No 27 France Magazine

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N° 27 • Hiver 2009

Joyeuses Fêtes! Champagne LE BONHEUR EST DANS LE TERROIR

Voyage DRESDE LA FLORENCE DE L’ELBE

Entretien SERGE MOISSON

Marathon ATHÈNES RETOUR AUX SOURCES

Exposition DIALOGUE ENTRE THÉÂTRE ET PEINTURE


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Sommaire

Éditorial

N° 27 • Hiver 2009 L’Union pour la Méditerranée : songe creux ou pari sur l’avenir ?. . . . . . . . P. 04 La Suisse a-t-elle besoin d’un Président de la République ? . . . . . . . . . . . . P. 06 La fin du tabou de l’excision. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 08 Nouvelle donne au Paraguay . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 10 1930-2008 Quid de la Crise ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 12 Quels leviers pour une croissance autre et durable ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 14 35 propositions opérationnelles du GPS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 15 Zoom sur les impôts des non-résidents. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 16 Le temps de la dérision . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 20 Deux ou trois choses qui m’ont agacé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 21 Quelles conséquences pénales selon le droit suisse ? . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 22 Lamarck, fondateur de la biodiversité et du transformisme. . . . . . . . . . . . . P. 24 De l’importance des échanges tactiles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 28 Destination : expatriation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 32 La Nouvelle-Calédonie, le “musée de la biodiversité de la planète”. . . . . . P. 36 La Suisse, poumon vert de l’Europe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 39 Le Japon, poumon vert de l’Asie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 40 Musique autour du monde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 42 Condition de la Femme Moderne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 44 Dresde la Florence de l’Elbe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 48 Le tour des marathons : Athènes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 54 Traces de gomme en Helvétie ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 60 Le musée automobile de Muttenz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 64 Récompenses de la France au Féminin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 67 Nostalgie, quand tu nous tiens ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 68 40 ans de bonheur à la SSR2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 70 Arts de la scène et peinture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 74 Tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau . . . . . . . . . . . . . . P. 78 Roger Cunéo Une enfance au tapis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 82 “Le Pouvoir ne se partage pas”. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 84 Le, la, les champagne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 86 Comment naît un Prix culinaire de renommée mondiale ? . . . . . . . . . . . . . . P. 92 De la grande complexité du verbe. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 94 Expatria Cum Patria Association nationale des Français établis hors de France - Loi 1901 Président-Fondateur : Serge Cyril Vinet Vice-Président : Jean-Jacques Poutrieux Secrétaire Général : Marie-Thérèse Clausen

Éditeur, Directeur de la Publication, Rédacteur en chef Serge Cyril Vinet Rédacteur en chef Adjoint Didier Assandri Éditorialiste Thierry Oppikofer Directeur de la Communication Victor Nahum Directeur du Comité de Rédaction Bernard Daudier Edito : Thierry Oppikofer Politique internationale : Antoine Frasseto Constitution : Jacques Neirynck Société : Claire Doole Humanitaire : Pierre Bratshi J’aimerais vous dire : Serge Cyril Vinet Conjoncture : Marie-Ange Andrieux Fiscalité : Françoise Delagrave Réflexion : Claude Imbert Carte Blanche : Jacques-Michel Tondre Immobilier suisse : Patrick Blaser Biologie : Ivo Rens Santé prévention : Jean-Jacques Descamps Radioscopie : Jeanne David-Mangin Musique : Coralie Masle-Callu Femme ordinaire et iconoclaste : Samira Aguerguan Carnets de voyage : Kathereen Abhervé Sport & Tourisme : Patrick Blaser Grand Prix de Berne : Charles -Édouard Kemm Musée : Didier Assandri Le billet de Dany : Dany Vinet Exposition : Corinne Charles Chronique littéraire : Dominique Ortiz Écho du terroir du champagne : Alain Barrière Gastronomie : Jean-Jacques Poutrieux Le mot de la fin : Corinne Braquet-Béjot Régie publicitaire Daedalus Publi FM Imprimerie Weber Color SA Tirage : 80.000 exemplaires vérifié par attestation notariale

oilà juste 20 ans, le sinistre et meurtrier Mur de Berlin tombait, autorisant enfin l’Europe à entamer le long chemin d’une réconciliation véritable et d’une durable reconstruction, les totalitarismes nazi et communiste éliminés – ou en tout cas, en ce qui concerne le second, empêchés de Thierry Oppikofer nuire. Certes, les dérives de l’après-communisme n’ont rien eu de joyeux, notamment dans les Balkans et les anciennes républiques soviétiques. Mais, au moins, la violence d’Etat n’at-elle pas été partout institutionnalisée, et celle des bandes et factions fut condamnée par l’opinion internationale. On ne saurait en effet oublier que durant plus de 40 ans – fêtés in extremis et en grande pompe par la RDA de Honecker juste avant sa chute -, le principal partenaire européen de la France comme de la Suisse, l’Allemagne, était coupé en deux par un cordon de barbelés et de béton où l’on abattait sans pitié tout malheureux candidat à l’évasion. Mais rappelons-nous aussi que dans nos journaux, dans nos Parlements et parfois jusqu'au sommet de l’Etat, on tressait des louanges à l’Allemagne de l’Est. Un journaliste vaudois estimait ainsi, au début des années 80 : « D’une certaine manière, les citoyens de RDA sont plus libres que ceux de RFA, asservis au système capitaliste. » Quant aux tribunaux de Berlin-Ouest, ils n’hésitaient pas à poursuivre les citoyens d’Allemagne fédérale pour « atteinte à la propriété » lorsqu’ils étaient surpris à essayer, au péril de leur vie, de démonter l’une des mitrailleuses-hachoirs automatiques installées dans l’espace frontalier pour tuer à coup sûr les éventuels fuyards. Ces poursuites se faisaient sur plainte, déposée par l’Etat est-allemand. Comparés à ces tristes périodes du siècle dernier, notre crise économique, les frictions sur fond de fiscalité entre la Suisse et ses voisins, les problèmes des banlieues ou la préoccupante qualité de l’orthographe en terres francophones peuvent paraître dérisoires. Pourtant, tous ces problèmes, dans leurs dimensions et leurs implications multiples, doivent trouver des solutions. C’est la responsabilité de notre génération et de la suivante, endettées et individualistes, blasées et nourries de télévision débilitante, mais qui doivent se réveiller ! Les frustrations, les difficultés d’intégration sociale et culturelle, l’absence de recul – pensons à ces interviews réalisées auprès de jeunes Français de toutes origines, dont la majorité pensait qu’il y avait eu trois Guerres mondiales et que chacune avait été gagnée par les Allemands – mènent directement à l’essor de la violence dans la rue ou dans les stades, du populisme dans les urnes. Est-il vraiment besoin de citer des exemples récents ?

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Des souvenirs et une mission


Politique internationale

L’Union pour la Méditerranée

Songe creux ou pari sur l’avenir ? ANNONCÉE AVEC EMPHASE PAR NICOLAS SARKOZY LE 6 MAI 2007 AU SOIR DE SON ÉLECTION, ACCUEILLIE AVEC DES SENTIMENTS DIVERS QUI ALLAIENT DE LA CURIOSITÉ À L’AGACEMENT, OBJET TOUR À TOUR D’ENTHOUSIASME ET DE DÉNIGREMENT, L’UNION POUR LA MÉDITERRANÉE A AUJOURD’HUI QUINZE MOIS, L’ÂGE OÙ UN NOUVEAU-NÉ A APPRIS À SE TENIR DEBOUT ET A COMMENCÉ À MARCHER. UN MOMENT OPPORTUN POUR FAIRE LE POINT SUR CETTE INITIATIVE, VUE PAR LES UNS COMME UN AMBITIEUX PROJET APPELÉ À INFLÉCHIR LE COURS DE L’HISTOIRE, PAR LES AUTRES COMME UN VAIN ÉDIFICE, UN “MACHIN” INUTILE, VOIRE LE MASQUE D’UNE MACHINATION POLITIQUE.

vant d’observer les premiers pas de cette nouvelle institution, il convient de revenir en bref sur sa genèse. S’il présente une indéniable unité géographique, attestée par le climat, la végétation, les paysages, le monde méditerranéen a cherché vainement au cours des siècles à retrouver une unité, en termes de civilisa-

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tion, perdue depuis l’Empire romain. Ni la conquête arabe, ni les flottes vénitiennes, ni les entreprises coloniales des deux derniers siècles n’y sont parvenues. C’est pour tenter de rapprocher les pays riverains du “mare nostrum” qu’a été lancé, en 1995, le Processus de Barcelone, autrement nommé “Euromed“. Patronnée par


fratana@wanadoo.fr

Politique internationale

Antoine Frasseto ANCIEN AMBASSADEUR DE FRANCE, ANCIEN CONSUL GÉNÉRAL DE FRANCE À GENÈVE

l’Espagne et la France, l’initiative marquait la volonté des pays du Sud de l’Europe de contrebalancer l’ouverture de l’Union Européenne vers l’Est après la chute du mur de Berlin, et la montée en influence de l’Allemagne. Au lendemain des accords d’Oslo conclus en 1993, elle marquait aussi l’espoir de favoriser la résolution du conflit israélo-palestinien en accueillant au sein d’un même forum Israël, l’Autorité palestinienne et les pays arabes. Aux quinze Etats que comptait alors l’Union Européenne, le Processus de Barcelone associait dix pays du Sud, ceux du Maghreb et du Proche-Orient, 25 membres au total, auxquels s’ajouteront plus tard Malte et Chypre, puis l’Albanie et la Mauritanie. Cette alliance, à la fois politique, économique et culturelle, s’était donnée pour ambition la création d’un espace de paix, de sécurité collective et de prospérité commune. Au plan économique, elle devait sti-

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muler les échanges et la coopération entre le Nord et le Sud, avec, en perspective, la création d’une zone de libre-échange. Au plan politique, elle entendait contribuer activement au dialogue entre les pays arabes et Israël et au règlement du conflit palestinien. Mais c’est ce même conflit, et son impossible solution, qui ont formé le principal obstacle au succès d’Euromed et tracé les limites du dialogue interméditerranéen. La Conférence en forme de bilan tenue à Barcelone en 2005, à laquelle aucun chef d’Etat arabe n’a voulu prendre part, n’a pu que faire le constat de ces divergences politiques. Dans le domaine économique, les résultats en demi-teinte sont restés en-deçà des attentes ; ils se sont résumés à quelques projets d’infrastructure et de reconversion financés par les fonds européens, tandis que le champ culturel et social demeurait en friche. ◆


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Constitution

’un pays à l’autre, ces hommes et ces femmes établissent des relations interpersonnelles et parfois nouent des liens d’amitié. En cas de crise, ils se rencontrent pour dénouer celle-ci, en balayant les obstacles juridiques et administratifs. Le téléphone rouge entre Moscou et Washington est la ligne de vie de la planète. Le président Sarkozy après ses prédécesseurs jouit d’une visibilité considérable et d’un pouvoir conséquent. Dans les relations internationales, spécialement dans les crises graves, la France parle d’une seule voix et s’incarne dans un visage. Dans cet esprit, le président de la Confédération helvétique, Hans-Rudolf Merz, s’est rendu récemment à Tripoli en urgence. Selon le protocole implicite des relations entre Etats, il fallait que l’insulte ressentie par le chef d’Etat libyen, parce que son fils Hannibal avait été arrêté en 2008 par la police genevoise, soit lavée par les excuses du président suisse. L’enjeu était la libération de deux citoyens suisses, pris en otages par la Lybie comme mesure de rétorsion. Or, c’était ignorer que la Suisse n’a pas vraiment de chef de l’exécutif. Le président de la Confédération change chaque année, préside les réunions du mercredi matin du Conseil fédéral et rend des visites protocolaires de temps à autre à l’étranger. En principe, il dispose de pouvoirs étendus en cas de crise comme prévu aux articles 25 et 26 de la loi, mais il s’expose alors énormément, compte tenu du droit coutumier, qui veut qu’il n’en use pas. Du fait de son voyage en Lybie et des excuses présentées à ce pays, le président Merz a subi une avalanche de critiques. Et les otages n’ont pas Jacques Neirynck été libérés, même après un entretien CONSEILLER NATIONAL aux Nations Unies PROFESSEUR entre les présidents HONORAIRE suisse et libyen. Le À L’ECOLE premier ne fait pas POLYTECHNIQUE le poids face au seFÉDÉRALE

jacques.neirynck@epfl.ch

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Suisse Président de la République ?

La a-t-elle besoin d’un

TOUT ETAT MODERNE S’INCARNE DANS UN CHEF DE L’EXÉCUTIF, SOIT LE PRÉSIDENT, COMME EN FRANCE, SOIT LE PREMIER MINISTRE, COMME EN GRANDE-BRETAGNE.

cond, dont les pouvoirs de fait sont discrétionnaires. Comme les dragons légendaires, la Suisse a un corps et sept têtes. Aucune de celles-ci ne peut contrôler les membres, qui se sont agités de façon désordonnée lors des crises de Swissair, de l’UBS, du secret bancaire. Cela aurait dû alerter sur le fait que la Confédération helvétique n’a pas de chef, avant que l’on en constate aujourd’hui l’urgente nécessité. Un gouvernement s’articule autour de trois impératifs : un chef, un programme, une majorité. Aucun de ces trois ingrédients n’entre aujourd’hui dans la construction du Conseil fédéral de la Suisse. Il ne sera pas facile de les introduire sans enclencher une réforme qui prendra des années. Comme l’art. 176 de la Constitution impose la rotation annuelle du président, il faudra passer par son abolition. Mais cette réforme isolée est insuffisante. Un gouvernement moderne est une équipe soudée autour d’un chef, qui l’a librement composée et qui peut compter sur une majorité dans les situations critiques. La séquence idéale serait donc : élection du président par l’Assemblée fédérale ou par le peuple ; recrutement de l’équipe ; obtention de la confiance devant le parlement sur base d’un

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programme. Et, bien entendu, possibilité de retirer cette confiance pour le parlement et d’obliger le gouvernement à la démission. Toute cette procédure qui est évidente pour un citoyen français est quasiment inimaginable pour un citoyen suisse. La simple énumération de ces exigences en fait ressortir le caractère exorbitant et irréaliste. Comme le peuple suisse a toujours le dernier mot, puisqu’il peut déclencher une consultation populaire sur n’importe quel sujet en déposant cent mille signatures, un gouvernement gouvernant vraiment se heurterait à un barrage d’initiatives populaires. Le peuple s’érigerait en opposition institutionnelle permanente et tenace. L’impuissance relative du gouvernement fédéral est le résultat de la toute-puissance du peuple souverain. Il est donc injuste de s’en prendre aux personnes, qui s’efforcent d’exercer un pouvoir qui est très partagé selon la tradition. La faiblesse du Conseil fédéral ne signifie pas que les conseillers fédéraux sont incompétents, mais que le peuple souverain est tout puissant. Le chroniqueur ne peut s’empêcher, en déposant la plume, de se demander ce que le système suisse donnerait s’il était appliqué en France. Bonne question, tellement bonne qu’elle ne sera jamais posée. ◆



Société pour la santé : comment les femmes risquent de souffrir de graves infections et même de perdre leur enfant pendant l'accouchement.

La fin du tabou

de l’excision

SELON LES CHIFFRES DES NATIONS UNIES, PRÈS DE 130 MILLIONS DE FEMMES ET DE FILLES ONT SUBI DES MUTILATIONS SEXUELLES. TOUS LES JOURS, EN AFRIQUE, AU MOYEN-ORIENT ET EN ASIE, CE SONT, AU BAS MOT, 6000 FEMMES ET JEUNES FILLES QUI SUBISSENT L'ABLATION DU CLITORIS OU DES ORGANES GÉNITAUX EXTERNES, SOUVENT AU MOYEN DE LAMES NON STÉRILISÉES. epuis 2004, le Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a fait de la lutte contre ce phénomène une priorité. En 2008 et en 2009, les Sociétés nationales de l'Afrique occidentale et centrale renforcent leurs efforts d'information sur les effets néfastes de ces pratiques pour la santé de dizaines de milliers de femmes, y compris par l'augmentation du risque de contracter le VIH. Au Cameroun, on estime qu'une femme sur cinq est excisée. Croix-Rouge, Croissant-Rouge s'est entretenu avec des volontaires de la CroixRouge camerounaise, Pauline Gong Ounane (PGO) et Fatime Majuini (FM), excisée à l'âge de 7 ans.

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> Pourquoi vous être engagées dans la campagne de lutte contre les mutilations génitales féminines ? FM : Je voulais éviter à d'autres femmes de connaître mes souffrances. J'ai perdu tellement de sang lors de l'ablation de mon clitoris que ma grand-mère a dû m'emmener à l'hôpital. Par la suite, la cicatrice a été une gêne constante, et lors de la naissance de mon premier enfant, l'accouchement a duré quatre jours.

J'ai cinq enfants, et à chaque accouchement la blessure s'est ouverte, causant une douleur atroce. > Comment faites-vous passer le message ? PGO : Fatime est musulmane et parle couramment arabe, et elle vient des régions les plus touchées par les mutilations sexuelles. Lorsqu'elle évoque ce qu'elle a vécu et ses problèmes de santé ultérieurs, les gens l'écoutent. Elle a un courage extraordinaire, car la question est complètement taboue. > Quels sont les tabous autour des mutilations ? FM : Ma grand-mère me disait que si je ne me faisais pas exciser, les gens riraient de moi et je ne trouverais pas de mari. PGO : La mutilation diminue la sensibilité sexuelle de la femme, on pense donc réduire ainsi la probabilité qu'elle ait des relations sexuelles extra-conjugales, et préserver l'honneur de la famille. > Comment faites-vous pour persuader les communautés de faire cesser cette pratique ? PGO : Nous insistons sur les effets

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> Que penser des femmes qui pratiquent ces mutilations ? PGO : Nous ne les dénonçons pas, mais... nous essayons de les aider. Ces femmes gagnent parfois beaucoup d'argent ; nous leur proposons des micro crédits pour financer d'autres moyens de subsistance. Elles peuvent suivre une formation de jardinier ou de sage-femme, ou élever des animaux et cultiver des produits pour les vendre. Entre mars 2007 et mars 2008, nous avons aidé 100 de ces femmes. > Quel a été l'impact de votre travail ? PGO : Quand nous nous sommes rendues dans ces villages pour la première fois, on nous a chassées. Les hommes étaient furieux que nous parlions d'abolir une pratique sociale traditionnelle; ils nous ont agonies d'injures. Je ne voulais pas y retourner, je me sentais très mal. Comme je n'ai pas été excisée moi-même, c'était particulièrement difficile, car il me semblait manquer de crédibilité. Mais depuis que Fatime fait partie de l'équipe, les choses ont changé. Les communautés nous écoutent. On peut voir la lumière dans leur regard lorsque Fatime évoque ses problèmes pendant les accouchements. Les hommes comme les femmes comprennent que cette pratique est terriblement néfaste et ils nous disent qu'ils ne feront pas subir cette épreuve à leurs filles. FM : Il est très difficile pour les femmes de parler ouvertement de cette question. La tradition veut que les femmes restent à la maison et élèvent les enfants. Je ne voulais pas que mes deux filles souffrent comme moi. Il était essentiel de briser ce schéma de souffrances et de violence. En outre, mon mari m'appuie sans réserve. ◆ CLAIRE DOOLE JOURNALISTE INDÉPENDANTE BASÉE EN SUISSE



Humanitaire

Nouvelle donne

au Paraguay utte contre la corruption, réforme agraire, frein à l'invasion du soja transgénique et , bien sûr, éradication de la pauvreté : les défis qui attendent le nouveau président élu du Paraguay, Fernando Lugo, semblent titanesques. Presque aussi grand que la France (400 000 km2), le Paraguay est un pays essentiellement agricole : près de la moitié de ses 6,3 millions d'habitants vivent à la campagne. Exploités à outrance depuis des générations, les paysans n'ont trouvé de soutien que dans l'Eglise, et plus récemment dans des organisations caritatives comme la Croix-Rouge suisse. Dans la région de San Pedro, au centre du pays, un évêque s'est fait connaître par son engagement aux côtés des plus défavorisés: c'est Fernando Lugo . Fin 2005, alors que les élections présidentielles approchent, les partis d'opposition lui demandent d'être leur

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L'ÉLECTION DE L'ANCIEN ÉVÊQUE PROGRESSISTE FERNANDO LUGO À LA PRÉSIDENCE DU PARAGUAY A FAIT NAÎTRE UNE IMMENSE VAGUE D'ESPOIR CHEZ LES PLUS DÉMUNIS. LE NOUVEAU CONTEXTE POLITIQUE DEVRAIT ÊTRE FAVORABLE À L'ACTION DE LA CROIX-ROUGE SUISSE ET DU CICR DANS LE PAYS.

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candidat. Le pari semble perdu d'avance car, en 60 ans, personne n'est arri vé à battre le candidat du parti Colorado au pouvoir, véritable machine à remporter les élections. Fernando Lugo relève le défi et, après avoir été démis de ses fonctions par l'Eglise, il est largement élu le 20 avril 2008. Droità la santé Porteur d'un immense espoir chez les plus démunis, Fernando Lugo pourra compter sur l'appui de nombreuses associations et d'organisations caritatives internationales pour mener à bien sa mission. Dans un pays où 46 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et où près de 60 % des habitants n'ont pas accès au système de santé, la Croix-Rouge suisse aide les organisations paysannes à mettre sur pied des centres de soins pour les populations rurales. C'est le cas notamment de Tesai Reka Paraguay, qui regroupe 30 organisations paysannes et s'efforce de promouvoir le droit à la santé. Des centres sanitaires sont créés dans les coins les plus reculés du pays. On y forme, notamment, des sages-femmes. Maria, la cinquantaine, est l'une d'elles. Avec l'aide de la Croix-Rouge suisse, elle a aménagé une salle d'accouchement dans sa


Humanitaire Sensibiliser les autorités

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oins présent dans les médias depuis la chute du dictateur Stroessner en 1989, le Paraguay reste un pays où l'action du CICR est importante. Les délégués visitent régulièrement les centres de détention et interviennent aussi en cas de crise aiguë, comme en 2004, lorsque 600 paysans démunis et désespérés furent emprisonnés pour avoir illégalement occupé des terres laissées en friche. « Les prisons n'étaient pas faites pour recevoir tant de monde,les conditions sanitaires étaient désastreuses », explique Michel Minnig, le chef de la délégation du CICR pour l'Amérique du Sud. « Nous avons aidé les autorités à rendre acceptables les conditions sanitaires pour ces détenus, en installant l'eau courante et en fournissant des matelas et des médicaments. » Les paysans ont été relâchés, mais près de 3000 d'entre eux, en liberté conditionnelle, peuvent être réincarcérés du jour au lendemain. Afin de soutenir l'ambition de la Croix-Rouge paraguayenne de devenir une organisation de référence, le CICR participe à la formation de ses membres dans le Culture de reinesdomaine des premiers secours. Par des-près (une ailleurs, il collabore avec les forces plante de la de police pour rendre leurs médecine tdirectives conformes aux droits de raditionnelle) au l'homme, à l'instar de ce qu'il a déjà collège San Miguel. entrepris au Brésil avec la police de Rio de Janeiro. Les forces armées qui, selon la constitution, peuven têtre appelées à intervenir pour assurer le maintien de l'ordre - sont aussi un axe d'action important de la délégation régionale. Comme l'explique Miche Minnig, « Il faut leur faire comprendre qu'il ne s'agit plus d'une action militaire visant à détruire l'ennemi, mais d'une démarche policière, dans laquelle la force ne doit être employée qu'en dernier recours. » Le CICR intervient aussi comme consultant. En effet, depuis que le gouvernement a décidé de placer les prisons sous la tutelle du ministère de la Santé, un diagnostic sur l'état général du système pénitentiaire a été sollicité et la mise en œuvre de la réforme a été effectuée sous la supervision du CICR. Pour Michel Minnig, « l’arrivée de Fernando Lugo au pouvoir devrait faciliter la tâche du CICR, bien que l'état du système carcéral ne soit pas au centre de ses préoccupations. »

maison. L'équipement est rudimentaire : deux lits en fer blanc, une table en bois avec les instruments essentiels de toute sagefemme, des forceps, une seringue, de la gaze stérile, voilà pour l'essentiel. « Voici 25 ans que j'aide les femmes à accoucher, explique Maria, et tous les accouchements se sont toujours bien déroulés. » Si la médecine occidentale donne des résultats, la médecine traditionnelle est encore très fortement implantée au Paraguay. La Croix-Rouge suisse soutient un pro-

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gramme de conservation et de développement de cette thérapeutique basée principalement sur les plantes médicinales. Ainsi, au collège San Miguel, plus de 150 élèves issus de familles paysannes suivent une formation de six ans qui comprend l'étude de dérivés des plantes médicinales traditionnelles, comme la reine-des-prés ou le maté. La Croix-Rouge suisse épaule aussi la CroixRouge paraguayenne lors de situations d'urgence, comme en 2007, lors d'une épidémie de dengue. Dans près de 50 communes, les actions d'urgence se sont multipliées: don du sang, distribution de moustiquaires, destruction de nids de larves ainsi que l'aménagement de centres de consultation pour les personnes affectées par la dengue. Soja transgénique « Nous essayons de défendre les petits paysans contre les grands propriétaires terriens qui recouvrent les terres de soja », explique José Parra, coordonnateur de Tesai Reka Paraguay. “Soja” : le mot est lâché. « Le Paraguay est en voie de sojatisation », affirme Thomas Palau, sociologue à Asunciòn, la capitale. La surface cultivée de soja est passée d'un million d’hectares en 1997 à près de trois millions aujourd'hui. Les conséquences sociales et sanitaires sont sans précédent. L'épandage des herbicides par avion intoxique les populations qui vivent près des champs de soja. Les paysans finissent par quitter leurs parcelles, rachetées à bas prix par les exploitants de soja. « Notre travail n'est pas toujours facile. Certains latifundiaires (propriétaires de grandes exploitations) refusent carrément de nous laisser entrer sur leur territoire », explique Volker Sitta, le délégué de la Croix-Rouge suisse pour le Paraguay, la Bolivie et l'Equateur. « Les employés du domaine, qui sont, pour la plupart, des Indiens guaranis traités comme des esclaves doivent en sortir s'ils veulent se faire ausculter. Fernando Lugo a promis une réforme agraire, mais sa tâche sera très difficile ; les grands propriétaires terriens sont solidaires, et la plupart possèdent leur propre milice pour empêcher toute ingérence sur leur domaine », ajoute le délégué. Le nouveau président va donc devoir se livrer à un véritable numéro d'équilibriste, avec d'un côté les nantis, qui feront tout pour freiner ses réformes, et de l'autre, les déshérités qui ne lui pardonneront pas si celles-ci ne sont pas rapidement menées à terme. ◆ PIERRE BRATSCHI


J’aimerais vous dire

1930 2008

Crise ? Quid de la

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Toutes ces choses que l'hiver dissimule et cache sous la neige, seront découvertes et exposées l'été dit du mensonge qui ne peut rester caché1. epuis 18 mois, on a tout lu et tout entendu sur la “Crisus Horribilis” qui frappe le monde entier, de diverses manières, il est vrai. Chacun y va de sa comparaison. C'est celle de 1930 qui prédomine indubitablement. Si vous voulez bien, arrêtons-nous un instant sur les chiffres relatifs aux méfaits occasionnés pendant cette période. En 1930, les Etats Unis d'Amérique enrégistraient une chute de leur P.I.B. (produit intérieur brut) de 9%. 1931 se voyait gratifié de - 6,5% . Le fond était touché en 1932 avec un - 13%. La reprise se profilait en 1933 avec seulement - 1,5%. En 2008, le P.I.B. mondial s'est effondré de près de 8.000 milliards de $ US. Qu'est-ce que cela représente en pourcentage par pays en 2008 ? - 3,8 % pour les USA - moins 6,8% pour l'Allemagne - moins 5,6% pour la Grande Bretagne - moins 3,5% pour la France et moins 2,2% pour la Suisse. Il est à souligner que dans la même période, celui de la Russie était amputé de plus de 20% et celui de la Turquie de 25%. Donc rien de comparable avec les années 30. Encore que... Il est bon d'observer, malgré tout, que le

serge.c.vinet@bluewin.ch

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Serge Cyril Vinet CONSEILLER ÉLU À L’A.F.E. POUR LA SUISSE ET LE LIECHTENSTEIN

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chiffre le plus mauvais se situe en 1932... Là s'arrêtent les comparaisons. D'aucuns voudraient renvoyer la crise actuelle au passé. « Le pire est derrière nous. La récession s'achève en 2009 et 2010 verra un retour à la croissance », nous dit-on ! Il y a le souhaitable et le possible. C'est peut-être aller un peu vite en besogne et faire fi des nombreux nuages qui s'amoncellent sur la scène internationale. Car si la crise financière semble pour l'instant endiguée, il n'en n'est pas du tout de même pour la crise économique. Nous la subissons de plein fouet. C'est occulter la crise sociale qui se profile pour le printemps prochain avec, à l'appui, la hausse des taux et le retour programmé de l'inflation. Tout le dilemme est posé : envisager une reprise, même fragile, avec un chômage qui perdure et s'aggrave. Gardons en mémoire et observons que l'année 2009 aura vu son P.I.B. évoluer négativement. Après les moins 6,4% du premier trimestre catastrophique des USA, celles-ci devraient se retrouver en rythme annuel à moins 3,5% alors que la zone Euro stagne à moins 4,2%.


J’aimerais vous dire 6,5% Chine - 8,5% Inde - 1% USA.

S'il est un point positif à retenir dans cette panique générale, c'est bien l'effervescence qui nourrit les pays émergents (sauf l'Afrique, le grand absent). Les pays émergents se retrouvent en situation bien plus équilibrée que les pays développés. Améliorant leurs balances de paiement tout en corrigeant leurs déséquilibres budgétaires, ils ont accumulé considérablement leurs réserves de change. Leurs entreprises ayant assaini leur bilan, offrent de bien meilleures perspectives que les firmes occidentales pénalisées par des dettes abyssales. La demande intérieure supplante le relais des exportations. La consommation s'est remarquablement développée dans des géants comme la Chine, l'Inde et le Brésil. A telle enseigne, que fait sans précédent en 2009, la Chine est devenue le premier client du Brésil avec 14% d'exportations, s'offrant même le luxe de devancer les States avec “seulement” 11%. Son plan de relance de plus de 600 milliards $ US, distribué fin 2008, permet à la Chine d'évoluer en 2009 vers un taux de croissance de 7,5%. Trois clichés à retenir pour les taux de croissance 2010 :

Peut-on comparer le crise de 1930 et celle de 2008 ?

Les conséquences prévisibles Le billet vert devrait rester faible. En 1974, il nous fallait débourser 4,34 francs suisses pour acquérir 1 $ US. Aujourd'hui, ça n'est plus que 1,02 Chf qu'il nous faut pour 1 $ US. La fin de l'année 2010 verra crever ce plancher paritaire, au profit d'autres monnaies libellées elles aussi en dollars, mais australiens et canadiens. Le pétrole devrait osciller autour des 80 $ US le baril (sauf tensions dans le Golfe). Il y a bientôt 9 ans de cela, j'avais invité nos lecteurs à s'intéresser sur le marché de l'or (5% maximum des avoirs). L'once d'or se négociait alors à 240 $ US l'once. Je réitérais mes propos en 2005 lorsque l'once atteignait 400 $ US. Constatations : celles et ceux qui ont consacré quelques économies sur le marché aurifère depuis ces deux dates, sont sortis largement gagnants. Un rapide survol de la situation laisse apparaître deux chiffres éloquents : Septembre 2002 : 240 $ US l'once Octobre 2009 : 1.050 $ US l'once. Cela se passe de commentaire. Comme les arbres ne montent pas jusqu'aux cieux, et, même si l'once venait à culminer aux alentours des 1.200 $ US l'once dans un proche avenir (ce qui est toujours possible) ; il m'apparaît plus sage d'envisager une sortie en douceur et de profiter des plus values engrangées au cours de ces dernières années. Quant à votre serviteur, il redistribue tous les conseils reçus. C'est la seule chose qu'on puisse en faire2. ◆

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Léonard de Vinci - 2 Oscar Wilde


Conjoncture

Quels leviers pour une autre et durable ? LES BESOINS DES CONSOMMATEURS SONT PASSÉS DE L’“AVOIR PLUS” AU “VIVRE MIEUX ET AUTREMENT”, ÉVOLUTION IRRÉVERSIBLE QUI STRUCTURE LES ENJEUX D’UNE ÉCONOMIE OÙ LA COMPÉTITIVITÉ, LA CROISSANCE ET L’EMPLOI DÉPENDENT DE LA CAPACITÉ DES ENTREPRISES À DÉLIVRER UNE OFFRE RÉPONDANT À CES BESOINS IMMATÉRIELS (SANTÉ, SÉCURITÉ, SAVOIR-ÊTRE ET ÉTHIQUE, GAINS DE TEMPS, DÉVELOPPEMENT DURABLE, CONFIANCE…) AVEC DES ACTIFS IMMATÉRIELS. es entreprises de services en sont convaincues. La Commission Innovation et Immatériel du GPS publie 35 propositions opérationnelles pour actionner ces leviers d’une croissance autre pour une performance durable : 20 bonnes pratiques pour dynamiser le capital immatériel des entreprises et 15 pistes pour une politique de l’immatériel. Créer de la valeur long terme en construisant une relation co-créative avec les clients et les parties prenantes (4 propositions) pour structurer des liens de confiance avec l’écosystème de l’entreprise. Activer l’innovation au cœur du dispositif de compétitivité : capitaliser sur la créativité interne et celle des communautés externes, sous condition d’une amélioration des dispositifs du crédit d’impôt recherche et de la propriété intellectuelle (6 propositions). Optimiser le potentiel des systèmes d’information (8 propositions) : cartographier, mesurer et évoluer vers un reporting extra-financier de la valeur immatérielle pour enrichir la communication aux marchés. Le temps des entreprises est arrivé, celui où les consommateurs exigent des valeurs au-delà des marques. Notoriété, image et réputation deviennent des actifs

maandrieux@deloitte.fr

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Marie-Ange Andrieux DIRECTEUR DES PARTENARIATS DELOITTE, CO PRÉSIDENT DE LA COMMISSION GPS INNOVATION ET IMMATÉRIEL

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stratégiques valorisables (5 propositions). Quand les valeurs font la valeur, le capital humain, s’il est aligné avec la stratégie (11propositions), est au cœur de cette dynamique des comportements professionnels optimisés par l’efficience collective. Si l’économie de l’immatériel figure au cœur de la stratégie de l’Europe de la connaissance, le bilan est pour l’instant mitigé et l’Europe accuse un retard dans ses objectifs d’innovation. L’UE reste distancée par les Etats-Unis pour le nombre de brevets déposés ou les exportations de produits high tech. Les pays émergents, BRIC particulièrement, ont intégré ces enjeux et accélèrent leurs efforts dans l’immatériel : à titre illustratif, l’analyse comparée (Banque mondiale) de la répartition et de l’investissement en capital humain dans le monde est édifiante avec BRIC enregistrant 21,1% du capital humain mais 34,1% de l’investissement, l’Europe se situant respectivement à des taux de 16%. Certains pays du Moyen-Orient misent sur l’immatériel en engageant une démarche pro-active pour s’y constituer un patrimoine national (achat de licences de marques publiques telle que le Louvre ou la Sorbonne) à la rescousse d’une richesse en matières premières non renouvelables désormais limitée. Les enjeux macro-économiques sont considérables : en France, jusqu’à 1% de croissance potentielle. Se mobiliser pour exploiter ces nouveaux gisements de richesse et d’emploi autour d’une politique cordonnée de l’immatériel devient une nécessité. D’où la 35e proposition : pourquoi pas un Secrétariat d’Etat à l’Economie de l’Immatériel et de la Connaissance ? ◆


Conjoncture

opérationnelles du GPS PARTIES PRENANTES 1> Identifier les parties prenantes 2> Évaluer les relations avec les parties prenantes 3> Piloter la relation avec les parties prenantes 4> Communiquer en interne sur le management de la relation avec les parties prenantes

CAPITAL HUMAIN 5> Déployer un référentiel commun en matière de gestion sociale et de prévention 6> Mettre en perspective l'engagement sociétal 7> Créer un partenariat social stratégique 8> Valoriser les pratiques de gestion des connaissances de l’entreprise 9> Développer des systèmes de motivation et de rétribution des performances collectives 10> Accroître le rôle des comités de rémunération 11> Faciliter l'approche technique des modes de rémunération 12> Développer un dispositif stratégique de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences 13> Développer des communautés professionnelles au sein de l'entreprise 14> Favoriser l'initiative et la créativité par une ingénierie de la collaboration 15> Mettre l'innovation et la créativité au cœur des activités de l'entreprise

19> Encourager les PME à utiliser leurs systèmes d'information comme leviers de performance 20> Développer et enrichir le reporting des entreprises en matière de capital immatériel 21> Promouvoir l'analyse de la valeur SI et de la valeur organisationnelle 22> Désignation de correspondants "capital immatériel" pour les SI 23> Développer des espaces de benchmarking entre Directions des SI et entre Directions de l'Organisation

ENJEUX JURIDIQUES, FISCAUX ET COMPTABLES 24> Étendre le taux réduit d'impôt sur les sociétés au titre de la propriété intellectuelle 25> Étendre le report d'imposition des apports en société de brevets par un inventeur à tous les autres actifs incorporels 26> Pérenniser les dépenses de brevet dans l'assiette du CIR, et augmenter le taux 27> Généraliser la suppression de la retenue à la source sur les redevances lors des renégociations de conventions fiscales 28> Prévoir un amortissement dérogatoire sur une durée de 15 à 20 ans pour l'acquisition d'incorporels 29> Améliorer la valeur économique des droits d'auteur

ORGANISATION & SYSTÈMES D’INFORMATION

NOTORIÉTÉ, IMAGE, RÉPUTATION, MARQUES

16> Définir un référentiel homogène du capital immatériel, au niveau national par les pouvoirs publics 17> Développer des programmes de formation et de recherche dans l'enseignement supérieur 18> Encourager les entreprises à investir dans la R&D

30> Mesurer la réputation 31> Suivre la réputation 32> Rendre tangible la réputation 33> Piloter la réputation 34> Valoriser la réputation 35> Créer un Secrétariat d'État à l'économie de l'immatériel Au cours de l’année qui va suivre, nous développerons l’intégralité des 35 propositions. ◆

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Fiscalité

f.delagrave@orange.fr

sur les impôts des non-résidents Françoise Delagrave

LA CAMPAGNE POUR L'IMPÔT 2009 A DEVANCÉ LES FLORAISONS DE MAI. LES DÉCLARATIONS SUR LE REVENU 2008 ONT ÉTÉ DÉPOSÉES. ELLES PEUVENT FAIRE ENCORE L'OBJET DE RECTIFICATIONS. LE RÈGLEMENT DE LA FACTURE EST VENU À L'AUTOMNE. L'IMPÔT EST FONDÉ, COMME DANS LA MAJORITÉ DES GRANDS PAYS, SUR LA RÉSIDENCE ET NON SUR LA NATIONALITÉ, CONTRAIREMENT AUX ETATS-UNIS. IL VISE LES REVENUS (IR) ET LE PATRIMOINE (ISF).

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Fiscalité ar le biais de l'impôt, chaque année, les non-résidents apportent leur contribution au budget de l'État. Il est légitime d'évoquer leur part à l'effort national au moment où les déclarations sont déposées dans la boîte fiscale.

P

sources étrangères supposés). Un taux qui est de 30% en Italie, 25% en Allemagne, 24% en Espagne, 20% au Portugal. En Suisse, les revenus étrangers sont pris en compte pour le calcul du taux d'imposition.

L'IMPÔT SUR LE REVENU (IR) Plus de 183 jours par an hors de France, le nonrésident fiscal est établi à l'étranger et n'a conservé en France ni son lieu du séjour principal, ni son activité professionnelle, ni le centre de ses intérêts économiques (art. 4 8-1 du code général des impôts). Ces trois critères sont soumis à interprétation. Le statut de résident est toutefois maintenu aux personnes à l'étranger dont le conjoint ou le partenaire pacsé (avec ou sans enfant) est resté en France, ainsi que pour les agents de l'état en service à l'étranger et les salariés détachés. Les non-résidents sont rattachés au Centre des impôts des non-résidents (CINR).

Moins disant : un contribuable s'estimant en droit d'obtenir un taux inférieur, compte tenu de son revenu mondial, peut demander le calcul réel de son imposition. Le détail de ses revenus étrangers est alors exigé. Mais la grande majorité des non-résidents se contente du taux de 20%, somme toute avantageux !

Qui doit payer ses impôts en France ? La personne qui a des revenus de source française. En l'absence de revenus, elle peut être soumise à une imposition forfaitaire sur son logement en France dont elle a la jouissance (article 164 C du CGI). Les règles d'imposition tiennent compte des obligations fiscales envers les pays d'accueil. Pour éviter les doubles impositions, la France a conclu des accords de réciprocité avec 115 pays (liste sur impôt.gouv.fr). Ces conventions fiscales annulent de facto l'imposition de l'article 164 C. Il est indispensable d'en connaître les dispositions en vue des ajustements : se renseigner auprès des ambassades de France des pays d'accueil ou de la Maison des Français à l'étranger (mfe.org).

Retenue à la source, un paiement en temps réel : elle s'applique aux revenus salariés ou non, pensions, plus-values... Et ne dispense pas des obligations déclaratives. Les sommes trop perçues par rapport au taux minimum font l'objet de remboursement. L'habitation en France n'étant pas considérée comme une habitation principale, aucune déduction n'est autorisée pour les intérêts d'emprunt liés à l'achat d'un logement, les dépenses d'investissement pour économies d'énergie ou les dons. Sont toutefois exclues de l'imposition les contributions sociales (prélèvement de 3,40% sur certains revenus, CSG et CRDS, contribution salariale de 2,5% sur les gains de levée d'options et d'acquisitions d'actions gratuites).

Barèmes 2008 de la retenue à la source Taux applicable Tranches de revenus nets imposables annuels 0% moins de 13 583 € 12 % de 13 583 à 39 409 € 20 % au-delà de 39 409 €

Et les Français de l'étranger ? 2,5 millions vivent hors de France. Au regard des chiffres du CINR, ils sont peu nombreux à être imposés sur le revenu.

La retenue à 12% est libératoire. La retenue de 20% est déduite du montant de l'impôt dû. Les rémunérations des artistes et des sportifs sont soumises à une retenue à la source au taux de 15%.

Taux minimum 20% : c'est le taux moyen d'imposition fixé en référence au “revenu mondial” (revenus de source française connus et ceux de

L’impôt sur la fortune - ISF Sous réserve des conventions fiscales (54 pays), l'ISF concerne le patrimoine situé en France, au

IR des non-résidents, des chiffres et des hommes • 200 000 contribuables : 0,55% de l'ensemble des assujettis à l'IR • 600 millions e de recettes pour l'État : 1% de la recette IR (et 3 000 e en moyenne/non-résident) • 45 000 télé-déclarants : proportion plus élevée que pour les résidents. • 20 e de ristourne pour la première télé-procédure • 118 000 appels téléphoniques traités, 104 000 courriels et 2 440 visites sur place.

>> FRANCEMAGAZINE N°27 17 HIVER 2009


Fiscalité >> 1er janvier 2009, supérieur à 790 000 € (titres représentatifs d'une participation d'au moins 10% du capital d'une entreprise, actions ou parts de sociétés dont l'actif est principalement constitués d'immeubles, les immeubles ou droits immobiliers détenus indirectement). Les dettes comme les emprunts immobiliers sont déductibles. L'abattement de 30% au titre de la résidence principale ne s'applique pas. L'ISF fait l'objet de déclaration et de paiement spontanés. Dates limites 15 juillet (Europe) et 31 août (hors Europe). rnr.paris@dgfip.finances.gouv.fr

Pour en savoir plus Où se renseigner ? Centre des impôts des non-résidents (CINR) - 10 rue du Centre - TSA 10010 F 93160 Noisy-le-Grand Cedex. Tél. : (+33) 01 57 33 83 00 - Fax : (+33) 01 57 33 82 66. nonresidents@dgip.finances.gouv.fr Accueil téléphonique +33 (0)810 46 76 87 de 8 h à 22 h du lundi au vendredi et de 9 h à 19 h le samedi. Site internet : www.impôts.gouv.fr (Particuliers - Vos préoccupations - Vivre hors de France). Dépliants Impôts 2008 : Salariés exerçant leur activité hors de France et Agents de l’Etat en service hors de France. Délais de dépôt des déclarations IR 2008 - 30 juin (l’Europe, le littoral méditerranéen, l’Amérique du Nord et l’Afrique) -15 juillet (l’Amérique centrale et du sud, l’Asie sauf pays du littoral méditerranéen - l’Océanie et autres pays). Délais de paiement : 15 novembre. Où payer ? Trésorerie des non-résidents 10 rue du Centre - F-93160 Noisy-le-Grand Cedex Tél. : (+33) 01 57 33 83 00 - Fax : (+33) 01 57 33 90 31 Prélèvements mensuels ou prélèvement à l’échéance : Centre prélèvements services - F-59868 Lille Cedex 9 Tél. : 33 (0) 810 012 009 - Fax : 33 (0)3 20 62 82 55 ou 56 cps.lille@finances.gouv.fr Délais de réclamation : 3 ans pour l’IR et l’ISF ; 1 an pour les impositions établies par retenue à la source. Prescription : 3 ans pour toutes les taxes assimilées à des impôts directs (retenue à la source), prélèvements libératoires. Extension possible des délais jusqu’à 10 ans, en cas de manquements aux obligations de déclaration.

COUPS D'ŒIL... Plus-values immobilières, sans douleur : exonération, sous conditions, de la taxation sur les plus-values de vente d'un immeuble en France pour les ressortissants de l'UE ou d'un état lié à la France par une convention fiscale prévoyant une clause de non-discrimination (article 150 U II 2e du CGI). Une 2e exonération pourra intervenir si la vente intervient plus de 5 ans après la première exonération et qu'elle concerne l'unique habitation en France (gain pour le contribuable 16% par vente). Impatriés, bienvenus ! Attractivité du territoire oblige, les exonérations prévues pour les salariés et les dirigeants venant exercer en Francesont élargies (art. 81 C). Elles portent sur la prime d'expatriation et la fraction de la rémunération étrangère et s'appliquent aux prises de fonction à compter du 1er janvier 2008. Couple à distance : si l'un des époux n'a pas son domicile fiscal en France, l'impôt en France du ménage est obligatoire mais ne porte que sur les revenus de l'époux domicilié en France et les revenus de source française. Locations en meublé : sous réserve des conventions fiscales, les revenus des locations en meublé sont imposables en France dans la catégorie des revenus industriels et commerciaux non professionnels. Sont concernées les personnes qui réalisent moins de 23 000 € de recettes annuelles et ne retirent pas de cette activité plus de 50% de leurs revenus. Expatriés, votre épargne intéresse : les Français non-résidents peuvent disposer en France d'un livret bancaire ordinaire, livret A et B, plan d'Épargne. Populaire, compte et plan d'Épargne logement, contrat d'assurance-vie et bons de capitalisation. Revenir en France sans mauvaises surprises : le Service d'accueil des non-résidents et expatriés (SANR)vous accompagne en sécurisant votre projet. Des simulations sur les conséquences fiscales pourront éclairer votre décision. Un rescrit opposable vous sera délivré si nécessaire. ◆ S'adresser au Bureau des agréments et rescrits, 86-92 allée de Bercy - Teledoc 957 Tél. 01 53 18 19 46. sanr@dgfip.finances.gouv.fr

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Réflexion

ans sombrer dans les définitions mouvantes de quelques agents du rire collectif-ironie, satire, humour (« Vouloir le définir, c'est prendre le risque d'en manquer »), nous voyons qu'en un demisiècle, la tonalité générale du rire a changé. Le rire convivial, cordial, chaleureux, le rire d'accueil s'est refroidi. Parmi toutes sortes de rires, le rire d'exclusion, de dénonciation prend le dessus. On ne rit pas moins, mais on ricane plus. Voyez, ces jours-ci, l'affaire Guillon. Cet amuseur matinal de France Inter jette à grandes brassées Strauss-Kahn, Sarkozy et une flopée de ministres dans son baquet d'acide. Ils gémissent, mais l'Audimat auréole Guillon. La dérision souveraine emplit de son fiel la satire politique. Ce n'est pas nouveau. Mais de nos jours, la médiatisation amplifie son empire. Le rire a ses bas-fonds : la dérision y règne. Dans son registre critique, lorsqu'il châtie les mœurs, une des fonctions du rire est de faire éclater la chape de comédie dont chacun, par conventions sociales, s'enveloppe. Dans notre époque où se trame la grande sape d'un ordre ancien, le rire est bon soldat de cette démolition. Il prend pour cible les grandes institutions, pouvoirs et hiérarchies. Mais aussi, de nos jours, les sentiments, rites ou vestiges de la tradition. La dérision moderne s'acharne à débusquer, sous la défroque sociale, la chiennerie et le “rien” de chaque homme. La maladie et la mort ellesmêmes subissent ses outrages. Bergson pensait que le rire Claude Imbert exigeait une “anes“LE POINT”

S

Le

temps de la dérision

NE RIEZ PAS, LE RIRE MÉRITE UN PEU DE SÉRIEUX : CELUI DE SA SIGNIFICATION SOCIALE. PARCE QU'IL OUVRE UNE VOIE NATURELLE ET EFFICACE POUR LA FORMATION DES CONSENSUS SOCIAUX, IL DEVIENT UN MARQUEUR PRIVILÉGIÉ DE L'AIR DU TEMPS.

thésie momentanée du cœur”. La dérision, en tout cas, ne se prive pas de passer au Kärcher des sentiments réputés respectables. Sur une chaîne privée, on peut voir un pitre solennel mettre en scène des vieillards déglingués et jusqu'à des cadavres pour ébaubir un public que rien n'écœure. L'éventail des amuseurs est, il faut dire, très large. D'un côté, les plaisants sans bassesse, tel le patriarcal Bouvard, les Guignols de Canal +, Canteloup ou Gerra, le charmeur Amadou, et j'en passe... Et puis, sur l'autre bord, les comiques de fosse d'aisance, les acharnés du pilori. Ce qu'on retiendra, c'est qu'avec les seconds, le cruel et l'obscène gagnent du terrain. Notez que la dérision, dans son élan, ne se prive pas de l'autodérision. On s'excuse de l'incongruité d'un mot d'esprit - espèce raréfiée - si, par hasard, il s'en échappe. La publicité elle-même renonce souvent à marteler son message. Elle abuse du non-sens comme pour démystifier son propre pouvoir mystificateur. Ainsi, la campagne, jadis, d'un autocollant (« Regardez, il n'y a rien à voir »)... II résulte de cette grande lessive un mépris désabusé, une frivolité pincée sur l'inconsistance de tout. Dans les arts, avec le dadaïsme, avec le pop art, avec ces pantins fluo de Jeff Koons installés dans les pastels du palais de Versailles, l'incongru fait son cinéma ! De même avec la mode antimode de la nippe et de la fripe. Dérisions de tout ! Dans la satire, l'agressivité devient un composé obligé du spectacle. Sur les plateaux de télévision, combien de combats de coqs pour que des ac-

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teurs corrosifs se volent dans les plumes ? La moquerie cède à la raillerie quand ce n'est pas au sarcasme : il faut à tout prix “chambrer”. D'où ce tout-à-l'égout de vannes en tout genre. L'humour de dérision va, sans surprise, de pair avec le déclin de l'admiration. M. de Lapalisse, grand humoriste, concluait qu'à force de ne rien prendre au sérieux, on prend au sérieux le rien... Nous y sommes ! L'ennui, c'est que nos humoristes de “bonne mauvaise humeur” s'arrogent, sans humour, la prétention à dire le bien et le mal. A la télé, l'autre jour, chez l'excellent Yves Calvi, nos écorcheurs, sérieux comme des papes, affichaient leur immunité pour répondre aux écorchés plaintifs victimes de leur “méchanceté”. Les écorcheurs avaient le beau rôle : la méchanceté ne connaît pas de frontières. L'air du temps les déplace à sa guise, et le temps n'est pas à la bonté. Nos féroces bouffons se voyaient assez bien en justiciers, en vertueux serviteurs de la vérité. Au nom d'un humour affranchi de toute décence, ils manient en fait et, sans le dire, l'éditorial de combat. Il est vrai que leurs victimes, avides de notoriété, s'offrent elles-mêmes, en mannequins de foire, à leur pilonnage et associent leurs rires (jaunes) au rire mécanique voire pré-enregistré du public. La période précédant 1789 a connu, dans une grêle de libelles enragés, semblable débauche d'insultes, mais elle était réservée à des lettrés. Radio et télévision ont démocratisé leur pratique. La démocratie ne s'en trouve ni grandie ni menacée. Mais, ici et là, insidieusement avilie. ◆


Carte blanche

Réforme fiscale On veut faire des économies budgétaires et, en même temps, on veut continuer à aider les classes sociales les plus défavorisées ; nobles objectifs. Moyennant quoi, on construit des usines à gaz pour exclure des aides sociales ceux que leur revenu ne justifie pas qu'ils en bénéficient. Cette politique entraîne des effets de seuil qui ont pour résultat qu'à un certain niveau de revenu, on n'a droit à rien, alors qu'à quelques euros de différence, on a droit à tout, et que, au total, a revenu égal, le plus pauvre des deux est parfois dans une meilleure situation financière que celui qui gagne un petit peu plus. Plutôt que de plafonner les allocations perçues par un foyer, il serait plus simple de fiscaliser la totalité de ses revenus, y compris les aides sociales, pour qu'un redevable de l'impôt sur le revenu taxé à 50%, compte tenu du bouclier fiscal, reverse à l'Etat la moitié de ce qu'il a perçu en allocations.

Il en va de même pour ce que l'on appelle les "niches fiscales". Qu'il s'agisse des investissements dans le cinéma, dans les PME, dans la construction navale outre-mer, dans l'emploi à domicile, ou encore des dons aux associations de bienfaisance, il n'y a aucune raison que la déduction fiscale porte sur l'impôt dû à l'Etat. L'Etat ne doit pas être contraint par la volonté du contribuable de contribuer davantage qu'il ne l'a prévu au bien être des animaux, à la défense des enfants, ou au développement des territoires d'outremer, plutôt qu'à la construction de prisons modernes, au développement du ferroutage, ou à l'équipement des hôpitaux en moyens d'investigation modernes. Il suffit de considérer chaque foyer fiscal comme une petite entreprise et d'admettre que chaque dépense qui contribue au bon fonctionnement de ce foyer fiscal est déductible, non pas de l'impôt

médicale), ont compte 12 000 suicides par an en France, soit 20 suicides pour 100 000 habitants. Combien de salariés à France Télécom ? Un peu plus de 100 000. Appliquons le taux national : nous devrions avoir 20 suicides par an. A la fin octobre 2009, nous en sommes à France Télécom à un total de 25 suicides en 21 mois, soit moins de 15 suicides par an. Chaque suicide est un suicide de trop, encore que, dans le cas de terribles douleurs dues à une maladie incurable, on puisse comprendre le choix d'en finir avec la vie. Il ne s'agit donc pas de minimiser le drame du suicide en entreprise. Mais il y a rarement une cause unique au suicide et il est bien tentant, quand il s'agit d'un salarié de faire passer son suicide pour le résultat d'une maladie professionnelle afin d'en obtenir l'indemnisation. Courrier des lecteurs Ma chronique dans le dernier numéro de France Magazine, sur la Chine, les Tibétains et les Ouïgours, m'a valu quelques insultes de la part de trois ou quatre lecteurs. Jacques Beaudan (Neuchâtel) s'est demandé si j'étais “un ignorant profond et incurable de la réalité des conflits actuels”, “crypto fondamentaliste musulman” ou encore si j'espérais “un traitement plus favorable des islamistes le jour où ceux-ci auraient conquis le monde”. Marc Monney (Lausanne) m'a reproché de ne pas dénoncer les sectes qui profitent de la "bizzarerie du système helvétique" pour s'installer en Suisse. J'ai été flatté de l'intérêt qu'ils avaient porté à mon modeste papier, qui n'avait d'autre ambition que de susciter une réflexion sur la situation politique en Chine. J'ai la faiblesse de considérer que cette situation était bien pire en 1968, quand les étudiants et de nombreux intellectuels prônaient l'adhésion au maoïsme, qu'elle ne l'est aujourd'hui. Qu'on se rassure, je ne suis pas devenu pro-chinois, je demande simplement que l'on laisse aux peuples qui n'ont jamais connu la démocratie le temps qu'il nous a fallu, à nous, pour adopter définitivement ce régime politique qui reste, selon la formule de Churchill, Jacques-Michel « le pire à l'exception Tondre de tous les autres ». ◆

Deux ou trois qui m’ont

choses agacé

dû, mais du revenu sur lequel est calculé cet impôt. On attendra longtemps une réforme du système fiscale tant qu'on n'aura pas intégré ces deux principes simples : audelà du minimum vital, aucun revenu ne doit échapper à l'impôt, et toute déduction fiscale doit être imputée au revenu et non pas à l'impôt dû. Mais pour parvenir à une telle simplification, peut-être conviendrait-il de confier la rédaction du code des impôts aux seuls titulaires du certificat d'études. Eux, au moins, n'imagineraient pas de nous demander de calculer le montant de notre impôt selon la formule (je choisis la tranche la plus basse) : (Revenu net imposable x 0,055) – (321,86 euros x nombre de parts)... Suicides L'affaire des suicides à France Télécom a tout lieu d'attirer notre attention sur une maladie du siècle trop longtemps ignorée par les pouvoirs publics. Mais il n'y a vraiment pas de quoi stigmatiser une société comme France Télécom. Savez-vous que, selon l'INSERM (Institut national de la santé et de la recherche

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michel.tondre@laposte.net

Une “cagnotte” contre l'absentéisme scolaire Vous avez tous entendu le Parti socialiste, relayé par les syndicats, par la presse, et par les “humoristes” qui inondent radios et télévisions de leur propagande anti-gouvernementale, exprimer son opposition à l'idée, expérimentée par l'académie de Créteil, de créer une “cagnotte” pour lutter contre l'absentéisme scolaire. Depuis lors, à lire les journaux, à écouter la radio, à suivre les émissions de télévision, on pourait croire qu'il s'agit de rémunérer les adolescents qui veulent bien faire l'effort d'aller à l'école et de se présenter à l'heure à leurs cours. Il y aurait là de quoi se rebiffer. Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit : Il s'agit, à titre expérimental, de récompenser l'assiduité des élèves, dans trois lycées professionnels, par le financement de projets de groupe, pouvant aller jusqu'à 10 000 euros par an. Autrement dit, ce qui est récompensé par ce dispositif, approuvé par le Haut commissaire à la Jeunesse Martin Hirsch, c'est l'esprit de solidarité des élèves, qui se soutiendront les uns les autres pour obtenir le financement d'un projet collectif. On peut ne pas être d'accord avec un tel dispositif, mais au moins qu'on ne dénature pas son mode de fonctionnement. Et si l'on n'est pas d'accord, qu'on propose mieux pour résoudre le problème réel et avéré de l'absentéisme scolaire.


Immobilier suisse “DESSOUS DE TABLE” LORS D’UNE TRANSACTION IMMOBILIERE

Quelles

conséquences pénales selon le droit suisse ? ésultat, côté suisse de cette transaction immobilière pour le moins nébuleuse : le Tribunal pénal fédéral a ordonné le séquestre pénal des montants suspectés d’être des dessous de table (soit tout de même plus de 10 millions d’euros !).

R

Une transaction immobilière particulièrement nébuleuse Le moins que l’on puisse dire, c’est que la vente immobilière en question n’avait pas la limpidité pour première vertu. Qu’on en juge. Pas moins d’une dizaine de sociétés et structures diverses, dont, notamment, une société de Hong Kong et une société de droit kazakh, qui interviennent à des titres divers, au demeurant mal définis, dans le cadre de cette transaction immobilière. Sans compter les nombreuses personnes physiques, dont les rôles sont difficiles à cerner, également parties prenantes à l’opération. A cela s’ajoutent de nombreuses opérations financières portant sur plusieurs millions d’euros, qui interviennent en chassé-croisé à travers plusieurs pays dont la France, Monaco, l’Islande, Israël, la Belgique et… la Suisse (en bref : presque tout le gratin de la finance internationale !). Et, parmi toutes ces transactions finan-

patrick.blaser@borel-barbey.ch

UNE AFFAIRE FRANCO-SUISSE RÉCENTE A DONNÉ LIEU À UNE JURISPRUDENCE DU TRIBUNAL PÉNAL FÉDÉRAL SUISSE QUI POURRAIT DONNER DES SUEURS FROIDES AUX ADEPTES DU PAIEMENT DE “DESSOUS DE TABLE” LORS DE TRANSACTIONS IMMOBILIÈRES. LE CADRE : LA VENTE IMMOBILIÈRE D’UN DOMAINE SITUÉ DANS LE SUD DE LA FRANCE. SUR LE DEVANT DE LA SCÈNE : UN ENCHEVÊTREMENT DE SOCIÉTÉS ET DE TRANSACTIONS FINANCIÈRES RENDANT PARTICULIÈREMENT OPAQUE UNE OPÉRATION NORMALEMENT SIMPLE. EN ARRIÈRE-FOND : LE PAIEMENT DE DESSOUS DE TABLE EFFECTUÉS EN SUISSE.

Patrick Blaser AVOCAT, ETUDE BOREL & BARBEY, GENÈVE

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cières, plusieurs montants, et pas des moindres, ont transité par des banques suisses sous les étiquettes, à première vue respectables, d’“investissement immobilier” ou de “commission partielle sur vente immobilière.” La machine judiciaire suisse en marche La ficelle, ou plus précisément les ficelles, étant un peu grosses. Le Ministère public de la Confédération suisse, inspiré par on ne sait qu’elle grâce divine, si ce n’est peut-être celle de la délation, a ouvert une enquête judiciaire des chefs de blanchiment d’argent aggravé, escroquerie aggravée et appartenance à une organisation criminelle. En bref : l’affaire est des plus sérieuse. Et ce qui devait arriver, surtout en cas de structures sophistiquées, est arrivé. En effet, l’un des protagonistes de l’affaire, et pas le dernier venu puisque c’est l’un des vendeurs récipiendaires en Suisse de montants très importants, “craque” et reconnaît, dans un premier temps, que certains des montants encaissés en Suisse constituaient effectivement des dessous de table alors que les montants versés en France représentaient le prix officiel de la transaction. Le pot aux roses, d’or, est mis à jour ! S’étant toutefois ressaisi, le “vendeur” soutiendra par la suite que l’opération liée à la vente de son domaine englobait une cession de parts sociales de plusieurs sociétés immobilières, des parts d’une société de fermage, de créance hypothécaire, d’une collection importante de meubles anciens et d’œuvres d’art qui ne nécessitait pas, selon le droit français, l’intervention d’un notaire. Seule la cession d’immeubles nécessitait une telle intervention. Bref il n’y a pas, ou plus, l’ombre d’un dessous de table.


Immobilier suisse Le Ministère public de la Confédération se montra toutefois insensible à une telle démonstration et refusa de lever la saisie pénale du compte bancaire du vendeur. Ce qui obligea ce dernier à recourir auprès du Tribunal pénal fédéral. Sans toutefois y trouver le moindre des échos. Une leçon de droit pénal bonne à prendre ? Dans son arrêt, le Tribunal pénal fédéral a d’abord rappelé qu’en droit suisse, le fait de faire constater un prix de vente inexact dans un contrat de vente immobilière stipulé par un notaire est constitutif de l’infraction d’une « obtention frauduleuse d’une constatation fausse » (art. 253 du Code pénal suisse). Ce d’autant plus que ce faisant, l’auteur trompe, non seulement l’autorité fiscale, mais aussi le notaire chargé de son instrumentation et le préposé au registre foncier. C’est d’ailleurs la même chose en France (art. 441-4 du Code pénal français, faux commis dans une écriture publique ou authentique ou dans un enregistrement ordonné par l’autorité publique). En Suisse, l’obtention frauduleuse d’une constatation fausse est passible d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus (dix ans en France ! Il est manifestement préférable de bien choisir son pays d’adoption). C’est donc un crime selon le droit suisse. Or, le crime est le sésame du blanchiment d’argent (art. 305 bis du Code pénal suisse). Sésame que le Tribunal pénal fédéral s’est empressé d’ouvrir. Partant du prémisse selon lequel le paiement d’un dessous de table est constitutif d’une obtention frauduleuse d’une constatation fausse, le Tribunal pénal fédéral en a déduit, par un raccourci saisissant, que le montant du dessous de table est le produit d’une infraction devant être qualifiée de crime. Par conséquent tout paiement d’un dessous de table, produit d’un crime, ne peut que tomber sous le coup du blanchiment d’argent. Et le Tribunal pénal fédéral de porter le coup d’estocade : puisque le versement d’un dessous de table constitue une infraction de blanchiment d’argent, il est susceptible d’être pénalement confisqué, ce qui entraîne qu’il doit être préalablement séquestré. C.Q.F.D. ! Le recours tendant à lever ce séquestre est par conséquent rejeté. Un jugement bancal Une telle jurisprudence est nouvelle en Suisse. Jusqu’à présent le Tribunal pénal fédéral n’avait

jamais tenu un tel raisonnement. Les puristes du droit pénal ne manqueront pas de s’insurger contre cette jurisprudence qui ne tient en réalité pas « la route ». Il n’apparaît en effet pas possible, juridiquement, de soutenir que le montant d’un dessous de table est le produit de l’infraction d’obtention frauduleuse d’une constatation fausse. Le résultat de cette infraction est le document faussement établi par le notaire, sa teneur ne correspondant pas à la réalité, et non pas le paiement d’un dessous de table, qui correspond au demeurant sous l’angle du droit privé au prix réel convenu entre les parties. Le paiement d’un dessous de table ne peut par conséquent pas être assimilé au produit d’un crime et être pénalement confisqué par le biais de l’infraction de blanchiment d’argent. Il n’en demeure pas moins que pour l’instant, le Tribunal pénal fédéral en a jugé autrement. Il convient par conséquent d’attendre un éventuel prochain épisode judiciaire en la matière. Ce prochain épisode permettra ainsi de déterminer si le Tribunal pénal fédéral confirme cette nouvelle jurisprudence particulièrement drastique, en la charpentant peut-être mieux puisqu’actuellement l’argumentation du Tribunal pénal fédéral reste “bancale”, ou si au contraire il l’infirme. Par conséquent : suite au prochain épisode. ◆

“Immobilier suisse” déjà parus • L'immobilier suisse reste en bonne santé, France Magazine n° 26 • Crise immobilière : mesures de prévention prises en Suisse, France Magazine n° 25 • Investir en Suisse : Je vends si je veux, France Magazine n° 18 • Le forfait fiscal suisse : entre mythes et réalités, France Magazine n° 16 • Investir en Suisse : l’hypothèque légale des entrepreneurs, France Magazine n° 15 • Investir en Suisse : le prix du courtage, RFE Magazine n° 14 • Arbitrage des litiges immobiliers transfrontaliers : le Tribunal arbitral de l’économie immobilière suisse, RFE Magazine n° 12 • Ventes d’immeubles en Suisse : nouvelles ouvertures en faveur des étrangers, RFE Magazine n° 10 • Investissement immobilier titrisé : les fonds de placement immobiliers suisses ont la cote, RFE Magazine n° 8 • L’Accord bilatéral sur la libre circulation des personnes : la Suisse encore plus européenne dès le 1er juin 2004, RFE Magazine n° 6

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Biologie NOMBREUSES ONT ÉTÉ, CETTE ANNÉE, LES COMMÉMORATIONS DU 150e ANNIVERSAIRE DE LA PARUTION DE L’ORIGINE DES ESPÈCES, VOIRE DU 200e ANNIVERSAIRE DE LA NAISSANCE DE CHARLES DARWIN. PLUS RARES ONT ÉTÉ LES COMMÉMORATIONS DU 200e ANNIVERSAIRE DE LA PARUTION DE LA PHILOSOPHIE ZOOLOGIQUE DE JEAN BAPTISTE PIERRE ANTOINE DE MONET DE LAMARCK, LE PREMIER THÉORICIEN SCIENTIFIQUE DU TRANSFORMISME.

Lamarck (1744-1829)

fondateur de la biologie et du tranformisme

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elevons toutefois que l’Ecole normale supérieure de Paris lui a consacré un séminaire international le 29 juin 2009 qu’elle annonçait comme “lié au bicentenaire de la naissance de Darwin”. « Le problème est que l'héritage de Lamarck, qui est pourtant capital, a été évacué par les successeurs de Darwin. Les Anglo-Saxons sont parvenus à réaliser une sorte de hold-up dans ce domaine parce qu'à mon sens, les travaux de Lamarck sont au moins aussi importants que ceux de Darwin. Je dirais même que c'est la contribution de Lamarck qui est aujourd'hui démontrée de la façon la plus rigoureuse et non celle de Darwin » analyse Denis Duboule, directeur du Département de zoologie et de biologie animale de la Faculté des sciences de l'Université de Genève et du Pôle de recherche national “Frontiers in Genetics” [1].

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Rappelons qui fut Lamarck Né en Picardie d’une famille de petite noblesse désargentée originaire du Béarn, il fréquenta un collège jésuite à Amiens. A 16 ans, il entama une carrière militaire qui prendra fin en 1768 à la suite d’un accident. C’est peu après qu’il se lia avec Jean-Jacques Rousseau et herborisa avec lui aux environs de Paris, puis qu’il rencontra le célèbre naturaliste Buffon (1707-1788), le véritable créateur du Jardin des plantes, alors Jardin du Roi, qui lui procura un poste modeste dans cette institution et l’honora de sa protection. C’est grâce à cette dernière que parut, aux frais de l’Etat, la Flore françoise, où Lamarck prenait quelques libertés avec la taxonomie, c’est-à-dire la classification des végétaux, de Linné (1707-1778). Parallèlement, Lamarck s’intéressait à la météorologie et collectionnait les coquilles fossiles. Sur le plan intellectuel, il était influencé par les philosophes des Lumières, mais surtout par Condillac. Favorable à la Révolution, il prit part à la transformation en 1793 du Jardin des plantes en Muséum d’histoire naturelle lequel lui attribua l’une des douze chaires créées, avec le titre de “professeur d’histoire naturelle des insectes, des vers et des animaux microscopiques”. Il débuta dans cet enseignement en 1794 à l’âge de cinquante ans. Peu après, le jeune Georges Cuvier (1769-1832) fut nommé à la chaire d’anatomie comparée du Muséum. Leurs


Biologie relations, d’abord cordiales se gâtèrent après que, en 1800, Lamarck abandonna la traditionnelle conception fixiste des espèces végétales et animales et se prononça pour le transformisme, dont il devint le principal théoricien, alors que Cuvier restait attaché au fixisme qu’il considérait comme seul en accord avec l’enseignement de la Genèse et du christianisme, nonobstant quoi il figure néanmoins comme l’un

Principaux ouvrages de Lamarck Flore françoise, 3 vol., Paris 1778. Annuaires météorologiques, 11 vol., Paris, 1800-1810. Système des animaux sans vertèbres, précédé du Discours d’ouverture du cours de zoologie de l’An VIII (1800), Paris, An IX (1801). Recherches sur l’organisation des corps vivans, Paris, An X (1802) Hydrogéologie, Paris, An X (1802). Philosophie zoologique, 2 vol., Paris, 1809. Histoire naturelle des animaux sans vertèbres, 7 vol., Paris, 1815-1822. Système analytique des connaissances positives de l’homme, Paris, 1820.

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des plus grands naturalistes de son temps. Certes, d’autres auteurs avaient précédé Lamarck dans cette voie, à commencer par Erasmus Darwin (1731-1802), le grandpère de Charles Darwin, qui avait publié en 1794 Zoonomia, or the Laws of Organic Life, mais Lamarck n’en eut pas connaissance ; il ne cite, dans cet ordre d’idées que le Genevois Charles Bonnet (1720-1793) dont il critique d’ailleurs l’idée d’”échelle des êtres” et le vitalisme. Le transformisme de Lamarck s’inscrit dans une perspective et même une discipline nouvelles, pour laquelle il forge le terme de “biologie” qui est la science des êtres vivants. Celle-ci prend place dans son œuvre aux côtés de l’hydrogéologie, c’està-dire de la science de la Terre et de la météorologie, c’est-à-dire de la science de l’atmosphère qui, toutes trois, relèvent de l’histoire naturelle. Contrairement aux vitalistes dont il avait partagé les idées dans sa jeunesse, il estimait que le vivant ne comportait nul principe extra-matériel mais s’expliquait par l’organisation soit végétale soit animale de la matière, qu’il était apparu dans un passé infiniment lointain, qu’il s’était diversifié, complexifié et perfectionné avec le temps, en interaction avec les changements des milieux maritimes terrestres et atmosphériques. De ce fait, Lamarck figure à bon droit comme un précurseur de l’écologie. Certes, son système comporte ce qui nous apparaît a posteriori comme des faiblesses, à savoir l’adhésion à l’idée des générations spontanées et l’hostilité à la nouvelle chimie de Lavoisier (1743-1794); toutefois, il analyse la respiration en se référant à l’oxygène et la compare à une combustion (Philosophie zoologique). En contrepartie, il comporte une intuition géniale, celle que les forces qui ont façonné la Terre et le vivant sont les mêmes que celles qui sont encore à l’œuvre, mais qu’il faut les concevoir à une échelle temporelle sans commune mesure avec nos références historiques. « Oh ! Qu’elle est grande, l’antiquité du globe terrestre ! Et combien sont petites les idées de ceux qui attribuent à l’existence de ce globe une durée de six mille et quelques cents ans, depuis l’origine jusqu’à nos jours ! » (Hydrogéologie) Autrement dit, Lamarck figure également, tout juste après James Hutton (17261797) qu’il ne connaissait pas, comme un précurseur des doctrines uniformita-

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Biologie >> ristes et actualistes qui sont à la base de la géologie moderne. Le fondateur de cette dernière, Charles Lyell (1797-1875) lui rendra d’ailleurs justice dans ses Principles of Geology (1830-1833). Tel ne fut guère le cas de Charles Darwin qui, s’il admirait hautement Lyell, dépréciait volontiers Lamarck, son prédécesseur en transformisme. Une légende veut qu’ils s’opposaient sur l’hérédité des caractères acquis, propre à Lamarck seulement. Or c’était là une idée commune à tous deux. La principale innovation de Charles Darwin réside dans la sélection naturelle, inexistante dans la pensée de Lamarck. L’opposition intellectuelle entre Lamarck et Cuvier est passée dans l’histoire sous l’appellation de la controverse sur le catastrophisme. Cuvier considérait que la configuration du Globe s’expliquait par de

Ivo Rens PROFESSEUR HONORAIRE DE L'UNIVERSITÉ DE GENÈVE

Curriculum abrégé de Ivo RENS Né à Anvers en 1933, Ivo Rens a été fonctionnaire international à Genève de 1957 à 1963 (dès 1960 Secrétaire adjoint de l’Union interparlementaire), Privat-docent à la Faculté de droit de l’Université de Genève dès 1960, Conseiller constitutionnel du Vice-Premier Ministre de Belgique (Paul-Henri Spaak) de 1963 à 1965, Chargé de cours à la Faculté de droit de l’Université de Genève de 1965 à 1968 et Professeur d’histoire des doctrines politiques à cette même Faculté de 1968 à 2000. Il est à présent Professeur honoraire de l’Université de Genève. Ses publications portent principalement sur l’histoire du socialisme et sur l’écologie politique. Il a dirigé la revue Stratégies Energétiques, Biosphère & Société de 1991 à 1998.

grandes catastrophes, dont le Déluge biblique eût été la dernière, et que ces catastrophes avaient entraîné l’extinction de nombreuses espèces dont nous ne connaissons que les restes fossiles, alors que Lamarck était anti-catastrophistes et niait les extinctions, les fossiles ne constituant, selon lui, que les formes anciennes d’espèces toujours présentes. Les sciences du vivant ont, depuis longtemps, donné raison pour l’essentiel à Lamarck, mais non point sur sa réfutation des extinctions. Après la mort de Lamarck, le débat sur le catastrophisme reprit en 1830 entre Cuvier et Etienne Geoffroy Saint-Hilaire (17721844), un autre transformiste français tributaire de Lamarck, et il passionna l’Europe savante, y compris le vieux Goethe (17491832) qui tenait pour Geoffroy Saint-Hilaire.

Il ne fut tranché par la géologie et la paléontologie qu’un peu plus tard sous l’influence de Lyell. Il s’en faut de beaucoup que Lamarck n’ait rien à dire pour notre époque. Dans son dernier livre publié alors qu’il avait 76 ans, Lamarck écrivait : « L’homme, par son égoïsme trop peu clairvoyant pour ses propres intérêts, par son penchant à jouir de tout ce qui est à sa disposition, en un mot, par son insouciance pour l’avenir et pour ses semblables, semble travailler à l’anéantissement de ses moyens de conservation et à la destruction même de sa propre espèce. En détruisant partout les grands végétaux qui protégeaient le sol, pour des objets qui satisfont son avidité du moment, il amène rapidement à la stérilité ce sol qu’il habite, donne lieu au tarissement des sources, en écarte les animaux qui y trouvaient leur subsistance, et fait que de grandes parties du globe, autrefois très-fertiles et très-peuplées à tous égards, sont maintenant nues et stériles, inhabitables et désertes. Négligeant toujours les conseils de l’expérience, pour s’abandonner à ses passions, il est perpétuellement en guerre avec ses semblables, et les détruit de toutes parts et sous tous prétextes, en sorte qu’on voit des populations, autrefois considérables, s’appauvrir de plus en plus. On dirait que l’homme est destiné à s’exterminer luimême après avoir rendu le Globe inhabitable. » (Système des connaissances positives de l’homme). ◆

[1] Tiré de l’article « Nous cherchons du sens là où il n'y en a pas », in Campus, Genève, numéro 95 de juin-août 2009.

Bibliographie sommaire sur Lamarck Packard, A. S., Lamarck the Founder of Evolution: His Life and Work, with Translations from his Writings on Organic Evolution, New York, NY, 1901, Longmans and Greens. Szyfman, L., Jean-Baptiste Lamarck et son époque, Masson, Paris, New York..., 1982, 448 pages. Jordanova, L.J., Lamarck, Past Masters, Oxford University Press, 1984, 118 pages. Laurent, Goulven, La naissance du transformisme. Lamarck entre Linné et Darwin, Vuibert/Adapt, Paris, 2001, 153 pages. Corsi, Pietro, Lamarck. Genèse et enjeux du transformisme. 17701830, Ouvrage traduit de l’italien par Diane Ménard, avec le concours du Centre national du livre, CNRS Edition, Paris 2001, 434 pages.

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Santé prévention

LES MASSAGE

De l’importance des

échanges tactiles jjdescamps@thermalp.ch

LE MASSAGE S’INSCRIT NATURELLEMENT DANS LES THÉRAPIES PASSIVES ET COMPLÉMENTAIRES DE THÉRAPIES MÉDICALES, MAIS SANS AGIR DIRECTEMENT SUR LES STRUCTURES À L’ORIGINE DE LA MALADIE TRAITÉE. IL CONTRIBUE EN EFFET AVANT TOUT À ÉLIMINER LES TOXINES DES MUSCLES ET FAVORISER LA CIRCULATION SANGUINE. IL EST DONC RECONNU COMME TRAITEMENT DE FOND. Jean Jacques Descamps

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Santé prévention ais pour la plupart d’entre nous, nous lui reconnaissons des vertus principalement relaxantes, puisqu’il permet un relâchement musculaire sans pareil dont s’ensuit une détente générale de notre mental. Sans tenir compte exclusivement du phénomène purement physiologique de détente musculaire, les vertus du massage passent ainsi également par le plaisir de se laisser aller sans contrainte et en toute confiance dans les mains expertes d’un professionnel. Et certainement, tout simplement, par le plaisir d’être touché. La pudeur et l’individualisme dans lesquels notre société occidentale moderne nous enferme à tort bien souvent, nous a éloignés d’un principe de bien-être de base : le toucher et les caresses qui, dans nombre de civilisations asiatiques demeurent depuis des siècles une base essentielle d’équilibre et de maintien de la santé. La peau est pourtant à considérer comme un organe de notre corps à part entière, à ne pas négliger par conséquent, et surtout des plus accessibles. Par la juste perception de son enveloppe corporelle, l’enfant, par exemple, renforce son autonomie et

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s’individualise, en acquerant confiance en lui. Les échanges tactiles entre l’enfant et ses parents sont ainsi indispensables dès les premiers instants de son existence, notamment jusqu’à ce qu’il puisse s’exprimer verbalement. Pour les « nouveaux-nés, les échanges tactiles sont l’occasion d’une communication préverbiale qui témoigne de l’amour que la mère porte à son enfant. » (Docteur Frédérique Didier, Le Quotidien du Médecin, 12 mai 2004). Mais si les échanges tactiles, massages, caresses et autres papouilles, ont été prou-

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Santé prévention >> vés être essentiels dans le bon dé-

par le dessèchement et la perte d’élasticité de la peau. Rappelons que l’huile d’Argan est fabriquée exclusivement dans le Sud-ouest Marocain.

veloppement de l’enfant, ils le sont tout au courant de notre existence à tous. Ne réduisons pas le besoin d’être touché pour les adultes à une carence affective creusée dans le passé de l’enfance : il reste présent, à des degrés différents d’un individu à l’autre, comme une base de notre équilibre. Et nous ne saurions trop vous conseiller, sans perversité aucune, de propager cette bonne parole :

Le déroulement du traitement • Dans un premier temps, le patient sera allongé avec des pierres vous réchauffant tout le corps. • Le massage commence par un effleurage des pieds, avec du pédiplantes (produit à base d’huile essentielle spécifique pour les mycoses), d’abord à mains nues

Succombez aux massages ! Parmi toutes les sortes de massages : • le plus complet, • le plus efficace, • le plus relaxant mais surtout le plus apprécié des patients Le massage aux pierres chaudes et à l’huile d’argan bio La “Thérapie par les pierres” ou “Stone Thérapie” utilise des galets dont la chaleur se communique à tout le corps. Difficile de résister à la douce pression de ces pierres bienfaisantes. Un soin corporel d’une incroyable douceur Difficile d’imaginer un massage avec des pierres sans huile d’Argan. Par ses vertus cosmétiques, l’huile d’Argan est un véritable élixir de jeunesse capable de régénérer la peau. Et par sa teneur en acides gras essentiels (AGE) et en tocophérols (vitamine E), elle permet de corriger les carences qui surviennent avec l’âge et qui se traduisent

puis à l’aide des pierres chaudes. • Le reste du massage se poursuivra à l’huile d’Argan, en commençant toujours avec un effleurage suivi du massage avec les pierres chaudes. • Le massage se poursuit ensuite par le visage et le cou, suivi de l’abdomen sur lequel on placera des pierres chaudes et des cristaux. Le massage se poursuit par les bras et ensuite les jambes, sur lesquelles il sera également appliqué également des pierres froides, (pour faire activer la circulation). • Lorsque tout le devant du corps aura été massé le massage se poursuivra sur l’arrière du corps. • Dans un premier temps, le thérapeute va placer des pierres chaudes et froides sur la colonne avant de commencer son massage par l’arrière des jambes avec les pierres chaudes suivi des pierres froides. • Le massage se termine par le dos et la nuque, ainsi qu’un effleurage final. Après… Et bien on plane ! ◆

Cadeaux !

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rance Magazine et Jean-Jacques Descamps offrent aux 10 premières personnes qui téléphoneront au 021 626 04 41, un flacon de 200 ml d’huile d’Argan bio en provenance directe du Maroc.

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Radioscopie

Destination : expatriation LES FRANÇAIS SONT DE PLUS EN PLUS NOMBREUX À S’INSTALLER EN-DEHORS DE L’HEXAGONE. CHOIX DE VIE, L'EXPATRIATION PEUT AUSSI ÊTRE UN CHOIX DE CARRIÈRE, L’OPPORTUNITÉ D’OBTENIR UN EMPLOI PLUS INTÉRESSANT ET PLUS LUCRATIF QU’EN FRANCE. A CONDITION DE BIEN S’Y PRÉPARER. DAVID TALERMAN, SPÉCIALISTE DE L’EXPATRIATION EN SUISSE, AIDE SES COMPATRIOTES À RÉUSSIR LEUR AVENTURE HELVÉTIQUE.

avid Talerman est arrivé en Suisse un peu par hasard. Financier en région parisienne, il décide en 2001 de quitter l’effervescence de la capitale pour un endroit plus tranquille où il pourra conjuguer qualité de vie et pouvoir d’achat. Il envoie des candidatures dans plusieurs pays… et décroche un poste en Suisse. Installé dans le canton de Vaud en 2001, il travaille dans le web financier jusqu’en 2007. Rentré en France pour raison familiale - mais bien décidé à se réinstaller au bord du Léman - il décide de mettre son expérience au profit des autres. Il rédige Travailler et vivre en Suisse et co-écrit Décrocher un emploi en Suisse. Il est aujourd’hui à la tête d’Expatwire, une société active dans le conseil aux expatriés et anime le site www.travailler-en-suisse.ch.

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> France Magazine : La Suisse accueille la plus forte communauté française de l’étranger. Pourquoi s’installer dans la Confédération ? David Talerman : La Suisse offre des opportunités de carrières attrayantes dans un cadre de vie agréable. Elle propose une alternative intéressante, avec un environnement « comme en province », et des métiers « comme à Paris ». L’idéal pour les Parisiens qui veulent améliorer leur qualité de vie sans sacrifier leur job ! Contrairement aux idées reçues, le secret bancaire n’est pas la seule richesse du pays. Le secteur financier est important – il représente 10% du PIB – mais la Suisse est également une puissance industrielle. Le secteur de la pharmacie et de la chimie est en quête de manière quasi permanente de

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personnel qualifié pour de la recherche. On le sait peu mais la Suisse possède une des meilleures capacités d’innovation au monde : les dépenses en Recherche et Développement par habitant sont parmi les plus élevées de la planète et les instituts de recherche helvétiques collaborent très bien avec les entreprises, ce qui permet de transformer assez rapidement le fruit de la recherche en produit ou processus industriel. Le secteur des équipements médicaux est également en carence de personnel. Le secteur de la santé est toujours très porteur et propose de nombreuses opportunités aux infirmières et infirmiers. Globalement, la crise aidant, on se tourne vers un marché de l’emploi qui recherche des spécialistes. C’était déjà le cas avant la crise, mais il y avait plus de place pour les autres métiers un peu moins qualifiés. Aujourd’hui, pour ces métiers, c’est un peu plus dur. La plupart des offres d’emplois en Suisse sont diffusées sur le Web, sur les sites des entreprises, sur les portails d’offres d’emplois ou sur les sites des agences de placement. On peut donc chercher du travail depuis la France. > F. M. : Comment réussir son expatriation en Suisse? D. T. : Il faut considérer l’expatriation comme une chance et non comme une sanction. Une personne qui s’installe de son plein gré et une personne qui suit son conjoint n’appréhenderont pas la Suisse de la même façon. Il est primordial pour que l’expérience soit réussie de venir par choix,


Radioscopie Cap sur la Chine

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rois Françaises spécialistes de l’expatriation en Chine étaient récemment à l’honneur du site www.francaisdumonde.com. Catherine LazBounatirou, Marie Riviere et Françoise Carbonnel ont suivi leurs maris dans l’Empire du Milieu. Mais pas question pour ces trois femmes actives de se cantonner au rôle de femme d’expat ! Constatant qu’il n’existait pas à Pékin de cabinet français de ressources humaines et que « pour construire un projet professionnel et personnel, il vaut mieux s'exprimer dans sa langue maternelle et être accompagné d’un regard qui comprend les spécificités des francophones », les trois amies ont décidé d’investir le créneau. C’est ainsi qu’est né Harmony & Mobility Consulting*, cabinet de conseil en ressources humaines spécialisé dans l’intégration et la mobilité des expatriés et de leurs conjoints. Plusieurs prestations sont proposées aux sociétés mais également aux particuliers. En ce qui concerne les entreprises, l’accent est mis sur l’accompagnement de l’employé expatrié du début jusqu’à la fin de sa mission. Harmony & Mobility Consulting propose également un bilan de compétences et un accompagnement à la recherche d'emploi spécifiques à la Chine pour aider les conjoints d’expatriés à trouver un emploi sur place. Une aubaine pour les entreprises qui ont du mal à trouver des employés prêt à partir car leur conjoint ne veut pas laisser tomber son travail pour le suivre. Françoise Carbonnel l’a bien compris. Elle vient d’arriver à Singapour et monte déjà l’antenne Harmony & Mobility dans la cité-Etat. *consulting@harmonymobility.com

sinon la déception sera grande. Il est fondamental d’adopter une attitude favorable, de se pencher sur la culture suisse… et surtout apprendre à décoder le suisse. A titre personnel, j’ai eu un accueil formidable dans l’entreprise dans laquelle j’ai commencé, mais je suis conscient que ce n’est pas le cas de tout le monde. Sans trahir personne, je pense qu’on peut dire que les Suisses, contrairement aux Français, sont plutôt discrets et qu’ils ne donnent que très rarement leur opinion. Les Français qui décident de venir s’installer en Suisse doivent bien avoir à l’esprit que les rapports en Suisse sont basés sur la confiance et qu’il existe un véritable respect de la hiérarchie en entreprise. Les gens sont également très prudents dans leurs choix et ils sont très pragmatiques, notamment dans les entreprises. > F. M. : Quels sont les pièges à éviter ? D. T. : Abandonner ses fantasmes, oublier les lieux communs et les préjugés. La

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Suisse n’est ni un Eldorado financier ni un paradis fiscal. Le pays compte 4,5% de “working poors” et les impôts sont relativement élevés, notamment en Suisse romande. Il est également important de savoir que le coût de la vie est en moyenne 17% plus élevé en Suisse qu’en France. Avant de franchir le pas, il est important de calculer tous les coûts et de s’assurer notamment que le salaire proposé soit conforme au prix du marché. De nombreux sites de statistiques existent. Expatwire.fr propose d’ailleurs un service qui calcule le salaire net et explique les différents postes de charges sur le salaire. Nous proposerons également début 2010 un service qui permettra de calculer les coûts (estimation du montant d’impôt de chaque commune ; assurance maladie : transport, etc.) en fonction du lieu de résidence. >>


Radioscopie >> Pour bien vivre en Suisse, les revenus doi-

> F. M. : Quels services propose votre société aux futurs expatriés ? D. T. : Notre rôle est de conseiller les candidats à l’expatriation en apportant une information objective sur les éléments importants tels que l’assurance santé ou l’intégration… Nous ne faisons pas la promotion de la Suisse – même si c’est un pays que j’aime bien à titre personnel. Nous aidons les personnes intéressées par cette destination professionnelle à y voir plus clair. De nombreuses personnes recherchent un emploi et veulent être aidées, mais beaucoup sont aussi déjà sur place et veulent « optimiser » leur vie sur place, améliorer leur compréhension, notamment de la fiscalité ou de la retraite.

joanna.david.mangin@gmail.com

Nous offrons des services et informations gratuits sur www.travailler-en-suisse.ch et www.expatwire.ch. Compte tenu du nombre important de questions que je reçois chaque jour, je réponds rarement aux questions personnelles, mais il est possible de poster des commentaires sur mon blog (http://blog.travailler-en-suisse.ch). Nous proposons également aux futurs travailleurs en Suisse de les mettre en relation avec les personnes compétentes dont elles ont besoin. Nous intervenons dans cinq domaines d’activités. • L’assurance-maladie. Nous mettons en relation les expatriés et frontaliers avec des courtiers indépendants proposant une gamme étendue de prestations. Nous proposons le même service pour l’assurance habitation /responsabilité civile. • Les crédits immobiliers en devises dédiés aux expatriés et frontaliers. Nous mettons les meilleurs spécialistes du secteur à dispositions des futurs emprunteurs. Peu de personnes connaissent l’existence de ce type de crédits et ils sont particulièrement adaptés pour cette population. • Les cautions/garantie de loyers. Nous mettons en relation le futur locataire avec des société de cautionnement qui paieront la gérance en cas de non paiement. • Nous collaborons avec les promotions économiques pour aider les futurs entrepreneurs à créer leur société. ◆

vent être conséquents. En moyenne, selon une étude de l’Office fédéral de la Statistique, un ménage gagnant moins de 4 400 francs suisses bruts par mois ne peut pratiquement pas épargner (en tenant compte qu’il a des loisirs). Les frais de logement rentrent pour environ 1/3 des dépenses des ménages. Les candidats à l’expatriation doivent également être conscients qu’il y a beaucoup moins d’infrastructures qu’en France pour faire garder les enfants: cela leur coûtera donc assez cher (ils devront passer par une maman de jour) ou bien l’un des membres du couple devra s’occuper des enfants.

Cette rubrique est la vôtre Vous êtes expatrié et vous souhaitez partager votre expérience? Envoyez nous vos témoignages et vous serez peut-être sélectionnés par notre équipe pour apparaître dans notre rubrique... Bienvenue chez vous ! Radioscopie.francemagazine@gmail.com

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Joanna David-Mangin



Nature

La Nouvelle-Calédonie

CLASSÉ AU PATRIMOINE MONDIAL DE L’UNESCO, DECOUVREZ LA SINGULARITÉ DU MONDE MÉLANÉSIEN

le “musée de la biodiversité” de la planète Histoire

S

es citoyens de l’Union européenne, les Américains, les Néo-Zélandais, les Suisses, les Japonais, les Canadiens et les Israéliens peuvent résider trois mois en Nouvelle-Calédonie sans visa.

© Pierre Alain Pantz

L

Les biotopes sont : • Le maquis minier • Les savanes : constituées de niaoulis • La mangrove • La forêt humide dense sempervirente d’altitude ou sur calcaire, ou de basse altitude La Barrière • La forêt sèche de Noude corail en velle-Calédonie contient Nouvelleencore environ 435 esCalédonie. pèces et une quinzaine de variétés, de plantes vasculaires (plantes à fleurs et fougères) autochtones. 57% de ces espèces sont endémiques de la Nouvelle-Calédonie et une soixantaine d'entre elles est de surcroît cantonné à cette forêt. 5 familles endémiques s’y trouvent : • Amborellaceae (1 espèce), • Oncothecaceae (2 espèces), • Paracryphiaceae (1 espèce), • Phellineaceae (14 espèces), • Strasburgeriaceae (1 espèce).

i la Terre était ronde, il devait forcément exister une « Terra Australis Incognita ». Jusqu’au XVIe et au XVIIe siècles, cette terre australe était inconnue. L’agglomération de NOUMEA, qui compte aujourd’hui plus de 90 000 habitants avec Dumbea et le mont Dore, est une cité active qui attire les investisseurs australiens et néo-zélandais. Sous le Second Empire, Napoléon III avait décidé la création de la colonie pénitentiaire. Le 9 mai 1864, le premier convoi des bagnards débarqua sur l’île Nou. En 1871, après la chute de la Commune, les détenus politiques, qui n’étaient pas mêlés aux droits communs, étaient dirigés vers la presqu’île Ducos. Louise Michel fut la dernière à partir de l’île des Pins en 1880. Elle seule avait compris la richesse de la culture canaque. En apprenant le “bichlamar”, elle recueillit les contes des îles. NOTA BENE : Pour se promener en Nouvelle-Calédonie, il convient de respecter la "coutume" canaque. C'est la règle qui s'applique à tous, à la famille, au clan, aux natifs de l'île ou aux visiteurs et qui définit les égards que l'on doit aux anciens. Il existe des plantes préhistoriques, carnivores, endémiques en Nouvelle-Calédonie*. *Le capitaine britannique James Cook est le premier à mettre officiellement le pied sur l'île en 1774, qu'il baptise Nouvelle-Calédonie en raison des paysages qui ressemblent à son Écosse natale. LE Pays d’outre Mer P.O.M est amener à voter son indépendance en 2015.

• Les Araucaria représentaient l'essentiel des forêts qui recouvrait la terre il y a plus de 124 millions d'années. Aujourd'hui, ils ont pratiquement disparu. Il ne reste que 19 espèces d'Araucaria sur l'ensemble du globe... dont 13 en Nouvelle-Calédonie.

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Nature

Acropogon aoupiniensis (Malvaceae) Arbre, fruits Aoupinié.

Acropogon merytifolius (Malvaceae) Arbuste en fleurs Aoupinié.

Augusta austrocaledonica (Rubiaceae) Fleurs Tchamba.

Baloghia drimiflora (Euphorbiaceae) Feuilles, fleurs, fruits Ouaco.

Dolichandrone spathacea (Bignoniaceae) Arbre, feuillage, fleurs, fruits Diahot.

Psychotria ammericola (Rubiaceae) Feuillage, fruits Tchamba.

Syzygium pterocalyx (Myrtaceae) Feuillage, fruits Poum.

113 genres endémiques avec notamment • Pancheria (Cunoniaceae, 30 espèces), • Arthroclianthus (Papilionaceae, 20 espèces), • Acropogon (Malvaceae, 18 espèces), • Beauprea (Proteaceae, 14 espèces), • Bocquillonia (Euphorbiaceae, 14 espèces), • Codia (Cunoniaceae, 13 espèces), • Pycnandra (Sapotaceae, 12 espèces)... >>

Géographie Climat tropical océanique. Saison humide de décembre à mars Frais et sec d'avril à novembre Température moyenne : 26° C pendant l'été austral / 22° C l'hiver. 1 La chaîne montagneuse, qui culmine à 1634 m et traverse la Grande Terre du nord au sud ; - divise l’île en deux régions distinctes : la côte Ouest, sèche, et la côte Est, tropicale ; - la région vallonnée de la Foa, est le pays des « stockmen », de ces cow-boys caldoches. 2 Dans la province nord - Les plages somptueuses de la région de Poum et de Malabou, - Hienghène pour le centre culturel Kanak, - Canala pour la plage de Malabou et les plongées sous-marines dans un secteur encore inexploré. 3 Les îles Loyauté sont sous le Tropique du Capricorne... - A Ouvéa : 25 km de sable blanc et un lagon aux infinies nuances de bleu et de vert offrant au regard une des plus belles plages du monde. - A Lifou : des baies immenses vêtues d'une abondante végétation et des falaises façonnées en terrasse plongeant dans l'émeraude de la mer. - A Maré : un plateau de corail planté de pins colonnaires. Du sable blanc et l'eau miroitante. Petit plus : au nord-est de la Nouvelle Calédonie, l'archipel du Vanuatu est constituée de plus de 80 îles et îlots en forme de"Y" dont une douzaine de grandes îles, avec plusieurs volcans qui sont en activité constante. Independante depuis 1980, c’est un ancien condominium franco-anglais.

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Nature >> Plantes tracheophytes : 2407 espèces endémiques, dont : • 44 espèces des conifères, • 234 espèces endémiques de Myrtaceae, • 207 espèces endémiques de Rubiaceae, • 189 espèces endémiques d'Euphorbiaceae, • 100 espèces endémiques d'orchidées, • 91 espèces endémique de Cunoniaceae, • 78 espèces endémiques de Rutaceae, • 81 espèces endémiques d'Araliaceae, • 79 espèces endémiques de Sapotaceae, • 60 espèces endémiques de Sapindaceae, • 54 espèces endémiques de Flacourtiaceae, • 53 espèces endémiques de Myrsinaceae, • 46 espèces endémiques de Lauraceae, • 45 espèces endémiques de Pittosporaceae, • 44 espèces endémiques de Proteaceae, • 42 espèces endémiques d'Elaeocarpaceae, • 38 espèces endémiques de Pandanaceae, • 37 espèces endémiques de palmiers, • 37 espèces endémiques de Papilionaceae, • 35 espèces endémiques de Cyperaceae, • 31 espèces endémiques d'Ebenaceae.

Parmi les espèces caractéristiques de cette forêt se trouve aussi l'unique "riz calédonien" (Oryza neocaledonica), le "badamier de Poya" (Terminalia cherrieri), 9 espèces du genre Diospyros ("faux ébènes"), avec le remarquable Diospyros veillonii de Gadgi (Paita), 7 espèces du genre Pittosporum, dont le très rare Pittosporum tanianum de l'Ilot Leprédour (ou Ilot Tania) ou encore P. Brevispinum de Tiéa (Pouembout). Les familles des Strasburgeriaceae (Strasburgeria robusta), et des Oncothecaceae (2 espèces) se trouvent essentiellement sur roches ultramafiques, tandis que la famille des Amborellaceae (Amborella trichopoda) ne se rencontre que sur roches acides. La flore des "maquis miniers" totalise environ 1140 espèces de plantes vasculaires, dont plus de 88% sont endémiques de la Nouvelle-Calédonie (Jaffré et al 2001). les Apocynaceae (Alyxia spp, Alstonia spp…), les Casuarinaceae (Gymnostoma spp), les

Cunoniaceae (Codia spp, Cunonia spp, Pancheria spp…), Zoom sur quelques espèces KAORIS (AGATHIS LANCEOLATUS), ARAUCARIACÉ Ces conifères se retrouvent sur des sols riches en minéraux. Ce sont des arbres spectaculaires dont les troncs atteignent de gros diamètres. Le grand kaori du parc de la rivière bleue a plus de 1000 ans et atteint une hauteur totale de 35 à 40 mètres. NIAOULI (MELALEUCA LEUCADENDRON) C'est un arbre caractéristique de la savane de Nouvelle-Calédonie. Il ne pousse pas au-dessus de 500 mètres d'altitudes et se retrouve fréquemment dans les terrains marécageux. Il aime les sols acides et l'eau, mais peut s'adapter à diverses situations, même les plus sèches. Symbole dans l'âme des Caldoches, “niaouli” signifie “enfants nés dans le pays”. ◆

Astuces > Hôtels, gites ou séjours chez l'habitant : http://perso.wanadoo.fr/caledonie/Guide/seloger.htm > Guide expatriation : http://www.partirpourlanouvellecaledonie.com > Tourisme : http://www.draus.net/caledonie/ > RFO Nouvelle-Calédonie : http://www.rfo.fr/nouvelle_caledonie_ie17m.php > Cuisine : http://www.draus.net/caledonie/cuisfram.htm http://perso.wanadoo.fr/lemargouillat/Les_recettesx.html

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Nature

+

La Suisse poumon vert de l’Europe AU CŒUR DE L’EUROPE, LA SUISSE REPRÉSENTE UN POUMON DE VÉGÉTATIONS SOUVENT ENDÉMIQUE. 56% DES ESPÈCES HELVÉTIQUES SONT DE TYPES PLANTES DE ROCHERS, DE PELOUSES ET ÉBOULIS. ertaines, fréquentes, comme Adénostyle à feuilles d'alliaire, d’autres rares. A l’est, capanule en thyrse, à l’ouest, la saxifrage a tige nue, en méridionale, la scutelaire des Alpes.

C

Le Jura suisse Il est constitué de calcaire, et n’a pas subi de période de glaciations. Les plantes prospèrent en basse altitude : céphalaire des Alpes, anthyllide des montagnes.

sont installés. Dans les hautes montagnes, les plantes croissent en forme de coussinets à 3000 m, vers 2500 m, les pelouses d’herbacées s’y trouvent localisées, par exemple la laiche courbée.

Alpes septentrionales Les plantes thermophiles sont caractéristiques des vallées à foehn tel que la primevère acaule (expl. Dents du Midi). Alpes méridionales (expl. Simplon) Entièrement recouvertes de glaciers. Constituées de roches siliceuses et cristallines. Nous y rencontrons la minuartia à feuilles de mélèze.

Au versant nord, on distingue des brousses de saules, des landes à azalées sur les arrêtes en zone sèche, des pelouses à laiches aux altitudes supérieures en zone humide, des androsaces sur les éboulis de l’étage subnival. ◆

Alpes internes et hautes montagnes L’androsace des Alpes y est bien représentée. La joubarbe à grandes fleurs est endémique des massifs élevés (expl. Zermatt). En Valais, avec un climat continental sec et très ensolleillé toute l’année, des plantes de types Steppes prolifèrent tel que la stipe pennee, chevelue ou plumet, l‘uvette, violier et centaurée du Valais. L’aspect et la composition de la végétation dépend des conditions extérieures (biotope/ climat). Les Alpes sont divisées en étage alpins et subalpins. Dans le plateau, des pins sont répandus à 1000 m, à 2000 m, des épiceas

Pour s’y retrouver… Quelques exemples de familles d‘espèces de taxons : • Rosacées… alchemille • Crassulacées… joubarbe • Renonculacées… pulsatille

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Le Japon poumon vert de l’Asie Epoque des kofuns 310-552 La construction des jardins dans de petits espaces découle du culte des morts avec l’influence de la Corée. Le culte à l’égard de la nature, véritable code de bonne conduite entre l’homme et la nature, le shintoïsme développe cette pratique. Ainsi, les montagnes, le tonnerre, les rivières seront considérés comme des manifestations divines.

sistant qui fait un excellent couvre-sol) et evonymus aureovariegatus (arbuste dense, buissonnant ou érigé, à feuillage persistant, à petites feuilles ovales, dentées, vertes marginées de jaune). • Encadrer un plan d’eau : glycines, cryptomeria japonica (famille : Taxodiaceae, nom commun : Cèdre du Japon), tsugas (des conifères très décoratifs). • Dans l’eau : iris du Japon, asplenium (Polypodiacées. L'asplenium est originaire de régions tropicales d'Asie, d'Australie et de Nouvelle-Zélande), cyrtomium falcatum (Fougère).

Epoque des Tsuka 593-710 En 594, le prince Shoto Ku Taishi impose le bouddhisme come religion d’état. La réalisation des jardins japonais répond à un besoin de rapprochement de l’homme avec l’au-delà. Telle une représentation du paradis. Dans la tradition du taoïsme, au milieu du lac, une montagne protège les immortels non loin d’un bâtiment demeure de Bouddha. Ce sont les jardins-îles.

Epoque des Heian 794-1185 Le sakutoi-ku est un mode d’emploi pour la création des jardins avec le style des îles, des cours d’eau et la forme des montagnes.

Epoque des Nara 710-794 Des fontaines de pierres y sont intégrées, ponts sanctuaires bouddhistes avec l’influence de la Chine.

Epoque des Kanakura 1185-1333 La culture Zen permet de laïciser les relations entre l’homme et le divin. Les jardins sont composés de sable blanc et de pierres, propices à la méditation.

Les plantes • Taches vertes devant un mur d’enceinte : bambou, if, lonicera nitida (de la famille des caprifoliacées, c’est un petit arbuste per-

Epoque Edo 1600-1868 Le Japon vit en autarcie. les jardins sont reproduits selon les types “jardins de thé, jardins secs, et jardins-îles”.

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Nature Les jardins : • Le tsuboniwa (cour intérieure de 3m2) Avec camélias, aspidistra elatior, osmunda • Le karesansui (zen) Avec 3 pierres en granit, avec mahonia japonica. • Le cha-niwa (thé) avec tsukubai. Avec euonymus alatus (arbuste caduc à port étalé. Feuillage vert se colorant de rose violet pourpre à l'automne. Fruits rouges. Tout sol), buxux licrophylla. • Le kaiyushiki (promenade dans un vaste parc avec lac). Avec sophora japonica (famille des légumineuses pleureur ou Arbre des Pagodes du Japon pleureur, cryptomeria japonica. • Le shakkei zukuri (montagne en décor). Avec camélia japonica et styrax japonicum. Epoque contemporaine Des fontaines de pierres y sont intégrées, ponts sanctuaires bouddhistes. Avec l’influence de la Chine, apparition des jardins pelouses et de fleurs. ◆

Petits rappels de la culture japonaise Shômyô : chants liturgiques boudhistes : le terme Shômyô est issu du sanscrit “sabdavidja” (la voix claire). C’est au VIe siècle que le Shômyô fut amené au Japon depuis la Chine. Les chants encore perpétués aujourd'hui - demeurés inchangés depuis le IXe siècle - ont été importés par le moine Kûkai (fondateur de la secte Shingon), et les moines Ennin et Saichô. Il y a deux catégories de chants : les chants comme le Zen Shôrei (récitations de textes canoniques) et les chants Ungabai, Sange ou Iaiyô (chants contemplatifs). Le chant Saimon contient la justification de la cérémonie. Le chant Sôraikada est une salutation, tout comme le Shômyôrai. Le chant Ungabai est chanté par un vieux moine pour que Bouddha lui accorde la force nécessaire pour continuer à suivre sa voie et ses enseignements. Durant le Jimbun, le maître de cérémonie implore tous les dieux de veiller sur les enseignements de Bouddha. C’est également ce dernier qui exécute le Hyôbyaku pour que soient accomplis les vœux exprimés durant la cérémonie. Enfin, il entame le Butsumyô, promesse faite de suivre les enseignements sacrés. Le chant Jukai contient les enseignements et commandements de Bouddha. CINEMA Yasujiro Ozu (Voyage à Tokyo ou Le goût du saké), au même titre que Akira Kurosawa, Kenzi Mizoguchi ou encore Shoei Imamura, est le maître du cinéma. C’est dans la plus pure tradition japonaise que Yasujiro Ozu a su mettre en scène des histoires portant le nom de Shomin-Geki. ECRIVAIN Kenji Nakagami (Nakagami Kenji) 1946 - 1992, est un écrivain japonais. Il a écrit en 1982 Mille ans de plaisir (Sennen no Yuraku), Fayard, 1988, (ISBN 978-2213021416). Ses œuvres ont été adaptées au cinéma en 2001 : To the Backstreet (The Films Kenji Nakagami Left Out, Shinji Aoyama, 64 min).

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iaoranacorail@ifrance.com

Musique

Coralie Masle-Callu

Musique

autour du monde

LA MUSIQUE EST UN ART PRODIGIEUX, SENSUEL ET INTELLECTUEL. ELLE RAVIVE NOS SOUVENIRS, ET NOS SENS. DES ŒUVRES CROISENT LE COURS DE L’HISTOIRE, COURENT DE LÈVRES EN LÈVRES… CES POÈMES MÉLODIQUES MARQUENT LE PAYSAGE CONTEMPORAIN AVEC UNE SINGULARITÉ INTENSE, REFLET DE LA CULTURE DE CHAQUE CONTINENT.

es instruments acoustiques traditionnels à cordes nous offrent de merveilleux moments :

D

> Sitar de l’Inde Nous y découvrons des timbres instrumentaux et répétitions littérales qui installent les contes et légendes de la mémoire collective. Des figures très anciennes réapparaissent. Avec un ample registre musical, le déroulement de la partition originale est parfois étiré. Cette sérénade poétique

remis au goût du jour est très appréciée par la jeunesse profane du XXIe siècle. Ravi Shankar a participé au festival de Woodstock. > Viole de gambe du Canada Nous y découvrons des inquiétudes traduites en grilles harmoniques, césures et dissonances. Des motifs sériels et des accords s’invitent dans les mouvements de la symphonie. Cette musique stigmatise une certaine magie à travers le temps et l’espace via des instruments tricentenaires. Telle une écriture du temps, le sujet de cette musique nous fait songer à ce qu’écoutaient les gens au XVIIe siècle. Susie Napper et Margaret Little se sont produits en Amérique du Nord, au Mexique,

en Europe, en Australie, en Nouvelle Zélande et en Israël, dans des festivals prestigieux tels Early Music Vancouver. La musique au canada sur : http://www.atuvu.ca/ ou http://www.cyberpresse.ca/ > Guitar Bossa Nova du Brésil Nous y découvrons de la verve rythmique et des tempos incessants qui relatent des souvenirs et installent les paysages sur des rythmes réguliers. L’expression du geste du musicien prime sur le rythme acoustique des pièces de l’œuvre. > Le Koto du Japon est utilisé notamment dans le Kabuki et le Bunraku. Il est originaire de Chine (gŭzhēng). Il fut introduit au Japon entre le VIIe et le VIIIe siècle. Il s’agit d’une cithare (en forme de dragon tapi), mesurant environ 1,80 m de long et comptant 13 cordes ; le son ressemble à celui d’une harpe. Un musicien célèbre : Kengyo Yatsuhashi (1614-1685, mort l'année de naissance de Jean-Sébastien Bach). > La cithare à 16 cordes du Vietnam C’est un instrument traditionnel en bois qui comporte, selon sa taille, 16 ou 21 cordes. Celles-ci sont accordées en mode pentatonique (par 5 cordes). La musique vietnamienne bénéficie de toute la richesse des sonorités venant de l'Inde et de la Chine, mais a son originalité

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Joao Gilberto

Masayo Ishigure


Musique spécifique. C'est joué dans le film "Histoire de fantômes chinois". http://alaintruong.canalblog.com/archives/musique_vietnamienne___vietnamese_music/index.html. > Le Rock de Russie : ДДТ (DDT) est un groupe de rock russe formé dans les années 80 avec Iouri Chevtchouk (Юрий ШЕВЧУК) — auteur, chanteur, guitare, arrangements. Le gouvernement communiste d'Oufa menaça de l'emprisonner si l'album sortait. (http://www.ddt.ru/). > Le Gamelan d’Indonésie (Ensemble instrumental Seka jogèd "Meka Sari" (1) et Seka balaganjur de Gesing (2), Ensemble instrumental Seka angklung (3,4) et Seka gong druwé (5) de Gobleg). Il s’agit de plusieurs formes musicales concentriques des royaumes de Bali, Java

et Sunda avec des formes répétitives à cycle court et des mélodies circulaires. Une hiérarchie de sons entre les graves et les aigus existent et certains instruments auraient des pouvoirs surnaturels. Ces instruments à bosse centrale, à timbres secondaires, à tessitures stratifiées forment une géométrie musicale avec des subdivisions binaires du temps et des jeux de résonances qui s’entremêlent. Cela agit sur l’inconscient, le subjectif et invite à une expérience sensorielle vers une forme de surréalisme. > La flûte et l’orgue en Suisse Pierre André Bovey, flûtiste et compositeur Helvète, est né à Lausanne en 1942, suit ses classes à Berne en 1948 puis à Fribourg en 1969. Il fut diplômé de Zurich, de 1963 à 2007, il enseigne au conservatoire de Bienne. Il a composé une centaine d’OPUs. Amateur de poésie, il met l’accent sur les mélodies et les sonorités.

Anoushka Shankar et son sitar.

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Ces artistes mettent en lumière une image poétique des continents indien, brésilien, russe, canadien et asiatique. Cela traduit un folklore imaginaire intemporel, une tradition réinventée pour nous. L’œuvre ouvre la relation entre l’oreille et l’œil aux ambiguités du jeu instrumental lyrique de ces artistes internationaux et à celles de la vie. En écho à cette mosaïque de sons qui suspendent le temps, ces artistes dynamisent nos chimères par le timbre sentimental accordé à leurs morceaux. Notre écoute réinvente ces pays et nous fait palpiter le cœur d’enchantements... A travers différents climats géographiques et continents, la métaphore musicale des fables et contes des pays ressort plus vive que jamais. Nous entendons les mots d’un peuple sous cette musique avec des variations sur des thèmes culturels propres à chaque continent. ◆


Femme ordinaire et iconoclaste

Journal d’une jeune femme ordinaire Paris - 4 Décembre 2009 : L’élégante boutique de chaussures n’avait pas désempli depuis trois semaines. Dans cette petite rue perpendiculaire au Faubourg Saint-Honoré, les gens se promènent les sacs chargés de luxueuses bottes, prêts à affronter ce nouvel hiver glacé. Il fera froid les semaines à venir, mais Paris restera chic. Pour ma part, je me laisse porter tout en douceur par ce flux de consommation. Mes emplettes sous le bras, je marche joyeusement au cœur de l'économie moderne, heureuse de contribuer à ma manière au bon fonctionnement de la société. Ma paire de chaussures fourrées durera au moins une bonne saison. Dernières heures d’une iconoclaste Manhattan - 4 Décembre 1975 : De la fenêtre de son bel appartement newyorkais, Hannah Arendt regardait les gens avancer maladroitement sous la neige, prenant soin de ne pas glisser ou de laisser tomber leurs achats de Noël. Malgré les années, elle s’inquiétait toujours de cette humanité active mais paradoxalementdésœuvrée. Elle se demandait encore une fois ce que ces personnes pensaient laisser après leur passage sur Terre, loin de toute cette agitation quotidienne, de ce travail hebdomadaire effectué avec rigueur et dont le fruit récolté était dépensé sans attendre. Cette survalorisation du travail que l’on prônait comme valeur ultime leur laissaitelle le temps de penser à ce qui leur survivrait ? Altière comme à son habitude, elle se dirigea vers son bureau et alluma sa neuvième

cigarette de la matinée. Elle voulait se promener avant de se replonger dans l’écriture d’un livre qu’elle pensait intituler « La vie de l’esprit », mais une mauvaise chute quelques jours auparavant l’empêchait de se déplacer sans douleur. Propre à son caractère, elle avait refusé de consulter. Elle avait encore quelques heures avant l’arrivée de ses amis Salo et Jeanette Baron qu’elle avait conviés à dîner. Pensive, elle tira sur sa cigarette. La fumée soufflée semblait s’épaissir. S’épaissir. Et lui rappelait étrangement la fumée que crachait le train qui l’avait amené 35 ans auparavant en France, au camp de Gurs. Journal d’une jeune femme ordinaire Paris - 4 Décembre 2009 : L’odeur des marrons chauds embaume l’air, les décorations de fêtes de fin d’année illuminent la ville, les gens se sourient sans raison, unis étrangement par la magie de Noël. Je pense rentrer chez moi mais je me souviens, en passant devant une vitrine, qu’il me faut une nouvelle crème de jour. Celle que j’ai actuellement ne contient pas d’acide hyaluronique. Dernières heures d’une iconoclaste Manhattan - 4 Décembre 1975 : Perdue dans ses souvenirs, Hannah Arendt savait qu’il lui serait difficile d’œuvrer ce jour-là. Elle s’assit donc face à ses feuilles blanches et revit se dessiner sous ses yeux son enfance à Berlin. Elle revit le visage de sa mère qu’elle aimait tant. Celui de son père parti trop tôt. Ses amours. Son premier amour Heidegger alors qu’elle n’était qu’une jeune fille. La Guerre. La Guerre... L’insalubrité du

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Samira.Aguerguan@hotmail.com

Condition de la Femme Moderne Samira Aguerguan


Femme ordinaire et iconoclaste camp de Gurs et ses visages sombres de saleté et de tristesse. Puis l’exil aux Etats-Unis. Et toujours, sans discontinuer, ses pensées sur l’Homme Moderne. Cet homme qui, au lieu d’habiter dans un monde stable d’objets faits pour durer, se retrouvait englouti dans un processus accéléré de production et consommation. Cet Homme vivant au rythme d’une obsolescence programmée. Journal d’une jeune femme ordinaire Paris - 4 Décembre 2009 : Mon téléphone portable a cessé de fonctionner sans raison aucune, alors que je consultais le solde de mon compte bancaire. Mon opérateur me dit avec assurance que ma carte SIM est passée d’âge depuis longtemps et que c’est un miracle qu’elle ait tenue plus de 4 ans. Il me propose par la même occasion un nouveau téléphone, compatible avec ma nouvelle carte. Je saute sur l’occasion, trop heureuse de me débarrasser de mon antiquité. Dernières heures d’une iconoclaste Manhattan - 4 Décembre 1975 : Hannah jeta un coup d’œil autour d’elle, dans cette pièce où tant de réflexions étaient nées. Depuis qu’elle avait été naturalisée américaine en 1951, ses pensées

avaient été publiées, controversées, idolâtrées. Sa soif de comprendre était insatiable malgré son âge et son questionnement sur la condition humaine ne pouvait se tarir. De Berkeley à Columbia, elle avait accumulé les conférences jusqu’à devenir la première femme nommée professeur à Princeton. Et durant cette décennie, trois de ses œuvres majeures virent le jour : « Les Origines du totalitarisme », puis « Condition de l'homme moderne » en 1958 et le recueil de textes intitulé « La Crise de la culture » en 1961. Cette politologue ne faisait peut-être pas l’unanimité mais elle avait réussi à sa manière : pour pouvoir la contester, ses interlocuteurs devaient se poser, penser et réfléchir. Réfléchir sur les conséquences que créait une société pleinement absorbée par la consommation. Une société qui délaissait de manière fulgurante sa responsabilité envers le monde humain et s’éloignait de sa réflexion sur ses capacités politiques. Elle écrasa sa cigarette et commença à écrire. Journal d’une jeune femme ordinaire Paris - 4 Décembre 2009 : J’ai pris un chocolat chaud avec une amie en lui confiant mon désir d’être augmentée. A mon âge, il est temps de penser à inves-

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Femme ordinaire et iconoclaste >> tir dans l’immobilier. Je lui dis avoir parfois

mant une éthique reposant sur la responsabilité personnelle et politique. Mais elle aurait tout loisir d’en discuter longuement avec ses amis, ce soir-là, autour d’un bon repas et de la bonne humeur de Salo et Jeanette : la sonnerie de la porte venait de retentir.

peur de ne plus être assez belle. Toutes les femmes se font des injections de botox, estce trop tôt pour moi ? Et quand aurais-je des enfants ? Est-ce trop tard ? Et comment faire pour séduire un père potentiel ? Et si je deviens mère célibataire, pourrais-je subvenir seule aux besoins de ma famille alors que je parviens à peine à subvenir aux miens ?

Journal d’une jeune femme ordinaire Paris - 4 Décembre 2009 : Après cette petite déprime, je rentre chez moi. Je lève les yeux. La Place est recouverte de neige et un marchand ambulant diffuse sur son petit transistor « White Christmas » de Bing Crosby. Je respire profondément et j’avance le cœur un peu plus léger, mes achats à la main. J’admire en passant un splendide immeuble bourgeois que je n’avais jamais remarqué auparavant. Qui peut donc habiter là ? Une pièce au dernier étage s’allume. Une femme passe devant l’une des gigantesques fenêtres. Elle semble marcher avec difficulté. Elle s’arrête. Je la surprends en train de me dévisager. Cette pauvre dame a l’air si austère, si âgée. Sur le chemin du retour, je souris au bonheur de vivre la frénésie de ma jeunesse.

Dernières heures d’une iconoclaste Manhattan - 4 Décembre 1975 : Les Baron ne devaient plus tarder. Elle aimait discuter avec Salo W. Baron, un historien américain d'origine juive polono-autrichienne. Ensemble, ils parlaient de la vie, de l’avenir d’Israël, du sionisme, de son vieux rêve d’une véritable entité judéoarabe. Elle aimait le fait qu’il l’appréciait telle qu’elle était, c’est-à-dire énergique, anti-conformiste, mariée et divorcée à plusieurs reprises. Et elle savait qu’il comprenait que bien que noncroyante, elle possédait un sens bien plus profond de la religion que certains. Pour elle, si la société moderne prétendait avoir effacé du paysage politique la question de Dieu, cette dernière n'avait pourtant pas perdu sa pertinence. Encore une fois, son opinion, en particulier dans « Les origines du totalitarisme », fit face à une levée de boucliers des critiques qui lui reprochèrent d’avoir sous-estimé la perte d’influence de la religion comme cause de la montée du totalitarisme. Mais l'idée que la religion soit ramenée à un simple support, mise au service de la politique ou même d’un admirable combat, hérissait cette philosophe éduquée dans la grande tradition allemande. Tradition où le devoir de l’Homme est de préserver les générations futures d'un avenir incertain, en assu-

Dernières heures d’une iconoclaste Manhattan - 4 Décembre 1975 : Côté salon, le dîner était joyeux. Hannah pleine de vie, rieuse, débattait du devenir de la reconstruction culturelle juive en Allemagne. A la fin du dîner, elle proposa un café. En se rendant à la cuisine, elle aperçut à sa fenêtre une pauvre jeune fille en bas de la rue, les bras chargés d’achats onéreux, qui la regardait tristement. Elle prit conscience alors de sa chance. Celle d’avoir rencontré tant de gens passionnants et d’avoir eu une vie si intense. En rejoignant ses amis, elle posa le café et alluma ce qui serait sa dernière cigarette.◆

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Les carnets de voyage de Kathereen Abhervé

Dresde la Florence de l’Elbe

La pyramide Noël au Striezelmarkt. Photo Christoph Münch

IL AURA SUFFI DE QUATRE JOURS DE BOMBARDEMENTS INTENSIFS ORCHESTRÉS PAR LES ANGLAIS ET LES AMÉRICAINS, POUR QU’EN FÉVRIER 1945, LA CAPITALE DE LA SAXE SOIT PRATIQUEMENT RAYÉE DE LA CARTE. QUATRE JOURS DE FEU ET DE SANG POUR QUE LA « FLORENCE DE L’ELBE » SOIT RÉDUITE EN CENDRES ET PLEURE QUELQUE 35 000 MORTS, PEUT-ÊTRE PLUS, ET TOUT CELA POUR RIEN, CAR LES ALLIÉS S’ÉTAIENT DÉJÀ PARTAGÉS LE BUTIN. IL FALLAIT CEPENDANT MONTRER AU MONDE QUI ÉTAIENT LES PLUS FORTS, EN PARTICULIER À STALINE QUI HÉRITAIT DE LA BELLE CITÉ BAROQUE.

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découpent en ombres chinoises sur le ciel doré. A la nuit tombée, les édifices qui bordent l’Elbe s’embrasent, et leurs reflets s’étirent sur les eaux sombres de la rivière qui, paresseusement, traverse la ville. Ce panorama, immortalisé au XVIIIe siècle par Canaletto, n’a guère changé, malgré la folie meurtrière qui a anéanti la ville baroque, n’épargnant pratiquement aucun des édifices de la capitale de la Saxe. Cette destruction systématique n’a toutefois pas entamé le courage de ses habitants qui, depuis plus de soixante ans, rebâtissent avec un soin méticuleux, leur ville à l’identique de celle qu’édifia, il y a plus de trois siècles, Auguste le Fort. Dresde est inscrite sur la liste du patrimoine de l’Unesco depuis 2005.

A droite : Passage Kunsthof, Newstadt. Photo Dittrich

La perle allemande du baroque Depuis le pont Auguste (Augustusbrücke) qui conduit à l’ancienne ville bâtie par Auguste le Fort, le visiteur reste interdit devant l’étonnante perspective de façades baroques, hérissée de clochers et de coupoles. Le spectacle est particulièrement émouvant au crépuscule, lorsque les bâtiments, éclairés par le soleil couchant, se

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Le Zwinger, chef-d’œuvre absolu du baroque A l’exemple des princes et des rois de l’Europe des XVIIe et XVIIIe siècles, le princeélecteur de Saxe, Frédéric-Auguste, dit Auguste le Fort, qui naquit en 1670 et mourut en 1733, était un homme de goût, cultivé, mécène et grand collectionneur qui rêvait d’immenses trésors de diamants, de pierres précieuses, d’or, d’argent et… de porcelaine. Son intérêt pour l’architecture l’a conduit à collaborer avec des architectes de renom et à s’entourer d’artistes exceptionnels, pour bâtir une ville qui devint rapidement la « perle allemande du baroque ». Pendant ses quarante années de règne, Auguste le Fort a doté la ville de Dresde d’une architecture incomparable qui lui valut le surnom de « Florence de l’Elbe ». Aussitôt monté sur le trône de Saxe à l’âge de 24 ans, Auguste le Fort entraîna son pays dans une ère de modernisation. Il fait reconstruire, selon des plans précis, la Nouvelle Ville de Dresde sur les cendres de

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>> l’ancienne anéantie par un incendie en 1685. Il est également le commanditaire du Zwinger qui constitue l’apogée du baroque européen. Construit autour d’une cour somptueuse, ce magnifique palais constitué de plusieurs pavillons bâtis entre 1710 et 1732 par l’architecte Pöppelmann et le sculpteur Permoser qui ont travaillé en parfaite symbiose, deviendra un brillant lieu de festivités. Edifiés sur deux étages et coiffés d’élégantes toitures de cuivre, les pavillons, aux grandes verrières en arceaux, sont reliés par une galerie basse s’ouvrant sur l’extérieur, par la magnifique porte de la Couronne (Kronentor) devenue depuis, le symbole de la ville. Modèle de grâce et de raffinement, la vaste cour égayée de bassins et de parterres entrecoupés d’allées de sable rose, devint une scène de plein air destinée aux fastueux divertissements royaux. Quelques-uns de ces pavillons renferment aujourd’hui de véritables trésors, comme la fabuleuse collection de porcelaine d’Auguste le Fort considérée comme la plus importante du monde. L’une des ailes du Swinger est consacrée à la formidable collection de la Galerie de peinture des Maîtres Anciens allemands et européens

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Les carnets de voyage de Kathereen Abhervé plus de 23 mètres de diamètre culminant à 95 mètres de haut. La simplicité de ses façades contrastait avec la richesse de sa décoration intérieure. Durant la nuit d’horreur, du 13 au 14 février 45, l’église résista aux bombes mais s’effondra lorsque le grès fut calciné. Elle a été reconstruite et inaugurée pour le 800e anniversaire de Dresde. La Frauenkirsche qui symbolisait « la destruction, est devenue un endroit d’espoir et de réconciliation ».

Ci-dessus, à droite : Bâteau à roues sur l'Elbe. Ci-dessus, à gauche : Le Zwinger, côté cour. Ci-contre : Statue équestre d'Auguste le Fort. Photos Christoph Münch.

rassemblées par les Electeurs depuis le XVIIe siècle (Gemäldegalerie Alte Meister) Riche de quelque deux mille chefs-d’œuvre rassemblant des Corrège, Véronèse, Cranach, Breughel, Rembrandt ou Verneer, cette collection tout à fait exceptionnelle possède des joyaux telle que la fameuse Madone de la Sixtine de Raphaël. L’église Notre-Dame, symbole de la réconciliation Depuis la destruction de la ville en 1945, les ruines de l’église Notre-Dame (Fraunenkirche) étaient devenues pour les habitants de Dresde un mémorial de silence aux victimes de la guerre. Tous les 13 février, des bougies étaient allumées sur les ruines recouvertes d’herbe et de buissons, sur lesquelles se déroulaient des cérémonies œcuméniques. Cette église possède une étrange histoire car, dès le début, les Dresdois la choisirent comme symbole, en réaction à l’absolutisme et à la conversion au catholicisme d’Auguste le Fort. Elle devint le plus grand temple protestant de l’Europe. Cette construction monumentale (1726-1743) due à l’architecte George Baer, offrait d’impressionnantes proportions avec une coupole de

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Le balcon de l’Europe Non loin de là, le visiteur découvrira l’ancienne académie royale des Beaux-Arts (Königliche Kunstakademie) construite à la fin du XIXe siècle dans le style de la haute Renaissance et dont l’étonnante coupole de verre surmontée d’une Victoire de bronze doré fait partie du paysage de Dresde. Son imposante façade enrichie d’un magnifique portique et de statues, embrasse la terrasse Brühl bordée de luxueux édifices du XIXe siècle, à l’extrémité desquels, on aperçoit la façade massive de l’Albertinum. De cette très belle esplanade, que Goethe appelait le « Balcon de l’Europe », le promeneur peut apprécier la vue imprenable sur l’Elbe, sa rive nord avec les bâtiments imposants de la Chancellerie, du Ministère des Finances et la Ville Neuve. Cette partie de la ville, la plus ancienne malgré son nom, ravagée par un incendie en 1685, fut reconstruite sur ordre d’Auguste le Fort, par les architectes Klengel et Pöppelmann selon un plan d’urbanisme précis, les obligeant à respecter l’alignement et la hauteur des bâtiments. Une grande statue équestre en bronze doré d’Auguste le Fort édifiée après sa mort par son fils, veille sur ce quartier élégant dont témoignent les belles façades baroques de la Haupstrasse épargnées par les bombardements. Après être parvenu à l’Albertplatz agrémentée d’une fontaine aux étranges sculptures de bronze (StürmischeWogen), le promeneur s’aventurera dans le quartier le plus original de la ville, Gründerzeit construit au début des années 1870. Là, il découvrira le vrai cœur de Dresde avec ses petits cafés, ses galeries, ses cafés-théâtres, ses cours intérieures bordées de boutiques, ses jardinets plantés d’arbustes et de fleurs qui, le soir, attire une population bigarée de jeunes, d’artistes et de touristes. Le centre d’attraction du quartier reste cependant le Kunsthofpasage avec sa suc-

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Les carnets de voyage de Kathereen Abhervé >> cession de cours intérieures dont

Les marchés de l’Avent Le petit marché médiéval Après avoir franchi le Pont Auguste enjambant l’Elbe ourlée de lascives prairies, et passé sous le majestueux portail Georges d’époque Renaissance, le promeneur parvient à l’ancien château résidentiel appelé Langer Gang, dont la façade s’orne d’une frise en céramique jaune tout à fait extraordianire. Exécutée en 1906, cette œuvre, sortie miraculeusement intacte des bombardements de 45, présente le cortège princier des trente-cinq souverains de la dynastie Wettin qui, depuis 1089, se sont succédés aux commandes de la ville. Durant la période de l’Avent, un marché médiéval s’installe dans les anciennes écuries du château. Construites en bois, les petites échoppes aux poutres apparentes et aux toits de chaume, offrent une grande variété de produits artisanaux. Ici, dans ce marché d’un autre temps, le promeneur trouvera des objets et des jouets en bois, de la verrerrie soufflée à la bouche, de la céramique, des bijoux, des objets de cire, des cloches, des vêtements et des chapeaux en laine et en cuir cousus à la main. Les marchandsartisans costumés à la mode du XVe siècle, s’affairent derrière leurs étals : les uns cousant, les autres sulptant la pierre, le bois, frappant l’enclume ou évidant des roseaux pour fabriquer des flûtes. D’autres encore, dissimulés derrière un rideau de buée parfumée, préparent les fameuses crêpes au marron si délicieusement réconfortantes. Leur odeur sucrée se mèle à celle, délicatement épicée, du vin chaud servi dans des petites timbales de terre cuite. A la nuit tombée, ce petit marché d’un autre temps, éclairé par quelques lampes à huile tremblotantes, se peuple de musiciens, de chanteurs, jongleurs et de comédiens costumés dont les ombres insolites renforcent la magie du lieu.

Neumarkt. A droite, en haut : Le Zwinger, Wallpavillon. A droite, en bas : Le Semper Opera en hiver. Photos Christoph Münch.

Le Striezelmarkt Un autre marché, plus vaste, plus populaire, plus bruyant aussi, brillant comme en plein jour du feu de ses milliers de guirlandes, s’installe, quant à lui, sur la Place du Vieux Marché. Cette kermesse de Noël, la plus ancienne d’Allemagne, existe depuis 1434. A cette époque, les habitants de Dresde n’y trouvaient que de la viande pour les fêtes de Noël qui clôturaient la période de l’Avent. Au fil des années, d’autres produits firent leur apparition dont une pâtisserie appelée Striezel, l’ancêtre du fameux Christollen. Ce

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k.abherve@geneveopera.ch

l’aménagement et la décoration rivalisent d’originalité. La véritable et authentique Dresde est ici, dans ce quartier vivant et populaire.

Kathereen Abhervé


objets de bois de l’Ergebirge, tissus aux belles impressions bleues de Lusace, céramique de Silésie, verrerie de Bohème et porcelaine de Meissen, sans oublier le fameux « bonhomme aux pruneaux », une des nombreuses spécialités de Dresde.

gâteau de l’Avent, à base de farine, d’avoine et d’eau, devait être fabriqué sans beurre. Plus tard, le pape ayant levé l’interdiction, cette pâtisserie devint une spécialité culinaire de Noël et fut à l’origine du nom de la kermesse Striezelmarkt. Aujourd’hui, chaque pâtissier propose sa propre version de ce noble gâteau et chaque famille possède sa recette secrète que l’on se transmet de génération en génération. Aujourd’hui, le Striezelmarkt propose des spécialités provenant de toutes les régions de l’Allemagne : pains d’épices de Pulsnitz,

La tradition musicale Ville de tradition, Dresde l’est aussi, dans le domaine musical. La création de la première manécanterie, le Kreuzchor, remonterait au début du XIIIe siècle, et n’a semble-t-il, jamais cessé de chanter depuis ces temps reculés. Ce chœur de garçons, l’un des plus célèbres du monde, se produit tous les samedis à l’église Sainte-Croix. Les princes-électeurs, puis les rois de Saxe étaient des amateurs de musique éclairés qui s’entourèrent des meilleurs musiciens de leur temps. Au milieu du XVIe siècle, le prince-électeur, Maurice de Saxe (15211553), fonda la Staatskapelle de Dresde. Cet orchestre symphonique, sans doute le plus ancien du monde, se produit sans interruption, depuis plus de 450 ans. Le Dresdener Philharmonic a, quant à lui, été fondé en 1870. Sa saison de concerts annuelle est programmée au Kulturpalast, alors que les activités de la Staatskapelle sont étroitement liées à l’opéra dont le premier édifice fut construit en 1667, suivi d’un second en 1719, puis d’un troisième, en 1755, sur l’actuelle Theaterplatz. Celui-ci sera remplacé par un nouveau théâtre bâti par l’architecte Semper selon les plans de Pöppelmann. Détruit par un incendie en 1869, il est rebâti en 1878 par le fils de Semper dans le style de la Renaissance italienne. Considéré comme un sommet de l’architecture du XIXe siècle, cet opéra, l’un des plus beaux du monde, a malheureusement été anéanti par les bombardements de 45, puis reconstruit, aussi fidèlement que possible et inauguré en 1985, à l’occasion du quarantième anniversaire de la destruction de Dresde. Il faut admirer, à la nuit tombée, le Semperoper brillant de mille feux, semblant voguer entre ciel et terre, comme un vaisseau de lumière. ◆

Renseignements Office de Tourisme de Dresde http:/ /www.dresden-tourist.de - Tél : +49 351-49 192 100 Opéra Semper de Dresde http// : www.semperoper.de - Tél : +49 351 4911 201

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Sport & Tourisme

LE TOUR DU MONDE DES MARATHONS POUR LES PASSIONNÉS DE MARATHONS ET D’HISTOIRE ANTIQUE, LE MARATHON D’ATHÈNES EST INCONTOURNABLE. ORGANISÉ DÉBUT NOVEMBRE DE CHAQUE ANNÉE, IL PART DU SITE HISTORIQUE DE MARATHON, AU BORD DE LA MER EGÉE, POUR REJOINDRE 42 KILOMÈTRES PLUS LOIN LE CENTRE ANTIQUE D’ATHÈNES.

Athènes Retour aux sources

en 490 avant J.C. FRANCEMAGAZINE N°27 54 HIVER 2009


Sport & Tourisme on tracé, où l’histoire le dispute au mythe, suit, presque fidèlement, le trajet parcouru il y a plus de 2 500 ans par le soldat grec Philippidès chargé d’annoncer à Athènes la victoire des Grecs à Marathon sur leurs ennemis perses. Philippidès en est mort ; mais le premier marathon de l’histoire était né. Il a fallu ensuite attendre les premiers jeux olympiques de 1896 (à Athènes !) pour que soit organisé un nouveau marathon, cette fois exclusivement sportif.

S

Le Marathon : 2500 ans d’âge ! Le premier marathon remonte à la nuit des temps. Plus précisément en 490 avant J.-C. Nous sommes au village de Marathon, qui se situe au bord de la mer Egée sur la côte est de l’Attique à 40 km d’Athènes, en pleine guerre médique. Celle-ci oppose les Perses de Darius 1er, dans le rôle de l’oppresseur,

et les Grecs dont plusieurs cités s’étaient soulevées contre le joug perse. Les Perses avaient pris la résolution de mâter la révolte grecque à sa racine, en l’occurrence à Athènes. C’est pour cette raison que les Perses débarquèrent en nombre dans le golfe de Marathon avec l’intention d’attaquer Athènes par la voie terrestre. Et là, surprise ! L’armée grecque s’était en effet déplacée d’Athènes jusqu’à Marathon pour y combattre les Perses. Commandés par Miltiade, et malgré leur infériorité numérique flagrante, les hoplites grecs taillèrent en pièces une bonne partie de l’armée perse, laquelle (ou ce qu’il en restait) s’empressa de regagner ses vaisseaux et… le large. Soucieux d’informer la population

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Sport & Tourisme >> d’Athènes, que l’on imagine inquiète (on le serait à moins), Miltiade dépêcha sur le champ (au propre comme au figuré) son plus rapide coursier qui devait rejoindre, à 40 km de là, Athènes afin d’annoncer aux Athéniens (et Athéniennes pour faire moderne) la victoire des Grecs sur les Perses. Le bon soldat s’exécuta jusqu’à en perdre haleine. A tel point d’ailleurs qu’il rendit l’âme juste après avoir pu annoncer la victoire (“Nike” en grec ; ça vous rappelle quelque chose ?). Sur les marches de l’Acropole Philippidès, c’est le nom du valeureux héros retenu par l’histoire, signa ainsi, sans le savoir, le premier marathon de l’histoire.

à parcourir au pas de course (aucun marathonien ne le contredira…). Mais puisque Philippidès l’avait fait avec ses armes (mais sans bagages) cela devait pouvoir être envisageable à l’aube du XXe siècle à l’heure des “baskets”. 42 km 195 : pour un caprice de reine La discipline du marathon, sur 40 km, fut reprise lors des jeux olympiques de Paris (1900) puis de Saint-Louis (1904) aux USA. Par contre, lors des jeux olympiques de Londres (en 1908), la distance du marathon fut portée à 42 km et 195 m. Ce prolonge-

1896 : premier marathon olympique Il a fallu attendre 1896, soit 2386 ans, pour qu’enfin, ait lieu le deuxième marathon de l’histoire. On doit cette renaissance

au baron de Coubertin qui réinventa les jeux olympiques et à l’helléniste Michel Bréal qui l’enjoignit d’y intégrer une course de 40 km, baptisée… marathon, en souvenir de l’exploit “sportif” de Philippidès. Juste retour de l’histoire : c’est un Grec, nommé Spiridon, qui remporta les lauriers de ce premier marathon olympique accompli en moins de trois heures (soit 2 heures et 58 minutes pour être précis). Ce premier marathon olympique s’est achevé dans le stade panathénaïque d’Athènes qui avait été reconstruit pour l’occasion et qui subsiste toujours de nos jours. C’est d’ailleurs dans ce stade que se termine l’actuel marathon d’Athènes. Signalons, pour la petite histoire, que le baron de Coubertin avait manifesté quelques réticences à intégrer dans “ses” jeux olympiques un marathon, jugeant inhumaine la distance historique de 40 km

ment de la distance a d’ailleurs été fatal à son “vainqueur”. En effet le marathonien italien Pietri, alors en tête, s’est effondré juste avant la ligne d’arrivée (décidément les mythes ont l’histoire tenace !). Tout ça par la faute de la reine d’Angleterre de l’époque qui fit un petit caprice royal, lequel a dû être exaucé. En effet, sa Majesté la reine avait désiré que le départ du marathon soit donné dans la cour même du Château de Windsor, afin que sa royale descendance puisse voir le départ sans avoir à se déplacer. Or, même

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Sport & Tourisme par le chemin le plus court, la distance entre le château de Windsor et le stade olympique de White City était supérieure à 40 km. Très exactement 42 km et 195 m. Depuis, c’est cette dernière distance qui est, pour on ne sait quelle raison, devenue la distance officielle du marathon. Les 22 marathons olympiques qui ont suivi n’ont d’ailleurs jamais dérogé à cette règle. Pas plus que les centaines de marathons organisés chaque année sur tous les points du globe. Départ à… Marathon ! Fidèle à la tradition, le marathon moderne d’Athènes part de… Marathon. A proximité d’ailleurs de l’imposant tumulus (de 9 m de haut) dont on dit qu’il recouvre les corps

Le célèbrissime Parthénon.

des soldats morts lors de la bataille éponyme de 490 avant J.-C. C’est d’ailleurs une attraction touristique (d’un intérêt visuel très discutable). Le départ donné, les coureurs s’élancent sur une route assez plate, sur une bonne moitié du parcours, qui longe la côte toute proche de la mer Egée puis traverse la campagne où, entre des cultures variées, les oliviers succèdent aux chênes sur fond de paysage légèrement montagneux. C’est d’ailleurs dans ce cadre que, subitement, le parcours bifurque, sans raison apparente, sur une route de traverse obligeant les marathoniens à faire un allerretour sur 2 km. L’explication ? C’est à cet endroit que les organisateurs du parcours ont tout simplement songé à rajouter aux 40 km qui séparent Marathon d’Athènes les 2 km manquants pour respecter la distance officielle du marathon. Après ce parcours bucolique et une longue côte de près de 12 km, les marathoniens atteignent les premiers faubourgs d’Athènes

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qui est, ce n’est un secret pour personne, une ville particulièrement tentaculaire. Le sommet de la côte dépassé (enfin !), le marathon plonge en pente douce sur 12 km, jusqu’au cœur de la cité antique d’Athènes. Le Stade olympique d’Athènes L’arrivée du marathon se situe au Stade olympique, théâtre des premiers jeux olympiques de 1896, lequel est noir d’un monde qui ne ménage pas ses applaudissements, du premier au dernier marathonien. C’est l’exubérance toute méditerranéenne ! Le Stade olympique est magnifique. Il est constitué d’un ensemble de gradins de marbre blanc qui s’allonge entre deux collines boisées. Son site n’est pas dû au hasard. C’est en effet à cet endroit précis qu’avait été construit au 4e siècle avant J.-C. un premier stade antique construit sous Lycurgue.

Depuis 1896, ce stade n’a d’ailleurs pris aucune “ride”. Et la ferveur populaire à l’arrivée des marathoniens est la même, certainement, qu’à l’époque de la Grèce antique (dont les jeux, à Olympie, ne connaissaient toutefois pas, faut-il le préciser, la discipline du marathon !). L’arrivée dans le Stade olympique est d’autant plus chargée d’émotion que l’on a en outre une vue “plongeante” sur le phare d’Athènes, l’Acropole. L’Acropole Il réunit sur son esplanade et ses flancs tout ce qui se faisait de mieux en termes d’architecture antique, notamment, et surtout, à l’âge d’or d’Athènes soit au temps de Périclès (5e siècle avant J.-C.). Il suffit de monter les marches qui mènent à l’Acropole pour, en quelques minutes, changer fondamentalement de monde. Tous les

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Sport & Tourisme >> grands chefs d’œuvres de l’architecture de

la Grèce antique sont réunis en ces lieux. C’est d’abord l’impressionnant Parthénon, temple dorique périptère, qui repose sur un stylobate de marbre et comprend un péristyle de 46 colonnes cannelées hautes de plus de 10 mètres. L’œil est immanquablement, entre autre, attiré par la frise ionique, la frise des “Panathénées”, qui fai-

sait à l’origine 160 mètres de longueur, soit le tour de tout l’édifice. C’est ensuite le temple de l’Erechthéion, tout en finesse, qui comprend sur le plan architectural une combinaison d’ordre dorique et ionique. Son baldaquin aux six caryatides est d’une élégance peu commune. C’est également le gracieux temple d’Athéna Niké, d’ordre ionique, duquel se jeta Egée lorsqu’il cru, à tort, que son fils

Thésée était mort dans son combat en Crète contre le Minotaure. C’est encore le Théâtre de Dionysos, en contrebas du Parthénon, qui ne semble pas avoir vieilli depuis sa construction par Lycurgue au IVe siècle avant J.-C. (auquel on

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Sport & Tourisme doit déjà la construction du premier stade antique à l’emplacement de “l’actuel” Stade olympique). C’est enfin l’Odéon d’Hérode Atticus, romain de son état (celui-là même qui avait reconstruit en 144 après J.-C. le stade antique initialement construit par Lycurgue) dont la façade d’origine est très bien conservée. Le nouveau musée de l’Acropole Par ailleurs, il est impensable d’aller à Athènes sans y visiter le nouveau musée moderne de l’Acropole, qui a ouvert ses portes cette année, et dont on doit la conception à l’architecte suisse Bernard Tschumi. Ce musée se situe en contrebas de l’Acropole. Un sol vitré permet de voir, au soussol, les vestiges d’un quartier antique d’Athènes. D’un volume impressionnant sur plusieurs niveaux, ce musée permet de mettre en valeur différentes collections de sculptures

témoins de l’art grec des époques archaïque et classique. C’est à son dernier étage que l’on peut admirer une petite partie des frises originales des Panathénées qui ornaient le Parthénon, la plus grande partie encore conservée se trouvant au British Museum suite à un “accident” de l’histoire. La magnifique baie vitrée, qui donne sur l’Acropole, est d’ailleurs suffisamment vaste pour pouvoir accueillir l’intégralité des frises originales exposées depuis bientôt deux siècles au British Museum. Deux siècles d’usurpation britannique d’un côté et un musée moderne de l’autre devraient incontestablement faire pencher aujourd’hui la balance en faveur du rapatriement des frises des Panathénées de Londres à Athènes. Ce serait un juste retour de l’histoire. Mais ce marathon-là risque d’être encore long… trop long ! ◆ PATRICK BLASER PATRICK.BLASER@BOREL-BARBEY.CH

Déjà parus Le fameux temple d’Erechthéion.

• Pékin : de la cité interdite à la cité olympique, (France Magazine n° 26/2009) • Les trois Suisses, Zermatt, Davos et Jungfrau, (France Magazine n° 25/2009) • Marrakech, entre orangers et palmiers, le charme mauresque, (France Magazine n° 24/2009) • Berlin, la Mecque européenne de l'architecture d'avant-garde (France Magazine n° 23/2008) • Boston, les charmes d'un marathon déjà centenaire (France Magazine n° 22/2008) • Chicago, le marathon de tous les contrastes (France Magazine n° 21/2008) • New York, un marathon mythique à ne pas manquer (France Magazine n° 20/2008)

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Grand Prix de Berne

GRANDE MANIFESTATION AUTOMOBILE RÉTRO DANS LA BER

Traces de gomme en

Helvétie !

e matin du 25 août 2009, la population de la banlieue ouest de la capitale suisse s’est réveillée au son d’engins mécaniques inhabituels pour ses oreilles. Effectivement, de multiples passionnés d’automobiles et de motos anciennes, doublés d’organisations structurées, avaient mis sur pied la reconstitution d’une épreuve majeure des compétitions motorisées d’antan. Il faut observer que les courses actuelles de voitures ont tellement évolué que les épreuves diverses qui attirent l’attention de passionnés de par le monde ont radicalement changé au fil des décennies. Dans la première moitié du vingtième siècle et jusqu’à la mise sur pied du Championnat du monde automobile en 1950 (actuellement la Formule 1), les participants, les engins et les circuits étaient caractérisés par des aspects autrement plus spartiates que de nos jours. A l’instar d’autres capitales mondiales, la grande ville suisse organisait annuellement de 1934 à 1954, son Grand Prix automobile et moto, comptabilisé dans l’optique des couronnes mondiales. Tous les grands fabricants de voitures sportives étaient présents, de Bugatti à Mercedes, en passant par Jaguar ou Ferrari. Le lecteur aîné se souviendra de Louis Chiron, Maurice Trintignant, JuanManuel Fangio (qui appréciait particulièrement ce tracé) de Tazio Nuvolari et probablement de beaucoup d’autres. Quand l’accueil des compétitions ne se déroulait pas sur des circuits de type Montlhéry, Monza ou Nurburgring, celui-ci se déroulait sur des tracés urbains (Monaco, Pau et autres) mais la plupart des courses avaient lieu aux abords des grandes villes, dont les tracés s’apparentent aujourd’hui à des

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1 sous-départementales… La conduite des bolides n’en était que plus difficile et les risques encourus, tant par les pilotes et leurs mécaniciens que par le public relevaient d’une sécurité quasi hallucinante de nos jours : de simples bottes de paille ou des cordeaux faisaient office de séparation ou de protection entre bolides et environnement ! C’est d’ailleurs en ce contexte et suite à la tragédie des 24 Heures du Mans en juin 1955 que les autorités suisses de

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1. Derniers préparatifs pour l'Alfetta. 2. Les moustaches sont (presque) d'époque !


Grand Prix de Berne l’époque interdirent définitivement le déroulement de courses mécaniques sur le territoire suisse. A noter que malgré les efforts intelligents et modernes mis en place par les organisateurs (FIA et autres) progressivement depuis cette funeste époque, la Confédération suisse n’est jamais revenue sur l’interdiction d’alors. C’est donc en ce contexte, comme déjà en 2001, que les passionnés ont décidé de faire revivre l’ambiance, les bruits, les odeurs et la passion de l’époque, par la mise sur pied d’une manifestation commémorative et non de vitesse. Celle-ci regroupa près de 400 participants (autos et motos) encadrés maintenant par… de sérieuses limitations

RNE FÉDÉRALE

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3 3. La célèbre Mercedes de 1939 dans son garage. 4. Une Bugatti en pleine action !

4 de vitesse, en l’occurrence adaptées à leurs montures. La protection des très nombreux amateurs ayant reniflé le grand spectacle qui se préparait pour la fin du mois d’août 2009 fut ainsi assurée. Dans les stands et à bord d’une automobile mythique Le plateau assurant le spectacle fut à la hauteur du moindre désir des passionnés accourus par milliers. En effet, répartis par

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catégories, les vieux bolides effectuaient deux tours complets de l’ancien circuit du Bremgarten, essentiellement en campagne bernoise. Il faut bien s’imaginer que les moteurs de l’époque souffraient davantage que les propulseurs modernes mais que, surtout, les équipements de freinage étaient d’une efficacité supposant de vraies anticipation-adaptation de celui qui était au volant… C’est ainsi qu’au détour de la vingtaine de kilomètres parcourus par ces monstres racés ressortis de leurs cocons, participants et spectateurs ont pu goûter à la prestation d’un spectacle de qualité que même le grand soleil présent a contribué à magnifier. En ce contexte, l’auteur de ces lignes eut la chance d’embarquer comme passager dans un modèle britannique dont sept exemplaires seuls sont encore présents au monde, à savoir une Jaguar XK 120 de 1950, dont la carrosserie décapotée était en aluminium. Son pilote, revêtu de la combinaison et du casque d’époque démontra sur ce tracé chaotique qu’une voiture d’époque fonctionnait d’abord comme un assemblage d’éléments mécaniques mais que ceuxci ne bénéficiaient pas de l’osmose technique des véhicules modernes. Sa conduite ne s’apparentait pas à la conduite de monsieur Tout-le-monde d’aujourd’hui : accélérations à doser selon les vitamines du moteur, évaluation minutieuse du revêtement souvent grossier, freinages intelligemment calculés, conscience de la manufacture ancienne des pneumatiques et de surcroît tenue de cap, essentiellement en courbe. Effectivement, ce type de bolide ne demandait à n’en faire… qu’à sa tête, par des écarts dignes d’un crabe vendéen ! Mais les qualités de responsabilité des participants firent qu’aucun accident ne vint flétrir l’enthousiasme et le déroulement de cet événement. Plateau voitures et motos Outre la présence des constructeurs déjà

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Grand Prix de Berne

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5. Ambiance d'époque ! 6. Mise en grille des bolides d'avant-guerre. 7. Départ du dernier GP de Berne remporté par Fangio le 22 août 1954.

>> cités, il est cocasse de relever la présence de marques qui, au fil du temps, firent long feu. On citera en ce contexte la présence d’une Lagonda 2 l. de 1934, d’une Nash 6 cylindres 4 600 cm3 de 1929, d’une Bristol de 1953 ou d’une Motosacoche de 1931, équipée d’un seul cylindre. Vêtements de cuir noir, odeur d’huile brûlée mais surtout bruits rauques et pétaradants contribuaient à ce spectacle de rêve. Le clou de la manifestation fut le moment où deux pilotes de Formule 1 des années 1970 - Hans Stuck et Jochen Mass - prirent le volant de deux fantastiques bolides, toujours chouchoutés par leurs usines, à savoir une monoplace AutoUnion Typ C de 1936, équipée d’un moteur 16 cylindres en V, développant 520 cv, laquelle, avec un poids de 750 kg, emmenait

son conducteur de l’époque à plus de 320 km/h, et dont la décélération n’était assurée que par quatre gros tambours de freins ! Il en fut de même de la présentation tout au long du parcours reconstitué, d’une Mercedes W 154 de 1939, laquelle était motorisée par un V 12 de 485 cv qui la propulsait également vers des sommets inimaginables. Ce magnifique mémorial, au demeurant sans autre incident que quelques ennuis mécaniques bien compréhensibles, fut clôturé par un magnifique ballet aéronautique d’une vingtaine d’aéronefs sillonnant le ciel helvétique. La présence d’un ancien Lockheed Super Constellation de 1953 fut le point d’orgue de cette manifestation motorisée. ◆ PHOTOS : CHRISTOPHE STAMM

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ch.ed.kemm@sunrise.ch

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Charles-Édouard Kemm CHRONIQUEUR AUTOMOBILE



Musée ON NE PEUT PAS LE RATER. À PEINE SORT-ON DE L’AUTOROUTE PAR LA SORTIE MUTTENZ-NORD QU’ON L’APERÇOIT CE CYLINDRE POINTANT VERS LE CIEL. PUIS ON SE RAPPROCHE ET LA DÉCORATION EXTÉRIEURE NE LAISSE AUCUN DOUTE : IL Y A DES AUTOMOBILES. IL, C’EST LE MUSÉE AUTOMOBILE DE MUTTENZ, PRÈS DE BÂLE : LE PANTHEON BASEL.

Issu de la volonté d’un amoureux des belles mécaniques, Monsieur Stephan Musfeld, le Pantheon se veut un musée pour voitures anciennes, un atelier de restauration, un restaurant, une boutique et une plateforme attractive pour organiser des manifestations. Comment est venue l’idée de créer ce musée ? « Je m’intéresse aux voitures depuis mes 19 ans, raconte Stephan Musfeld. À cette époque, je m’étais offert une Austin Seven avec mon gage d’apprenti. Quelques années plus tard, je l’ai prêtée pour le tournage du film “Le loup des steppes” basé sur le roman de Hermann Hesse ; elle fut abîmée sur le tournage, et avec l’argent du dédommagement, j’ai pu la restaurer entièrement. Ma femme et moi avons investi beaucoup d’heures et de là vient notre passion. Puis j’ai revendu la voiture, en ai acheté une autre, restaurée, revendue. C’est devenu un hobby. Il y a quelques années, j’ai voulu créer un musée à Bâle, mais le manque d’espace adéquat a fait que je me suis tourné vers Muttenz. Je connaissais ce bâtiment construit en 1965 avec son architecture originale et son toit suspendu d’origine ; nous avons agencé l’intérieur de façon pratique. Et depuis le 16 août 2008, le musée a ouvert ses portes. » Et c’est vrai que ce bâtiment est très original. Ce qui surprend en premier lieu, c’est la luminosité et la disposition du musée. En forme de cylindre entièrement vitré, il n’autorise que peu de recoins sombres et sa construction en colimaçon, en soi déjà une prouesse architecturale, fait qu’il n’y a pas d’étage à monter mais une rampe en pente

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Le musée automo


obile de Muttenz

Musée douce qui nous emmène de découverte en découverte et de trésor en trésor. Tout le long de cette rampe, il y a aussi une multitude d’écrans qui passent en boucle des épisodes de l’histoire de l’automobile ; toujours de façon très discrète, non intrusive ; on s’arrête si on veut… mais on s’arrête souvent. Autre attraction, énormément de pièces mécaniques découpées comme des “écorchés” qui permettent de comprendre le fonctionnement d’un moteur, d’une boîte de vitesses, d’une direction ou d’un différentiel. Tout ceci en libre service et à la force du poignet ; une excellente plateforme d’initiation à la mécanique pour tous ceux qui aiment faire partager leur passion. « J’ai pu acquérir ces pièces de Claude Frésard qui étaient jusqu’alors au musée de Muriaux. » précise Stephan Musfeld. Vous l’aurez compris, l’ascension de cette rampe prend du temps et l’on se prend à regretter qu’il n’y ait que deux étages, et oui, il y a une fin, mais on se console en redescendant et en découvrant les trésors qui sont exposés de l’autre côté, car les véhicules sont exposés des deux côtés de la rampe. « J’ai voulu créer plus qu’un musée ; je voulais quelque chose de dynamique. Aussi, l’intérieur de la rampe est constitué de pièces de collection et le côté extérieur est loué à des particuliers pour y parquer leurs trésors. Tout le monde en profite ; les particuliers car ils ont un endroit gardé pour leurs véhicules et les visiteurs qui peuvent ainsi admirer de nombreux modèles. Et puis, qu’y a-til de plus beau que de voir une voiture rouler ! Certains week-ends, il y a beaucoup d’animation sur la rampe ! ». Alors, quels sont-ils ces véhicules et quel est le concept du Pantheon ? « Au départ, je voulais avoir une centaine de véhicules exposés, entre ceux du musée et ceux

Plusieurs années les séparent… mais elles sont toujours aussi séduisantes.

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Musée l’ouverture, une de mes connaissances spécialiste des Alfa Romeo m’a dit que si je concrétisais mon projet de musée, il pourrait m’amener plusieurs véhicules prêtés par le Club Alfa Romeo d’Italie. L’idée m’a plu, et les quatre premiers mois nous avons donc eu des Alfa, y compris celle avec laquelle Fangio est devenu champion du monde en 1959. En ce moment, ce sont des Bugatti (y compris la Veyron) qui sont exposées, et à partir d’avril ce seront des MG. Tous les quatre mois, nous aurons une exposition spéciale et différente » raconte Stephan Musfeld. Et le succès ne se dément pas. Déjà plus de 4 000 visiteurs depuis l’ouverture. Un musée aux multiples facettes donc, où les petites expositions se retrouvent à l’intérieur de la grande exposition. En ce moment ce sont les permis de conduire suisses ainsi que les plaques de contrôle suisses. Quant aux voitures, vous l’aurez compris, il y en a de toutes sortes, signalons une Alvis Silver Crest Speed, une Allard K1 (avec laquelle M. Musfeld a participé aux Mille Miglia l’an dernier) et

une K2. Et des Renault (dont une construite à… Berlin), Fiat, Rolls, Bentley, Packard, Mercedes, Alfa et aussi des voitures américaines. C’est presqu’à regret que l’on quitte ce lieu ô combien attachant et dont les quelques photos ne sont que le pâle reflet de la réalité. Le Pantheon Basel se trouve à Muttenz, périphérie de Bâle, Hofackerstrasse 72 et est ouvert tous les jours. www.pantheonbasel.ch. ◆

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dassandri@bluewin.ch

>> des particuliers. Mais déjà, avant

Didier Assandri


Récompenses De gauche à droite : Jean-Pierre Capelli, Serge Cyril Vinet, Sylvie BoutardConoscenti et Pierre Oliviéro. Souffrant, Marceau Kaub, n'avait pu se déplacer.

Récompenses de la France au Féminin e samedi 4 juillet dernier à Zürich, la Communauté Française était présente pour fêter les Dix ans des Cours FLAM - Français Langue Maternelle - et entourer sa présidente, Sylvie Boutard-Conoscenti. A cette occasion, les Palmes académiques lui furent remises par le Consul Général de France à Zürich, Monsieur Jean-Luc Fauré-Tournaire. Les 3 Conseillers élus à l'Assemblée des Français de l'Etranger, présents lors de cette manifestation et à l'origine de cette distinction, se prêtèrent bien volontiers au rite de la photo souvenir en compagnie de l'heureuse récipiendaire vers laquelle vont toutes nos sincères félicitations. 'est le 24 octobre passé, à la Résidence de France à Genève, que Madame Marie-Thérèse Clausen, secrétaire Générale d'Expatria Cum Patria (association nationale des Français Etablis Hors de France), a reçu les insignes de chevalier de l'Ordre National du Mérite. En présence de Monsieur Frédéric Basagu-

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De g. à d. : Serge-Cyril Vinet, Marie-Thérèse Clausen, Monsieur Frédéric Basaguren, Pierre Oliviéro et Jean-Pierre Capelli.

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ren, Consul Général de France à Genève et des Conseillers élus à l'Assemblée des Français de l'Etranger, Messieurs JeanPierre Capelli et Pierre Oliviéro. Madame Marie-Thérèse Clausen écouta avec beaucoup d'attention le récit de son parcours exemplaire que lui rappelait le Conseiller à l'AFE, Serge Cyril Vinet, justifiant ainsi la remise au nom de Monsieur le Président de la République, la distinction méritée et appréciée avec bonheur. ◆


Le billet de Dany

Dany Vinet

Nostalgie...

quand tu nous tiens !

QUI SE SOUVIENT ENCORE DE CES MERVEILLEUSES ROMANCES ÉGRENÉES À LA TSF ET FREDONNÉES AU COURS DE LA JOURNÉE PAR NOS PARENTS ?

a Romance de Paris1 - Paris je t'aime2 - Les Grands Boulevards3 - Les Amants de Paris4 - Sur les Quais du vieux Paris5 - Mademoiselle de Paris6 - Un Gamin de Paris7 - Fleur de Paris8... C'était le temps des beaux textes... C'était au temps où les interprètes vantaient avec talent les joyaux de “Notre” ville lumière. Lorsqu'il m'arrive de flâner sur les quais de la Seine, au gré du temps, invariablement, ces airs reviennent en ma mémoire avec une joie indicible. De Pâques à fin septembre, s'il est un lieu où je vous invite à goûter les plaisirs démodés, c'est bien l'Ile Saint-Louis, l'île secrète... Paris est une ville d'artistes. Devant vous, des musiciens, des jongleurs, des peintres, des conteurs expriment leurs sentiments, leurs douleurs et joies de vivre. Rien n'arrête les talents ! Pas d'hésitation pour sortir son bastringue et c'est sur un air de ragtime que vous commencerez votre promenade en l'île Saint-Louis. Merveilleuse île Saint-Louis, vivant en retrait de toute agitation. La vie est si différente de l'île de la Cité, tout y est plus calme. Comme si l'île de la Cité n'était qu'un leurre, déviant la foule et les promeneurs d'un lieu hautement historique et prestigieux. Vous voilà donc sur le pont Saint-Louis, existant seulement depuis 1627. Le malheur semblait s'acharner sur ce pont qui n'eut de cesse d'être détruit puis reconstruit. Il fut même emporté par une crue en

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1795 et connut de multiples changements jusqu'en 1861, où il prit le nom de SaintLouis. Vous arriverez donc de l'autre côté, sur la deuxième île parisienne. Si vous regardez les vieilles cartes de Paris, vous découvrirez de nombreuses petites îles. Aujourd'hui, il n'y en a plus que trois : L'île de la Cité, Saint-Louis et des Cygnes près du quartier de Beaugrenelle. Notez que derrière l'île Saint-Louis se trouvait l'île Louvrier, qui servait au XVe siècle de dépôt de bois et qui fut rattachée à la rive droite en 1841. L'île de la Cité ne mesurait que huit hectares du temps de Lutèce, mais en rattachant toutes les îles alentours, elle en fait maintenant dix-sept. L'île des Cygnes, en face du Champs de Mars, fut rattachée à la Rive Gauche sous l'empire. Une autre île des Cygnes a été construite de façon artificielle en 1825, c'est celle qui porte fièrement la réplique de la statue de la Liberté. L'île Saint-Louis porte ce nom depuis 1725. Elle s'appelait auparavant Notre-Dame et fut coupée par un canal en 1360 à l'emplacement de la rue Poulletier. L'autre partie s'appelait l'île aux vaches, terrain servant de pâture à l'époque à quelques vaches. Ce n'est qu'au XVIIe siècle que l'île se couvre de nombreux hôtels. Quoi de plus royal que le nom de Bourbon ? Le quai où vous êtes, porte précisément le nom de quai de Bourbon, tiré directement de la famille royale. Quel silence… Peu de gens et peu de voitures. Les entrées de chaque hôtel sont

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Le billet de Dany bien fermées par de lourdes portes. De nombreuses plaques commémoratives honorent les habitants prestigieux de l'île : ici a vécu Marthe, princesse Bibesco, écrivain français née à Bucarest. Il y a tellement de plaques que certaines sont devenues illisibles avec l'usure du temps. Il serait difficile de toutes les citer. Un petit avant-goût nous est offert au numéro 21 de la rue Saint-Louis en l'île. D'anciennes écuries qui se trouvaient au fond de la cour. Le raffinement, le luxe et le calme se dégagent de cet hôtel construit en 1637. Nicolas Gaillard en était le propriétaire à l'époque et son fils n'était rien de moins que le Conseiller du Roi. Pour les amoureux de la politique, au numéro 25, habitait Léon Blum pendant les années du front populaire. Cet hôtel appartenait en 1662 au secrétaire du roi Antoine Moreau. Devant l'hôtel de Jassaud, au numéro 39, s'affiche en grand la plaque s'honorant de la présence de Camille Claudel, le sculpteur. Mais l'île Saint-Louis ne veut bien montrer que ses façades. C'est ainsi que l'on vit ici. Si vous venez sur l'île, il reste beaucoup à faire avant de découvrir davantage. Le secret des lieux réside dans son prestige et son silence. Pour percer son mystère, il faut admirer l'intérieur des cours. Comme partout sur l'île, tout se passe dans la cour. Prenez le temps de savourer l'île aux merveilles. Quel spectacle éblouissant ! Assise en fin de journée de juin, à la terrase du “Flore en l'île”, je déguste, tantôt la délicieuse souris d'agneau confite et son gratin dauphinois, ou, si l'appétit plus mesuré me le susurre, la très rafraîchissante salade aux lardons et croûtons. Le tout arrosé d'un verre de Savigny les Beaune. Je savoure en douceur les inégalables glaces Berthillon. Que du Bonheur ! Le soleil faiblissant, la foule bigarée longe la Seine qui s'étire au pied de la majestueuse cathédrale Notre-Dame de Paris. L'ombre d'Esméralda et de Quasimodo rôde... Pensez donc, quel panorama ! Paris, je t'aime d'amour… ◆

Charles Trénet - 2 Maurice Chevalier - 3 Yves Montand - 4 Edith Piaf Lucienne Delyle - 6 Jacqueline François - 7 Mick Micheyl - 8 Jacques Hélian 1

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Entretien UNE INTERVIEW DE SERGE MOISSON

40 ans de bonheur à la SSR2

Meyer, de la comédie Française, était le directeur. Chaque année, une partie des comédiens étaient au mois de mai, et pendant une semaine, les invités du Festival d’ Egleton avec quatre pièces et trois récitals poétiques. En professionnel, c’est la Belgique et le Théâtre Royal du Gymnase de Liège qui m’offrira ma première saison et ce fut un remarquable apprentissage. J’y ai débuté dans le rôle de Cléante de “L’Avare”. Il y avait une pièce du répertoire chaque semaine à l’affiche. Le soir on jouait. Le matin et l’aprèsmidi on répétait l’ouvrage de la semaine suivante.

> France Magazine : C’est dans la bonne ville de Lyon que vous naissez, juste à l’orée du “Jour le plus long” entre Saône et Rhône et que vous passez une partie de votre jeunesse. Quels souvenirs gardez-vous de cette époque ? Serge Moisson : Mon enfance et mon adolescence furent une période heureuse, sans histoire, entre un père et une mère soucieux de la bonne éducation de leur fils. Le collège et quelques années de pensionnat chez les Jésuites. C’est là que j’ai appris à aimer et comprendre les beaux textes de la littérature française et étrangère. C’est là également que je suis monté pour la première fois sur scène lors de la distribution des prix dans une version adaptée par le proviseur de “La Belle au Bois dormant”, j’étais le conteur, j’avais 14 ans.

> F. M. : Après avoir été pensionnaire du Théâtre Royal du Gymnase du Liège au cours de la saison 1967-68, vous avez joué par la suite, à l’Opéra de Lausanne puis au Théâtre du Vieux Quartier de Montreux. Quelles furent vos angoisses, vos joies, d’être tous les soirs sur les planches face au public ? S. M. : Pour moi, ce ne fut pas et ce n’est toujours pas une angoisse de monter sur

> F. M. : Très tôt, les planches, le spectacle, la comédie, vous attirent. Où et comment avez-vous débuté ? S. M. : En semi-professionnel, ce sera à Paris au Centre de la rue Blanche, dont Jean

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Entretien scène, mais une joie immense d’affronter chaque soir un public différent. Au théâtre, bien que soutenu par le texte, si vous vous trompez, ce n’est pas très grave. Les partenaires peuvent vous rattraper et le spectateur ne se rend compte de rien. En revanche, vous n’avez guère le droit à l’erreur en musique, dans l’opéra et l’opérette car la mesure est impitoyable et à la moindre erreur, vous décalez les autres partenaires et déstabilisez l’orchestre et le chef qui ne peuvent pas s’arrêter et doivent redresser tant bien que mal la situation. Sur scène, le rire et les applaudissements sont les plus grandes récompenses pour un artiste. > F. M. : Et la télévision dans tout cela, vous a-t-elle fait une place ? S. M. : J’ai fait pendant 15 ans de la télévision par intérim, sans lâcher la radio. J’y ai tourné des feuilletons, notamment “Les Dames de cœur” avec Madeleine Robinson, Odette Laure et Gisèle Casadessus, joué des dra2 matiques, notamment “chat en poche” de Feydeau avec Gérard Lartigau et Perrette Pradier, j’y ai animé des jeux, présenté l’actualité régionale et couvert pendant 10 ans de 1977 à 1988, le concours Eurovision de la chanson. Pour TVRL, une chaîne locale, j’ai réalisé pendant trois ans des portraits de personnalités vaudoises. > F. M. : Quels souvenirs gardez-vous de l’Eurovision 1988 ? S. M. : Céline Dion remporta le Grand prix pour la Suisse et c’était encore l’époque de ”la grande Eurovision“. Maintenant, ce concours n’a plus tellement lieu d’être car avec internet et les autres techniques actuelles, il n’y a plus tellement de surprise. Ma dernière prestation “live” s’est passée au Théâtre Beausobre de Morges où Céline Dion à remporté la sélection nationale et c’est à Dublin que j’ai fait mon dernier commentaire lorsqu’elle remporta le Grand Prix pour la Suisse. A l’époque, elle était encore abordable et adorable et nous avons passé quatre jours de répétition dans la joie et la bonne humeur. C’était une grande fille toute simple. Je ne l’ai pas revue depuis, mais « chère Céline Dion, sachez que je vous aime toujours».

> F. M. : Revenons à la Radio Suisse Romande, quel y fut votre parcours ? S. M. : J’ai toujours été passionné par la Radio et, au cours des vacances, alors que je séjournais dans la maison de mes grands-parents, j’ai envoyé une cassette à la Radio Suisse Romande. Lorsque mon contrat de comédien en Belgique au Théâtre Royal du Gymnase à pris fin, j’ai pris contact avec la Radio, j’ai été convoqué et retenu après une audition. J’ai signé mon contrat fin mai 1968 pour deux mois et j’y ai passé plus de 40 ans. Ce furent 40 ans de bonheur, car dès le départ, les différents chefs de Chaîne

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1. Centre Dramatique rue Blanche (Le Menteur), Corneille, 1966. 2. L’Avare chanté, Théâtre Royal Gymnase, Liège, 67-68. 3. Avec Evelyne Buyle, Festival d’Egleton, 1967. 4. Avec Teresa Stich Randall, RSR, mars 1969.

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de RSR1 et RSR2 (devenues au fil du temps La Première et Espace 2) m’ont fait confiance. Après mes classes de journaliste, je suis devenu producteur et ai animé et réalisé des émissions, selon les époques, sur : le théâtre (Boulevard du Théâtre) ; le cinéma (Plans séquences) ; la cuisine (A boire et à manger) ; l’opéra (A l’Opéra ce soir) ; l’opérette (Place de l’Opérette) ; la comédie musicale (Radio Ciné) ; les grands entretiens (Instantanés) ; les chefs-d’œuvre de l’art pictural (Histoires et couleurs) et la chanson (Dimanche Variété). Ces 40 années sont jalonnées également de rencontres marquantes, notamment Herbert Von Karajan, Elisabeth Schwarzkopf, Gabriel Bacquier, Roberto Alagna, Jean-Paul Belmondo, Peter Ustinov, François Perrier, Yves Montand, Michèle Morgan, Jean Marais, Fernandel, Georges Brassens, Rudolf Noureiev et tous les artistes que j’aime avec lesquels >> j’ai partagé d’inoubliables moments.


Entretien >> > F. M. : En avançant avec toute l’expérience qui vous caractérise et les multiples facettes de ce métier on s’aperçoit que le théâtre et la musique sont deux univers qui vous passionnent. Avez-vous été tenté par la réalisation et la production ? S. M. : Avec un ancien complice de la SSR (Bernard Villat), j’ai réalisé et coproduit quatre films pour les télévisions. Ils sont disponibles en vidéo et prochainement en DVD : • Naissance d’un opéra : autour de La Traviata monté par Jean-Marie Simon au Grand Théâtre de Genève, avec Katia Ricciarelli et Leo Nucci, l’Orchestre de la 2 Suisse Romande, dirigé par Giuseppe Patané. • Profession chanteur : autour du montage, toujours au Grand théâtre de Genève, du Barbier de Séville, mise en scène d’Alain Marcel, avec 4 Ruggero Raimondi, Gabriel Bacquier, Leo Nucci et l’Orchestre de la Suisse Romance, dirigé par Nello Santi. En DVD : Gabriel Bacquier chante Mozart (récital d’adieux enregistré à Genève en 1986) accompagné par le Collegium Academicum de Genève, dirigé par Robert Dunant suivi d’un portrait réalisé en 2004 à l’occasion de ses 80 ans. Vient de sortir : Une vie pour l’opéra : un portrait consacré à Renée Auphan, directrice de l’Opéra de Lausanne, puis de Genève et de Marseille, aujourd’hui conseillère artistique et metteur 6 en scène. Un DVD réalisé grâce à l’appui efficace de Guy Demole. Ce portrait fut présenté avec succès en avant-première dans le village corse de Ortale (voir photo) où Renée Auphan se rend chaque été depuis son adolescence. Du côté de l’écriture : En quelques notes une biographie parue aux Editions Slatkine

et consacrée à l’étonnante carrière du baryton Gabriel Bacquier. Pour l’heure, quelques projets, mais rien encore de décidé. Je reste ouvert à toute proposition. 1

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> F. M. : Lorsque vous jetez un regard par-dessus votre épaule, avez-vous quelques regrets ou déceptions ? S. M. : Les regrets sont stériles et je n’ai pas l’habitude de regarder en arrière. Ce que j’ai fait, je l’ai fait et c’est tout. J’ai pri-

5 vilégié la carrière radiophonique et télévisuelle en Suisse et ce fut un excellent choix. > F. M. : Et maintenant, l’avenir ? S. M. : Rien de bien changé. Je continue de collaborer pour le plaisir à diverses radios et télévisions locales, notamment VOXINOX, la radio des Jeunes Seniors sur Internet et prochainement en tant que chroniqueur invité je vais présenter sur Espace 2 : “Mes archives d’une vie”, et quitte à me répéter, je me tiens prêt à répondre à toute proposition. Pour en savoir plus : serge-moisson.com ◆ SERGE-CYRIL VINET 1. Avec Eddy Barclay, MIDEM, TSR, janvier 1970. 2. Avec Renée Auphan, à Ortale. 3. Présentation à la TSR, en 1970. 4. Avec Régine au MIDEM de Cannes, 1971. 5. Avec Elisabeth Schwarzkopf, Genève, 1972. 5. Avec Céline Dion, vainqueur de l’Eurovision, en 1988.

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www.rezonance.ch/ccharles

Exposition

Corinne Charles DOCTEUR EN HISTOIRE DE L’ART

Jacques-Louis David, La douleur d'Andromaque sur le corps d'Hector, 1783, h.s/t., 146 x 181 cm, Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, © id.

Arts scène peinture de la

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UNE EXPOSITION QUI SE DEROULERA DANS TROIS PAYS – FRANCE, ITALIE ET CANADA – NOUS OFFRE UN PROPOS ORIGINAL : DECOUVRIR LE DIALOGUE ENTRE THEATRE ET PEINTURE.

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avid, Klimt, Toulouse-Lautrec, Degas… De la scène au tableau est une manifestation à la croisée de plusieurs domaines : du théâtre et de la mise en scène, on arrive tout naturellement à la littérature et à la musique. Plus de 250 œuvres ont été réunies par trois institutions - Musée Cantini à Marseille, Museo di Arte Moderna e Contemporanea di Trento e Rovereto à Rovereto et Musée des Beaux-Arts à Toronto. Elles sont toutes reproduites dans un volumineux catalogue, aussi imposant que l'exposition elle-même. La pé-


Exposition riode étudiée est vaste, elle s'étend du XVIIIe au début du XXe siècle. Le nombre de peintres exposés l'est également. Le fil conducteur choisi par les commissaires nous permet de retrouver des noms célèbres sous un angle nouveau ou de découvrir des peintres du XIXe siècle moins connus. Un important secteur de l'exposition et du catalogue est dévolu aux tableaux figurant des scènes tirées des œuvres de Shakespeare, idée qui n'apparaît qu'au début du XVIIIe siècle. Le propos commence donc avec le néoclassicisme pour se poursuivre avec le mouvement romantique au XIXe (Delacroix, Chassériau, peinture d'histoire, les décors de scène à l’Opéra de Paris de 1810 à 1873). La seconde moitié du XIXe siècle voit la peinture s'orienter entre réalisme et impressionnisme (Daumier et le grotesque, Degas et le théâtre). La dernière partie pré-

Francesco Hayez, Caterina Cornaro recevant l'annonce de sa destitution de reine de Chypre, 1842, h.s/t., 121 x 151 cm, Accademia Carrara, Bergame, © id.

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sente l'influence de Wagner en peinture, l'âge du symbolisme, les Nabis et enfin l'abstraction du lieu scénique avec Adolphe Appia. De ce grand parcours, nous avons retenu six tableaux pour illuster ce schéma thématique et chronologique. Jacques-Louis David (1748-1825) est le grand peintre de la période néoclassique. La toile La douleur d'Andromaque sur le corps d'Hector, permit à David d'être reçu à l'Académie en 1783. L'artiste peint avec précision la scène tirée de l'Iliade. Andromaque reçoit le corps d'Hector, tué par Achille pendant la guerre de Troie. Pour cet instant dramatique, David choisit une mise en scène théâtrale : arrière-plan noyé dans l'obscurité par un décor de tentures, premier plan éclairé d'une lumière violente qui met en relief le corps livide d'Hector et la souffrance d'An-

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Exposition

>> dromaque, que le geste de tendresse de l'enfant ne peut guère tempérer. Francesco Hayez (1791-1882) fut un protagoniste majeur du romantisme au millieu du XIXe siècle à Milan. Son tableau Caterina Cornaro recevant l'annonce de sa destitution de reine de Chypre, est un des exemples les plus manifestes des liens étroits qui unissent le théâtre et la peinture à cette époque. Il met en scène un passage tiré de l'histoire de la reine de Chypre, destituée et en exil dans le château d'Asolo. Cette histoire était fort connue du grand public au XIXe siècle et eut plusieurs adaptations au théâtre. La toile de Hayez pourrait être une prise de vue lors d'une de ces représentations : les deux personnages au centre immobilisés dans un geste théâtral comme des acteurs, la tenue de la reine, somptueuse comme un costume de scène et la mise en valeur de sa beauté par l'éclairage. Edgar Degas (1834-1917) s'est attaché à exprimer la vie moderne par le théâtre, la danse, les chevaux. Il est connu par ses innombrables représentations de danseuses, en peinture et en sculpture. On sait combien il aimait assister non seulement aux représentations, mais aussi aux répétitions, ou se tenir en observateur infatigable dans les coulisses. L'Orchestre de l'Opéra, réalisé vers 1868-1869, fit partie des premières expositions impressionnistes à Paris. La conception et le cadrage en étaient novateurs : les musiciens, captés avec réalisme

À gauche : Edgar Degas, L'Orchestre de l'Opéra, vers 186869, h.s/t., 56 x 46, Musée d'Orsay, Paris, © RMN. À droite : Gustave Moreau, Salomé dansant (Salomé tatouée), vers 1876, h.s/t., 92 x 60 cm, Musée G. Moreau, Paris, © RMN.

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dans le feu de l'action, constituent une masse sombre en premier plan. La lumière vient des feux de la rampe, qui découpent les jambes et les tutus aériens des ballerines à l'arrière-plan. Attentif au geste juste et à l'effet théâtral, le peintre a ici saisi les mouvements des acteurs à la manière d'un photographe. Dans Salomé dansant, Gustave Moreau (1826-1898) choisit certes une expression théâtrale par la position languide son héroïne, par une mise en lumière qui sculpte ses formes parfaites, laissant dans l'ombre le roi Hérode et les autres protagonistes de l'histoire. Mais il lui attribue une expression rêveuse, toute de poésie, parant sa nudité et sa draperie de tatouages fort complexes qui la rendent encore plus irréelle. En 1888, l'actrice Ellen Terry donne ses premières représentations du drame de


Exposition Shakespeare Lady Macbeth. Le peintre américain Sargent (1856-1925), fasciné par sa beauté, lui demande de poser dans son somptueux costume orné d'ailes de scarabées dorés. Il immortalise alors le moment où Lady Macbeth se couronne. Félix Vallotton (1865-1925) choisit un cadrage d'une grande nouveauté dans La troisième galerie au théâtre du Châtelet, œuvre réalisée en 1895. La plus grande partie du tableau est occupée par des sièges vides. Fidèle à sa vision caustique de l'humanité, le peintre utilise le petit groupe de spectateurs pour nous communiquer son sentiment d'une bourgeoisie comblant le vide de l'existence par des loisirs dérisoires. Par rapport aux recherches de son temps, cette

L’exposition David, Klimt, Toulouse-Lautrec, Degas… De la scène au tableau Jusqu'au 3 janvier 2010 à Marseille, Musée Cantini 19 rue Grignan - F - 13006 Marseille (www.rmn.fr) Heures d’ouverture : Mar - Dim : 10 h - 17 h. Ouvert le lundi uniquement pour les groupes et les scolaires. Fermé les jours fériés. 6 février - 23 mai 2010, à Rovereto, Museo di Arte Moderna e Contemporanea di Trento e Rovereto 19 juin - 30 août 2010, à Toronto, Musée des Beaux-Arts de l'Ontario

La publication De la scène au tableau - David, Füssli, Klimt, Moreau, Lautrec, Degas, Vuillard… Collectif d’auteurs, Éditions Skira, 384 pages, plus de 250 illustrations en couleur, 39 €.

toile annonce certains cadrages cinématographiques et les mises en page décentrées du pop'art. Les amateurs d'art, toutes disciplines confondues, ne manqueront pas ce rendezvous important. Pour une fois, ils auront le choix, vu la diversité des lieux d'exposition et sa durée (la dernière manifestation se clôturera en août 2010). ◆

< John Singer Sargent, Ellen Terry en Lady Macbeth, 1889, h.s/t., 221 x 114, Tate Gallery, Londres, © Tate Gallery. Félix Vallotton, La troisième galerie au théâtre du Châtelet, 1895, h.s/bois, 50 x 61 cm, Musée d'Orsay, Paris, © RMN.

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Tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau

“Portraits et postures rousseauistes”*

* “Portraits et postures rousseauistes” de Rémi Hildebrand FRANCEMAGAZINE N°27 78 HIVER 2009

Tome 1


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Tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau

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BULLETIN DE COMMANDE DE L'OUVRAGE DE RÉMY HILDEBRAND Nom : ……………………………………………… Adresse……………………………………………………………………………… Prix de l'ouvrage aux lecteurs de France Magazine des Français établis hors de France : 15.- Euros (Prix en librairie : 20.- Euros)

Veuillez me faire parvenir …… exemplaire(s). Signature :

Date : ………… / ………… / …………

Rémy Hildebrand Prière de retourner cette commande Aux Editions Transversales 9, rue Henry-Spiess -CH 1208 Genève - Courrier: rhildebrand@cejjr.ch

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Grand Prix Littéraire Jean d’Ormesson 2009

Roger Cunéo...

Une enfance au tapis > France Magazine : Roger Cunéo, vous êtes né à Milan en Italie, en 1938, juste avant la guerre. Quels souvenirs vous restent-ils de votre prime jeunesse ? Roger Cuneo : Je garde très peu de souvenirs de ma prime jeunesse, je pense avoir tout enterré sous une chape de plomb pour éviter de souffrir. Je revois tout de même un grand pré, dans lequel je joue avec un chien, une cuisine dans laquelle notre “bonne” m’apprenait à tourner la “polenta”, et puis plus rien. > F. M. : “Maman, Je t'attendais”. C'est un ouvrage autobiographique, n'estce-pas ? Pourquoi ce livre maintenant ? Pourquoi aujourd'hui seulement ? R. C. : Oui, c’est bien un ouvrage autobiographique. Il s’avère que ma mère m’avait remis des années auparavant son récit de vie, écrit en italien sur une mauvaise machine à écrire et qu’ayant de la peine à le lire à l’époque, je l’ai rangé quelque part, sans ne plus y penser. L’année dernière, vingt ans après la mort de ma mère, en fouillant mes papiers, j’ai retrouvé son récit et, cette fois, je l’ai lu de bout en bout. J’ai été sidéré de son contenu : le livre se terminait par « …Je ne regrette rien, si ma vie était à refaire, je la recommencerais de la même manière, sans rien y changer… » J’ai tenu à lui répondre, ne serait-ce que pour remettre les choses à l’endroit, pour

faire entendre ma voix sur le sujet, voix réfrénée depuis toujours. J’ai utilisé les moments clés de son récit où je pouvais raconter les conséquences pour moi de son addiction au jeu : les orphelinats, les privations, les coups, les sempiternelles prières, mais aussi la pédophilie ambiante… Je regrette de ne pas lui en avoir parlé de son vivant, je n’y parvenais pas, je ne pou-

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Grand Prix Littéraire Jean d’Ormesson 2009 vais pas me fâcher avec elle. Ce livre a été pour moi l’occasion de comprendre que mon enfance difficile avait été la conséquence directe de la maladie de ma mère. À travers mon écrit, je suis parvenu à une meilleure compréhension de mon rapport avec elle et à lui pardonner. J’ai compris qu’une addiction au jeu était une maladie et que ma mère était malade ; comment lui en vouloir ?

sœur m’a reconnu dans la rue à mes 16 ans et a compris que j’étais son frère par la ressemblance que j’avais avec notre père. > F. M. : Selon vous, les affres de l'enfance sont-elles à l'origine de son besoin d'écrire très jeune ? R. C. : Je ne saurai parler à sa place, je sais qu’elle a toujours eu besoin d’écrire. > F. M. : Est-ce par pudeur, vis-à-vis d'elle et de sa carrière, que vous avez mis si longtemps à enclencher cette thérapie par l'écriture ?

> F. M. : Avez-vous des enfants ? Les avez-vous envoyés en pension ? R. C. : J’ai un garçon et une fille et plusieurs petits-enfants. Il ne m’est jamais venu à l’idée de les mettre en pension, mais les circonstances n’ont pas été les mêmes que ce qu’a dû vivre mère, à la sortie de la dernière guerre. Par-dessus le marché, j’ai la chance de ne pas connaître d’addiction, ce qui fait que pour moi, la question ne s’est jamais posée. D’autre part, il y a une grande différence entre un pensionnat aujourd’hui et un orphelinat tenu par des religieuses il y a soixante ans. Mais je crois qu’en toute circonstance, j’aurais tenté de les garder en famille.

R. C. : Je ne me suis jamais situé en concurrence avec ma sœur, elle écrit, moi je joue, je chante et j’écris chansons, poèmes et histoires pour notre plus grand plaisir réciproque. En écrivant “Maman, je t’attendais”, j’ai évité de parler d’elle, d’une part parce que nous ne nous rencontrions pas, d’autre part parce qu’elle avait écrit cette même époque à travers sa vision des choses. Nos deux récits se complètent, sans s’opposer. ◆ SERGE-CYRIL VINET

> F. M. : Votre maman, passionnée par les casinos, a complètement occulté le déchirement subi par ses enfants. Vous-même, jouez-vous au casino ? R. C. : J’ai beaucoup de chance au jeu : je ne joue pas. > F. M. : Votre sœur, Anne Cunéo, romancière de talent, a-t-elle ressenti le même sentiment d'abandon ? R. C. : Il faudrait le lui demander. Elle a écrit là-dessus deux livres “Le temps des loups blancs” et “Les portes du jour”, réunis en un seul livre poche Campiche sous le titre “Portrait de l’Auteur en femme ordinaire”. > F. M. : Votre enfance, les émotions refoulées... les avez-vous partagées avec elle ? R. C. : Nous ne nous sommes pas rencontrés pendant 10 ans, depuis mes 6 ans. Ma

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Littérature

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Pouvoir ne se partage pas es deux ans passés à l'Hôtel Matignon en tant que Premier ministre de François Mitterrand à partir de 1993, Edouard Balladur nous avait déjà livré le récit dans un livre paru en 1995 chez Plon(1). Le détail de son action et la vie gouvernementale, à cette époque, s'y trouvaient décrites dans ce style pudique et retenu qui caractérise si bien l'ancien ministre de l'Économie et des Finances de la première cohabitation. Dans l'ouvrage qu'il publie aujourd’hui chez Fayard Édouard Balladur même si l'auteur revient sur ce que fut ne cède pas à la volontiers son action à la tête du fascination de gouvernement et sur les forces qui la souteFrançois Mitterrand idées naient alors - c'est de sa et s'agace de sa relation au cœur du pouvoir avec François Mittendance à terrand qu'Edouard philosopher, voire à Balladur entend nous le récit. Récit chrodisserter sur faire nologique et dense, lui-même sans fin. nourri des notes que l'ancien Premier ministre nous apprend avoir dictées à l'issue de ces quelques centaines d'entretiens qu'il eut à cette époque avec l'ancien Président socialiste. Dans ce livre, on mesure d'emblée que si les deux hommes se connaissaient mal, leur univers, leur formation et leurs références étaient assez semblables. Tous deux passionnés d'Histoire, nourris de références chrétiennes et attachés à la France par cette relation terrienne et pro-

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CONVERSATIONS AVEC FRANÇOIS MITTERRAND PAR EDOUARD BALLADUR

vinciale que François Mitterrand avait développée très profondément dans les terres de Charente, tandis qu'Édouard Balladur, enfant d'expatriés, magnifiait son pays d'origine dans sa ville natale de Smyrne - l'actuelle Izmir en Turquie - leurs mise en relation en temps de cohabitation devait, au moins potentiellement, laisser imaginer un rapprochement personnel que les luttes idéologiques n'avaient pas favorisées. En effet, leurs parcours professionnels et politiques trop éloignés l'un de l'autre ne leur avaient guère permis de se côtoyer : Edouard Balladur, haut fonctionnaire devenu collaborateur de Georges Pompidou, pouvait difficilement, dans le contexte des années soixante, croiser la route de l'ancien ministre de la IVe République reconverti en leader antigaulliste puis de la gauche sous la Ve. Les relations de bloc à bloc entretenues à l'époque entre la droite et la gauche étant bien peu propices aux échanges informels et se réduisant aux affrontements idéologiques et autres joutes verbales à l'Assemblée ou par médias interposés. Exemple parmi d'autres de cette atmosphère peu consensuelle : Georges Pompidou ne mettait-il pas en garde ses collaborateurs contre François Mitterrand en leur disant de ne jamais croire ce que disait le leader socialiste, tandis que le futur Président de la France des années 1981-1995 confiait à ses proches qu'il n'avait jamais eu d'entretien particulier avec le Premier ministre du Général de Gaulle. Dans cet esprit, Edouard Balladur n'avait donc connu François Mitter-

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rand qu'avec la première cohabitation qui dura de 1986 à 1988 lorsque Jacques Chirac devint Premier ministre. Durant les cinq ans qui s'écoulèrent entre la réélection du Président sortant en 1988 et les Législatives de 1993 qui allait en faire le Premier ministre de la deuxième cohabitation, Édouard Balladur nous apprend qu'il n'avait jamais revu François Mitterrand. On mesure, au fil des chapitres, combien la relation qui s'établit entre eux fut finalement cordiale et politiquement efficace. Le Président, malade, ne pouvant plus prétendre à un nouveau mandat et désireux de terminer sa présidence dignement, ne chercherait pas à gêner un Premier ministre qui, de son côté, voudrait exercer sa tâche pleinement mais sans malveillance ni volonté conflictuelle et partisane trop marquées car contraires à son caractère autant qu'à son moi profond. On constate aussi que si Édouard Balladur ne peut se déprendre d'une certaine admiration pour François Mitterrand qu'il décrit volontiers comme sûr de lui et dominateur, certain de sa supériorité sur tout le personnel politique et de son ascendant sur ses homologues et principalement sur les dirigeants européens, ce qui lui assure reconnaît l'auteur un certain leadership bien utile lors des crises et pendant les sommets européens pour déboucler toutes sortes de problèmes, il ne cède pas à la fascination du personnage et s'agace de sa tendance à philosopher, à vouloir systématiquement établir des connivences hors de propos, voire à disserter sur lui-même sans fin. Le


Littérature quences aujourd'hui encore se font sentir y compris dans les relations existantes entre certains de leurs successeurs réels ou putatifs. La lecture de cet ouvrage apporte une lumière éclairante sur ces deux années qui paraîtront peut-être lointaines au lecteur de 2009 tant le monde a changé ces quinze dernières années, mais elles permettent de retrouver à leur genèse un nombre important de débats actuels que ce soit la monnaie unique, les comptes publics et notamment les discussions sur les déficits et autres critères de convergence aujourd'hui tant malmenés, le rapport à la Russie après la fin de l'URSS et la problématique des pays de l'Est et de l'Europe, ainsi que les drames et l'impuissance parfois criante du pouvoir face aux tragédies de la guerre en Bosnie ou du génocide au Rwanda. Et au-delà de ces thèmes divers qui se succèdent au long de ces deux années de cohabitation, on voit au quotidien l'approche parfois divergente et les difficultés d'exercer le pouvoir au mieux des intérêts du pays ressenties par ce duo voulu par le vote des Français. Édouard Balladur apparaît tel qu'en lui-même, de bonne volonté et de bon sens, doté d'une vision pour la France et à propos des affaires du monde mais peu enclin à jouer ces jeux subtils - lui qui les méprise tant - inhérents à la vie politique. François Mitterrand - qui voit en lui son successeur - et qui semble parfois le souhaiter tel, s'inquiète de cette inexpérience et du manque de structure et d'organisation dont dispose ce Premier ministre qui ne compte guère que sur sa force de conviction, le pouvoir de l'évidence et la logique du bon sens pour, finalement, s'en remettre trop à son soutien le plus massif, mais aussi le plus versatile comme il le constatera amèrement, l'opinion publique. Comme l'écrira joliment Édouard Balladur : « en 1995, les Français voudront tourner la page et j'étais dans la page ». François Mitterrand aussi, mais pour celui-ci, la fin de quatorze ans de présidence et d'une vie politique de

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quelque cinquante années marquait plus un succès qu'un échec, étant donné la stature qu'il avait acquise et la place dans l'Histoire qu'il pouvait raisonnablement penser avoir conquise ; ce qu'Édouard Balladur ne lui conteste pas, même s'il estime qu'il aurait pu et dû utiliser mieux ce pouvoir qu'il avait tant désiré et pour lequel il avait tant sacrifié. A la fin de ce voyage dans ses notes de conversations avec François Mitterrand et au terme de cette campagne présidentielle de 1995, à laquelle il se devait, nous dit-il de participer, Édouard Balladur affirme Pourtant, si n'avoir pas de regrets excessifs de n'avoir pas été François Mitterrand élu. Il a rejoint le club ne séduit guère assez fermé en somme de ceux qui, comme Barre Édouard Balladur, en 1988 et Jospin en 2002, c'est sa relation ont eu longtemps la faveur des sondages mais avec Jacques Chirac n'ont finalement pas qui souffre le plus gagné dans la dernière ligne droite. Il a cepen- de cette période dant pu exercer deux ans durant un pouvoir tel qu'aucun Premier ministre n'a pu l'avoir avant lui sous la Ve République. Aujourd'hui, Édouard Balladur continue d'écrire et de défendre ses idées. Il devrait pouvoir faire entendre sa voix et ses vues sur la France et le monde globalisé d'aujourd'hui alors que Nicolas Sarkozy est dorénavant à l'Élysée, lui qui l'avait rejoint dès 1988 pour devenir son ministre du Budget en 1993 et son porte-parole, ainsi que son plus zélé supporter en 1995. Mais peutêtre cela est-il une vue de l'esprit et plus compliqué qu'on ne croit, car comme son livre l'indique, sans doute Édouard Balladur est-il bien conscient que le Pouvoir ne se partage pas. ◆

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(1) Deux ans à Matignon

Dominique Ortiz

dominique.ortiz@bpc-bank.com

narcissisme du Président, son égocentrisme, voire son égotisme, pour parler comme Stendhal, ne provoquent que gêne et ennui sur Édouard Balladur. Lequel se pique que son interlocuteur le juge si vaniteux ou si naïf qu'il l'imagine en dupe de cette connivence trop voyante qu'il veut établir avec lui. Pourtant, si François Mitterrand ne séduit guère Édouard Balladur, c'est sa relation avec Jacques Chirac qui souffre le plus de cette période et les pages consacrées au futur successeur de François Mitterrand ne sont pas tendres pour l'ancien maire de Paris. Soucieux d'établir la vérité sur ses relations avec le Président défunt, comme il le dit en préambule, et de faire taire des légendes ou approximations sur cette période, Édouard Balladur se montre aussi très explicite sur la vraie nature des liens qui ont uni ceux que la presse avait désignés dans un raccourci aussi limpide que faux "des amis de trente ans". Force est de constater en effet qu'entre ces deux hommes de la même génération et de la même mouvance politique, les chemins se sont peu croisés. Au service de Georges Pompidou - que les deux hommes ont admiré sans limite et qui fut à l'un et à l'autre le véritable mentor politique et intellectuel - ils ont peu travaillé ensemble. Leurs attributions et leurs caractères étant trop éloignés. A la mort de Georges Pompidou, le ministre Chirac et le Secrétaire Général de l'Élysée Balladur suivirent des routes différentes : Jacques Chirac participant activement à la campagne et favorisant contre le parti gaulliste l'élection de Valéry Giscard d'Estaing, tandis qu'Édouard Balladur restait éloigné et se dirigeait vers le privé. Ce n'est qu'en 1980 que Balladur, sollicité par Chirac, revint en politique pour devenir son principal conseiller puis ministre jusqu'à ce que la défaire de 1988 les sépare à nouveau et qu'en 1993, l'accession à Matignon d'Édouard Balladur en faisant de facto un rival pour Jacques Chirac, leurs chemins divergent dans une lutte fratricide dont les consé-


a.barriere@romandie.com

Echo du Terroir de Champagne

Alain Barrière

Le, la, les champagne

Un rappel historique… Il y aura trois cents ans en 2014 que Dom Pérignon Père spirituel du Champagne, moine bénédictin de l’Abbaye d’Hautvillers découvrit l'art de faire mousser le vin de Champagne. Ce village est réputé pour les 140 enseignes en fer forgé qui habillent ses maisons.

Un doigt de géographie… 4 grandes Régions Viticoles de Champagne

Surface par cépage**

319 Villages

15 099 Exploitants*

32 178 hectares de Vigne

1. Montagne et Val de Reims

101

3.725

7.960

24 %

36 %

40 %

2. Vallée de la Marne

98

5.201

11.232

16 %

62 %

22 %

3. Côte des Blancs et environs

57

3.938

6.169

82 %

9%

9%

4. Côte des Bar

63

2.235

6.817

7%

5%

87 %

8 953

10 869

12 253

Ensemble de la Champagne, Domaines des Maisons compris. (Source CIVC)

28 % 34% 38% Chardonnay Meunier Pinots-Noirs

* Avec le concours d'environ 6.000 salariés chez les Vignerons et de 600 salariés dans les Domaines - Maisons. ** L'anomalie apparente provient de 91 ha dont l'encépagement est encore occupé par d'anciens cépages.

Le champagne est élaboré à partir des 3 principaux cépages ci-dessus mais il y a aussi des cépages dont la production est minime et dont on oublie souvent de parler sont : l’Arbanne, le Petit Meslier, Le Fromenteau, le Pinot Blanc et le Pinot Gris. En 2008, le rendement moyen a été de 14 200 kg/hectare avec une récolte de 450 millions de bouteilles. Il dort dans les caves sous les collines et les plaines de Champagne 1 215 millions de bouteilles (réserve individuelle incluse). L’exportation représente 44% de la production soit un peu plus de 142 millions de bouteilles et la Suisse se classe au 7e rang avec 5.5 millions de bouteilles. Les étapes de l’élevage du Vin de Champagne . . . Les vendanges, le pressurage, la fermentation, l’assemblage, la stabilisation, le tirage et prise de mousse, le vieillissement du champagne ou maturation sur lies, le remuage, le dégorgement, le dosage et l’expédition ou le vieillissement. Le dosage consiste en l’addition de la “liqueur d’expédition”, concentration préparée à partir de sucre de canne (600/700 g/l) et de vins de réserve, qui permettra d’obtenir des vins correspondant aux différentes qualités définies par la législation : doux : plus de 50 gr, demi-sec : entre 32 et 50 gr, sec : entre 17 et 32 gr, extra dry : entre

12 et 17 gr, brut : moins de 12 gr, extra brut : entre 0 et 6 gr. Pour une teneur de moins de 3 grammes et si le vin n’a fait l’objet d’aucune adjonction de sucre, on peut également utiliser les mentions “brut nature”, “pas dosé” ou “dosage zéro”. Les bouteilles de champagnes sont ensuite bouchées et muselées à la champenoise (avec un bouchon de liège et un muselet métallique). Puis, elles sont stockées quelques semaines en cave. Tourisme et Gastronomie en Champagne . . . L'association "Paysages du Champagne Unesco" vient de déposer son dossier qui sera défendu oralement le 17 novembre prochain afin que la candidature champenoise soit retenue comme candidature officielle par le gouvernement (décision qui sera prise en janvier 2010). Pour soutenir la candidature : www.paysagesduchampagne.fr Quelques notes d’accords avec le champagne… Cet hiver, elles iront vers les fruits de mer, ainsi que vers les foies gras d’oie ou de canard nature ou mi-cuits suivant vos goûts. Avant votre dégustation, préparez en premier votre bouteille pour la rafraîchir, mettez-la dans un seau quand elle sort de votre cave et plongez-la dans un mélange d'eau et de glaçons, elle sera à bonne température en

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Echo du Terroir de Champagne lant et léger, traditionnellement trempé dans le cham15 à 20 minutes. pagne et autres croquignolles parfumées à la vanille, faAu réfrigérateur, couchez la bouteille dans le bas du rébriquées par la maison Fossier avec ses 5 magasins à frigérateur trois à quatre heures avant de la servir. Le Reims dans le respect des traditions originelles. service doit être fait à environ 9°. Si vous voulez sabrer • Les Bouchons de champagne, chocolats noirs fourrés votre bouteille, il faut que son corps soit froid et sa tête au marc de champagne et les chocolats à la cerise de chaude, comme une femme en chaleur l’hiver. Dormans. Maintenant, préparez votre verre car il joue un grand rôle • Les moutardes Clovis élaborées à Reims, moutarde au dans l'effervescence. Le verre idéal est de forme tulipe, moût de raisin, à l’ancienne, aux herbes de Provence… suffisamment large et haut pour laisser aux bulles la Stages de dégustation oenologique, à la découverte des place d'évoluer. A bannir, la coupe à Champagne. Champagnes de l’Aube : Découvrez la cuisine vigneronne de Champagne. • Le 7 novembre aux Champagne Drappier et Veuve Parmi les nombreuses spécialités locales, la cassolette Doussot, et le 5 décembre au Champagne René Jolly. d’escargots de Champagne, le coq au vin de Bouzy, vin Jazz dans des caves de Champagne à Reims (51) du 18 rouge très recherché au parfum de violette, le rôti de au 21/11/2009 au Domaine Pommery et proposera les porc aux pêches de vignes, la potée des vendangeurs, le plus grands jazzmen au plus près de l’élaboration des filet de brochet cuit au vin blanc à la rémoise, une solide bulles de champagne ! Association [djaz51]. soupe au chou et au lard ou un raffiné sabayon au chamTél. : +33 (0)3 26 47 00 10 - Fax : +33 (0)3 26 47 29 59 pagne. www.djaz51.com/rjf. En allant au C.I.V.C., arrêtez-vous au restauIlluminations du village de Villers sous Châtilrant “La Cave à Champagne” un endroit inVoyage à Ludes lon (51) : du début décembre à début janvier, contournable à Epernay, 16 rue Gambetta. pour une les habitants de Villers sous Châtillon illumiPourquoi ne pas s’accorder quelques dégustation du nent les façades de leurs maisons. Un décor douceurs chez les artisans de bouche avec : Champagne féerique pour les fêtes de Noël. Villers est • Le fameux biscuit rose de Reims, croustilBereche.

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Echo du Terroir de Champagne >> également un arrêt sur la route du Chemin de Crèches reliant Epernay à Reims aux mêmes dates. Tél. : +33 (0)3 26 58 33 04. La Maison de l'Outil et de la Pensée Ouvrière est le plus grand musée d'outils de façonnage au monde. Ce musée contient 20 000 outils de collection du XVII au XIXe siècle et la bibliothèque contient 32 000 livres. Hôtel de Mauroy - 7 rue de la Trinité 10000 Troyes Tél. : +33 (0)3 25 73 28 26 http://www.maison-de-l-outil.com

Dans l’Aube (10) : Veuve Doussot à Noé-Les-Mallets, René Jolly à Landreville, etc. L. & S, Cheurlin, Lucie Cheurlin femme viticultrice à Celles-sur-Ource avec des cuvées toutes en harmonie dans le bio avec celle 50% de Chardonnay et 50% de Pinot Noir dont le nom est “Coccinelle et Papillon”. Le Champagne Devaux à Bar sur Seine et depuis 1987 1. À Courtenon, le champagne Fleury.

Mieux vaut venir à Reims sans se faire rincer de l’extérieur et déguster de l’intérieur !

2. À Bordeaux, Vinexpo, golf et champagne Duval-Leroy.

De vigne en Vigneron et de propriété au négoce… Veuve Clicquot, Pommery, Mumm, Lanson, Martel, Ruinart, Canard-Duchêne, Piper-Heidsieck, Taittinger... autant de noms indissociables de celui de Reims. Eu égard aux quelque 120 kilomètres de caves de Champagne qui serpentent au dessous de leurs pieds, les Rémois ont coutume de considérer qu’ils habitent au dessus d’un “gruyère” qui attire près de 300 000 visiteurs par an. Les deux catégories de maisons de Champagne avec plus de 10 000 marques sont les Récoltants Manipulants-RM et les Récoltants Coopérateurs-RC.

3 et 5. À Bar-sur-Seine, le champagne Deveaux.

Dans l’Aisne (02) : Pannier à Château-Thierry, Françoise Bedel à Crouttes sur Marne, etc. Les Champagnes Baron Albert à Charly-sur-Marne, 40 hectares cultivés dans le respect de l'environnement, produisent dans les caves 320 000 bouteilles de Champagne par an. Avec l'encépagement du vignoble (65% Pinot Meunier, 30% Chardonnay et 5% Pinot Noir) 6 Champagnes sont élaborés : de la Cuvée Tradition au Millésime en passant par la Cuvée Spéciale et un Rosé. Cette maison a obtenu une médaille d’Argent aux Vinalies Internationales 2009. Champagne Fleury à Courteron dans la Côte des Bar est labellisé en Biodynamie et en Agriculture Biologique Ecocert et Demeter Le domaine fait environ 200 000 bouteilles par an, elle a 5 ans de stock et ses principaux cépages sont le Pinot Noir avec 90%, le Chardonnay avec 9,5% et le reste en Pinot Blanc et Meunier. L’élevage des raisins et des vins sont inspirés par les Rythmes Cosmiques. Dans les gammes de ses Champagnes, un Brut Fleur de l’Europe avec la récolte 01 et 02, la cuvée Robert Fleury en fût de chêne avec les 3 cépages, long et rectiligne en bouche, floral et salin, le Fleury 95, un magnifique extrabrut dosé à 3 g/l comprenant 80% de Pinot Noir et 20% de Chardonnay dont les arômes sont miel, toasté, torréfié avec une touche de pistache. Un autre coup de coeur le Rosé de 2006 non millésimé dosé à 7g/l avec 100% de Pinot Noir en saignée, un vin riche en bouche pour déguster des viandes rouges ou même en ce moment la chasse.

4. À Urville, le champagne Drappier.

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de l’Union Auboise avec 13 coopératives. Encore une méthode que les Champenois aiment la “Soléra” le mélange du vin jeune avec le vin vieux. Les raisins Pinot Noir sont de la Côte de Bar et les Chardonnay de Montgeux et Chouilly. Sur le site actuel il y a une production de 8 millions de bouteilles/an et un stock de 25 millions de bouteilles. Une grande gamme de Champagne avec la collection D et la Classique comprenant Chardonnay et Pinot Noir, la gamme 100% Pinot Noir avec le fameux Rosé des Riceys avec un foulage modéré de 25% au pied et le reste en macération courte en attendant le “Goût des Riceys” de griotte, cassis et vanille. Le Champagne Drappier, à Urville, a de merveilleuses caves voûtées du XIIe siècle. La maison exploite le vignoble qui est maintenant de 40 ha sans compter des contrats sur la Montagne de Reims et la Côte des Blancs. Dans la cave repose 150 cuves de 1000 à 5000 l. La Cuvée prestige reste 6 ans en cave, 70% Pinot Noir. 15% Chardonnay, 13% Pinot Meunier et le reste en Pinot Blanc. L’objectif de Michel Drappier c’est de diminuer la liqueur le plus possible comme dans le “Brut 0% de Dosage” sans soufre avec un Blanc de Noir 100% Pinot

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Echo du Terroir de Champagne Noir avec un côté minéral, une belle acidité et une pointe d’agrumes en fin de bouche. La Carte d’Or dosé à 8 g/l avec 80% de Pinot Noir, 15% de Chardonnay et 5% de Pinot Meunier est un Champagne pour tous les repas. Le Quatuor IV un compromis équitable de 4 cépages dosé à 8 g/l. Pour finir, un Millésime d’exception de 2002 contenant que 25/32 g de soufre au lieu d’une centaine dans les champagnes classiques, il est dosé à 7 g/l et il a été dégorgé en septembre 2008, avec ses 40% de Chardonnay et ses 60% de Pinot Noir, c’est un vin très riche en bouche. Ne pas oublier la cuvée “Grande Sendrée” qui tire son nom d’une parcelle recouverte de cendres après un incendie en 1838 qui ravagea Urville. Le flacon de ce Champagne est une reproduction de celui du XVIIIe siècle et est entièrement remué à la main. Depuis 2008, vous pouvez le consommer au Domaine 3

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Chateauvieux à Genève grâce à Philippe Chevrier et Xavier Deblock meilleur sommelier Suisse. Dans la Marne (51) : Pierre Moncuit au Mesnil sur Oger, Henriot à Reims, Bollinger à Ay, Montaudon à Reims, Malard à Ay, Vincent Bliard à Hautvilliers, Jean Moutardier au Breuil, Domaine Jacques Selosse à Avize, Champagne Raymond Boulard, etc. Champagne Bérèche et Fils à Ludes est un domaine dont les vignes ne reçoivent plus de désherbants chimiques, le travail du sol consiste en un labour destiné à

aérer le sol, le décompacter afin de maintenir une structure grumeleuse. Le reste du temps, pendant l'été, ils effectuent 3 tontes d'herbe. Les vendanges dans cette maison restent traditionnelles. Le vin est mis pendant 5 mois dans les barriques ou en cuve pour la fermentation, en fin de cycle depuis 2 ans elle fait des demi-dosages. Elle a une “Réserve Perpétuelle d’Antan” méthode “Soléra” stocké depuis 1985 dans des ½ muids de 600 litres. Qu’est cette méthode ? L’assemblage des champagnes Brut et extra-brut réserve est d’environ 25% Chardonnay, 25% Pinot Meunier, 20% Pinot Noir et 30% de vins de réserve des 2 dernières années. Le passage en cave est de 24 mois 36 mois, le dégorgement est fait à la main et le dosage est de 9 g/l ou 2 g/l pour l’extra-brut. La sélection “Les Beaux Regards” un Chardonnay 100% Brut Nature est sublime grâce à un petit rendement de 55hl/ha en vigne, un passage en cave de 28 mois et aussi dosage 0 g/l et non sulfité au dégorgement. Champagne Veuve Fourny à Vertus, dans le village situé au Sud de la célèbre côte des Blancs sont élaborés des Champagnes issus de raisins Premier Cru de Vertus. Depuis le XIXe siècle, Le Clos Notre-Dame, fait partie du patrimoine familial et ses vignes sont entourées de murs. Auparavant, jusqu’en 1990, les vins issus de ce Clos étaient sélectionnés pour la composition des Millésimes de la Maison. Maintenant, ces vins issus de la parcelle produisent quand les conditions de Dame Nature le permettent, quelques centaines de flacons conservés pratiquement une décennie dans les caves. La moyenne d’âge des vignes est de 38 ans. Tous les champagnes sont 1er Cru, nous allons commencer par le Blanc de Blanc Brut dosé à 5 g/l et 100% Chardonnay, arômes agrumes sur toute sa longueur. Le Blanc de Blanc Brut Nature 0% de dosage est légèrement anisé, floral, un plaisir à l’état brut avec les bulles pour pétiller de bonheur. La Cuvée “R” de Veuve Fourny, “R” comme Roger, l’un des fondateurs, qui aimait assembler le Chardonnay à 90% à 7% Pinot Noir et un soupçon de 3% de Pinot Meunier, entièrement vinifiée en petits contenants de chêne. Cette cuvée patiente 4 années dans les celliers, c’est un grand Champagne gourmand, pour des mets d’exception avec des notes florales et vanillées. Duval-Leroy à Vertus, fête cette année son 150e Anniversaire. 200 ha de vignobles exploités en direct et une cuverie d’une capacité totale de 100 000 hl qui associe

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Echo du Terroir de Champagne Annonces

qui remontent à la surface et piégent en chemin des composants aromatiques » explique Gérard Liger-Belair, de l'Université de Reims Champagne-Ardenne. « Quand les bulles atteignent la surface, elles éclatent et libèrent ces composants sous forme d'aérosols contenant une très forte concentration de substances connues pour être aromatiques. » Les auteurs de cette étude ont précisé qu'une bouteille de champagne peut potentiellement produire quelque 100 millions de bulles. Etant donné qu'une bulle mesure en moyenne 0,5 mm de diamètre, cela revient au total à 80 m2 de superficie, ont-ils calculé. > Boire bien avec modération… L’historien François Bonal a consacré des études aux

• Si vous désirez faire un cadeau, plutôt qu’une bouteille de Champagne achetez une partie du Vignoble de Pascal Leclerc Briant, au travers d'une S.C. d'exploitation avec bail de 18 ans, sur 10 ha entièrement plantés, sans bâtiment ni cave, plein sud avec des vignes de 30 ans en pinot noir et pinot meunier en biodynamie depuis 2001 et 2002, au prix de 900.000 € l'ha, net vendeur. Le Fermage est de 2 000 kg/ha/an (prix 2008 : environ 5 euros/kg), paiement en € ou en nature : bouteilles de champagne. • Sous réserve le Champagne Taittinger (LVMH) envisagerait une conversion dans la Biodynamie sur leur propriété initiale "La Marquetterie".

>> cuves en inox et fûts de chêne assurant une parfaite séparation des crus selon leur provenance. Le vieillissement en caves est de près de 10 millions de bouteilles parfaitement entreillées par caveau de 280 000 bouteilles et le remuage de celle-ci se fait par 204 gyropalettes. Un mur de 180 panneaux photovoltaïque de 250m⇢ habille avec élégance la façade sud de la cuverie qui permet la conversion de l'énergie solaire en énergie électrique, un engagement pour la protection de l'environnement. Carol Duval-Leroy, viticultrice femme de tête et de cœur est entrée en 1991 dans le cercle très restreint des Femmes du Champagne. Elle Le Champagne est sait s’entourer de femme de pointe telle sa Chef de Caves, Sandrine Logette-Jardin. La fait pour la finale du meilleur jeune sommelier de conversation, non France est organisée à Vertus début novempour l'ivresse. Il bre. Champagne Leclerc Briant à Epernay cultive aide l'intelligence 30 hectares de vignoble répartis sur 6 comalors que d'autres munes situées entre la Montagne de Reims et la Vallée de la Marne. Afin de garantir des boissons conspirent vins de qualité, respectant les traditions et contre elle. l'environnement, la Maison est en reconversion, depuis plusieurs années, vers la bioAndré Thérive dynamie certifications Ecocert et Demeter. La collection Les Authentiques se distingue par la précocité de sa maturité et l'extraordinaire qualité des raisins que produisent leurs vignes. Un petit coup de cœur est donné avec les Premiers Crus de Cumières, le Blanc de Blancs d'Epernay et sur le terroir de Verneuil. Les vendanges de cette année ont un taux de sucre suffisants pour préparer un champagne sans chaptalisation à 12° avec une acidité suffisante.

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Savez-vous que… > 100 millions de bulles dans une bouteille de champagne. La saveur et l'arôme du champagne proviennent surtout des bulles qui les libèrent en éclatant à la surface de la coupe, selon des chercheurs français et allemands dont l'étude est publiée vient d’être publié aux Etats-Unis. « Déboucher une bouteille de champagne déclenche la formation de milliers de bulles de dioxyde de carbone

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bienfaits du vin de Champagne. Retenons-en quelques détails. Le champagne est un reconstituant d’une grande valeur. Il compense par son effet euphorisant la tonicité qui lui manque et qui est le propre des vins rouges plus riches en tanin. Pour les malades, il a des vertus calmantes indubitables. Le champagne, selon François Bonal, est aussi un véritable élixir de longue vie. Dans les années soixante, une expérience a été faite dans les hôpitaux américains sur trois mille d’entre eux. Ceux à qui on donnait le soir du champagne déran-

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Echo du Terroir de Champagne geaient trois fois moins dans la nuit les infirmières que ceux à qui on n’en avait pas donné. Pauvre en calcium, diurétique, désintoxiquant, le champagne semble convenir particulièrement aux personnes atteintes d’artériosclérose, à celles qui souffrent d’affections coronariennes et sont menacées d’infarctus. Le champagne est donc bien le breuvage idéal pour les opérés et les convalescents. > Une dernière découverte technique A Epernay (Marne), l'Institut oenologique de Champagne et la société ECB Clean ont mis au point un système de dégorgement des vins effervescents par azote liquide ou froid mécanique, qui réalise d'importantes économies d'eau et supprime les rejets pollués. Baptisé “Ecobac”, ce système fait disparaître les deux inconvénients majeurs, voire rédhibitoires en ces temps de développement durable, des systèmes actuels de bacs de dégorgement par glycol : la consommation d'eau (entre 550 et 1 000 litres par heure contre 50 litres par heure) et les rejets d'eau souillée par des restes de glycol (1 à 2 grammes piégés par bouteille). Les grands contenants pour faire la fête et de garde : 1 et 5. À Urville, le champagne Drappier. 2 et 4. Vignes Vertus, champagne Veuve Fourny. 3. Dom Pérignon découvre la mousse en 1714 par Armand Guéry. 5

Le jéroboam de 4 l, le Réhoboam de 6 l, le Mathusalem de 8 l, le Salmanazar de 12 l, le Balthazar de 16 l, le Nabuchodonosor de 20 l, un spécialiste de ces dimensions c’est la Maison Drappier à Urville. Quelques correspondants du Champagne en Suisse… Du Champagne Drappier : Spirit Trading Import Sarl à Yverdon-les-Bains 1400. Tél. : 076 386 08 13 - vapisa@spirit-trading.ch www.spirit-trading.ch

Du Champagne Fleury : Au Fleuron de Champagne à Sainte-Croix 1450 - Tél. : 024 455 24 24 Du Champagne Mumm : Pernod Ricard Swiss SA à Carouge 1227 – Tél. : 022 394 90 40 Du Champagne Veuve Devaux : Côte des Vins à Rolle 1180 – Tél. : 021 825 43 34 - lacotedesvins@bluewin.ch Du Champagne Veuve Fourny : Maison A. Droz à Genève 1211 – Tél. : 022 731 35 80 - www.drozvins.ch Du Champagne Leclerc-Briant : Divo à Penthalaz 1360 – Tél. : 021 863 22 70 Du Champagne Duval-Leroy : J et P Testuz SA à Treytorrens 1096 - Tél. : 021 799 99 11 2009, une année de vendanges miraculeuses en Champagne grâce à un soleil permanent, sans une seule goutte de pluie ! Souhaiter « excellente santé » à ceux auxquels on s'adresse est très naturel. Une bonne santé est en effet l’atout majeur d’une vie heureuse. Dès le XVIe siècle l’on commence à exprimer le vœu de « bonne santé » à ses voisins avant toute consommation conviviale. Alors : Santé !, Prosit !, Cheers !, Saúde !, Salute !, Tchin Tchin !, Campai ! ◆

Se renseigner sur le, la, les Champagnes • Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (CIVC), 5 rue Henri Martin - 51200 Epernay. Tél. :+33 (0)3 26 51 19 30. Fax : +33 (0)3 26 55 19 79 info@champagne.fr - http://www.champagne.fr • Marnothérapie vous saurez tout sur la Marne et la Champagne, www.marnotherapie.fr • Office de Tourisme de Reims - 2 rue Guillaume de Machault - 51100 Reims - Tél. : +33 (0) 892 701 351 Fax : +33 (0)3 26 77 45 19 - www.reims-tourisme.com • OT d’Epernay et sa Région - 7 av. de Champagne - 51 200 Epernay Tél. : +33 (0)3 26 53 33 00 - Fax : +33 (0)3 26 51 95 22 www.ot-epernay.fr - tourisme@ot-epernay.fr • OT de Troyes et sa Région : 16 bd Carnot - 10000 Troyes Tél : +33 (0)3 25 82 62 70 - Fax : +33 (0)3 25 73 06 81 contact@tourisme-troyes.com • OT de la Région de Château-Thierry : 9 rue Vallée 02400 - Château-Thierry - Tél : +33 (0)3 23 83 10 14 Fax : +33 (0)3 23 83 14 74 - accueil.ot@ccrct.com E-mail : accueil.ot@ccrct.com • Musée de la Vigne - Le Phare - 51360 Verzenay Tél. : +33 (0)3 26 07 87 87 - Fax : +33 (0)3 26 07 87 88 musee@lepharedeverzenay.com - www.lepharedeverzenay.com • Noëls de Champagne - Destination Reims Tél. : +33 (0)3 26 09 83 50 - Fax : +33 (0)3 26 09 08 84 www.reims-destination-noel.fr • La route du Champagne : www.aube-champagne.com • Idées Week-end escapades dans l’Aube : www.escapades-en-champagne.com

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Gastronomie

Comment naît un

Prix Culinaire de renommée mondiale ? 'Automne est la saison des couleurs chaudes et chatoyantes que le soleil, dans son déclin nous fait admirer, c'est la saison des Prix Littéraires, des Prix Nobel, et aussi, des Prix Culinaires. Il en est un qui monopolise la presse gastronomique internationale durant plusieurs mois, c'est le Prix Taittinger. En 1966, pour saluer la mémoire du fondateur de la marque de son Champagne - Monsieur Pierre Taittinger -, naît l’idée d’un concours international gastronomique. Pierre Taittinger était issu d'une famille lorraine qui quitta la Moselle en 1871 pour demeurer française. Sa carrière politique fut interrompue par la Grande Guerre dont il revint capitaine avec la rosette de la Légion d'honneur et plusieurs citations. Il fut élu député de Charente-Inférieure en 1919, puis, en 1924, député de Paris dont il représenta le premier arrondissement jusqu'en 1940. Il fonda à Reims, en 1932, la maison de vins de Champagne qui porte son nom, les Champagnes Taittinger, et qui occupe les caves de l'ancienne abbaye Saint-Nicaise. Il occupait, à l’Académie des Gastronomes, le fameux 22e fauteuil, celui de l’auteur de l'ancêtre des guides gastronomiques, l’Almanach des Gourmands édité au début du 19e siècle : Grimod de la Reynière, consiJean-Jacques déré, aux côtés de Poutrieux Brillat-Savarin,

jjpoutrieux@bluewin.ch

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comme l'un des pères fondateurs de la gastronomie occidentale. C'est pour saluer sa mémoire et perpétuer sa vision de la grande cuisine française, qu'est née à Reims, l’idée d’un

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3 concours international gastronomique, organisé et jugé par des professionnels. Le comité d'organisation du prix Taittinger n'est composé que de cuisiniers, son but est de mettre en exergue la grande cuisine française, de sortir les chefs de derrières les fourneaux et de les présenter au grand public. La première édition voit le jour en 1967 et s'est appelée “Prix Culinaire International Pierre Taittinger”.

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1. Serge Cyril Vinet, Pierre Salvi et Clovis Taittinger. 2. Le podium : Benoît Carcenat, Raphaël Cossetto et Thierry Fischer. 3. Le vainqueur, Benoît Carcenat. 4. Le Président du jury. 5. Le candidat bâlois Thierry Fischer et son commis. 6. La “Pintade” de Thierry Fischer. 7. La “Pintade” de Raphaël Cossetto.


Gastronomie

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7 Cette année, c'est la 43e édition, rien n'a changé depuis sa création, il est toujours organisé, géré, jugé par des cuisiniers uniquement. Sa réputation de probité et d’extrême difficulté n’a cessé de s’étendre, d'affirmer sa notoriété qui en fait le concours que tous les grands chefs aimeraient avoir gagné. Je n'en citerai ici aucun, pour ne pas faire d'impair, mais je tiens à vous dire qu'il y a eu parmi les lauréats : des Français, des Belges, des Suisses, des Allemands, des Hollandais, des Japonais… C'est un Prix International

par excellence, connu et reconnu dans le monde entier. Au lendemain du 40e Prix, alors même qu’il reprend le flambeau de la Maison de Champagne, PierreEmmanuel Taittinger, qui partage avec son père, Jean Taittinger, ancien Garde des sceaux, ancien Maire de Reims, une même passion de la gastronomie, perpétue à son tour le souvenir de son aïeul Pierre Taittinger. Il lui a donné le nom qui lui est revenu normalement au fil des ans : "Le Taittinger". On parle aujourd'hui du "Taittinger" ! Alors, comment se déroule-t-il ? Le thème du concours est choisi chaque année, au printemps, par le comité d'organisation du “Taittinger”, puis il est transmis aux comités d'organisation des pays participants. Chaque pays sélectionne alors entre six et dix candidats sur la base d'une recette libre de cuisine classique demandée à chaque candidat, sur le thème imposé défini par le Comité d’Organisation du “Taittinger”. Cette année, le thème était « Apprêter deux pintades fermières pour huit personnes, de les accompagner de trois fois huit garnitures et de les présenter sur un plat rectangulaire de 60 x 45 cm avec un jus ou une sauce en saucière. » Outre cette recette personnelle, les candidats ont à réaliser une recette

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imposée, déterminée par le Président de Jury de chaque pays. En Suisse, les candidats devaient comme deuxième recette concocter « Une nage tiède de langoustines et coquilles Saint Jacques au Noilly Prat. » Les participants sélectionnés ont cinq heures pour réaliser les deux recettes, un jury de quatorze chefs de grands renoms dégustent, apprécient, jugent le travail accompli. Ils se sont retrouvés à six heures trente du matin, le 30 septembre dans les locaux de l'École professionnelle de Montreux, écoutant les dernières recommandations du président du Jury Jean-Jacques Poutrieux, pour en débattre. A onze heures, ce fut au tour des membres du jury d'être accueillis à l'École professionnelle, quatorze chefs venus de toute la Suisse parmi les plus grandes tables, qui ont la tache de découvrir parmi les participants, le candidat le plus doué pour défendre les couleurs de l'Helvétie à Paris. Les résultats sont proclamés le soir même lors d'une soirée de gala où sont conviés le monde professionnel, le monde politique, la presse… Cette année, c'est devant quelque 150 convives, dans les salons de l'Hôtel Victoria, prestigieux Relais & Château perché sur les hauts de Montreux, que Monsieur Benoît Carcenat, du Restaurant*** de l'Hôtel de Ville à Crissier de Philippe Rochat s'est vu proclamé vainqueur, félicité par Monsieur Clovis Taittinger, non sans que Monsieur Pierre Salvi, syndic de Montreux prenne la parole, ainsi que Monsieur Serge Vinet, Conseiller à l'Assemblée des Français de l'Étranger, représentant la France. Le vainqueur de chaque finale nationale retrouvera à Paris le 24 novembre, les autres vainqueurs pour participer au concours international et défendre les couleurs de son pays. Malheureusement, nous ne pouvons vous donner le nom du Vainqueur International, le concours ayant eu lieu après que votre Magazine soit parti à l'imprimerie. ◆


Le mot de la fin

L’HOMME NE PEUT PAS NE PAS COMMUNIQUER. SES PAROLES, SES SILENCES, SA GESTUELLE, JUSQUE SES MOINDRES MIMIQUES SONT AUTANT D’INFORMATIONS QU’IL ENVOIE À AUTRUI. MAIS VOILÀ, COMME IL NE SAIT PAS CE QU’AUTRUI RESSENT ET QU’UNE PART DE LUI EST INTRANSFÉRABLE, CETTE COMMUNICATION, PAR ESSENCE, EST VOUÉE À L’ÉCHEC.

De la grande complexité

du verbe

n 1947, deux mathématiciens américains Claude Shannon et Warren Weaver ont établi un modèle linéaire de la communication : « Un émetteur, grâce à un codage et un canal de transmission, envoie un message à un récepteur qui effectue le décodage, dans un cadre précis et avec une intention plus ou moins définie ». Norbert Wiener, pour sa part, compléta ce schéma canonique en introduisant la notion de “feed back” ou «“rétroaction”, c'est-à-dire tous les petits signes envoyés par le récepteur pour indiquer à l’émetteur que son message est parvenu jusqu’à lui. Mais communiquer, c’est encore et surtout le fondement de la société. Communiquer c’est donner, recevoir, s’enrichir – un échange d’idées permet aux protagonistes de multiplier les pistes de réflexion, d’ajouter aux siennes celles des autres. C’est créer des liens, exprimer sa propre vision du monde et essayer d’y entraîner son interlocuteur. C’est persuader, séduire, manipuler. Or, le support privilégié de la communication individuelle ou horizontale, c'est-à-dire entre deux individus, est le langage. Le langage est l'instrument de la pensée, il transforme en mots nos perceptions, nos sensations. La parole est alors action et le verbe a ce pouvoir grandiose de faire exister ce qu’il nomme. Mais paradoxalement, c’est parce que l’on

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Je n’ai jamais cherché que cela en écrivant : communiquer avec les autres. JMG Le Clézio.


c.bb@orange.fr

Le mot de la fin

Corinne Braquet-Béjot

ne se comprend jamais pleinement, que l’on se parle si souvent. Étanches les uns aux autres nous n’avons de cesse de nous convaincre, de fusionner. Saint-Exupéry nous avait pourtant bien prévenus : « Il faut se méfier des mots, le langage est source de malentendus. » Comment pourrait-il en être autrement ? Nous essayons d’exprimer avec des termes généraux des sentiments qui nous sont propres. Le même mot peut-il être à la fois universel dans sa définition, lorsqu’il sert à tous les hommes d’une même langue et personnel dans son usage ? Comment les mots pourraient-ils être objectifs et collectifs alors qu’ils portent en eux tout notre vécu, notre culture, notre époque, nos images ? Il est bien évident que le sens donné à n’importe quel qualificatif dépend avant tout de notre expérience, de ce que nous sommes et de notre état d’esprit. Ainsi, « jeune et vieux », par exemple, varient en fonction de l’âge du capitaine et de la situation considérée, « loin et près » résultent souvent de la fatigue que l’on ressent ou de nos habitudes de voyage. Quant aux notions de beauté ou de laideur, d’intelligence, de sottise, de bonté, de méchanceté, elles sont si subjectives que nous ne pouvons guère les partager, le courage des uns est l’inconscience des autres. « Le beau, pour le crapaud, c’est la crapaude » écrivait Voltaire. Toute culture induit une structure comportementale et au-delà de nos individualités, influence notre vocabulaire. Dans une même société, le niveau de langage employé renvoie à des références sociales, il exclut ou légitime l’individu. On ne rit pas des mêmes jeux de mots à Osaka qu’à Liège. Il n’existe pas de terme pour dire « neige » dans le dialecte local employé à Ras al Khaimah (au nord des Émirats Arabes Unis) et cela n’a manqué à personne, jusqu’à ce matin froid du dimanche 25 janvier 2009, lorsqu’il

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est tombé 20 centimètres de poudreuse sur le mont Al-Jees. Il pleut des hallebardes à Paris tandis qu’à Londres, ce sont des chats et des chiens. « Tout cela n’est pas ma bière » dirait un Munichois qui n’a donc pas d’oignons. Au fil du temps, le répertoire de l’amoureux transis a fortement varié, les mignonnes ne vont plus guère voir si les roses sont écloses et pour se remémorer notre enfance perdue, le « mistral gagnant » a remplacé « la madeleine ». Autres temps, autres mœurs, autres mots. Et comme nous ne pouvons pas expliquer le contenu de chaque mot employé autrement qu’avec des mots, Il est impossible de résorber les différences. L’absence de code commun génère l’incompréhension entre les êtres humains. Dans l’encyclopédie du savoir relatif, Bernard Werber résume bien la situation : « Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je dis, ce que vous avez envie d’entendre, ce que vous entendez, ce que vous comprenez… il y a dix possibilités qu’on ait des difficultés à communiquer. Mais essayons quand même… » En effet, même si les mots nous font défaut, vent de paroles, bazar de lieux communs, s’ils nous semblent usés, maladroits, galvaudés – tabernacles inutiles, vides du merveilleux, dépourvus de sacré,… essayons quand même. Laissez-moi, s’il vous plaît, déclamer à loisir, réciter des poèmes, susurrer des serments et dire au Monsieur qu’il a un beau chapeau. Laissez-moi écrire des lettres parfumées, des petits mots joyeux sur des postit jaunes, des messages mystérieux dans des bouteilles vides. Je voudrais bien encore murmurer des secrets et faire des confidences, traduire mes émotions et toute la palette des couleurs qui m’habitent. Je voudrais parler haut un langage indécent dans tout ce qu’il dévoile et pudique dans sa forme et son verbe. Pour dire la beauté du monde, la grandeur des hommes et toutes leurs misères. Un langage nu, si tendre et si violent qu’il décrirait enfin ce qu’est ma vérité : un sourire nouveau, un sourire disparu, une épreuve surmontée, un échec cuisant, une injure essuyée, un souvenir si doux, un souvenir si dur, ma foi, mon désespoir et quelques mots d’amour… Pour que les mots ne soient plus jamais des maux. ◆


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Écologie

La Fondation a pour buts dans ses articles de : Art. 4 - But : • Développer et promouvoir le “Lycée Français Maurice Druon - Genève”, en particulier dans les six cantons romands (Fribourg - Genève - Jura - Neuchâtel - Valais - Vaud) ; • De rassembler tous les Français de Romandie y compris les binationaux, dans un esprit oecuménique ; • De promouvoir la pensée, la culture et la langue française. • La Fondation peut effectuer toute opération se rapportant directement ou indirectement à son but. Art. 7 - Ressources : Les ressources de la fondation sont les revenus de ses avoirs et de ses activités, ainsi que tous les dons, legs, subventions et autres attributions, de quelque nature que ce soit, qu'elle recevra, mais que le conseil de fondation est libre de refuser. Les biens de la fondation doivent être placés conformément aux éventuelles dispositions légales en la matière.

Est-il besoin d'apporter les précisions suivantes : • Les comptes de la fondation sont controlés à chaque exercice annuel par un audit agréé & indépendant. • Chaque opération requiert la double signature. • Les comptes annuels de la fondation “Lycée français Maurice Druon - Genève” dûment audités paraîtront dans France Magazine tous les ans. Le Conseil de Fondation : Madame Sandra Coulibaly-Leroy, Madame Marie-Thérèse Clausen, Madame Danielle Vinet, Monsieur François Bellanger, Monsieur Jean-Pierre Capelli, Monsieur Nicolas de Ziegler, Monsieur Marceau Kaub, Monsieur Pierre Oliviéro & Monsieur Serge Cyril Vinet. Souhaiterait lancer un appel à Souscription à tous les citoyens français ou double-nationaux qui résident dans les six cantons romans, soucieux de se voir ériger le lycée français auquel ils aspirent depuis bien longtemps.

COMITE d'HONNEUR Favorable au projet du Lycée Monsieur Claude Hagège, professeur au Collège de France Madame Jacqueline de Romilly de l'Académie française Monsieur Christian Cabrol, membre de l'académie de médecine, professeur de médecine - Monsieur Dominique Paillé, ancien conseiller du Président de la République Madame Christine Arnothy, écrivain - Monsieur Philippe d'Estienne du Bourguet, industriel - Monsieur Robert Berghe, Directeur de lycée français à Lausanne - Monsieur Philippe Dubois, chef d'état-major de la police vaudoise Monsieur Michel Charasse, ancien ministre, sénateur du

Puy de Dôme - Monsieur Jean-Claude Casadesus, Chef de l'orchestre national de Lille - Madame Nicole Guedj, ancien ministre, Conseiller d'Etat - Monsieur Pierre Bergé, mécène - Monsieur Alain Larcan, ancien président de l'Académie de médecine, président de la fondation scientifique du Général de Gaulle - Monsieur David Khayat, membre de l'Académie de médecine, professeur de médecine Monsieur Christian Poncelet, ancien ministre, ancien président du sénat, sénateur & président du Conseil Général des Vosges - Monsieur Paul Lombard, Avocat.

Bon de Souscription

Je soussigné, m'engage à contribuer personnellement à l'édification du Lycée Français Maurice Druon - Genève par un versement annuel d'un montant de 500 chf (Cinq Cents Francs) pour une durée de Cinq années (5 ans) sur le compte bancaire de la fondation en constitution du même nom. La construction du lycée s'élevant à 35 Millions de Francs suisses (35.000.000 chf) ; si le projet ne démarrait pas, les souscripteurs se verraient intégralement remboursés de leurs dons. Faut-il préciser que les dons uniques sont les bienvenus. Nom : ......................................................................Prénoms : ........................................Date de naissance :……………………………… Profession :........................................................................................................................Nombre d'enfants scolarisés :……………… Adresse : ........................................................................................Code & Ville :..............................................Signature : Banque Cantonale de Genève - N° de prestation : 5017.95.54 Franc suisse - S. Vinet Rubrique LYCEE FRANCAIS MAURICE DRUON GENEVE - N° IBAN : CH6200788000050179554 N° BIC/SWIFT : BCGECHGGXXX - Clearing/CB : 788 - Uniquement par virement. À retouner dûment signé à Fondation Lycée français Maurice Druon - Genève 38A, Malagnou Park - CH 1208 Genève

FRANCEMAGAZINE N°27 98 HIVER 2009


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