Sarah Sauvin - Estampes - Octobre 2021

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Estampes

n°12 - Octobre 2021



SARAH SAUVIN

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N° 12 - Octobre 2021


Jean-Étienne LIOTARD (1702 - 1789) Autoportrait la main au menton (grande planche) - c. 1778/1781


Nous avons le plaisir de présenter une sélection d’estampes du 16e au 19e siècle choisies comme dans nos précédents catalogues pour leur rareté et leur grande qualité. Parmi ces acquisitions récentes, le 1er état de l’Autoportrait, la main au menton (grande planche) de Jean-Étienne Liotard nous réjouit particulièrement : d’abord parce que ce grand autoportrait dont il existe très peu d’épreuves est considéré comme son chef-d’œuvre gravé ; ensuite parce que cette très belle épreuve lui appartenait et provient de sa famille par descendance directe ; enfin parce que nous avons eu la chance de pouvoir l’acquérir au moment-même où le rarissime Petit autoportrait, gravé par Liotard cinquante ans auparavant, sortait de notre catalogue pour entrer dans la prestigieuse collection du Musée d’Art et d’Histoire de Genève. Nous présentons plusieurs autres gravures tout aussi rares : une belle épreuve anciennement coloriée des Imprimeurs en tailledouce d’Abraham Bosse, unique à notre connaissance ; L’Éclaircie dans la forêt de Rodolphe Bresdin, magnifique trouée de lumière dans un lacis de feuillages dont on ne connaît que deux autres épreuves sur chine appliqué imprimées du vivant de l’artiste ; Marcel, eau-forte et aquatinte d’Eugène Delâtre, seule épreuve avant réduction du cuivre que nous connaissions de cette estampe déjà très rare.


Parmi les estampes importantes présentées dans ce catalogue, citons également Saint Pierre et Saint Jean en 1er état, un bois gravé en clair-obscur d’après un dessin du Parmesan, qui fut longtemps attribué à Ugo da Carpi et a été réattribué récemment à Niccolò Vicentino par Naoko Takahatake ; une belle épreuve en 1er état du Dragon dévorant les compagnons de Cadmos, gravé par Goltzius en 1588 d’après un tableau peint par Cornelis Corneliszoon van Haarlem ; une très rare épreuve du paysage de Rembrandt : Chaumière près d’un canal avec vue sur la ville d’Ouderkerk ; enfin, la lithographie magistrale de Daumier : Ne vous y frottez pas !! Complètent cette sélection : Romains combattant les Daces, gravé par Nicolas Béatrizet en 1553 d’après une frise en marbre ornant l’Arc de Constantin à Rome ; Discordia, gravure satirique à travers laquelle Crispin de Passe dénonce en 1589 « la rage de la guerre » qui « saccage et ruine les bienfaits qu’apporte la paix et répand partout le carnage » ; La Vision de Saint Jérôme, gravé par Fragonard à son retour d’Italie, d’après un tableau vu dans l’église San Nicolò da Tolentino à Venise ; le Jeune dessinateur, gravé par Demarteau en manière de sanguine et de crayon noir d’après un dessin du jeune François Boucher ; une belle épreuve enfin de Bellos consejos, de la 1re édition des Caprices de Goya, portant au verso la marque de collection de Loys Delteil.


Comme tous les marchands et les amateurs d’estampes, nous sommes naturellement sensibles aux estampes dont l’estampe est l’objet. C’est ainsi que nous ne résistons pas au plaisir de présenter, à côté de l’Autoportrait, la main au menton que Liotard cite en exemple dans son Traité des principes et des règles de la peinture et des Imprimeurs en taille-douce d’Abraham Bosse, trois gravures connues sur ce même thème : l’eau-forte, gravée par Vivant-Denon vers 1798, représentant l’Abbé Zani au moment où il découvre ce qui s’avéra être alors la plus ancienne « gravure » italienne connue ; puis le Marchand de dessins lithographiques dessiné vers 1818 par Nicolas-Toussaint Charlet, qui fait partie des incunables lithographiques ; enfin, l’eau-forte de MartialPotémont : le Siège de la Société des Aqua-fortistes, qui représente la boutique Aux Arts modernes située en 1864, à Paris, dans la rue de Richelieu où nous passons nous-mêmes souvent pour nous rendre à la Bibliothèque nationale de France. Nous espérons que les collectionneurs et les amateurs trouveront autant de plaisir et d’intérêt à découvrir ou redécouvrir ces estampes que nous avons eu nous-mêmes à les rassembler et à les présenter dans ce douzième catalogue.

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1. Niccolò VICENTINO (actif c. 1525-1550) Saint Pierre et Saint Jean, d’après Le Parmesan - années 1540 Gravure sur bois en clair-obscur imprimée à partir de trois planches, 156 x 108 mm. Bartsch 26 (attribué à Ugo da Carpi), 1er état/2 ; Naoko Takahatake p. 258, note 9. Impression du 1er état (sur 2) avant l’ajout du monogramme d’Andrea Andreani en haut à gauche dans la planche des ombres. Très belle épreuve imprimée en brun clair, brun foncé et noir sur papier vergé filigrané (fragment de cercle sur le bord droit de la feuille ; de nombreux filigranes italiens du 16e siècle sont délimités par un cercle simple de ce type). Excellent état de conservation. Un infime trou d’épingle au niveau du bras droit de Saint Pierre. Petites marges tout autour du trait carré (feuille : 167 x 120 mm). Saint Pierre et Saint Jean, longtemps attribué à Ugo da Carpi, a été récemment réattribué à Niccolò Vicentino par Naoko Takahatake. Elle a analysé pour cela le rôle des différents blocs de bois dans l’élaboration de la composition. Considérant un groupe de neuf clairs-obscurs qu’elle réattribue à Vicentino, parmi lesquels Saint Pierre et Saint Jean et La Pêche miraculeuse, Naoko Takahatake écrit : « La Pêche miraculeuse, cependant, appartient à un groupe de clairs-obscurs non signés, gravés principalement d’après des compositions de Raphaël et des dessins du Parmesan, et qui ont été traditionnellement attribués à Ugo da Carpi. Or, tous utilisent la technique des trois matrices de bois d’une manière qui a très peu de rapport avec les gravures signées de Ugo da Carpi et qui est au contraire très proche de celle employée par Vicentino. Dans ces



estampes, les principales lignes de la composition sont situées sur le bois de teinte intermédiaire, alors que dans aucun des clair-obscur signés par Ugo da Carpi un bois ne porte à lui seul une si grande partie de la composition. » (Print Quarterly, p. 258, traduit par nous). La palette des couleurs employées par Niccolò Vicentino pour ses tirages est assez large. Une épreuve en brun très clair, brun clair et gris est conservée au Rijksmuseum d’Amsterdam. Une épreuve en noir, gris et olive a été vendue par Christie’s le 15 juillet 2020. Une épreuve dans des tons très proches de la nôtre est conservée au British Museum. D’une manière générale, Linda Stiber Morenus constate que « la palette de Vicentino tend à être très contrastée, incluant des bruns, gris, verts olive, verts vibrants, jaune moutarde, ocres, rouges, sienne et saumon. En général, les pigments sont broyés si grossièrement que les couches d’encre sont granuleuses et que les particules peuvent être distinguées à l’œil nu. » (Printing Colour, p. 130, traduit par nous). Cet effet granuleux se voit dans notre épreuve, principalement dans la planche de brun la plus claire. Le dessin original du Parmesan est conservé au Musée du Louvre à Paris (inv. n° 6396 ; fiche détaillée). Ses dimensions sont très proches de celle de la gravure puisqu’il mesure 152 x 90 mm. Les bois furent réimprimés par Andrea Andreani qui ajouta son monogramme dans la partie supérieure gauche, ce qui constitue le second état de la gravure, dont une épreuve est conservée au British Museum. Références : Ad Stijnman et Elizabeth Savage : Printing Colour 14001700: History, Techniques, Functions and Receptions, 2015 ; NaokoTakahatake : « Niccolò Vicentino’s “Miraculous Draught of Fishes” » in Print Quarterly, 2011, vol. 28, nᵒ 3, p. 256‑60 ; Naoko Takahatake et Jonathan Bober (dir.) : The chiaroscuro woodcut in Renaissance Italy. 2018.



2. Nicolas BÉATRIZET (1507/15 - 1570) Romains combattant les Daces - 1553 Burin, 300 x 460 mm. Bartsch 94, Robert-Dumesnil 97 2e état/2, Bianchi 102. Robert-Dumesnil décrit un premier état dans lequel le foudre sur le bouclier hexagonal serait seulement au trait et son fond blanc. Silvia Bianchi mentionne cette description. Bartsch ne décrit qu’un seul état. Belle épreuve imprimée sur papier vergé. Très bon état de conservation. Petites marges sur les bords droit et gauche (feuille : 300 x 475 mm). Soldats romains combattant les Daces reproduit un fragment d’une frise ornant l’un des petits côtés de l’attique de l’Arc de Constantin, à Rome. Cette frise est un remploi d’un monument de Trajan. La légende gravée en pied expose le sujet : Tabula marmorea, pugnae Dacicae : ex diruto Traiani, ut putatur, arcu ; in Constantini cognomento Magni ; qua spectat Auentinum ; ornatus caussa ; Romae, translata. / Antonij Lafrerij Sequani formis Romae 1553 : Plaque de marbre [représentant] la bataille de Dacie : supposée provenir de l’arc détruit de Trajan ; au nom de Constantin le Grand ; [du côté] qui regarde vers l’Aventin ; en raison de sa beauté ; transportée à Rome. / Sur les presses d’Antoine Lafreri de Sequanie, à Rome 1553 (traduit par nous). De 1547 à 1560, Nicolas Béatrizet grave des estampes à Rome pour l’imprimeur et marchand Antonio Lafreri (c. 1512-1577). L’étude de l’Antiquité est alors en plein essor et l’estampe permet de reproduire et de diffuser en nombre l’image de ses vestiges. La




compétition est alors rude entre les différents éditeurs romains qui font souvent graver les mêmes sujets, parfois par les mêmes graveurs. La représentation des reliefs exige cependant une grande maîtrise de la gravure et oblige l’artiste à effectuer des choix. Michael Bury a précisément consacré un article à l’étude des choix variés opérés par Béatrizet dans ses différentes gravures, en expliquant ce qui les différencie des choix opérés par d’autres graveurs contemporains. À propos de Soldats romains combattant les Daces, il observe que Béatrizet reste plus proche de la sculpture originale que Marcantonio Raimondi ou Marco Dente qui en ont également gravé des fragments. Contrairement à eux, il n’ajoute pas d’éléments supplémentaires à la composition, excepté pour restaurer une main ou une arme manquante. Il préserve aussi l’effet de la pierre en laissant blanc les yeux des soldats. Par contre, il étire un peu le fond vers le haut de l’estampe et élimine certains détails du bas-relief, comme les bannières à droite, pour une meilleure lisibilité de la scène. Le résultat est un heureux compromis entre le souci esthétique et la vocation documentaire de l’œuvre. Références : Michael Bury : « Beatrizet and the “Reproduction” of Antique Relief Sculpture », in Print Quarterly, June 1996, vol XIII, n°2, p. 111-126 ; Silvia Bianchi : « Catalogo dell’opera incisa di Nicola Beatrizet » in Grafica d’Arte, 2003-2004, n°54 à 57.




3. Hendrick GOLTZIUS (1558 - 1617) Le Dragon dévorant les compagnons de Cadmos - 1588 Burin, 253 x 320 mm. Bartsch 262 ; Strauss 261 ; New Hollstein 329, 1er état/4. Impression du 1er état (sur 4) avant l’adresse de Claes Jansz. Visscher (1587-1652). Très belle épreuve imprimée sur papier vergé filigrané. Filigrane : variante du type Fleur de lis simple posée dans un écu couronné (Briquet 7210 : Leyde 1585, Amsterdam 1590-1599). Ce type de filigrane est signalé par Walter L. Strauss pour des épreuves du 1er état. Très bon état de conservation général. Légères épidermures sur le bord droit au verso. Filets de marge tout autour de la cuvette (feuille : 258 x 322 mm). Le Dragon dévorant les compagnons de Cadmos est l’une des gravures maniéristes les plus saisissantes d’Hendrick Goltzius qui a gravé en contrepartie un tableau peint la même année par Cornelis Corneliszoon van Haarlem conservé aujourd’hui à la National Gallery de Londres (inv. n° NG1893). Les deux artistes, très proches, avaient fondé vers 1583-1584 à Haarlem un genre d’académie des Beaux-Arts avec Karel van Mander. En 1588, Goltzius fut le premier à graver d’après les compositions de Cornelis van Harlem.


Le Dragon dévorant les compagnons de Cadmos est dédicacé au collectionneur et marchand d’art d’Amsterdam Jacob Engbertsz. Rauwaert. Goltzius associe Cornelis van Haarlem à sa dédicace : Hasce artis primitias CCPictor Invent.[or], / simulq[ue] HGoltz. sculpt.[or] D. Iacob. Raeuwerdo / singulari Picture alumno, et Chalcographiae / admiratori amicitiae ergo D[ono] D.[ederunt] : « Le peintre C[ornelis] C[orneliszoon], inventeur de la composition, et Hendrick Goltzius, qui l’a gravée, offrent ensemble ces prémices de leur art en présent d’amitié au Seigneur Jacob Rauwaert, élève doué de la peinture et admirateur de la gravure. » (traduit par nous).


Goltzius a gravé la même année la série des Quatre Disgraciés, Tantale, Icare, Phaéton et Ixion, d’après des compositions de Cornelis van Haarlem. Julie McGee observe que ces quatre planches et le Dragon dévorant les compagnons de Cadmos ont un thème similaire : les pécheurs condamnés et les disgraciés, thème en vogue à Haarlem à cette époque. Le style maniériste outré que Goltzius et Cornelis van Haarlem contribuèrent à répandre aux Pays-Bas, caractérise les deux œuvres : aux corps à la musculature exagérée, représentés sous des angles improbables dans les Disgraciés, font écho les morceaux des corps tronqués des compagnons de Cadmos, si contorsionnés qu’on peine à comprendre que le buste de gauche ne correspond pas au bas du corps de droite. À la déréliction qu’inspire la chute fatale des corps dans les Disgraciés répondent ici l’horreur et le dégoût que suscitent les corps mutilés : une tête arrachée gisant au premier plan, des os dénudés, du sang se déversant des plaies ouvertes par les griffes du monstre dont la gueule dévore le visage d’une victime qui se défend encore, tandis que les yeux de la bête fixent le spectateur. L’issue heureuse de l’événement est reléguée à l’arrière-plan : Cadmos, qu’on aperçoit au fond à droite, tuant le dragon, survivra à ses compagnons et sera le fondateur de Thèbes. Références : Julie L. McGee : Cornelis Corneliszoon van Haarlem (1562 1638), Patrons, Friends and Dutch Humanists, 1991.



4. Crispin de PASSE (1564 - 1637) Discordia [Le Foyer dissolu] - 1589 Burin gravé d’après Martin de Vos, 225 x 240 mm. Hollstein 613, Franken 1212. Très belle épreuve imprimée sur papier vergé filigrané (filigrane illisible). Nombreux essais à la plume au verso (non visibles au recto). Une tache jaune dans le bas de la feuille. Dans une belle demeure, tous les membres d’une famille se sont levés de table et se battent deux à deux, renversant les chaises, la vaisselle et les victuailles. Au premier plan, le maître et la maîtresse de maison se donnent des coups de pieds et de poings, la femme s’apprête à frapper de sa châtelaine lourde de clefs son mari armé d’un couteau de table. À l’arrière-plan, la sœur tente d’arracher l’œil de son frère qui lui assène des coups de poings, une autre sœur déverse le contenu d’un grand verre dans le cou de son frère, tandis que le benjamin profite du chaos pour dévorer un poulet, imité par le chat. Un petit chien participe à la bataille en mordant la robe de sa maîtresse. À l’arrière-plan, un domestique alerté par le vacarme sort précipitamment de la cuisine pour voir ce qui se passe. Discordia est le pendant de Concordia (Hollstein 612) qui représente une famille pieuse et paisible assise à table dans un intérieur sobre et ordonné. Tous vivent en harmonie sous les tables de la Loi.



Quand il grave Discordia en 1589, Crispijn de Passe a 25 ans et vient d’être contraint de quitter Anvers, comme l’explique Ilja M. Veldman : « étant mennonite, il dut quitter la ville après qu’elle fut repassée sous domination espagnole. Il s’installa à Cologne en 1589, où il se mit à son compte comme éditeur d’estampes. » (Crispijn de Passe, p. 13, traduit par nous) Ilja M. Veldman voit dans Concordia et Discordia un écho à cette situation politique et religieuse : « Les inscriptions sur les gravures de 1589 Concordia et Discordia gravées par Crispin de Passe d’après les dessins de Martin de Voos montrent très clairement qu’il en avait assez de la guerre et recherchait un lieu paisible pour poursuivre son travail. » (Crispijn de Passe, p. 39, traduit par nous). Si les vers gravés en pied opposent simplement la sobriété aux richesses (De peu vault mieux La Jouissance / Que par mesure Outrecuidance), la légende latine se rapporte en effet directement par contre à la situation politique : belli sed rabies, quicquid pax alma ministrat, diripit, invertit, cunctaque caede replet : « Mais la rage de la guerre saccage et ruine les bienfaits qu’apporte la paix et répand partout le carnage. » (traduit par nous). Crispin de Passe devra cependant fuir Cologne pour Utrecht en 1611. Références : Daniel Franken : L’œuvre gravé des van de Passe […] avec un supplément d’additions et de corrections par Simon Laschitzer, 1975 ; Ilja M. Veldman : Crispijn de Passe and his Progeny (1564-1670) A century of Print Production, 2001.



5. REMBRANDT HARMENSZOON VAN RIJN (1606 - 1669) Chaumière près d’un canal avec vue sur la ville d’Ouderkerk vers 1641 Eau-forte et pointe sèche, 141 x 207 mm. Bartsch 228 ; Biörklund et Barnard 45-1 ; New Hollstein 202. “Une estampe rare” (Nowell-Usticke). Belle épreuve de l’état unique, la teinte de sulfure encore visible dans le ciel, les détails du lointain à droite commençant légèrement à s’user. Légères taches dans les angles supérieurs Filet de marge. Feuille : 145 x 215 mm. Marque de collection Julian Marshall au verso (Lugt 1494) Provenance : Julian Marshall (Lugt 1494) ; Paul Prouté S.A., Catalogue “Centenaire” 1re partie Estampes, 1978, n°39 : « Très belle épreuve, filet de marge. » Très bon état. Une retouche minime à l’encre grise sur le mat du voilier et des touches le long de la cuvette notamment à gauche et à droite. A cause de l’usure rapide des traits de pointe sèche gravés légèrement, un certain nombre de bonnes épreuves ont été retouchées à l’encre, comme le rappelle Erik Hinterding à propos de l’épreuve de la collection Frits Lugt acquise en 1919 chez P. et D. Colnaghi & Obach : “L’estampe a été gravée légèrement et les épreuves sont presque toujours un peu faibles et brumeuses. (…) Comme d’autres épreuves de cette estampe, cette feuille a été retouchée à l’encre grise, notamment sur le poteau à gauche de la route.” (Erik Hinterding, 2008, vol. I, p. 430-433, traduit par nous).



Erik Hinterding cite en particulier l’épreuve conservée à Harleem au Teylers Museum. Le New Hollstein mentionne également des épreuves retouchées notamment dans les collections du Rijksmuseum d’Amsterdam (au lavis et à l’encre grise), du Staatliche Museum de Berlin (ajouts de feuillages à l’encre brune), du Staatliche Kunstsammlungen de Dresde (trait d’encadrement à l’encre), du British Museum (deux épreuves retouchées à l’encre grise), de la collection Rothschild au Louvre (au lavis et à l’encre grise), du musée de l’Ermitage à St Petersbourg (trait d’encadrement à l’encre noire) (New Hollstein, Rembrandt, Text II, p. 90). Le paysage dessiné par Rembrandt n’a pas été clairement identifié et des titres différents lui ont été donnés dans les catalogues: La barque à voile (Bartsch), Cottages beside a canal, with a church & sailing boat (Nowell-Usticke), Cottage beside a canal, a view of Diemen (Boon et White). La datation aussi est incertaine : Bartsch pense que Rembrandt l’a gravée vers 1645, Hinterding vers 1641. Nous adoptons la date donnée dans le New Hollstein par Erik Hinterding qui, comme Frits Lugt, situe ce paysage près d’Ouderkerk sur les bords de l’Amstel au sud d’Amsterdam. La légèreté du trait dans la partie droite, les sols laissés presque blancs et les traînées de sulfure balayant le ciel gris donnent à ce paysage une atmosphère hivernale assez rare dans l’œuvre gravé de Rembrandt.

Références: Erik Hinterding, Rembrandt Etchings from the Frits Lugt Collection, 2008, vol. I, n°180, p. 430-433 ; New Hollstein, Rembrandt, text II, compiled by Erik Hinterding and Jacob Rutgers ; Paul Prouté S.A., Catalogue “Centenaire” 1978, 1re partie Estampes.





6. Abraham BOSSE (1602/4 - 1676) Les Imprimeurs en taille-douce - 1642 Eau-forte, 256 x 327 mm. Préaud 204 ; Blum 205 ; Lothe 254. Très belle épreuve imprimée sur papier vergé épais filigrané (filigrane illisible) et rehaussée anciennement à la gouache. Filets de marges tout autour de la cuvette. Trace de pli horizontal dans la tablette, petites traces de colle ancienne dans les angles et le long du bord supérieur. Provenance : Ernest Devaulx (1831-1901) : sa signature au verso suivie de la date d’acquisition 1868. « Cette collection d'estampes avait été formée dans le but d'établir un Dictionnaire général des graveurs et des lithographes de tous les temps et de tous les pays, pour lequel il rédigea environ 30.000 fiches restées incomplètes. Sous son prénom Théophile, ou sous son nom Th. Devaulx, il a écrit des articles sur la gravure et les ex-libris dans La Curiosité universelle, La Revue des Arts Décoratifs, La Revue des collectionneurs d'ex-libris, L'Estampe moderne. De nombreuses estampes, sur lesquelles figurent, au verso, la signature de l’amateur suivie d’une date sont aujourd’hui conservées dans des musées, comme par exemple le Museum of Fine Arts de Boston, la Bibliothèque nationale de France, ou le British Museum de Londres, pour ne citer que trois d’entre eux. » (Lugt 670). On connait très peu d’estampes d’Abraham Bosse rehaussées de couleurs. Une épreuve de La Boutique du pâtissier (Lothe 249) conservée au Getty Research Institute à Los Angeles est coloriée à la gouache et à l’or. Elle porte en plus de l’adresse de Melchior Tavernier, son premier éditeur, celle de Jacobus Allard, un éditeur


de cartes et estampes actif vers 1660 à Amsterdam sur lequel très peu d’informations semblent avoir été conservées. Cet état de La Boutique du pâtissier à l’adresse de Jacobus Allard n’est pas décrit dans les catalogues raisonnés. On sait que des estampes de Bosse ont été copiées par des graveurs et éditeurs néerlandais : Le Maître d’école et La Maîtresse d’école, gravés vers 1638, ont ainsi été copiés aux Pays-Bas par un graveur anonyme et édités par Claes Jansz. Visscher en 1645. L’épreuve de La Boutique du pâtissier, qui n’est pas une copie, prouve que des éditeurs hollandais, d’ailleurs nombreux à Paris à l’époque et entretenant des liens commerciaux et familiaux avec des graveurs et éditeurs français, pouvaient posséder des plaques originales de gravures de Bosse.


Notre épreuve des Imprimeurs en taille-douce ne porte pas d’autre nom que celui d’Abraham Bosse. Les coloris et la façon dont ils sont posés sur l’estampe sont proches de ceux de l’épreuve rehaussée de La Boutique du pâtissier qui pourrait provenir d’un même atelier de coloristes. Le gris bleuté des murs de pierre, le rouge carmin, le vert-bleuté, le jaune orangé des vêtements, le marron du bois sont semblables, de même que la couleur des chairs et les rehauts de rouge sur les joues. Le coloriste a bien respecté les ombres légères et la lumière douce de l’estampe, choisissant des teintes qui mettent en valeur les détails importants de l’image : les trois imprimeurs, la presse centrale et les gravures aux marges blanches séchant sur les fils à l’arrièreplan. Il nous est difficile de dire quand les coloris ont été apposés. Dans le chapitre Colouring Prints de son ouvrage The print before photography: an introduction to European printmaking 1550-1820, Antony Griffiths explique que les coloris étaient la plupart du temps apposés avant la vente, l’éditeur décidant de faire colorier par sa femme, ses enfants ou un coloriste quelques épreuves fraîchement imprimées. Il pouvait arriver aussi que ce soit un client ou un revendeur qui les fasse apposer. L’adresse de Jacobus Allard présente sur l’épreuve de La Boutique du pâtissier du Getty Research Institute est peut-être une piste. Suzanne Dackerman et Thomas Primeau ont montré que la tradition des « estampes peintes » était commune en Allemagne et aux Pays-Bas depuis la Renaissance. Les Imprimeurs en taille-douce est l’une des estampes les plus connues d’Abraham Bosse. Il rédige alors son important Traité des manières de graver en taille-douce sur l’airain par le moyen des eaux-


fortes et des vernis durs et mols. Ensemble de la façon d’en imprimer les planches et d’en construire les presses, pour lequel il obtient un privilège en 1642 et qu’il publie à Paris en 1645. Il s’agit du premier manuel technique de gravure. Il aura un grand succès, sera traduit et diffusé dès les années suivantes en Allemagne, aux Pays-Bas et en Angleterre, et connaîtra plusieurs rééditions, augmentées par Sébastien Leclerc puis par Charles-Nicolas Cochin au XVIIIe siècle. Les Imprimeurs en taille-douce, ou plutôt Cette figure [qui] vous montre Comme on Imprime les planches de taille douce, et celle des Graveurs en taille douce au Burin et à Leaue forte, gravée un an plus tard, procède du même souci didactique. Dans son catalogue d’exposition, Abraham Bosse, savant graveur, Maxime Préaud a proposé cette version modernisée de sa légende : « Cette figure vous montre comment on imprime les planches de taille-douce / L’encre en est faite d’huile de noix brûlée et de noir de lie de vin, dont le meilleur vient d’Allemagne. L’imprimeur prend de cette encre avec un tampon de linge, en encre sa planche un peu chaude [au fond vers la gauche], l’essuie après légèrement avec d’autre(s) linge(s), et achève de la nettoyer avec la paume de sa main [à gauche]. Cela fait, il met cette planche à l’envers sur la table de sa presse, applique dessus une feuille de papier trempé et reposé, et couvre cela d’une feuille d’autre papier et d’un ou deux langes, puis en tirant les bras de sa presse, il fait passer sa table avec sa planche entre deux rouleaux. » (Préaud, p. 226) Références : Maxime Préaud, Sophie Join-Lambert (dir.), Abraham Bosse, savant graveur, Paris, 2004. José Lothe, L’œuvre gravé d’Abraham Bosse, Paris, 2008. Susan Dackerman et Thomas Primeau, Painted prints: the revelation of color in Northern Renaissance & Baroque engravings, etchings & woodcuts, 2002.


7. Gilles DEMARTEAU (1729 – 1776) Jeune dessinateur, d’après François Boucher Maniere de sanguine et de crayon noir, 211 x 156 mm. De Leymarie 188, IFF 188, Jean-Richard 755. Très belle épreuve imprimée au repérage sur papier vergé. Très bon état de conservation. Trois infimes trous d’épingles sur les bords et deux petits plis au verso dans le haut. La plaque porte les signatures gravees Boucher f. a gauche et Demarteau S. a droite, au-dessus du premier trait carre. Selon les epreuves, ces signatures sont plus ou moins visibles. Le Buste de jeune fille (IFF 187), egalement grave d’apres un dessin de François Boucher, est le pendant du Jeune dessinateur. Le dessin original du Jeune dessinateur, anciennement conserve dans la collection Francis Springell, a ete vendu chez Sotheby’s a Londres le 30 juin 1986 (lot 85). Il est execute a la craie rouge et noire avec rehauts de blanc et lavis gris et bleu. François Boucher a lui-meme grave une eau-forte d’apres cette composition (Le Dessinateur, IFF 13). Beverly Schreiber Jacoby pense que Boucher a conçu son dessin comme preparatoire a la gravure car le jeune garçon tient son porte-crayon dans la main gauche dans le dessin, donc dans la main droite dans la gravure (Beverly Schreiber Jacoby, p. 306). Alan P. Wintermute ajoute que « Boucher realisait souvent des dessins destines a etre graves en contrepartie afin de compenser l’ « effet miroir » inevitable dans la realisation normale de la gravure. » (François Boucher : 1703-1770 : his circle and influence, p. 28, traduit par nous).



Quant au modele du jeune dessinateur, Alan P. Wintermute explique que « le portrait de jeunes hommes en dessinateurs, souvent avec des portfolios sous le bras et des pinceaux a la main, etaient un theme populaire parmi les artistes français du dixhuitieme siecle. » (ibid., traduit par nous) Il ajoute qu’on attribue generalement l’origine de ce theme au Jeune élève dessinant de Chardin expose au Salon de 1738, realise selon Pierre Rosenberg deux a trois ans plus tot. A. P. Wintermute estime cependant que « le dessin de Boucher est certainement anterieur a cette date » et pense que « c’est lui, plutot que Chardin, qui a initie cette tradition ». (ibid., traduit par nous) Wintermute cite notamment un tableau de Boucher datant du debut des annees 1730, Le Peintre de paysages (vendu depuis par Christie’s le 19 avril 2018), ou l’on voit deja un jeune eleve tenant un portfolio de dessins. Quant au dessin du Jeune dessinateur, il pense qu’il est anterieur et daterait des annees 1729-1732. Le fait que Demarteau l’ait grave bien des annees plus tard montre selon Beverly Schreiber Jacoby que Boucher avait probablement garde ce dessin.

References : Pierrette Jean-Richard, L’Œuvre gravé de François Boucher dans la collection Edmond de Rothschild, 1978 ; Leopold de Leymarie, L’Œuvre de Gilles Demarteau l’aîné, graveur du Roi, 1896 ; Beverly Schreiber Jacoby, François Boucher’s Early Development as a Draughtsman 1720-1734, 1986 ; Colin B. Bailey, Katherine M. Kraig, Regina Shoolman Slatkin [et al.]] François Boucher : 1703-1770 : his circle and influence, 1987.



8. Jean-Honoré FRAGONARD (1732 - 1806) La Vision de Saint Jérôme - 1763/1764 Eau-forte, 165 x 115 mm. Baudicour 21, 2e état/2 avec le numéro 8 en bas à droite ; Wildenstein XIV. Belle épreuve imprimée sur papier vergé. Bon état de conservation. Au verso, quelques annotations au crayon et petites amincissures sur les bords droit et gauche. Filets de marge tout autour de la cuvette (feuille : 172 x 118 mm). Provenance : Jules Michelin (1817-1870), peintre, dessinateur et graveur. Sa marque imprimée au verso (Lugt 1490). Fragonard grave La Vision de Saint Jérôme vers 1763/1764 à son retour en France, après un long séjour en Italie entre 1756 et 1761. L’eau-forte reproduit en l’inversant un retable peint à l’huile par Johann Liss dans l’église San Nicolò da Tolentino à Venise. Bien qu’il ait peu gravé, les eaux-fortes de Fragonard témoignent d’une technique à la fois libre et maîtrisée, animée comme le dit Prosper de Baudicour par une « pointe extrêmement spirituelle ». Rena Hoisington fait observer la vivacité de Fragonard, notamment dans La Vision de Saint Jérôme : « L’eau-forte de Fragonard vibre de cette énergie propre à l’artiste ; c’est une symphonie de touches qui réclame un examen attentif. Dans La Vision de Saint Jérôme, la masse compacte de lignes en bas à droite souligne l’ample crinière du lion et les ombres répandues sur sa tête, tandis que dans le haut un semis de griffonnis dans le blanc du papier met en valeur la luminosité du ciel empli de nuages et l’intensité de la vision du saint.


Fragonard a également modifié certains détails de la composition de Liss, tel l’ange en haut à gauche qui se tourne en souriant vers le spectateur, captant ainsi son regard. » (Rena M. Hoisington : Aquatint - From Its Origins to Goya, 2021, p. 69, traduit par nous).


9. Jean-Étienne LIOTARD (1702 - 1789) Autoportrait, la main au menton (grande planche) c. 1778/1781 Manière noire et roulettes, 466 x 394 mm (à la feuille). Humbert, Revilliod et Tilanus 8 (état non décrit) ; Rœthlisberger et Loche 522, 1er état (sur 2). Impression du premier état, avant la lettre dans la marge inférieure du cuivre. Très belle épreuve imprimée sur papier vergé, rognée à l’intérieur de la cuvette dans la partie blanche d’environ 4 mm en largeur et 13 mm en hauteur. Très bon état. Annotation du XVIIIe siècle à la plume et à l’encre au verso : n°15 et dans une écriture plus moderne à la mine de plomb : Portrait de J.E. Liotard / gravé par lui-même. Provenance : Jean-Étienne Liotard, puis par descendance dans la famille du peintre. Jean-Étienne Liotard a peu gravé : Marcel Rœthlisberger et Renée Loche ont recensé en 2008 quatorze gravures originales et deux gravures sur lesquelles Liotard n’a gravé que les visages, auxquelles il faut ajouter le portrait de l’Archiduchesse MarieAnne d’Autriche signalé par Perrin Stein en 2010 (« A Rediscovered Liotard », in Print Quarterly, Mars 2010, vol. 27, n° 1, p. 55-60). Les épreuves de ces estampes sont toutes rares. Les cuivres n’ont pas été conservés et il n’y a pas de tirage posthume connu.



M. Roethlisberger et R. Loche citent en 2008 5 épreuves de l’Autoportrait, la main au menton (grande planche) : 2 épreuves du 1er état et 3 épreuves du 2d état. Nous comptons aujourd’hui 10 épreuves : 5 épreuves du premier état (Rijksmuseum d’Amsterdam acquise en 1908, British Museum acquise en 1931, Metropolitan Museum of Art acquis en 1949, une épreuve vendue chez Christie’s le 29 janvier 2019 et celle que nous présentons ici, en provenance directe de la famille de Liotard) ; et 5 épreuves du 2d état (Musée d’Art et d’Histoire de Genève, Eidgenössiche Technische Hochschule de Zürich (citée par Roethlisberger et Loche), National Gallery of Art de Washington acquis en 1953, The Art Institute of Chicago (numéro d’acquisition 53.272, citée dans Regency to Empire, p. 245) ainsi qu’une épreuve vendue chez Christie’s en 2009 et présentée par Nicolaas Teeuwisse en 2010 dans son Catalogue IX sous le n°26, qui est aujourd’hui à la Fondation Custodia à Paris). L’Autoportrait, la main au menton (grande planche) est considéré comme le chef-d’œuvre gravé de Liotard. Il reprend la composition d’un pastel, probablement dessiné à Genève vers 1770 et exposé par Liotard à la Royal Academy en 1773 (R. et L. 447 ; Genève, MAH, inv. 1925-5 ; 635 x 510 mm), dont il existe un dessin préparatoire à la pierre noire, craie blanche et rehauts de sanguine sur papier bleuté, que Liotard a exposé à Paris en 1771 (R. et L. 447, dessin préparatoire ; Genève, MAH, inv. 1960-32 ; 488 x 359 mm). La gravure réalisée en contrepartie quelques années plus tard diffère sensiblement du pastel et du dessin : Liotard s’est représenté davantage de profil et regarde le spectateur de façon plus directe, avec un léger sourire inquisiteur. Il a également ajouté derrière lui le haut d’un dossier de chaise dite bernoise, qu’on fabriquait alors en Suisse romande : la traverse



moulurée est simple, sans décor, au contraire de celle de l’Autoportrait à la longue barbe de 1751-1752 (R. et L. 196 ; Genève, MAH, inv. 1843-5). La main, un peu plus dégagée de la manche que dans le pastel et le dessin, laisse voir le dessin nerveux des os et des tendons. Le bord festonné d’une manche de chemise dépasse de la manche relevée du kaftan, comme dans d’autres autoportraits. Des mèches de cheveux rebiquent légèrement du côté éclairé du visage, comme dans l’Autoportrait riant peint vers 1768 (R. et L. 446 ; Genève, MAH, inv. 1893-9). L’Autoportrait, la main au menton (grande planche) fait partie d’un ensemble de gravures réalisées par Liotard dans les années 1778/1781 : leur technique proche de la manière noire les distingue des cinq eaux-fortes gravées cinquante ans plus tôt. A côté des portraits de Marie-Anne d’Autriche et de sa sœur MarieChristine d’Autriche figurent des portraits de famille ou de personnalités, ainsi que des sujets antiques et des scènes de genre que Liotard a utilisées pour illustrer son Traité des principes et des règles de la peinture publié en 1781. Les planches, non reliées dans le livre et d’un format plus grand, étaient numérotées de I à VII afin de pouvoir y renvoyer le lecteur. Elles pouvaient également être vendues séparément, comme Liotard le précise dans son Avertissement. Dans le 2d état de l’Autoportrait, la main au menton (grande planche) Liotard a gravé dans la marge inférieure : N°.1. I.E. LIOTARD. Gravé par lui-même // Effet. Clair obscur sans sacrifice.


Cette lettre indique clairement qu’il envisageait d’utiliser cette planche pour illustrer son Traité. Il a cependant gravé la même lettre sous une version réduite et un peu différente de l’autoportrait (R. et L. 523, environ 200 x 160 mm). Dans la liste des sept planches qu’il énumère dans l’Avertissement de son Traité, Liotard décrit le N°. I. comme un Portrait de l’auteur, sans préciser sa dimension, ni aucun indice permettant de savoir de quelle version il s’agit. Les deux portant la même lettre, M. Rœthlisberger et R. Loche ont supposé que Liotard avait prévu de remplacer l’une par l’autre, sans pouvoir dire toutefois laquelle a été gravée en premier. Nous observons cependant que dans le 2d état de la grande planche, le N de N° est une capitale d’imprimerie suivie d’un chiffre arabe, tandis que dans la petite, comme dans les six autres planches illustrant le traité, le N est une majuscule cursive suivie d’un chiffre romain. Nous pouvons alors supposer que Liotard avait d’abord pensé utiliser le grand Autoportrait et qu’il a décidé ensuite d’en réaliser une version réduite pour le Traité. Il semble d’ailleurs que ce soit le cuivre du petit autoportrait que Liotard ait voulu utiliser pour tester un imprimeur, comme il l’écrit à son ami genevois François Tronchin, le 6 avril 1781 : « on ma dit qu’il y a icy un bon imprimeur d’estampes je le taterai en lui faisant inprimer mon petit portrait que jay icy » (Rœthlisberger et Loche, vol. 2, p. 756). Liotard est alors à Lyon, chez ses neveux Lavergne, où il s’est réfugié en mars 1781 pour des raisons politiques et de sûreté (M. Rœthlisberger et R. Loche, vol. 1, p. 47). Bien que la page de titre du Traité indique Genève comme lieu d’édition, c’est à Lyon qu’il fait lire le manuscrit de son traité, en achève la rédaction et le fait imprimer en juillet 1781. La planche qu’il désigne dans la lettre à Tronchin comme son « petit


portrait » est à coup sûr la version réduite de l’autoportrait. Il n’a d’ailleurs probablement pas emporté d’autres planches avec lui à Lyon puisque, le 29 mai, il demande à Tronchin de lui envoyer de Genève la caisse de planches gravées qui est sous le lit dans sa chambre afin de les faire imprimer en même temps que son livre. Étant donné qu’il ne détaille pas le contenu de cette caisse, nous ne savons pas si le cuivre du grand Autoportrait en faisait partie. Le Traité des principes et des règles de la peinture n’eut aucun succès. Les exemplaires conservés, de même que les planches, sont très rares. Liotard résume dès l’Avertissement les raisons pour lesquelles il donne son autoportrait en exemple : « On croit devoir le citer pour le clair-obscur, l’harmonie des ombres, & la juste distance que l’on doit observer entre le clair & l’ombre. » (Traité, p. 4). Il développe ce propos à l’article du clair-obscur : « Voyez N°. I. mon portrait : j’ai tâché d’y mettre un bon clairobscur ; & quoique mes ombres soient fortes, elles sont cependant douces, n’ayant fait aucun sacrifice de clairs. L’ombre des cheveux & du linge étant un peu plus brune que le plus foible clair de l’habit, cette demi-figure est détachée de son fond ; on y peut voir l’application de quelques principes, que je vais tâcher de développer dans cet ouvrage. » (p. 23) L’un de ces principes est de créer l’effet par « la réunion du saillant & du clair-obscur. L’effet est la partie qui au premier coup-d’œil, frappe, étonne, & fixe davantage l’attention des spectateurs. Le meilleur, le plus simple moyen pour produire de l’effet, est de choisir & de mettre moitié ombre, & moitié clair, & sur-tout de mettre une distance égale du clair à l’ombre, telle qu’on la voit dans la nature. Voyez mon portrait N°. I. » (p. 25). Liotard cite encore son portrait pour illustrer la notion de saillant ou l’art de faire paraître en relief les choses peintes, et le donne en exemple de la règle III : Que jamais



une ombre ne ressemble à un clair, & que le clair le plus foible soit un peu plus clair que l’ombre la plus légère : « Voyez N°. I., mon portrait, les cheveux blancs & le linge dans l’ombre sont un peu plus bruns que le plus petit clair de l’habit » (p. 32). L’autoportrait est encore cité comme exemple d’un des principes auxquels il est le plus attaché : qu’il faut absolument éviter les touches, car « on ne voit point de touches dans les ouvrages de la nature » et « on ne doit jamais peindre ce qu’on ne voit pas » (p. 39-40). À la touche, Liotard préfère le fini, qui assure une liaison parfaite entre les différentes parties de l’ouvrage et permet de rendre « l’uni d’une belle peau, le poli, le transparent des corps, le coloris des fleurs, le duvet, le velouté des fruits […] ». La règle IX revient enfin sur la bonne répartition des clairs et des ombres, propre à produire de l’effet et du saillant. Il est intéressant de noter qu’il renvoie ici le lecteur aux trois versions de son autoportrait : le pastel, exposé et vendu à Londres en 1773, le dessin préparatoire, qu’on peut voir, dit-il, chez lui, et le portrait gravé. Trois techniques différentes, à travers lesquelles il montre qu’il cherche à appliquer les mêmes principes, guidé par la même exigence de vérité dans le rendu de la nature et le même souci du détail et de la finition : « Il faut tout le raisonnement, toute l’attention et toute la réflexion possibles pour parvenir à imiter, sur une superficie plane, la rondeur et le relief de la nature. » (p. 59). Quand il recommence à graver, cinquante ans après avoir réalisé seulement cinq eaux-fortes, Liotard choisit la manière noire. On pense qu’il a certainement eu l’occasion d’en voir lors de ses deux séjours à Londres de 1753-1755 et 1773-1774, cette technique étant alors en vogue en Angleterre. Victor I. Carlson se demande notamment s’il a vu la fameuse série des grands portraits gravés à la manière noire par Thomas Frye dans les années 1760. Liotard



adapte cependant la manière noire à ses propres recherches esthétiques en expérimentant et combinant différentes techniques de gravure en taille-douce. Le résultat est brillant : « a performance so novel and imposing » [une performance si novatrice et convaincante] dira Campbell Dodgson lors de l’acquisition par le British Museum de leur épreuve du premier état de l’Autoportrait, la main au menton (The British Museum Print Quarterly, 1931, vol 6, n°1, p. 4), « a tour de force of roulette and engraving over mezzotint » [une prouesse de roulette et de gravure sur fond de manière noire], écrit Victor I. Carlson (Regency to Empire, cat. 84, p. 245). Dans un premier temps, en effet, Liotard a préparé tout le fond de la planche au berceau et à la roulette, puis il a utilisé le brunissoir pour faire apparaître les lumières, ce qui relève de la technique traditionnelle de la manière noire. Mais, comme le précise Carol Wax, « l’aspect le plus remarquable de l’image réside dans les textures ajoutées à l’aide de très petits berceaux de différents calibres » (C. Wax, The Mezzotint. History and Technique, p. 88, traduit par nous). Cette variété de berceaux et de roulettes a permis en effet à Liotard de rendre non seulement les différentes textures de la peau, des cheveux, du tissu vaporeux de la chemise ou de celui, plus épais, du kaftan, mais aussi bien les différences d’éclairage, du clair à l’ombre sans sacrifier l’un à l’autre. Bien que la version réduite de l’Autoportrait puisse à première vue sembler presque identique, sa technique est grandement simplifiée. Roethlisberger et Loche notent que « contrairement aux grandes planches, la surface entière est composée d’un quadrillé fin qui reste très visible et confère à l’image une unité stylistique qui tient de l’abstrait » (R. et L. cat 523). Cette simplification fait perdre au petit autoportrait une grande part de


sa spiritualité, contrairement à la grande planche qui égale les autoportraits peints ou dessinés par Liotard. Les autoportraits de Liotard à différentes époques de sa vie représentent un artiste exigeant avec son art et non conformiste, qu’il s’habille en Turc avec une longue barbe ou que son rire découvre une bouche édentée. L’autoportrait gravé de Liotard âgé a été rapproché de certains autoportraits d’artistes contemporains. Martin Hopkinson note ainsi que « par son honnêteté et son caractère poignant cette image rivalise avec les autoportraits tardifs de Chardin » (« Liotard », in Print Quarterly, Notes, Septembre 2004, vol. 21, n°3 p. 298, traduit par nous).

Références : Marcel Roethlisberger et Renée Loche, Liotard, Catalogue, Sources et correspondance, 2008 ; Martin Hopkinson « Liotard », in Print Quarterly, Notes, Septembre 2004, vol. 21, n°3 p. 298 ; Campbell Dodgson, « Liotard's Portrait of Himself », in The British Museum Print Quarterly, 1931, vol 6, n°1 ; Regency to empire: French printmaking, 1715-1814, 1984 ; « A Rediscovered Liotard », in Print Quarterly, Mars 2010, vol. 27, n° 1, p. 55-60 ; Humbert, Revilliod et Tilanus, La vie et les œuvres de Jean Étienne Liotard, 1702-1789, 1897 ; Carol Wax, The mezzotint: history and technique, 1990.


10. Dominique Vivant DENON (1747 - 1825) L’Abbé Zani faisant dans le Cabinet National des estampes de Paris l'intéressante découverte d'une gravure de Maso Finiguerra […] - c. 1798 Eau-forte, pointe sèche et manière de lavis. 206 x 135 mm. IFF 341, 3e état/3 ; De la Fizelière 209, The Illustrated Bartsch, vol. 121, n° 191. Impression du 3e état (sur 3) avec les ajouts à la pointe sèche, la teinte de fond apportée par une planche supplémentaire, et la lettre gravée dans la partie inférieure. Très belle épreuve imprimée au repérage sur papier vélin. Très bon état général. Quelques rares rousseurs claires marginales. Bonnes marges (feuille : 276 x 230 mm). Vivant Denon expose le sujet de la gravure dans la longue lettre gravée en pied : « L’ABBÉ ZANI, faisant dans le Cabinet National des estampes de Paris, l’intéressante découverte d’une gravure de Maso Finiguerra dont on ne connoit pas encore une seconde épreuve et la seule peut-être qui existe : elle représente l’assomption ou le couronnement de la Vierge. Cette planche en argent qui fut dorée, émaillée et niellée en 1452 par Maso Finiguerra lui-même, pour servir de Paix ou Patène, appartient à l’Eglise de St. Jean de Florence, et le souffre qui en a été tiré, se voit dans la même ville chez Mr. le Conseiller Serrati. » En 1797, l’abbé Zani découvrit un nielle sur papier représentant le couronnement de la Vierge dans l’un des volumes de gravures de maîtres anciens de la collection de l’abbé de Marolles, noyau de la collection d’estampes de la Bibliothèque nationale. Cette épreuve,



la seule aujourd’hui conservée, résulte soit de l’impression sur papier de la plaque d’argent dorée et niellée créée en 1452 pour l’église San Giovanni à Florence, conservée actuellement au musée du Bargello (inv.33 O.R.) soit de l’impression d’une empreinte en soufre effectuée sur la plaque d’argent. On ne connaît que deux empreintes en soufre : l’une est conservée au British Museum, l’autre dans la collection Edmond de Rothschild au Département des Arts Graphiques du Louvre. La découverte de cette épreuve unique par l’abbé Zani était importante : c’était en effet la plus ancienne « gravure » italienne conservée. Comme l’explique Gisèle Lambert : « en Italie, ce sont des pièces d’orfèvrerie, les nielles, qui sont à l’origine des premières estampes. Des épreuves de plaques d’or ou d’argent (ou d’une empreinte en soufre servant d’intermédiaire) gravées dans le but d’être niellées furent tirées sur papier. Cette technique d’orfèvrerie fut à l’origine du développement de la gravure dans ce pays, lui conférant une originalité certaine ». L’impression d’une épreuve sur papier « permettait à l’orfèvre de contrôler son travail – l’opération de niellage ne permettant aucune retouche –, de conserver un témoin de son œuvre, de constituer peut-être aussi un livre de modèles. Elle n’était pas destinée à être diffusée, ce qui explique la rareté des exemplaires conservés ». (Gisèle Lambert, « Nielles », §1 et 3, in Les Premières Gravures Italiennes). A l’époque de la découverte de l’abbé Zani, le nielle sur papier de Maso Finiguerra passa même pour une épreuve de la toute première gravure datable, ce qui rendait cette découverte encore plus sensationnelle.



Jean Duchesne aîné, alors jeune assistant au Cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale, a décrit l’enthousiasme de l’abbé Zani lorsqu’il communiqua sa découverte aux gardes du Cabinet en 1798 : « Il serait difficile de peindre la joie de l'estimable Abbé Zani, au moment où, ayant acquis la certitude de sa découverte, il s'empressa de nous en faire part. Cet excellent homme était tellement sourd, qu'il entendait à peine les complimens qu'on lui faisait sur l'importance de la pièce, qu'il avait reconnue comme une épreuve tirée par Maso Finiguerra, d'après une planche gravée par lui. Parlant très-mal le français, il s'exprimait avec beaucoup de difficulté, et cherchant alors à se mieux faire comprendre, il parlait italien ; puis, pour s'expliquer mieux encore, il se servait de phrases latines que sa prononciation rendait difficiles à entendre, et d'expressions techniques, dont quelquefois nous ne pouvions sentir la justesse ; employant sans cesse les mots niello, niellare, niellatore, dont le sens ne nous était pas connu ; le tout entremêlé d'exclamations joyeuses, dont il a rendu compte dans son ouvrage, avec une naïveté et une bonhomie tout-à-fait extraordinaires, mais qu'on serait bien coupable de regarder comme un radotage, pardonnable a un vieillard dont l'ouvrage ne serait qu'une simple rapsodie. L'agitation dans laquelle était l'abbé Zani devait paraître d'autant plus singulière, que depuis six mois qu'il venait tous les jours travailler à la même place, il avait été facile de remarquer que son infirmité le rendait semblable à un terme, et l'empêchait de prendre part à rien de ce qui se passait autour de lui. Très jeune à cette époque, et ne pouvant attacher à cette intéressante découverte autant d'importance que notre savant amateur, je n'oublierai jamais cependant la scène singulière que produisit l'état d'enthousiasme où se trouvait ce digne abbé Zani ; elle m'a frappé si fortement, qu'après plus de vingt-cinq ans, elle est encore parfaitement présente à mon esprit. » (Essai sur les nielles, 1826, p. 55-56).


Le portrait attachant de l’abbé Pietro Zani gravé par Dominique Vivant Denon est un témoignage vivant de cette découverte et de l’impression qu’elle fit sur l’artiste. Pietro Zani raconte : « Je ne tardais pas un instant à faire part de ma découverte à M. Joly […] garde du Cabinet (de France), à ses employés et à plusieurs de ses amis, au nombre desquels était le célèbre M. Denon, qui voulut de suite graver mon portrait dans le moment même où il m’avait vu, une loupe à la main, examiner cette estampe ». (Materiali per servire alla storia dell’origine e de progressi dell’incisione in rame e in legno, e sposizione dell’interessante scoperta d’una stampa originale del celebre Maso Finiguerra, citation traduite par Georges Duplessis in Histoire de la Gravure, 1880, p. 31). Le nielle de Maso Finiguerra, quoiqu’aujourd’hui déchu de son statut de toute première gravure, reste un jalon important dans l’histoire de l’estampe. Le portrait gravé par Vivant-Denon témoigne à son tour, par la gravure elle-même, du plaisir et de l’enthousiasme des historiens et des amateurs pour les épreuves précieuses dont ils examinent les qualités et apprécient la valeur artistique et historique.

Références : Albert de la Fizelière, L’œuvre originale de Vivant Denon, 1873 ; Gisèle Lambert, Les premières gravures italiennes : Quattrocentodébut du cinquecento. Inventaire de la collection du département des Estampes et de la Photographie. Nouvelle édition [en ligne]. Jean Duchesne, Essai sur les nielles, 1826 ; Georges Duplessis, Histoire de la Gravure, 1880.


11. Francisco GOYA y LUCIENTES (1746 - 1828) Bellos consejos [Jolis conseils] - 1799 Eau-forte, aquatinte, brunissoir et burin, 215 x 151 mm. Harris 50, III-1 (sur 12). Delteil 52. Planche 15 de la série Los Caprichos [Les Caprices], en tirage de la première édition, 1799 (tirage à environ 300 exemplaires). Superbe épreuve imprimée à l’encre légèrement sépia sur papier vergé. Très bon état de conservation. Léger jaunissement de la feuille. Petites amincissures dans les angles supérieurs au verso. Marges légèrement réduites (feuille : 265 x 187 mm). Provenance : - collection Loys Delteil (1869-1927), son timbre imprimé en noir au verso de la feuille (Lugt 773). Loys Delteil, important historien de l’estampe et lui-même graveur, a consacré au catalogue raisonné des gravures de Francisco Goya, les tomes 14 et 15 de son Peintre Graveur illustré (XIXe ET XXe SIÈCLES) parus en 1922. - Goupil Paris, timbre imprimé en noir au verso en bas à droite (Lugt 1090a). La Maison Goupil était une maison d’édition d’art. Frits Lugt indique dans le répertoire des Marques de collections de dessins & d’estampes paru en 1921 que la marque 1090a ne se rencontre que rarement et seulement sur des feuilles non éditées par Goupil. La Maison Goupil avait été fondée vers 1827 par Adolphe Goupil (1806-1893).



Le manuscrit du musée du Prado, parfois attribué à Goya, commente ainsi cette planche : « Los consejos son dignos de quien los da. Lo peor es que la señorita va a seguirlos al pie de la letra.¡Desdichado del que se acerque! » « Les conseils sont dignes de celle qui les donne. Le plus triste est que la demoiselle va les suivre au pied de la lettre. Malheureux le premier qui l’approchera ! » (traduction citée par Jean-Pierre Dhainault, Les Caprices, 1999, p. 166). Le couple de la jeune femme et de la vieille entremetteuse rappelle les personnages récurrents dans l’œuvre de Goya de la Maja et de la Célestine, ou de la prostituée et de son entremetteuse. Pour l’instant, la chaise du prétendant est vide, mais sa figure apparaît dans d’autres planches des Caprices telles que Ni asi la distingue [Même ainsi il ne la voit pas], ¡Qué sacrificio ! [Quel Sacrifice !] ou ¿Quien màs rendido ? [Qui est le plus servile ?]. Un dessin préparatoire est conservé au Museo del Prado.



12. Nicolas-Toussaint CHARLET (1792 - 1845) Le Marchand de dessins lithographiques - 1818/19 Lithographie, 237 x 310 mm. La Combe 85, IFF 66. Très belle épreuve imprimée sur vélin blanc. Une petite déchirure de 10 mm anciennement et sommairement restaurée dans la marge inférieure (dans le blanc à gauche de la lettre) et quelques petites salissures dans les marges. Épreuve rognée d’un demimillimètre en pied avec perte de l’extrémité du g de Lithographiques et petites marges sur les trois autres côtés (feuille : 257 x 345 mm). Nicolas-Toussaint Charlet croque ici avec humour ses sujets favoris, un sapeur et un conscrit, détaillant avec intérêt des lithographies qui les représentent dans leurs occupations habituelles : marchant au combat, s’occupant de leurs chevaux, etc. Le marchand d’estampes semble pour sa part s’être assoupi dans son échoppe. Cette célèbre lithographie a été imprimée sur les presses de François-Séraphin Delpech (1778-1825). Datant de 1818-1819, elle fait partie des incunables lithographiques. François-Séraphin Delpech avait lui-même ouvert une boutique et imprimerie d'estampes au 3, quai Voltaire à Paris, que Carle Vernet a représentée dans une lithographie en 1818 : Imprimerie lithographique de F. Delpech. Rare estampe (marquée « R » au catalogue raisonné de La Combe).



13. Honoré DAUMIER (1808 - 1879) Ne vous y frottez pas !! - 1834 Lithographie, 315 x 435 mm (au trait d’encadrement intérieur). Delteil 133. Très belle épreuve imprimée sur papier vélin. Pli central normal légèrement cassé en tête. Quelques petits plis de manipulation dans la partie supérieure gauche et quelques petites déchirures sommairement restaurées sur les bords. Feuille : 360 x 490 mm. « Un vigoureux ouvrier imprimeur, sculpturalement dessiné au premier plan, attend de pied ferme Louis-Philippe, entouré de Jean-Charles Persil et Odilon Barrot (à l’arrière-plan gauche), alors que le sort de Charles X, secouru par les monarques étrangers (à droite), laisse présager celui qui sera réservé à LouisPhilippe s’il s’oppose à cette figure populaire de la liberté de la presse. » (Valérie Sueur-Hermel p. 66). Ne vous y frottez pas !! a été publiée pour l’Association mensuelle lithographique en mars 1834. Ce supplément du Charivari créé par Charles Philippon en 1832 pour assurer la survie du journal proposait en souscription des lithographies de grand format. Honoré Daumier créa cinq lithographies pour l’Association mensuelle, dont Rue Transnonain, le 15 avril 1834 et Le Ventre législatif. Avec Ne vous y frottez pas !! ces lithographies ont été considérées dès leur parution comme les chefs-d’œuvre de Daumier. Référence : Valérie Sueur-Hermel : Daumier : l’écriture du lithographe, 2008.





14. Adolphe Théodore Jules Martial POTEMONT (1828 - 1883) Siège de la Société des Aquafortistes - 1864 Eau-forte, 292 x 385 mm. Bailly-Herzberg p. 134. Superbe épreuve aux noirs profonds, imprimée sur chine crème appliqué sur vélin crème. Excellent état. Épreuve rognée à 1 mm à l’extérieur de la cuvette sur trois côtés et juste à l’intérieur de la cuvette à gauche (sans perte d‘image). Le Siège de la Société des Aqua-fortistes a été publié par la Société des Aquafortistes dans la première livraison de sa troisième année (1er septembre 1864). Le tirage ordinaire est sur papier vergé. Il existait un tirage de luxe à 25 exemplaires avant la lettre sur papier de hollande. Notre épreuve sur chine crème appliqué sur vélin devait être également un tirage de luxe. Les gravures achetées par souscription pouvaient être aussi vendues à part à un prix plus élevé. Devant les larges vitrines richement garnies, à l’angle de la rue de Richelieu et de la rue Ménars, se pressent des amateurs et des curieux, hommes et femmes de toutes conditions, qui examinent et commentent les œuvres exposées : gravures, tableaux, dessins, sculptures... Nous sommes en 1864. Alfred Cadart a ouvert sa boutique l’année précédente, après s’être séparé de Félix Chevalier avec qui il avait fondé la Société des Aquafortistes en 1862. Avec Jules Luquet, il a fondé la société Cadart et Luquet qui s’est installée 79, rue de Richelieu, à l’enseigne Aux Arts modernes. Les nombreuses inscriptions sur la façade, que Potémont a gravées aussi sous l’image, détaillent les produits proposés dans la boutique. On y trouve non seulement des œuvres d’art :



tableaux, gravures, lithographies, sculptures, bronzes, marbres et terres cuites, aquarelles et dessins, mais aussi des produits pour les artistes : outils pour la gravure à l’eau-forte, couleurs et vernis. L’immeuble héberge également un atelier où Cadart et Luquet invitent les artistes à venir s’essayer à l’eau-forte, déclarant qu’« ils se [feraient] un plaisir d’indiquer à tous ceux qui [voudraient] bien s’adresser à eux, l’usage des instruments, l’emploi des vernis, les détails de la morsure, et les divers procédés qui forment le fonds de la gravure à l’eau-forte » (BaillyHerzberg, p. 22). Ce que feront de nombreux artistes. Janine BaillyHerzberg cite notamment Degas, qui, après avoir dessiné sur le vif des danseuses, allait chez Cadart mettre son croquis au cuivre. Vollard raconte aussi que Degas exécutait chez Cadart des monotypes qu’il rehaussait quelquefois au pastel. Parmi la trentaine d’eaux-fortes exposées dans les espaces vitrés entre les grandes vitrines apparaissent les titres de deux publications : un Traité à l’eau-forte, qui rappelle la vocation pédagogique des lieux, et L’Ancien Paris, qui regroupe une série importante de vues de Paris, à travers lesquelles MartialPotémont a enregistré les changements subis par la capitale. Cette publication, qui comprenait 300 eaux-fortes, fut le premier grand succès de l’artiste.

Références : Janine Bailly-Herzberg : L’eau-forte de peintre au dixneuvième siècle : La Société des aquafortistes, 1862-1867, Paris, 1972 ; Janine Bailly-Herzberg : Dictionnaire de l’estampe en France, 1830-1950, Paris, 1985.



15. Rodolphe BRESDIN (1822 - 1885) L’Éclaircie dans la forêt - 1880 Eau-forte, 242 x 163 mm (feuille). Van Gelder 147. Très belle épreuve imprimée sur chine chamois appliqué sur vélin fort blanc. Menues salissures dans les angles, sinon très bon état. Épreuve rognée à l’intérieur du coup de planche, avec bonnes marges du cuivre conservées. L’épreuve est montée par un onglet de papier sur une feuille de papier vergé ancien. Épreuve rarissime. Dirk van Gelder mentionne seulement « deux exemplaires authentiques connus » imprimés par Bresdin luimême « sur chine appliqué » : l’un est conservé au Kunstmuseum Den Haag, autrefois Gemeentemuseum (épreuve reproduite dans le catalogue de Van Gelder), l’autre, portant le timbre personnel rouge de Bresdin, appartenait à la collection Richard Bühler à Winterthur (épreuve reproduite dans Die Schwarze Sonne des Traums, p. 96, cat n°56). Van Gelder ajoute qu’ « il n’y eut sans doute que quelques épreuves posthumes, toutes sur hollande vergé, par exemple l’exemplaire portant le timbre sec qui se trouve à la Bibliothèque nationale à Paris et dont Rodolphine Bresdin dit : ‘une de celles que Delâtre avait tirées pour moi sur chine hollande… admirable eau-forte des cuivres restés chez Delâtre’ ». Cette épreuve, conservée à la Réserve des Estampes de la BnF, est décrite par Maxime Préaud comme une « épreuve sur chine crème clair appliqué sur vergé crème clair, avec le timbre sec (Lugt, 2194) mordant légèrement sur le sujet placé par erreur dans l’angle supérieur gauche ».



Van Gelder mentionne encore une épreuve de tirage posthume, conservée à l’Art Institute of Chicago ; elle est imprimée sur papier vergé crème. Il cite enfin une épreuve dans la collection Paul Prouté à Paris. L’épreuve que nous présentons est très probablement issue du premier tirage. Le papier, un chine chamois appliqué sur vélin fort blanc (et non sur vergé) est couramment utilisé en effet par Bresdin lui-même pour ses tirages. Van Gelder note ainsi qu’à ses débuts il imprimait le plus souvent sur vergé ou vélin fin fabriqué à la main mais que « plus tard, et surtout depuis qu'il commença à exécuter des lithographies, Bresdin recourut de plus en plus à du papier de Chine, très à la mode au XIXe siècle. C'était en général du vélin fin ou extra-fin, d'excellente qualité et de diverses couleurs : du blanc cassé ou gris clair au crème, jaunâtre et brun clair » qui était ensuite appliqué sur « une seconde feuille de vélin, plus grande, le futur support de l'estampe ». (Van Gelder, vol. 1, Appendice VI, p. 186). Nous savons d’autre part que Bresdin rognait lui-même fréquemment ses épreuves. Bresdin a gravé L’Éclaircie dans la forêt sur le cuivre d’une autre estampe, La Forêt (VG 142), réalisée peu de temps auparavant, en la recouvrant presque entièrement, comme l’a compris Dirk van Gelder, réalisant que Bresdin avait pratiqué de même dans plusieurs de ses dernières eaux-fortes : « Dans sa dernière période, il ne fait plus que dépeindre un monde inhabité. En 1880, il produit quatre eaux-fortes, fruits d'une profonde intimité: Paysage rocheux (cat. 143), le Cours d’eau (cat. 144), le Ruisseau sous-bois (cat. 145) et L‘Eclaircie dans la forêt (cat. 147). Les quatre se fondent sur des œuvres antérieures : Le Ruisseau des gorges (cat. 130) pour le Paysage rocheux, la Cité lointaine (cat. 131) pour le Cours d'eau, les Baigneuses dans la



montagne (cat. 115) pour le Ruisseau sous-bois, la Forêt (cat. 142) pour l’Éclaircie dans la forêt.] Ses difficultés matérielles inspirent à Bresdin des miracles d'ingéniosité. II racle ses vieilles plaques de cuivre et les recouvre de vernis noir non plus, comme à Bordeaux, pour modifier ses compositions, pour en faire d'autres états, mais pour projeter son nouveau rêve sur les vestiges, échappés au racloir, d'un monde à présent renié. » (Van Gelder, vol. 1, p. 152). Le sujet de L’Éclaircie dans la forêt reste énigmatique. Van Gelder cite cette description que Robert de Montesquiou fait de l’épreuve qu’il possédait alors dans sa collection (qui est selon Van Gelder celle conservée aujourd’hui à l’Art Institute of Chicago) : « peutêtre un ressouvenir du voyage d'Amérique, et comme un frontispice de forêt vierge : un inextricable fouillis de branchages circulairement enchevêtrés de frondaisons et de lianes, à l'entour d'une vague trouée qui s'éclaircit au centre, telle que parmi les épineux empêchements des difficultés et des obstacles, une lumineuse perspective sur l'inconnu, sur l'espérance... » (Robert de Montesquiou, p. 29-30). Si la perspective de L’Éclaircie dans la forêt peut sembler à première vue s’apparenter à celle de Branchages (VG 146), on s’aperçoit vite qu’elle n’est pas du tout aussi claire. Dans Branchages, la perspective est une vue en contre-plongée, le regard du spectateur se situant au bas du tronc, à hauteur des racines. De même, Paysage rocheux, le Cours d’eau et le Ruisseau sous-bois s’inscrivent dans l’espace classique du paysage, où le spectateur peut aisément se situer. Ce n’est plus le cas de L’Éclaircie dans la forêt, où malgré la perspective ouverte par la trouée le spectateur ne trouve aucun repère : contemplant cet enchevêtrement de branches et de feuillages, il s’interroge non


Branchages (ca. 1880)


seulement sur ce qu’il voit mais sur son point de vue. Est-il dedans ou dehors, au-dessous ou au-dessus ? Comme l’observe François Fossier « on ne sait vraiment pas où se placer dans cet inextricable lacis de racines, de fougères, de lianes, de feuillages ténus. » (Fossier, p. 17). La trouée elle-même ne constitue pas à proprement parler une ouverture sur un arrière-plan, comme dans Le Bon Samaritain (VG 100) ou La Fuite en Égypte (VG 85 où une ville se dessine dans le lointain. Le seul repère indiqué par Bresdin, ce sont les signatures presque invisibles gravées au bas : le monogramme RB au milieu et les lettres RoDophe BReDin (sic) précédées de la date 1880 à droite. Or, l’estampe se laisserait regarder aussi bien dans un autre sens. C’est ainsi que sur l’épreuve de la BnF le timbre de Rodolphine Bresdin puis celui de la bibliothèque ont été apposés par erreur en haut de l’estampe et non au bas où se trouvent les signatures (cette épreuve a été par suite reproduite à l’envers dans Bresdin, Dessins et gravures de Dirk van Gelder en 1976, puis dans le bon sens dans le catalogue raisonné).

Références : Dirk van Gelder, Rodolphe Bresdin, vol. 1, Monographie, vol. 2, Catalogue raisonné de l'œuvre gravé, La Haye, 1976 ; Dirk van Gelder, Rodolphe Bresdin : Dessins et Gravures, Paris, 1976 ; Hans Albert Peters, Die Schwarze Sonne des Traums : Radierungen, Lithographien und Zeichnungen von Rodolphe Bresdin, 1822-1885, 1972 ; Robert de Montesquiou, L'inextricable graveur - Rodolphe Bresdin, 1913. François Fossier, Rodolphe Bresdin (1822-1885) un graveur solitaire, 1990.


Le Bon Samaritain (1861)


16. Eugène DELÂTRE (1864 - 1938) Marcel [Portrait du fils de l’artiste] - 1894 Eau-forte et aquatinte, 180 x 254 mm. Cate et Grivel 65. Cette épreuve est la seule que nous connaissons avant réduction des cuivres d’environ 3 mm sur les quatre côtés. Les deux autres épreuves que nous connaissons de cette estampe sont tirées sur les cuivres réduits, la signature et la date tronquées étant peu lisibles. L’une, conservée au Zimmerli Art Museum, est citée dans De Pissarro à Picasso, p. 185, cat. 65 et reproduite dans Art Nouveau Bing, pl. 26 ; elle mesure 174 x 248 mm, est signée au crayon bleu, numérotée n°5 et annotée Marcel, tir. à 28 ép. Une autre épreuve était proposée à la vente par la galerie Zygman Voss à Chicago ; elle était signée et numérotée n°27. Belle épreuve imprimée au repérage en bleu foncé, bleu clair, rose pâle et orange sur papier japon vergé. Signée dans la planche Eug Delâtre 94. Signée au crayon bleu dans la marge inférieure (signature presque totalement effacée). Quelques petits plis de manipulation et légers frottements de surface par endroits dans la partie droite de l’image. Léger amincissement de la feuille dans la marge inférieure droite (probablement d’origine). Petites marges tout autour de la cuvette (feuille : 210 x 285 mm). Comme le rappelle Nicholas-Henri Zmelty, Eugène Delâtre fut un pionnier des recherches sur l’eau-forte en couleurs dès le début des années 1890. Avec son ami, le peintre et graveur Charles Maurin, il explora dans un premier temps la technique de l’impression en couleurs au repérage à partir de plusieurs planches (une par couleur) avant de se tourner vers 1895 vers le




procédé de l’encrage « à la poupée » qui ne nécessitait qu’une seule matrice. Il initia dans ce domaine nombre d’artistes de sa génération, dont il imprima des gravures. Delâtre a employé la technique de l’impression au repérage pour imprimer Marcel, de même que d’autres portraits, notamment des portraits de famille, datant de la même époque : sa fille Pauline debout à la grille du jardin, son père Auguste examinant une épreuve à côté d’une grande presse et son bel autoportrait dans son atelier de Montmartre. Une autre eau-forte imprimée en couleurs au repérage, vers 1895, représente de nouveau son fils Marcel, fumant cette fois une cigarette. Le cadrage très serré, à hauteur d’enfant, laissant à peine deviner le mobilier de la pièce tronqué par les bords de la plaque, est tout à fait japonisant. La composition est structurée par les lignes verticales et diagonales de la cheminée, de la table de chevet et de la fenêtre dont on aperçoit le bas des deux battants ouverts. La sobriété du décor (une simple frise d’entrelacs et une fleur sur la cheminée, trois boites en carton placées dans le chevet) et l’air concentré du petit Marcel font le charme de ce portrait intime.

Référence : Gabriel P. Weisberg : Art Nouveau Bing : Paris Style 1900, 1986 ; Phillip Dennis Cate et Marianne Grivel, De Pissarro à Picasso, L’Eau-forte en couleurs en France, 1992 ; Hélène Koehl et Nicholas-Henri Zmelty : Impressions à Montmartre : Eugène Delâtre & Alfredo Müller, 2013.



1. Niccolò VICENTINO Saint Pierre et Saint Jean, d’après Le Parmesan - années 1540 2. Nicolas BÉATRIZET Romains combattant les Daces - 1553 3. Hendrick GOLTZIUS Le Dragon dévorant les compagnons de Cadmos - 1588 4. Crispin de PASSE Discordia - 1589 5. REMBRANDT HARMENSZOON VAN RIJN Chaumière près d’un canal avec vue sur la ville d’Ouderkerk - c. 1641 6. Abraham BOSSE Les Imprimeurs en taille-douce - 1642 7. Gilles DEMARTEAU Jeune Dessinateur, d’après François Boucher 8. Jean-Honoré FRAGONARD La Vision de Saint Jérôme - 1763/1764 9. Jean-Étienne LIOTARD Autoportrait, la main au menton (grande planche) - 1778/1781 10. Dominique Vivant DENON L'Abbé Zani faisant, dans le Cabinet National des estampes de Paris, l’intéressante découverte d’une gravure de Maso Finiguerra - c. 1798 11. Francisco GOYA y LUCIENTES Bellos Consejos - 1799 12. Nicolas-Toussaint CHARLET Le Marchand de dessins lithographiques - 1818/1819 13. Honoré DAUMIER Ne vous y frottez pas !! - 1834 14. . Adolphe Théodore Jules Martial POTEMONT Siège de la Société des Aquafortistes - 1864 15. Rodolphe BRESDIN L’Éclaircie dans la forêt - 1880 16. Eugène DELÂTRE Marcel - 1894 2021 © Copyright Sarah Sauvin


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