110913 la précarité énergétique, un chantier européen prioritaire

Page 1

Michel DERDEVET

La précarité énergétique, un chantier européen prioritaire Expert reconnu des questions énergétiques, Michel Derdevet est professeur au Collège d'Europe de Bruges et maitre de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris. Derniers ouvrages paru : L'avenir energétique : carte sur table (2012) et L'Europe en panne d'énergie. Pour une politique energétique commune (Descartes, 2009).

«Nous ne coalisons pas des États, nous unissons des hommes » Jean Monnet À l’heure où s’achève dans notre pays un débat national de plusieurs mois sur la transition énergétique, et dans la perspective de la loi à venir qui traduira les engagements pris par le président de la République en 2012, il est opportun de revenir sur une des priorités du moment, en France, mais aussi en Europe et dans le monde : l’accès du plus grand nombre à une énergie disponible et de qualité. Plus que jamais, la précarité énergétique, définie comme la « difficulté de satisfaire ses besoins élémentaires en énergie domestique, du fait de revenus insuffisants, de prix élevés de l’énergie et de logements de faible qualité énergétique »1, apparaît ....................................................................................................................... 1. J. Weissenberger, La lutte contre la précarité énergétique dans l’UE, bibliothèque du Parlement européen, Library Briefing, 29 novembre 2012.

| Michel DERDEVET |

9


en effet comme un enjeu global, mis en évidence dans l’agenda de l’Organisation des Nations unies qui appelle d’ici 2030 à un accès universel à l’énergie en général, et à l’électricité en particulier, ainsi qu’à une augmentation de l’efficacité énergétique pour diminuer substantiellement la consommation d’énergie2.

10

L’urgence est là : 1,3 milliards d’individus (20 % de la population mondiale) n’ont toujours pas accès à l’électricité, et 2,8 milliards continuent de se chauffer ou de cuisiner avec le bois ou d’autres types de biomasse3, souvent à l’origine de cancers et de maladies respiratoires4. L’absence d’électricité touche en moyenne 57 % des africains, avec des pointes à 85 % au Congo et en Tanzanie, et même à 92 % en Ouganda. Les 20 millions d’habitants de l’État de New-York consomment annuellement l’équivalent énergétique des 800 millions de l’Afrique Sub-saharienne ! Et pourtant, les experts de l’Agence internationale de l'énergie (AIE) estiment qu’il suffirait seulement de multiplier par 5,3 les programmes afférents5 et de consacrer, d’ici 2030, 48 milliards de dollars par an à la pauvreté énergétique pour garantir à cet horizon un accès universel à l’énergie à tous les habitants de la planète. Soit un effort annuel mondial équivalent à l’achat de 128 Airbus A380 ! Dans ce contexte de précarité au niveau mondial, l’Union européenne (UE) a été jusqu’ici un acteur particulièrement actif, principal fournisseur d’aide humanitaire et d’aide au développement dans le monde. En 2011, l’UE a ainsi versé 53 milliards d’euros d’aide au développement, soit 55 % du total mondial, selon l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). A travers ....................................................................................................................... 2. The Secretary-General’s High-Level Group on Sustainable Energy for All, Sustainable Energy for All, A Global Action Agenda, avril 2012. 3. Banque Mondiale / AIE, mai 2013. 4. Y. Sokona, Y. Mulugetta, H. Gujba, « Widening energy access in Africa : towards energy transition », Energy Policy, n°47, 2012, P.4. 5. L’accès à l’énergie mobilise aujourd’hui 9,1 milliards de dollars dans le monde, essentiellement issus des organisations multilatérales (34 %) et des aides bilatérales au développement (31 %).


sa politique de coopération, elle a contribué à éradiquer la pauvreté et la précarité dans les pays pauvres, ainsi qu’à les soutenir dans la transition vers des modèles durables de développement. Parmi les milliers de projets que l’UE a financés, beaucoup ont porté sur la précarité énergétique dans les pays tiers, au point que l’an dernier, lors du Sommet européen de l’énergie durable, José Manuel Barroso a déclaré que « l’UE menait en la matière ce que certains appellent une troisième révolution industrielle »6. Mais la crise est passée par là, et l’aide au développement prévue dans le budget européen 2014-2020 sera strictement de même volume que celle déployée sur la période budgétaire 2007-2013. Sachant qu’entre temps, les aides directes des États membres se sont elles effondrées, de plus d’un tiers par exemple pour la Grèce et l’Espagne. En réalité, si l’Union européenne revoit à la baisse son rayonnement international, c’est aussi et surtout parce que la pauvreté énergétique est devenue depuis 2005 une question sociale majeure en son sein, qui touche prioritairement les plus de 65 ans, les familles monoparentales, les personnes au chômage et les bénéficiaires d’allocations sociales. Sur fond de crise financière générale, les prix de l’énergie ont flambé ces derniers mois : entre 2011 et 2012, le prix du gaz a ainsi augmenté en Europe, en moyenne, de 10,3 %, et celui de l’électricité de 6,3 %. Mais ces moyennes dissimulent mal des hausses bien plus « brutales » : ainsi, le prix du gaz pour les ménages s’est accru de 21% en Lettonie, de 19 % en Estonie et de 18 % en Bulgarie7 . Et, sur la même période, la hausse de l’électricité a été de 21% à Chypre, 15% en Grèce, 11% en Italie, 10% en Irlande et au Portugal et 9% en Espagne, en Pologne et en Bulgarie. ....................................................................................................................... 6. Commission européenne, EuropeAid, 16 avril 2012 7. Eurostat, mai 2013

| Michel DERDEVET |

11


Pour expliquer cela, plusieurs facteurs spécifiques peuvent être envisagés, sans hiérarchie ni exhaustivité : la dépendance croissante de l’UE vis-à-vis de ressources énergétiques fossiles importées8, de plus en plus coûteuses, qui selon certaines estimations pourraient constituer 56 % du bilan énergétique européen en 2030 ; l’échec d’un marché intérieur censé faire baisser mécaniquement les prix, au bénéfice du consommateur final, par les seules vertus de la libéralisation et de la concurrence pure et parfaite, et qui n’aura pas permis, ce qui était un pré-requis, que les prix de l’énergie reflètent de manière transparente les « coûts complets » ; enfin le développement onéreux, à marche forcée, de politiques subventionnant les énergies renouvelables, avec un impact non négligeable sur la facture du consommateur final (cf. le cas de l’Allemagne ou de l’Espagne).

12

In concreto, d’après les données du Parlement européen9, la pauvreté énergétique concerne aujourd’hui entre 50 et 125 millions d’Européens, soit un citoyen européen sur sept qui a des difficultés pour satisfaire ses besoins élémentaires d’énergie. L’Europe ne peut ignorer plus longtemps cette question, d’autant plus qu’un Eurobaromètre récent du Parlement européen indique que 81 % des européens souhaitent que la lutte contre la précarité énergétique soit traitée en priorité au niveau de l’UE10. À moins d’un an des élections européennes de 2014, notre conviction est que l’Union européenne doit mettre ce sujet « en haut de la pile » et redonner ainsi du sens à son action ; en compensant sa dimension « marché » par un volet solidarité (qui est dans ses gênes !), elle pourrait ainsi retrouver du crédit vis-à-vis du citoyen européen. ....................................................................................................................... 8. De 40 % de sa consommation brute d’énergie en 1980, cette dépendance est passée à 53,9 % en 2009 selon Eurostat. 9. Parlement européen, « Résolution du Parlement européen du 15 décembre 2010 sur la révision du plan d’action pour l’efficacité énergétique (2010/2107(INI) », 2012/C 169 E/09. 10. Parlement européen, Eurobaromètre - Les Européens et l’énergie (Partie II), Bruxelles, 19 avril 2011


Mais, pour ce faire, certaines insuffisances doivent être surmontées. Premièrement, l’Union européenne doit mieux coordonner l’action des États membres et, plus généralement, des collectivités impliquées dans la lutte contre la pauvreté énergétique. Deuxièmement, l’Europe a besoin de lisibilité, c’est-à-dire de plus de clarté dans les bases, notamment juridiques, lui permettant d’agir face à cette situation. Enfin, cette action doit être rendue visible à travers des actes concrets, des décisions sensibilisant la société européenne. À la base de la réussite et de l’accomplissement de ces trois défis, reste néanmoins l’établissement d’une définition commune de la pauvreté énergétique pour tous les États membres, ce qui est la condition première.

Face à la cacophonie des Etats, une nécessaire définition européenne de la pauvreté énergétique

13

Les concepts de précarité et de pauvreté énergétique recouvrent des réalités différentes selon les pays européens. Les directives européennes de 2003 et 2009 recommandent que chaque pays adopte une définition des « consommateurs vulnérables » et mette en place des politiques pour les protéger. En 2013, on est loin, très loin du but ! À ce jour, il n’y a ni définition européenne de la précarité énergétique, sauf en France, en Slovaquie au Royaume-Uni et en Irlande, ni approche coordonnée des politiques publiques menées. La Grande Bretagne, qui dans les années 1990 a été pionnière en Europe dans la prise de conscience de la fuel poverty, et la plus gravement touchée par le phénomène (entre 2003 et 2009 la proportion des ménages pauvres en énergie est passée de 5,9 % à 18,4 %11), définit ....................................................................................................................... 11. E. Laurent, « Pour une justice environnementale européenne, le cas de la précarité énergétique », Revue de l’Observatoire français des conjonctures économiques, Débats et politiques, no. 120, 2011, p. 111.

| Michel DERDEVET |


comme tel un ménage qui consacre plus de 10 % de ses revenus pour avoir un niveau satisfaisant de chaleur dans son logement (21° dans la pièce principale et 18° dans les autres). Trois éléments sont pris en compte : le revenu du foyer, le prix de l’énergie et la consommation. Cette définition, qui ne tient pas compte des autres besoins domestiques, est actuellement révisée par le gouvernement britannique, mais on peut observer dans ce pays à la fois une implication très forte de tous les acteurs (État, entreprises énergétiques, collectivités locales, propriétaires) et le choix de mesures à la fois préventives et curatives.

14

La France, via la loi « Grenelle 2 » du 12 juillet 2010, prévoit qu’est en situation de précarité énergétique « une personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat »12. Pour faire face à cette situation, de nombreux programmes de rénovation de l’habitat ont été annoncés ces dernières années, mais peu coordonnés et trop peu financés, ils n’ont porté à ce jour que sur une faible quantité de logements. Quant aux tarifs sociaux de l’électricité et du gaz, ils ne concernent aujourd’hui qu’une fraction limitée des plus démunis et l’enveloppe dédiée est en régression constante depuis dix ans ; d’où la nécessité exprimée le 17 juillet 2013 par le ministre français de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie, Philippe Martin, de faire évoluer et de simplifier le dispositif existant afin de s’assurer que les 8 millions de français concernés en bénéficient au plus vite. Au plan européen, le Comite économique et social européen (CESE) suggère quant à lui de définir la précarité énergétique comme « la difficulté ou l’incapacité pour un ménage de maintenir son logement à une température adéquate pour un prix raisonnable […] ....................................................................................................................... 12. Article 4 de la Loi française n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement (1) dite « Loi Grenelle II ».


et de disposer d’autres services énergétiques essentiels »13. En fait, on pourrait de notre point de vue, en dérogation aux règles de la concurrence, mais comme l’Europe le fait déjà depuis plusieurs décennies pour les aides à finalité régionale, accepter le principe d’aides nationales émanant d’opérateurs publics (États ou collectivités publiques, régionales ou locales) ou privés (entreprises énergétiques), moyennant une définition partagée de la précarité énergétique, établie par exemple à partir des données d’Eurostat sur le budget des ménages européens. Il s’agirait donc de quantifier les dépenses en matière d’énergie dans les États membres et d’en extraire un indicateur européen de « proportion des ménages dépensant une part considérable de leur revenu en énergie »14. Le travail de la Commission pour établir cet indicateur pourrait être facilité par la création d’un Observatoire européen de la pauvreté énergétique, proposition mise en avant actuellement par le Comité économique et social européen ; cet observatoire pourrait évaluer la précarité énergétique sur la base d’indicateurs tels que la capacité d’un ménage à maintenir son logement à une température adéquate (21 % dans l’UE-27), le pourcentage de la population ayant des factures énergétiques impayées (7 % dans l’UE-27 en 2007) ou le nombre de logements où l’on constate des déperditions d’énergie ou d’autres dysfonctionnements (18 % dans l’UE-25 en 2007)15. La précarité énergétique résulte souvent de la combinaison de trois facteurs : des ménages vulnérables, une mauvaise performance thermique des logements, le coût de l’énergie lui-même. Mais il faut aller plus avant. Sans une définition commune en Europe de la précarité énergétique, la lutte contre ce phénomène au niveau de l’Union restera aléatoire et l’écart se creusera, au sein d’un même ....................................................................................................................... 13. Comite économique et social européen, Avis du Comite économique et social européen sur « La précarité énergétique dans le contexte de la libéralisation et de la crise économique » (avis exploratoire), (2011/C 44/09). 14. E. Laurent, op. cit., p. 107. 15. Comite économique et social européen, op. cit..

| Michel DERDEVET |

15


espace économique, entre les pays qui pourront développer des actions spécifiques et ceux qui laisseront dériver leurs concitoyens.

Plus de cohérence dans les interventions publiques et une compétence subsidiaire confiée à l’Union

16

Une intervention plus efficace de l’Europe dans la lutte contre la précarité devrait se traduire par une meilleure coordination, à tous les niveaux : local, régional, national et européen. Le niveau d’action contre la précarité énergétique diffère en effet d’un État à l’autre. Ainsi, l’action de la Grande Bretagne est caractérisée par une forte implication des propriétaires de logements et des collectivités locales, alors qu’en France, la détermination des politiques publiques de lutte contre la précarité énergétique reste concentrée au niveau étatique. La Belgique focalise ses efforts tant au niveau fédéral que régional. Quant à la Hongrie, les actions désordonnées des gouvernements centraux et locaux sont dans une grande mesure complétées par les initiatives menées par les organisations non-gouvernementales16. Pour l’Union européenne, l’engagement n’est possible que s’il est en accord avec le principe de subsidiarité inclus dans l’article 5 du traité instituant l’Union Européenne : « la Communauté n’intervient […] que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc […] être mieux réalisés au niveau communautaire ». En l’occurrence, c’est le cas ! Face à l’inefficacité des actions infranationales, il est légitime de réfléchir, aujourd’hui, à une approche top-down pour lutter, efficacement, contre la précarité énergétique. Depuis vingt ans, on nous a expliqué que la création du marché énergétique européen serait le vecteur privilégié permettant d’assurer ....................................................................................................................... 16. S. Tirado Herrero, D. Ürge-Vorsatz, Fuel Poverty in Hungary, A first assessment, Center for Climate Change and Sustainable Energy Policy (3CSEP), Central European University (CEU), 2010, p. 27


l’accès à l’énergie, à des prix raisonnables, à tous les citoyens/ consommateurs. Faute de succès tangible, l’objectif de l’Union doit désormais être de créer un espace solidaire, répondant aux attentes et aux préoccupations des européens17 et assurant la cohérence de tous les volets (y compris économique, politique, social etc.) et à tous les niveaux de la lutte contre la précarité énergétique. L’Europe devrait avoir une compétence large afin de mettre en œuvre, de manière transversale, tout l’éventail des mesures indispensables, qui vont de l’aide sociale, par les tarifs d’énergie, jusqu’à l’amélioration de l’isolation des bâtiments.

La nécessité de nouvelles bases juridiques En l’absence de définition claire, le cadre juridique européen de lutte contre la précarité énergétique ressemble plus à une mosaïque composée d’éléments aléatoires, tirés des différents textes législatifs européens. Il faut ainsi, afin de trouver la dimension purement énergétique de la précarité, se référer à des textes tels que la directive sur l’efficacité énergétique des bâtiments pour voir les critères minimaux en matière de performance énergétique des bâtiments18 « qui sont donc susceptibles de contribuer à réduire la pauvreté énergétique », ou à la directive relative à l’efficacité énergétique19 qui établit les mesures nécessaires pour accroitre l’efficacité énergétique de 20 % d’ici 2020, étend les droits des consommateurs d’électricité et vise à augmenter la transparence contractuelle avec les fournisseurs d’énergie. ....................................................................................................................... 17. M. Derdevet, « L’énergie accessible pour tous, un défi moderne », Revue de l’énergie, no. 604, novembre-décembre 2011, p. 6. 18. Directive 2010/31/UE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010 sur la performance énergétique des bâtiments (refonte de la directive 2002/91/CE). 19. Directive 2012/27/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 relative à l'efficacité énergétique, modifiant les directives 2009/125/CE et 2010/30/UE et abrogeant les directives 2004/8/CE et 2006/32/CE.

| Michel DERDEVET |

17


Les directives concernant les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité20 et du gaz naturel21 incitent également les États membres à élaborer des plans d’action nationaux et à prendre soin des clients vulnérables. Ceci reflète déjà l’autre dimension de la lutte contre la précarité qui, dans la législation européenne, peut se traduire par la protection des consommateurs. À part le troisième paquet énergie, il existe aussi la directive relative aux pratiques commerciales déloyales22 protégeant les intérêts des consommateurs. Ce cadre législatif européen est loin d’être suffisant et opérationnel. Afin d’augmenter l’efficacité juridique de ses actions de lutte contre la précarité, l’Union européenne, devrait, après avoir défini le concept, se doter d’une pièce de législation propre permettant de traiter directement l’accès insuffisant aux ressources énergétiques. 18

Elle devrait aussi, en même temps, élargir l’étendu de son champ d’action aux autres domaines et relier les questions de précarité avec, par exemple, les questions de protection de la santé au niveau européen. Vu l’impact de la précarité sur l’aggravation des maladies dus au froid dans les logements, pourquoi ne pas intégrer par exemple dans les critères d’insalubrité empêchant la location d’un logement un seuil européen standard d’isolation thermique ? Cela encouragerait, à l’évidence, les propriétaires (privés ou publics) à investir et éliminerait, pour partie, les « passoires » thermiques dont sont souvent victimes les locataires. ....................................................................................................................... 20. Directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité (abrogeant la directive 2003/54/CE). 21. Directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel (abrogeant la directive 2003/55/CE). 22. Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur.


L’UE devrait enfin veiller à ce que, désormais, tous les textes de politique énergétique tiennent compte prioritairement de ce sujet.

Quels « outils » concrets ? L’action de l’Union européenne doit être visible et partagée par l’opinion européenne. Elle peut passer par des dispositifs de court terme. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne reconnaît ainsi le droit à une aide sociale et au logement pour assurer une existence digne (article 34), l’obligation de garantir un niveau élevé de protection des consommateurs (article 38), le droit fondamental à l’accès aux services publics (article 36). Mais rien n’y est inscrit, de manière spécifique, en matière énergétique. On pourrait donc envisager de créer un Fonds européen de solidarité énergétique, dont l’objectif serait de compléter les aides nationales aux travaux d’amélioration des performances thermiques de l’habitat et les dispositifs financiers en cours d’aide aux ménages vulnérables (tarifs sociaux et « chèque énergie » pour payer les factures). À plus long terme, la directive « Efficacité énergétique » d’octobre 2012 prévoit une stratégie ambitieuse pour mobiliser les investissements dans la rénovation des logements publics et privés, ainsi que des bâtiments résidentiels et commerciaux. Cette direction est la bonne ; il faut à la fois que les fonds structurels prennent davantage en compte la lutte contre la pauvreté énergétique dans la programmation 2014-2020, et que l’enveloppe allouée à l’efficacité énergétique soit revue à la hausse. Parallèlement, la Commission devra veiller au fait que les États membres présentent d’ici le 30 avril 2014 des plans nationaux d’action permettant de décliner cette stratégie. Comme l’a souligné le Parlement européen, il faut insister sur les instruments de financement « liés aux programmes prévoyant

| Michel DERDEVET |

19


des actions de promotion d’efficacité énergétique […] et inciter les propriétaires louant les logements à rendre ceux-ci aussi efficaces que possible sur le plan énergétique »23. La lutte contre la précarité énergétique pourrait enfin être mieux menée grâce au renforcement d’implications existantes déjà du Fonds social européen et du Fond européen de développement régional dans le financement des programmes énergétiques.

Conclusion

20

Dans la période de crise majeure que traverse l’Europe, l’Union doit plus que jamais traiter les vraies questions, celles qui concernent le plus grand nombre de ses citoyens. Dans cet esprit, elle doit proposer rapidement des solutions pour résoudre la « fracture énergétique » qui concerne un européen sur sept. Cela passe par une approche commune de la précarité énergétique, qui pourrait être définie comme affectant les foyers européens ne disposant pas d’un revenu suffisant pour acheter l’énergie nécessaire aux usages essentiels. Il faudra ensuite réfléchir au faisceau de mesures permettant de garantir pour tous un accès à l’énergie pour les usages essentiels. Deux axes de travail nous semblent importants : la réflexion sur les tarifs sociaux, jusqu’ici nationaux, doublée de la mise en place d’un « bouclier énergétique européen »24 , ainsi que de mesures structurantes permettant de traiter le problème à la source, en améliorant par exemple l’isolation des logements, cela rejoignant bien sûr toutes les actions engagées au titre de l’efficacité énergétique et de la récente directive adoptée sur ce sujet. Dans une période où l’Europe est traversée par la crise et le doute, on pourrait aussi esquisser un Pacte européen fixant des ....................................................................................................................... 23. Parlement européen, Position arrêtée en première lecture le 11 Septembre 2012 en vue de l’adoption de la directive relative à l’efficacité énergétique, P7_TA-PROV(2012)0306. 24. M. Derdevet, « Les exclus de l’énergie », Libération, 14 avril 2010


objectifs nationaux de recul de la pauvreté énergétique25 , comme il y a aujourd’hui un pacte de stabilité et de croissance, avec des objectifs de réduction des déficits publics. Aux yeux de tous, un tel pacte consacrerait la dimension stratégique et vitale de l’énergie (accessibilité, tarifs et prix abordables, régularité, fiabilité, etc.), et incarnerait une Union à l’écoute des siens, traitant de sujets proches des citoyens. L’Europe pourrait s’inspirer, utilement, de la volonté politique affichée ces derniers mois par le président Barack Obama ; malgré la crise qui affecte les États-Unis, les aides aux plus démunis énergétiques ont été multiplié par 20 ces dernières années : de 230 millions de dollars en 2009 à 5 milliards en 201026 ! À l’évidence, une telle initiative européenne, un « plan Marshall » autour de la solidarité énergétique, concourrait à une plus forte harmonisation sociale, souhaitable pour renforcer et redonner du sens au projet européen. En pleine crise économique et financière, la réduction de la « fracture énergétique » pourrait constituer, demain, un vrai chantier commun et un signal fort envoyé par les décideurs vers les peuples européens.

25. « Pour un service public de l’énergie en Europe » - point de vue de l’auteur et de Pervenche Berès, présidente de la commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement européen – Les Echos – 15.9.2010. 26. Le seul Low Income Energy Assistance Program a porté sur 4,71 milliards de dollars en 2010, avec des aides pouvant atteindre 1 500 dollars par ménage – in « Précarité énergétique – des instruments d’intervention contrastés » Aurélie Goin et Hannah Schwind (École polytechnique) – Références économiques pour le développement durable n° 20 - 2011- Conseil économique pour le développement durable.

| Michel DERDEVET |

21

22


21

Résumé :

Abstract :

22


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.