, les aspirations humaines. Nous aussi nous sommes appelés à la longue marche de notre vie. Nous aussi servons l’Empereur de ce monde. Nous aussi devons quitter les nôtres et toutes nos certitudes, toutes les idoles, quand l’appel de l’au delà se fait 24


entendre, un appel à nous dépasser en abandonnant tout ce que nous avons ici, sans avoir le temps de dire au revoir aux nôtres, à suivre le Christ, à le rejoindre, à mourir à nous-mêmes, à livrer ce combat de la vie, avec d’autres, être une petite pierre dans l’édifice chrétien, dans l’anonymat. Saint Maurice est aujourd’hui un lieu de mémoire de ce que la Suisse mais aussi l’Europe doit à l’Afrique. Car il y a dans la divine Providence, le mystère de la fraternité universelle. C’est par des africains venus du Haut Nil que les semences du christianisme sont parvenues en Helvétie. Les historiens ont toujours relevé combien l’empire romain a été favorable pour la dissémination du christianisme, mais n’oublions pas que ce fut pendant longtemps par le biais des persécutions. Cette légion thébaine, passée chez nous, en serait repartie sans que rien ne se passe, si la folie barbare n’avait pas fait couler leur sang sur notre terre. Et que se serait-il passé si Maurice et ses compagnons s’étaient dérobés à l’épreuve et avaient apostasié ? Nous n’aurions pas reçu, si tôt et pour si longtemps, la connaissance et les fruits de la Passion du Christ... Le bienheureux John Henry Newman n’at-il pas relevé que « dès le début, 5

le sang des martyrs fut la semence de l’Eglise »5. Par le sacrifice de leurs vies, ces chrétiens africains ont été alors les porteurs d’une foi que les missionnaires européens ont bien plus tard disséminée en Afrique. Les africains sont venus les premiers en Europe et, en martyrs, ils nous sont restés. Ils nous reviennent aujourd’hui. Dans tant de nos paroisses, nous voyons de plus en plus le visage de prêtres africains. Nous voulons ici leur manifester toute notre reconnaissance. Saint Maurice est le saint patron des gardes suisses du Pape. Il est le saint militaire par excellence. Il est fêté le 22 septembre. Représenté souvent avec une lance, il apparaît comme un vrai guerrier du Christ. Car c’est un véritable combat spirituel qu’il a accompli et dont il est sorti grand vainqueur avec ses 6600 fantassins ! Si, vous aussi, vous voulez vous enrôler comme fantassin du Christ, n’hésitez pas à prier Saint Maurice ! William Frei Ancien élève du Collège Saint Maurice

Sermons paroissiaux, Paris, Cerf, t.2, 1993, « le martyre », p. 47-54

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Prière du Fantassin à Saint Maurice Ô Saint Maurice valeureux officier de la légion thébaine, tu n'as pas craint d'affronter la mort plutôt que de renoncer à ta foi. Tu as su conforter le courage de tes compagnons d'arme, qui t'ont suivi sur le chemin des martyrs. Ecoute aujourd'hui notre prière et daigne intercéder en notre faveur auprès du Christ-Seigneur, toi qui est le saint patron des fantassins : Que le Christ nous fortifie afin que nous soyons endurants dans les longues marches, ardents au combats, calmes et déterminés dans l'action. Que le Christ nous éclaire afin que nous gardions un cœur radieux avec les ennemis, paisible face à la mort, reconnaissant face au don de la vie, toujours espérant et fidèle, rempli de la joie de servir. Amen 26


Spiritualité

Maison des familles : une Maison « habitée ». 1 Co 6, 12-20 : “Tout m'est permis” ; mais tout n'est pas profitable. “Tout m'est permis” ; mais je ne me laisserai, moi, dominer par rien.13 Les aliments sont pour le ventre et le ventre pour les aliments, et Dieu détruira ceux-ci comme celui-là. Mais le corps n'est pas pour la fornication ; il est pour le Seigneur, et le Seigneur pour le corps. 14 Et Dieu, qui a ressuscité le Seigneur, nous ressuscitera, nous aussi, par sa puissance. 15 Ne savez-vous pas que vos corps sont des membres du Christ ? Et j'irais prendre les membres du Christ pour en faire des membres de prostituée !

Jamais de la vie ! 16 Ou bien ne savez-vous pas que celui qui s'unit à la prostituée n'est avec elle qu'un seul corps ? Car il est dit : Les deux ne seront qu'une seule chair. 17 Celui qui s'unit au Seigneur, au contraire, n'est avec lui qu'un seul esprit. 18 Fuyez la fornication ! Tout péché que l'homme peut commettre est extérieur à son corps ; celui qui fornique, lui, pèche contre son propre corps. 19 Ou bien ne savezvous pas que votre corps est un temple du Saint Esprit, qui est en vous et que vous tenez de Dieu ? Et que vous ne vous appartenez pas ? 20 Vous avez été bel et bien ache27


tés ! Glorifiez donc Dieu dans votre corps. »

signification. Il a un poids historique. Il est finalisé à l’amour.

Les épitres adressées aux membres de la communauté de Corinthe sont très directes. Le langage n’est pas feutré, surtout quand Paul parle des relations sexuelles et quand il parle de rendre gloire à Dieu dans notre corps. Le contexte culturel et religieux explique cette rudesse car les chrétiens étaient confrontés à la prostitution sacrée. Ils étaient également confrontés à un certain hédonisme ou à une relativisation du corps et de la sexualité : « Jouissons de tous les plaisirs du corps puisque ce n’est pas lui que nous emporterons dans la vie éternelle ». Telle était la mentalité de certains. Au contraire, dira Paul ! Le corps est un lieu incontournable de l’action pour Dieu ou de l’action de Dieu : et la sexualité a des significations à intégrer dans le plan de salut. Les formules qui nous disent ce qu’est le corps pour Paul n’en ont que plus de valeur et de force (v. 13.15.19). Paul cherche à montrer que le corps n’est pas fait pour ce qui est éphémère et sans valeur, que le corps n’est pas finalisé à de pures passions et à la débauche. Non ! Le corps est « ordonné » au Seigneur. Il a une

Au livre de la Genèse, il est dit que l’homme est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Homme et femme, il les créa (Gn 2, 27). Lorsque l’on affirme dans la tradition judéochrétienne que l’homme transcende le monde animal et qu’en lui nous avons une image de Dieu, il convient de comprendre deux choses : l’homme est le seul à donner dans l’univers une telle image de Dieu. Il a une mission unique, privilégiée, incomparable à tout autre être dans la création. Cette image, c’est l’homme ou la femme dans leur individualité. Mais c’est aussi l’homme et la femme : dans leur union, dans l’unité d’un couple. Cette image et cette ressemblance se voient dans l’unité de la personne individuelle, masculine et féminine. Bien sûr, la différence entre l’homme et l’animal s’atteste dans sa capacité réflexive qui lui permet de réfléchir et de nommer les animaux, mais aussi dans la manière dont sa personne est à la fois « corps et esprit » et se distingue ainsi du 28


milieu qui l’environne. Nous ressemblons de près ou de loin aux animaux qui nous entourent, mais tous les phénomènes physiques, psychiques de notre corps sont qualifiés par le cœur et l’âme propre à chaque personne. Le manger et le boire, le sexué et le sexuel suivent des règles biologiques, mais ils sont transformés dans l’unité personnelle : dans la conscience et la liberté que chaque être humain est. Nous ne sommes pas que « nature », mais aussi « culture ». Nous ne mangeons pas seulement pour survivre, mais pour faire amitié et pour accueillir autrui. Nous ne sommes pas soumis uniquement aux pulsions et à l’instinct, mais nous aimons à travers la beauté de la sexualité. Paul va encore plus loin dans son enseignement. Le corps est pour lui un lieu éthique : Il est fait pour aimer, pour glorifier Dieu,

pour faire le bien. Car nous sommes libres d’aimer comme Dieu nous a aimés. Et nous aimons toujours en notre corps sexué. Notre corps a acquis un statut « nouveau » par la venue du Christ en notre chair. Le Christ lui a donné un statut particulier puisque Dieu s’est fait homme. L’incarnation inscrit une « nouveauté » dans l’histoire des hommes et de leurs relations avec Dieu. Le corps humain devient non seulement un lieu de ressemblance mais de présence divine. Le Christ habite le corps. Nous sommes dans le corps du Christ. Nous habitons en son corps, par notre corps. Nous sommes ses « membres ». Paul nous l’indique de manière sobre et brève : le corps n’est pas que pour le plaisir ni pour l’éphémère. Il est pour la résurrection puisque le Christ nous a montré le chemin en ressuscitant (« vous avez été bel et bien rachetés »). Déjà, de manière naturelle, nous ressentons que la vie est en nos corps : éveil, force, sexualité, désirs, santé. Mais plus encore, la vie éternelle est déjà là par la puissance du ressuscité en notre corps personnel. 29


En notre unité personnelle, nous sommes « membres » du Christ : nous agissons avec Lui, par Lui, en Lui (v.15). Nous le représentons en quelque sorte dans l’univers créé, et dans l’histoire. Rappelons-nous ces divers modes de la présence divine du Christ auprès de nous. La personne de Jésus est à la fois présente au ciel (corps glorifié), sur la terre (corps historique), dans le pain et le vin (corps sacramentel) mais aussi dans le corps que nous sommes et que nous formons (l’Eglise des baptisés). Ainsi ce qui nous arrive en notre corps personnel et dans la communauté familiale par exemple, touche le corps du Christ et le concerne. Avec raison, nous protégeons notre intimité par la pudeur, le respect, le souci de la santé car nous savons que l’intimité sexuée dit quelque chose de nous-mêmes, mais elle dit quelque chose aussi de notre appartenance au Christ. Ce qui est privé et intérieur, discrètement, n’est pas en dehors du Christ. Les décisions personnelles que nous prenons en couple pour nous aimer, pour nous ouvrir à la fécondité, pour nous respecter et admirer dans la différence sexuelle concerne le corps du Christ. D’où, chez Paul, l’argumentation forte de la prostituée : com-

ment et pourquoi s’unir par la chair, sans amour, avec une femme qui n’est pas la sienne et pour ne pas aimer (v. 16) ? Alors que nous sommes appelés à aimer en notre corps ? Pour Paul, c’est absurde et dangereux pour l’identité de la personne. D’où la question qui interpelle : quel type d’union sexuelle, corporelle, et donc spirituelle et ecclésiale voulons-nous et pouvonsnous vivre : être unis au Christ ou à une prostituée ? Le corps est le lieu de l’intériorité : il dit l’amour mutuel ou pas. Il dit

l’union au Christ ou pas. Car l’horizon d’une telle réflexion est le suivant : ils ne feront qu’une seule chair (Gn 2,24). Ce rappel de la Création et de la Genèse est décisif : le projet de Dieu vise une union et une unité précieuse entre l’homme et la 30


femme. L’acte conjugal est un lieu d’unité, une preuve d’un amour qui construit et qui fait du bien. L’acte conjugal est le lieu d’une présence particulière des époux au Christ et d’une présence particulière du Christ aux époux. Il est gracieux non pas parce qu’il est bien fait et posé par des corps jeunes et beaux, mais parce qu’il est le lieu d’une grâce, d’un don, d’une vérité de l’amour. Sa fécondité est large et dépasse le nombre des enfants. L’amour est ample et passe par la mise en communion dans les corps et aussi par l’abstention de l’union des corps. Car les personnes ne sont pas toujours prêtes à se donner de cette manière, même dans un couple. De fait, le critère reste la liberté interpersonnelle qui perçoit, qui désire communier au Christ par le corps. On peut s’aimer en s’unissant charnellement. On peut s’aimer en s’abstenant de s’unir charnellement parce que cela ne convient pas ou parce que, dirait Jean-Paul II, il convient d’harmoniser le langage du corps féminin, le langage du corps masculin et les intentions des époux. Paul procède par interroga-

tion, comme pour rappeler vigoureusement ce que savent déjà les corinthiens : ne savez-vous pas (v.15.16.19) ? Bien sûr, il y a des vérités de l’amour qui sont inscrites comme naturellement dans les corps. Mais parfois, nous les négligeons ou bien nous n’en avons plus la même conscience vive. Ainsi cette interrogation pour aboutir à une merveilleuse et forte affirmation : votre corps est un temple de l’Esprit qui est en vous et que vous tenez de Dieu (v.19). Le vocabulaire peut déjà nous surprendre et nous enseigner. Le mot « temple » nous dit la valeur attachée au corps personnel. Le corps est une maison particulière : habité par nous, mais aussi habitée par Dieu. C’est l’Esprit, qui discrètement, est le locataire plein d’amour qui nous maintient dans la vie de Dieu. Et cette maison particulière est un lieu de prière, d’offrande, de communion entre l’homme et Dieu. Le temple est le lieu où l’on honore la présence d’un plus grand que soi. Ainsi, nous aimons et nous prions Dieu par notre corps, en chacun de ses actes. Et les actes qui engagent notre sexualité ont une valeur particulière : ils sont 31


offrandes d’amour, vulnérabilité, transparence, ouverture à l’autre mais particulièrement à l’Autre qu’est Dieu. Nous pensons spontanément que nous pouvons prier par notre

corps, en joignant les mains, en nous mettant à genoux : les gestes explicites d’une prière. Mais tout en notre corps peut être prière puisque toutes nos actions de la vie ordinaire manifestent une présence de Dieu dans l’histoire des hommes. Les gestes de tendresse, les paroles et les gestes qui sont liées à notre sexualité, sont également des lieux d’offrande, de prière, de sanctification mutuelle. Il n’y a pas un « no mans land » de l’absence de Dieu dans ce qu’il y a de plus beau, de plus intime, de plus significatif pour nous du lien conjugal : Dieu est présent également dans cette intime union. Paul insiste sur ce point : il y a des choses extérieures qui n’atteignent pas l’homme de la même manière que ce qui touche la sexualité (v.18). Mais ce qui nous lie au masculin,

au féminin, au conjugal de la promesse du mariage, est un lieu où nous disons « oui » ou « non » au plan de Dieu. Ce n’est pas extérieur à nous ou purement superficiel. Le corps et la sexualité, pour Paul qui traduit pour nous le plan de Dieu, ne sont pas des lieux « neutres » ou « indifférents ». Ils sont toujours des lieux d’engagements de notre liberté. Cette vision profonde et positive du corps comme « lieu habité » nous indique une mission et une aptitude. Les couples, dans l’union du mariage et dans les actes qui engagent leur corps, peuvent honorer Dieu, le glorifier, lui rendre grâce. Ce n’est pas le couvent ou le monastère ou l’église paroissiale, qui sont les lieux les plus proches et les plus immédiats pour se sanctifier : c’est la petite église qu’ils forment ensemble en leur corps, dans le respect de leurs différences, quel que soit leur âge. Le chemin de sanctification mutuelle n’est pas très loin. Le plus proche prochain d’un homme marié, c’est sa femme, et réciproquement. Il y a là comme une ouverture, un chemin, une piste de lumière pour de nombreux couples et familles. Père Alain Mattheeuws, j.s. 32


Témoins

Blaise Pascal 1623 1623--1662 On ne voit souvent en Pascal que le mathématicien, ou le moraliste ou le Janséniste. En vérité, oui, Blaise Pascal a laissé différents traités scientifiques, les « Pensées » regorgent de considérations sur la condition humaine, et les fameuses « Provinciales » sont une défense d’un familier des PortRoyal et des Jansénistes, Antoine Arnauld, contre les attaques des Jésuites. Mais cela ne donne qu’une série d’affiches. De fait, la science, la philosophie, la polémique même, à quoi il faut ajouter la dimension proprement spirituelle, voire mystique, du « Mémorial », sont diverses facettes de la personnalité de Blaise. Pascal est tout cela. Il a vécu la contention d’esprit

qu’exige au fils d’Etienne la découverte des points de départ de la géométrie d’Euclide. Il a ressenti un premier ébranlement spirituel au contact de deux fervents jansénistes ; il a vécu le divertissement qui l’éloignait de la « religion » ; il a vraiment accompagné sa sœur Jacqueline au couvent de PortRoyal ; il a débordé de ferveur religieuse tout est restant un redoutable argumentateur. Pascal est parfaitement conscient de l’état de la société de son temps mais défend le Pouvoir dans son principe de réalité. Pascal est tout sauf un utopiste ni un révolutionnaire, et pourtant il reste intérieurement libre. Son obéissance va à Dieu et à son confesseur ; sa loyauté va aux 33


autorités légitimes. Mais les scruter, chicaner sur le fondement de leur légitimité est déjà une source de troubles. Pascal est fameux pour ces traits de génie que sont le « roseau pensant », le « silence éternel des espaces infinis » ; il ne l’est pas moins pour les longues tirades qui rappellent Descartes et ses ondoiements de pensée ; il est indépassables dans sa théorie de l’imagination : «partie décevante dans l’homme, cette maîtresse d’erreur et de fausseté… » (Br. 82). Mais on est souvent passé à côté de ce qui est le noyau structurant de la philosophie pascalienne : la théorie des trois ordres. Il y a trois ordres de choses : les corps physiques, les esprits, la charité : il y a l’inclination de l’homme vers les choses matérielles et charnelles ; puis son goût pour les choses de l’intelligence et pour la spéculation rationnelle ; il y a enfin le désir des

choses spirituelles, de la religion. Voilà, en quelque sorte le contenu des trois ordres et leur traduction en terme de psychologie. Mais il y a, plus formellement pourrait-on dire, que les corps et l’esprit sont tout à la fois incomparables et qu’ils forment ensemble le monde fini, infiniment distant des choses divines. Et le monde fini recèle à son tour les deux infinis physiques de l’infiniment petit des particules subatomiques et de l’infiniment grand des galaxies inexplorables ; et, en l’homme, les contraires de la misère sans Dieu et du bonheur avec Dieu ; et en Dieu, les deux extrêmes de son Abscondité et de sa très visible Incarnation. L’homme est comme l’abrégé de ses divers infinis. Il n’est ni ange ni bête, ni esprit pur ni purement animal. Mais non seulement il est l’un et l’autre : il a un corps charnel, il possède un esprit intelligent, et il est doué d’une âme faite par et pour Dieu. Mais par un Dieu qui lui-même se fait chaire et nous enseigne des choses qui donnent à penser. Pascal se fait théologien, exégète, lorsqu’il réfléchit sur les Ecritures, la Loi et les Prophètes. Il met son intelligence au service de sa foi comme il mettra ses der34


nières forces au service des pauvres.

s’attira les foudres mouillées de Voltaire.

La raison n’est donc jamais écartée sous la pression de la grâce. Pascal en fait un usage critique lorsqu’il s’agit des habitudes humaines et du cours des opinions ; il en fait un usage réglé dans les choses de la science (mathématique ou physique) ; il en fait un usage d’obéissance dans l’interprétation des Ecritures. Seul l’orgueil et la présomption méritent cette injonction cinglante : « Abêtissez-vous… », qui

Il y a un bon usage de la raison comme il y a un bon usage des maladies… Et il y a des misères qui prouvent la grandeur : « Ce sont misères de grand seigneur, misères d’un roi dépossédé. » (Br. 398) Fabuleux paradoxes qui torturent la raison sans jamais la congédier.

Philibert Secretan

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Sentence des Pères du désert

Un ancien allait vendre ses corbeilles. Le démon l’ayant rencontré, les fit disparaître. L’ancien se mit en prière et dit : « Je te remercie, ô Dieu, de m’avoir délivré de la tentation. » Le démon ne supportant pas la philosophie de l’ancien se mit à crier et à dire : « Voilà tes corbeilles, mauvais vieillard ! » L’ancien les prit et les vendit.

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Recension

Au nom d'une passion de Thérèse Nadeau-Lacour Editions Artège, 288 pages, 24 €

Au nom d'une passion est un collectif sous la direction de Mme Thérèse Nadeau-Lacour; les auteurs ont tenté de montrer comment vie spirituelle et évangélisation sont la face et l'envers d'une même pièce. L'évangélisation est spirituelle dès sa source, dans son développement et dans ses fruits! Après une première partie sur saint Paul, l'apôtre des nations, une série de notices sur de grandes figures de sainteté (avec des états de vie, des époques et des milieux différents) traversent les siècles. On retrouve constamment les thèmes fondamentaux que résume l'épilogue de l'ouvrage. N'hésitez pas à faire connaître autour de vous la parution de cet ouvrage tonique !

Vincent Siret

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