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N° 26 • Automne 2009

> Si la Suisse m’était contée… BERNE

FRIBOURG

ZURICH

www.suisse.com . Tél.: gratuit : 0800100 200 30 (en Suisse) 00800 100 200 30 (de l'étranger)

Croix-Rouge 150 ANS D’ACTION

Rencontre DAVID PUJADAS

Voyage ST-ÉTIENNE OU L’ART DE LA MÉTAMORPHOSE

Entretiens

JOËLLE BOURGOIS LIBERE BARARUNYERETSE FRÉDÉRIC BASAGUREN JEAN-BAPTISTE MATTÉI PIERRE MAUDET


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Sommaire

Éditorial

N° 26 • Automne 2009 L’histoire se construit aux rives du Léman . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 04 Pierre Maudet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 06 Jean-Baptiste Mattéi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 08 Joëlle Bourgois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 12 L’immobilier suisse reste en bonne santé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 14 La prudence des banques suisses. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 16 Frédéric Basaguren . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 20 La Chine est-elle un empire éclaté ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 22 La culture chinoise et la francophonie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 24 L’AFE Réforme & Transparence. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 27 Pékin De la Cité Interdite à la cité olympique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 28 Fribourg Esquisse historique des deux derniers siècles. . . . . . . . . . . . . . . . P. 34 Sur les pas d’Auguste Viatte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 38 Bilinguisme Plus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 41 Invitation au voyage pour ces dames . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 45 Croix-Rouge Croissant-Rouge 150 ans d’action . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 48 Prévention ? Vous avez dit Prévention ? Comme c’est bizarre. . . . . . . . . . . P. 54 Le cheval, ce fougueux compagnon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 58 Valmont Un petit coin de France en Romandie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 60 Si la Suisse m’était contée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 63 Libere Bararunyeretse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 72 Le comité de lecture du Grand Prix littéraire Jean d’Ormesson. . . . . . . . . . P. 76 Tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau . . . . . . . . . . . . . . P. 78 La poésie du rêve. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 82 Le Kunstmuseum de Bâle Une histoire remontant à la Renaissance. . . . . . P. 86 David Pujadas Confidences de l’antenne à la vigne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 93 St-Étienne ou l’art de la métamorphose . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 98 Conscience contre violence de Stefan Zweig . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 104 L’autre pays de l’art culinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 108 De toutes ces petites choses qui nous montrent qu’on a veilli . . . . . . . . . . P. 110 Expatria Cum Patria Association nationale des Français établis hors de France - Loi 1901 Président-Fondateur : Serge Cyril Vinet Vice-Président : Jean-Jacques Poutrieux Secrétaire Général : Marie-Thérèse Clausen

Éditeur, Directeur de la Publication, Rédacteur en chef Serge Cyril Vinet Rédacteur en chef Adjoint Didier Assandri Éditorialiste Thierry Oppikofer Directeur de la Communication Victor Nahum Directeur du Comité de Rédaction Bernard Daudier Edito : Thierry Oppikofer Léman : Jacques Neirynck Entretiens : Serge Cyril Vinet, Pierre Oliviéro Immobilier suisse, Droit bancaire suisse : Patrick Blaser Carte Blanche : Jacques-Michel Tondre Francophonie : Coralie Masle-Callu Sport & Tourisme : Patrick Blaser Fribourg : Francis Python, Claude Hauser Bilinguisme : Patricia Kohler Zurich au féminin : Samira Aguerguan J’aimerais vous dire : Serge Cyril Vinet Santé prévention : Jean-Jacques Descamps Santé animale : Dounya Reiwald Radioscopie : Jeanne David-Mangin Le billet de Dany, Plaidoyer pour la Francophonie : Dany Vinet Exposition : Corinne Charles Bâle : Véronique Bidinger Rencontre : Anne-Marie Cattelain-Le Dû Carnets de voyage : Kathereen Abhervé Chronique littéraire : Dominique Ortiz Gastronomie : Jean-Jacques Poutrieux Le mot de la fin : Corinne Braquet-Béjot Régie publicitaire Daedalus Publi FM Imprimerie Weber Color SA Tirage : 80.000 exemplaires vérifié par attestation notariale

a tension qui a entouré la politique fiscale de certains pays, dont la Suisse, sous l’impulsion des EtatsUnis, puis des pays du G 20 et de l’Union européenne, aura au moins eu deux mérites. Tout d’abord celui de remettre en lumière la fameuse phrase de Thierry Oppikofer Céline : « L‘Histoire ne repasse pas les plats » ; ensuite de permettre, à ceux qui voulaient bien s’en donner la peine, d’en proposer une interprétation différente. Tant il est vrai que dans les périodes troublées - encore qu’ici, il ne s’agisse “que” de crise économique -, la littérature fournit parfois une aide plus efficace que la technique. En effet, la Muse de l’Histoire paraît quand même encline à bégayer, quoi qu’ait pu en dire Louis-Ferdinand. Les récits de la guerre contre Carthage, où les arrogants Romains vinrent en pleine paix accuser l’ancien ennemi de disposer d’armes en trop grande quantité et finirent par envahir et raser la Cité adverse, font penser à quelque chose. Les prétentions de la seule superpuissance actuelle à donner des leçons de morale financière au monde, et singulièrement aux petits Etats, dans le contexte d’une crise déclenchée par les errements de ladite superpuissance, ont aussi un aspect familier. L’historien Regenbogin, dans un récent ouvrage sur les neutres durant la dernière Guerre (Ed. Cabédita), rappelle opportunément que les Etats-Unis, avant leur entrée en guerre, commerçaient allègrement avec l’Allemagne nazie. Pearl Harbor a changé leur point de vue. Aujourd’hui, on sait que les “vrais” paradis fiscaux, ceux qui ne font aucun sentiment, se trouvent dans des territoires britanniques ou du Commonwealth, ainsi que dans la sphère d’influence américaine. Plusieurs Etats américains continentaux, à certains égards, figureraient certainement dans une liste noire ou grise qui n’épargnerait pas, comme c’est curieusement le cas de celles du G 20, certaines localisations anglo-saxonnes. Dans ce contexte, on pourrait dès lors imaginer à double titre que l’Histoire nous “repasse bien un plat”, puisqu’elle nous livre un scénario connu – la loi du plus fort – mais aussi l’occasion de ne pas être dupe et de faire pour une fois triompher le bon sens en réformant nos économies, non pour sanctionner les petits qui accueillent les capitaux ou les contribuables réfugiés, mais pour faire en sorte que personne ne soit plus ni tenté, ni empêché, de résider où il le souhaite en Europe ni d’y placer ses économies. Cela sous-entend aussi une ponction fiscale supportable et une gestion rigoureuse des dépenses publiques. C’est évidemment plus difficile que de dénicher des boucs émissaires, mais c’est plus gratifiant.

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Léman

L’histoireseconstruit auxrivesduLéman

POURQUOI VLADIMIR NABOKOV, GEORGES SIMENON, GRAHAM GREENE, CLARA HASKIL, CHARLES CHAPLIN, AUDREY HEPBURN SONT-ILS VENUS MOURIR AUX BORD DU LÉMAN SINON PARCE QU’ILS Y ONT TROUVÉ UN HAVRE DE PAIX, UN DE CES LIEUX QUI SONT LE NOMBRIL DU MONDE, UN LIEU OÙ LE TEMPS REJOINT L’ÉTERNITÉ ?

a Suisse primitive s’est d’abord développée vers -12 000 aux rives de ses lacs lorsque les premiers chasseurs du paléolithique s’y sont installés. La douceur du climat, la ressource de la pêche, la possibilité de se déplacer en pirogues taillées d’une seule pièce dans un tronc d’arbre, tout indique que la Suisse fut lacustre avant d’être montagnarde. Aux bords du Léman, on a repéré pas moins de 54 stations lacustre datant du néolithique, vers -5500. Le Léman est entré dans l’histoire avec Jules César qui vainquit les tribus celtes et occupa le territoire afin de raccourcir ses lignes de communication entre la plaine du Pô et la Gaule. Les villes de Genava et Lousonna surgissent, les routes se construisent à partir de la traversée des Alpes au

jacques.neirynck@epfl.ch

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Jacques Neirynck PROFESSEUR HONORAIRE DE L’ECOLE POLYTECHNIQUE FÉDÉRALE DE LAUSANNE

CONSEILLER NATIONAL DU CANTON DE VAUD

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Grand Saint Bernard. La rive nord du Léman devient très tôt dans l’histoire ce nœud de communication entre le Nord et le Sud de l’Europe qui devait culminer avec le creusement des tunnels alpins. Dès la fin du premier siècle, le christianisme pénètre la région, et au IVe siècle, le centurion Maurice est martyrisé avec ses compagnons dans le défilé d’Agaune où se trouve toujours le monastère qui porte son nom. Les invasions barbares qui ravagèrent le reste de l’empire romain furent remplacés au bassin lémanique par l’installation pacifique des Burgondes, d’origine scandinave, auxiliaires des Romains, qui se taillèrent un joli royaume où se retrouve la trace dans tous les villages dont la finale est en ens, comme Renens ou Echallens. Une princesse burgonde, Clotilde, épousa Clovis qu’elle convertit, devenant ainsi la première reine de France. Les bijoux de la famille royale sont toujours conservés au monastère de Saint Maurice où ils échappèrent aux pillages de la Révolution française. Durant le Moyen-Age, les ducs de Savoie tentèrent en vain de capturer la rive nord du Léman où un bel esprit d’autonomie donna naissance aux prodromes de la démocratie,


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Léman en particulier dans la République de Genève, qui s’ouvrit naturellement à la Réforme prêchée par Jean Calvin, venu du Nord de la France se réfugier dans ce qui était déjà une terre de liberté, dont l’indépendance est reconnue en 1603. C’est à partir de ce moment-là que commencent à fleurir les activités qui rendront si prospère le Léman : horlogerie, édition, banque, textile. Ce foyer de civilisation illumine au XVIIIe siècle toute l’Europe : le Genevois JeanJacques Rousseau, Voltaire, exilé à Ferney, Madame de Staël à Coppet, le Lausannois Benjamin Constant firent l’apologie des valeurs de liberté, d’égalité, de solidarité qui sont aujourd’hui la base des Droits de l’homme. Le Genevois Henry Dunant découvre l’horreur de la bataille de Solférino en 1859 où les blessés sont laissés sans soin, là où ils sont tombés, jusqu’à mourir au terme d’une agonie inhumaine. En 1876, il fonde la Croix-Rouge et reçoit en 1901 le premier prix Nobel de la paix. Il invente les deux principes qui sont encore aujourd’hui d’application universelle : un militaire hors de combat à cause de ses blessures cesse d'être un ennemi et doit désormais être considéré comme un être humain qui a besoin d'aide ; les médecins et les infirmiers pourront donner leurs soins sans crainte d'être capturés. Dès 1864, est signée la pre-

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mière Convention de Genève qui établit ce droit : c’est la naissance du droit international humanitaire. Plus tard, et jusqu’en 1949, furent signées trois autres conventions réglant en particulier le sort des prisonniers et la protection des populations civiles de territoires occupés. De cet embryon de droit est sortie toute l’action visant à la répression des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité qui, aujourd’hui, rend les relations internationales un peu moins inhumaines, même en temps de guerre. La Cour pénale internationale et la Cour internationale de justice appliquent les sanctions prévues pour violation de ces conventions. C’est de Genève qu’est issu l’ordre international qui prévaut lentement sur l’esprit de conquête, de violence et de domination. Dès 1919, au sortir de la Première Guerre mondiale, la Société des Nations, installée à Genève, s’efforce de créer un lieu de confrontation pacifique entre pays, pour être remplacée en 1945 par l’Organisation des Nations Unies avec ses innombrables agences spécialisées, s’occupant de la santé, du commerce, de l’agriculture, des télécommunications. L’ordre international d’aujourd’hui doit beaucoup à ce qui fut inventé aux rives du Léman depuis la démocratie helvétique jusqu’au Siècle des Lumières. Lieu de paix, de science, de culture, entre Jura et Alpes, la région lémanique est le cœur de l’Europe, bien plus que ces lieux de prestige hérités des anciennes monarchies, Paris, Londres, Rome, Vienne, Berlin, Madrid, d’où partirent si souvent des armées destinées à s’entretuer. La neutralité, la relation pacifique avec les voisins, le souci de cultiver son pré carré, la collaboration positive entre nations devient un idéal universel. Il faut se souvenir que ces ferments d’humanisme naquirent aux rives d’un lac aux eaux calmes et transparentes. Il y fait bon vivre et la mort y est peut-être moins déchirante.


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Échos du bout du lac

Pierre

Maudet

CONSEILLER ADMINISTRATIF À GENÈVE > France Magazine : Monsieur Maudet, vous êtes né le 6 mars 1978 à Genève. Vos études supérieures vous ont fait connaître l'Université de Fribourg où vous avez obtenu une maîtrise de droit en mars 2006.Vous êtes marié et père d'un petit Guillaume et d'une petite Ludivine. En 1999, à 21 ans, vous êtes élu Conseiller Municipal de la Ville de Genève puis réélu en 2003. Le 1er janvier 2005, vous êtes nommé par le Conseil Fédéral Président de la Commission fédérale de l'Enfance et de la Jeunesse. Le 9 décembre 2005, c'est la présidence du parti radical genevois qui vous accapare pour être élu le 29 avril 2007 Conseiller Administratif de la Ville de Genève. Cela ressemble à s'y méprendre à l'itinéraire d'un jeune homme pressé ? Pierre Maudet : A tout le moins d’un jeune homme passionné. J’ai eu la chance d’exercer des activités qui m’ont toujours enthousiasmé et stimulé. Dans de telles conditions, on avance rapidement. Quant à mon mandat actuel de Conseiller administratif, c’est le peuple qui m’a élu et je lui en suis reconnaissant car il s’agit d’un travail intéressant qui touche aux problèmes quotidiens vécus par les habitants de la ville de Genève et qui demande la mise en place d’actions de terrain visibles et concrètes. > F. M. : Avec la grippe mexicaine ou grippe porcine, la mondialisation nous envoie un message alarmant. Quelles sont les dispositions prises par la Suisse si cette pandémie devenait plus menaçante ? P. M. : La Suisse, le canton et la ville de Genève se sont préparés pour une telle éventualité. De nombreuses rencontres ont eu

Pierre Maudet et Serge Cyril Vinet.

lieu entre les différents partenaires cités cidessus et je pense que les autorités sont prêtes à faire face à toutes les éventualités, allant de la mise en quarantaine au télétravail, en passant par les traitements généralisés. > F. M. : La crise financière contamine la terre entière, elle débouche sur une remise en question de points cruciaux qui jusqu'alors nous semblaient secondaires. C'est votre génération, Monsieur Maudet, qui va avoir la lourde charge de relever le défi. Avezvous conscience qu'il ne nous sera plus possible de vivre comme nous l'avons toujours fait ? Quels sont les critères qui, selon vous, pourraient transformer cette crise en rendezvous avec l'histoire ? P. M. : J’ai suivi et je suis encore l’évolution et les dommages qu’a engendrés la crise financière mondiale. Pour ma part, je crois que cette crise nous a permis de prendre conscience de la fragilité d’un système (fi-

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Échos du bout du lac nancier) qui se voulait insubmersible. Hélas, les dégâts générés par une attitude archi-spéculative ont fini par avoir aussi des répercussions dans le monde de l’économie réelle. Et on n’a pas fini d’en mesurer les conséquences…

la mobilité, la sécurité ou encore les enjeux sociaux, les villes devront prendre à bras le corps ces questions pour pouvoir répondre à une demande toujours plus forte en terme d’occupation du sol. Pour moi, Genève, dans 20 ans, sera une ville importante sur la place tant européenne que mondiale.

> F. M. : Enfant de Genève, un grand nombre de Genevois s'accorde à vous prédire un avenir des plus brillants à Berne, au Conseil Fédéral. Dans 20 ans, vous n'aurez jamais que la cinquantaine ; comment voyezvous Genève ?

> F. M. : Quand j'ai lancé France Magazine, il y aura bientôt 8 ans, vous avez été l'un des premiers à noircir quelques pages de vos propos bien souvent pertinents au gré de l'actualité. Vous avez toujours eu des liens et une relation très privilégiée avec la France. Quelles en sont les raisons ? P. M. : Le canton de Genève a plus de 100 kilomètres de frontière avec la France, il est, dès lors, normal de s’y intéresser. Par ailleurs, je suis de ceux qui préfèrent regarder au-dessus des barrières de leur jardin afin de mieux connaître leur quartier et si possible de faire connaissance avec les voisins. Pour moi, la France est un partenaire dans cette région, avec lequel nous partageons de nombreux défis futurs. Je suis aussi curieux et je m’inspire fréquemment des expériences menées en France, que ce soit sur les thèmes de l’environnement ou de l’espace public. Il est inutile de vouloir réinventer la roue quand, à côté de chez nous, des municipalités ont fait d’excellents choix. Enfin, je suis binational, comme de nombreux Genevois. J’entretiens donc un attachement tout particulier avec ma seconde patrie… SERGE CYRIL VINET

P. M. : Pour répondre à votre première question, je me consacre pour le moment entièrement à ma cité car c’est ici que je suis élu et que je veux investir en retour pour la collectivité qui m’a vu grandir. Pour l’avenir, je crois vraiment que l’importance des villes va se développer. Je crois que nous avons un rôle primordial à jouer dans la croissance de notre pays. Les villes sont un concentré des enjeux futurs sur lesquels nous allons devoir travailler. Que ce soit l’urbanisme,

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Entretien avec…

Jean-Baptiste

Mattéi

Frédéric Basaguren, l’autre à Zürich, Monsieur Jean-Luc Fauré-Tournaire. Monsieur Mattéi, vous avez pris vos fonctions ici à Genève au cours de l’été 2007, succédant à Monsieur JeanMaurice Ripert, appelé au même poste à New York. Vous êtes le Représentant permanent de la France auprès de l’Office des Nations Unies à Genève. Pourriez-vous nous décrire les fonctions de la Représentation Permanente de la France auprès de l’ONU à Genève ? Jean-Baptiste Mattéi : Le rôle de la Mission diplomatique que je dirige est de représenter la France auprès des organisations internationales dont le siège est à Genève et d’y défendre les intérêts de notre pays. La Mission compte une douzaine d’agents diplomatiques, venus du Ministère des Affaires étrangères et d’autres départements ministériels, qui ont chacun un secteur de responsabilité. Genève est, au même titre que New York, un des pôles d’activité diplomatique les plus importants dans le monde. Elle abrite plus d’une vingtaine d’organisations internationales, dont certaines appartiennent au système des Nations Unies et dont d’autres ont leur spécificité, comme l’Organisation mondiale du Commerce ou l’Organisation internationale des Migrations. La Mission de la France est compétente pour toutes ces institutions, ainsi que pour le CERN, organisation européenne de recherche nucléaire bien connue des scientifiques.

ReprésentantpermanentdelaFranceauprèsdesNationsUniesàGenève > France Magazine : Genève, de par sa position stratégique, possède quelques singularités, notamment au niveau des institutions internationales qu’elle abrite. Tous nos compatriotes ont connaissance que notre pays est représenté, à Berne, par notre Ambassadeur de France, son Excellence Madame Joëlle Bourgois. Sous son égide, deux Consuls généraux de France administrent la communauté française séjournant en Suisse, l’un à Genève, Monsieur

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Nos principales priorités concernent les Droits de l’Homme, les affaires humanitaires et les migrations, la santé, les questions liées au développement et aux affaires économiques et commerciales, ainsi que les questions sociales. Alors que New York traite avant tout des dossiers politiques, Genève est en quelque sorte devenue la capitale de la mondialisation, où sont abordés les principaux enjeux de société. La France, à travers la Mission, y joue un rôle très actif, en particulier dans les organes directeurs des institutions internationales, pour définir et orienter leur politique. Plus de 3 500 Français travaillent


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Entretien avec… dans ces institutions. Nous devons également veiller à la place de la langue française, qui est plus satisfaisante que dans d’autres capitales internationales, mais qui doit constamment être défendue. > F. M. : Vous avez séjourné de longues années à Bruxelles, comme Conseiller à la Représentation de la France auprès de l'Union européenne, de 1991 à 1995, puis comme Représentant permanent adjoint de la France auprès de l'OTAN, de 2000 à 2004. Cela fait de vous un observateur avisé. Quelles sont les réflexions que vous suscite le retour de la France dans le Commandement intégré de l’OTAN depuis quelques mois ? Selon vous, quelles est la nature des avantages que la France serait en mesure de percevoir dans l’avenir ? J.-B. M. : Ce retour dans la structure militaire intégrée est l’aboutissement d’une longue évolution. Depuis plusieurs années, la France est un acteur de premier plan au Conseil de l’Atlantique Nord, au Comité militaire et dans la plupart des instances de décision de l’Alliance. Elle est l’un des principaux contributeurs aux opérations de l’OTAN, dans les Balkans et en Afghanistan. Plusieurs de ces opérations ont d’ailleurs été commandées par des généraux français. En reprenant sa place dans le commandement, la France pourra peser plus efficacement sur les décisions et y faire entendre sa voix, ainsi que celle de l’Europe. Le Président de la République a insisté sur le fait que ce retour devait s’accompagner d’une affirmation plus marquée de la défense européenne. Depuis la fin des années 90, bien des progrès ont été accomplis pour permettre à l’Europe d’avoir une capacité autonome d’action dans ce domaine. De nombreuses opérations ont été engagées par l’Union européenne, en Afrique comme dans les Balkans. Notre retour dans le commandement de l’OTAN facilitera la coopération entre les deux organisations et favorisera ainsi l’essor de la défense européenne. Le retour dans le commandement intégré ne signifie nullement un alignement systématique sur les positions américaines, ni la fin de la spécificité de notre diplomatie. Les

Nos principales priorités concernent les Droits de l’Homme, les affaires humanitaires et les migrations, la santé, les questions liées au développement et aux affaires économiques et commerciales, ainsi que les questions sociales.

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décisions dans l’Alliance se prennent à l’unanimité et la France, comme elle l’a fait au moment de la guerre en Irak, fera entendre sa voix en toute indépendance. > F. M. : Votre passage comme Directeur de Cabinet de la Ministre déléguée aux Affaires européennes, Claudie Haigneré, de 2004 à 2005, puis comme Directeur de la Communication et de l'Information, Porte-parole du Ministère des Affaires étrangères, de 2005 à 2007, vous autorise à émettre un avis quant aux dernières échéances européennes qui viennent de se dérouler le 7 juin dernier. L’abstention constatée dans la plupart des 27 pays concernés, a oscillé entre 50 et 60 %. Que peut-on avancer comme raisons et quelles en sont les causes ? J.-B. M. : L’abstention aux élections européennes n’est pas un phénomène nouveau. Elle est cependant très préoccupante, dans la mesure où elle concerne la plupart des pays européens, les nouveaux comme les anciens Etats membres. Elle est d’autant plus dommageable que le Parlement européen joue un rôle croissant, dans le domaine législatif comme dans le domaine budgétaire. Les raisons de cette abstention sont connues. Elles ne sont pas liées à un désintérêt pour l’Europe, mais davantage au mode de scrutin, qui ne permet pas aux électeurs de connaître et d’identifier leurs représentants au Parlement européen, comme c’est le cas par exemple pour les élections locales. Il faut donc continuer à faire œuvre de pédagogie sur les questions européennes et renforcer le lien entre les parlementaires européens, les parlementaires nationaux et le peuple français. > F. M. : Ici ou là, bien des turbulences agitent différentes contrées du monde. Actuellement, il en est une qui focalise le regard du monde entier, et notamment, celui de toutes les démocraties occidentales. Plus de trente années après la chute du Shah d’Iran, le couvercle de l’obscurantisme semble vouloir se soulever. La jeunesse, qui pour la plupart, n’a pas >> connu autre chose, réclame haut et


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Entretien avec… >>

fort des accents de liberté. Dernièrement, à Genève, devant les propos haineux déclamés par son représentant, vous avez dû quitter la conférence. Pouvez-vous nous apporter quelques précisions ? J.-B. M. : La conférence à laquelle le Président Ahmadinejad était venu participer à Genève portait sur la question de la lutte contre le racisme. Il était inacceptable qu’il utilise cette tribune pour tenir, à l’égard d’Israël, des propos racistes et antisémites, dont il est malheureusement coutumier. Avec les autres ambassadeurs de l’Union européenne, j’ai donc décidé de quitter la salle pour marquer notre désapprobation et notre refus de tels propos. Ce qui s’est passé depuis en Iran, en particulier lors des élections présidentielles, confirme malheureusement nos appréhensions sur la nature du régime et son évolution. L’Iran est un grand pays que nous respectons. Mais pour tenir sa place dans la communauté internationale, il doit renoncer à s’engager dans la voie d’un programme nucléaire militaire et à entretenir un climat de haine à l’égard d’Israël. > F. M. : Ce lundi 15 juin, avant de s’envoler vers Libreville pour la célébration des obsèques du Président de la République du Gabon, Monsieur Omar Bongo : Monsieur Nicolas Sarkozy s’est arrêté au Palais des Nations Unies à Genève pour la Conférence auprès du BIT (Bureau International du Travail). Accompagné de plusieurs ministres, notamment celui des Affaires étrangères, Monsieur Bernard Kouchner, du Secrétaire d’Etat chargé de la Coopération et de la Francophonie, Monsieur Alain Joyandet et de Monsieur Philippe Seguin, Président de la Cour des Comptes et ancien Président du BIT. Le Président de la République française a martelé à la Tribune « Que ceux qui pensent qu’une fois la crise résorbée, cela redeviendra comme avant, se trompent ! » Raisonnablement, peu de gens peuvent prédire la date de la fin de la crise. Auriez-vous quelques pistes pour tenter de l’enrayer et quelles sont les suggestions que vous

Il était inacceptable qu’Ahmadinejad utilise cette tribune pour tenir, à l’égard d’Israël, des propos racistes et antisémites, dont il est malheureusement coutumier. J’ai donc décidé de quitter la salle pour marquer notre désapprobation et notre refus de tels propos.

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émettriez pour tenter de rebondir dans un monde nouveau ? (Là, je m’adresse à l’ancien diplômé d’HEC). J.-B. M. : Comme l’a dit le Président de la République à la tribune de l’Organisation internationale du travail, le 15 juin, le monde sortira profondément transformé de la crise actuelle. La France, en particulier lors de sa présidence de l’Union européenne, a été à la pointe du combat pour que la communauté internationale apporte une réponse collective aux défis de la crise. C’est à son initiative que le G20 a été réuni et qu’il a permis de jeter les bases d’une refondation du système économique et financier international. En venant à Genève devant l’OIT, qui est une organisation tripartite rassemblant les Etats, les employeurs et les travailleurs, le Président a voulu insister sur la dimension sociale de la mondialisation et de la sortie de crise. Il ne peut y avoir de progrès économique sans progrès social. Toutes les organisations, en particulier les institutions financières internationales et l’OMC, doivent prendre en compte dans leur action les normes sociales et environnementales. Il ne faut pas répéter les erreurs du passé. SERGE CYRIL VINET


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À l’écoute de…

Joëlle

Bourgois

AmbassadeurdeFranceàBerne > Pierre Oliviéro : Votre réputation de lycéenne de Thaon-les-Vosges, ayant raflé tous les prix d’excellence mais demeurant modeste et charmante, vous a-t-elle conduit naturellement vers la diplomatie ?

guerres mondiales. L’idée de la diplomatie est venue plus tard, comme le moyen d’accéder à une expérience et à une compréhension plus vaste des relations entre les pays et les peuples.

Joëlle Bourgois : Si tous les chemins mènent à Rome, Thaon-les-Vosges n’est pas l’itinéraire le plus direct pour la diplomatie ! Mais il est vrai que vivre à l’écart du monde m’a donné envie d’élargir mon horizon et de comprendre, par exemple, comment les parages de mon enfance avaient pu se trouver successivement dévastés par deux

> P. O. : Pour bien des gens, un Ambassadeur est une personne jouissant de privilèges, dont le poste est dû à des relations, dont la vie courante est fastueuse et sans problème. Que pensez-vous d’une telle opinion ? J. B. : Les apparences sont trompeuses.

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À l’écoute de… J’aimerais inviter vos lecteurs à pénétrer dans les coulisses pour mieux juger du théâtre ! Les concours d’entrée et de sortie à l’ENA m’ont donné la possibilité de pénétrer dans le “sérail”, mais c’était tout sauf une partie de plaisir. Devenir ambassadeur en Afrique du Sud après vingt ans de carrière diplomatique et le rester ensuite d’un poste à l’autre pendant dix-huit ans n’est pas le fait de relations, mais le résultat du professionalisme. Quant au faste, il se limite à l’octroi d’une résidence dotée de personnel et d’une voiture de fonction. Ces facilités n’ont rien d’un apanage. Elles sont un outil de travail destiné à projeter l’image de la France à l’étranger et à faciliter l’entrée de son représentant dans l’univers des décideurs du pays de résidence. L’ambassadeur est tenu de les utiliser à bon escient et d’en rendre compte, sachant qu’elles peuvent lui être retirées à tout moment. Pour mener une vie sans problèmes, selon l’opinion que vous rapportez, il y a mieux que d’être un perpétuel nomade, de transformer périodiquement ses habitudes et celles de sa famille, de gérer des situations parfois critiques (tremblement de terre au Mexique, abolition périlleuse de l’apartheid en Afrique du Sud), toujours complexes (décodage des modes de décision d’un pays ou d’une négociation internationale, gestion d’une équipe coupée de ses bases et protection, si de besoin, de la communauté française)... Je pourrais continuer longtemps. Dans tous les cas et quoi qu’il arrive, l’apprentissage est constant, l’enrichissement de la personnalité intense, les découvertes multiples. Servir son pays le mieux possible est un beau métier. > P. O. : La femme a-t-elle, à votre avis, une place et un rôle essentiel dans la politique étrangère ? (Il est vrai que la première “Ambassadrice”, Madame de Guébriant, a été nommée par Louis XIV en 1645 auprès du Roi de Pologne) J. B. : Je préfèrerais parler de qualités féminines et masculines plutôt que d’hommes et de femmes. Certains, hommes ou femmes, possèdent un dosage de ces qualités qui les rendent plus aptes que d’autres au métier diplomatique. A partir de là, l’époque, la société, le destin jouent leur rôle. Paradoxalement, il était

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peut-être plus aisé pour une femme issue de l’aristocratie sous l’ancien régime d’exercer certaines missions que pour une femme d’aujourdhui, laquelle doit concilier son métier avec ses obligations domestiques et familiales. > P. O. : Pour nouer des liens étroits avec le pays d’accueil, quelles sont, à votre avis, les qualités requises et fondamentales d’une Ambassadrice ? J. B. : La curiosité. L’absence de préjugés. La compréhension. C’est sur ce socle que se construit le réseau de relations professionnelles et personnelles que le téléphone, l’internet, les voyages demeurent impuissants à établir dans la continuité. > P. O. : L’Ambassadrice est-elle écoutée lorsqu’elle demande des réformes, des changements de personnel, dans le but d’atteindre des objectifs préalablement fixés ? J. B. : L’écoute est variable. Elle dépend de nombreux paramètres : l’importance attachée à un pays, à un moment donné, la crédibilité du chef de poste, les ressources humaines et matérielles, les relations à Paris, etc. > P. O. : Quelles activités souhaiteriezvous avoir lorsque vous quitterez Berne, et dans quel lieu de résidence ? J. B. : J’ai des projets. Et je ferai en sorte de préserver le lien qui m’attache à Berne et à la Suisse.

po.pegase@bluewin.ch

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Pierre Oliviéro CONSEILLER ÉLU À L'AFE


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Immobilier suisse DURANT LE DEUXIÈME SEMESTRE DE 2008, LES BULLES IMMOBILIÈRES QUI S'ÉTAIENT FORMÉES CES DERNIÈRES ANNÉES, NOTAMMENT AUX USA, EN GRANDE-BRETAGNE ET EN ESPAGNE, ONT FINALEMENT ÉCLATÉ. CE PHÉNOMÈNE A ENTRAÎNÉ DANS CES PAYS DES KRACHS IMMOBILIERS DONT LES EFFETS SE SONT FAIT SENTIR DANS TOUS LES SECTEURS DE L'ÉCONOMIE. CES EFFETS SONT D’AILLEURS ENCORE D’ACTUALITÉ.

bilier suisse de 1990 semble avoir été retenue et avoir porté ses fruits. Comme indice de l'absence d'une bulle immobilière en Suisse, le Crédit Suisse met en évidence que, depuis 1990, les revenus des ménages ont augmenté plus rapidement que le prix des logements (+ 30 % pour les ménages, + 25 % pour les appartements et + 17,5 % pour les maisons individuelles), et cela mal-

patrick.blaser@borel-barbey.ch

L’immobiliersuisse resteenbonnesanté

Qu’en est-il en Suisse ? Une étude récente du Crédit Suisse a fait un examen détaillé et analytique du marché immobilier suisse (www.credit-suisse.com/immobilienstudie). Ses conclusions sont plutôt rassurantes. Selon l'étude du Crédit Suisse le marché immobilier suisse semble en effet devoir bien résister malgré la chute des marchés financiers et la morosité économique internationale. La politique prudente des banques suisses en matière de crédits immobiliers n'est très vraisemblablement pas étrangère à ce constat (voir l'article consacré à ce sujet dans le présent numéro dans la rubrique « droit bancaire suisse »). Mais, et l'analyse du Credit Suisse le démontre, le marché immobilier suisse repose aussi sur des bases saines qui lui assurent une certaine stabilité même en période de crise. Ainsi pour 2009, et cela se confirme déjà, le Crédit Suisse ne s'attend pas à une chute drastique des prix. Tout au plus le Crédit Suisse envisage-t-il une stagnation des prix de l'immobilier voire, pour certaines catégories de biens immobiliers, un léger fléchissement.

Patrick Blaser

Pas de bulle immobilière en Suisse Dans le domaine bien spécifique des biens immobiliers d'habitation (appartements et villas individuelles), le

Crédit Suisse ne redoute pas l'éclatement d'une bulle immobilière. Certes, il ressort de l'étude du Credit Suisse que les prix de l'immobilier suisse, en évolution nominale, n'ont cessé d'augmenter depuis 2000, après 10 ans de baisse, pour remonter finalement aux niveaux qu'ils avaient en 1989-1990, soit juste avant le krach de 1990. Toutefois, une telle hausse est largement plus modérée si l'on s'en tient à l'évolution réelle des prix, et non à leur évolution nominale. Dans ce cas, on constate certes une hausse depuis le creux de l'année 2000. Par contre, cette hausse n'atteint pas les sommets, en valeur réelle, des prix des années 19891990. Pour 2009, le Crédit Suisse table toutefois sur un fléchissement de la croissance des prix en matière de logement. Cela pour deux raisons : > l'essoufflement de la demande > la mise sur le marché de nouveaux logements locatifs. Par ailleurs, et surtout, l'évolution du marché immobilier suisse n'a pas été comparable à celle apparue aux Etats-Unis, en Espagne ou en Angleterre. Dans ces pays, les acteurs du marché immobilier ont manifestement voulu jouer avec les feux de la spéculation et s'y sont brûlés. La Suisse n'avait pas fait mieux dans les années 1980. Par contre, la leçon du krach immo-

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gré la hausse importante des prix de l'immobilier de ces dernières années (en fait depuis 2003). Tout le monde n'est pas logé à la même enseigne Ce qui précède vaut pour la moyenne statistique globale suisse. Par contre, le Crédit Suisse a affiné son analyse pour constater qu'entre les différentes régions de Suisse les écarts pouvaient être importants. Ainsi, dans certaines régions de Suisse, la hausse du prix des logements est largement supérieure à celle des revenus du ménage. Tel est le cas, mais ce n'est pas une surprise, de Zürich, de Genève (qui détient la palme !), de l'arc lémanique et du Bas-Valais. A cela s'ajoute que le même phénomène se vérifie pour les appartements de vacances dans les régions à fort attrait touristique dans les cantons du Valais, du Tessin et des Grisons. Dans ces régions le Crédit Suisse ne s'attend pas à un effondrement des prix mais, très probablement, à un net fléchissement de ces prix, notamment pour les appartements de vacances. Les spécificités helvétiques Le Crédit Suisse a radiographié le marché immobilier suisse des logements. Résultat : ce marché a manifestement encore de beaux jours devant lui. Cela est d'abord dû à une forte demande issue de l'immigration qui


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Immobilier suisse

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L’analyse du Credit Suisse le démontre, le marché immobilier suisse repose aussi sur des bases saines qui lui assurent une certaine stabilité même en période de crise.

n'a cessé d'augmenter jusqu'en 2008. Ce phénomène s'explique par le fait que les barrières administratives et juridiques se sont largement abaissées depuis l'entrée en vigueur des accords sur la libre circulation conclus avec l'Union européenne. En ont profité, notamment, des travailleurs qualifiés en provenance d'Allemagne et de France que la fiscalité confiscatoire et le pessimisme conjoncturel ont poussé à franchir le Rhin ou la chaîne du Jura. Cette immigration se ressent essentiellement à Zürich, sur les bords de la Limmat et dans l'arc lémanique de Genève à Montreux. Les voyages formant la jeunesse, même en Suisse, ce sont principalement les moins de trente ans qui ont fait le saut avec dans leur sac à dos un diplôme universitaire tout

frais. D'abord locataires, ces gens rêvent de devenir propriétaires (ce qui est la règle dans leur pays d'origine et… l'exception en Helvétie). Autre tendance : les ménages suisses ont tendance à se rétrécir puisque, selon les statistiques (il n'y a qu'elles pour couper les personnes en quatre), un ménage en Suisse comprenait 2,23 personnes en 2005 alors que ce chiffre, selon la boule de cristal du Crédit Suisse, va baisser à 2,02 en 2030. Vont profiter de la demande de logements les zones rurales à forte disponibilité en terrains à bâtir (comme Fribourg) et avantageuses sur le plan fiscal (comme, ce qui n'est un secret pour personne, Zoug, Nidwald et Schwyz). Terrains en manque Mais là où le bât peut blesser, ce n'est pas la quadrature du cercle (dont l'immobilier n'a que faire), mais la raréfaction des terrains à bâtir disponibles. Et là ça craint. Mais c'est sans compter sur l'optimisme du Crédit Suisse qui table sur une réserve de terrains à bâtir pouvant accueillir plus d'un million d'habitants, soit l'équivalent de 34 320 terrains de… football (sponsoring de l'équipe suisse de football oblige !). La palme de la disponibilité est attribuée au canton du Valais, alors que, comme on peut aisément se l'imaginer, les réserves sont prati-

“Immobilier suisse” déjà parus • Investir en Suisse : Je vends si je veux, France Magazine n° 18 • Le forfait fiscal suisse : entre mythes et réalités, France Magazine n° 16 • Investir en Suisse : l’hypothèque légale des entrepreneurs, France Magazine n° 15 • Investir en Suisse : le prix du courtage, RFE Magazine n° 14 • Arbitrage des litiges immobiliers transfrontaliers : le Tribunal arbitral de l’économie immobilière suisse, RFE Magazine n° 12 • Ventes d’immeubles en Suisse : nouvelles ouvertures en faveur des étrangers, RFE Magazine n° 10 • Investissement immobilier titrisé : les fonds de placement immobiliers suisses ont la cote, RFE Magazine n° 8 • L’Accord bilatéral sur la libre circulation des personnes : la Suisse encore plus européenne dès le 1er juin 2004, RFE Magazine n° 6

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quement épuisées au sein des conurbations (sic ! Faites comme moi, regardez dans le dictionnaire !). En ce qui concerne le mode d'habitation, la demande de maisons individuelles est actuellement à son plus bas niveau, alors que celle d'immeubles d'habitation a la cote (12 000 demandes pour les premières contre près de 40 000 demandes pour les seconds). Taux de vacance : proche de 0 % En tout état, au niveau de la demande, le marché immobilier suisse reste tendu. En effet, la moyenne nationale du taux de vacance au 1er juin 2008 est inférieure à 1 % (0,97 % pour les amoureux de la précision helvétique). En cause : la forte demande de logements, due à la vague migratoire, que l'activité de construction ne compense pas. Dans ce cadre, il y a une certaine disparité au niveau des régions. Ce sont surtout les agglomérations de Zürich et Genève, ainsi que la région lémanique dans son ensemble, qui souffrent de très faibles taux de vacance. Perspectives 2009 pour le marché du logement Le Crédit Suisse table pour 2009 sur une diminution de la demande en surfaces habitables par rapport à 2008 due à la récession conjoncturelle. Ce sont les logements locatifs qui devraient ressentir le plus fortement la diminution de l'immigration. Par contre, les appartements en propriété continueront à profiter des taux hypothécaires bas et de la sécurité des placements immobiliers. Le Crédit Suisse escompte une évolution latérale des prix pour les logements en propriété (ni hausse, ni baisse) sauf dans certaines régions où une légère dépréciation des prix n'est pas exclue. Alors, rendez-vous à la fin de l'année 2009 pour refaire le point de la situation.


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Droit bancaire suisse

Crédits immobiliers

prudence banquessuisses UN BEAU JOUR DE L’ÉTÉ 2008, LE MONDE S’EST RÉVEILLÉ AVEC UNE SACRÉE GUEULE DE BOIS. EN EFFET UN VÉRITABLE TSUNAMI, SOUS FORME DE KRACH IMMOBILIER, A LITTÉRALEMENT FAIT SAUTER LES ETATS-UNIS; SON SYSTÈME FINANCIER D’ABORD, SON ÉCONOMIE ENSUITE. ET, IMMANQUABLEMENT, SON ONDE DE CHOC S’EST RÉPERCUTÉE SUR LE PLAN MONDIAL SUR LES AUTRES PLACES FINANCIÈRES, ENTRAÎNANT UNE CRISE IMMOBILIÈRE AIGÜE NOTAMMENT EN ANGLETERRE ET EN ESPAGNE.

t tout ça trouve son origine dans ce que l’on appelle la crise des “subprimes” dont peu de monde peut se targuer d’en avoir compris les tenants et aboutissants. Et pour cause ; il s’agit de montages financiers immobiliers extrêmement sophistiqués qui se sont finalement avérés n’être que de la poudre aux yeux. Bref, le monde est rapidement passé d’un état d’ébriété avancé à un coma éthylique prononcé. C’est d’ailleurs le sempiternel problème de l’ivrogne qui ignore qu’il l’est et qui ne sait pas s’arrêter à temps. Et par le fait de quelques ivrognes, c’est le monde entier qui n’a pas fini de dessoûler.

E

L’Association suisse des banquiers monte au front Dans ce contexte, les banques suisses ont gardé la tête froide. Conséquence : le marché immobilier suisse a jusqu’à présent bien résisté au choc. Il faut dire que les banques suisses ont largement su tirer les leçons de la crise immobilière subie dans les années 90. Après la crise immobilière des années 90,

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les banques suisses avaient pris conscience que des crédits garantis par un gage immobilier avaient été accordés sans que les banques ne disposent d’une organisation appropriée ainsi que d’une documentation suffisante concernant la solvabilité du débiteur et l’estimation du gage immobilier. Il était par conséquent urgent de pallier ces défaillances. L’Association suisse des banquiers a, dès lors, émis une première directive, entrée en vigueur le 1er janvier 1994, sur la conclusion et l’estimation des crédits garantis par un gage immobilier. Cette directive comprend les exigences minimales que les banques suisses sont appelées à respecter et à intégrer dans leur réglementation interne. Les résultats s’étant avérés probants, l’Association suisse des banquiers a élaboré une seconde directive, applicable depuis le 1er janvier 2004, concernant l’examen, l’évaluation et le traitement des crédits garantis par gage immobilier. Cette nouvelle directive recommande expressément à ses membres d’intégrer ses principes dans leurs instructions internes. Mieux : cette directive érige ses principes en règles de comportement. Encore mieux : la directive prévoit expressément que son application doit être vérifiée par les organes de révision institués par la loi fédérale sur les banques. La Chambre fiduciaire suisse n’est pas en reste. En effet, elle a également élaboré une directive concernant l’examen du risque de défaillance de crédits immobiliers dans les banques, entrée en vigueur de 1er


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Droit bancaire suisse janvier 2004. Aujourd’hui, personne ne peste plus contre ces directives un brin tatillonnes. La palette des risques Le maître-mot de ces directives est d’assurer que les gages immobiliers soient évalués correctement d’un point de vue économique, de façon prudente et contrôlable (ce qui est très helvétique !). Première tâche : identifier les risques de défaillance. Ces risques peuvent se réaliser à trois niveaux : 1 > le risque de solvabilité inhérent au débiteur qui n’est pas ou plus en mesure de s’acquitter de sa dette 2 > le risque d’insuffisance du gage lorsqu’il s’avère que le produit de la réalisation du gage ne couvre pas ou plus le montant de la dette 3 > le risque opérationnel lié à la transaction

dans le cadre de laquelle le gage a été constitué. La décision de la banque d’octroyer, ou non, un crédit immobilier dépend par conséquent avant tout de son examen relatif à la qualité du débiteur et de son évaluation quant à la valeur du gage immobilier. Les examens pour pallier les risques Le premier examen portera sur la solvabilité du débiteur non seulement au moment de l’octroi du crédit mais également pendant toute la durée de ce crédit. C’est la situation financière globale du débiteur qui doit être prise en compte, d’autant plus lorsque ce débiteur a d’autres engagements de crédits. C’est sur la base de cet examen que la banque fixera en particulier le taux hypothécaire et le

taux d’amortissement ainsi que les limites maximales du rapport entre le revenu et les charges. La banque définira également à quels intervalles elle procédera à un réexamen de la capacité financière du débiteur. Dans les situations de “non-performing loan” (créance en souffrance) et de “impaired loan” (créance compromise), la banque doit procéder à un réexamen de la réputation de solvabilité du débiteur et de sa capacité d’assumer la charge du crédit. Des précautions supplémentaires sont à prendre lorsque le débiteur envisage de changer de banque. En deuxième lieu, la banque doit procéder à une estimation du gage immobilier qui tienne compte des caractéristiques, ainsi que de l’utili s a t i on

économique actuelle et future, de l’immeuble. L’estimation doit se fonder prioritairement sur la valeur de marché. Concernant plus précisément les immeubles locatifs, c’est en principe le revenu locatif net réalisable sur le marché qui devra déterminer la valeur d’estimation. En règle générale, la valeur vénale d’un immeuble, notamment industriel et commercial, correspond à sa valeur de rendement réalisable sur le marché. La plausibilité de cette dernière doit ensuite être vérifiée à partir de sa valeur réelle ou de son prix d’achat, en tenant compte de façon appropriée des coûts d’assainissement ou de manque d’entretien. Les terrains à bâtir doivent aussi être estimés sur la base des conditions actuelles du marché tout en tenant compte de l’affectation future du terrain et des conditions spécifiques internes et externes (prescriptions administratives, modi-

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Droit bancaire suisse >> fications de zones, nuisances, pollution, etc.).

Il convient de déroger à ces principes dans les cas où les gages immobiliers s’avèrent finalement devoir garantir des créances compromises (impaired loans) ou des créances en souffrance (non-performing loans). Dans ce cas, les directives prônent de recourir à la valeur de liquidation actuelle compte tenu du risque de devoir vendre sous la pression du temps ou lors d’une réalisation forcée.

De la méthode ! Il appartient à chaque établissement bancaire d’établir une méthode de détermination des taux de capitalisation minimaux, différenciée selon les types d’objets, qui doivent pouvoir être adaptés aux nouvelles conditions économiques. Il appartient également à la banque de fixer par écrit les méthodes d’estimation de la valeur de marché et de la valeur de gage pour les différents types d’objets. Dans ce cadre, la banque doit définir pour chaque type d’objet et par écrit la quote-part de mise en gage admise en différenciant la quotepart maximale en fonction de la nature et de l’affectation de l’immeuble et en tenant compte de sa propre capacité d’assumer le risque. Pour l’application de la quote-part de mise en gage, la banque doit prendre en considération les caractéristiques du gage (telles qu’affectation, possibilité de réalisation et de mise en valeur) ainsi que le profil du débiteur. La banque doit encore tenir compte de manière appropriée des droits de gage de rang prioritaire, ou de même rang, et des créances d’intérêts qui en découlent. Surveillance des crédits Enfin, et c’est essentiel sous l’angle de la gestion des risques, la banque doit fixer les procédures, et les principes, relatifs : • à la surveillance des positions de crédit garanties par gage immobilier • à la fréquence de l’examen périodique de la qualité du gage et du débiteur • à la mise à jour de la documentation • aux dérogations à la politique de crédit et aux instructions (“exceptions to policy”) • aux méthodes en vue de l’élaboration d’analyses des risques spécifiques • à l’identification, au traitement et à la surveillance des créances en souffrance (“non-performing loans”) et des créances compromises (“impaired loans”) • aux délais à l’échéance desquels il convient de procéder à une nouvelle estimation des immeubles gagés.

Concernant les crédits de construction, la banque doit plus particulièrement surveiller l’apport des fonds propres ainsi que l’utilisation du crédit en fonction de l’avancement des travaux. Vérification de la surveillance Sur un plan général, les procédures et le respect des principes seront vérifiés régulièrement (“review”) par des personnes non impliquées dans l’acquisition. Enfin, la directive de l’Association suisse des banquiers préconise que tous les résultats des examens de la qualité du débiteur et des estimations des gages immobiliers, effectués de façon périodique, soient dûment consignés par écrit. Cette documentation doit, notamment, permettre aux organes de révision d’apprécier correctement les activités, la prise de décision et la surveillance des crédits. Dans les cas de crédits consortiaux et de sousparticipations, chaque banque est astreinte à évaluer le crédit de façon indépendante et d’exercer sa propre surveillance. En cette période de crise, les directives de l’Association suisse des banquiers et de la Chambre fiduciaire suisse semblent avoir atteint leur objectif puisque le marché immobilier suisse fait front, sans trop faiblir, face à la sinistrose ambiante. Voilà qui peut être rassurant pour les investisseurs suisses et… étrangers ! PATRICK BLASER AVOCAT ASSOCIÉ, ETUDE BOREL & BARBEY, GENÈVE

Droit bancaire suisse déjà parus • Le secret bancaire suisse n’est pas négociable, France Magazine n° 21 • La banque suisse à l’épreuve du MiFiD, France Magazine n° 20 • Le droit des héritiers aux renseignements bancaires, France Magazine n° 19 • Le devoir d’information de la banque en matière de conseil en placements, France Magazine N° 17 • Blanchiment d’argent : une répression en évolution, RFE Magazine n° 13 • Secret bancaire suisse : du mythe à la réalité, RFE Magazine n° 5 • Banques suisses, les nouvelles exigences de diligence contre le blanchiment de capitaux, RFE Magazine n° 4

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À propos de Romandie

Frédéric

Basaguren Consul général de France à Genève > France Magazine : Après Mexico en 1977, votre premier poste, vous atterrissez sur le continent africain avec votre arrivée à Bangui, en pleine Afrique Centrale. Puis c'est vers Kuala Lampur que vous passez quelques années. Entrecoupé de séjours au Quai d'Orsay, votre cursus vous projette à Turin vers le sanctuaire de Giovanni Agnelli. 2003 vous retrouve comme Ambassadeur de France à Tégucigalpa, capitale du Honduras (de l'espagnol hondura - profonde - nom que donna Christophe Colomb en la découvrant). Là, vous laissez libre cours à la langue espagnole que vous affectionnez depuis votre enfance à Saint-Jean de Luz. Depuis septembre 2007, vous officiez à Genève comme Consul Général de France, dans le plus important Consulat de France au monde. Au gré des postes qui ont jalonné votre carrière, vous avez pu apprécier, à leurs

justes valeurs, les différences sévissant dans le monde. Monsieur le Consul Général, comment situez-vous Genève ? Frédéric Basaguren : Le Consulat général de France à Genève est, en effet, un des tout premiers postes de notre réseau consulaire à l'étranger. Disposant d'une circonscription qui s'étend sur les 6 cantons romands (Genève, Vaud, Neuchâtel, Valais, Fribourg et Jura), il est chargé de l'administration et de la protection des intérêts de la plus importante communauté française à l’étranger. La Suisse est, en effet, le premier pays d’accueil de nos compatriotes établis hors de France et, à ce jour, près de 120 000 Français (dont environ 60 % de binationaux) sont inscrits au Consulat général à Genève. Par ailleurs, les cantons romands sont, à l’exception de celui de Fribourg, limitrophes de notre pays. C’est dire combien les relations sont anciennes, étroites et fécondes entre ces territoires, leurs habitants et leurs partenaires français. Genève est, à cet égard, tout à fait

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unique et exemplaire. Intimement liée à la France par l’histoire et la géographie, elle l’est également aujourd’hui du point de vue économique. Le canton accueillait, en 2007, 184 filiales d’entreprises françaises. Avec un ratio de 2 emplois pour 3 habitants, il bénéficie d’un flux très important de travailleurs frontaliers français (plus de 52 000). Premier canton de destination pour les exportations françaises, il est le deuxième canton fournisseur de la France. Sur le plan culturel, Genève, ville de taille moyenne, présente une offre tout à fait remarquable, comparable à celles de grandes capitales européennes. > F. M. : Nous avons, chaque année, des réunions concernant les C.C.P.A.S. (Comités Consulaires Pour l'Action Sociale). A chaque séance, nous sommes confrontés aux mêmes dilemmes. Peu de demandes d'entr'aide nous parviennent. Les élus de l'Assemblée des Français de l'Etranger, élus de


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À propos de Romandie proximité que nous sommes, nous savons bien qu'il existe en Suisse des cas nécessiteux chez nos compatriotes. Nous nous heurtons à deux dilemmes. > 1. Les cas nécessiteux ne tiennent pas forcément à faire état de leur situation précaire. Parfois, fort heureusement, celle-ci n'est que passagère, due essentiellement à des traumatismes conjugaux ou perte d'emploi. Malheureusement, ce qui est beaucoup plus inquiétant, certaines personnes âgées n'ont aucun espoir de voir poindre une quelconque amélioration. Il est vrai que là, l'association privée, présidée par Monsieur Jean-Claude Hentsch "Aide Française aux Aînés" prend alors toute sa dimension. > 2. Bien évidemment, la décence ne nous autorise pas à déclamer les difficultés de nos compatriotes par voies publicitaires, mais comment leur faire savoir, dans le besoin, ne fût-ce que momentanément, les C.C.P.A.S. peuvent leur venir en aide, sous certaines conditions ? L'Action Sociale n'est pas un vain mot. F. B. : Compte tenu du niveau de vie que connaît ce pays et de son système de protection sociale très développé, les cas dont ce consulat a à connaître sont, en général, liés à des situations temporaires. En effet, des conventions conclues entre la France et la Suisse (en particulier, “Assistance aux indigents”, sécurité sociale) permettent généralement à nos compatriotes qui résident sur le territoire de la Confédération de bénéficier de la plupart des aides cantonales. Par ailleurs, de nombreuses associations françaises actives sur le territoire de la circonscription consulaire (plus de 70) servent de relais et constituent un réseau de

soutien non négligeable. Parmi celles-ci, celle que vous citez, ainsi que les Sociétés françaises de bienfaisance de Lausanne ou de Neuchâtel, mènent une action à l’égard de nos compatriotes les plus démunis qu’il convient de saluer et d’encourager. Le Consulat dispose, enfin, de quelques moyens – certes limités - pour apporter un secours occasionnel lorsque la demande le justifie. > F. M. : Cette année, vous avez décidé que notre 14 Juillet National en Suisse, ou plus exactement intra-muros à votre circonscription, se déroulerait à la Fondation Giannada à Martigny. Celle-ci, francophone et francophile depuis toujours, nous a régalé d'un fabuleux feu d'artifice. Pouvez-vous nous faire part de votre sentiment au regard de cette manifestation et avezvous déjà une idée du lieu dans lequel notre fête nationale se déroulera l'année prochaine ? F. B. : La célébration de notre Fête Nationale donne traditionnellement lieu à une réception offerte par le Consul général. C’est l’occasion de partager un moment de convivialité entre Suisses et Français, en se referant à nos valeurs communes. Compte tenu du nombre de nos compatriotes présents en Suisse romande, il n’est pas possible de tous les associer à cette commémoration. C’est pourquoi, il m’est apparu opportun d’organiser, de temps en temps, cette réception ailleurs qu’à Genève, comme l’ont également fait mes prédécesseurs. En 2007, elle a eu lieu à Lausanne et cette année, à Martigny, en Valais, dans le cadre prestigieux de la Fondation Gianadda et grâce à la remarquable générosité de son président, M. Léonard Gianadda, que je tiens une nouvelle fois à remercier. Pour la prochaine édition, plusieurs lieux pourraient être envisagés, en revenant cette fois-ci dans le canton de Genève qui est, je le rappelle, le

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siège du Consulat général mais aussi le foyer d’établissement d’une des deux plus nombreuses communautés françaises de Suisse (avec celle établie dans le canton de Vaud), en augmentation régulière depuis plus de 10 ans. > F. M. : Est- ce que nos compatriotes habitants la Suisse et qui, pour beaucoup, sont double nationaux, vous ont confié les désagrément occasionnés par une crise touchant toutes les couches de la population ? Pouvez-vous porter à notre connaissance des chiffres officiels de celles et ceux ayant perdu récemment leur emploi ? F. B. : Bien évidemment, la crise que connaît actuellement l’économie mondiale touche également la Suisse. Elle affecte donc aussi bien les Français établis en Suisse que les nationaux et les travailleurs frontaliers. Nos compatriotes, dont plus de la moitié ont entre 26 et 60 ans, exercent leur activité dans tous les secteurs de l’économie romande. Toutefois, les Français, notamment les travailleurs frontaliers, sont particulièrement présents dans l’horlogerie, l’informatique, le commerce de détail, l’hôtellerie et la restauration ainsi que dans le secteur hospitalier. Certains de ces secteurs sont plus sensibles que d’autres aux difficultés actuelles. Il convient, toutefois, de relever que, pour l’instant, la région lémanique semble mieux résister à la récession. En effet, l’augmentation du taux de chômage n’est pas uniforme dans les différents cantons romands : Vaud, Genève et le Valais enregistrent une progression moindre, même si le taux de chômage genevois reste le plus élevé de la Confédération. Par ailleurs, on constate que les créations d’emplois ne se sont pas totalement taries, ce qui confirme que ces territoires disposent d’atouts significatifs lorsque s’amorcera la sortie de crise. SERGE CYRIL VINET


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Carte blanche TIBÉTAINS ET OUÏGOURS

La

es adorateurs du Dalaï Lama qui défilaient dans les rues, il y a un an, pour manifester leur soutien au peuple tibétain, opprimé par la Chine communiste, n'ont pas fait preuve d'un semblable esprit de solidarité à l'égard des Ouïgours, lors des émeutes de cet été dans le Xinjiang. A quelques rares exceptions près, ces musulmans turcophones des confins de l'empire chinois ont été abandonnés à leur sort par les militants des droits de l'homme. Sans doute leur a-t-il manqué cette dimension exotique qu'ont les Tibétains avec leurs moulins à prières. Les Ouïgours, qui se prosternent devant leur dieu pour lui adresser leur prière sontils trop proches de notre culture judéochrétienne pour nous intéresser ? On pourrait le penser.

michel.tondre@laposte.net

L Chine est-elle un empire éclaté ?

Jacques-Michel Tondre

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Le plus drôle, c'est qu'à la tête des manifestations de soutien au Tibet, on trouvait les maoïstes de mai 1968 et leurs héritiers ! Lesquels, si prompts à se porter à la défense des Palestiniens, n'ont pas levé le petit doigt pour les Ouïgours. Ne nous y trompons pas, il ne s'agissait pas tant pour ceux-là de brûler ce qu'ils avaient si longtemps adoré, que de tenter de faire pression sur le président Nicolas Sarkozy, afin qu'il n'honore pas de sa présence la cérémonie d'ouverture des Jeux Olypiques de Pékin, quitte à pouvoir lui reprocher par la suite d'avoir nui aux relations commerciales entre la France et la Chine. Quelques militants de droite s'étaient égarés dans ces manifestations, eux qui savaient déjà, en mai 1968, que le communisme de Maô était un régime détestable. Mais si le régime chinois est encore loin de répondre à nos critères, il n'en reste pas moins qu'il a accompli, en qua-


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Carte blanche

A gauche : des Ouïgours. Ci-dessus : des Tibétains.

rante ans, des progrès considérables. Qui peut douter que les Chinois, qu'il s'agisse des Hans, l'ethnie dominante, des Tibétains ou des Ouïgours, ethnies dominées, sont aujourd'hui plus heureux - ou moins malheureux - qu'en mai 1968, quand régnaient en maître les gardes rouges? Nous-mêmes, les Français, où en étionsnous quarante ans après la prise de la Bastille? En pleine guerre civile. Mais les soixante-huitards et leurs héritiers

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se moquent des Chinois comme de l'histoire de France, des Tibétains et des Ouïgours. Heureusement ramenés à leur juste proportion sur l'échiquier politique par les résultats des dernières élections, il ne les dérange pas d'instrumentaliser les uns et les autres à des fins de politique intérieure. « Nous sommes tous des juifs allemands », clamaient en 1968 les manifestants. « Nous sommes tous des bouddhistes tibétains », clamaient l'an dernier leurs héritiers quand le Dalaï Lama est venu, avec son sourire bonhomme, inaugurer le temple de Lérab Ling, sur le plateau du Larzac, en présence de hautes personnalités françaises. Et pourtant, y a-t-il une différence fondamentale entre ce temple, décoré comme un arbre de Noël, avec sa statue de Bouddha de sept mètres de haut, et le Mandarom, proche de Castellane (Alpes-deHaute-Provence), qui revendiquait une représentation de vingt-deux mètres de haut du même ascète indien, dynamitée en 2001 sur décision judiciaire ? Il paraît que le Mandarom était une secte, dont les adeptes étaient appelés à faire des dons au profit de leur gourou, un certain Gilbert Bourdin, décédé en 1998, alors que le bouddhisme tibétain serait une religion respectable. Mais de la même façon, sur le site internet du temple de Lérab Ling, les adeptes sont appelés à "faire un don en ligne". Pour en revenir aux Ouïgours et aux Tibétains, ou bien ils accepteront, à terme, de parler et de penser chinois, ou bien ils contribueront à l'éclatement d'un empire qui ne saurait échapper au sort de l'URSS, décrite en 1978 par Hélène Carrère d'Encausse comme un "Empire éclaté". Voilà un bon sujet de réflexion : est-ce notre intérêt d'Occidentaux de voir la Chine éclater, la chienlit s'installant à ses confins, ou vaut-il mieux accompagner cet empire dans son évolution, certes trop lente à nos yeux mais néanmoins indéniable, pour préserver un équilibre géopolitique aussi insatisfaisant que porteur de paix ? Alain Peyrefitte publiait en 1973 Quand la Chine s'éveillera. Faut-il souhaiter une suite à cet essai prophétique qui s'intitulerait Quand la Chine éclatera ?


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Francophonie

Laculturechinoise etlafrancophonie Revue d’histoire de la chine Dans la mythologie chinoise, un œuf cosmique flottait sur la mer du chaos, dans lequel vivait P’an KU. Quand l’œuf éclata, P’an Ku grandit et le bas de l’œuf devint la terre, le haut le ciel. Après 18.000 ans, il moura et donna naissance au monde. Son sang devint les rivières, sa voix le tonnerre, ses yeux le soleil et la lune. Kong Fuzi (Confucius) est né au pays de Lu dans le nord est de la chine en 551. Il connaissait des époques politiques morcelées et lisait les livres classiques (SHU et YING) et aurait rencontré le fondateur du TAOISME à la capitale de ZHOU. Il prône une rectitude morale et meurt au Ve siècle. Le 1er empereur de chine QIN SHI HUANDGI, monté sur le trône en 247, a amorcé la grande muraille (Gengis Khan y a fait des brèches au 13e siecle), centralisé et unifié les 7 Royaumes. En 213, il fait brûler les livres de Confucius. A la suite, la Chine verra les dynasties HAN jusqu’en 220, puis se divise entre les SUI, SONG et TANG, jusqu’en 1368.

Les MING gèrent la chine jusqu’en 1644, puis les QING jusqu’en 1911. Han XIn, général sous la dynastie des Han, il y a près de 2 200 ans, a fait de grandes contributions en aidant l’empereur Liu Bang à établir la dynastie. L’européen Marco Polo, en 1271, voyagea en chine du sud, sous le règne de Kubilay Khan pendant l’empire Mongol, et ramenait soieries, pierres précieuses et épices. Sous nos yeux se dévoilent des estampes rurales en contraste avec la ville fébrile de Pékin et 800 millions d’habitants. De jeunes businessmen mondialisés de 26 ans dirigent 300 salariés. Dans les parcs, des Chinois de tout âge font des gestes dédiés au ciel et au temps qui passe « tai chi chuan ». Rappel politique et économique • En 2001, la Chine est intégrée à l’OMC. En 2007, la sonde CHANG1 a été lancée dans l’espace. • Né le 21 décembre 1942, Hu Jintao a été élu président depuis 2003. Il est aussi secrétaire général du comité central du PCC (Parti Commu-

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niste Chinois) et chef des armées. • Le nationalisme chinois est fondé sur 5 000 ans d’histoire et un système autocratique. Il n’y a pas d’ambition personnelle mais un effort collectif • La chine cherche à atteindre une progression économique (sans passer par la démocratie), avec un aménagement harmonieux (logement, transport, activité) et qui connaissent des problèmes tels que le traitements des eaux, les pluies acides, l’hyperpollution des sols d’alluvion… Le quartier de DONGDAN - sans plan d’urbanisme - est pourtant un exemple de développement durable. Depuis 1983, les paysans disposent du droit d’exploitation des terres individuelles. • les nouvelles technologies : 7.8% du PIB. Exemple : téléphones mobiles 3G HUAWEi. Avec WCDMA, les Pme chinoises génèrent 70% de la production du pays. Soit 347 milliards en 2008, pour 35 milliard USD en 2000. La consommation interne est de 22% en 2008 • L’architecture est belle (Canton à Guangdong sur un mode symétrique, XIAN et son archéologie sous l’ère des QIN, Suzhou, capitale touristique pour les Chinois, CHONGQINQ, 6 fois plus grand que PEKIN, elle-même 160 fois plus grande que PARIS. Actualités SHANGAI 2010 : exposition universelle. Les pavillons français, suisse et belge se trouvent dans la même zone C, parmis 180 pays représentés (sauf les USA). Une exposition UPBA a lieu également avec la région ile de France et Rhône-Alpes. Des marchés tels que la construction de 500 km de métro ont été acquis, mais aussi les gares, l’opéra, centres commerciaux et aéroport ont été réalisés par des architectes Français. Les entreprises françaises et les énergies renouvelables en Chine La France est présente avec AREVA.


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Francophonie Les régions du Liaoning, du Xinjiang et du Guangdong, notamment, représentent à elles seules 60% de la puissance installée en Chine. Les provinces du Jiangsu (au Nord de Shanghai), du Hebei (autour de Pékin) et de la Mongolie intérieure sont des bases de la production éolienne chinoise. D’ici à 2010, une trentaine de nouveaux projets devraient voir le jour, comme les façades maritimes des provinces du Fujian, du Zhejiang, du Shandong et du Liaoning. Evévement marquant : les jeux olympiques Les XXIXes Jeux olympiques se sont déroulés du 8 au 24 août 2008 à Beijing (Chine), puis les jeux paralympiques. La Charte olympique dans sa règle 24, stipule que « le français, avec l’anglais, est la langue des Jeux sur la scène internationale ».

Eléments de sagesse chinoise…

T

enzin Gyatso Tenzin Gyatso est le 14e dalaï-lama, le plus haut chef spirituel du bouddhisme tibétain. C'est un moine bouddhiste issu de la tradition Guélougpa (aussi appelé "bonnets jaunes" et "vertueux"). Avec le TAO : le Yin et le Yang : suivre le cours de la vie en conservant l’Inconnu Avec le Wou Wei, sans accélérer les choses Avec le Yi KING, un processus qui n’a ni commencement ni fin Avec le QI, le rapport au corps et à la Nature La philosophie chinoise reconnaît la relativité au temps et à l’espace et celle des mots, elle reconnaît l’autonomie de la personne et de la société. La morale est déterminée par le niveau d’histoire, de culture et à un instant T. la philosophie chinoise est empreinte d’histoires imagées compréhensibles par tous. Ainsi que me l’a expliqué un collègue Chinois de Zhengzhou, il considère entre autres qu’il y a plusieurs vérités sous la forme « ni l’un ni l’autre / l’un ou l’autre ».

Chengdu, Shenyang, Hong Kong. La représentation géographique de la culture française Il y a approximativement 14 000 Français en Chine. Le cercle francophone de Shanghai, propose des activités à Changshu au pied de la colline Yu Shan. Les consulats se trouvent à Pékin, Shanghai, Canton, Wuhan,

Si vous êtes à l’étranger et que vous souhaitez retrouver un peu de Chine… • In the mood for love – Wong Kar WAi • Jiang HU de Ronny YU • Les jours éblouissants de JIANG WEN • Le livre : L’art de la guerre de SUN TZE • Les chansons de WU XING • Le poème de BAI JUVI - 9e siècle « La douceur infinie » SU WU KONG, le roi des singes de WU CHENG 16e siècle et son “Pélerinage à l’ouest” : un sage se pose des questions sur l’immortalité et conclut qu’il ne sert à rien de rechercher la vérité, car toute chose n’est ni bien ni mal. Cela fonde la tolérance. Cela dénonçait le pouvoir des MING. Le dessin animé DRAGON BALL en est issu. Le LOTUS BLEU de TINTIN en BD et DVD… Ses pagodes traditionnelles au milieu des villes industrieuses, des fumeries d’opium désafectées. J’ai testé pour vous : Si vous êtes en Chine, vous pouvez goûter à la cuisine à base d’insectes très caloriques et BIO. http://www.chine-nouvelle.com/ te permet de faire de la calligraphie et de t’inspirer de la culture chinoise.

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Les thèmes culturels français observés en Chine Les arts : • Les musiciens, de musique classique de Provence ont participé à une série de concerts à Hong-Kong, Wuhan et Pékin. • Le ballet de l'Opéra de Paris donnera quatre représentations de « Paquita » au Grand Théâtre de Chine à Pékin. le ballet de Pekin sera à l'Opéra de Paris en janvier 2009. Coopération dans les hautes écoles : • Le journalisme à l’Université de Nanjing. M. Fang Yanming, a signé un accord avec l’ESJ Lille pour développer un master en management des médias s’adressant aux professionnels du Jiangsu. • Le médical : les francophones ont reçu leur master en médecine clinique par des professeurs Liu Jingnan (Président de l’Université de Wuhan), et Jean-François Stoltz (représentant l’Université Poincaré de Nancy. La représentation économique • La Chine est un marché à l’échelle d’un continent (8% de croissance en moyenne depuis 1978) les PME francaises ne réalisent que 30,7 % des exportations françaises vers la Chine (Hongkong inclus). Par type d’activité, 60 % de ces PME sont des firmes industrielles • Le nucléaire : dès 1982 et à la signature

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Francophonie >> de l’accord de coopération entre le CEA et

le Ministère Chinois de l’Industrie Nucléaire, des tranches supplémentaires seront développées d’ici à 2020 et ne représente que 4% de la capacité chinoise.

iaoranacorail@ifrance.com

Les œuvres chinoises qui m’ont ébloui Le Jardin de Chine est l'aboutissement des rapports étroits établis entre le Service des Parcs de la ville de Shanghai et le Jardin botanique de Montréal. Les milliers de pièces nécessaires à sa construction, expédiées de Shanghai vers Montréal dans quelque 120 conteneurs, furent assemblées par 50 artisans chinois en 1990. La conception du Jardin du Lac de rêve est l'œuvre de Le Weizhong, architecte et architecte paysager réputé, alors (durant la construction en 1990-1991) directeur de l'Institut de design et d'architecture de paysage de Shanghai.

Coralie Masle-Callu

L'art du penjing : mot qui signifie littéralement « pot et paysage », s'est surtout développé à l'époque de la dynastie Tang (618-907) bien que des documents attestent son existence dès le IIe siècle. Ces arbres, dont la croissance a été contrôlée pour atteindre des hauteurs variant de 10 à 150 cm, peuvent présenter un tronc droit, sinueux, ou protubérant, et des branches en plateau ou en cascade. La collection de penjings du Jardin botanique de Montréal est constituée en grande partie des arbres miniatures donnés par la ville de Shanghai lors des Floralies internationales de Montréal en 1980. Le Jardin de Chine, c'est plus de 200 variétés de plantes vivaces, 50 de plantes aquatiques, 13 de grimpantes, 15 variétés de bambous, 4 variétés d'annuelles, 160 variétés d'arbustes et une centaine de variétés d'arbres sur une superficie de 2,5 hectares.

Petit guide des concepts chinois pour occidental

D

es personnages mythiques SHEN NONG, ZHUANXU, YAO ont gouverné la Chine. Ils spéculaient sur un état idéal conduit par un roi mandaté par le ciel qui régnait selon 5 principes pour garantir l’harmonie sociale.

Les principales sources sont : • La morale était la base de la politique et l’homme de bien cultivait les vertus d’altruisme REN, de convention sociale Li, et de respect d’autrui YI. L’occident voit CONFUCIUS comme l’inventeur de l’humanisme. • Le Taoisme, née au Ve siècle avant JC et développe au IIe siècle apres JC, dans les couches populaires, fut la philosophie officielle en Chine sous la dynastie SUI 586-618 / TONG 648-907 et se préoccupe de la spiritualité de l’individu. Il fut fondé dans la province de JIANGXI et se répandit en Chine du nord. Au XXIe siecle, les paysans de TAIWAN, HONGKONG et les régions rurales fréquentent ces lieux de pèlerinage. • Le confucianisme fut la philosophie officielle sous la dynastie HAN 206-220 avant JC en Chine, et insère l’homme dans un univers moral et social. Les fondements sont : • la religion archaique rendant un culte à de multiples divinités, des forces telles que le vent, le tonnerre • le culte des ancêtres et des esprits associés à des personnages historiques comme l’empereur de Jade. • La croyance à l’immortalité développée vers les Ve et IIIe siècle avant JC. • Le Yin et le Yang, vers les lVe et IIIe siècle avant JC, où

l’univers est expliqué dans le “Livre des documents” avec ses 5 éléments, ses saisons, points cardinaux et biologiques. Dans l’imagerie populaire, l’étoile du bonheur est personnifiée par un mandarin du IVe siècle ou un général de l’époque TANG 618-907. L’étoile des dignités est personnifiée par un fonctionnaire de la dynastie HAN 206-220 qui acquis honneur et richesses. Un Chinois doit avant tout “sauver la face” i.e, la réputation, le prestige. Il doit s’autocontrôler en société. 93% des Chinois valorise ainsi le MIANZI. • le MIANZI est associé à la réputation et au prestige • Le LIAN concerne le respect quinspire une personne. Il est impossible de garder le MIANZI quand on a perdu le LIAN. Par exemple, un Chinois interprète un “peut-être” d’un occidental comme un refus indirect. Alors qu’un occidental interprète un “peut être” d’un Chinois comme un “oui potentiel” alors qu’il s’agit d’un “non échappatoire”. Il faut absolument : • éviter les bévues en public • ne pas montrer son ignorance d’un sujet • avoir suffisamment d’argent pour inviter un ami • ne pas manquer de générosité • être gradé par des titres sportifs ou universitaires… Conserver ces concepts en mémoire afin de ne pas commettre de maladresse.

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J’aimerais vous dire

L'AssembléedesFrançaisdel'Etranger

Réforme Transparence 'est en 1948 que le Conseil Supérieur des Français de l'Etranger fut créé. Dix ans plus tard, en 1958, ce fut l'avènement de la Ve République. Depuis, au gré des années, des améliorations voient le jour et, notamment au CSFE, devenu, depuis peu, l'Assemblée des Français de l'Etranger. En plus de cinquante ans d'existence, la Ve République s'est vue dotée de 17 toilettages. Chaque réforme voit se réunir obligatoirement ensemble, l'Assemblée Nationale et le Sénat, en Congrès à Versailles. Le Congrès s'est réuni 16 fois pour une révision de la Constitution et la majorité requise est celle des 2/3 des suffrages exprimés des deux assemblées. Celle du 21 Juillet 2008, âprement discutée, fut l'occasion de décrèter et d'octroyer aux prochaines élections législatives (2012, la même année que les Présidentielles), 11 sièges de Députés au profit de l'Assemblée des Français de l'Etranger. Le nombre de députés siègeant à l'Assemblée nationale restant toujours le même : 577. En 2012, c'est donc une A.F.E. singulièrement modifiée, munie du Bicamérisme, qui va devoir affronter les nouvelles donnes avec 12 Sénateurs, 11 Députés & 153 Conseillers. Mais d'ici à 2012, il reste 3 longues années pendant lesquelles, le Président de la République a décidé de s'attaquer à une réforme hautement symbolique et on ne peut plus sensible. Je veux parler de la Réforme des Collectivités Locales.

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Je pense qu'il nous appartient dorénavant, de saisir l'occasion qui nous est offerte, en interpellant le Gouvernement dans le cadre de cette réforme pour nous faire l'écho de propositions relatives à notre statut de Conseiller. Quelques soient les sensibilités qui nous animent, certains d'entre nous, munis d'une mosaïque de compétences, souhaitent les mettre en exergue et en discuter en toute transparence avec celles et ceux qui partagent notre analyse. Je n'irai pas jusqu'à citer la locution latine qui fleurit au fronton de la mairie de Genève Lux Post Ténèbras (La Lumière après les Ténèbres ), mais, un peu moins d'opacité ne nuirait en rien et réhausserait d'autant notre Assemblée en la rendant plus performante. D'aucuns se sont alarmés à la suite de parutions dans les médias, d'articles peu élogieux, disons peu favorables à notre existence. Il va de soi que se satisfaire d'une certaine autarcie, comme c'est le cas depuis quelques années, c'est, à terme, leur donner raison. Réforme, n'est point synonyme des mots comme Refaire ou Rengaine. Il s'accorderait plutôt avec Innovation ou Invention. C'est le Challenge qui nous est proposé. A nous de le relever ! *

serge.c.vinet@bluewin.ch

& Serge Cyril Vinet CONSEILLER ÉLU À L’A.F.E. POUR LA SUISSE ET LE LIECHTENSTEIN

* Je reste à la disposition de toutes celles et tous ceux qui se sentent profondément concernés par le devenir & l'Avenir de notre Assemblée. Soit par téléphone au 00.41.22.786.62.09 ou par courriel : serge.c.vinet@bluewin.ch

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Sport & Tourisme

LE TOUR DU MONDE DES MARATHONS

Pékin DelaCitéInterdite

àlacitéolympique Ci-dessus : la place Tian’anmen. A droite : l’Opéra de Pékin.

ETAPE INCONTOURNABLE D’UN TOUR DU MONDE DES MARATHONS : PÉKIN. CE MARATHON PART DE LA CITÉ INTERDITE, TÉMOIN DU PASSÉ GLORIEUX DE LA CHINE, POUR REJOINDRE LA CITÉ OLYMPIQUE, GIGANTESQUE VITRINE DU DYNAMISME DE LA CHINE MODERNE.

'emblée, ce qui frappe à Pékin, c'est le gigantisme urbain dans le cadre duquel se côtoient, en se complétant, les splendeurs figées de l'époque impériale et le dynamisme moderne irrésistible qui trouve son expression dans une architecture d'ouverture des plus audacieuses. Et le marathon de Pékin, tout au long de ses 42 km, s'inscrit parfaitement dans ce contexte rempli de contrastes saisissants.

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Tordre le cou aux clichés Ce marathon est d'ailleurs un très bon pré-

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Sport & Tourisme texte pour tordre le cou à bon nombre de clichés qui entachent la réputation de Pékin. En particulier, cette mégalopole n'est pas, de loin, la ville polluée et asphyxiée par la circulation si souvent décriée par la presse occidentale. L'air n'y est pas moins respirable et la circulation pas moins fluide qu'à Paris, Rome ou New York ;

La place Tian'anmen : témoin de plus de six siècles d'histoire La place Tian'anmen, point de départ du marathon, est l'une des plus vastes du monde avec sa sur-

aucun nuage de pollution ne tombe comme une chape de plomb sur la ville ; aucune usine, crachant des fumées nauséabondes, n'est visible aussi loin que remonte l'horizon de Pékin ; et lorsque le soleil brille, il le fait aussi généreusement qu'au bord de la Méditerranée. C'est tout du moins ce que l'on peut constater en octobre, date du marathon. Par ailleurs la population y est souriante et accueillante. Enfin la présence policière, lorsqu'il y en a une, est des plus discrète. En bref, Pékin surprend, largement en bien, dès les premiers abords. Mieux, Pékin stupéfie !

face de plus de 4 000 m2. C'est sur cette place que Mao Zedong avait lancé à une population toute acquise « La Chine est debout » en proclamant, le 1er octobre 1949, la naissance de la République populaire de Chine. Et c'est d'ailleurs sur cette même place que, quarante ans plus tard, en 1989, un étudiant chinois, debout et seul face à une colonne de blindés appelés à disperser une manifestation monstre, avait réussi à défier le pouvoir en stoppant l'avancée de cette colonne. Au centre de cette immense place, "trône" le mausolée de Mao Zedong lequel, au vu des foules chinoises qui le visitent, fait manifestement toujours recette. Par ailleurs, cette place est encadrée sur ses côtés par deux bâtiments qui peinent à dissimuler une architecture typiquement stalinienne des années 1950, le musée national chinois et, surtout, le Palais de l'Assemblée du peuple. Enfin, au nord de la place, se situe la Cité interdite. En attendant le départ du marathon, l'esprit ne manque bien évidem-

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Sport & Tourisme >> ment pas de vagabonder au-delà de l'en-

ceinte de la Cité interdite. Construite entre 1407 et 1420 sous la dynastie des Ming, le temps s'y est arrêté pendant cinq siècles, soit jusqu'en 1911, année où les temps modernes ont fait une entrée tonitruante dans l'enceinte pourpre en mettant fin à la dernière dynastie, celle des Qing. Au même titre que la grande muraille de Chine, la visite de la Cité interdite est incontournable. C'est une fastueuse succession de palais aux noms évocateurs (l'Harmonie suprême, la Pureté céleste, la Vérité pure, la Longévité tranquille et j'en passe !). La cohorte de touristes (99 % de Chinois !) nous extirpe toutefois rapidement de quelques instants de poésie pour nous ramener aux dures réalités du XXIe siècle (les mégaphones pour touristes chinois sont d'usage fréquent !). L'Opéra de Pékin : témoin du futur A quelques enjambées (au propre comme au figuré !) de la place Tian'anmen et de la Cité interdite, le

contraste, voulu, est saisissant. En effet, c'est là qu'a été construit le déjà fameux Opéra de Pékin. Il s'agit d'un monumental chef-d'œuvre de l'architecture avant-gardiste que l'on doit à l'architecte français Paul Andreu (l'aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle, c'est aussi lui !). Cette construction se présente sous la forme d'une monumentale bulle de verre et d'acier "délicatement" posée sur un immense écrin d'eau.

Ce chef-d'œuvre, dont les lignes évoquent le yin et le yang, s'est tout de suite imposé comme la figure emblématique d'une Chine qui sait maintenant vivre avec son temps (et même le devancer !) sans rompre avec le passé avec lequel elle (re)vit sans fausse pudeur. Pour éviter toute niaise béatitude, il convient quand même de souligner que ce projet hors norme ne s'est pas réalisé sans douleur. Outre son coût exorbitant, qui a fait tousser plus d'un Chinois, le grand bond (expression chère à Mao Zedong) architectural que représente ce mastodonte s'est

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Sport & Tourisme dent, Pékin a su préserver intacts ses imposants parcs, qui comprennent une succession de lacs, dont l'aménagement remonte à l'époque de la dynastie Ming. Le parc situé à côté de la Cité interdite est l'un des plus beaux. Il comprend pas moins de dix monastères qui imprègnent les lieux d'une quiétude quasi céleste. Les Pékinois ne s'y trompent pas ; c'est leur lieu de prédilection pour les promenades dominicales. Avant eux, les seigneurs impériaux s'y prélassaient déjà. Et la promenade en bateau laisse un souvenir inoubliable (surtout après un marathon !).

La Piscine Olympique.

fait aux frais de quartiers entiers typiques de Pékin, les hutongs, qui ont été démolis. L'expression rien n'arrête le progrès a trouvé là toute sa portée. Si les moyens restent discutables, le résultat n'en reste pas moins époustouflant. Dans le registre de l'architecture avantgardiste, il convient également de mentionner le chef-d'œuvre architectural dû au Néerlandais Rem Koolhaas qui a défié les lois de l'équilibre en construisant les deux tours en zigzag qui abritent, actuellement, le siège de la télévision chinoise. Manifestement, la révolution passe aussi par l'architecture ! Les parcs impériaux : retour à la quiétude Malgré un boom immobilier sans précé-

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Du Pékin séculaire au Pékin moderne Le marathon se poursuit dans un Pékin… occidentalisé : larges avenues, circulation dense, succession de hauts immeubles locatifs et d'affaires. Touche chinoise sur certains immeubles : parfois, leurs toits ont la forme de pagodes ; curieux, mais bienvenu, clin d'œil du modernisme à la tradition. Décidément, on ne se coupe pas facilement de ses racines, même en architecture. Manifestement, la règle, quasi divine (cinq siècles d'âge), qui voulait qu'aucun bâtiment ne dépasse en hauteur ceux de la Cité interdite n'a pas résisté au "Grand bond" architectural de Pékin dans le XXIe siècle. Et ce "Grand bond" s'est fait au détriment de ces fameux quartiers pékinois, les hutongs, lesquels, ces dernières décennies, ont fondu à une vitesse alarmante. Il y a à peine cinquante ans, Pékin était avant tout une ville à l'horizontale (Cité interdite oblige) noyée dans une mer de toits grisâtres, enchevêtrés à l'infini les uns avec les autres dans de véritables labyrinthes. Pour les uns, il s'agit d'un véritable héritage culturel (qui remonte à la dynastie des Yuan, XIIIe siècle) qui devrait être inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco. Pour les autres, ces hutongs ne sont que des taudis qui devraient disparaître de la surface de Pékin (c'est déjà fait en grande partie !). En réalité, les deux camps ont raison, surtout le deuxième ! En effet, ces quartiers ne bénéficient d'aucune commodité, quelle qu'elle soit. En particulier, il n'y a pas d'eau courante ni chauffage. Par ailleurs, la pauvreté et l'étroitesse y règnent en maîtresses. Seule une réhabilitation profonde de ces quartiers pourrait leur redonner un certain lustre (qu'ils n'ont, au demeurant, jamais eu). Mais dans ce dernier cas, les populations défavorisées qui y vivent, ne

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plus s'y maintenir. La fin des hutongs semble par conséquent bien inéluctable, sauf à en maintenir certains sous forme d'écomuseum pour touristes en mal d'authenticité ! En tout état, les autorités pékinoises ont, malgré tout, fait de sérieux efforts de rénovation à la veille des Jeux olympiques. En effet, toutes les façades sur rue ont été refaites et repeintes (en gris, seule couleur laissée au bon peuple dans la Chine impériale). Par contre, derrière les façades, rien n'a été touché. C'est toujours, au mieux, le moyen-âge, au pire le bidonville !

Le Palais d'Eté : impérial ! L'arrivée du demi-marathon (qui se court en même temps que le marathon mais s'arrête, comme son nom l'indique, à miparcours soit au km 21 et quelques mètres) se situe à proximité de l'un des sites parmi les plus remarquables de Pékin (et il y en a beaucoup !) : le jardin impérial du Palais d'Eté. Véritable Versailles chinois, ce parc, qui entoure un immense lac, comprend une multitude de palais dont les noms sont particulièrement évocateurs de la sérénité des lieux (palais de la parfaite sagesse, de la bienveillance, des nuages ordonnés, de

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Le stade olympique, appelé “Nid d’oiseau”, en raison de son architecture.


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l'harmonie vertueuse, et même du chant du rossignol (sic !)). Si Marie-Antoinette a eu son Trianon, l'impératrice Cixi a eu ses palais d'été, qu'elle n'a pas manqué de multiplier et ce aux frais de la "princesse" (entendez du bon peuple chinois étranglé par les impôts - déjà ! -). Parmi les extravagances de l'impératrice Cixi, il ne faut pas manquer d'admirer le bateau qu'elle a fait construire à l'ouest de "la colline de la longévité millénaire" (ça ne s'invente pas !) ; il est unique en son genre puisqu'il est en… marbre ! De la cité interdite au parc olympique Si les participants au demi-marathon ont tout loisir, après l'arrivée, de pouvoir flâner dans les jardins du Palais d'Eté, ceux (les vrais !) qui sont là pour le marathon ont encore 21 km (et toujours quelques mètres) à parcourir dans la banlieue de Pékin (entre les troisième et quatrième périphériques !) avant d'arriver, suprême récompense, à la

nouvelle Mecque de Pékin : son grandiose parc olympique. Là tout est simplement gigantesque ; des avenues aux centres sportifs. Manifestement, à l'image de la Cité interdite, ce site a aussi été construit pour… l'éternité. Deux édifices (au moins) marquent les esprits. C'est d'abord le stade olympique, surnommé en raison de sa forme et de son titanesque treillis d'acier le "Nid d'Oiseau", qui peut accueillir plus de 100 000 spectateurs et que l'on doit aux architectes suisses Herzog et de Meuron. A côté, et non moins resplendissante, c'est la piscine olympique qui éblouit les regards avec sa forme géante de "Cube d'eau" bleuté. Pour un marathon on ne pouvait rêver d'une plus impressionnante arrivée. PATRICK BLASER

Déjà parus • Les trois Suisses, Zermatt, Davos et Jungfrau, (France Magazine n° 25/2009) • Marrakech, entre orangers et palmiers, le charme mauresque, (France Magazine n° 24/2009) • Berlin, la Mecque européenne de l'architecture d'avant-garde (France Magazine n° 23/2008) • Boston, les charmes d'un marathon déjà centenaire (France Magazine n° 22/2008) • Chicago, le marathon de tous les contrastes (France Magazine n° 21/2008) • New York, un marathon mythique à ne pas manquer (France Magazine n° 20/2008)

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Fribourg LA VILLE DE FRIBOURG AIME À RAPPELER SA MISSION D'ÊTRE UN PONT ENTRE GERMANOPHONES ET FRANCOPHONES AU SEIN DE LA CONFÉDÉRATION HELVÉTIQUE. LE CLICHÉ N'EST GUÈRE USÉ ET L'ON S'EN SERT AUSSI POUR L'ENSEMBLE DU CANTON, CE QUI HISTORIQUEMENT EST MOINS FONDÉ.

uoi qu'il en soit, il suffit que des tensions ou des crises surgissent au sein de la Suisse pluriculturelle ou entre les grandes nations européennes qui l'entourent pour que s'observent des répliques à Fribourg, un lien de soudure délicat mais incontournable d'un fédéralisme qui ne se résume pas aux dimensions politique et nationale. C'est en effet à cheval sur deux langues et deux cultures que s'est édifiée la ville au milieu du XIIe siècle, initiative de la dynastie des Zaehringen. D'un mouvement parallèle, ses habitants gagnent en autonomie et la ville étend son pouvoir économique et politique sur les terres environnantes, linguistiquement mixtes, embryon d'une petite Ville-Etat flanquée de 24 paroisses (les Anciennes Terres). Son affirmation d'indépendance s'appuie sur le Saint-Empire pour résister à la Savoie à l'Ouest et pour se maintenir à l'Est face à Berne, sa cadette et sa rivale. Le gage de son expansion à l'Ouest, sur des terres francophones, lui sera assurée par l'arrimage à la Confédération helvétique en 1481. Fribourg accompagne Berne dans la conquête du pays de Vaud en 1536, en se réservant de nouveaux baillages que viendra compléter une part du comté de Gruyère en 1555. Le choix de ne pas épouser la cause de la Réforme – que les historiens peinent encore à expliquer – fait du canton un ilôt catholique qui le distingue des possessions bernoises et réformées qui l'entourent complétement. Présence des deux langues, catholicisme et enclavement vont marquer durablement l'évolution de la petite République. Sur le plan éco-

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Fribourg

Esquisse historique des deux derniers siècles nomique, une rupture décisive était déjà apparue au cours de la deuxième moitié du XVe siècle. Après avoir connu une certaine expansion dans la draperie et la tannerie, industrie florissante articulée à son hinterland rural, la ville frappée par la réorientation atlantique des

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Fribourg échanges, se donne d'autres priorités. Elle va centrer les activités de son territoire rural vers l'élevage bovin, en vue de la fabrication de fromages, et se met à exporter des soldats. Sa classe dirigeante en tire de grands profits et se transforme en un patriciat oligarchique singeant la monarchie absolutiste française qui devient l'alliée privilégiée. De par sa situation aux confins de deux cultures, Fribourg se nourrit à plusieurs sources et les influences architecturales et artistiques de l'Allemangne du Sud rivalisent avec le goût français. Ce cosmopolitisme culturel s'inscrit d'ailleurs dans l'universalité de la Réforme catholique dont Fribourg devient un relais avec les Jésuites, appelés à fonder le Collège St-Michel en 1580. Cette république oligarchique ne sera ébranlée qu'à la fin du XVIIIe siècle avec la contestation des baillages du Sud (Gruyère), de l'Ouest (Broye) que la Révolution française utilisera pour mettre à bas le régime. Fribourg vivra une première partie du XIXe siècle très heurtée, faisant alterner révolution et restauration. L'épisode révolutionnaire est rapidement jugulé, mais ses effets indirects subsistent et l'on voit par exemple la langue française prendre sa revanche. Une partie de la classe politique qui s'était germanisée, nominalement du moins, lors de l'entrée du canton dans la Confédération au XVe siècle, s'imprègne de l'idéologie des Lumières. Dans les régimes successifs de la nouvelle Confédération, issus de la Révolution helvétique, des cantons entièrement francophones sont intégrés et le français reprend de l'importance à Fribourg, devenant même la langue administrative de l'Etat cantonal dès 1831. Les libéraux ne s'imposent toutefois que timidement et la résistance conservatrice prend une tournure religieuse qui fait adhérer le canton à une alliance séparatiste des cantons catholiques conduisant à la guerre civile en 1847. Fribourg se retrouve dans le camp des vaincus et ne participe que sous pression radicale à l'instauration et au développement du nouvel Etat fédéral. La cure de démocratisation et de modernisation des institutions cantonales s'accompagne d'une laïcisation qui provoque un grave conflit avec l'Eglise. La résistance du clergé et de l'évêque aboutit à l'emprisonnement et à l'exil du dernier (18481856), mais aboutit en fin de compte à un retour en force des conservateurs. Ils feront longtemps mémoire de cet anticléricalisme pour mobiliser leur électorat et conserver le contrôle

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Fribourg >> du pouvoir politique durant

plus d'un siècle. Davantage encore que les urnes, c'est l'orientation plus générale de la société fribourgeoise qui prend une couleur conservatrice. La société rurale traditionnelle est magnifiée et se trouve confortée dans son refus de l'industrialisation, malgré les efforts d'une capitale plus progressiste qui lutte pour l'arrivée du chemin de fer (1862). La ligne reliant Berne à Lausanne traverse de part en part le canton sans apporter des améliorations économiques d'importance. Il faut attendre la deuxième révolution industrielle, celle de l'électricité, pour constater, dans la dernière décennie du XIXe siècle, un développement économique qui touche surtout la capitale et quelques ilôts en Gruyère (Bulle – Broc). C'est aussi le fait d'une politique dirigiste de l'Etat cantonal, conduite par un régime et son homme fort, Georges Python, qui marient ordre moral, contrôle des masses par l'école et la presse, mobilisation confessionnelle et politique dans ce qui est appelé la "République chrétienne" et qui va durer jusqu'au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. L'Université, avec ses quatre facultés, fondée en 1889-1895 pour former une contre-élite catholique suisse, en est un enjeu puis un pilier, malgré ses faibles moyens. Elle désenclave Fribourg, tétanisée par sa marginalisation fédérale, en recourant à un corps professoral et estudiantin international. Un développement urbain s'observe alors, qui s'appuie aussi bien sur la faculté des sciences, génératrice d'industries, que sur un apport de congrégations françaises cherchant refuge et attirées par sa faculté de théologie en mains dominicaines. Les effets de la Première Guerre mondiale vont casser cette dynamique et renforcer l'helvétisation de l'Alma Mater qui reste en-

core longtemps une greffe mal acceptée par une partie du canton. La société fribourgeoise souffre en effet d'une agriculture pléthorique qui condamne sa jeunesse à l'émigration dans les régions industrielles du pays. L'hémorragie ne sera maîtrisée que dans le dernier tiers du XXe siècle lorsqu'enfin se manifeste une troisième vague d'industrialisation et une tertiarisation de l'économie qui parviennent à faire vivre davantage le canton au diapason de la société suisse. Les efforts antérieurs de formation de la jeunesse portent enfin leurs fruits et les Trente Glorieuses offrent aux acteurs économiques, souvent venus de l'extérieur, des opportunités prometteuses. La sécularisation des valeurs bénéficie des ouvertures conciliaires et du dynamisme anti-autoritaire généré par mai 68. Cette "normalisa-

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tion" du canton par rapport aux idéaux helvétiques n'est pas sans provoquer quelques crispations identitaires. Les rapports entre les langues ne peuvent plus s'établir de manière aussi dissymétrique. La partie germanophone s'affirme davantage et le bilinguisme redevient un atout économique que les francophones ont eu trop tendance à minorer. La vocation médiatrice de Fribourg au sein de l'Etat fédéral est davantage reconnue, mais sa dimension européenne n'est pas à négliger et peut s'appuyer sur une vieille tradition de désenclavement de la patrie cantonale et surtout des excellents réseaux en tous les domaines tissés par son Université. FRANCIS PYTHON PROFESSEUR D’HISTOIRE CONTEMPORAINE UNIVERSITÉ DE FRIBOURG, SUISSE

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Fribourg

Du Jura à la Francophonie, en passant par Fribourg… Sur les pas

d’AugusteViatte

PROFESSEUR DE LITTÉRATURE FRANÇAISE À L’UNIVERSITÉ LAVAL DE QUÉBEC DURANT LA MAJEURE PARTIE DE SA CARRIÈRE, L’INTELLECTUEL D’ORIGINE FRANCO-SUISSE AUGUSTE VIATTE (1901-1993) APPARAÎT COMME UN « PASSEUR DE FRONTIÈRES ».

e voyageur passionné multiplie en effet les contacts entre histoire et littérature dans son œuvre de critique, et s’efforce de comparer les littératures « en français » pour s’affirmer comme l’un des derniers généralistes de la francophonie littéraire. Homme de conviction, catholique engagé, il franchira également à plusieurs reprises les limites entre le monde académique et la vie de la Cité, militant par exemple activement dans la Résistance spirituelle pendant la Seconde Guerre mondiale. « Monter à Paris » par les filières catholique « Catholique d'abord », Auguste Viatte participe pleinement de la renaissance intellectuelle que connaît le catholicisme en milieu francophone durant les années 1920, dans la mouvance d’un néo-thomisme conquérant. Issu d'un milieu marqué par un catholicisme social ouvert - son père est au début du siècle l’un des animateurs de l’Union ouvrière catholique jurassienne inspirée notamment du Sillon de Marc Sangnier - Auguste Viatte entame des études littéraires à l’Université de Fribourg et soutient en 1922 une thèse sur Les interprétations du catholicisme chez les romantiques. Publiée chez de Boccard la même année, sa thèse développe l’idée que les grands auteurs romantiques, de Hugo à Baudelaire en passant par Sainte-Beuve, ont, en quelque sorte, trahi les idées romantico-mystiques originelles pour dériver « vers une religion du sentiment, remplaçant l’amour de Dieu par une religion de l’amour et ne prenant le christianisme que comme une source de beautés ». Au début des années 1920, le jeune intellectuel né à Porrentruy, dans le Jura, et formé à Fribourg, monte à Paris. Il est introduit par Pierre de Lescure à La Revue des Jeunes, dans la mouvance dominicaine. Il y contribue jusqu’à la guerre, tout en entamant dès 1932 une nouvelle collaboration avec La Vie intellectuelle, revue

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lancée en 1928 par un autre dominicain, le père Bernadot, avec l’objectif principal de faire pièce à l’influence de l’Action française, récemment condamnée par Rome. Dans la capitale, Auguste Viatte prend part, avec son maître Robert Garric, aux soirées littéraires organisées par Gaëtan Bernoville, fondateur en 1913 de la revue Les Lettres. L’attirance de Viatte pour un « mouvement catholique social “gauche et centre“ est représentative de la subordination d’une pensée proprement politique à une plus forte exigence de spiritualité, caractéristique de la majorité des intellectuels catholiques français au cours des années vingt. Insertion québécoise et ouvertures francophones Détenteur depuis 1928 d’un doctorat ès-lettres en Sorbonne, Viatte s’active pour décrocher une chaire universitaire à la hauteur de ses ambitions. Il échoue d’abord dans sa tentative de succéder à Gonzague de Reynold à l’Université de Berne, victime de manoeuvres politiques. Cet échec amer fait resurgir son ancienne idée de tenter sa chance ailleurs en francophonie. Aussi n’hésite-t-il pas longtemps lorsqu’au printemps 1933, Mgr Camille Roy, recteur de l’Université Laval à Québec, lui propose une charge de cours en littérature française que vient de décliner son ami Robert Garric. Ses ambitions culturelles de promoteur d’une francophonie littéraire consciente d’elle-même et unie face au danger de l’américanisme vont ainsi pouvoir se fonder sur une situation géographique médiane et de solides appuis institutionnels. D’outre-Atlantique, les regards de Viatte n’en demeurent pas moins tournés vers l’Europe et son évolution politique et sociale. La France en particulier demeure au centre de ses préoccupations, qu’il exprime dans nombre d’articles de presse et autres chroniques de revues. Devant le danger croissant que représente pour lui la montée des Etats totalitaires en Europe, il craint par-dessus tout les dissensions intérieures françaises, la crise de confiance qu’il discerne dans ce pays au cours de la seconde moitié des années trente. Evoluant dans une société québécoise marquée par le pouvoir dominant du clergé et un catholicisme très conservateur, Viatte s’efforce d’une part de faire ga-

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Fribourg gner une respectabilité aux courants novateurs du catholicisme français, d’autre part de tempérer les engagements trop marqués à gauche à son goût de certains catholiques qui, comme Henri Guillemin, n’hésitent pas à porter un regard critique et historique sur l’évolution de l’Eglise. A la veille de la guerre, le professeur franco-suisse se dit satisfait de se trouver dans un pays où « au moins l’influence française signifie encore quelque chose ». Face à la guerre : le temps des engagements Le déclenchement de la guerre et la défaite de la France en juin 1940 impliquent une réorientation politique de ses réseaux académiques, stimulée par l’arrivée sur le continent américain de toute une intelligentsia française en exil. Les pères Vincent Ducattillon et Joseph-Thomas Delos entrent d’autant plus facilement en contact avec Viatte que celui-ci est un familier des frères prêcheurs et de leur revue La Vie intellectuelle. Avec le père Delos, Viatte prend à

l’été 1941 l’initiative d’un « Manifeste de catholiques européens séjournant en Amérique » qui sera lancé en 1942, avec le soutien de Jacques Maritain, sous le titre Devant la crise mondiale. Viatte évolue ainsi rapidement de la neutralité à la non-belligérance dans ses appréciations sur l’antagonisme Pétain-de Gaulle, pour adopter des postures de plus en plus nettement et ouvertement résistantes dès le début de l’année 1941. Cet engagement tient aussi pour beaucoup à une rencontre, celle d’Elisabeth de Miribel, envoyée dès l’été 1940 au Québec par le général de Gaulle pour y développer la propagande de la France Libre. Cette femme de conviction et d’action, en rupture avec sa famille catholique traditionaliste devenue pétainiste, influence notablement l’engagement résistant plus déterminé du professeur de littérature, qui vit à ce moment encore dans le souvenir douloureux de son épouse décédée en août 1939. Invité dès 1942 par Gustave Cohen à enseigner à l’Ecole Libre des Hautes Etudes de New York, une académie qui regroupe l’intelligentsia française républicaine et patriotique marquée par l’esprit de la Résistance, Viatte s’efforce essentiellement de travailler « plus efficacement au rapprochement futur entre la France combattante de l’exil et la France souffrante de l’intérieur, entre la France et la Grande-Bretagne, et par ricochet entre Français et Anglais du Canada ». La fin de la guerre approchant, Viatte affiche de plus en plus nettement son désir d’assister à l’émergence d’une « troisième voie » francophone qui tire parti du grand mouvement de décolonisation à venir. La bipolarisation du monde est menaçante pour cet intellectuel chrétien qui estime que les « petits Etats du vieux et du NouveauMonde », particulièrement les minorités non anglo-saxonnes, peuvent et doivent constituer un facteur d’équilibre entre la puissance de la civilisation machiniste américaine et les velléités croissantes d’expansion de l’Union soviétique vers l’Europe occidentale. L’idéal francophone qui anime la majorité des recherches littéraires entreprises par Auguste Viatte après-guerre émerge donc nettement de préoccupations politiques liées au contexte de la Guerre froide qui s’annonce. De la guerre à la paix : les difficultés à passer « d’un monde à l’autre »… Comme d’autres intellectuels et non sans difficultés, doutes ou déceptions, Viatte participe de l’intérieur du catholi-

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Fribourg >> cisme à la préparation d’une « Révolution tranquille »

Retour en Suisse : le recentrage francophone d’un qui émancipera le Québec de l’emprise clérico-natiointellectuel périphérique naliste au tournant des années soixante. C’est dans L’idée d’un retour en France et d’une carrière parises domaines de prédilection, la critique et l’histoire sienne, au pire provinciale, hante l’esprit d’Auguste littéraire, que Viatte s’engage le plus ardemment, avec Viatte depuis son arrivée au Québec en 1933. A l’issue l’idée que la culture peut jouer au Québec une carte de la guerre, la douzaine d’années passées à Laval ont modernisatrice intéressante en poursuivant le renoucependant produit chez lui une acculturation québéveau entamé par les oeuvres d’auteurs comme Félixcoise qui, jointe à son éloignement du champ acadéAntoine Savard, Roger Lemelin et Gabrielle Roy. En mique hexagonal, brouille un peu plus les pistes d’une juin 1945, Viatte reçoit du consul de France à Montréal carrière qu’il espérait voir culminer en France. Viatte un ordre de mission qui lui demande de contacter des obtient d’abord un poste de maître de conférences en éditeurs et écrivains français en tant que représentant littérature française à l’Université de Nancy. Son redes Editions de l’Arbre, au sein desquelles il a dirigé tour en France s’esquisse donc non pas vers le centre durant la guerre une collection d’œuvres parisien longtemps convoité, mais par un classiques. Une telle perspective plaît « boulevard académique périphérique » d’autant plus à Viatte qu’elle va lui persomme toute classique. Aux yeux de Viatte, ce mettre après-guerre de reprendre poste ne représente qu’une étape tant et si contact avec la France et ses milieux inbien qu’en 1952, il s’engage dans la succestellectuels en pleine effervescence. sion du professeur Charly Clerc et décroche la Viatte évolue ainsi chaire de littérature française de l’Ecole polyQuelques mois plus tôt, lors d’un séjour à New York, Viatte a rencontré Jacques technique fédérale de Zurich. rapidement de la Maritain qui lui a demandé s’il ne sonCurieuse destinée, a priori paradoxale, pour neutralité à la non- ce professeur binational qui plus d’une fois, geait pas retourner en France, celle-ci manquant de forces vives. Encouragé belligérance dans est allé jusqu’à renier son identité helvétique. par ce philosophe dont le poids politicoLa nomination dans une université suisse aléses appréciations culturel compte dans la France libérée, manique aurait ainsi pu correspondre à un déViatte commence à s’informer des sur l’antagonisme racinement pour cet intellectuel à la fibre très francophile et au profil littéraire très francochaires de littérature disponibles dans Pétain-de Gaulle, phone. Pourtant, par son caractère plus rel’Hexagone. L’attrait d’une nouvelle vie présentatif que pédagogique, la chaire du sur territoire français est alors d’autant pour adopter des Polytechnicum de Zurich va permettre à son plus fort qu’elle correspond chez lui à postures de plus en détenteur de rayonner hors de l’institution des projets de carrière ambitieux, ainsi dans son domaine de prédilection, celui des qu’à un désir personnel croissant de plus nettement et faire bénéficier ses enfants d’une éducalittératures francophones hors de France. Diouvertement tion « française » idéalisée. recteur ou animateur de plusieurs associaJusqu’à la fin de l’année 1948, le profestions comme Culture française, résistantes dès le seur de Laval poursuit ses activités de France-Québec, France-Haïti ou encore début de l’année chroniqueur politique et culturel interFrance-Canada, Viatte développe également national, en publiant une centaine d’artiune sociabilité culturelle et scientifique foi1941. cles d’actualité culturelle et politique, sonnante en prenant part à des congrès, coldont un quart paraissent dans des reloques et autres conférences qui lui font vues ou journaux français. Viatte ne se parcourir le monde francophone jusqu’à la fin contente plus d’envoyer ses billets à La des années 1980. La période de son professoRevue des Jeunes et à La Vie intellecrat zurichois est aussi celle des synthèses, tuelle. Il signe à présent dans des revues comme en témoignent les nombreux articles ou organes de presse moins marqués de l’empreinte de cette nature qu’il publie dans des encyclopédies ou autres ouvrages de référence. On lui doit notamment cléricale, pour la plupart issus de la mouvance de la une Histoire comparée des littératures francophones Résistance - très souvent spirituelle. Viatte promet des articles sur la société canadienne française - et parparue chez Nathan en 1980, ainsi qu’un Dictionnaire fois Haïti - à Hubert Beuve-Méry pour Le Monde, ainsi général de la francophonie dont il assume la direction qu’aux pères Maydieu et Chaillet pour La Vie intellecen 1985. Ainsi, par son parcours et ses oeuvres, Autuelle et les Cahiers du Monde nouveau. Il envoie des guste Viatte apparaît comme l’un des pionniers de la billets réguliers sur la vie de l’Eglise au Québec au bulfrancophonie littéraire. Il en est peut-être également letin du Centre d’Information catholique et collabore à l’un des derniers généralistes. Temps présent et, avec quelques réticences, à TémoiCLAUDE HAUSER, gnage chrétien. PROFESSEUR D'HISTOIRE CONTEMPORAINE UNIVERSITÉ DE FRIBOURG, SUISSE

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Bilinguisme MISE EN PLACE DE LA FORMATION BILINGUE PLUS1 À L’UNIVERSITÉ DE FRIBOURG (SUISSE) : ANALYSE DES PREMIERS RÉSULTATS ET PERSPECTIVES a politique bilingue de l’université de Fribourg en Suisse offre la possibilité d’effectuer des études bilingues et d’obtenir un Bachelor et un Master bilingues français/allemand en faculté de droit. Outre ces voies d’études bilingues bien rôdées, le Centre de langues de l’université propose depuis octobre 2004 une formation diplômante supplémentaire, destinée aux étudiant(e)s de 1ère ou 2ème année de Bachelor et Master en droit ayant choisi ces voies d’études bilingues. Cette toute nouvelle formation « bilingue plus » s’inscrit dans la mise en place d’une politique de formation renforcée dans la deuxième langue d’études, étroitement liée à la culture correspondante. Après un bref rappel du contexte linguistique helvétique, notre étude se propose de présenter cette nouvelle filière dans sa phase de mise en place avec ses objectifs, en nous attachant au profil non seulement des étudiant(e)s inscrits, mais aussi de leur parcours de formation. La question à laquelle nous tenterons de répondre concerne le public-type intéressé par le choix de cette toute nouvelle offre en milieu universitaire et la diversification des offres plurilingues spécialisées. Quelques exemples de nouveaux scénarii didactiques montreront l’interaction entre langue de spécialité et culture et ses limites. Outre les aspects didactiques, il sera intéressant de présenter les stratégies étudiantes face aux logiques institutionnelles. Enfin, l’exemple de cette nouvelle formation « bilingue plus » nous permetil de dire qu’une politique de formation au plurilinguisme et à l’interculturalité peut modifier les comportements de l’étudiant dans

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sa prise de conscience d’une citoyenneté élargie à l’Europe ? 1. Bases légales du contexte linguistique en Suisse Rappelons tout d’abord que « la Suisse est quadrilingue, mais les Suisses le ne sont pas » car la situation linguistique complexe se dessine surtout comme une cohabitation des langues dans un pays aux quatre régions linguistiques. Plus de 70% de sa population est germanophone tandis qu’un peu plus de 20% est francophone. Fribourg, riche par son héritage historique et sise à la frontière linguistique entre ces deux grandes régions linguistiques, est un canton bilingue où l’on applique le principe de territorialité : ce canton est francophone puisque la langue majoritairement parlée y est le français. Ce principe a été récemment inscrit dans la constitution cantonale. Ses défenseurs y ont vu une protection contre la “germanisation rampante” du canton face à son voisin, le grand frère germanophone. Cette situation tendue s’est quelque peu dissipée grâce à l’inscription des langues officielles dans la Constitution suisse de 2000, suivie de la Constitution cantonale en 2003. 2. Les bilinguismes de l’université de Fribourg La promotion du bilinguisme du milieu universitaire fribourgeois s’inscrit dans le cadre d’une volonté politique fédérale de relance de la cohésion sociale du pays grâce à un vaste programme d’éducation à la culture et à la langue de l’autre. L’université de Fribourg en profitera pour renforcer sa longue tradition d’enseignement bilingue qui se décline sous les trois formes sui-

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vantes : un bilinguisme parallèle, c’est-à-dire que les filières sont offertes intégralement en français et en allemand ; un bilinguisme complémentaire avec une offre de cours soit dans l’une, soit dans l’autre langue, la plus avantageuse pour les institutions d’un point de vue budgétaire ; enfin, un bilinguisme intégré quand l’enseignement est donné en fonction de la langue maternelle de l’enseignant ou de son auditoire. Ces types de bilinguisme sont encore renforcés en faculté de droit et de sciences économiques par une offre de cours d’anglais, d’allemand ou de français spécialisés intégrés aux programmes facultaires ; ces cours constituent des cours à choix dans le cursus des sciences économiques comme en droit. A cette offre déjà très diversifiée, est venue s’ajouter en octobre 2004 une toute nouvelle formation diplômante intitulée « bilingue plus ». Pourquoi plus ? 3. Présentation de la formation « bilingue plus » La formation bilingue plus s’adresse à un public choisi qui se destine aux voies d’études bilingues de la faculté de droit en accomplissant soit 40% du cursus Bachelor en langue seconde, soit une année complète de ce même cursus dans l’autre langue. Outre cette exigence, le niveau requis à l’entrée correspond au niveau B2 du CECRL. Cette formation supplémentaire représente un surcroît de travail avec 6 heures de cours. Les deux modules suivants la composent : une formation linguistique renforcée à des fins de communication professionnelle et interculturelle, ainsi que d’un approfondissement en culture générale. Elle s’organise comme suit :

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Bilinguisme >> Structure

Composé de deux parties, cette formation donne lieu à deux diplômes indépendants du Bachelor et du Master, « bilingue plus I » et « bilingue plus II » qui garantissent l’acquisition des compétences professionnelles à l’écrit et à l’oral dans l’autre langue - le français ou l’allemand - pour le/la futur(e) juriste qui sort de l’université avec un double bagage, un Bachelor bilingue en droit et le certificat Bilingue plus, ou deux ans plus tard, avec le Master bilingue en droit et le diplôme bilingue plus.

de sélection, à savoir l’endurance, doublée de perspicacité. La participation à la formation « bilingue plus » se fait sur la base d’une sélection à l’entrée: en plus du niveau minimal requis (B2), un entretien avec l’enseignant(e) doit permettre de détecter le profil de l’étudiant qui se définit avant tout comme personne active orientée vers un avenir professionnel dans une société qu’il entend coconstruire. Ce programme accompli sur base volontaire est donc ouvert à des étudiant(e)s possédant un réel intérêt

1er cycle

gine régionale des promotions suit globalement un axe géographique proche de celui des transports ferroviaires avec le train direct ZürichGenève, parcourant la Suisse du Nord-Est au Sud-Ouest, du lac de Constance au lac Léman-lac de Genève. L’influence de l’infrastructure ferroviaire n’est pas négligeable sur les dispositifs éducatifs : Fribourg, à mi-parcours, constitue la plaque tournante des langues en Suisse, voire au-delà dans une perspective régionaliste du milieu universitaire. Interrogeons-nous maintenant sur les motivations de ces étudiant(e)s

2e cycle

1ère année 2e année 3e année BACHELOR en droit, mention «études bilingues» 1ère année

2e année

MASTER en droit, mention «études bilingues»

A ce cursus, s’ajoute la deuxième formation diplômante suivante :

1er cycle 1ère année

2e année

2e cycle 3e année

En plus du cursus bilingue de droit, l’étudiant suit donc 2 modules spécifiques au programme bilingue plus, soit un premier module de 4 heures hebdomadaires de langue à des fins de communication professionnelle spécialisée et un deuxième module de 2 heures hebdomadaires, à choix parmi l’offre des cours de la faculté des Lettres. L’objectif de ce dernier module est centré sur l’introduction à la culture de cette deuxième langue afin d’être sensibilisé à l’histoire, la société, l’économie et la politique des milieux germanophone et francophone. Ce vaste programme de construction d’un savoir-faire plurilingue et interculturel s’inscrit dans la politique d’éducation à la citoyenneté et à la paix par le bilinguisme et l’immersion à Fribourg et dans son université, située à la frontière des langues et des cultures. L’étudiant bilingue plus doit fournir un travail personnel important qui créera assez vite un nouveau critère

CERTIFICAT «Bilingue plus»

1ère année

au lien social et à la médiation entre l’individu et la société. Cette formation a un coût – soit CHF 500.-, 350.-€ par semestre -, somme que l’étudiant est prêt à investir pour l’obtention du diplôme « bilingue plus », en plus du Bachelor bilingue de droit. On pourrait penser que l’augmentation des frais pour l’étudiant constitue une mesure anti-sociale qui remet en cause le statut de l’université comme secteur public et l’accès universel de l’université plurilingue. Avant d’apporter des réponses à ces questions, examinons les chiffres de la première promotion de la formation depuis l’inscription en octobre 2004 jusqu’à la fin de l’année. 4. Provenance et motivations des étudiants D’où viennent généralement les étudiant(e)s participant au programme bilingue plus ? Sans entrer dans les détails, l’ori-

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2e année

DIPLOME «Bilingue plus»

venant des quatre coins du monde helvétique. La situation géographique de l’université, sise à la frontière des langues en Suisse, permet à l’étudiant, francophone comme germanophone, de cumuler les trois atouts suivants : l’immersion en canton bilingue avec la découverte de l’autre Suisse, le double diplôme universitaire bilingue et le caractère de “sécurisation linguistique” d’une université aux offres bilingues diversifiées. Enfin, le caractère pragmatique d’un programme de développement de compétences professionnelles en milieu universitaire semble correspondre aux attentes étudiantes : plus les formations sont liées à la communication professionnelle spécialisée, plus on est proche du marché de l’emploi. Ce type de programme semblerait même faire revenir sur les bancs des amphis les hommes, à la recherche de formations et de diplômes proches du marché.


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Bilinguisme On vient aussi à Fribourg pour connaître l’autre culture, mais “faire bilingue“ et “faire bilingue plus à Fribourg” a une double signification : on est étudiant en droit et l’acquisition de compétences professionnelles dans l’autre langue semble représenter une double garantie sur la valeur et la qualité des études, comme sur celle des diplômes obtenus. Cette recherche de cursus de qualité se conjugue avec plurilinguisme et spécialisation. Le fait d’une sélection sévère, d’un examen difficile, d’un engagement en termes de temps, de travail et de contribution financière, tous ces éléments participent à la motivation étudiante, à la recherche d’études de qualité. Paradoxalement, les étudiants qui travaillent pour financer leurs études, se montrent les plus combatifs et résistants au travail. Plus que des stratégies de survie sociale ou de recherche de l’excellence, l’ambition née de la peur du chômage et de la globalisation caractérise le public bilingue plus, conscient des nouvelles exigences du marché de l’emploi : interdisciplinarité et plurilinguisme. On assiste à une forme de revendication très affichée de la part de l’étudiant choisissant l’université qui rend visible la qualité novatrice de sa politique de formation, à travers des programmes exigeants et diversifiés. Si le projet de vie professionnelle est un axe fort de la motivation étudiante, le rêve d’une carrière helvétique puis internationale s’exprime très ouvertement et Fribourg représente un centre porteur de l’Histoire en mouvement. A l’unanimité, les étudiant(e)s de la formation bilingue plus, déclarent par exemple que le trop célèbre Röstigraben – image simplificatrice du prétendu fossé culturel entre romands et les suisses-allemands mangeurs de Rösti - est une invention de l’esprit : la perspective de l’étudiant mo-

Pendant son stage à Chambéry, Kathrin, étudiante bilingue plus, rêve de la future robe d'avocate...

1. www.unifr.ch/bilingueplus 2. Cadre européen de références pour les langues, Conseil de l’Europe, 2000, http/::www.coe.int/t/dg4/lingustic/Source/Framework_FR.pdf

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Bilinguisme >>

derne fait voler en éclats cette représentation erronée d’un monde définitivement révolu. Dépassant ainsi tout type de ressentiment et désireux de participer à la construction d’un monde en mutation, l’étudiant bilingue plus déplace spontanément les frontières et il se sent investi d’une mission d’excellence pour « faire la Suisse » en Suisse, vers l’Europe, mission qu’il espère remplir par et pour le développement des compétences plurilingues et interculturelles dans son domaine d’études. On peut facilement s’imaginer que cette révolution des exigences étudiantes va inévitablement provoquer l’éclatement des modèles traditionnels d’enseignement des langues en milieu universitaire pour faire naître de nouveaux et formidables scénarii didactiques.

Provenance cantonale des étudiants bilingue plus (sources : cf. carte précédente)

Et ce discours étudiant trouve tout naturellement son écho dans les logiques institutionnelles à travers la recherche de qualité et la création de cursus ouvert à un public volontaire en faveur du bilinguisme et de l’interdisciplinarité. De plus, il s’agit pour l’institution de trouver sa dimension spécifique qui n’appartiendra qu’à elle. Cela ne signifie pas que la vocation de formation universitaire ouverte au plus grand nombre disparaît, mais l’offre se diversifie en répondant ainsi à la multiplicité des demandes liées au plurilinguisme et à l’interculturalité à travers des programmes spécifiques. Il n’en reste pas moins que

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de tels projets ont leur coût, dont la rentabilité s’inscrit nécessairement dans la durée. L’institution a donc donné naissance à une nouvelle vision d’une culture universitaire ouverte à une diversification des programmes, traversant toutes les disciplines par le plurilinguisme et l’interculturalité, les deux axes forts dans l’enseignement du programme bilingue plus, conçu pour répondre aux attentes d’un jeune public exigeant et pressés de réussir, à la recherche des produits de qualité qui leur garantissent à la fois accès et succès dans le monde professionnel, voire politique. Conclusion En conclusion, nous pouvons dire que le grand défi de cette nouvelle formation bilingue plus réside dans le fait d’avoir intégré la complexité des nouvelles attentes en terme de formations universitaires qui doivent aujourd’hui pouvoir combiner savoirs et savoir-faire spécialisés par l’interdisciplinarité, l’interculturalité et le plurilinguisme. Telles sont donc les cartes gagnantes de la politique linguistique de l’université fribourgeoise : l’apprentissage au plurilinguisme et à la diversité culturelle se présente comme un espace d’apprentissage aux valeurs communes où se dépassent les identités singulières d’étudiants dont le projet de vie correspond aussi à un programme de société. PATRICIA KOHLER UNIVERSITÉ DE FRIBOURG


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Zürich au féminin 1275 JOURS, 643 LATTE MACCHIATO COMMANDÉS, 202 FILMS VISIONNÉS AU RIFF-RAFF, 150 LIVRES ACHETÉS À LA LIBRAIRIE FRANÇAISE PAYOT, 12 FONDUES DÉGUSTÉES AU ADLER'S SWISS CHUCHI, 3 ABONNEMENTS RENOUVELÉS AU FITNESS PARK ET UN MILLIER DE KILOMÈTRES À PARCOURIR LES PAVÉS DE MA BIENAIMÉE ZÜRICH.

Invitationauvoyage pourcesdames

1275 JOURS EXPATRIÉE

leur univers. Cela, en ignorant le rythme effréné d’une vie sociale artificielle et souvent bâtie par des personnes en cruel manque d’introspection. Durant les jours de lourde chaleur, au cours de mes longues promenades, j’ai foulé des pierres millénaires, humé l’odeur des petits marchés, vu les jardins secrets du Lindenhof, pourtant il m’a été bien difficile de trouver un lieu où je pouvais me baigner en toute sérénité.

n ce jour ensoleillé, de mon petit appartement du Niederdorf au cœur de la vieille ville, je vois ma rue ornée de drapeaux et de toits fleuris. Nul besoin de s'évader l'été, cette ville m’enchante par sa douceur de vivre, ces cinémas de plein air et ces festivals musicaux populaires. Je suis amoureuse de Zürich depuis le premier jour. Mais c’est en pleine saison estivale qu’elle me charme le plus. Ses habitants parviennent à lui donner un air de Riviera Italienne par leur mode de vie inimitable. Je conçois qu’il n’est pas simple de se sentir à l’aise tout de suite parmi les Zurichois prospères, paisibles et incroyablement stylés. Mais malgré mon exil, j’ai su trouver la paix en créant ma propre ville dans la Ville. Et c’est là le secret. Dans ce lieu au rayonnement international, les bienheureux sont ceux qui ont su créer

Samira.Aguerguan@hotmail.com

E

Samira Aguerguan

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Jusqu’au jour où… Un livre à la main, mon panier en osier et quelques boissons fraîches, j’ai tenté la simplicité la première année en étendant ma serviette sur les plages du Lac de Zürich… J’aime les enfants, mais la horde de ces petits hommes hurlants a vite eu raison de ma patience. Ma vision d’une journée agréable, bien que le décor soit splendide, n’inclut pas la réception d’un ballon Mickey en pleine figure.

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Zürich au féminin >>

Je m’éloignais donc craintivement de ce mois d’août en me promettant que je serai plus sélective l’année suivante. Le second été, des amis me conseillèrent d'opter pour les Bains d’Oberer Letten, en dissimulant assez mal leur gêne du fait que je ne connaisse pas ce lieu. Arrivée sur place, je suis saisie par le contraste de l’endroit : de la musique, le fleuve scintillant, des graffitis énormes sur le mur… Et un nombre incroyable de beaux jeunes gens tout droit sortis du magazine Vogue, entassés les uns contre les autres sur un carré de gazon en guise de plage. Ici, le petit théâtre de la jeunesse dorée de Zürich se joue chaque jour de juin à août. Si les personnages peuvent sensiblement changer, la pièce reste la même au fil des années. Vu et être vu, telle est la devise Et si j’aime nager à contre-courant du fleuve pour fortifier mes muscles, je renonce définitive-

Niederdorf

ment à suivre le courant de cette jeunesse s’admirant dans le reflet de l’eau. Chaque fois que l’on me donne rendez-vous au Letten, j’angoisse durant deux heures devant mon dressing-room avant de choisir ma tenue de plage, je vérifie si ma pédicure est impeccable et si le Tupperware contenant ma salade n’est pas passé de saison. Au final, les gens consacrent tellement de temps à se scruter que je rentre chez moi plus épuisée encore qu’un jour de grève SNCF. Enfin vint le troisième été Ce jour où par hasard, je poussais la jolie porte de ce lieu datant de 1837, inspiré des constructions en bois déjà existantes de Trieste, Venise ou Budapest.

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L’histoire de ces bains, aucune femme dotée de sensibilité n’a besoin de la connaître pour ressentir une douce nostalgie en y entrant. Le Frauenbadi est le plus ancien bassin de bois de la ville et comme son nom l’indique, il est réservé aux femmes. Messieurs, avant de vous décrire cet Eden féminin, et dans le but d’attiser un peu plus votre curiosité, sachez qu’il était initialement dédié à l’hygiène du corps. L’eau courante à domicile n’existant pas, le règlement était très strict et chaque visite ne devait pas excéder les 30 minutes, changement de vêtement inclus. Puis les bains évoluèrent parallèlement à l’histoire des femmes. Aux cours de natations scolaires pour jeunes filles, ils devinrent une plateforme sociale où le bien-être est une priorité. Arrivée au Stadhausquai, en poussant la porte en bois, rien n’indiquait un tel havre de paix. Le bassin à ciel ouvert protège élégamment ces dames par ses jolis remparts. Aucun regard extérieur ne se doute que derrière cette charmante façade vit, le plus pacifiquement du monde, une communauté de femmes. Les cabines entourant la piscine offrent la possibilité aux belles de se changer derrière de légères toiles rayées blanches et bleues. J’ai le sentiment, à cet instant, d’être une résidente de l’Hôtel des Bains dans « Mort à Venise ». Me voilà transportée dans un voyage délicieux dans le temps : le clapotis de l’eau, le murmure discret des femmes, les demoiselles savourant un café glacé au petit bar regorgeant d’aliments sains et de fruits frais. Là, tout n’est qu’Ordre et Beauté, Luxe, Calme et Volupté Pour celles qui souhaitent nager en admirant la vieille ville et l’église Grossmünster, un autre bassin, ouvert sur le fleuve et plus petit, a été construit en annexe à la fin des années 40. Les bateaux de touristes peuvent aisément voir les nageuses et semblent se délecter de ce spectacle. Ce qui prouve le charme de la désuétude et de l’interdit, puisqu’aujourd’hui, rien n’est plus banal que la nudité. Dans le bassin à huis clos, j’ai le sentiment


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Zürich au féminin de comprendre le choix des impressionnistes. D'énormes chapeaux de paille, des boucles de cheveux, le ciel dans l’eau, quelques grappes de raisin, je ne vois que des touches furtives mais éternelles. Les pieds dans l’eau, deux femmes d’âge mûr chuchotent telles deux adolescentes tandis que deux petites de 8 ans lisent un magazine en commentant avec beaucoup de sérieux la tenue d’une actrice en vogue. Une fille hésite sur le choix de son livre devant la petite bibliothèque. Malgré mon affection pour le sexe fort, loin du regard des hommes, ces femmes semblent vivre en paix, sans complexes et unies pour quelques heures. Du Shiatsu au Yoga matinal, la femme, l’épouse, la mère trouvent au Frauenbadi un refuge à la hauteur de leur beauté. De toutes confessions, de tous horizons, des femmes aux riches époux à la timide secrétaire, la magie opère et les liens se tissent. Ceci est mon paradis zurichois. Un paradis dont les femmes ont la clé et où les hommes souhaitent entrer. Le soir venu, alors que le soleil disparaît lentement derrière les murs de la ville, les bains se désertent, tandis que nos héroïnes s’en vont rejoindre leurs conjoints avec dans le cœur ce jardin secret. Une autre vie commence Quand la nuit est là, les jolis bassins en bois du Frauenbadi se transportent majestueusement du 19ème au 21ème siècle. L’établissement ouvre une nouvelle fois ses portes sous le nom du BarfussBar, soit le Bar Pieds-nus pour les non-germanophones, afin de laisser à présent hommes et femmes se réunir autour du Bassin, un verre à la main et sans chaussures pour préserver les lattes centenaires. Le charme du décor en bois et l’éclairage réussi, immergent les hôtes dans une ambiance légère, amoureuse et culturelle. La Direction reste en cohérence avec le lieu et maintient le cachet des Bains en proposant une programmation intimiste de concerts, de concours d’improvisation et de lectures. Les discussions vont bon train, les corps se frôlent et les rires résonnent là

où, depuis presque deux siècles, tant de confidences féminines ont été partagées. A présent, il se fait tard et mon petit appartement du Niederdorf m’attend. Et par cette belle nuit d’été, les pieds nus, j’avance silencieusement, et avec délice, dans la ville de mon cœur. Invitation au voyage pour ces messieurs : Pour les hommes à la recherche d’un endroit pour eux, non loin de là, coincé entre le vieux mur de la ville, le jardin botanique

Frauenbadi

Lindenhof

et la Bourse, le Männerbadi les attend. Dédié aux hommes, je ne saurai vous vanter ses mérites en journée mais à la tombée du jour, les bains se transforment en magnifique lieu de rencontre. Baignée dans l’ambiance enivrante du Bar Rimini, me voici allongée sur de confortables poufs en sirotant une boisson fraîche, apaisée par l'eau tranquille et sombre du canal de Schanzengraben.

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Anniversaire Quelques dates

Croix-Rouge Croissant-Rouge

1859 Bataille de Solférino 1862 Publication d’Un Souvenir de Solférino, de Henry Dunant

150ans d’action 1859 : La bataille de Solferino Le 24 juin, Henry Dunant, un citoyen de Genève, en Suisse, voyage dans le nord de l'Italie pour rencontrer Napoléon III, qu'il souhaite entretenir de ses affaires personnelles. Près de la petite ville de Solferino, les forces franco-sardes affrontent les troupes autrichiennes dans la guerre d'unification italienne. Ce soir-là, Dunant arrive au village de Castiglione, où plus de 9 000 soldats blessés ont trouvé refuge dans l'église principale, la Chiesa Maggiore. Choqué de voir des milliers de blessés gisant sans aucun soin, il mobilise les femmes de la région et travaille avec elles plusieurs jours et plusieurs nuits durant, nettoyant et soignant leurs blessures, distribuant du tabac, du thé et des fruits. À son retour à Genève, Dunant ne peut pas oublier ce qu'il a vu. En

1863-1864 Création du CICR

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1876-1878 Première utilisation de l’emblème de croissant rouge

1901 Henry Dunant reçoit le premier Prix Nobel de la paix

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Anniversaire

1914-1918 Durant la Première Guerre mondiale, la Croix-Rouge mène des opérations d’une ampleur sans précédent

1961 Lancement d’un plan mondial visant à promouvoir et à renforcer les nouvelles Sociétés nationales 1963 Le CICR et la Fédération internationale reçoivent le Prix Nobel de la paix Nobel de la paix à l’occasion du 100e anniversaire du Mouvement

1919 Création de la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge, rebaptisée, en 1991, Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge 1929 Extension des Conventions de Genève

1965 Proclamation des Principes fondamentaux de la Croix-Rouge

1994 Le CICR et la Fédération internationale obtiennent le statut d’observateur à l’Assemblée générale des Nations unies 1997 Campagne mondiale du Mouvement pour l’interdiction des mines antipersonnel

1917 et 1944 Le CICR remporte le Prix Nobel de la paix pour son action humanitaire durant les deux guerres mondiales

1977 Protocoles additionnels aux Conventions de Genève de 1949

1949 Nouvelle extension et révision des Conventions de Genève

2009 150e anniversaire de la bataille de Solferino, 90e anniversaire de la Fédération internationale, 60e anniversaire des Conventions de Genève et lancement de la campagne mondiale « Notre monde. A vous d’agir. »

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Anniversaire >> 1862, il publie Un Souvenir de Solferino. Le livre

formule deux grandes idées : • Etablir des comités en temps de paix pour former des volontaires qui soigneraient les blessés en temps de guerre, ce qui conduisit à la création des 186 Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge actuelles. • Elaborer un accord international pour reconnaître et protéger ces comités, ce qui constitue la base du droit international humanitaire. 1919 : Création de la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge L'idée de rassembler les compétences et les ressources des Sociétés de la Croix-Rouge pour fournir une assistance humanitaire en temps de paix remonte à Henry Dunant luimême, qui écrivit en 1862 : « Ces sociétés

pourraient aussi rendre de grands services, par leur existence permanente dans les temps d'épidémies, d'inondations, de grands incendies et autres catastrophes imprévues. » Henry Davison, président du Conseil de guerre de la Croix-Rouge américaine, propose par la suite de créer une fédération des Sociétés de la Croix-Rouge des nations victorieuses afin d’apporter une assistance humanitaire aux millions de personnes frappées par la femine et la maladie au lendemain de la Première Guerre mondiale. Le 1er avril 1919, quelque 70 des plus grands savants, médecins et infirmiers du monde se réunissent en France. Ils approuvent à l’unanimité la création d’un organe central qui stimulerait et coordonnerait les activités des volontaires du monde entier, par l’intermédiaire de leur Société de la Croix-Rouge, pour apporter des secours essentiels, médicaux ou autres,

aux personnes en détresse. Le 5 mai 1919 à Paris, les directeurs des Sociétés de la Croix-Rouge britannique, française, italienne, japonaise et américaines adoptent les statuts fondateurs de la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge. La Ligue envoie sa première mission opérationnelle en Pologne en août 1919, afin d’aider un pays dévasté par la faim et le typhus. En 1991, la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge est rebaptisée Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (Fédération internationale). 1949 : Nouvelle extension et révision des Conventions de Genève C'est l'une des années clés de l'histoire du Mouvement ; elle marque une avancée décisive dans le développement du droit international humanitaire. La Seconde Guerre mondiale avait montré l'urgence d'une révision approfondie du droit international humanitaire. La 1ère Convention, qui vise à protéger les blessés et les malades dans les forces armées en campagne, est la quatrième version de la Convention de Genève relative aux blessés et aux malades, après celles adoptées en 1864, en 1906 et en 1929. La IIe Convention protège les blessés, les malades et les naufragés des forces armées sur mer, révisant et développant la Convention de Genève de 1906 et la Convention de La Haye de 1907. La IIIe Convention, relative au traitement des prisonniers de guerre, constitue une révision et un développement du Règlement de La Haye de 1907 et de la Convention de Genève de 1929 relative au traitement des prisonniers de guerre. La IVe Convention est destinée à protéger les civils. En outre, les quatre Conventions contiennent un article commun relatif à la protection des victimes de conflits armés non internationaux. Adoptés le 8 juin 1977, les Protocoles I et II sont des traités internationaux complémentaires aux Conventions de Genève de 1949. Ils améliorent considérablement la protection juridique des victimes des conflits armés et, pour la première fois, énoncent des règles humanitaires détaillées applicables aux conflits armés non internationaux. En 2005, un troisième Protocole additionnel instaure un emblème supplémentaire, le cristal rouge, qui bénéficie du même statut que les emblèmes existants de la CroixRouge et du Croissant-Rouge.

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Santé prévention

PREVENIR VAUT MIEUX QUE GUERIR

Prévention ? Vousavezdit prévention ? Commec’estbizarre…

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jjdescamps@thermalp.ch

Santé prévention ’Organisation Mondiale de la Santé a publié, il y a quelques années, les risques qui pèsent le plus sur la santé dans le monde : 1> la sous-alimentation 2> les pratiques sexuelles dangereuses 3> l'hypertension 4> le tabagisme 5> l'abus d'alcool 6> Non-potabilité de l'eau et insuffisance de l'assainissement 7> l'hypercholestérolémie 8> la pollution de l'air des habitations 9> la carence en fer 10> la surcharge pondérale et obésité S 'il est un domaine où les plantes médicinales et aromatiques peuvent avoir une action prépondérante c'est, bien sûr, la prévention

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Jean Jacques Descamps

LE CHIENDENT Une plante est considérée comme mauvaise jusqu'au moment où on découvre ses propriétés inconnues. Le chiendent fait partie de cette catégorie. S'il suffit de suivre votre chien pour observer les bienfaits de cette plante que seuls les jardiniers et les agriculteurs considèrent comme une mauvaise herbe. De nos jours cette plante extraordinaire et d'un coût dérisoire est essentiellement utilisée comme diurétique et comme calmant d'états inflammatoires. ATTENTION de ne pas utiliser de chiendent qui aurait subi des traitements chimiques et plus spécialement des pesticides.

Cure dépurative

À

chaque grand changement de saison, nous vous conseillons, pendant une semaine, de boire tous les jours la décoction suivante : Rajouter, dans un litre d’eau froide, 3 pincées d’aubier de tilleul et 3 pincées de rhizome de chiendant. Faire cuire pendant 3 minutes. Filtrer et boire chaud ou froid durant la journée.

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Le réflexe de la prévention La phytothérapie révèle toute sa dimension dans le domaine de la prévention. L'expérience de cette institutrice qui avait donné à boire à ses élèves une tisane de thym sucré au miel, réduisant de la sorte, le taux d'absentéisme des enfants de 80%, illustre triomphalement l'impact de la prévention. Une politique de prévention digne de ce nom aurait sans aucun doute, des conséquences visibles sur la consommation des médicaments allopathiques tout en améliorant le confort de vie de tout un chacun. Prévenir la dépression saisonnière en utilisant de la sauge, éliminer les mauvaises graisses en avalant quotidiennement de l'ail, prendre l'habitude de préparer une décoction d'aubier de tilleul 3 fois par mois pour anticiper les risques de coliques néphrétiques et des affections inflammatoires chroniques comme la maladie de Crohn, consommer régulièrement de l'huile de pépin de cassis, magnésium et vitamine E pour lutter contre les phénomènes d'acouphènes, avoir recours à la busserolle pour prévenir les cystites chroniques, etc. sont autant de petits réflexes, peu coûteux, et somme toute presque banals, à adopter pour un confort de vie au quotidien. Même si la nature n'est pas inépuisable, elle recèle encore beaucoup de secrets. Le ginseng serait en voie, si les recherches le confirment, de révéler, outres ses bienfaits toniques, des vertus antidiabétiques bienvenues. De même, le gingko biloba, la plante médicinale la plus utilisée dans le monde pour lutter contre des maladies vasculaires périphériques et l'insuffisance cérébrale, offrirait de nouvelles perspectives contre la maladie d'Alzeimer. Se Soigner avec les plantes, un art de vivre, pas un jeu Se soigner avec les plantes équivaut à envisager sa santé dans sa globalité et avec des conseils avisés. Votre thérapeute est votre meilleur conseiller. N'hésitez jamais à lui faire part de réactions, de manifestations ou de symptômes, même si, à priori, vos constats semblent sans relation avec le mal dont vous souffrez. L'exemple du patient dont le taux d'acide urique augmentait dans le sang, de concert avec le déclenchement d'une conjonctivite, est significatif. Faire le lien entre le picotement des yeux et le déclenchement d'une crise de goutte lui a permis d'anticiper cette attaque et de s'y

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Santé prévention Cadeaux sondage

un traitement anticoagulant de longue durée. Quelques végétaux, particulièrement riches en vitamine K, tendent à inhiber l'action des anticoagulants, alors que d'autres accroissent cette même action avec un risque d'hémorragie. Le mélilot ou le marronnier d'Inde, fréquemment utilisés pour traiter les troubles veino-lymphatiques ; l'aspérule odorante que l'on retrouve dans différentes spécialités antispasmodiques ; ou encore la matricaire, plante antalgique par excellence, sont particulièrement riches en coumarine. Et cette coumarine est, ni plus ni moins, un anticoagulant naturel. Imaginez donc les conséquences une fois que les anticoagulants naturels et synthétiques se rencontrent... Le millepertuis ou herbe de la Saint-Jean, dont la qualité médicinale contre la dépression légère à moyenne est largement démontrée, fait également partie de ces herbes dites « dangereuses » une fois qu'elles sont associées à d'autres médicaments. Des exemples similaires foisonnent.

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armi tous les questionnaires reçus, 30 personnes recevront un exemplaire de la dernière édition de Défatiguez-moi, le petit livre vert de la forme et du bonheur. 100 pages de conseils et de solutions naturelles à vos problèmes quotidiens. Éditions Phytosante Lausanne (021 626 04 41).

>> préparer. Autre exemple : vous avez ten-

dance a être hypertendu, or vous usez souvent de préparations pectorales à base de réglisse, en ignorant que certains constituants de cette plante augmentent précisément l'hypertension... Votre phytothérapeute pourra toujours vous conseiller sur la durée d'une cure, selon la pathologie traitée. La cure de départ, quotidienne pendant 2 à 3 semaines, sera généralement suivie d'une cure d'entretien, à raison d'un jour par semaine. Durant les premiers jours de cure, il n'est pas rare d'observer une réaction négative voire une augmentation des symptômes existants. Sans pouvoir expliquer ce phénomène de manière scientifique, il est toutefois acquis que plus la réaction est rapide et violente, plus le traitement sera efficace.

L'interaction des plantes et des médicaments Suite à une phlébite ou en raison d'une maladie cardio-vasculaire, certaines personnes sont notamment amenées à suivre

L'interférence des plantes Les plantes entre elles peuvent interférer selon leur compatibilité ou incompatibilité d'humeur. Les jardiniers ou producteurs en agriculture biologique sont fréquemment confrontés à ce genre de situation. La pâquerette apprécie la proximité de l'ail, la chicorée le fuit. La pâquerette nettoie le terrain en neutralisant les toxines de l'ail et permet ainsi le développement de la chicorée. Ne pas être conscient de ce type de phénomène peut vous amener à mélanger dans une même tisane, des plantes qui ne se tolèrent guère...

Questionnaire

À

la lecture de toutes ces contraintes, nombreux sont ceux qui risquent de renoncer à utiliser les plantes et ils auraient tort. En effet, toutes les lectrices et lecteurs de France Magazine ont la possibilité de recevoir gratuitement la recette de plantes bio adaptée à leurs problèmes éventuels. Il suffit de compléter le questionnaire ci-contre et de le retourner à : Jean-Jacques DESCAMPS, LE JARDIN DE JACKY Phytothérapeute Thermalp les Bains d'Ovronnaz - 1911 OVRONNAZ - Suisse Tél. 00 41 27/ 305 11 27 - Fax 00 41 27/ 305 11 95 Mobile 00 41 79/ 301 01 34 E-mail jjdescamps@thermalp.ch - www.thermalp.ch

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Santé prévention SONDAGE SUR LA SANTE DES FRANÇAIS DE L’ETRANGER et possibilité de recevoir gratuitement une recette de plantes personnalisée Qui êtes-vous : femme homme Age :…………… Pression artérielle : ……./……. Migraines Maux de tête Vertiges Bourdonnements d’oreille Sinusites Rhume des foins Rhume Asthme Urticaire Eczéma Aphtes Herpes Psoriasis Transpiration Callosités Mycoses

Mal au dos Chronique Occasionnel Sciatique Lumbago Douleurs dans la nuque

Règles Douloureuses Irrégulières Surabondantes

Insomnie Palpitation Angoisse Dépression Stress Boulimie

Digestion Brûlures d’estomac Vomissements Crampes intestinales Ballonnements Diarrhée Constipation Aérophagie Mauvaise haleine

Rhumatismes Arthrose Douleurs dans les articulations Douleurs musculaires Epicondylite chronique Ostéoporose Veuillez indiquer dans les cercles, en cm, votre tour de poitrine - taille - hanches cuisse - mollet - cheville Vous mesurez :………cm Votre Poids :………kg Votre Poids actuel :………kg

Troubles urinaires Prostate Cystites chroniques Incontinence

Troubles circulatoires Varices Phlébites Thromboses Hémorroïdes Crampes

Crampes nocturnes Crampes à la démarche Fourmillements Pieds froids Jambes lourdes Cellulite

Avez-vous suivi des régimes amaigrissants ? Oui Non Votre poids maximum : ………kg Votre poids minimum : ………kg Votre poids de forme : ………kg Avez-vous subi des opérations ? : Pour : ……………………………………………………………… Etes-vous en traitement médical ? Pour : ………………………………………………………………

Ne jamais interrompre un traitement médical en cours FRANCEMAGAZINE N°26 57 AUTOMNE 2009


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Santé animale

QU’EN EST-IL DU COMPORTEMENT ÉQUIN VU PAR L’H

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Le cheval

ce fougueux compagnon DEPUIS TOUJOURS, CE NOBLE ANIMAL FASCINE ET ÉBLOUIT DE PAR SA FORCE, SA VITESSE ET SA PERSÉVÉRANCE. A PARTIR DES ANNÉES 50 DU SIÈCLE DERNIER, LE CHEVAL ATTIRE L’ATTENTION DES COMPORTEMENTALISTES ET DEVIENT SUJET DE RECHERCHES SCIENTIFIQUES. grande sensibilité. Il ne supporte la poussière et les gaz nocifs que difficilement et sera rapidement touché par les maladies. En effet, la stupéfiante efficacité des poumons du cheval lui permet de fuir de manière très rapide. Les grands espaces aérés sont également profitables à cette aspect physiologique. Normalement, les chevaux vivent en bandes, la structure hiérarchique étant la base de la communauté sociale. Ils ne sont cependant pas territoriaux et acceptent d’autres bandes “chez eux”. Seuls, pendant la saison des

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Dounya Reiwald

homeoverhalten@reiwald.ch

our comprendre un animal, le tenir décemment et entretenir une relation avec lui, il faut le connaître. Ceci signifie étudier son fonctionnement physiologique et éthologique. Le cheval descend d’un petit animal ressemblant davantage à un chien qu’à un coursier et se nourrissant d’herbe dans la forêt. Le fait d’être parfaitement adapté à son environnement lui a permis de survivre. Il n’en est pas autrement aujourd’hui : l’environnement doit fournir à l’animal un minimum vital afin de couvrir ses besoins naturels. Il est impossible par exemple de tenir un cheval dans un appartement, son besoin le plus incontournable étant de se nourrir constamment en allant de l’avant. C’est pourquoi, de plus en plus de chevaux ont la possibilité de sortir de leur boxe, afin de pourvoir à ce besoin essentiel qu’est la déambulation d’herbe en herbe. Car cet animal, qui peut parfois sembler paresseux passe environ 17 heures par jour à brouter. Deux à trois fois par jour, une grande quantité d’eau est engloutie. Des études ont mesuré le temps que passe un cheval à un endroit et la stupéfaction fut grande, lorsqu’on découvrit que normalement, pas plus de 12 secondes ne s’écoulent entre un endroit et le prochain. Avec la domestication, certains éléments éthologiques se transforment en intensité ou en fréquence, mais jamais ils ne disparaissent. Des comportements totalement nouveaux sont également impossible. Originellement, l’équidé vit sous le ciel ouvert. De manière générale, il survit en contrôlant constamment son environnement, toujours prêt à fuir. Car le cheval n’est rien d’autre qu’un fugueur, à la moindre crainte, il prend ses jambes à son cou. C’est sa stratégie préférée et la plus efficace, un combat risquant toujours de faire des blessés, ce qui est incompatible avec la vie en liberté. Le cheval est parfaitement adapté à cette vie extérieure. Il supporte sans problème de grand changements de température et cherche toujours l’endroit le plus agréable pour la situation présente. Ainsi les chevaux de Camargue se trouveront sur les collines aérées ou sous les arbres, lors de grandes chaleurs. L’appareil respiratoire équin est d’une


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Santé animale

PAR L’HOMME ? UNE MISE À JOUR amours, les étalons seront intransigeants avec des concurrents éventuels qui seront chassés sans pitié. La place hiérarchique dépend de l’âge et du tempérament de chaque animal. Un petit animal agressif sera souvent plus haut placé qu’un gros costaud. Cette hiérarchie change naturellement avec la mort ou l’arrivée de nouveaux individus. La condition qui permet une vie en bande est, bien sûr, la communication. Comme

toutes les espèces sociales, le cheval maîtrise tout un lot de signes permettant de faire voir, entendre ou sentir ce que l’on veux dire, les signaux optiques et tactiles étant les plus importants. Comme première chose, le poulain, par exemple, apprendra à respecter les signes préventifs ou agressifs des animaux hiérarchiquement plus haut placés afin de pouvoir réagir de façon adéquate.

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Certains affirment que le cheval ne dort et surtout ne se couche jamais. Ceci n’est que partiellement juste. Il ne se couche que rarement en effet, devant être sûr d’être en parfaite sécurité, ce qui n’est pas toujours possible. Il est vrai d’autre part qu’il ne dort jamais à poings fermés, la fuite devant être prise immédiatement en cas de danger. Un cheval adulte dormira environ 7 heures par jour, ceci comprenant aussi des moments de somnolence en position debout, pendant qu’un congénère est de garde. En trois mots, il est donc préférable de tenir les chevaux en groupe, tout en tenant compte des risques que cela peut engendrer. Les coups de sabots sont fréquents, lorsque les chevaux sont mis ensemble trop brusquement et les morsures ne sont pas à bagatelliser. Les boxes individuels avec un accès à l’extérieur sont une alternative possible, sans oublier cependant que le cheval est hautement social et nécessite donc des contacts avec des individus de son espèce. Il est indispensable de permettre aux équidés de manger le plus fréquemment possible des petites quantités d’herbe ou de fourrage riche en fibres. Comme avec les chiens, il est important de retenir que le cheval apprend le mieux en étant récompensé pour ce qu’il fait, et que la communication doit être claire pour lui. C’est ainsi que le plaisir est immense, lorsque le cheval, toujours prêt à nous servir, se rassemble parfaitement sous son cavalier sachant exactement ce que l’on attend de lui. Aujourd’hui, de nombreuses personnes se dédient à un sport plus terrestre, en travaillant côte à côte avec leur compagnon quadrupède, avec cette pensée qui peut laisser rêveur : le primate doit-il à tout prix monter sur cet animal si noble et intelligent à l’âge de la fusée interplanétaire, si ce n’est par pur plaisir de ne faire qu’un avec cet admirable coursier ?


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Radioscopie LA RUBRIQUE DES FRANÇAIS DE SUISSE… ET D’AILLEURS

Valmont Romandie un petit coin de France en

UN SITE VERDOYANT, DES LOCAUX LUMINEUX, UN PERSONNEL DÉVOUÉ ET PRATIQUEMENT 100% DE RÉUSSITE CHAQUE ANNÉE AU BREVET DES COLLÈGES ET AU BACCALAURÉAT, L’ÉCOLE FRANÇAISE DE LAUSANNE – VALMONT A TOUT POUR SÉDUIRE LES PARENTS ET LES ENFANTS.

e cadre est bucolique. C’est au milieu des bois lausannois que les sœurs de la Congrégation des Marcellines ont choisi de s’installer au début des années soixante et de fonder un établissement réservé aux jeunes filles qui souhaitaient étudier le français. Quel étrange destin que celui de cet institut baptisé alors Pensionnat Valmont de l’Institut International Sainte-Marcelline. La rencontre de la mère Marcelle Berland, première supérieure de l’Institut, et de Monsieur Deruelle, consul de France à Lausanne à la fin des années 1960, détournera l’établissement du chemin qu’il devait initialement emprunté. Lorsque la mère Berland accepta la proposition du consul français d’assumer la direction d’une petite école élémentaire française qui risquait de fermer ses portes, elle ne se doutait pas du sort qu’allait connaître l’Institut. Quarante ans plus tard, l’école devenue Ecole Française de Lausanne - Valmont est en effet le seul établissement de Suisse romande à être homologué par l’Agence Française pour

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l'Enseignement du Français à l'Etranger (AEFE). Dirigée conjointement par Sœur Hélène, directrice générale et Robert Berghe, directeur académique, Valmont accueille aujourd’hui des jeunes de tous pays, de différents milieux et de différentes religions dans un esprit de dialogue, d’ouverture et de respect mutuel et dispense un enseignement de qualité, de la maternelle à la

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Quoi de neuf sur le réseau AEFE ? • Ovation pour le lycée français Anna-de-Noailles de Bucarest Le lycée français Anna-de-Noailles, associé à la Maîtrise de la Radio roumaine de Bucarest, a donné en mars dernier quatre représentations exceptionnelles de la tragédie Esther de Jean Racine. Un projet, comme il y en a peu dans un lycée français à l’étranger, qui a permis aux dix-sept élèves des classes de première et de terminale, 50 jeunes choristes roumains et 5 musiciens baroques roumains et français, d’endosser des rôles écrits pour les pensionnaires de la Maison de Saint-Cyr il y a plus de trois siècles. • Le lycée français de Tananarive se mobilise pour l’écologie Le lycée français de Tananarive peut se vanter d’être un arboretum exceptionnel: son jardin abrite depuis le 1er avril 2009 toutes les espèces de Baobabs existant dans le monde. • Nomination prestigieuse pour le nouveau lycée franco-israélien Le tout nouveau lycée franco-israélien a été inauguré en janvier dernier. Il a été nommé Raymond Leven en hommage à la grande figure du judaïsme français, Raymond Jacob Leven (1905-1980), grand combattant et résistant. Plus de renseignements sur les activités du réseau AEFE : http://www.scolafrance.info/

terminale dans des locaux originaux. L’école est dotée d’un patio ample et lumineux, d’une salle de sport avec de grandes baies vitrées, d’une terrasse/cour de récréation pour les lycéens et des salles de classes adaptées aux effectifs réduits. Et ces bâtiments dessinés par Max et Jacques Richter, adeptes de Le Corbusier, sont aujourd’hui classés monuments historiques. Une école intégrée dans le réseau AEFE Comme dans les 430 autres écoles du réseau AEFE à travers le monde (lire ci-dessous), les enfants suivent à Valmont le même enseignement que s’ils étaient dans une école en France. Ils peuvent ainsi et à tout moment, intégrer une école sur le ter-

ritoire français ou un établissement homologué AEFE s’ils déménagent à l’étranger. Une scolarité pimentée par des examens quelque peu originaux. En effet, les épreuves du brevet des collèges et du baccalauréat se déroulent dans des établissements qui dépendent de l’académie de Grenoble. Ces examens resteront de joyeux souvenirs pour tous ces adolescents. Chaperonnés par des parents ou par des enseignants, c’est en bus ou bateau qu’ils se rendent sur le lieu des épreuves. Les futurs bacheliers dorment à l’hôtel, les futurs lycéens, quant à eux, font l’aller-retour dans la journée. Des petits détours qui n’empêchent pas de très bons résultats puisque les échecs sont rares et que Valmont frise les 100% de réussite chaque année au brevet comme au bac. Plusieurs voies s’ouvrent alors aux heureux lauréats. Ils peuvent rester en Suisse et entrer à l’EPFL (à condition d’avoir une mention) ou les Hautes Ecoles suisses ou également partir en France pour intégrer les meilleures prépas. L’école est ouverte à tous quelque soit le revenu des familles. Les élèves de nationalité française les plus défavorisés peuvent en effet obtenir des bourses sur critères sociaux (dès la maternelle) qui les aident à couvrir tout ou une partie des frais de scolarité. Dès la rentrée 2009, les classes de seconde seront gratuites pour les nationaux comme c’est déjà le cas pour les classes de preJoanna mière et de termiDavid-Mangin nale. Plus de renseignements www.ecole-valmont.org

Cette rubrique est la vôtre Vous êtes expatrié et vous souhaitez partager votre expérience ? Envoyez-nous vos témoignages et vous serez peut-être sélectionnés par notre équipe pour apparaître dans notre rubrique... Bienvenue chez vous ! Radioscopie.francemagazine@gmail.com

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joanna.david.mangin@gmail.com

Radioscopie


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Spécial Suisse

Guillaume Tell

Si la

Suisse m’était contée… FRANCEMAGAZINE N°26 63 AUTOMNE 2009


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Spécial Suisse

Le billet de Dany Dany Vinet

es hommes d'Uri, Schwyz et d'Unterwald - sans doute avec leurs vertueuses épouses à leurs côtés, si nous en croyons le poète allemand Friedrich Schiller - ont, il y a 720 ans, avec le serment du Rütli, posé la première pierre de l'actuelle Confédération helvétique. 1291, la Suisse officielle et inofficielle saisit l'occasion pour, d'une part, jeter un regard en arrière sur ce qu'il advint du combat de ses libéraux montagnards... et, d'autre part, jeter un regard sur l'avenir de cette Suisse - quasiment un

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ilôt de bonheur… qui doit trouver sa place dans la communauté européenne. S'ouvrir sur l'extérieur est un nouveau défi pour la Confédération helvétique. Mais les Suisses qui ont pris le chemin de l'étranger se sont toujours fait remarquer. Grands et petits génies, pragmatiques et rêveurs, soldats et savants, artistes et paysans, techniciens et aventuriers... des personnages complètement différents qui avaient toutefois tous un point commun : ils étaient suisses.

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Spécial Suisse

ans le village d'Einsiedeln naquit, en 1493, Philippus Theophrastus Bombast von Hohenheim... qui, au milieu de son existence, prit le nom de Paracelsus. Tout au long de sa vie, il parcourut l'Europe tour à tour comme médecin, professeur de médecine et auteur d'écrits religieux. Fils du Moyen-Age, il vécut un nouveau monde de connaissances (on inventait la typographie et Copernic découvrait que la terre était également une planète) et débarassa son époque du charlatanisme. Pour l’humanité, Paracelsus a établi un nouveau traité de médecine. Il avait notamment compris l’unité entre le corps et l’âme et avait également mis en garde ses contemporains contre la destruction des richesses naturelles. Il est considéré aujourd’hui comme un précurseur en matière de balnéothérapie et de psychothérapie… En d’autres termes, il était des siècles en avance sur son temps.

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Un médecin nommé

Paracelsus Léonard Euler

La connaissance n le désigne encore comme comme le plus grand mathématicien de tous les temps.

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Il est né à Bâle en 1707 et se nomme Léonard Euler. Mort à Saint-Petersbourg en 1783, il laissera derrière lui une œuvre d’une ampleur considérable… On s’y réfère d’ailleurs encore de nos jours ! Euler a passé de longues et fructueuses années de création à l’Académie des Sciences Naturelles de SaintPetersbourg et à celle de Berlin. Bien que Léonard Euler ne soit jamais retourné vivre dans sa ville natale… Bâle ne l’a jamais oublié.

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Jacques Necker

Le budget du Roi résorier de Louis XVI, Jacques Necker est né le 30 septembre 1732 à Genève. Il mourra en 1804 au Château de Coppet dans le canton de Vaud. Dès 1750, banquier à Paris, il fut nommé en 1776 par Louis XVI Directeur de l’Administration des Finances… et une année plus tard, Directeur Général des Finances. Pragmatique, il fut le premier chef des finances

T

Le Château de Coppet

français à rendre public le budget, tout en taisant, de façon opportune, une situation financière catastrophique. Le peuple apprit ainsi, pour la première fois, combien était dépensé pour l’entretien de la maison du Roi. Necker devint alors très populaire. Le Roi, par contre, lui demanda de démissionner en 1781. Il le rappela à la fin des années 80 pour tenter, une ultime fois, de rétablir cette désastreuse situation financière. Après quoi, Necker se retira de la scène publique. A noter que Necker fut le père d’une femme d’esprit : Madame Germaine de Staël.

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Johann August Sutter

Roi de la Californie ’histoire de Johann August Sutter n’est en réalité pas vraiment helvétique, on a surtout trouvé une quantité d’or sur ses terres dans la vallée de Sacramento. C’était un aventurier. L’or Sutter, le fort Sutter, sa fière prestance de “général” et de “roi de Californie” sont entrés dans la légende. Une légende qui fascina écrivains et metteurs en scène, de John Ford à Einstein. Sutter, né de parents suisses en 1803, décéda en 1881 à Washington. En 1840, à Sacramento, Sutter fonda la “Nouvelle

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Helvétie” sur environ 200 km2 où il était à la fois patriarche, prêtre, père et juge. Mais en 1848, on y trouva de l’or. Dès ce moment, seule la loi du plus fort régna dans la “Nouvelle Helvétie”. Après la ruée vers l’or, les prétentions territoriales du “roi de Californie” n’avaient plus de valeur. Sa ferme fut vendue aux enchères. Jusqu’à la fin de ses jours, Sutter se battit contre l’Etat pour tenter de recouvrer son bien. Finalement, ses descendants renoncèrent à l’héritage californien.

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César Ritz Le chevrier… qui devint

roi de l’hôtellerie n belle légende aussi… Celle de César Ritz, petit chevrier de Niederwald dans le Haut-Valais, qui devint roi de l’hôtellerie à Paris. Le nom de Ritz évoque aujourd’hui ces hôtels où l’élégance et le style peaufinés par César Ritz s’harmonisent avec le luxueux confort moderne. Arrivé à Paris en 1867 à l’âge de 17 ans,

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César Ritz acheta, en 1896, un immeuble au numéro 15 de la place Vendôme. En juin 1898, il y ouvrit son hôtel. Son Ritz, avec son inégalable ambiance… connue dans le monde entier. César Ritz quitta ce monde le 26 octobre 1919, laissant derrière lui un empire et son image de… “roi des hôteliers et d’hôtelier des rois”.

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Auguste Piccard

Des étoiles aux profondeurs l fit, au grand jour, sauter les frontières helvétiques de la routine, plongea avec le bathyscaphe dans les profondeurs, vola en ballon à hydrogène dans stratosphère… Tout cela au-delà des limites et des records de son époque. Né à la fin du siècle dernier (en 1884), Auguste Piccard fut le dernier savant universel suisse. Il dominait non seulement les sciences naturelles, au service desquelles il a mis ses recherches, mais il connaissait tout aussi bien l'histoire, la philosophie et le droit. Toutefois, sa vie durant, il resta, lui aussi, un incompris. L'image que l'on se fait d'Auguste Piccard se limite aux plongées et aux vols en ballon. Il est rarement question de ses autres connaissances, alors qu'il y aurait encore beaucoup à dire de ce grand savant. Auguste Piccard était, depuis 1917, Professeur de physique à l'ETH de Zürich lorsqu'en 1922, l'Université de Bruxelles s'assura les services de ce jeune chercheur et de ce scientifique au vif esprit d'initiative, en avance de plusieurs dizaines d'années sur son temps. « Lorsque les résultats de ses recherches seront reconnus dans toute leur ampleur, ceux qui l'auront côtoyé de son vivant ne seront plus de ce monde », devait dire de lui l'un de ses collègues de Bruxelles. Il en fut effectivement ainsi. Auguste Piccard est décédé en 1962 à son domicile de Lausanne.

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Spécial Suisse i hommes politiques, ni chercheurs, ni médecins, les Giacometti étaient des artistes. Augusto, peintre ; Giovanni, peintre ; Alberto, sculpteur et peintre ; Diego, artisan d’art ; Bruno, architecte. Chacun alla son propre chemin. Mais le plus célèbre fut Alberto, né en 1901. Sculpteur et peintre, c’est l’un des plus grands artistes de notre siècle. Très connu pour ses sculptures élancées, fascinantes, semblant véritablement

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magiques… Ses toiles, et surtout ses dessins, prirent également une grande place dans l’œuvre d’Alberto Giacometti. La réputation d’Alberto Giacometti dépassa largement les frontières parisiennes où il accomplit une grande partie de son œuvre. Il connut un grand succès à New York. La Suisse l’a aussi fêté, comme elle fête ses fils célèbres… mais cela mit du temps : il n’y eut que 500 visiteurs lors de sa première exposition à Bâle, en 1950 ! Plus tard, la ville de Zürich réunit une importante collection, et l’Université de Berne lui décerna le titre de docteur honoris causa.

Alberto Giacometti

Le plus célèbre des Giacometti Diego au blouson, 1953, bronze, Kunsthaus Zürich, Fondation Alberto Giacometti.

Autoportrait, 1921, huile sur toile, Kunsthaus Zürich, Fondation Alberto Giacometti.

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Spécial Suisse n Suisse célèbre au niveau du film international, c'est plutôt inhabituel. D'autant que, dans notre pays, il n'y a pas de tradition cinématographique. Mais Jean-Luc Godard avait de bonnes dispositions. Fils de parents de nationalité suisse, il est né à Paris en 1930. Godard a découvert dans le cinéma quelque chose comme l'existentialisme. En 1954, il tourne son premier film, et 5 films plus tard déjà, il réalise le plus controversé des films de l'année 1959 : “A Bout de Souffle”. Le mélange de surréalisme et d'hyperréalisme, avec lequel Godard met en scène ses images, leur ton et leur histoire, a non seulement fasciné les spectateurs mais encore influencé des générations entières de cinéastes. « La photographie est la vérité, le cinéma est la vérité 24 fois par seconde. » Cette phrase, Godard la fait dire par l’un de ses acteurs. Qualifié de “Nouvelle Vague”, son style est entré dans l’histoire du cinéma. Entre parenthèses, “Nouvelle Vague”, c’est le titre de son dernier film (1990) !

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Jean-Luc Godard

“A bout de souffle”, avec Jean Seberg et Jean-Paul Belmondo.

Et si la “Nouvelle Vague” était suisse ? Etc.

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ien évidemment, la liste n’étant pas exhaustive, il nous a fallu faire un choix. Ce choix d’enfants de notre Helvétie, devenus célèbres en dehors de nos frontières, est incomplet. Et nous en sommes conscients. Aussi, plus nous en parlons, plus nous viennent

en mémoire des gens tels : les architectes Francesco Borromini et Le Corbusier, l’ingénieur Ammann, le théologien Karl Barth, l’acteur de cinéma Yul Bryner. Et il manque bien sûr les dames. Celles qui, à leur manière, ont brillé en dehors de nos frontières, sans pour autant passer à la postérité.

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Plaidoyer pour la Francophonie

Libere

Bararunyeretse > Monsieur l'Ambassadeur, vous avez succédé au poste que vous occupez actuellement à Monsieur Hervé Cassan, appelé à d'autres fonctions à New york. Auparavant, vous avez exercé des fonctions ministérielles comme Ministre des Affaires Etrangères du Burundi. Arrivé sur Genève, il y a maintenant 3 ans, ces hautes fonctions vous ont-elles facilité la tâche qui vous incombe dans le cadre de la Francophonie ? Libere Bararunyeretse : C'est vrai qu'avant de venir à Genève, j'ai occupé chez moi, au Burundi, un certain nombre de fonctions comme celle que vous relevez en tant que Ministre des Affaires Etrangères du Burundi, mais aussi, je venais de terminer mon mandat de Président du Sénat de transition. Incontestablement, ces différentes charges m'ont aidé à remplir mon mandat actuel de Représentant Permanent de l'O.I.F. auprès des Nations Unies à Genève ; parce que, toute modestie mise à part, ne l'oublions pas, la Francophonie c'est une organisation intergouvernementale centrée autour de la langue française, mais aussi d'un certain nombre de valeurs communes qui sont éparpillées sur les cinq continents. Pour travailler en symbiose au sein d'une organisation aussi plurielle, il faut un minimum d'ouverture et, je dois à mes fonctions antérieures , un peu de cette nécessaire ouverture. > Vous vous situez dans une Genève internationale ouverte sur le monde, mais en même temps, une Genève aux racines séculaires. Il suffit pour s'en convaincre , d'observer l'engouement de la population envers le 500e anniversaire de la naissance de Calvin.

Mais aussi, dans un pays pluriculturel où l'on parle quatre langues. Comment la Francophonie y trouve-telle sa place ? L. B. : Je dirais que la Francophonie trouve naturellement sa place dans une ville et un pays comme la Suisse. Parce qu'il faut savoir que, autant la Francophonie peut se centrer sur une langue commune qui est partagée par 70 Etats Membres, autant elle véhicule aussi l'autre valeur cardinale “La diversité culturelle & linguistique ”. Si nous nous mobilisons pour la promotion et l'utilisation de la langue française et, en particulier, dans les Institutions Internationales, ce n'est pas contre l'Anglais ; mais c'est pour éviter de donner au monde un langage, une culture et une pensée uniques. La diversité pour nous, c'est la richesse, c'est la construction d'une humanité plus ouverte, et, de ce point de vue, on ne pourrait mieux se trouver que là où nous sommes, à Genève ! Comme dans les autres cantons, il y a cette tradition ancrée d'une diversité culturelle et linguistique et, pour conclure sur ce chapître par une image, je dirais qu'en Suisse, la Francophonie, c'est comme un poisson dans l'eau. > Malgré le fait que la langue française fasse partie des langues officielles dans les institutions internationales, force est de constater que son influence décline au profit de la langue anglaise. Pensez-vous qu'instaurer l'édification du "Lycée Français Maurice Druon à Genève" pourrait commencer à endiguer ce déclin ? L. B. : L'édification d'un lycée français tel

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Plaidoyer pour la Francophonie qu'il est envisagé à Genève rendra très certainement des services importants à la Francophonie. Je pense en particulier aux enfants des Diplomates francophones qui ont toutes les difficultés du monde à trouver des institutions qui puissent assumer la scolarité de leurs enfants. Et là, en tant que vivier de la Francophonie, c'est un apport indéniable. Mais je serais moins affirmatif sur la capacité d'un lycée français à endiguer la tendance que l'on constate dans les

Normalement, tous les documents officiels de travail doivent être traduits dans les 6 langues officielles des Nations Unies. Pour l'élaboration première, on doit emprunter le Français et l'Anglais, mais on voit bien sous des prétextes... d'un manque de supports financiers ou de... ressources humaines... ou tout simplement d'un manque... de temps. On voit de plus en plus, les fonctionnaires des Nations Unies enclins à ne travailler qu'en langue anglaise. C'est donc une question institutionnelle qui doit être règlée dans le cadre institutionnel onusien. Et c'est à cela que nous nous employons ! Chaque revendication fait revenir les gens à la raison. Mais si, à chaque ballon d'essai, on se tait, il n'y a pas de raison de s'arrêter et de continuer immuablement comme si de rien n'était. > S'il vous fallait tirer un bilan de votre passage à Genève, quelles sont les manifestations qui ont jalonné votre séjour en Suisse au profit de la Francophonie ?

Libere Bararunyeretse en compagnie de Dany Vinet.

Organisations Internationales à ne privilègier que l'usage d'une seule langue. Parce que c'est plus compliqué que cela. D'après le règlement de l'Assemblée Générale des Nations Unies qui gouverne toutes les Institutions du système, il y a deux types de régime linguistique : Il y a dabord ce qu'on appelle les langues de travail : le Français et l'Anglais. Ensuite, il y a 6 langues officielles : le Français, l'Anglais, le Russe, le Chinois, l'Espagnol et l'Arabe.

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L. B. : Elles sont nombreuses. Sur le plan des substances,vous savez que la francophonie est très engagée dans la promotion de la protection des Droits de l'homme. Il se fait que ma nomination à Genève a coïncidé presque jour pour jour à la mise en place du Conseil des Droits de l'homme qui a remplacé l'ancienne Commission des Droits de l'homme. Nous avons démarré avec le train. La première année était celle de l'édification institutionnelle, puis le rôdage du nouveau mécanisme de contrôle des droits de l'homme et, tout récemment, on a connu la conférence d'examen de Durban qui fut une excellente occasion d'évaluer la mise en œuvre de la déclaration et de la programmation du programme de Durban pour relancer la lutte contre le racisme,

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Plaidoyer pour la Francophonie >> l'intolérance et la discrimination allant de

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Je dirais qu’une des approches de la francophonie, c’est d’être le vecteur de la promotion et de la protection des Droits de l'homme.

pair avec ce fléau. Un fléau qui, malheureusement, est encore une réalité de par le monde. Je dirais qu'une des approches de la francophonie, c'est d'être le vecteur de la promotion et de la protection des Droits de l'homme. Quant à la francophonie, en tant que promoteur de la langue française, je ne citerai volontiers que deux exemples à retenir parmi tant d'autres. En premier, c'est la Semaine de la langue française et la francophonie. C'est une manifestation prise en charge par la délégation à la langue française au niveau des cantons francophones dont le comité est basé à Neuchâtel et, depuis deux éditions, les Ambassadeurs accrédités francophones en Suisse se sont érigés en comité à Berne pour prendre une part active au niveau de la Genève internationale. Nous sommes, là aussi, pour nous associer à cette manifestation qui, je le rappelle, dure, chaque année, une dizaine de jours avec pas moins de 60 manifestations dans toute la Suisse. Nous y prenons beaucoup de plaisir, car c'est un moment très privilègié pour montrer la vitalité de la langue française, non seulement dans la partie francophone, mais aussi et surtout, dans les cantons germanophones et italophones de la Suisse. En second lieu, la manifestation qui retient avec bonheur toute mon attention, c'est le salon du Livre et de la presse. C'est une manifestation extraordinaire qui, chaque année, là aussi, pendant une bonne semaine, montre au public genevois international toutes les productions que le monde littéraire met à la disposition de tous. Ce salon est très important, car il met également en lumière la culture africaine francophone tant littéraire que par la presse. Bien évidemment, nous invitons et provoquons des débats avec les meilleurs écrivains francophones du moment, afin de

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favoriser la rencontre des écrivains francophones du monde entier, ouvrant ainsi des synergies remarquables et remarquées au succès chaque jour plus affirmé. > Les objectifs que vous souhaiteriez atteindre et les manifestations que vous aimeriez voir se pérenniser dans un proche avenir en Suisse, sont-ils compatibles avec l'ensemble de la Confédération ou décelez-vous plus de facilité, plus d'ouverture avec les cantons qui prônent le bilinguisme ? Autres que ceux qui composent la Romandie (Neuchâtel, Jura, Vaud, Valais, Fribourg et Genève), je pense notamment à Bâle ? L. B. : Dans le cadre de la francophonie, nous organisons des concerts, des projections de films, généralement du sud d'ailleurs, et cela à travers tout le pays. Il est évidemment bien plus facile de travailler avec les cantons francophones et bilingues. Travailler avec eux, ça n'est pas du dialogue, ça reste du monologue. A terme, ça resterait de l'endogamie. Il faut aller le plus loin possible, parce que le message de la francophonie dépasse les frontières du monde francophone. C’est le respect de l'autre. C'est l'acceptation de la différence. C'est la tolérance. C'est l'unité dans la diversité. Vous le savez, au mois de mars 2010, nous allons fêter le 40e anniversaire de l'O.I.F. Cet événement exceptionnel nous interpelle. En partenariat avec ses promoteurs, nous allons organiser une manifestation encore plus rayonnante et nous irons à la rencontre des cantons qui ne sont naturellement pas portés par la francophonie. DANY VINET


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Événement Littéraire

LE COMITÉ DE LECTURE DU GRAND PRIX LITTÉRAIRE JEAN D'ORMESSON DU ROMAN FRANÇAIS DE L'ETÉ 2009 près s'être réuni bon nombre de fois depuis septembre 2008 jusqu'à cet été, le comité de lecture s'est évertué à pré-sélectionner une dizaine d'ouvrages en langue française, tous ayant le label de premier roman. Les membres du Comité de Lecture sont : Sandra COULIBALY-LEROY, Marie-Claude PISSETTAZ, Dany VINET, François BELLANGER, Eric BENJAMIN, Nicolas de ZIEGLER, Antoine FRASSETO, Darius ROCHEBIN, Serge Cyril VINET. En premier lieu, leur choix s'est porté vers les ouvrages suivants : La Remorque Rouge de Marie-Gabrielle

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Duc aux Editions Albin Michel. Les Femmes aux Cheveux Courts de Patrice Leconte aux Editions Albin Michel. Un Parfait Salaud de Stéphane Denis aux Editions Grasset. Le Cœur Cousu de Carole Martinez aux Editions Gallimard collection Folio. Une Luciole dans l'Océan d'Adrien Fournier chez Job Editions. Le Discours sur la Tombe de l'Idiot de Julie Mazière aux Editions José Corti. Jeu, Set & Match de Jean-Pierre Brouillaud aux Editions Buchet-Chastel. Les Bains de Kiraly de Jean Mattern aux

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Événement Littéraire

Eric Benjamin

Darius Rochebin

Editions Sabine Wespieser. Maman je t'attendais de Roger Cunéo aux Editions Favre. Deux Romans ont retenu l'attention du Comité de Lecture en deuxième sélection : Les Femmes aux Cheveux Courts de Patrice Leconte et Maman je t'attendais de Roger Cunéo. Huit voix se sont prononcées pour Roger Cunéo et une pour Patrice Leconte. « Lauréat du Grand Prix Littéraire Jean d'Ormesson du Roman Français de l'Eté 2009 Maman je t'attendais de Roger Cunéo aux Editions Favre. »

De haut en bas : Grand Prix 2005, 2006, 2007. Pas de lauréat en 2008.

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Tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau

“Portraits et postures rousseauistes”*

* “Portraits et postures rousseauistes” de Rémi Hildebrand FRANCEMAGAZINE N°26 78 AUTOMNE 2009

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BULLETIN DE COMMANDE DE L'OUVRAGE DE RÉMY HILDEBRAND Nom : ……………………………………………… Adresse……………………………………………………………………………… Prix de l'ouvrage aux lecteurs de France Magazine des Français établis hors de France : 15.- Euros (Prix en librairie : 20.- Euros)

Veuillez me faire parvenir …… exemplaire(s). Signature :

Date : ………… / ………… / …………

Rémy Hildebrand Prière de retourner cette commande Aux Editions Transversales 9, rue Henry-Spiess -CH 1208 Genève - Courrier: rhildebrand@cejjr.ch

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Exposition

Rodolphe-Théophile Bosshard

La poésie du rêve

Maison, Egine, 1936, h. s/panneau, 34 x 41 cm, coll. priv.

JUSQU’AU 1er NOVEMBRE, L’ABBATIALE ET LE MUSÉE DE PAYERNE NOUS CONVIENT À ENTRER DANS L’UNIVERS DE POÉSIE ET DE RÊVE DU PEINTRE VAUDOIS BOSSHARD (1889 - 1960). é à Morges le 7 juin 1889, RodolpheThéophile Bosshard accomplit sa formation à l'école des Beaux-Arts de Genève. Il s'y lie d'amitié avec un autre Vaudois, Gustave Buchet, qui, comme lui, partagera sa carrière de peintre entre la France et la Suisse. En 1910, les deux artistes découvrent ensemble les chefs-d'oeuvre du Louvre. C'est en 1916 à la galerie Vallotton de Lausanne qu'eut lieu sa première exposition impor-

www.rezonance.ch/ccharles

N Corinne Charles DOCTEUR EN HISTOIRE DE L’ART

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tante, suivie de nombreux envois de tableaux à des expositions collectives en Suisse romande et alémanique. Pourtant, comme de nombreux jeunes autres peintres suisses, Bosshard souhaite obtenir la consécration parisienne. Il s'installe à Paris en 1920. C'est le début d'une intense activité artistique, centrée à Montparnasse. Il y rencontre Marc Chagall, André Derain, Jean Lurçat, Jules Pascin, Gino Severini et Ossip Zadkine. Dans cette


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Exposition ruche d'artistes, les échanges sont paticulièrement féconds. Bosshard y peint un nombre important de nus, natures mortes et paysages, qui sont accrochés aux cimaises de galeries parisiennes. Le musée d'Art moderne de la Ville de Paris se porte acquéreur de plusieurs de ses toiles. Les critiques d'art de Paris lui sont favorables, le considérant comme un des grands peintres de la période. Son séjour parisien dure jusqu'en 1924 et se clôt en 1925 par une exposition à la célèbre galerie Marcel Bernheim, puis à la galerie Pierre Charreau où ses œuvres sont présentées aux côtés de celles de Chagall et de Picasso. A partir de 1926, Bosshard retrouve les rives du lac Léman, dont les paysages à la lumière changeante avaient bercé son enfance. Le banquier genevois René Hentsch a en effet acheté pour lui une maison située à Riex, au coeur de ce panorama unique que constitue la vignoble de Lavaux, classé depuis lors patrimoine mondial de l'Unesco. Ce mécénat, bienvenu pour l'artiste, est lié à un droit de préemption sur sa production, ce qui permet à Hentsch de constituer une collection majeure des œu-

De haut en bas : Viaduc, 1917, h. s/t., 80 x 100 cm, coll. priv.

Nu, lac et arbres, 1922, h. s/t., 65 x 81 cm, Musée d'art et d'histoire Genève.

Cristal, 1949, h. s/panneau, 161 x 115 cm, coll. priv.

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vres du peintre vaudois. En partie libéré des soucis matériels, l'artiste vit et travaille à Riex. Durant cette période, il participe régulièrement à des expositions dans toute la Suisse, en France, aux Etats-Unis, en Allemagne et honore des commandes publiques. Il effectue par ailleurs de nombreux voyages dans des pays de lumière comme la Grèce, l'Italie ou l'Algérie. Ces expériences visuelles lui permettent de renouveler son inspiration. En 1944, Chardonne devient son nouveau

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Exposition

>> lieu de résidence. Il y restera jusqu'à sa

mort le 17 septembre 1960. Le petit village, également situé dans la Lavaux, continue de lui offrir cette vue sur le Léman, que Bosshard lui-même qualifiait de capitale dans l'élaboration de son style : « Le lac a joué un rôle immense dans ma formation » déclara-t-il un jour à son frère. « Toute ma peinture provient des impressions que j'avais dans mon enfance quand j'ouvrais les yeux sous l'eau. » Il est vrai qu'une des caractéristiques majeures de son style peut se définir par cet emploi qui lui est si particulier des jeux de la lumière à travers l'eau. Bosshard est unique dans son rendu nacré-irisé des couleurs pâles, qu'il emploie avec autant de brio pour la chair des femmes, les cristaux, les voiles des bateaux, les paysages lacustres ou marins ou même les végétaux. Ses sujets sont le plus souvent fondés sur la réalité, mais il les transforme pour les parer des couleurs de la poésie et du rêve. Même à ses débuts, lorsqu'il peint un tableau comme le Viaduc, fortement influencé par les cubistes tant pour le sujet que pour son traitement, son style personnel est déjà perceptible. L'artiste s'est toujours intéressé aux courants majeurs de son époque; toutefois, il les a assimilés et

A gauche : Végétal, 1949, h. s/panneau, 161 x 115 cm, coll. priv. A droite : Voiles, 1958, h s/toile, 46 x 55 cm, coll. priv.

rendus dans son propre langage pictural, aisément reconnaissable. L'exposition du musée de Payerne fait la part belle au nu féminin, qui est au demeurant un thème central dans la production de Bosshard. On peut également y admirer de nombreuses oeuvres de la série des voiliers, des cristaux, des paysages, des natures mortes et des portraits. Quant aux toiles à sujets religieux, elles avaient un écrin tout trouvé au sein même de l'abbatiale de Payerne. La manifestation constitue un bel hommage en forme de rétrospective rendu à l'artiste par Daniel Bosshard, conservateur du Musée et aussi petit-fils du peintre.

L’exposition Rodolphe-Théophile Bosshard 28 juin – 1er novembre 2009 Musée de l'Abbatiale de Payerne - Payerne - www.payerne.ch Heures d'ouverture : Mar - Dim : 10 h - 12 h, 14 h - 18 h. Fermé le lundi, les 5 - 6 septembre, le matin du 20 sept.

La publication R.-Th. Bosshard – Lettre à mon élève, avec une introduction de G. Etter et D. Bosshard, 72 pages, 59 illustrations en couleur.

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Bâle ENTRÉE DES ARTISTES AUX PORTES DE BÂLE : PASSION ET MÉCÉNAT

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Kunstmuseum de Bâle

Une histoire remontant à la Renaissance a cité rhénane est incontestablement collectionneuse dans l’âme et cela débute à la Renaissance. C’est ainsi qu’en 1661, la ville de Bâle achète la collection de dessins, peintures et estampes des héritiers Amerbach (famille de juristes) pour 9 000 couronnes et l’expose à l’Université de Bâle créée deux siècles plus tôt. La collection devient, de fait, le fonds du premier musée ouvert au public, l’un des premiers au monde. L’exception bâloise est devenue une réalité : ici, ce sont des citoyens qui constituent les collections, des amoureux de l’art comme le montre ce message écrit en 1880 dans le quotidien de l’époque : « L’art est une mère ; comme le soleil, sa chaleur et sa lumière font s’épanouir les

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branches de l’industrie les plus éloignées. » On ne s’etonnera pas alors que la constitution des collections d’œuvres d’art soit essentiellement le fait de généreux mécènes qui se sont succédé par la suite, comme l’historien Jakob Burckhardt ou le banquier Raoul La Roche. Une des belles démonstrations de la haute estime des Bâlois pour les arts et les sciences fut mise en lumière dans les années 30 à l’occasion du sauvetage des œuvres des peintres allemands dits “dégénérés” de la barbarie nazie, dont… Van Gogh, gratifié du titre du peintre "dégénéré" le mieux coté ! À côté de Gauguin, Valadon, 1. Le Museum Tinguely. 2. L’aéroport de Bâle-Mulhouse et son accueil estival. 3. La Fondation Beyeler à Riehen.

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1. Alberto Giacometti - 2. Ernst Beyeler derrière L’Homme qui marche (Giacometti) - 3. Diego Giacometti et Ernst Beyeler 4. Alberto Giacometti dans son atelier. Laurencin, Matisse… D’autres anecdotes viennent confirmer la détermination des Bâlois à intervenir personnellement dans le monde artistique comme cette fois où les frères Burckhardt recueillirent, en toquant aux portes des citoyens, les 5 000 francs manquants à l’acquisition du premier tableau impressionniste adopté sur le territoire helvète, L’hermitage de Pissaro, une amorce aux expositions consacrées aux maîtres impressionnistes dans les années 1910. C’est le processus inverse qui permit à Bâle de recevoir la première sculpture de Rodin : après la rétrospective qui lui fut consacrée en 1917,

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un nouvel appel à la générosité publique fut lancé pour l’achat de Lhomme qui marche, tout comme les expositions consacrées à Cezanne en 1921, Van Gogh en 1924 et 1927, puis Gauguin en 1928, déclenchèrent la volonté des Bâlois de doter leur musée des œuvres de ces artistes. C’est durant cette décennie que le Musée des Beaux Arts s’enrichit de 90 œuvres cubistes offertes par le collectionneur Raoul La Roche qui fit une nouvelle donation d’ampleur peu avant sa mort en 1965. Deux années après, les Bâlois eurent encore une occasion de démontrer leur amour de l’art contemporain, en votant tout simplement le rachat de deux toiles de Picasso, L’Arlequin assis et Les deux frères vouées à la vente, geste que Picasso, touché, récompensa de quatre tableaux supplémentaires. L’entrée de la jeune peinture américaine sous les traits de Pollock, Sam Francis ou Mark Rohtko, se fit encore grâce à une donation à l’origine de la très belle collection d’art abstrait contemporain actuellement accrochée. Mais celle qui ouvrit résolument le Musée des Beaux Arts à l’art moderne fut Maya Hoffmann-Sacher, veuve d’Emanuel Hoffmann qui créa la fondation éponyme en 1933. Ce n’est donc que justice que l’actuel Musée des Beaux-Arts, qui fut inauguré le 29 août 1936, porte dignement cette inscription sur la façade : « La ville de Bâle aux œuvres d’art », épitaphe fort justifiée, bien que d’une syntaxe discutable, passant sous silence l’artiste et son mécène, éléments pourtant essentiels, voire indispensables à l’envol culturel et artistique de la ville. De Hoffmann à Roche : une coopération unique entre le monde de l’art et celui de l’industrie Fritz Hoffmann La Roche fonda en 1896 les laboratoires Roche. La famille n’a jamais cessé de s’interesser aux artistes ; depuis 2003, la Fondation Emmanuel Hoffmann

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Bâle >> créée par Maya Hoffmann-Sacher, dont les

collections étaient jusqu'à présent déposées au musée de Bâle, a créé son propre dépôt, le Schaulager, bâtiment pour le moins original à l’allure de gigantesque case africaine, imaginé par les architectes Herzog & de Meuron. Le concept veut associer dépôts, expositions et enseignement sur l'art contemporain. De nos jours, c’est la petite fille de la fondatrice, Maya, qui perpétue la passion de ses ancêtres en s’impliquant toujours davantage, notamment par la construction, en 1980, du premier musée d’art contemporain en Suisse, le Museum für Gegenwartskunst à Bâle, ou la Fondation LUMA ,traduction d’une passion pour l’art sous sa forme la plus novatrice, dans l’esprit légué par sa grandmère. Maya s’intéresse à toutes les formes d’expression culturelle moderne, picturale,

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mais aussi cinématographique, en produisant des documentaires comme Sketches of Frank Gehry de Sydney Pollack, ou Berlin de Julian Schnabel avec Lou Reed. L’argent restant le nerf de la guerre, retenons que Maja Hoffmann est l’héritière du 3e groupe pharmaceutique mondial, Hoffmann La Roche, l’un des phares de cette lucrative industrie dans la cité rhénane, un état de fait indubitablement lié aux projets pharaoniques de Maja la Jeune, comme la construction d’un clône du Guggenheim muséum de Bilbao en Arles par le maître himself, Franck Gehry, trônant au cœur d’une nouvelle cité de l’image, envisagée par celle qui préside aux destinées du désormais célèbre festival international de la photographie. Démonstration : 1996, ouverture du musée Tinguely pour le centenaire de l’entreprise Hoffmann LaRoche Bien que ce soit le 4

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1. Alberto Giacometti. 2. L’Homme qui chavire (Giacometti). 3. L’Homme qui marche (Giacometti). 4. Autoportrait (Giovanni Giacometti). 5. Le bar Olympia (Augusto Giacometti). 6. Autoportrait (Giacometti).

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1. Arbres dans le jardin de Saint-Paul. 2. Autoportrait 3. Le jardin de Daubigny, 1890. 4. Soir d’été.

italiens, mais encore plus sûrement à son adhésion à la clique des Laveurs de Tripes-Kuttlelbutzer-lors du Fasnacht : pas mal pour un artiste, pas vraiment maudit mais à coup sûr bon anarchiste et même communiste à ses heures – lecteur de Bakounine, précise Andres - ; rien qui puisse affoler le peuple bâlois, certainement le plus ouvert et le plus curieux de la planète helvète, peut-être aussi reconnaissant à celui qui sut recycler une telle quantité de déchets ferrailleux de manière si poétique, à l’instar de ses amis Lüginbühl ou Arman.

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Kunstmuseum qui reçut le premier les travaux du “bricoleur étrange” Jean Tinguely, en 1977, il fallut attendre plus de 20 ans pour que l’entreprise Hoffmann-LaRoche offre au rebelle fribourgeois, bâlois d’adoption disparu en 1991, un espace capable de contenir ses metamachines ; la ville de Bâle offrit le Parc des Solitudes où loge l’actuel bâtiment financé par Roche et édifié par l’architecte génial Mario Botta ; cette très belle entente entre le géant de la pharmacie bâloise et Jean Tinguely est scellée dès 1971, à l’occasion de la création de l’Institut d’Immunologie de Bâle pour laquelle Tinguely confectionne sa Grande Spirale en mouvement symbolisant la double hélice d’ADN. D’après Andres Pardey, actuel vice-directeur du musée aux côtés de Roland Wetzel son directeur, successeur de Guido Magnaguagno, l’amitié qui lie les Bâlois à Jean Tinguely n’est pas étrangère aux bonnes relations qu’il développa, notamment avec Eberhard Kornfeld, marchand d’art à Berne mais bâlois d’origine ou, peut-être, à son statut de héros acquis à 15 ans en fuguant pour défendre les Grecs contre les fascistes

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Le musée Tinguely attire, depuis ses débuts, de plus jeunes amateurs que ses coreligionnaires, ce qu’on peut expliquer par le genre même des œuvres qui y sont présentées : outre les pièces de Tinguely, les artistes choisis engagent toujours le visiteur sur le chemin de l’interactivité car le mouvement, l’art vivant, sont toujours prioritaires ; en outre, les prix d’entrée sont modestes, il fut même question de les réduire à néant, mais en vertu de l’adage « ce qui est gratuit n’est rien », les fondateurs abandonnèrent l’idée, tout comme le partage du parc des Solitudes avec la Fondation Beyeler n’aboutit pas. La Fondation Ernst Beyeler : autre merveille architecturale de Renzo Piano au service de l’art C’est parallèlement à leur importante activité de galeristes que les collectionneurs Hildy et Ernst Beyeler ont rassemblé, au cours d’une cinquantaine d’années, 200 tableaux et sculptures particulièrement représentatives de l’art moderne, qui durent, par la suite, trouver place dans un écrin à leur convenance. Ce fut l’ edifice fort élégant

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Quelques créations de Robert Capucci.

QUELLE ACTUALITÉ POUR LES PILIERS DE L’ART BÂLOIS ? Giacometti en famille à la Fondation Beyeler Belle revanche pour le renommé artiste suisse Alberto Giacometti, qui benéficie d’une exposition grandiose actuellement à la Fondation Beyeler groupant 150 œuvres, le lieu paisible et discret imaginé par l’architecte génois Renzo Piano pour abriter les trésors du maître des lieux. Ernst Beyeler connaissait personnellement Alberto Giacometti et l’idée vint très vite de monter une exposition sur le travail de la famille Giacometti, Giovanni le père, Diego le frère et Augusto. Le portrait du père par le fils est particulièrement saisissant, très facile à re-

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vero.bidinger@bluewin.ch

conçu par Renzo Piano en 1997. A l’instar du musée Tinguely, la Fondation Beyeler a ses préférences : essentiellement des œuvres modernes, comme Klee, Picasso, Mondrian, auxquelles il convient d’ajouter l’extraordinaire collection d’arts premiers que Ernst Beyeler a constituée en 30 années (base de la récente exposition L’Afrique, L’Océanie et l’Art Moderne à laquelle fut convié Jacques Chirac). Cet homme d’affaires brillant et passionné raconte comment il a réussi à augmenter très vite son stock d’œuvres en s’attachant à en acheter toujours 2 pour 1 vendue, mais aussi en économisant parfois sur un déjeuner pour acquérir, par exemple, un croquis de Toulouse Lautrec. « Rien n’a été pourtant réellement évident, souligne E. Beyeler, car comme pour les impressionnistes au début du siècle, le public bâlois n’est pas toujours prêt à accepter la nouveauté ; ainsi, Max Ernst ou Giacometti ontils été plutôt ignorés dans un premier temps, ce qui n’a pas empêché la Fondation de proposer ces dernières années des expositions de Jasper Johns. Kandinsky, Andy Wharol ou encore Mark Rothko et Francis Bacon. »

Véronique Bidinger


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Bâle trouver, il suffit de repérer le regard bleu translucide de Giovanni Giacometti, puis l’on peut s’arrêter sur l’homme qui chavire, une figure moins connue mais si gracieuse qu’elle mérite le détour. Van Gogh et les paysages au Musée des Beaux-Arts, première mondiale Un événement que personne ne peut ignorer : le kunstmuseum de Bâle présente pour la première fois au monde, jusqu’au 27 septembre, une spectaculaire rétrospective globale des paysages du peintre légendaire Vincent van Gogh regroupant 70 tableaux complétés par 40 chefs-d’œuvre contemporains qui appartiennent à la fameuse collection du Kunstmuseum Basel. L’exposition est d’une grande originalité car plusieurs toiles de Van Gogh sont relativement méconnues

À vos agendas ! Kunstmuseum Basel St. Alban-Graben 16 - CH-4010 Basel. Tél.: +41 (0)61 206 62 62 Fax : +41 (0)61 206 62 52 Ouvertures : mardi au dimanche, de 10 h à 19 h. Expo Van Gogh et les paysages : mardi au dimanche, de 9 h à 19 h. Musée Tinguely Paul Sacher-Anlage 2 • Postfach 3255 • CH-4002 Basel Telefon : +41 (0)61 681 93 20 • Telefax : +41 (0)61 681 93 21 Ouverture : mardi à dimanche, de 11 à 19 Uhr Exposition Armures et robes de soirée jusqu’au 30 août. Le musée Tinguely présentera, dès le 16 septembre, une rétrospective du sculpteur Paul Wiedmer et une série de travaux de l’artiste américain Rauschenberg. Fondation Beyeler Baselstrasse 101, CH-4125 Riehen/Bâle Tél.: +41 (0)61 645 97 00 • Fax : +41 (0)61 645 97 19 Informations par boîte vocale : +41 - (0)61 - 645 97 77 e-mail : fondation@beyeler.com Ouverture : tous les jours de 10 h à 18 h, le mercredi jusqu’à 20 h. Exposition Giacometti jusqu’au 11 octobre. Giacometti à Beyeler, Rauschenberg à la rentrée au musée Tinguely ; Van Gogh au Kunstmuseum. Art Basel, une réputation internationale.

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car on n’y retrouve pas les tons chatoyants et les formes ondulantes des champs dorés de la campagne méditerranéenne habituelles chez le roi des impressionnistes ; la découverte est entière. Ceux qui sont intrigués par l’autoportrait du maître aux tournesols seront comblés par un accrochage isolé dans l’une des salles. Sinon, la visite se fait au rythme d’une agréable promenade d’Arles à Auvers-sur-Oise, en passant par Montmartre. Armures et robes de soirée au musée Tinguely : des robes telles des armures Une fois de plus, le musée Tinguely ne fait pas mentir sa réputation : une originalité jamais démentie avec, cette fois-ci, une soixantaine d’armures et 12 robes de soirée sont présentées en un chatoiement de couleurs et un festival de volants et autres drapés allurés à faire rougir n’importe quel défilé de haute couture ou montée des marches pour célébrités césarisées. Haumes, cuirasses, jambières, hallebardes et autres lances accompagnent cette extraordinaire exposition qui tire son origine d’une autre exposition viennoise de 1991 ; l’idée est de faire cohabiter la créativité du génial Tinguely et les maîtres et artistes esmétaux dont les ateliers de Nuremberg à Graz ou Milan, fournissaient les armées et les cours d’Europe. Absolument splendide, et si l’on est pas convaincu de la magie du spectacle, les merveilleuses robes de soirée de Roberto Capucci, styliste de mode ayant habillé la naïade Esther Williams ou l’actrice Silvana Mangano, suffiront pour retenir définitivement l’attention du visiteur et faire tomber en pâmoison chaque demoiselle de passage au musée Tinguely ce mois-ci. Le monde fabuleux des étoffes de Roberto Capucci se traverse à l’écoute des commentaires des compagnes successives de Tinguely, Eva Aeppli et Niki de Saint-Phalle sur les fantasmes masculins de puissance, de pouvoir et de violence. Il faut voir cette exposition et en acquérir le livre- catalogue, une pure merveille à conserver précieusement chez soi tant les illustrations sont uniques.


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Rencontre

Si, au questionnaire de Proust, je devais m’identifier à un objet, ce serait une éponge. Pas très glamour, mais c’est ma mission : chercher, absorber, s’imprégner puis faire le tri et restituer l’essentiel sous la forme la plus accessible possible.

’ CONVERSATION SANS PRESSION À LA TABLE DU LANCASTER FRANCEMAGAZINE N°26 92 AUTOMNE 2009


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Rencontre PAR ANNE-MARIE CATTELAIN-LE DÛ. PHOTOS GILLES DE BEAUCHÊNE.

PAR TOUS LES TEMPS, DAVID PUJADAS SE DÉPLACE DANS PARIS EN SCOOTER. POUR SE JOUER DES EMBOUTEILLAGES COMME IL SE JOUE EN VIRTUOSE DES EMBÛCHES DU 20 HEURES. DIFFÉRENCE : MÈCHES REBELLES LORSQU’IL RETIRE SON CASQUE, MAÎTRISÉES SUR L’OREILLETTE, À L’ANTENNE.

David Pujadas C

ONFIDENCES DE L’ ANTENNE À LA VIGNE

'un pas alerte, il débarque, en retard, presque anonyme, dans le hall du Lancaster. Disponible immédiatement pour la séance photo. Dans le miroir du salon attenant au lobby, il s'assure lui-même de son allure. Souriant, rompu en homme d'images à l'exercice de la pose devant l'objectif. Pressé malgré tout, avouant ne savoir travailler que dans l'urgence, et jongler en permanence avec des horaires serrés. Un moyen de juguler le stress, même si, parfois, l'équipe qui bâtit avec lui le journal peine à suivre son rythme dans la dernière ligne droite précédant l'antenne. N'empêche que cet homme bousculé pour cause de rendez-vous quatre soirs par semaine avec six millions de téléspectateurs en moyenne, affiche une sérénité à toute épreuve. « Normal, trop normal » comme il le dit lui-même ? A voir ! Et si, lorsqu'il travaille, il lui arrive d'oublier les plaisirs gourmets, David Pujadas avoue aimer recevoir ses amis autour de bons crus que son grand-père et un de ses amis vignerons lui ont appris à connaître et apprécier. En épicurien.

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> Vous venez de publier “Vous subissez des pressions” pour répondre aux questions de vos auditeurs. Seulement pour cela ou parce que l’écriture vous titille ? Je ne peux nier une réelle envie d'écriture probablement rentrée mais je ne possède ni le talent, ni les dons nécessaires pour me lancer dans la réalisation d'une œuvre plus personnelle comme un roman. Je suis bien meilleur à l'oral qu'à l'écrit où je ne possède aucune valeur ajoutée, trop exigeant aussi et trop respectueux des écrivains. La littérature est la forme d'expression artistique, à laquelle je suis le plus sensible, je ne vais pas la galvauder. Pourtant, c'est avec un stylo qu'on retranscrit le mieux de façon plus incisive, plus personnelle ce qu'attrape le regard, mieux qu'avec une caméra.

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Rencontre >> > Des pressions justement, au sens de

stress, vous en subissez tous les jours : qu’est-ce qui est capable de vous déstabiliser au cours de la présentation du 20 Heures ? Etre à l'antenne ne me stresse pas. Bien au contraire. A 19 h 58, quand le compte à rebours arrive à son terme, toute la pression accumulée se relâche. J'éprouve un vrai plaisir dans l'exercice du direct, j'aime cette montée d'adrénaline au moment où le générique démarre, elle me stimule. Et j'adore l'ambiance du plateau, même si parfois un certain énervement est perceptible. Entre les sujets, je plaisante souvent avec le rédacteur en chef, Hervé Brusini. Peu de chose, pendant le journal, est capable de me déstabiliser. Je compare souvent les conditions du direct à celles qui s’imposent à l’automobiliste au volant d’un véhicule qu’il connaît bien. Il apprécie de rouler tranquillement sur l'autoroute, mais aussi pour ne pas succomber à l'ennui, à la routine, de rencontrer des obstacles qui l'obligent à bien négocier. En revanche, c'est pendant la préparation du journal, la dernière heure notamment, que le stress s'accumule. D'autant que, je l'avoue, même si j'ai le temps, je travaille toujours dans l'urgence et écris les lancements des différents reportages à la dernière minute, voire parfois sur le plateau. Sans la compréhension et l'efficacité de mon assistante, Carole Guyon, je serai obligé de me discipliner davantage. > Ces derniers mois, quels événements vous ont vraiment marqué ? Je vais être d'une banalité extrême, mais c'est en premier lieu l'investiture du Président de la République américain, Barak

Ce métier exige en plus des qualités professionnelles requises, un minimum d’estime de soi, en tous les cas de distance… Aucun familier de l’antenne ne peut prétendre que cette envie d’être aimé et regardé n’existe pas.

Menu signé Troisgros • Bouillon d’huîtres « Mer du Japon » Chablis Vieilles Vignes 2006 sélection Massale Domaine Servin • Mezzaluna au parmesan et à la truffe Jurançon sec 2007 Camin Larredya • Lieu jaune cuit à blanc au jambon des Aloudes, soja et pois gourmands Meursault 2007 Domaine de la Galopière • Dim-Sum de framboise à l’Andalouse Soufflé aux fruits des îles Coteaux de Layon-Rablay 2007 Domaine des Sablonettes

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Obama. Un moment d'extrême émotion à la fois solennel et convivial. Et puis le dernier G20 car je suis persuadé que, dans un siècle, on évoquera ce sommet comme l'embryon du premier gouvernement mondial. Bien sûr, il faut attendre les mesures concrètes qui vont en découler mais c'est d'ores et déjà un changement total d'appréhension de la planète. C'est terrible de constater que seuls les grands événements demeurent ancrés dans la mémoire, les autres s'effacent. Pourtant, chaque jour, des faits de société, des situations, me marquent, mais les uns chassent inexorablement les autres. > La personnalité qui vous a impressionné récemment ? Sans conteste Michel Vaujour, le roi de l’évasion, qui a passé 27 ans en prison pour grand banditisme, dont 17 en cellule d'isolement. Doté de valeurs morales, je ne suis guère enclin à dresser le panégyrique d'un gangster mais cet homme libéré sous caution en 2003 a accompli un tel travail intérieur sur lui-même qu'il est devenu autre. Le film documentaire de Fabienne Godet « Ne me libérez pas, je m'en charge » montre bien ce cheminement philosophique, cette nouvelle approche de la vie et des hommes. Michel Vaujour est en quelque sorte un sage, un type qu'on écouterait pendant des heures tant il est apaisant, charismatique. Son discours permet de relativiser les aléas de l'existence. Il possède, qui plus est, une faculté d'élocution fantastique et raconte qu'il a bénéficié d'une chance incroyable : l'amour inconditionnel de son épouse Nadine d'abord, puis de celui d'une jeune femme qui, en prison, lui a donné l'espoir, l'envie de s'en sortir, pas uniquement en s'évadant. Généralement, je suis impressionné par les intellectuels qui possèdent la faculté de lire le monde, de le mettre en perspective, tel que le philosophe Marcel Gauchet ou encore Régis Debray, mais cette rencontre avec Michel Vaujour m'a franchement touché. > Présenter le 20 Heures, ça change un homme, non ? J'aurais tendance à répondre non car si j'en crois mes proches, mes amis, tous me disent tu es normal, terriblement normal. J'ajouterai peut-être trop. Je souffre sans doute d'un manque de mégalomanie. Cependant, devenu la vitrine de l'ensemble de


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Rencontre la rédaction de France 2, je m'appartiens moins. J'ai, vis-à-vis de tous ceux qui la composent, une vraie responsabilité. C'est moi qui suis exposé, c'est moi qui suis en pleine lumière, à moi de leur rendre hommage, de les mettre en valeur, en étant le meilleur possible. Et puis, ce n'est pas une simple formule mais j'appartiens aussi au public qui attend que je lui facilite la préhension de l'actualité, que je lui explique les rouages parfois compliqués de la politique, de l'économie, de la culture.

directeurs d'entreprise, des banquiers, des directeurs d'Opéra, de musée. Nous sommes placés par table de huit et lorsque j'ai le privilège de partager la table de JeanClaude Casadesus, chef d'orchestre et compositeur ou du producteur Martin Karmitz, par exemple, je me régale, c'est passionnant.

> Sept ans de 20 Heures, cela confère une sérieuse notorité… Plutôt qu'une notoriété, je dirai une reconnaissance et je ne veux pas être hypocrite, cette reconnaissance facilite la vie au quotidien. D'autant que les gens sont en général respectueux et m'abordent poliment, sans empiéter sur ma vie privée. Je fais aussi tout pour la préserver. C'est une question de nature, de réserve, de pudeur. > La présentation oblige à se préoccuper de son apparence, contrainte ou plaisir ? Ah ! Il y a quelques années, j'aurais dit une contrainte. Je ne suis pas du tout shopping, marques et compagnies. J'envie parfois mes confrères de la radio qui peuvent arriver devant le micro peu ou pas rasé, le cheveu en broussaille, avec leur vieux pull, leur vieux jean. A la télévision, ce n'est pas pensable. Je m'invite chez les téléspectateurs, je leur dois un minimum de tenue. Avec le temps, je commence à apprécier les petits rituels, eau glacée sur le visage le matin après le rasage, coiffeur tous les mois et demi... Mais j'ai encore du chemin à parcourir pour devenir coquet et figurer au palmarès des hommes les plus élégants de la planète. > Vous appartenez au Siècle, club très select, où sont admis les gens de pouvoir. Pourquoi être membre de ce genre “d’institution” ? pour un autre type de reconnaissance ? Pour côtoyer les VIP, les ministres ? Le Siècle est tout sauf un club élitiste, un club de copinage, c'est un club de réflexion comptant environ 500 membres. Je suis un généraliste, j'ai besoin de m'informer sur tout, dans tous les milieux. Aux réunions mensuelles du Siècle, je rencontre des personnalités avec lesquelles je n'ai pas l'habitude d'échanger. Des musiciens, des

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Les médias ne font pas l’opinion, ils auraient plutôt tendance à la suivre.

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> David Pujadas, en dehors de la télévision ? Un homme animé par quelles passions ? Par quels centres d’intérêt ? Je consacre en priorité mon temps libre à ma famille, mes filles, mon fils, ma compagne et à mes amis. Je vais au concert avec eux, j'écoute les musiques que j'aime, le rock en priorité, celui des années 70, 80, mais ma fille aînée m'invite à découvrir d'autres musiciens, d'autres groupes plus contemporains que les Beatles ou les Stones. Lorsque je dispose de temps, je file à la montagne skier, pratiquer l'alpinisme. J'aime les sports de mise à l'épreuve, le kate surf, le parachutisme, le planeur, le parapente. Mais j'apprécie aussi, pendant les vacances, de me poser avec un bon roman de Paul Auster, David Lodge, Jonathan Coe, Catherine Cusset, entre autres. Et j'éprouve une passion sans mesure pour les arbres. Je suis capable de parcourir des centaines de kilomètres pour voir et photographier des platanes, des séquoias, des baobabs, des banians. C'est fantastique un arbre. > Faut-il aimer son “prochain” pour présenter le 20 Heures ? Je n'en suis pas sûr. Non, d'ailleurs, il ne faut pas forcément aimer son prochain. Le journalisme pétri de bons sentiments cause bien des ravages et fait que l'on confond trop fréquemment curiosité et compassion. Il faut respecter son prochain, le considérer. C'est différent. > Le 20 Heures, une fin en soi ? Oui, une fin en soi. J'aime me trouver au cœur de cette puissante machine. J'ai encore à apprendre, à découvrir. Après ? C'est le brouillard. Parfois, je m'imagine correspondant sous les tropiques, parfois patron de chaîne ou de rédaction, parfois producteur et pourquoi pas musicien. Je me mettrai à la guitare pour jouer Radiohead ou Julien Doré. >>


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Rencontre Le Lancaster, en toute discrétion, en toute légèreté

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embre des Leading Hôtel of the World, à quelques pas des Champs-Elysées, le Lancaster, 4 luxe cultive l’art de la discrétion et de l’accueil. C’est une magnifique enclave de paix installée dans un ancien hôtel particulier du XIXe siècle. Une adresse intimiste semblable à une élégante maison particulière. L’hôtel propose 46 chambres et 11 suites seulement installées dans une demeure privée du XIXe siècle, dotée d’un jardin de poche ravissant. La Table du Lancaster ouvrant sur le jardin s’inscrit dans le même registre intimiste. Ici, on déjeune, on dîne en toute discrétion, ravi de découvrir la carte orchestrée par Michel Troisgros qui, chaque saison, l’oriente en fonc-

tion des produits qu’il affectionne. Légère, inventive, parfumée, elle mérite largement l’étoile accordée par le guide Michelin. Pour ce déjeuner, le chef a imaginé des plats savoureux et aériens. Apprécié par notre convive David Pujadas, gourmet à ses heures. Renaud Laurent, le sommelier, aime orienter ses clients en fonction des mets choisis, tout en précisant que la cuisine de Michel Troisgros se caractérisant entre autres par ses notes acidulées, sa vivacité relevée d’épices douces, il mise sur des accords de contraste où les vins blancs ont la part belle. Son idée est d’opposer à l’acidulé des plats des vins blancs équilibrés aromatiques avec suffisamment de rondeur en bouche.

DAVID PUJADAS, DE VIGNE EN VIN… > Tabou le vin, l’alcool à la télévision ? Pas du tout. On en parle lorsqu'il existe une actualité. Récemment, par exemple, nous avons abordé le problème de la remise en cause par l'Europe de l'appellation “Rosé” pour la remplacer par celle de vin traditionnel. On soulève aussi la question des grands crus, de la crise. Mais le journal étant plus court, les sujets le sont aussi. Le vin, ni plus ni moins que d'autres thèmes, pâtit de cet état de fait.

> Tranquille ou pétillant ? Un vin tranquille, solide, charpenté.

> Connaisseur en matière de vin ? J'ai toujours apprécié le bon vin, comme mon père, comme mon grand-père, amateur de Bordeaux. J'ai appris à mieux connaître les cépages avec un de mes amis vignerons. Je ne suis pas un expert mais je possède quelques bases solides. J'ai même remporté un concours de dégustation.

> Si vous êtiez un autre alcool ? La sangria que nous prépare parfois mon père, l'été, parfumée, épicée, généreuse.

> Un faible pour… Le champagne d'abord, c'est un vin de fête, de plaisir, de partage que je déguste, savoure avec toujours infiniment de plaisir. C'est aussi le vin que je privilégie pour un dîner romantique, avec des bulles du début à la fin. Mais j'apprécie aussi les vins qui respirent le soleil, les épices, la terre. Mon choix s'oriente alors vers les Côtes-du-Rhône, le Gigondas, le Vacqueyras que je sers volontiers lors de repas entre amis, en famille. > Si vous êtiez un vin, plutôt rouge ou plutôt blanc ? Un rouge, sans aucune hésitation.

> Vin français ou un vin du monde ? Un vin français. > Un vin de soif ou un grand cru ? Un grand cru, tant qu'à faire... Un Gigondas ou un Saint-Joseph ou encore un Fitou.

> Une première émotion liée au vin ? L'un de mes meilleurs amis, David Hairion, a été vigneron. Il s'occupait du “Chateau Romanin” sur les flancs des Alpilles, avec la cave creusée dans le roc au bout d'un long chemin. La première fois qu'il m'a emmené visiter les lieux, c'était à la fin d'un jour très clair. Dans le silence de la terrasse, face à la plaine, on distinguait Avignon et le Ventoux. Le vin respirait la terre, le poivre, le cassis. Un grand moment de sérénité, de bonheur, de plénitude. > Épicurien ? Oui parce que j'aime les sensations, l'amour, les voyages, les instants d'ivresse. Non parce que je ne vais pas me damner pour tel grand plat, pour tel grand cru, il m’arrive même d'oublier de manger ou d'engloutir un “mac”. Alors, épicurien, c'est comme pour la coquetterie, il me reste du chemin à parcourir…

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Rencontre ENTRETIEN AVEC RENAUD LAURENT, SOMMELIER DU LANCASTER ommelier depuis 4 ans à La table du Lancaster, Renaud Laurent gère une cave équilibrée de 250 références dans laquelle il apprécie d'avoir une sélection pointue de Bougogne et de vins de la Vallée du Rhône. En professionnel averti, il commente le prix, à la baisse, des primeurs bordelais.

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même à l'étranger. La concurrence est partout pour les bordeaux de petite et moyenne gammes. > Quelle concurrence ? La concurrence des autres vignobles français. Les grands vins du Rhône restent beaucoup plus abordables, malgré une augmentation constante de leur prix. Dans les foires au vin, on constate que les Bordeaux ne sont plus forcément en situation de monopole. La concurrence des vins étrangers est évidente, surtout à l'extérieur de nos frontières. Et n'oublions pas qu'il est

> La “décrue” des primeurs des grands crus bordelais. Normal ? Les grands bordeaux représentent depuis longtemps une valeur spéculative. Ils sont donc, au même titre qu'une valeur boursière, sensibles aux fluctua« Le prix des Grands tions de prix. La chute des tarifs des primeurs en ces temps de crise est d'autant plus naturelle que les prix avaient atteint ces dernières années des sommets. C'est la règle du jeu, on ne peut pas gagner à chaque fois... > Les Bordeaux aujourd’hui souffrent-ils, en restructuration notamment, d’un prix trop élevé et donc d’une réelle concurrence ? Comme tout produit de luxe avec une image forte, le prix des grands crus a un sens. Dévaluer les Crus classés de façon brutale peut dégrader l'image du vignoble bordelais dans son ensemble. Pour le reste, des bordeaux qui profitent de l'image des grands châteaux, se pose le problème de la qualité des vins. L’étiquette ne suffit plus pour vendre un Bordeaux Supérieur,

Crus de Bordeaux a un sens »

devenu difficile de communiquer sur le vin. Les lois anti-alcool se durcissent en France. L'économie vinicole en souffre directement. >Est-ce que ces cours en baisse vont profiter au Lancaster ? Non, pas du tout, puisque je n'achète jamais de primeurs en Bordeaux pour le Lancaster.

Vous subissez des pressions ?

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ans ce livre paru aux Editions Flammarion en début d’année, David Pujadas souhaite répondre de façon simple aux questions les plus courantes que les téléspectateurs, mais aussi ses proches lui posent ou se posent sur son métier, ses relations avec les politiques et autres people, son rôle de présentateur du 20 H à France 2 ! Très didactique, cet ouvrage éclaire effectivement la fonction de ce journaliste si exposé. Il révèle certaines “ficelles” du métier, met en lumière toute l'équipe participant à la réalisation de ce journal mythique, bouscule certains a priori et conte quelques rencontres et anecdotes savoureuses. Toutes les citations en exergue dans cet entretien sont extraites de ce livre, avec l’autorisation sans réserve et spontanée de son auteur. “Vous subissez des pressions” de David Pujadas, Ed Flammarion, 282 pages, 20 €.

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Saint-Etienne ou l’art de la métamorphose SAINT-ÉTIENNE, LONGTEMPS CONSIDÉRÉ COMME UNE VILLE TRISTE, ENDEUILLÉE PAR LA SUIE DE SES CORONS ET EMBRUMÉE PAR LES ÉPAISSES FUMÉES DE SES USINES, S’EST, DEPUIS LES ANNÉES 70, REFAITE UNE BEAUTÉ AU RYTHME DE LA FERMETURE DE SES SITES INDUSTRIELS. SAINT ETIENNE-LA NOIRE EST DEVENU UNE VILLE FIÈRE DE SON PATRIMOINE ARCHITECTURAL ET DE SES TRÉSORS CULTURELS, ET S’APPRÊTE À FÊTER L’ENFANT CHÉRI DU PAYS : LE COMPOSITEUR JULES MASSENET.

Centr ESC S © Sa


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Les carnets de voyage de Kathereen Abhervé Centre des Congrés ESC Saint-Étienne. © Ville de Saint-Étienne

Tour du Design. © Ville de Saint Etienne

Des couteaux et des fusils Les Romains nommaient ce village construit sur la rivière Furan, Furanum, qui devint Furiana jusqu’à la fin du premier millénaire. Dès le XIIe siècle, Sancti Stephani de Furano (Saint-Étienne de Furan) s’est développé grâce à sa situation exceptionnelle entre Lyon et Le Puy-en-Velay, au cœur d’une dépression entourée de sept collines, et traversée par le Gier, affluent du Rhône, et les rivières Furan et Ondaine, affluents de la Loire. Saint-Étienne, ainsi placé sur la ligne de partage des eaux entre Atlantique et Méditerranée, a également profité de la présence d’un riche bassin houiller et de minerai de fer. Dès le XVIe siècle, l’exploitation massive des mines de charbon permet à SaintÉtienne, déjà connu depuis le Moyen-Âge pour sa coutellerie, de développer sa métallurgie. L’intérêt des Stéphanois pour les armes ne date donc pas d’hier, et avec les guerres d’Italie de François 1er, la production d’armes blanches va évoluer vers la fabrication d’armes à feu. Cette industrie se développe rapidement grâce aux nombreux conflits menés tous azimuts par des monarques en quête de gloire et de territoire. On comptera jusqu’à 600 armuriers à la fin du XVIIe siècle. En 1764, Louis XV donne son approbation pour la construction d’une manufacture Royale d’Armes, qui devient le fournisseur officiel des troupes françaises et… étrangères. La Révolution française donne une nouvelle impulsion à cette industrie florissante et surnommera la ville, avec l’humour qui caractérise cette époque épique, Armeville. Au milieu du XIXe siècle, la demande

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d’armes de guerre est telle, qu’une nouvelle usine est construite, permettant à 10 000 ouvriers de produire plus de 1600 fusils par jour, sans oublier les revolvers, carabines, mousquetons, épées et autres sabres-baïonnettes. La production s’est ensuite diversifée, en fonction des époques et des types de conflits : guerres, révolutions, insurrections, et autres réjouissances. Mais vers 1970, les armes françaises entrent en concurrence avec les fabrications étrangères sans doute plus rentables… La Manufacture d’armes de Saint-Étienne gérée par GIAT, ferme en 2000, abandonnant un ensemble de bâtiments de briques rouges et de pierres blanches, tout à fait unique, témoignant du génie économique et visionnaire des hommes du Second Empire. Malheureusement, cette fermeture entraînera dans sa chute de nombreux savoir-faire ! Chronique d’une mort annoncée Au début du XXe siècle, l’industrie des armes militaires était le monopole de la Manufacture nationale, c’est-à-dire de l’Etat. Les fusils civils étaient, quant à eux, fabriqués par de nombreux artisans et par la Manufacture française d’armes et cycles (Manufrance) fondée par deux armuriers de talent qui innovèrent un système inédit de vente par correspondance, grâce au fameux catalogue Le Chasseur français. Mais dans les années 70, les grandes industries stéphanoises battent de l’aile et mettent successivement la clef sous le paillasson. Les armes et cycles ne sont pas épargnés, et Manufrance ferme en 1986. D’Italie, François 1er avait également rapporté la fabrication des rubans, qui devint rapidement une industrie très florissante, si bien qu’au XIXe siècle, Saint-Étienne était passé capitale mondiale de la rubanerie. Mais on imagine sans peine le sort que le XXIe siècle réserva à cette industrie devenue obsolète… Le charbon, qui a permis le développement de la métallurgie lourde pendant plusieurs siècles, est également sérieusement menacé par la concurrence du pétrole et du charbon étranger, ce qui entraîne la fermeture successive des puits. Le dernier, le Puits Couriot, a définitivement fermé en 1983. Le déclin des spécificités industrielles – armes, cycles et rubans –, qui avaient fait rayonner le nom de Saint-Étienne dans le monde entier, a entraîné de multiples fer-

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Les carnets de voyage de Kathereen Abhervé >> metures et restructurations d’usines. Saint-Étienne est alors en grand péril, et sa population, atteinte par le chômage, décroît considérablement.

Saint-Étienne sort de sa chrysalide Mais c’était sans compter sur l’énergie des Stéphanois, car après ces années difficiles, Saint-Étienne connaît un nouvel essor économique et culturel, grâce à de nombreuses initiatives locales et régionales. L’image de Saint-Étienne, d’aussi longtemps que l’on s’en souvienne, était celle, noire et triste, d’une ville minière et industrielle. Or, depuis une quarantaine d’années, Saint-Étienne a entrepris une grande opération d’urbanisme permettant d’améliorer l’habitat et le cadre de vie de ses habitants par la construction de nouveaux logements et salles de concerts (le Zénith), et grâce à l’embellissement de ses rues, places et nombreux espaces verts. Le développement économique et commercial de la ville s’est illustré par la construction d’une nouvelle cité des affaires, dont le fer de lance est le siège social mondial du Groupe Casino, et l’aménagement d’un parc technologique consacré à la recherche dans les domaines du biomédical, de la mécanique avancée et de l’optique. La réhabilitation de son patrimoine architectural, les prouesses sportives de ses « Verts » sur les pelouses du célèbre stade du Chaudron, la place de choix réservée à la culture, qu’il s’agisse d’art contemporain ou de musique, ont fortement modifié l’image de Saint-Étienne. Le centre-ville est en pleine ébullition et travaille d’arrache-pied à la remise en valeur de son patrimoine architectural vieux de quatre siècles, et au réaménagement de ses anciennes friches industrielles, ce qui a valu à Saint-Étienne d’être classé en 2000, parmi les Villes d’Art et d’Histoire. Certaines usines sont devenues de véritables lieux culturels et touristiques, comme l’ancienne Manufacture nationale d’armes (GIAT) qui abrite dorénavant la Cité internationale du design. Le puits de mine Couriot désaffecté, puis transformé en Musée de la mine abrite, depuis 1991, la mémoire des anciennes houillères du bassin de la Loire. Manufrance accueille dorénavant, le Centre des Congrès, un planétarium (l’Astronef), le siège de la Chambre de Commerce et d’Industrie et un Centre d’enseignement. De plus, afin de témoigner du brillant et glo-

rieux passé industriel de la ville, une formidable collection de rubans, la première du monde, des collections de cycles et d’armes sont présentées au Musée d’art et d’industrie aménagé dans un édifice du Second-Empire. Saint-Étienne et l’art moderne Tout en se consacrant à cet important travail de mémoire, Saint-Étienne a montré depuis la fin des années 40, un goût très prononcé pour l’art moderne, en constituant une collection exceptionnelle de quelque 15 000 œuvres des XIXe, XXe et XXIe

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L’église SaintPierre de Firminy. © Ville de Saint-Étienne


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Le Site Couriot Musée de la Mine. © Ville de Saint-Étienne

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siècles (peintures, sculptures, objets design et photographies) qui sont présentées en alternance ou par thème, dans les vastes et lumineuses salles du Musée d’Art Moderne de Saint-Étienne Métropole (Mam) construit en 1987. Cette prodigieuse collection, la seconde de France après celle conservée au Palais de Tokyo à Paris, qui ne cesse de s’enrichir de nouvelles acquisitions et de donations, témoigne du développement de l’art occidental de l’ère industrielle, et offre un vaste panorama de la création plastique contemporaine. A l’instar du Centre Georges Pompidou de Paris, le Musée d’Art moderne de SaintÉtienne a constitué, dès les années 80, une collection de près de 900 objets témoignant de l’histoire de cette discipline, de la fin du XIXe siècle à nos jours. Cette étonnante col-

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lection, aujourd’hui l’une des plus importantes de France, rassemble, en dehors de tout jugement esthétique et artistique, des pièces de mobilier uniques signées, comme des objets usuels et utilitaires produits en série. Le Mam a récemment élargi ses expositions consacrées à l’architecture et au design, à l’église Saint-Pierre de Firminy, petite ville de l’agglomération stéphanoise. Construite dans les années 60 par Le Corbusier, cette église récemment achevée, fait partie du plus vaste ensemble urbain d’Europe réalisé par l’architecte, à la demande d’Eugène Claudius-Petit, ancien ministre de la Reconstruction et maire de Firminy, qui souhaitait réhabiliter sa ville au passé métallurgique et textile. Dès 1958, Le Corbusier est sollicité pour construire un Centre Civique composé de la Maison de la

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Les carnets de voyage de Kathereen Abhervé >> Culture bâtie sur une an-

Saint-Étienne rend hommage à l’enfant du pays : le compositeur Jules Massenet L’enfant chéri des Stéphanois n’est pas, comme on pourrait le croire, footballeur ou industriel, mais compositeur. Jules Massenet est né en 1842 à Saint-Étienne, qui l’a toujours célébré, en organisant fêtes et festivals. Depuis 1990, une biennale lui est consacrée afin de ressortir d’un oubli injustifié ses œuvres scéniques (opéras et opéras comiques), musiques de scène et de ballet, musique religieuse et œuvres instrumentales (mélodies, symphonies, pièces pour piano). Le festival Massenet, sous l’impulsion de Jean-Louis Pichon, directeur de l’Opéra Théâtre de Saint-Étienne, a permis de redécouvrir l’envergure du génie de ce compositeur, dont l’influence fut considérable sur les musiciens de son temps, en

ressuscitant des ouvrages lyriques peu ou pas joués comme Panurge, Le Roi de Lahore, Le Jongleur de Notre-Dame, Cléopâtre, Amadis, Esclarmonde, Grisélidis, Thaïs, Sapho, Hérodiade, Eve, Ariane ou la légende sacrée La Vierge. Noms mythiques de femmes, déesses ou divinités, femmes fatales, amoureuses ou filles perdues comme Manon, titre d’un opéra programmé lors de la Xe biennale, qui se déroulera du 6 au 20 novembre prochain. Composé sur un livret d’Henri Meilhac et Philippe Gille, d’après le roman Manon Les-

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k.abherve@geneveopera.ch

cienne carrière de grès houiller, d’un stade implanté sur une ancienne carrière de pierre, d’une piscine et d’une église, qui ne seront achevés qu’après la mort de l’architecte, survenue accidentellement en août 1965. La seconde phase de travaux concernait la construction de 3 500 logements devant se répartir sur trois unités d’habitation, englobant établissements scolaires et commerces. Une seule unité d’habitation, véritable citéjardin verticale, équilibrant bâti et verdure, est sortie de terre ; certains projets ont été abandonnés, faute de financement. L’église inachevée qui, pendant trente ans, offrit un squelette de béton gris hérissé de barres de fer rouillées, constitue aujourd’hui l’un des fleurons de l’architecture religieuse moderne, dans la lignée de la chapelle de Ronchamp. La visite d’un tel site, candidat au Patrimoine Mondial de l’UNESCO, est à recommander aux visiteurs de Saint-Etienne comme aux mélomanes qui, le temps d’un week-end, participeront à la Biennale Massenet.

Kathereen Abhervé


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Ci-contre : L’Opéra Théâtre. Ci-dessous, de gauche à droite : Ariane de Jules Massenet, 9e Biennale, 2007. La salle d’Opéra Théâtre. Le Jongleur de Notre-Dame de Jules Massenet, 8e Biennale, 2005. © Cyrille Sabatier

caut de l’Abbé Prévost, devenu un véritable objet culte à l’époque de sa création en 1884, la Manon de Massenet sera donnée cet automne, sur la scène de l’Opéra Théâtre, dans sa version avec récitatifs (les 6, 8 et 10/11). Le rôle-titre sera campé par la jeune soprano Karen Vourc’h, Des Grieux par le ténor américain Philippe Do, et Lescaut par le baryton Olivier Grand. Le Comte Des Grieux sera, quant à lui, interprété par Marcel Vanaud. Laurent Campellone, à la tête des Chœurs lyriques et de l’Orchestre Symphonique de Saint-Étienne, dirigera

cette nouvelle production, dont Jean-Louis Pichon assurera la conception scénique, Sylvie Auget, sa réalisation, dans des décors d’Alexandre Heynaud. Cet opéra exaltant un XVIIIe siècle mythifié, sera au cœur du colloque international intitulé « l’Opéra et classicisme en France d’Adam Auber à Massenet » (les 6 et 7/11). Saint-Étienne confirme ainsi sa volonté de s’imposer comme centre de réflexion culturel et artistique. Cette biennale s’intéressera également aux contemporains de Massenet et aux compositeurs des XIXe et XXe siècles, proches ou ayant été influencés par l’œuvre du maître, comme Ernest Chausson, Berlioz, Ravel, Debussy ou Fauré, dont le Requiem, le Cantique de Jean Racine et les Motets pour Chœurs et orgue seront interprétés par l’Orchestre Symphonique de Saint-Étienne et la Maîtrise de la Loire (20/11). Un récital de chant de jeunes artistes lyriques (09/11), du piano avec Rebecca Chaillot (17/11), des concerts de musique de chambre avec le Trio Dumka (15/11) et le Quatuor Alexander (19/11), et une projection du film Senso de Luchino Visconti, complèteront cette Xe édition qui méritera vraiment le déplacement.

Coordonnées utiles > Office de tourisme de Saint-Étienne : +33 477 49 39 00 > Musée d’Art Moderne de Saint-Étienne Métropole : + 33 477 79 52 52 • www.mam-st-etienne.fr > Site Le Corbusier de Firminy-Vert : +33 477 61 08 72 www.sitelecorbusier.com > Opéra Théâtre de Saint-Étienne Biennale Jules Massenet Billetterie et réservations : +33 477 47 83 40, du lundi au vendredi de 12 h à 19 h • www.opera-theatre.saint-etienne.fr

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Conscience contre Violence de Stefan Zweig

SI ROME EST POUR TOUJOURS LA VILLE ÉTERNELLE ET SI PARIS SERA À JAMAIS LA VILLE LUMIÈRE, GENÈVE, EST QUANT À ELLE, CONNUE COMME LA CITÉ DE CALVIN.

t en cette année 2009, le promeneur du Parc des Bastions ou celui arpentant les rues de la Vieille Ville aura le plaisir de constater qu'à Genève, les commémorations du cincentenaire de la naissance de Calvin sont légions. Que ce soit dans la ville elle-même où chacun est invité à replonger dans l'univers calviniste au quotidien et à revisiter l'histoire de la Réforme. Que ce soit dans les rayons des librairies où pas moins d'une dizaine d'ouvrages traite de Calvin et de son époque, nous offrant une occasion unique de se faire une idée plus nette sur un personnage et un contexte historique qui paraîtront souvent obscurs et bien lointains au citoyen du XXIe siècle. Car il faut bien admettre que ni le personnage de ce Français picard né à Noyon en 1509 et arrivé à Genève un peu par hasard ni l'époque de cette première moitié du XVIe siècle ne sont propices aux célébrations sur le mode unanimiste. Calvin et son époque sont en effet des plus contrastés. Et les motifs qui font agir l'auteur d'Institution de la religion chrétienne, loin d'être toujours purs de toute compromission. A la lecture des nombreux ouvrages sur Calvin, il est un texte rare qui constituera un utile contrepoids à la statue que l'Histoire ne manque jamais de forger en faveur des vainqueurs. Elle qui ne se souvient jamais

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des vaincus et honore parfois trop grandement ceux qui ont su se forger un destin hors du commun sans trop se préoccuper des conséquences sur l'ensemble de la collectivité. Il s’agit d'un livre écrit par Stefan Zweig paru en 1936 sous le titre Conscience contre violence ou Castellion contre Calvin 1. Dans ce texte rédigé au milieu des années trente, peut-être Stefan Zweig - hanté par les dangers que font courir à l'humanité la montée du fascisme – charge-t-il avec une virulence excessive Jean Calvin et son système de théocratie imposé à Genève dès son arrivée en 1536. Mais il met l'accent beaucoup mieux que d'autres sur les dangers que feront toujours courir à l'humanité le fanatisme, l'intolérance et le recours à la terreur pour imposer une idée. La Réforme - son nom même en témoigne - est en effet à la base une idée et un mouvement qui visent à régénérer pacifiquement la religion chrétienne grâce à un louable retour aux sources de la doctrine. Ses pères véritables sont Luther et Zwingli qui, tous deux, précèdent Calvin. A Genève même, c'est Guillaume Farel qui a su imposer le mouvement face aux catholiques partisans de Rome. Mais c'est Calvin qui saura finalement capitaliser sur ce socle et s'imposer au-delà de tout ses concurrents grâce à sa maîtrise du discours - à travers le livre notamment - et à un esprit fécond et particulièrement organisateur. Car ce qu'il réussit à Genève après qu'on lui eut abdiqué les pleins pouvoirs, c'est la création d'une Cité-Eglise, d'une véritable théocratie. Avec ce corolaire détestable : la mise en place de règles strictes qui réglementent tous les actes des citoyens. Règles auxquelles on ne peut qu'adhérer et se soumettre. Règles dont l'observation est contrôlée


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Jean Calvin et “sa” cité, Genève.

par ce que Zweig dans sa charge anti nazie qualifie de "gestapo des mœurs". Bref, alors que Calvin était un juriste et un intellectuel religieux désireux de ne s'occuper que de ses livres pour se consacrer à l'étude, voilà qu'à l'instigation suppliante de Farel, il entame une carrière de despote. Mais lors de son premier séjour à Genève la population n'est pas prête à aller aussi loin dans la doctrine que Calvin souhaite imposer. Doctrine qui rejette presque systématiquement tout ce qui peut apporter de la joie et du bien-être. Pour Calvin - car cela est conforme à sa vision autant qu'à sa nature profonde d'ascète - l'homme doit se consa-

crer à son travail et à Dieu. Le reste est superflu, voire dangereux, car pour lui, il est dans la nature de l’homme d'être attiré vers le mal et de pêcher. Face à cette intransigeance, Genève rejette l'homme autant que son projet et le condamne à l'exil. Farel ira à Neuchâtel tandis que Calvin s'établira à Strasbourg. Mais la nouvelle direction qui leur succède à Genève n'est pas à la hauteur des attentes et la foi romaine regagne le terrain perdu, au grand dam des bourgeois qui, peu à peu, trouvent souhaitable le retour de Calvin. Celui-ci n'acceptera qu'au moment où les pleins pouvoirs lui seront consentis. A partir de son retour en septembre 1541, rien

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ou presque n'échappera en fait à l’omnipotent Calvin des affaires de Genève qui se transforme en véritable théocratie. Pourtant, Calvin a de bonnes visions et initiatives. Il est sensible au rôle des femmes et souhaite que le droit les protège davantage au sein du foyer autant qu'à l'extérieur du cercle familial. Il est pour une éthique du capitalisme qui se révolte de la conduite de trop nombreux propriétaires terriens qui flouent l'ouvrier de la majeure partie de son travail en pratiquant des taux usuriers ou des retenues sur salaires exorbitantes. Mais il arrive à Calvin ce qui arrive à tous les hommes de pouvoir à qui aucun contre-pouvoir ne s'oppose vraiment. A tout individu dévoré par l'idée d'une mission à accomplir qui veut l'imposer à toute force grâce à un système totalisant. Comme le note Stefan Zweig, chaque fois que la terreur devient l'instrument privilégié d'une idée, celle-ci paralyse la plupart des hommes qui se soumettent lâchement. A Genève, le fanatisme s’impose et la police officielle qui surveille le citoyen et visite les foyers pour vérifier la stricte observation des règles de vie telles que codifiées par Calvin ne tarde pas - phénomène de toutes les époques - à trouver ses meilleurs auxiliaires parmi la population elle-même qui pratique sans vergogne la plus odieuse délation. Pourtant, comme un pur soulagement pour l'histoire de l'humanité, si la plupart des gens sont - comme a l'honnêteté de le reconnaître Zweig pour son cas personnel - plutôt lâchement passifs face à l'oppression, il y a toujours quelques personnages qui se dressent face à l'autorité et réclament pour eux-mêmes comme pour l'humanité le respect de droits inaliénables comme la liberté de pensée. Ce personnage chez Zweig est Sébastien Castellion. Un médecin érudit qui vit modestement et ne souhaite pas se mêler de politique jusqu'au jour où, face au bûcher de Michel Servet, sa conscience se révolte au nom de la liberté outragée. Comment, s'indigne-t-il, Genève a-t-elle pu condamner Servet à être brûlé

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Chronique Littéraire >> vif ? Comment peut-on

Castellion.

Dominique Ortiz

dominique.ortiz@bpc-bank.com

soutenir une doctrine en pratiquant l'assassinat ? Comment Calvin a-t-il pu laisser condamner à mort un homme dont le seul tort était de n'être pas d'accord avec la doctrine officielle ? Ce bûcher où périt Michel Servet, médecin humaniste espagnol en 1553 reste à jamais une tâche rouge sang sur le front de Calvin. Castellion - l'homme que Zweig aurait voulu avoir le courage d'être face au régime nazi - se dresse et prend la plume pour combattre Calvin. Mais son courage sera bien peu de chose dans cette lutte que lui-même a décrit comme celle du "moucheron contre l'éléphant". Car Calvin dispose de tous les moyens d'Etat pour espionner, discréditer et faire plier Castellion. L'individu seul n'a aucune chance face au pouvoir d'Etat. Surtout pas Castellion qui, contrairement au Voltaire de l'affaire Calas ou au Zola de l'affaire Dreyfus, bénéficiant de siècles moins brutaux et de la main protectrice de certains princes ou de l'opinion publique, n'a personne pour le défendre ni rien pour supporter la lutte que son courage et sa foi. Castellion sera vaincu au final par l'appareil calviniste et devra sans doute à une mort précoce de ne pas périr sur un bûcher, lui aussi. Mais son combat reste éternel et sa figure l'une des plus glorieuses que l'Histoire ingrate a oubliée. L'idée défendue par Zweig est en fait assez limpide : les tyranies peuvent s'imposer pour un temps mais l'idéologie totalitaire, la conception unique du monde ou d'une vérité ne pourront jamais s'imposer à l'humanité tout entière car il y aura toujours une révolte pour la liberté, pour les droits inaliénables, pour la justice et le respect. Cinq cents ans après la naissance de Calvin, presque 450 ans après sa mort, la Genève protestante a digéré l'enseignement de Calvin et en a sorti un modèle façonné par beaucoup d'autres influences comme l'apport décisif de ces

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protestants fuyant, un siècle plus tard, la France de la Révocation de l'Edit de Nantes et apportant leur savoir-faire industriel, financier et de négociant ; comme la figure humaniste d'un Henry Dunant qui, révolté par les conditions du champ de bataille de Solférino sous Napoléon III, crée la Croix-Rouge et l'humanitaire ; comme la volonté de se présenter comme un havre de neutralité servant à abriter tant de sièges d'organisations internationales qui, de SDN en ONU, cherchent à améliorer le sort du monde. Calvin est, au final, un personnage dont la postérité favorise évidemment le côté protéiforme. Organisateur et fin lettré, il impose par l'écrit les acquis que d'autres ont su conquérir, et fait de la Réforme un courant de pensée qui se déploiera sur tous les continents. L'exemple de Genève sous sa haute direction magnifiant l’œuvre accomplie. Il est aussi, comme l'a décrit Zweig, un de ces dictateurs qui poursuivent l'application d'une idée sans pouvoir tolérer de contre-pouvoir véritable et que toute critique, si légère soit-elle, offense mortellement. Calvin, sans doute façonné par une pensée très médiévale et adepte dans sa vie personnelle d’une pratique de l'ascèse exclusive, était un modèle que bien peu d'hommes ont vocation à imiter. C'est pourquoi il est toujours dangereux de vouloir forcer l'homme d'être libre et d'aspirer à réguler sa conscience. Même si l'on a, à son actif, la création d'une université qui fête ses 450 ans et des thèses humanistes, la pratique intolérante d'une doctrine érigée en dogme cause toujours plus de malheurs et hypothèque sérieusement l'avenir. L'humanité trouvant finalement bien davantage de ressources et de bien-être en suivant l’esprit des Lumières : là où la liberté de pensée reste la garantie la plus absolue des droits élémentaires de l'homme et du citoyen. 1

Le Castor Astral


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Gastronomie e numéro étant consacré à la Suisse, j'aimerais vous faire partager les avis d'éminents personnages œuvrant dans la gastronomie. A tous, j'ai posé la même question : > Sur le plan gastronomique, d'après votre expérience, quelles sont les différences, les ressemblances, pour ne pas dire la dépendance qu'il y a entre la France et la Suisse ? Il y a deux restaurants en Suisse au firmament de la gastronomie, tous deux trois étoiles au Guide Michelin et 19/20 au Gault et Millau, cuisinier de l'année, etc., ce sont le “Restaurant du Pont de Brent” de Gérard Rabaey, et le “Restaurant de L'Hôtel de Ville” à Crissier de Philippe Rochat. Gérard Rabaey, un Normand pur jus, m'a confié : « Étant en Suisse depuis quelques dizaines d’années (1966), eh oui, plus de quarante ans… Arrivant de France, mon pays d’origine, toujours cher à mon cœur, j’ai pu apprécier l’évolution gastronomique de la Suisse. Je pense qu’il y a eu plusieurs facteurs déterminants : • Au début des années 70, il y a eu l’arrivée et la formidable dynamique de Frédy Girardet. Il fit venir des produits d’exception qui étaient pour ainsi dire peu utilisés en Suisse tels que des poissons de mer, les coquillages et les crustacés frais ainsi que les volailles de grande qualité et autres foies gras frais. • La sortie du guide Gault & Millau en Suisse a tout de suite reconnu l’immense potentiel de Frédy Girardet et a eu un effet stimulateur pour beaucoup d’entre nous. Quelques dizaines d’années après, la Suisse gastronomique a, en général, beaucoup progressé, si bien que le niveau y est très bon. Un restaurant Jean-Jacques suisse de bonne quaPoutrieux lité sera souvent

jjpoutrieux@bluewin.ch

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moins cher et plus régulier qu’en France et avec des prestations au moins équivalentes. Par contre, la France possède des établissements d’exception, plus luxueux que chez nous et qui sont situés dans des endroits improbables. La Suisse est, bien sûr, dépendante de la France pour certains produits de très haute qualité, poissons et volailles en particulier. Toutefois, il ne faut pas négliger les grands efforts de nos maraîchers en ce qui concerne les légumes. Sans oublier les poissons du lac parfois méconnus dans certaines régions françaises, les champignons sauvages, sans parler des grands vins, souvent ignorés des Français. Nous avons la même culture gastronomique et grâce à la qualité des grands cuisiniers suisses, souvent secondés par des cuisiniers français, nous obtenons donc des prestations de très hauts niveaux. Gérard Rabaey Les grands guides sont maintenant également présents chez nous, même s’ils ne sont pas parfaits, il n’y a rien de mieux pour nous faire connaître de la clientèle internationale. Nous sommes enfin reconnus même si nous ne savons pas trop nous mettre en avant. En général, les cuisiniers suisses ont un égo plus mesuré que certains cuisiniers français. En conclusion, nous avons le même problème : l’avenir dans notre métier. Il faut donc investir dans la formation des jeunes qui a beaucoup stagné, voire régressé en France. Il n’y a rien de mieux que d’apprendre son mé-

tier avec un vrai cuisinier professionnel qui doit lui enseigner l’amour et la passion du métier. Il faut défendre un lieu, un terroir, une âme. Se nourrir du passé et des racines de la cuisine afin d’acquérir un savoir pour un travail quotidien. Sans oublier « être cuisinier ce n’est pas qu’un métier, c’est aimer faire plaisir… » Philippe Rochat est Suisse, un pur. Il est né au Sentier, dans la vallée de Joux ; c'est un Combier, vrai comme la nature sauvage de sa vallée, rude comme le climat et précis comme un horloger dont la région est le berceau.

Philippe Rochat

L’autre pays de

l’art culinaire

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Pour lui, la Suisse, plus particulièrement la Suisse de langue française, a les mêmes origines et traditions culinaires que la France. Elles remontent au moins à l’époque des Francs et se sont surtout développées grâce à une langue et un mode de vie communs et proches. Les produits du terroir, comme le fromage et le vin, y ont autant d’importance que la recherche des saveurs fondamentales des produits de première


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Gastronomie qualité. Cependant, et géographiquement, la Suisse ne possède pas de littoral marin ni de grandes plaines fertiles. Cette différence est très importante car la Suisse est ainsi fortement dépendante de ces produits marins et de nombreux autres produits végétaux qui ne peuvent être cultivés qu’en très petite quantité en Suisse. Néanmoins, cet état de fait n’est pas un handicap pour la gastronomie suisse car la proximité de la France lui permet de pouvoir en disposer avec facilité et très rapidement. Aujourd’hui, une langoustine ou un turbot, pêché pendant la nuit, se retrouve aussi frais le lendemain matin dans une assiette à

Benoît Violier

et rien ne différencie un chamois français d’un chamois suisse ; d’ailleurs, il passe la frontière sans contrôle douanier. Ce qui sépare les deux pays, ce sont certains petits gibiers à poil, et surtout les gibiers à plume, quasi inexistants en Suisse. Mais encore une fois, leur proximité permet aux gastronomes d’y goûter très facilement. De plus, tous les grands chefs suisses ont effectué une partie de leur formation en France et de nombreux chefs français font des séjours en Suisse. C’est un petit monde qui se connaît et qui partage les mêmes objectifs autour de produits et de techniques de préparation identiques. On ne peut pas séparer la gastronomie de la Suisse de la gastronomie de la France ; elles sont identiques et portent toutes les deux le nom de “ g a st ro n o m i e française”, héritage de leurs ancêtres communs les Francs. Jean-Marie Augnet, quant à lui, pâtissier, confiseur, chocolatier, a été complètement désorienté à son arrivée en Suisse, dans les années "septantes", la pâtisserie helvétique lui semble complètement différente et les techniques de la confiserie ne lui sont pas très familières, à un tel point qu'il repartira en France attiré par la créativité de la pâtisserie française. Il reviendra en Suisse en 1986 à La Tour de Peilz, où il créera un Relais Desserts, dont la réputation n'est plus à faire. Il propose à sa clientèle de la pâtisserie française sans ignorer les us et coutumes du pays. Aujourd'hui, il apprécie d'être en Suisse et ne voudrait plus en repartir, il précise : « Les Suisses, particulièrement la clientèle suisse romande, sont très avertis sur la gastronomie, tout autant que les Français, ils apprécient

Jean-Marie Augnet

Paris qu’à Lausanne. Oui, la Suisse et la France ont un héritage et une tradition qu’elles partagent en gastronomie et qu’elles transmettent aux générations futures. Philippe Rochat s'est adjoint un chef Français doté de qualités exceptionnelles, Benoît Violier, natif de l'ouest de la France, de la Petite Champagne, en Charente Maritime. Meilleur ouvrier de France en 2000, il s'est vu décerner, il y a quelques semaines, lors du 56e Congrès des M.O.F à Marseille, Le Grand prix du livre des Meilleurs Ouvriers de France. Benoît Violier continue dans le même esprit : Un autre aspect de cette différence ou de cette ressemblance sont les produits issus de la chasse. Les Alpes appartiennent aux deux pays,

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une cuisine authentique proche des produits du terroir, et il en est de même pour la confiserie et la pâtisserie. Par contre, il est indéniable, que les confiseurs suisses dépendent beaucoup de l'évolution de la pâtisserie française, ils sont très influencés par ce qui se fait dans l'Hexagone. La preuve en est, beaucoup d'entreprises ont des collaborateurs français. Même si, en Suisse, il y a d'excellents, pâtissiers, confiseurs et chocolatiers, les Français ont beaucoup de chance d'avoir des écoles professionnelles de haut niveau telles : L'école nationale de la pâtisserie à Yssingeaux, les écoles Lenôtre, Bellouet, et bien d'autres. » Pour conclure, j'oserai affirmer que la cuisine fait partie du patrimoine d'un pays au même titre que la peinture, la musique, l'architecture, la sculpture ou la poésie pour ne citer que ces "beaux arts", elle doit être protégée, elle est le reflet de la culture d'un pays. La France, le Président Sarkozy l'a annoncé au dernier Salon de l'Agriculture, aimerait voir sa cuisine être inscrite au Patrimoine Mondial immatériel de l'UNESCO… Une très bonne initiative. Mais attention ! Encore faut-il faire la différence entre la “Cuisine de la France” et “la Cuisine Française”, considérée comme une des plus raffinées, une des plus élégantes, et pratiquée par de nombreux Chefs à travers le monde. Gérard Rabaey et Philippe Rochat en sont la preuve, c'est chez eux, en Suisse, que des clients du monde entier, après avoir réservé des mois à l'avance, viennent déguster la Haute Cuisine Française. Sur le plan gastronomique, il y a une interdépendance entre la Suisse et la France, la frontière ne peut être que virtuelle. C'est l'amour du métier, la passion dont ces chefs d'exception sont habités, la rigueur à laquelle ils s'astreignent, la volonté de l'excellence, une détermination sans égale qui font ces tables prestigieuses, écrins de la cuisine française.


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Le mot de la fin « LE PLUS PÉNIBLE QUAND ON VIEILLIT, C’EST DE SE SENTIR ENCORE JEUNE » DISAIT ROBERT LOUIS STEVENSON QUI AVAIT TOUT COMPRIS. MILLE PETITES CHOSES DU QUOTIDIEN NOUS RAPPELLENT ALORS QU’HÉLAS, ON A CHANGÉ DE TRANCHE D’ÂGE ! l roule dans sa superbe berline suréquipée, équilibre entre luxe et haute technologie. Il va d’un train de sénateur, sûr de lui. Il n’a pas besoin d’accélérer, le ronronnement feutré du moteur surpuissant en impose à l’asphalte. Il ne se presse pas. Il ne peut pas être en retard : la réunion à laquelle il se rend ne commencera jamais sans lui, il en est l’acteur principal.

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S’il a à présent chevelure blanche et poil grisonnant, son œil est toujours vif et son verbe assuré. Grand, fort, la petite soixantaine active, il ne s’est jamais senti aussi bien qu’aujourd’hui, il est en pleine possession de ses moyens. Il est le mâle dominant. C’est pourquoi il est un peu surpris lorsqu’une petite nana, dans une petite voiture, vient, fort mal à propos, lui couper la route, sans prévenir, effrontément et dangereusement, histoire de se garer – plutôt mal d’ailleurs – de l’autre côté de la chaussée. Furieux, il s’approche du véhicule de l’insolente, histoire de lui rappeler en termes il-

De toutes ces petites choses qui nous montrent

qu’on a vieilli FRANCEMAGAZINE N°26 110 AUTOMNE 2009


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Le mot de la fin lustrés et fleuris, tout ce que la race des seigneurs – que le volant rend souvent misogyne - pense de la conduite des femmes en général et plus, si la couleur des cheveux de la damoiselle s’y prête. Il baisse sa vitre motorisée à cet effet, et ouvre un large bec…. Mais la jeunette le devance et lance avant qu’il n’ait pu placer sa tirade, un « ne t’énerve pas, papy, tu vas te faire du mal… » plutôt joyeux, avec un beau sourire de carnassière aux dents pointues. Le “papy” a fait mouche. L’homme ne sait quoi répondre. Sidéré, il remonte la glace sans un mot, enclenche la première sur sa boîte séquentielle. La belette a vaincu le vieux lion solitaire, qui s’éloigne silencieusement dans la jungle de la ville. Malraux avait raison d’écrire « on ne voit vieillir que les autres ». Nous n’avons pas toujours conscience que nous faisons partie de la fuite du temps « Vivre, c’est vieillir, rien de plus » constatait Simone de Beauvoir - et la notion d’âge est extrêmement individuelle : pour l’enfant, l’adulte est vieux, pour le trentenaire, c’est le quinquagénaire, pour le quinquagénaire… ainsi de suite. Olivier de Ladoucette* – psychiatre et gérontologue – analyse la difficulté que nous éprouvons à nous situer et l’explique notamment par la superposition de différents critères. Ainsi, nous avons plusieurs âges. Un âge chronologique qui découle d’un calcul par rapport à notre date de naissance, un âge physique lié à notre état de santé, notre mode de vie et enfin, un âge social, celui de notre moral, de notre place dans la société et de l’image que les autres ont de nous. La synthèse nous donne un âge subjectif éminemment variable d’une personne à l’autre, au sein d’une même génération. Dans ce contexte, le vrai miroir n’est-il pas le regard d’autrui et l’attitude qu’il adopte à notre égard ? Nos propres changements de comportement sur des choses anodines sont-ils si insignifiants ? N’y a-t-il pas ainsi mille petits signes qui, mis bout à bout, nous préviennent que notre jeunesse nous échappe ? Comme par exemple : S’apercevoir que l’on tutoie de plus en plus de monde spontanément et que de plus en plus de monde nous vouvoie scrupuleusement. S’entendre dire au maître d’hôtel « pas trop près de l’orchestre, s’il vous plaît ». Voir la jolie vendeuse nous proposer

FRANCEMAGAZINE N°26 111 AUTOMNE 2009

en souriant « je vous l’emballe, bien sûr, c’est sûrement pour offrir » dès que l’on achète un objet hi-tech, ludique ou avantgardiste. Ne plus jamais se faire appeler mademoiselle, sauf au téléphone. Choisir une paire de chaussures confortables (ou chic) au détriment d’une paire sexy. Se faire proposer par une esthéticienne branchée une gamme de produits pour “peau mature”. Rechercher vainement une radio correcte le samedi soir, se retrouver sur “Chérie FM” et trouver ça pas mal. Regarder avec nostalgie revenir à la mode les accessoires fétiches de nos années d’adolescence. Avoir des amis de trente ans. Prendre plaisir à lire “Le Monde”. S’apercevoir que l’on supporte de moins en moins longtemps de partager son espace vital avec des enfants turbulents. Boire moins, manger plus. Être obligée de se servir de la molette de la souris pour trouver son année de naissance dans un menu déroulant. Chausser ses lunettes au restaurant. Penser en regardant le jeune plagiste « ça pourrait être mon fils ». Ne plus s’asseoir par terre… Chacun se reconnaîtra ou interprétera. Et une fois le choc passé, la leçon entendue, s’y retrouvera. « J’avance dans l’hiver à force de printemps » dit le vieux et sage proverbe tibétain. Vieillir, ce n’est pas la vieillesse. Et continuer la liste : Entrer dans la cour des grands. Jouir de la vie plutôt que la rêver. Appréhender le monde avec bienveillance. Devenir responsable. Assumer ses actes, ses devoirs, ses paroles. Se sentir authentique. Se réconcilier avec soi-même et pardonner à l’autre. Prendre de la hauteur, gagner en profondeur et devenir lucide. S’émerveiller encore, se cultiver toujours. Aimer avec tendresse, douceur et compassion. Ressentir du plaisir à donner du plaisir. S’autoriser à n’être pas parfait, à n’avoir pas raison. Aller à l’essentiel. Comprendre qu’il y aura une fin à l’histoire et que c’est précisément pour ça qu’elle est si belle. Et puis, je dois bien l’avouer, je le trouve encore terriblement séduisant, moi, le vieux lion solitaire qui s’éloigne dans la jungle de la ville.

*(Guide du bien vieillir – Odile Jacob)

Corinne Braquet-Béjot

c.bb@orange.fr

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