PARTIE II:
LE PATRIMOINE OUBLIE
Introduction
Pourquoi se souvenir ai-je demandé ?
Ne serait-t-il plus utile de porter le poids d’investissement sur le futur à inventer que sur le passé à conserver et laisser le temps faire son œuvre?
Parler du souvenir collectif nous renvoie à notre identité, notre héritage et notre histoire, un tout qui se manifeste entre autre dans le patrimoine. Vu ces propriétés intentionnelles et axiologiques le patrimoine est une œuvre chargée de valeurs multiples sur des plans diversifiés et se souvenir de lui demeure un devoir impératif catégorique. Ce besoin de se remémorer de son souvenir réside éventuellement dans l’importance de cet héritage en termes de cohésion entre les peuples, de jouissance entre les civilisations ou encore la visualisation du progrès et de la modernité qui ne peuvent se construire que sur ses traces et en faisant d’elles le soubassement de l’évolution.
A quel point la société tunisienne se souvient-t-elle de ce patrimoine ?
Chapitre III : le patrimoine national, victime d’oubli
La visite archéologique prolonge certains dans une traversée atemporelle et demeure le siège de fantasmes et de provocations où se dessine l’irrésistible envie de retrouver le souvenir du passé. Pour d’autres, le rapport avec l’archéologie est différent dans la mesure où elle est le siège de l’oubli, un oubli qui a le goût de l’inessentiel et de la marginalité. Qu’est ce qui est à l’origine de cet oubli ?
L’architecture, pour atteindre une certaine grandeur doit être oubliée. C’est à l’oubli, dans ce cas, de rendre pertinent la formation et la constitution de la trace du passé, il la dote de sa forme primitive. En l’absence de cet oubli, le patrimoine n’aura jamais été évoqué comme tel aux époques précédentes. On ne parle pas de ce patrimoine qui a été oublié pour être plus tard retrouvé, où l’oubli est une des conditions de sa formation, mais on parle plutôt de celui qui a été retrouvé pour être oublié et délaissé. L’état actuel du patrimoine en Tunisie est critique, il nous affirme qu’il a été victime d’un double oubli, celui de l’état et celui de la société. Comment se manifeste ce souvenir oublié du patrimoine ?
À part les spécialistes et certains amateurs qui s’intéressent au patrimoine, une relation de rupture ou même de refus s’établit entre l’homme et la compréhension , la mémorisation et la réappropriation de cette relique. Pour certains le patrimoine archéologique change de vocation et se transforme en un espace de transition d’un espace à un autre ou à un terrain pour le berger qui fait paître son troupeau, pour d’autres il est réduit à un ensemble de pierres délaissées et avides de sens et pour les gangs de commerces d’antiquité ce dernier constitue un terrain fertile de trésor et de fortunes qui demeure ainsi une victime de campagne de fouilles aléatoires menaçant son intégrité et son authenticité. Une telle absence de la prise de conscience patrimoniale, et une telle attitude de déracinement, d’indifférence face à ce patrimoine ainsi que la volonté même de l’éliminer et le détruire ne peuvent être justifiés que par le fait qu’il n’a pas été bien compris suffisamment pour être utilisé.
Est-ce la faute du citoyen ou de l’état ?
L’état intervient dans la supervision du patrimoine et vise sa protection et sa mise en valeur entre autre à travers l’opération de classement qui elle-même ne suffit pas pour entretenir le souvenir collectif. D’une part elle ne garantit pas totalement la protection d’un site, la preuve on se retrouve face à des traces de mosaïques romaines à la périphérie de certaines maisons situées sur la limite du site archéologique de Carthage. Bien qu’il soit classé à l’échelle internationale, des permis de bâtir qui ne respectent pas les servitudes urbaines ont été attribués.
Une telle attitude est révélatrice du déséquilibre de la politique de gestion établie par l’état. D’autre part classer certains sites signifie leur accorder plus d’intention que d’autres, ce qui mène à la contribution indirecte à la marginalisation et à la mise à l’écart d’autres sites qui seront voués à l’oubli ou encore qui seront méconnus.
Ainsi plusieurs sites se retrouvent dans une situation critique : délabrés, non entretenus et donc menacés. On peut prendre à titre d’exemple le site archéologique de Sabra al-Mansouria à Kairouan dont la superficie a été réduite de moitié en raison de l’étalement urbain. Des sites tel que Thignica, Chemtou, Thuberbo Majus, Pheradi Majus et d’autres village tel que El zriba el olya ,Takrouna et jardou ont été oubliés en faisant la comparaison avec le site archéologique de Dougga.
En outre ce déséquilibre au niveau du model gestionnaire du patrimoine, sa médiatisation pose un problème. Bien qu’on trouve des musées et d’autres institutions, ces moyens de médiation restent insuffisants, inadaptés aux besoin actuels et inaptes de régénérer le souvenir oublié que ce soit à cause de leur conception au à cause de leur stratégie de médiation. Dans ce contexte le patrimoine se rétrécit à un statut d’objet et son apport ne peux être envisagé que sur le plan culturel. Or cette approche sectorielle doit être renouvelée et remplacée par une autre globalisante car le patrimoine devient un levier important dans le développement territorial. Mais si le patrimoine reste une propriété de l’état, tributaire de ses ressources financières limitées et en dehors de tout partenariat public-privé, l’instauration d’un nouveau modèle de gestion semble être difficile.
Tout patrimoine mérite d’être inclus dans cette nouvelle approche et mérite être sauvé de l’oubli car chacun possède une propriété individuelle, une différence essentielle qui fait de lui l’œuvre singulière qui l’est aujourd‘hui mais à priori il est temps d’accorder plus d’attention à un patrimoine qui n’en a pas reçu autant et faire de lui l’objet de notre étude. Finalement le site archéologique Pheradi Majus a été sélectionné et il est tout à fait légitime de se poser la question pourquoi le choix de ce site ?
Chapitre IV: Le site archéologique Pheradi Majus
IV.1.Le justificatif du choix du site
Lors de ma visite, j’étais fascinée et emportée par la beauté de ce site, sa découverte était un voyage captivant où j’ai aperçu la ruine tantôt apparue et parlante tantôt disparue et enfouie sous la terre. Bien que ce patrimoine soit matériel, il est chargé de l’immatérialité dans un paysage harmonieux qui combine la ruine et la nature, un paysage qui renferme à fois un savoir-faire humain et un pouvoir de la divinité. Ses composantes nous renvoient d’une part vers un paysage urbain nettement lié à la culture romaine à travers ses monuments organisés autour du centre civique, l’alignement de ses murs, ainsi que l’importance de ses îlots et ses rues mais d’une autre part on observe un contraste avec la régularité de ce paysage romain et on se retrouve face à des espaces réutilisables et désaffectés dans le mesure où il existe des constructions qui ont changé de vocation pour faire partie d’une structure de production artisanale.
Suite à des sondages au niveau de ses équipements, des fours, des briques cuites et des ratées de cuissons ont été localisés et on a ainsi découvert que ce site est un site producteur de céramique sigillé africaine et qui a reconnu un essor économique important grâce à la diffusion de ses produits sur les marchés méditerranéens entre le IVe siècle et le VIe siècle. En outre cette spécificité, Pheradi Majus avait un apport important pour le patrimoine culturel et historique Tunisien, ce dernier se trouve enrichi par une découverte livrée par le comité scientifique au 17 juin 2003, un trésor composé de 17 pièces de monnaies en or, ainsi on compte 20 trésors byzantins en Tunisie .
Bien qu’il présente des potentialités sur le plan géographique (un emplacement stratégique), historique, archéologique et paysager, ce site n’a jamais connu un projet de fouille complet ni de mise en valeur à part le classement par décret de quelques monuments en 1899 et la réalisation des campagnes pour préserver le secteur menacé par l’oued à travers la construction de deux barrage entre 1968 et 1969. Ces actions n’ont été dictées que par l’état d’abandon du site. Il fait l’objet d’un oubli collectif de la part de l’état et des citoyens. En dépit de sa richesse il est méconnu et délaissé et actuellement son intégrité et son authenticité sont menacés. Il est le siège de plusieurs tentatives d’opérations de fouilles illégales, il est fréquenté par les bergers et leurs animaux et le paysage dans lequel il s’inscrit risque d’être dégradé à cause de la prolifération de l’extension urbaine du village situé à proximité.
IV.2.La
IV.2.1.Le contexte historique
IV.2.2.Le contexte géographique
figure 43:Le site archéologique (source: Google earth+travail personnel).
figure 55:Coupe schématique B-B(source: travail personnel).
figure 54:Coupe schématique A-A(source: travail personnel)