L’ a c t u a l i t é à l a P o i n t e !
Dossier La patelle géante
Les tours littorales 1. La Giraglia
Numéro 2 • Hiver 2002-2003 • Gratuit
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Edito
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Synthèse d’une
saison écoulée
Couverture : Dessin de N. Müller-Sbriglio Parc national de Port-Cros
Hiver 2002-2003
Parce qu’il représente un endroit unique, beau et sauvage, Parce qu’il véhicule une formidable image de liberté et d’évasion en phase constante avec le milieu naturel, Parce qu’il a la capacité de rassembler une étonnante diversité de faune et de flore dans le même espace, le site de Capandula méritait bien une incursion dans le Journal n°2. Résumer en quelques lignes serait même une offense pour le lieu ; cette fameuse Pointe du Cap battue par tous les vents, ce fameux doigt tranchant Méditerranée et Tyrrhénienne mériterait un éternel journal de bord. Juin prometteur, juillet peu fréquenté, août très perturbé, septembre alterné. Des saisonniers qui commençaient leur tâche le 15 juin. Connaissance du milieu, explications, informations, comptages et nettoyages, telles étaient leurs missions. Plusieurs interventions : médicales pour des évacuations, mentales pour des réconciliations, verbales pour de la répression. Métier éclectique que celui de “Guardia Parco” où l’on doit tout le temps s’adapter. Fréquentation en baisse, chiffres à l’appui. L’euro, les RTT, le mauvais temps, les algues… qui détient la vérité ? Barcaggio, toujours adoré, a la plage la plus fréquentée (et la plus grande aussi). Tamarone c’est sur la durée avec le sentier des douaniers. Le Moulin et sa perspective vers l’autre côté. Recrudescence cette année de promeneurs non identifiés, essayant, en toute illégalité, les vacances en liberté. Problème permanent
d’un pays se vendant médiatiquement, d’une pointe sauvage qui incite au camping… sauvage. Affluence juste au cœur d’août, ne durant que quelques jours (du 15 au 22). Orages (mais pas désespoir) qui voyaient des touristes hébétés se retrouver bien rincés. Septembre arrivant “enfin”, des saisonniers rendus à leurs facultés, le sentier retrouve ses abonnés, et sur le parking plus que des “2B”. Ca y est, c’est “déjà” terminé. La Pointe a retrouvé sa ligne de flottaison, en attendant une nouvelle saison. Irrémédiablement pointé vers le nord, juste équilibre entre mer et montagne, inaliénablement protégé, Cap Corse merci d’exister.
Corse-Matin, 21 août 2002
Alain CAMOIN Conservateur de l’association FinocchiarolaPointe du Cap Corse
www.pointeducapcorse.org Téléchargez le magazine Le Journal de la Pointe du Cap Corse est publié par l’association Finocchiarola pour la gestion des espaces naturels de la Pointe du Cap Corse. Mairie, 20247 Rogliano. Direction de la publication : Michel Delaugerre (AGENC) Edition et mise en page : Karibu Editions (J. Nicoli, O. Nicoli, A. Baconnier) Maquette : C. Steffan. Impression : Imprimerie Bastiaise. ISSN en cours. Périodicité : Semestriel. Crédit photo : AGENC : 4, 8, 9, 10, 11, 13 et 4e de couverture ; La Corse, images et cartographie (Ed. Alain Piazzola) : 7 ; J.M. Culioli (OEL) : 13 ; sauf mentions spéciales. Nous remercions tout spécialement pour leur contribution à ce numéro : Antoine-Marie Graziani, Jean-Michel Culioli, l'Office de l'Environnement de la Corse et le Parc national de Port-Cros.
Réponse au jeuconcours n°1 • Jeannine Graziani (Tomino) • Pierre Laffilé (Centuri) • Roger Bour (Paris) ont… gagné le livre “Cap Corse”. En effet les chutes du Niagara aux Etats-Unis, la pointe du Cap Corse et l’île d’Hokkaido au Japon ont en commun d’être situées sur la même latitude : 43° de latitude nord. Hiver 2002-2003
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en
bref
à la pointe de l’actualité
Elèves-ingénieurs de l’ISARA-LYON
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D’avril à novembre
Médias
Ils nous ont aidé... merci à eux !
La Pointe du Cap vue par les médias
Sébastien, Alexandra, Benoît et Vanessa, recrutés comme saisonniers, étaient présents chaque jour à Barcaggio, à Tamarone, au Moulin Mattei et au Plan de l’Ilot. Leur travail : surveillance, entretien et information des visiteurs. Quatre mois durant, Ségolène a noté les faits et gestes des goélands d’Audouin et a participé au suivi de la colonie de puffins cendrés de la Giraglia. Dans le cadre d’un BTS au lycée agricole de Sartène, Arnaud a étudié les pratiques agro-pastorales et la protection des espaces. Konstantina et Wolfgang, étudiants-architectes, ont cartographié et relevé (en juin) les fours à chaux.Carole et Tatiana leur ont succédé pour faire l’inventaire des moulins à vent. Sophie, Marie-Laure, Pierre et Paul élèves-ingénieurs (ISARA, Lyon) ont rencontré en juin puis en septembre de nombreux acteurs de la Pointe du Cap pour recueillir leurs avis et leurs impressions sur la protection des sites. En octobre, Jean-Jacques (BTS Annecy) a dressé la liste des propriétaires des parcelles traversées par la future boucle du sentier du Moulin Mattei au sentier douanier. Une partie des saisonniers était logée à la “Canava di u Mezziornu” (Maison des Oiseaux de l’association des Amis du Parc) de Barcaggio. Merci à tous. Merci à l’Office de l’Environnement, au Conseil Général et à la DIREN pour leur aide. Merci à la population du Cap pour l’accueil qui leur a été réservé.
La Pointe du Cap a fait l’objet d’une bonne couverture médiatique : presse , radio (RCFM, France Inter) et télévision (TF1, France 3). La beauté de ses paysages et ses attraits touristiques autant que la gestion exemplaire de ses espaces naturels y étaient évoqués.
Carte postale
La petite nouvelle vient de sortir
La petite dernière
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Notre carte postale du sentier des douaniers a déjà été diffusée à 60 000 exemplaires ! (Offices de Tourisme de Macinaggio,Bastia,Saint-Florent,socioprofessionnels…). Cette année, une nouvelle carte voit le jour : un format plus allongé, des photographies et plus de place pour la correspondance. Comme d’habitude, sa diffusion est absolument gratuite.
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bref
à la pointe de l’actualité
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3 1. La Corse, votre hebdo, édition spéciale, été 2002 2. Journal de la Corse, 8-14 novembre 2002 3. Corse matin, 28 août 2002
Ornithologie
Carnet de naissances Le bilan de la saison estivale est très positif pour le goéland d’Audouin (cet oiseau symbole de la Pointe du Cap a fait l’objet d’un dossier complet dans notre n°1). 28 jeunes à l’envol ont, en 2002, rassuré tous ceux qui suivent l’oiseau rare. Ces goélands se reproduisent habituellement sur les îles Finocchiarola, sur la Giraglia et sur Capense. Ils ont, cette saison, jeté leur dévolu sur Capense abandonnant totalement les autres sites. L’îlot a en effet accueilli tous les couples reproducteurs. Ce comportement erratique n’est pas nouveau, mais les ornithologues n’en connaissent pas avec certitude les raisons. Le puffin cendré, un autre oiseau rare, mais encore plus discret (il vit en pleine mer et ne vient sur la Giraglia que pour se reproduire), a lui aussi vu la naissance d’une vingtaine de jeunes à l’envol. Enfin le balbuzard, le fameux aigle pêcheur, a réussi sa reproduction à la Pointe du Cap,avec un jeune à l’envol.
Goéland d’Audouin
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Naissance des tours littorales /1
La tour de la Giraglia A la demande du Conservatoire du Littoral, l’historien Antoine-Marie Graziani a réalisé une étude encore inédite sur la construction de plusieurs tours littorales dont celles de Finocchiarola, Santa-Maria, Agnellu et Giraglia. Cet article, le premier d’une série, retrace l’histoire de leur édification.
Le personnel de la tour Au XVIe siècle, le personnel d’une tour littorale se compose d’un chef et de trois défenseurs. Parmi les trois soldats, on doit compter au moins un bombardier. A la Giraglia, un homme est en plus chargé du ravitaillement et du transport (en barque) des gardes de l’édifice. Jusqu’à la fin du XVIIe siècle, le personnel de la tour est cap corsin ou bastiais puis exclusivement du Cap corse. Certains sont même chefs de père en fils, à l’instar de Domenico de Urbanis (chef entre 1720 et 1730) et de son fils qui lui succède entre 1730 et 1732.
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Antoine-Marie Graziani précise d’emblée que la documentation relative à la tour de la Giraglia est très dispersée. Cependant, les dessins de l’architecte Domenico Pelo, la correspondance du gouverneur génois, Cattaneo de Marini, et du surintendant à la construction, Don Cristofaro Tagliacarne, permettent de retracer l’histoire de la construction de la tour.
Décider et construire La Giraglia apparaît, dès 1573, dans la liste des tours à construire sur le littoral corse. Mais c’est presque dix ans plus tard, en 1582, que le seigneur Don Cristofaro Tagliacarne et le gouverneur Stefano Passano décident l’édification d’une tour sur l’îlot. Au XVIe siècle, la majorité des chantiers de construction du Cap corse est dirigée par un seigneur. D’autre part, toute décision de construction doit être validée par un accord entre les seigneurs cap corsins et les représentants de la population. L’Office de construction des tours formalise le 16 avril 1583 l’accord passé pour la construction de la tour de la Giraglia ; elle doit être achevée en juillet 1584.
Bâtir sur un îlot L’édification d’une tour sur une île pose de nombreux problèmes logistiques, susceptibles de retarder la construction. La correspondance entre le gouverneur Cattaneo de Marini (le successeur de Stefano Passano) et Don Cristofaro Tagliacarne, en témoigne. Ce dernier, dans une lettre du 29 juillet 1584, dresse au Génois un état des difficultés liées au transport de la nourriture et du matériel entre Bastia et la Giraglia. Il demande d’ailleurs des délais supplémentaires pour achever l’édification de la tour. AntoineMarie Graziani rapporte que l’architecte Domenico Pelo, qui doit achever l’édifice, s’est rendu sur le chantier à la même période. Bon gré, mal gré, les travaux avancent. Le 16 novembre 1584, la deuxième voûte de la tour est achevée. L’édifice est même presque terminé le 10 décembre 1584. Mais, le problème d’approvisionnement en nourriture et en matériel subsiste, menaçant l’achèvement final. Le gouverneur Cattaneao de Marini ne semble guère s’en soucier et se préoccupe davantage du personnel de la tour : il adresse au Sénat de Gênes une lettre désignant Bartolomeo de Sarzana comme futur chef de l’édifice. Fin décembre 1584, le surintendant Don Cristofaro Tagliacarne envoie enfin à Cattaneo de Marini l’avis de fin des travaux.
Ce dessin de la tour a été réalisé, avant même sa construction, par l’architecte Domenico Pelo. Il ressemble de façon étonnante à l’édifice actuel.
L’heure des comptes Le seigneur cap corsin Don Cristofaro Tagliacarne a dépensé 9 311 lires pour la construction de la tour de la Giraglia. Par une assignation des agents du Trésor (6 février 1585), il demande le remboursement de cette somme – qu’il obtient. C’est le prélèvement d’un droit d’ancrage qui doit permettre de financer la construction de l’édifice. Hiver 2002-2003
Les quatre patelles de Corse Voici les quatre espèces de patelles de Corse*. La patelle géante est protégée : la récolte de cette espèce gravement menacée est strictement interdite.
P R O T É G É E
Patelle géante
Patelle plate
ou patelle ferrugineuse ou patelle foncée,Patella ferruginea
ou patelle bleue, Patella caerulea
C’est la plus grande des patelles de notre littoral. Elle atteint 5, 5 à 7,5 cm de diamètre (10 cm maximum). Sa coquille épaisse et solide comporte 30 à 50 grosses côtes saillantes. Cette patelle est fixée uniquement au niveau de la mer, sur les rochers exposés aux vagues. C’est une espèce qualifiée de coriace, au pied très dur. Elle est protégée en France depuis 1992 et ne doit donc, en aucun cas, être ramassée.
Cette grosse espèce atteint parfois 6 cm de diamètre. Sa coquille est mince et aplatie. On la trouve dans les flaques d’eau de mer. La patelle plate peut se développer en abondance jusqu’à quelques mètres de profondeur. Les pêcheurs pensent que c’est la moins comestible des trois espèces non protégées. Maccinaghju : A Labbara scudellina. Centuri : A Ghjighjanzula. Bastia : A Lappera negra-Lappera murzosa. Calvi : A Labbara chjappata. Aiacciu : A Patella liscia. Bunifaziu : A Patilla ciatella.
Maccinaghju : A Patella. Centuri : l’Ochje di prete. Bastia : A Lappera grande. Calvi : A Labbera maio-U Prete. Aiacciu : A Patella sumirina. Bunifaziu : A Patilla muntagnata.
Patelle moussue Patelle pointue ou patelle ponctuée, Patella rustica C’est une petite patelle (moins de 4 cm de diamètre), à coquille épaisse, brunâtre, finement striée et conique. Cette espèce est très résistante, capable de monter assez haut par rapport au niveau de la mer.Elle vit en populations nombreuses (des centaines au mètre carré). Cette patelle est appréciée au printemps pour ses qualités gastronomiques. Maccinaghju : A Labbara pinzuta. Centuri : A Ghjighjanzula di marina. Bastia : A Lappera cuputella. Calvi : A Labbera culumbrina- A Labbara liscia. Aiacciu : A Patella gaotta. Bunifaziu : A Patilla culumbina.
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ou patelle rude, Patella ulyssiponensis Elle est petite, à coquille mince et aplatie marquée de grosses côtes plates et blanchâtres. Cette espèce vit au même niveau que Patella ferruginea, mais peut descendre plus bas sous l’eau. Elle est moins abondante que Patella rustica. Elle est généralement couverte par un feuillage d’algues photophiles (qui aiment la lumière). Attention, on peut trouver des patelles géantes couvertes d’algues. Dans la crainte d’une confusion entre les deux espèces, ne prélevez pas l’animal. Patella ulyssiponensis est ramassée en hiver par les pêcheurs à pied. Maccinaghju : A Labbara murzosa. Centuri : A Lappara murzosa. Bastia : A Lappera murzosa. Calvi : A Lappara murzosa. Aiacciu : A Patella murzosa. Bunifaziu : A Patilla erbusa.
*D’après les descriptions du professeur Laborel et du recueil des savoirs populaires sur les fruits de mer de Roger Miniconi (éditions Albiana).
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De la Giraglia à Pertusato
La patelle géante La patelle géante est menacée de disparition à brève échéance en Méditerranée. Mais ce mollusque est bien présent sur les côtes rocheuses de notre île. Jean-Michel Culioli s’attache à l’étudier et à le faire connaître pour mieux le protéger. En Méditerranée, il y a 2 026 espèces de mollusques dont 1 850 élaborent des coquilles pour se protéger. Beaucoup ont une adaptation originale à certaines formes de vie, de la terre ferme aux eaux douces jusqu’aux milieux marins.
Vous avez dit Patella ferruginea ?
La patelle géante risque de rejoindre rapidement la trop longue liste des espèces disparues.
Comme tous les coquillages, la patelle géante est un mollusque. Elle appartient à la classe des gastéropodes. Ces derniers ont très peu évolué dans le temps et les patelles font partie des moins mobiles d’entre eux.
Un mollusque dans le vent Jean-Michel Culioli est responsable scientifique de la réserve naturelle des Bouches de Bonifacio, Service Parc marin international, Office de l’Environnement de la Corse
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La patelle géante vit dans la zone intertidale, cet espace que la mer couvre et découvre sans cesse. Elle partage son habitat avec trois autres espèces de patelle : la patelle pointue, la patelle moussue et la patelle plate. Aux îles Lavezzi, le suivi réalisé depuis 1992 a montré que les secteurs orientés aux fortes houles d’ouest sont les plus densément peuplés. Dans le Cap Corse, les zones les plus battues par la mer sont aussi les plus favorables.
Bien dans sa coquille On ne connaît pas grand-chose sur la croissance de la coquille qui protège l’animal. On suppose que celle des jeunes individus grandit rapidement. Cette augmentation de la taille répond sans doute à deux rythmes distincts. Le premier correspond à la croissance biologique normale. Le second est lié aux changements de domicile. A chaque “déménagement” , l’animal secrète les matériaux nécessaires à l’ajustement de sa coquille à un emplacement nouveau. Le plus grand exemplaire de patelle connu mesurait 11 cm de diamètre. Quant à l’espérance de vie des patelles, elle est estimée de 10 à 12 ans environ.
La radula de Patella Sous la coquille de la patelle, la tête est nettement individualisée avec une bouche ventrale près de laquelle se trouvent deux tentacules sensoriels. Cette bouche est dotée d’une radula, un organe permettant à l’animal de brouter les algues des rochers. Le pied de la patelle adhère au substrat comme une ventouse. Il lui permet aussi de se déplacer, mais Patella ferruginea est très peu mobile. Deux types de mouvements sont observables. Le premier est lié à la respiration de l’animal. Le second est constitué par les déplacements proprement dits, limités à quelques mètres de son domicile.
Une espèce hermaphrodite On pense que sa période de reproduction s’étend de septembre à décembre.Les œufs,lâchés dans l’eau,sont trop gros pour se disperser en mer. Par conséquent, la reproduction reste très localisée. On manque de données en ce qui concerne le cycle de la larve. Mais on sait que les patelles sont hermaphrodites protandres : les petits individus sont d’abord mâles puis deviennent
Les rochers exposés aux vagues sont le domaine de prédilection de la patelle géante.
Peau de chagrin La taille moyenne de la patelle géante a diminué sur les îles Lavezzi entre le XIVe et le XVIIe siècle. Cette réduction et la raréfaction de l’animal à cette époque est imputable à une intense collecte effectuée par les pirates et les corsaires présents dans les criques de l’île Lavezzi. Depuis, l’aire de répartition de la patelle géante n’a cessé de diminuer. Au XIXe siècle, elle était présente sur le littoral français continental, et abondante en Corse. Au début du XXe siècle, elle se raréfie sur le rivage français continental. En 1932, l’espèce est déjà limitée aux côtes algériennes, marocaines, espagnoles et corses.
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femelles. Les jeunes se fixent souvent sur la coquille des grands individus.
Repas préhistoriques La patelle géante était présente à l’est de Gibraltar et dans les Alpes maritimes il y a 3 millions d’années. Des coquilles ont été découvertes dans des restes de repas d’humains, datés entre 70 000 et 35 000 ans avant J-C. On retrouve la patelle géante dans les fouilles du pré-néolithique (9 000-7 000 avant J-C) du site de l’Araguina à Bonifacio. En France continentale, en Sardaigne, en Sicile et en Espagne, des restes de coquille ont également été mis au jour dans des gisements du paléolithique et du néolithique. Elle figurait aussi au menu des romains qui occupaient le site de Barcaghju.
L’aire de distribution originelle de Patella ferruginea est la Méditerranée occidentale. Mais elle a disparu de nombreuses parties de cette zone. Actuellement, la patelle géante est encore présente sur les côtes corses, dans quelques localités de Sardaigne, sur les îles toscanes, algériennes et marocaines. L’espèce semble relictuelle en Espagne, probable aux Baléares. Enfin, des individus subsistent dans les îles d’Hyères à Port-Cros. En Corse, on peut trouver la patelle géante sur les côtes rocheuses du Cap aux Bouches de Bonifacio ainsi que sur toute la façade occidentale. Les plus belles populations se trouvent aux îles Lavezzi et à Scandola.
pecté et toutes les patelles géantes sont comptabilisées et mesurées avec un pied à coulisse. Tous les résultats sont ensuite intégrés dans des bases de données. En 1997,Vanina Lentali, étudiante en DESS de l’Université de Corse, a étudié la côte entre Centuri et Macinaghju. D’avril à juillet, elle a prospecté (avec palmes, masque et tuba) 12 020 mètres de côtes rocheuses et mesuré 1267 patelles ! Les résultats de cette courageuse étudiante indiquent que les patelles géantes peuvent être abondantes localement (principalement dans les endroits battus par les vagues et difficiles d’accès) ; que les animaux de grande taille (âgés) sont rares mais que la population compte de nombreux jeunes, ce qui est encourageant pour son avenir. La Pointe du Cap se révèle donc une zone importante pour la conservation de l’espèce dans l’île.
Les prédateurs en cause
Protéger et conserver
Outre les crabes et les goélands, le prédateur le plus redoutable est sans doute le coquillage Thais haemastoma. Son pied puissant lui permet de décoller les petites patelles lorsqu’elle elles sont en déplacement. Les individus de plus grande taille n’ont pratiquement pas de prédateurs naturels… hormis l’homme. La raréfaction de la patelle géante est en effet surtout due à la cueillette.Elle a toujours été recherchée pour sa chair et pour la fabrication de souvenirs décoratifs. Protégée en France depuis 1992, elle est inscrite à l’annexe IV de la directive européenne “Habitat”. Les espèces appartenant à cette liste sont considérées comme nécessitant une protection stricte.
Dans toutes les zones connues où vit la patelle géante, y compris dans les espaces protégés depuis plus de 20 ans (Lavezzi et Scandola), elle s’est cantonnée dans les endroits les plus inaccessibles. A partir des années 1990, les gestionnaires de ces espaces ont mis en place des actions de conservation pour la protection de l’espèce. Les activités touristiques ont été mieux encadrées, informées et surveillées. Le résultat des suivis menés aux Lavezzi montre une spectaculaire augmentation des populations : 4,7 fois plus de patelles en 2000 qu’en 1992 et un effectif actuel supérieur à 7 000 spécimens de plus de 2 cm de diamètre. Les Corses ont un niveau de responsabilité mondiale envers la patelle géante.Il est aujourd’hui essentiel d’informer les touristes et la population locale, comme de faire respecter la réglementation interdisant de mutiler et de prélever Patella ferruginea.
La patelle en voie de disparition
Etudier pour mieux protéger Des études ont été menées afin de mieux connaître sa répartition sur notre île ainsi que les densités des zones les plus favorables. Les côtes ont été quadrillées en secteurs d’étude longs de 10 à 20 m. Chaque rocher est ins-
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Géante, la patelle !
Le thaïs est un prédateur naturel de la patelle géante.
Jean-Michel Culioli
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Elles s’empilent, on ne les comprend pas, elles rassurent ou elles horripilent…
Les protections La qualité des paysages de la Pointe du Cap Corse, le caractère remarquable de son patrimoine écologique et culturel sont aujourd’hui reconnus. C’est pour les préserver que, depuis une trentaine d’années, des protections ont été mises en place. pelle Santa Maria, l’inscription comme Monument Historique est plus adaptée. L’inconvénient de cet empilement est de former un arsenal juridique très complexe, difficilement compréhensible.
La Pointe du Cap les collectionne !
Elles sont variées,diverses,nombreuses. Trop ? Cette situation a au moins un avantage, celui de pouvoir moduler, adapter les mesures en fonction des sites. Ainsi, une Réserve naturelle, très protectrice, est utile pour les fragiles îlots Finocchiarola. Mais pour reconnaître le caractère patrimonial de la cha-
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Que l’on en juge : Site classé, Site inscrit, Réserve naturelle, Réserve de biotope, zone de préemption, Conservatoire du littoral, acquisitions du Département, Monument Historique classé ou inscrit, ZICO, ZNIEFF, Sanctuaire marin des cétacés, Loi littoral, Zone de protection spéciale, Site d’importance communautaire, Natura 2000. On retrouve à la Pointe du Cap la quasi totalité des protections existant en droits français et
européen ! Mis à part quelques spécialistes intéressés par ce joli cas d’école, peu de gens s’y retrouvent. D’autant plus que le rôle des organismes chargés de faire respecter les réglementations ou de gérer les espaces n’est pas toujours clair. Et les lois successives de décentralisation n’arrangent rien. Qui fait quoi ? Le Préfet, l’Office de l’Environnement, la Diren, la DDE, l’Inspection des sites, l’Architecte des Bâtiments de France, le Conservatoire du littoral, les communes, le Conseil Général, l’AGENC…
Avec l’espoir de clarifier les choses, une série d’articles présentera successivement chacune des protections, ainsi que le rôle des institutions. N’hésitez pas à nous écrire pour nous poser des questions : nos articles n’en seront que plus adaptés et utiles. Michel Delaugerre
Pour tenter d’y voir plus clair L’Association Finocchiarola Pointe du Cap Corse a pour mission générale de gérer les espaces naturels de la Pointe. Elle est un interlocuteur privilégié des différentes institutions qui y interviennent. L’Association considère aussi qu’elle doit expliquer aux habitants l’intérêt et le fonctionnement de ces protections, d’en démêler l’imbroglio juridique. Parce que le concours des Cap-corsins de la Pointe est indispensable pour la réussite d’un projet de territoire.
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D’où a été prise cette photo ? Quel est l’objet au premier plan ? Les trois premières bonnes réponses à parvenir à l’Association gagneront le livre photographique “Cap Corse - Capandula” de Marcel Fortini. Envoyez une carte postale avec vos noms et adresses à : “Association Finocchiarola - Pointe du Cap Corse Mairie, 20247 Rogliano”.
Publié par
Association Finocchiarola
pour la gestion des espaces naturels
de la Pointe du Cap Corse