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C) La durabilité, son principal enjeu

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La loi Élan va également prôner une nouvelle manière d’aménager l’habitat avec le logement neuf « évolutif122», qui abaisse le pourcentage de logements neufs aménagés pour les personnes à mobilité réduite, instauré par la loi Handicap de 2005 (l’accessibilité universelle), de 100 à 20%, et qui contraint le pourcentage de logement restants à s’adapter facilement grâce à de moindres travaux. Le cheminement de conception change alors légèrement, la construction anticipant le devenir de l’espace par le biais de l’usager potentiel, et notamment le passage du fauteuil dans les salles d’eau, ainsi que la gestion des réseaux en conséquence123 . Ce principe, semblant novateur de prime à bord, prend exemple sur une autre culture afin de s’adapter aux enjeux actuels. Le logement évolutif provient en effet d’une réflexion tournée sur la culture japonaise, qui demeure une source d’inspiration quant à l’optimisation des espaces et la modularité intérieure, de par l’utilisation de parois amovibles notamment. Dans l’idée du design de mobilier pouvant se déplacer, se ranger, et permettant ainsi un changement de la surface et du volume intérieur de l’habitat, l’appréhension de son environnement se voit maîtrisée, appropriable et non plus figée. Cette manière d’opérer, à plus grande échelle, pourrait permettre de changer nos habitudes quant à nos usages et la manière d’optimiser l’espace, offrant ainsi de nombreuses possibilités de flexibilité, ce qui coïncide avec le principe du réversible. Ainsi, dans une société d’usages et évolutive, l’idée est de ne plus perdre des espaces et de savoir réajuster les erreurs du passé, tout en créant avec anticipation et en oubliant l’idée de l’exposition de la richesse spatiale individualiste, comme auparavant. C’est l’évolution, l’économie et l’efficacité de l’exploitation des espaces rendus possibles qui vont créer l’architecture pertinente de demain.

Dans la même dynamique, la pensée de l’architecture japonaise traditionnelle nous amène à penser différemment notre espace, pour se concentrer sur la réutilisation du bâtiment existant, plutôt que de promouvoir la déconstruction124. Malgré l’aspect économique lié à la différence toujours notable entre le choix de construire neuf, vers une réponse plus adapté à la demande du projet, et la possibilité de s’orienter vers la restructuration, réhabilitation ou rénovation, des acteurs de la construction s’intéressent de plus en plus à la transformation du patrimoine existant. Dans les ouvrages Un bâtiment, combien de vies ? , dirigé par RAMBERT, Francis, reprenant l’exposition de 2014 à Paris, ainsi que Transformations des situations construites, publié par Canal Architecture en 2020, de nombreux acteurs et projets sont recensés afin de discerner des solutions permettant de conserver le bâti. Toutes ces pensées viennent étendre le champ de connaissances et de possibilités de l’architecture française qui, comme en 1971, doit après un constat pesant se renouveler, dans un monde encore plus complexe, aux enjeux d’autant plus nombreux.

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« Entre mutation et transgression, entre évolution et restructuration, se déploie le champ de l’acte de transformation de l’architecture125».

122 : ERRARD, Guillaune, « HLM, loyers, locations Airbnb : ce que la loi logement va changer pour vous », Figaro Immobilier, octobre 2018 123 : ESCUDIÉ, jean-Noël, « Logements évolutifs : derniers ajustements avant l’entrée en vigueur le 1er janvier 2021 », Localtis, Banque des territoires, septembre 2020. URL : https://www.banquedesterritoires.fr/ logements-evolutifs-derniers-ajustements-avant-lentree-en-vigueur-le-1er-janvier-2021 124 : AMSELLER, Guy, «Concilier l’éternel et l’éphémère », RAMBERT, Francis (dir.), Un bâtiment, combien de vies ? - La transformation comme acte de création, Cité de l’architecture et du patrimoine, février 2015, p.7 125 : RAMBERT, Francis (dir.), « La pérennité à l’aune du provisoire », Un bâtiment, combien de vies ? - La transformation comme acte de création, Cité de l’architecture et du patrimoine, février 2015, p.13

5 - Les différents domaines en relation avec le réversible fonctionnel

Lorsqu’on dresse les freins et les leviers liés à une architecture réversible, on observe que certains se répondent, se complètent et ne nécessitent qu’un changement de façon d’opérer pour pouvoir débloquer diverses situations.

Pour mieux décomposer puis organiser les idées qui concernent le réversible fonctionnel, la collecte d’informations liée aux projets réversibles en France s’est avérée indispensable, tant pour des projets construits depuis plusieurs années, que pour d’autres en cours de conception. Ces données, telles que le programme, le budget, le système constructif, les matériaux, les acteurs etc., saisies dans un tableau à but comparatif126, ont servi d’outil pour dégager de nombreux points répondant à des grandes thématiques en relation avec cette nouvelle manière de concevoir.

Ces domaines concernés sont principalement l’administratif, le législatif, la technique, la socio-politique, l’économie et l’environnement. Toutes entretiennent des connexions et des liens de causes à effets, en résultent alors des paramètres favorables ou défavorables au réversible. Elles constituent les portes d’entrées qui vont servir de grille d’analyse pour les études de cas, afin de définir plus concrètement si le réversible fonctionnel est une façon de concevoir qui répond aux attentes citées dans les ouvrages écrits, c’est-à-dire une architecture plus durable, qui prévient de l’obsolescence.

Nous remarquerons également que ces domaines sont étroitement liés et que les exemples qui vont les accompagner répondent plus ou moins à chacun d’eux. Cependant, comme dans tout projet, certains aspects sont privilégiés. C’est pourquoi ils viennent seulement illustrer le propos et seront moins développés que les études de cas de la deuxième partie. Ces dernières forment en effet une base d’analyse plus concrète, car les projets analysés ont vu le jour depuis quelques années et/ou officialisent le réversible et sont alors assez pertinents pour répondre globalement à tous ces points.

Tout d’abord la question du social, de la politique et de l’environnement se pose, car le contexte du projet influe considérablement sur ce dernier. L’urbanisme, la métropolisation et la course à l’évolution des grandes villes viennent poser de nouvelles questions d’échelle et d’activité, notamment celles de la façon de vivre, de travailler et de se déplacer qui, comme nous l’avons vu, ont grandement changé et nécessitent une reconsidération importante. Dans des espaces qui deviennent de grands potentiels dans ce développement urbain, notamment les centres, proches des quartiers anciens et des points de convergence des transports, des projets et façons de construire différentes du reste de la ville apparaissent. Une activité économique importante dans les services, commerces, logements et le tertiaire nécessite des projets adaptés à cette grande échelle. La gestion des flux et des équipements urbains requis en fonction des programmes devient alors une question très importante dans le réversible, car la bonne cohésion du projet avec son environnement, tant dans les premiers temps comme dans son évolution, participe à son intégration dans la ville et donc à son acceptation par les usagers et les habitants. Les grands projets qui se développent dans ces noyaux ont alors un enjeu politique très fort, celui de la représentation d’un espace urbain dynamique, puissant et aujourd’hui durable, donc éthique, en plus de celui de la compétitivité face aux autres grandes villes.

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