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Volume XXII, n˚ 01 Montréal, 1er janvier 2014

www.itineraire.ca

Zoom : France B. Ianick Marcil : Comme un sou neuf

Humans of the Street Dentistes et osthéopate à la rescousse Revoir Verdun avec Claude Demers


Au lieu d’accumuler inutilement des points pour un malaxeur, vous pourriez assurer la sécurité d’un défenseur des droits humains. La carte VISA Desjardins Amnistie internationale. La seule carte qui sert de vrais intérêts.

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France B. Camelot No : 309 | Âge : 66 ans Point de vente: 6500 Joseph Renault, marché Métro

L

a solitude n'a plus aucun secret pour France. Vivant seule avec son chien, elle dit que c'est une chance inestimable que L'Itinéraire soit là. Un milieu où elle a appris à briser son isolement et à retrouver le sourire. Un sourire qu'elle avait perdu depuis belle lurette. À peine adolescente, elle a été forcée, à cause du comportement déplacé d'un père adoptif, à fuir le cocon familial. Au beau milieu des années 70, la jeune France a donc mis le cap sur Québec. Elle n'y restera pas très longtemps. Une année plus tard, France s'installe à Montréal, rue Saint-Laurent, une artère des plus chics et des plus animées à cette époque. Pour vivre, France s'adonne à la vente de drogues, sans jamais en consommer, dit-elle. «J'ai dû lâcher ce business et travailler dans la construction pendant une dizaine d'années. Je gagnais bien ma vie», poursuit France, qui a aussi travaillé comme conducteur d'autobus scolaire et chauffeur de taxi. Elle le reconnaît, elle-même, elle a toujours eu un petit côté « tomboy » et un fort caractère. À une certaine époque, elle s'est même attirée les foudres de la DPJ qui lui a retiré son unique fille, Josée, pour des motifs de malnutrition. Cette épreuve l'a alors entraînée dans les bas fonds. Elle s'est mise à consommer des drogues et s'est retrouvée sans logement. «En 2012, un bon matin, j'ai dit non, faut que j'arrête et j'ai fait une cure de désintoxication», confie-t-elle. Elle a aussi redécouvert le chemin de la foi. Ce n'est qu'en juin 2014 qu'elle découvrira L'Itinéraire, par le biais de son intervenant. «L'Itinéraire, c'est ma famille, ma grande famille où personne ne juge personne», conclut-elle. TEXTE : SAID EL HADINI PHOTO : GOPESA PAQUETTE

1er janvier 2015 | ITINERAIRE.CA

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Le Groupe L'Itinéraire a pour mission de réaliser des projets d'économie sociale et des programmes d'insertion socioprofessionnelle, destinés au mieux-être des personnes vulnérables, soit des hommes et des femmes, jeunes ou âgés, à faible revenu et sans emploi, vivant notamment en situation d'itinérance, d'isolement social, de maladie mentale ou de dépendance. L'organisme propose des services de soutien communautaire et un milieu de vie à quelque 200 personnes afin de favoriser le développement social et l'autonomie fonctionnelle des personnes qui participent à ses programmes. Sans nos partenaires principaux qui contribuent de façon importante à la mission ou nos partenaires de réalisation engagés dans nos programmes, nous ne pourrions aider autant de personnes. L'Itinéraire c'est aussi plus de 2000 donateurs individuels et corporatifs qui aident nos camelots à s'en sortir. Merci à tous !

NOS PARTENAIRES ESSENTIELS DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ

La direction de L'Itinéraire tient à rappeler qu'elle n'est pas responsable des gestes des vendeurs dans la rue. Si ces derniers vous proposent tout autre produit que le journal ou sollicitent des dons, ils ne le font pas pour L'Itinéraire. Si vous avez des commentaires sur les propos tenus par les vendeurs ou sur leur comportement, communiquez sans hésiter avec Shawn Bourdages, chef du développement social par courriel à shawn.bourdages@itineraire.ca ou par téléphone au 514 597-0238 poste 222.

PARTENAIRES MAJEURS

Nous reconnaissons l'appui financier du gouvernement du Canada par l'entremise du Fonds du Canada pour les périodiques, qui relève de Patrimoine canadien. Les opinions exprimées dans cette publication (ou sur ce site Web) ne reflètent pas forcément celles du ministère du Patrimoine canadien.

PRINCIPAUX PARTENAIRES DE PROJETS ISSN-1481-3572 n˚ de charité : 13648 4219 RR0001

DU MONT-ROYAL

Le magazine L'Itinéraire a été créé en 1992 par Pierrette Desrosiers, Denise English, François Thivierge et Michèle Wilson. À cette époque, il était destiné aux gens en difficulté et offert gratuitement dans les services d'aide et les maisons de chambres. Depuis mai 1994, L'Itinéraire est vendu régulièrement dans la rue. Cette publication est produite et rédigée par des journalistes professionnels et une cinquantaine de personnes vivant ou ayant connu l'itinérance, dans le but de leur venir en aide et de permettre leur réinsertion sociale et professionnelle.

Desjardins

L'ITINÉRAIRE EST MEMBRE DE

RÉDACTION ET ADMINISTRATION 2103, Sainte-Catherine Est Montréal (Qc) H2K 2H9 LE CAFÉ L'ITINÉRAIRE 2101, rue Sainte-Catherine Est TÉLÉPHONE : 514 597-0238 TÉLÉCOPIEUR : 514 597-1544 SITE : WWW.ITINERAIRE.CA RÉDACTION Rédactrice en chef par intérim : Mélanie Loisel Chef de pupitre, Actualités : Martine B. Côté Chef de pupitre, Société : Gopesa Paquette Responsable à la production écrite des camelots : Patricia Gendron Infographe : Louis-Philippe Pouliot Stagiaires à la rédaction : Mahaut Fauquet, Said El Hadini . Journaliste indépendant : Isaac Gauthier Collaborateurs : Denyse Monté et Ianik Marcil Adjoints à la rédaction : Sarah Laurendeau, Hélène Filion, Lorraine Pépin, Hélène Mai, Carolyn Cutler, Marie Brion Photo de la une : MADOC / Mario Jean Révision des épreuves : Paul Arsenault, Lucie Laporte, Michèle Deteix

Convention de la poste publication No 40910015, No d'enregistrement 10764. Retourner toute correspondance ne pouvant être livrée au Canada, au Groupe communautaire L'Itinéraire 2103, Sainte-Catherine Est, Montréal (Québec) H2K 2H9

Québecor est fière de soutenir l'action sociale de L'Itinéraire en contribuant à la production du magazine et en lui procurant des services de télécommunications.

ADMINISTRATION Direction générale : Christine Richard Chef des opérations et des ressources humaines : Duffay Romano Conseiller aux ressources humaines et matérielles : Philippe Boisvert Responsable du financement : Gessi Vanessa Sérant

ÉQUIPE DE SOUTIEN AUX CAMELOTS Chef du Développement social : Shawn Bourdages Agent d'accueil et de formation : Pierre Tougas Agente de soutien communautaire : Geneviève Labelle Agent de développement : Yvon Massicotte

CONSEIL D'ADMINISTRATION Président : Philippe Allard Vice-Président : Jean-Marie Tison Trésorier : Guy Larivière Administrateur : Stephan Morency Conseillers : Geneviève Bois-Lapointe, Martin Gauthier, Julien Landry-Martineau, Jean-Paul Lebel

GESTION DE L'IMPRESSION TVA ACCÈS INC. | 514 848-7000 DIRECTEUR GÉNÉRAL : Robert Renaud CHEF DES COMMUNICATIONS GRAPHIQUES : Diane Gignac COORDONNATRICE DE PRODUCTION : Édith Surprenant IMPRIMEUR : Transcontinental

VENTES PUBLICITAIRES 514 597-0238

CONSEILLÈRES : Renée Larivière 450-541-1294 renee.lariviere18@gmail.com Ann-Marie Morissette 514-404-6166 am.mori7@itineraire.ca


1er janvier 2015 Volume XXII, n˚ 01

ACTUALITÉS

CARREFOUR

CULTURE

ÉDITORIAL

37 Revoir Verdun

7 15 minutes avec François

par Mélanie Loisel

8 ROND-POINT 10 ROND-POINT INTERNATIONAL 11 COMME UN SOU NEUF

par Ianick Marcil

RENCONTRE

14 Le Québec, paradis des féministes

HORS PISTE

13 Un organisme humanitaire en péril par Jean Marc Boiteau

Mots des camelots 28 32 32 32 36 36 36

GISÈLE NADEAU RHÉO GALLANT CHANTAL T. SYLVAIN PÉPIN-GIRARD BENOIT CHARTIER GAÉTAN PRINCE GILLES BÉLANGER

DANS LA TÊTE DES CAMELOTS 30 NOUS SOMMES RÉSOLUS

L’HUMANITÉ DANS LA RUE

CHEMIN FAISANT

26 ÉCOUTER AVEC SES MAINS

par Guy Thibault

18 Humans of the Street

38 Concours de la une 44 LE JOSÉ FLÉCHÉ 45 DÉTENTE 46 À PROPOS DU… COMMENCEMENT

33 De la parole à l’acte

par Isaac Gauthier

28 De jeunes dentistes refond sourire des jeunes de la rue

Par Martine B. Côté

par Martine B. Côté

DOSSIER

35 INFO-RAPSIM

par Mahaut Fauquet Martine B. Côté

50 % DU PRIX DE VENTE DU LES CAMELOTS SONT DES MAGAZINE LEUR REVIENT TRAVAILLEURS AUTONOMES Chaque fois que je lis ce magazine, je suis ravie, parfois surprise, toutes sortes de sentiments, d'émotions se dégagent au cœur de ma lecture. Pour chaque article, des personnes ont fait de la recherche, ont contacté des gens. Beaucoup de travail en si peu de temps. J'ose demander à ceux qui achètent le magazine de vous donner le temps de lire vraiment tout, de savourer ce qui est fait avec tendresse, amour et angoisse, parfois, j'imagine. Tout y passe!

Félicitations et longue route aux membres de l'équipe et à toute personne qui accepte de révéler un peu de leur vécu. Bonne lecture! Armande Babin Juste un mot pour féliciter Isaac Gauthier et Gopesa Paquette pour l'article « Soldat de rues / survivre à Montréal » publié le 15 novembre dernier. C'est un article très intéressant à lire d'autant plus que je côtoie ce monde, car le samedi matin je sers le café à

l'Accueil Bonneau. J'achète votre revue depuis plusieurs années et elle est très intéressante. Vous avez toujours des articles intéressants.  Lorsque j'en ai terminé la lecture, je laisse les journaux dans la salle d'attente pour que les gens puissent vous lire et, qui sait, encourager vos vendeurs s'ils les croisent.   Je suis une des clientes de votre vendeur du métro Henri-Bourassa. Hélène Boisvert.

ÉCRIVEZ-NOUS ! à COURRIER@ITINERAIRE.CA Des lettres courtes et signées, svp! La Rédaction se réserve le droit d'écourter certains commentaires.


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15 minutes avec François

ÉDITORIAL

MÉLANIE LOISEL | Rédactrice en chef par intérim

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ur la rue Sainte-Catherine, les passants marchaient d'un pas rapide pour se réchauffer en ce dimanche de décembre. Près du métro Berri-UQÀM, François flânait avec ses deux manteaux d'hiver sur le dos, ses grosses bottes qui lui donnaient un pas lourdaud et sa tuque à l'envers. Nous étions à la Place Émilie-Gamelin, un ami et moi, en train d'attendre une livraison de café et de soupe pour distribuer aux sans-abri à quelques jours des fêtes. Sous notre petite tente en toile, François s'est approché avec la cigarette au bec. Avec un beau -12 degrés au thermomètre, un petit vent qui nous rougissait les joues, je lui ai demandé s'il était gelé alors que j'étais déjà frigorifiée. Une multitude Pour faire un peu passer le temps, je me suis mise à lui poser des questions de facteurs pour le moins banales. As-tu dormi peuvent mener dans un refuge cette nuit? As-tu mangé ce matin? Veux-tu un café? à l'itinérance… « Ce que je voudrais, ce sont des mitaines et des bas chauds », me dit-il. Et peu importe Avec son âme généreuse, mon ami est les facteurs qui y aussitôt parti lui en acheter à la pharmadu coin. L'an passé, François m'a ramènent, la lutte cie conté qu'il s'était gelé les mains lorsqu'il à l'itinérance s'est retrouvé dans la rue en plein mois de janvier. Depuis, il n'a plus aucune commence sensibilité dans les doigts. Et en moins d'un an, il a reconnu qu'il avait pris un par la lutte à sacré coup de vieux. l'indifférence. À 52 ans, François paraissait en avoir vingt de plus. Il m'a alors raconté qu'il n'avait pas mangé depuis deux jours et qu'avec les quatre dents qu'il lui restait, il n'arrivait pas à mastiquer grand chose. Les cuisiniers à la Maison du Père lui préparent parfois des crèmes de blé, parce que c'est mou et nourrissant, mais il préfère avoir du yogourt. Le yogourt à la vanille, c'est ce qu'il préfère. « En deux minutes, j'avale

tout », a-t-il lâché. « Mais à 4$ le pot, ça coûte bien trop cher. » En général, François vit avec deux ou trois dollars par jour. C'est ce qu'il réussit à quêter pour survivre. Pendant une quinzaine de minutes, on a ainsi bavardé de tout et de rien. Ses yeux bleus perçants se sont allumés quand il a su que je venais de Fermont. François était tout fier de me dire que son père Clément Perron était le réalisateur du documentaire Fermont P.Q. mais aussi de plusieurs autres documentaires sur les travailleurs du Québec. Il a notamment scénarisé le film de Claude Jutras Mon oncle Antoine. Même s'il en avait long à dire sur son paternel, François commençait à sentir son corps s'engourdir en restant sur place. Il était temps d'y aller. Avec ses nouveaux gants et ses trois paires de bas, il est parti… Bien malgré moi, je me suis demandée ce qu'il avait bien pu vivre pour en arriver-là. Et à chaque fois que je me pose cette sempiternelle question, à chaque fois, je me dis que ce n'est pas important de savoir. Une multitude de facteurs peuvent mener à l'itinérance…Et peu importe les facteurs qui y mènent, la lutte à l'itinérance commence par la lutte à l'indifférence. Alors que la ministre déléguée à la Réadaptation, à la Protection de la jeunesse et à la Santé publique, Lucie Charlebois, annonçait ce même dimanche son plan d'action de lutte à l'itinérance pour 2015-2020, François m'a fait comprendre que les gens dans la rue ont besoin avant tout d'une chose : être considéré et traité comme des êtres humains. Certes, l'annonce de 4,6 millions supplémentaire par année, pour un investissement annuel de 12,7 millions, est plus que bienvenu pour la lutte contre l'itinérance. Mais les millions n'achètent pas la dignité. Ces gens que nous voulons et devons aider ne sont pas que des itinérants. Ils s'appellent François, Pierre, France…Et pour les aider, il faut commencer par leur parler. Bonne année à tous et à toutes!

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ROND-POINT

PAR MÉLANIE LOISEL PHOTOS : GOPESA PAQUETTE

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questions à

Josée Blanchette

La chroniqueuse Josée Blanchette est unique en son genre. Celle que tout le monde appelle Joblo s'est démarquée au fil des ans avec sa plume ardente. L'auteure est passée maître dans l'art de nous remuer, de nous émouvoir et de nous transporter à travers les aléas de la vie. En décembre dernier, elle a chaleureusement accepté d'être notre juge pour le concours des mots et des chroniques de camelots publiés dans les pages de L'Itinéraire en 2014. On commence l'année 2015 sous le signe de l'austérité, est-ce qu'écrire est encore un bon moyen de revendiquer?

Oui, surtout lorsqu'on a la chance d'écrire pour un média indépendant. Depuis 30 ans que j'écris pour Le Devoir et je n'ai jamais été censurée. Écrire est une bonne façon d'exprimer nos idées parce qu'on a le temps de réfléchir. Ce n'est pas dans un clip de dix secondes à la radio ou à la télévision qu'on peut le faire. Dans nos médias, il y a de moins en moins d'espaces où on peut approfondir nos idées. Dans les émissions, on invite maintenant quatre personnes autour d'une table pour discuter d'un sujet en quelques minutes seulement. Je ne sais pas si elles ont peur qu'on s'ennuie, ou qu'on n'ait rien à dire, mais personne n'a le temps de s'exprimer. Dans un tel contexte, écrire donne plus de latitude, mais encore faut-il qu'il y ait des lecteurs. Avec 49% d'analphabètes fonctionnels, c'est bien beau écrire, mais il faut aussi du monde pour lire. Pour ça, il faut de l'éducation. Tout part de l'éducation.

Pourquoi l'écriture est-elle pour vous le meilleur moyen d'exprimer vos idées et vos émotions?

C'est la forme de communication la plus intime où on peut avoir accès aux pensées, à l'âme, au cœur. Avec l'écriture, on peut entrer dans l'émotion, on peut peaufiner ce qu'on souhaite transmettre comme message. Mais écrire demande du temps. Une chronique ne s'écrit pas sur le coin d'une table en cinq minutes. On ne soupçonne pas tout le travail qu'il y a derrière et les heures de recherche. Il faut du temps pour bien structurer sa pensée. L'écriture est vraiment un lieu de réflexion fondamental. Elle est d'ailleurs derrière le cinéma, le théâtre, la chanson. Tu peux être un bon chanteur, mais si tu chantes des niaiseries, ça n'aura pas autant d'impact. Quand tu écoutes Fred Pellerin, il y a de beaux arrangements sur son dernier album, mais ce sont surtout ses mots et

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ITINERAIRE.CA | 1er janvier 2015

son écriture qui nous touchent. Tout le monde peut connaître les lettres de l'alphabet, mais savoir écrire est un art.

Quels sont vos projets pour 2015?

Je suis en train d'écrire un livre sur le cancer. Un autre livre sur le cancer, direz-vous, mais il sera fait à ma façon. Je n'en dis pas plus. Je vais aussi continuer d'écrire des chroniques s'il y a encore un journal.


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questions à

Marc Séguin

Artiste multidisciplinaire de renommée internationale, Marc Séguin passe sa vie entre New York et Montréal. Dans son atelier à Brooklyn, il s'inspire très souvent de l'actualité et des grands moments de l'histoire. Au fil des ans, il a mis de l'avant dans ses œuvres des personnages aussi variés que le pape, Hitler et des terroristes en robes fleuries. De passage à la fin novembre dans la métropole, l'artiste a participé au jury pour déterminer le gagnant du concours des camelots pour réaliser la « une » de L'Itinéraire du 1er janvier 2015.

Dans quelle mesure, l'art peut-il servir à dénoncer les injustices?

L'art peut encore montrer du doigt, mais il est malheureusement devenu un objet de luxe. C'est devenu une sorte de commodité plus qu'un objet de revendications. Dans notre société, il reste de moins en moins d'espace où l'on peut se faire entendre. ll reste le journalisme d'opinion où il est possible de dénoncer des « crocheries », mais c'est de plus en plus difficile de le faire. Cela dit, je crois encore à la force de l'art et au travail des artistes. C'est encore notre job de signaler ce qui ne va pas. C'est notre travail de forcer les gens à s'arrêter deux minutes pour proposer une lecture différente de notre monde qu'on ne verrait pas autrement. Mais on fait plus une place à l'industrie du divertissement ces temps-ci qu'à l'art. On formate des gens et on encense plus les interprètes que les créateurs. On devrait pourtant célébrer plus les créateurs qui partent de zéro.

Pourquoi l'art est-il un bon moyen d'exprimer vos émotions?

Tu n'as pas besoin de connaître des mots pour faire des marques sur une feuille. Il y a quelque chose de primitif dans l'art, dans le geste de laisser une trace. Cette trace-là peut, par la suite, être utilisée pour en faire quelque chose d'extraordinaire. Ça devient alors un pouvoir et un outil incroyable pour s'exprimer. J'ai toujours cette étincelle de vouloir marquer, de laisser une trace. Mon inspiration vient d'ailleurs souvent d'une indignation, d'une injustice sociale ou de certaines aberrances. Je viens de faire un tableau du criminel Charles Manson qui a plus de 80 ans et qui vient de se marier avec une fille de 26 ans. Pour moi, c'est ridicule que les médias lui accordent encore de l'attention après toutes les horreurs qu'il a commises. Je trouve ça odieux et c'est ma façon de montrer ce qui ne fonctionne pas dans notre société.

Quels sont les projets qui sont sur votre table en 2015?

J'ai une exposition qui commence le 15 janvier à New York. Elle s'appelle I Love America et America Loves Me. C'est une exposition assez critique sur l'Amérique. J'ai fait ce portrait de Charles Manson, mais aussi d'Elvis, de Michael Jackson; des icônes qui sont aussi devenues en quelque sorte des monstres.

1er janvier 2015 | ITINERAIRE.CA

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ROND-POINT INTERNATIONAL

PHOTO: DIEGO DIAZ

ÉTATS-UNIS | Enfants de la rue

En 2012-2013, il y avait environ 3200 enfants mineurs sans parent ou sans-abri qui fréquentaient les écoles dans l’État de l’Oregon. Le gouvernement américain a alors voté une loi permettant de procéder au dénombrement de ces enfants afin d’obtenir plus données. Il a ainsi pu dresser un profil plus exact des jeunes sans-abri à partir de la maternelle jusqu’à leur graduation. Les responsables américains étaient plutôt préoccupés par les enfants de moins de 10 ans vivant dans la rue, car une telle expérience est traumatisante et peut sérieusement affecter leur développement cérébral. (STREET ROOTS)

MONDE | L'argent toujours l'argent!

Les 85 personnes les plus riches du monde possèdent une richesse équivalente à la moitié de l'humanité. Autrement dit, 1 % de la population mondiale contrôle les richesses de notre planète. Dans le rapport d'Oxfam, on précise que la dérèglementation financière, l'accès aux paradis fiscaux ainsi que les politiques d'austérité seraient les causes de ces immenses inégalités. Pourtant, il existe des solutions. L'une d'entre elle, précise Emma Seery d'Oxfam, serait de prendre seulement 1,5 % de la richesse des millionnaires du monde, afin de créer un fonds annuel qui permettrait d'envoyer à l'école les enfants des 45 pays les plus pauvres. Il est donc important de se pencher rapidement sur les inégalités car elles creusent un fossé qui devient de plus en plus important et qui contribue à diminuer l'égalité des chances. (THE BIG ISSUE UK)

Des milliers de paraplégiques au Pakistan ont réappris à vivre grâce à l'organisme Paraplegic Center of Peshawar (PPC) fondé en 1979 par le comité international de la Croix-Rouge. L'organisme, qui a pour mission de favoriser l'autonomisation des personnes handicapées, offre plusieurs services pour favoriser leur intégration et les aider à retrouver leur dignité. Le PPC leur donne divers cours pour les aider à mieux développer leurs habiletés et les muscles de leurs membres supérieurs pour être plus habiles dans un milieu de travail. De nombreux paraplégiques ont ainsi pu décrocher un emploi en informatique, dans des ateliers de peinture ou encore de confection de vêtements. (IPS)

INDE | L'espoir après une tragédie

En 2004, le tsunami qui a déferlé dans le sud-est de l'Asie a tué plus de 250 000 personnes et laissé des millions de gens sans emploi, sans maison et avec peu de nourriture. Après plus d'une décennie à tout réparer et reconstruire, cette tragédie a quand même eu quelques effets bénéfiques pour une tribu indienne portant le nom d'Irulas. Cette tribu du sud de l'Inde, comptant 25 000 habitants, vivait préalablement dans des conditions de pauvreté importantes où il y avait peu de services. À la suite du tsunami, les Irulas ont été rajoutés à la liste gouvernementale officielle des tribus du pays. Cet ajout leur a permis d'avoir plus d'aide financière et de développer une certaine autonomie. Ils ont ainsi pu développer des projets liés à la pêche et à la protection de l'environnement ce qui leur a permis d'augmenter leur revenu mensuel.

L'Itinéraire est membre du International Network of Street Papers (Réseau International des Journaux de Rue - INSP). Le réseau apporte son soutien à plus de 120 journaux de rue dans 40 pays sur six continents. Plus de 200  000 sans-abri ont vu leur vie changer grâce à la vente de journaux de rue. Le contenu de ces pages nous a été relayé par nos collègues à travers le monde. Pour en savoir plus, visitez www.street-papers.org.

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ITINERAIRE.CA | 1er janvier 2015

PHOTO: MALINI SHANKAR/IPS

PHOTO ASHFAQ YUSUFZAI/IPS

PAKISTAN | Des paraplégiques retournent au travail


Comme un sou neuf La nouvelle année représente pour plusieurs d'entre nous l'heure des bilans et des résolutions. Mettre derrière nous l'année qui vient de s'écouler et modifier certaines de nos habitudes de vie est un noble objectif qui a parfois du succès. Pourquoi ne le ferions-nous pas collectivement ?

COMPTES À RENDRE

IANIK MARCIL | Économiste indépendant

L

e capitalisme tel que nous le connaissons a montré ses limites et les conséquences désastreuses qu'il engendre, particulièrement depuis la crise de 2008 qui n'en finit plus de finir. Il serait grand temps d'en faire le bilan et d'en modifier certains pans. En fait, de nombreux économistes et activistes ont dressé ces bilans depuis le début de la crise. Phénomène inédit, les grandes institutions économiques de la planète comme le Fonds monétaire international (FMI) ou la Banque mondiale (BM) sont arrivées aux mêmes conclusions que celles des groupes qui les critiquent vivement : l'hypertrophie de la finance déstabilise l'économie « réelle », les changements climatiques et les inégalités sont les principaux facteurs de risque de l'économie mondiale et les mesures d'austérité ont montré au mieux leur inefficacité, au pire leurs effets dévastateurs. Le bilan semble, étonnamment, faire consensus tant du côté des activistes les plus radicaux que de celui des temples du capitalisme mondial, à l'exception de quelques marginaux zélotes du néolibéralisme à tout crin, qui ont malheureusement encore une oreille trop attentive de la part de nos gouvernements, tant à Ottawa qu'à Québec. C'est au plan des changements à apporter qu'il y a discorde, on s'en doute. À une extrême, les plus radicaux des anticapitalistes souhaitent la destruction pure et simple des relations et des institutions économiques telles que nous les connaissons. À l'opposé, des organisations comme le FMI et la BM préconisent des réformes, notamment législatives et institutionnelles, qui permettraient au capitalisme de poursuivre son développement. Je crois qu'il existe d'autres solutions – non pas une position mitoyenne, mais bien des transformations majeures qui permettraient de tirer le meilleur du capitalisme tout en se débarrassant de ses effets les plus pervers. Car le capitalisme possède des forces formidables, même Karl Marx qui en combattait les travers reconnaissait qu'il

s'agissait du mode d'organisation économique le plus puissant jamais inventé par l'humanité. Je crois que l'émulation par la concurrence, l'entrepreneuriat ou l'innovation qui lui sont propres, demeure des forces formidables de développement social et d'émancipation. L'entrepreneuriat social montre bien que les motivations individuelles et communautaires, semblables à l'entrepreneuriat capitaliste, peuvent contribuer à changer le monde. Il y a urgence de revoir radicaJe crois qu'il existe lement nos manières de faire, d'autres solutions – c'est-à-dire réinventer le fonctionnement de nos relations éconon pas une position nomiques, sociales et politiques. Par exemple, des économistes et mitoyenne, mais bien politologues préconisent ces derdes transformations nières années l'idée qu'il faut remettre de l'avant l'idée des « commajeures qui muns », ce mode d'organisation de la vie matérielle en usage pendant permettraient de des siècles, avant la révolution tirer le meilleur du industrielle. Les communs, c'est le partage capitalisme tout en se de ressources, la terre autant que les idées, en dehors de la sphère débarrassant de ses de la propriété privée ou de celle de l'État. C'est le principe très effets les plus pervers. simple qu'il est possible de générer de la richesse pour la collectivité par le partage de certaines ressources qui oblige les communautés à en prendre soin. Leur exploitation tout comme leur préservation n'exclut pas l'innovation ni l'entrepreneurship, bien au contraire : elle l'exige. Voilà une idée simple qui va à l'encontre de l'exploitation dévastatrice du capitalisme contemporain et qui ramène au premier plan la nature profondément politique de nos décisions économiques collectives.

1er janvier 2015 | ITINERAIRE.CA

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PHOTO: JACQUES NADEAU


HORS PISTE

Un organisme humanitaire en péril Le Comité social Centre-Sud (CSCS) est un organisme à multiples vocations. Entre autres, ce centre d'éducation populaire sert plus de 3 500 repas par mois à des personnes ou familles n'ayant pas les revenus suffisants pour se nourrir. La banque alimentaire qui y est hébergée distribue de son côté 2000 paniers d'épicerie par mois. JEAN-MARC BOITEAU | Journaliste-Chroniqueur

S

elon Isabelle Aubin, directrice générale, le profil des usagers a bien changé depuis 1993. «À notre clientèle habituelle se sont ajoutées des personnes faisant partie de la classe moyenne. Lorsque celles-ci ont payé les factures, il ne reste plus assez d'argent pour leur épicerie. Cela augmente considérablement le nombre de personnes et de familles ayant recours à notre aide.»

Myopie politique

Armandine Siess, directrice adjointe, dénonce l'absence d'intérêt des différents ministères à l'égard des entreprises communautaires, qui ont pourtant un impact favorable dans la communauté. «Ça fait deux ans que nous sommes en négociation pour la reconduction de notre bail qui se termine en mai 2015, dit-elle. À ce jour, nous n'avons toujours pas eu de réponse!» Elle ajoute que 750 000 dollars par an suffiraient pour pérenniser les six centres d'éducation populaire de Montréal incluant les 23 organismes hébergés dans leurs locaux. À défaut d'une entente avec la Commission scolaire de Montréal et le ministère de l'Éducation, le CSCS sera contraint de fermer. Chose certaine, le programme d'austérité du gouvernement Couillard va avoir des répercussions sur le système de santé, précise Armandine Siess. «Une société victime de carence alimentaire connaît une augmentation des maladies et des coûts reliés à la santé.»

Un avertissement

D'autres compressions dans les services sociaux sont envisagées par le gouvernement libéral. J'ai un message pour M. Couillard : La classe moyenne et la classe pauvre vivent quotidiennement l'austérité et elles ont faim! Des manifestations ont déjà commencé. Souvenez-vous d'un certain Printemps érable en 2012.

Fermeture imminente

L'organisme a une peur bleue de se retrouver à la rue. «Nous avons besoin de l'immeuble actuel qui appartient à la commission scolaire, ajoute Isabelle Aubin. Ce bâtiment possède la logistique nécessaire pour qu'il y ait des réfrigérateurs et des entrepôts pour la nourriture». Le centre abrite aussi des locaux où sont offerts différents services d'alphabétisation, d'initiation à l'informatique, d'accompagnement dans les démarches d'emploi, de recherche de logement ou de gestion de crise, en plus d'un volet environnemental. L'impact de la fermeture du CSCS serait désastreux. «Compte tenu de l'état de saturation des autres centres d'aide, on peut facilement imaginer que des milliers de personnes souffriront de malnutrition et se retrouveront dans les urgences ou, pire, dans la rue», affirme Mme Aubin. Elle me présente plusieurs témoignages écrits provenant d'utilisateurs de leurs services : - « Merci pour votre aide, j'ignore comment je pourrais arriver à nourrir mon fils. » - « S.V.P. C'est un besoin essentiel pour nous qui vivons sous le seuil de la pauvreté et souvent isolés. Nous pouvons trouver un réconfort au CSCS qui offre plus que de la bouffe,» écrit Jerry. Je comprends leur inquiétude. Depuis dix ans, à cause de mes revenus qui stagnent et du prix des denrées qui augmente sans cesse, j'ai recours à des organismes d'aide humanitaire pour me nourrir et me vêtir.

Une idée

Les entreprises canadiennes et québécoises peuvent donner aux organismes humanitaires et sociaux jusqu'à 75 % de leurs revenus nets, une déduction fiscale est alors accordée aux sociétés. Mme Aubin est convaincue qu'il s'agit là d'une idée intéressante qui pourrait apporter un peu d'oxygène aux organismes victimes des nombreuses coupes de subventions.

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Le Québec, PAR MARTINE B. CÔTÉ

D

e passage chez nous pour lancer ses mémoires, l'historienne française Florence Montreynaud a de bons mots pour la société québécoise, qu'elle qualifie de «paradis féministe». L'expression fait sourciller, mais à la lecture de Chaque matin, je me lève pour changer le monde, on la comprend mieux. Dans son livre, l'auteure revient sur son parcours d'historienne, de militante et de « femme publique », parsemé d'obstacles et de sexisme. À lire les attaques machistes dont elle et ses compagnes de lutte ont été victimes, on remercie le ciel de vivre au «paradis du Québec»! Elle a maintenant 66 ans, a publié 16 livres, dont l'essentiel Le XXe siècle des femmes. Son œil pétillant et son énergie débordante, elle les attribue à son combat : « le féminisme, ça conserve!», lance-t-elle. En 1999, consternée par des décennies de publicités et d'insultes sexistes qui jonchent la société française, elle crée Chiennes de garde, un réseau qui met au jour le sexisme ordinaire. Depuis 2009, le groupe élit d'ailleurs le Macho de l'année. Le premier lauréat a mérité son triste titre pour avoir dit «Le plus difficile, c'est d'avoir des femmes qui soient formées. Le tout n'est pas d'avoir une jupe, c'est d'avoir quelque chose dans la tête», déclarait André VingtTrois, le cardinal-archevêque de Paris, interrogé sur une plus grande participation des femmes aux célébrations liturgiques. L'année d'après, Louis Nicollin, président du club de football de Montpellier est élu Macho 2010 pour son « on peut se parler, se dire les choses. On est des hommes, pas des gonzesses». De telles insultes sont difficilement imaginables ici… Madame Montreynaud sait que la société québécoise connaît elle aussi ses problèmes de sexisme et de violences machistes. Au Salon du livre de Montréal, elle interpelle de jeunes écoliers et écolières sur ce que signifie pour eux le 6 décembre. Elle a pour réponse un grand nombre de points d'interrogations dans les yeux… mais ne s'en décourage pas. C'est d'ailleurs ce qui frappe chez Florence Montreynaud : rien ni personne ne semble pouvoir venir à bout de son féminisme jovialiste. Rieuse, elle a toujours une blague dans sa poche, une nouvelle idée d'action à poser pour changer les choses. Rencontre.


ENTREVUE

paradis des féministes ? Qu'est-ce qui vous donne cette énergie?

Peut-être parce que je suis née avec un sentiment d'injustice. Et que je privilégie l'invention et pas la déploration. Moi, j'ai eu de la chance, mais je sais que ce n'est pas parce que je sors de table rassasiée que j'oublie qu'il n'y en a pas d'autres qui ont faim! Ma mère m'a appris la parabole des talents, qui dit « à celui ou celle qui a beaucoup reçu, il sera beaucoup demandé».

Comment voyez-vous ce mouvement de dénonciation d'agressions sexuelles que connaît le Québec?

fective » est cruciale. Nous, les femmes, nous sommes toujours ramenées à autre chose qu'à notre humanité. Quand j'étais jeune, on me suivait dans la rue et on me demandait : « c'est combien pour une pipe?» Et aujourd'hui, dans la soixantaine, on me dit «Si tu veux petite madame, je peux te faire plaisir pour pas cher.» Je suis passée du statut de « bouche sur pattes » à « porte-monnaie sur pattes! » (rires) Sérieusement, on doit apprendre aux jeunes la valeur du non et la valeur du oui tant aux filles qu'aux garçons. Je vais sonner démodée, mais je suis choquée d'apprendre que l'entrée dans la sexualité se fait maintenant par les fellations et non par le baiser sur la bouche…La fellation peut être un merveilleux geste d'amour, mais aussi un geste de domination. Il est important d'apprendre aux jeunes à distinguer volonté et désir.

En 45 ans de féminisme, je dois dire que ça arrive de façon cyclique. Le message n'a pas beaucoup changé, mais le moyen de le communiquer, oui. Le problème demeure : quelle femme n'a pas eu à subir des violences? On a presque La fois où toutes été agressées ou été victime Florence de tentative d'agression. Au moins, maintenant, avec les blogues et les Montreynaud réseaux sociaux, les dénonciations s'est sentie le plus démuni sont publiques. Seulement 10 % des (très émue) victimes d'agressions portent plainte Pendant une période de ma à la police, et je les comprends. Les vie, je me suis trouvée dans une femmes qui dénoncent les violences très grande détresse financière paient malheureusement un prix et psychologique. J'avais mes élevé. Le système de justice a été quatre enfants à ma charge et fait par des hommes…C'est pour ça je me suis dit «si ça va vraiment que j'ai inventé des réseaux comme mal, je pourrai toujours me Chiennes de garde, sur lesquels, au prostituer». Que j'aie pu penser moins, on nomme les choses. Ce ça, moi, féministe, ça m'a sont des espaces où on répète aux bouleversée. Ma situation m'a femmes que ce qu'elles ont vécu poussée à penser moi aussi s'appelle un viol et que ce n'est pas qu'une femme a toujours son normal. Juste se faire dire ça, c'est corps comme instrument! nécessaire. Les mots font du bien. Ça m'a rendue empathique avec les femmes qui prennent Vous avez beaucoup travaillé cette décision. Quand on a des en éducation sexuelle. En enfants, on sait ce qu'est la quoi est-ce important? responsabilité, on est prête à L'éducation sexuelle et, j'ajoute, « aftout, y compris se nier soimême et donner sa vie. La maternité m'a appris ça : penser cet extrême de la détresse et trouver la force de s'en sortir.

Que pensez-vous de la nouvelle loi canadienne C-36 qui criminalise les proxénètes et les clients de la prostitution?

Je ne pensais pas que ça se verrait en dehors des pays scandinaves. Bon, évidemment, on aurait aimé mieux que ça vienne d'un autre messager (Harper), mais on va prendre le message! Et le message, c'est qu'avant, la prostitution était un crime contre les mœurs et avec cette loi, on reconnait que c'est un crime contre une personne. C'est une révolution conceptuelle! Depuis qu'existe la prostitution, ce sont toujours les femmes qui ont été culpabilisées et condamnées, comme si c'étaient elles, les débauchées. La prostitution est à peu près le seul crime pour lequel on condamne les victimes et non l'auteur. Depuis le 19e siècle, des femmes se battent pour qu'on voit la chose autrement, qu'on voit que c'est un problème d'hommes. Que

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Zéromacho

ENTREVUE

tons

vi ste. Nous vous in Extrait du manife à dire publiquement à agir avec nous

et

LA PROSTITUTION : PAS NOUS ! PAS EN NOTRE NOM ! NON à ce marché de la misère qui pousse les plus vulnérables à louer leur bouche ou leur vagin !

NON à la culture machiste qui utilise la sexualité pour dominer et avilir !

NON à des bordels, même homologués par l'État, où des

femmes, asservies et exploitées par des proxénètes, sont parquées au service d'hommes !

OUI à la liberté sexuelle ! OUI au désir et au plaisir partagés !

En application du principe de l'égalité femme-homme, nous demandons aux pouvoirs publics de Cesser de pénaliser les personnes prostituées ; développer des actions de prévention sociale, éducative et sanitaire, ainsi que des alternatives à la prostitution, afin de rendre effectif le droit de n'être pas prostitué-e. Réprimer le proxénétisme en cessant toute complaisance envers ses diverses formes (prostitution de rue, bordels, salons de massages, bars à hôtesses, camionnettes, escortes, sites Internet, petites annonces, etc.) Instaurer ou renforcer dès l'école une éducation sexuelle et affective non-sexiste, dans le respect de l'autre, de sa liberté, de ses choix et de ses désirs. Instituer contre les « clients-prostitueurs » une sanction pénale graduée, comme en Suède où cette politique a démontré son efficacité. [...] Le prochain livre de Florence Montreynaud, probablement intitulé Non merci, sera constitué d'entrevues avec des hommes qui se prononcent contre la prostitution. Zeromacho.eu

c'est une simple logique d'offre et de demande : s'il n'y avait pas de demande, aucune femme ne risquerait sa vie et sa santé pour répondre à cette demande, mais ces femmes doivent survivre alors elles y vont.

Vous travaillez actuellement sur un ouvrage à propos d'hommes que vous appelez des Zéromachos. Qui sont-ils?

Des hommes qui refusent la prostitution et qui ont envie de le dire haut et fort. Ils ont signé un manifeste (voir encadré) dans lequel ils plaident pour une sexualité sans rapport marchand. Nous en sommes à 2776 signataires, dans 56 pays, dont une centaine au Canada, (90 au Québec).

Pour 2015, que souhaitez-vous ?

Un monde de justice, de paix et d'égalité. Comment peut-on avoir autant d'énergie et d'intelligence pour faire des choses tellement compliquées comme envoyer une sonde dans l'espace et ne pas avoir réglé le problème de la pauvreté? Comment peut-on accepter que dans notre hémisphère si froid, il y ait des gens qui n'ont pas de toit en janvier? Pour moi, le premier besoin de l'humain, c'est avoir chaud : la chaleur pour le corps et dans la relation humaine. Le corps et le cœur doivent être au chaud. Éditions Eyrolles, 416p.

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DOSSIER

Humans of the Street L'équipe de Portraits de Montréal a lancé, cet automne, le projet Humans of the Street où on présente sur un blogue des portraits et des témoignages de gens vivant dans la rue. Son but est simple : rappeler l'humanité de ces exclus et encourager l'entraide des Montréalais. L'Itinéraire a été conquis par ce projet sur les sans-abri de la métropole. Nous vous présentons une sélection de portraits touchants et criants de vérité. TEXTES : PORTRAITS DE MONTRÉAL

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PHOTOS : MKL (MIKAËL THEIMER)


L'humanité de la rue David a trouvé un appartement parce qu'une photo de lui a circulé sur Internet. Il vivait dans la rue avec son chien quand Mikaël Theimer l'a photographié pour son blogue Humans of the Street qui publie des portraits d'itinérants et leurs histoires. Mikaël et sa copine, Marion Munoz, sont en train de redéfinir le parrainage à l'ère des médias sociaux. Rencontre avec un couple en apprentissage accéléré d'intervention humanitaire. PAR GOPESA PAQUETTE

I

nspiré par le succès du blogue de photographie Humans of New York, Mikaël et un groupe d'amis ont commencé Portraits de Montréal au printemps 2014. Les réponses généreuses des Montréalais les ont encouragés à lancer Humans of the Street à l'automne. Mais c'est la réponse d'une femme à la publication de la photo de Gilles et Fernand (en page 21) qui est la véritable étincelle de ce projet. «Fernand n'avait plus de bonbonne [pour l'asthme], rappelle le photographe. Quelques jours plus tard, une dame a posté un selfie avec Fernand et les bonbonnes qu'elle lui avait données.» Le feu a pris. Depuis le temps que Marion et lui voulaient aider les itinérants, ils venaient de voir qu'ils avaient la plateforme idéale. Quelques semaines plus tard, la photo de David et son chien Diamond (page 25) fait réagir. Quelqu'un propose un appartement à David et le couple s'organise pour lui prêter l'argent nécessaire pour s'installer. Marion lance une campagne de financement qui lui permet d'amasser plus de 6000 $ en quelques semaines. La jeune femme travaille dans le milieu de la finance et reconnaît l'importance de structurer ce projet lancé avec une certaine naïveté. «On veut développer des partenariats avec des professionnels de la rue, envisage-t-elle, parce qu'on n'a pas vraiment d'expertise pour ce genre de chose. On le découvre au jour le jour.» De gauche à droite, Thibault Carron (photographe), Marion Munoz (organisatrice), Mikaël Theimer (photographe) et Samuel V. Rocheleau (vidéaste). Mikaël, Samuel et Thibault sont derrière le populaire blogue de photographie de rue Portraits de Montréal qui a mené à Humans of the street.

Parrainage 2.0

Pour l'instant, c'est un peu comme du parrainage et l'équipe propose des manières simples d'aider. Des listes de dons suggérés accompagnent les photos. Un tel a besoin de bonbonnes pour l'asthme, un autre aime les cigarettes king size light ou a besoin de chaussures pointure 8. Le plan est de profiter de l'enthousiasme suscité par l'histoire de David pour mettre sur pied un système qui mélange le microfinancement et la philosophie du « donnez au suivant ». «Les gens ont aidé parce qu'ils ont appris à connaître David comme personne, explique l'organisatrice, leur geste était personnalisé.» David s'est engagé à rembourser la somme prêtée et ultimement, Marion souhaite que ceux qui ont reçu de l'aide puissent rembourser et les appuyer pour aider d'autres. «Je me dis que seul un itinérant peut vraiment comprendre les difficultés vécues par les itinérants.» C'est donc un projet pour le milieu et par le milieu, mais un milieu qui est redéfini par les dynamiques des médias sociaux.

Humains du monde

Le blogue Humans of New York, commencé en 2010 par le photographe Brandon Stranton, a enfanté des initiatives similaires partout à travers le monde. Des projets locaux sont en cours en Haïti, en République Tchèque, en Australie, en République Dominicaine, en Afrique du Sud, en Inde, en Islande, à Hong Kong, en Hongrie, en Iran, aux Philippines et en GrandeBretagne. Avec l'appui de l'ONU, M. Stranton a commencé un volet international de son blogue par des séjours en Irak, en Jordanie et en République démocratique du Congo.

PHOTO : PORTRAITS DE MONTRÉAL 1er janvier 2015 | ITINERAIRE.CA

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DOSSIER

Ludovic « J'ai été suicidaire jusqu'à 18 ans. J'ai fait à peu près 20 tentatives de suicide, et une journée j'ai réalisé que la vie était trop belle, qu'il fallait que j'arrête de me mettre la pression à penser à toute la guerre et la famine qu'il y a dans le monde parce que je suis impuissant par rapport à ça. » « Qu'est-ce qui te donnait l'envie de te suicider ? » « Le fait que le monde n'est pas capable de réaliser que nous ne sommes pas les maîtres du monde, mais que c'est la Terre qui est maître de nous, qu'il faut arrêter de la détruire. Voir toute la famine dans le monde. Voir qu'un gars qui se promène avec une voiture qui vaut 250 000$ pourrait nourrir quasiment tout le Mozambique ou le Burkina Faso juste avec sa voiture. Voir que les riches exigent d'avoir encore plus d'argent, aux dépens des pauvres. Ça, ça viendra me chercher toute ma vie : je suis venu au monde avec un mal de vivre incroyable par rapport à la violence que le monde vit, au manque de respect que le monde peut avoir envers eux mêmes et envers les autres. » « Et qu'est-ce qui t'a fait arrêter d'essayer de te suicider ? »

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« Ma richesse dans la vie c'est les sourires que je rencontre, les coups de main que je suis capable de donner, les coups de main que je reçois, le monde qui me tend la main. À 13 ans, j'étais dans la rue après ma première désintox. À 12 ans, je vendais de la mescaline. J'ai arrêté parce que j'en vendais à des adultes, ces adultes-là en revendaient à ma mère, et ma mère était sur un autre nuage. À 8 ans, j'avais déjà un avocat, parce que j'ai été abusé et battu toute ma jeunesse. C'est pour tout ça que je suis parti de chez moi à 13 ans. Mais ça m'a forgé et je suis fier de ce que je suis aujourd'hui. Je suis fier de ce que j'accompli, je suis fier de voir qu'aux yeux des autres aussi je suis une bonne personne, un bon petit bonhomme qui donne des sourires. Moi, il faut que j'aide le monde autour de moi : si j'ai quelqu'un à côté de moi qui a froid, ma chemise double de valeur parce que je peux la prendre et réchauffer deux personnes avec. À c't'heure, j'écoute mon cœur. Si mon cœur me dit de faire quelque chose, même si ma tête me dit de ne pas le faire, je le fais. Si ton cœur te dit de faire quelque chose fais-le, tu vas en tirer une expérience extrêmement enrichissante. »


Fernand et Gilles Où les croiser : Aylmer, coin Sainte-Catherine ou dans la station de métro McGill lorsqu'il neige ou fait très froid Voulez-vous les aider ? Fernand

Jimmy Où le croiser : sur De Maisonneuve, entre Drummond et de la Montagne Jimmy a une chambre, mais vit dans une situation précaire. Il a besoin d'un emploi en maintenance, idéalement sur des bateaux. «  Certaines personnes qui quêtent nous donnent vraiment une mauvaise réputation, mais certains d'entre nous sont légitimes: entre deux jobs à essayer de boucler les fins de mois. Je travaille sur des bateaux, je fais surtout de la maintenance, mais je me suis fait mettre à pied de nouveau. J'ai quêté tout l'hiver de décembre dernier à avril. Ensuite, je suis retourné travailler par intervalles et n'ai plus du tout fait ça. Et maintenant je recommence : ma première soirée à faire était jeudi dernier. Je commence juste à me remettre dans le bain, ce n'est pas facile. Ça prend deux ou trois jours avant que ça rentre, que tu sois à l'aise. Personne ne veut s'assoir sur le trottoir et demander du change : c'est hors de l'ordinaire, ce n'est pas moi, c'est hors de ma zone de confort. Je vais tous les jours au bureau d'embauche pour trouver du travail, et ensuite je viens faire ça. »

Anniversaire : 23 mai Café : velouté 3 crèmes 4 sucres Taille de pantalon : 28 Vêtements: Petit Chaussures: 8 Repas préféré: poutine, extra sauce, extra fromage Cigarettes: King size light Besoins particuliers: Ventolin, bas, vêtements d'hiver

Gilles

Anniversaire: 27 octobre Ne boit jamais de café, seulement du Pepsi Taille de pantalon : 28 Vêtements: Petit Chaussures: 8 Repas préféré: Burger steak avec oignons et champignons Cigarettes: King size light


DOSSIER

Jean-Louis « Je ne veux pas que tu prennes ma face en photo parce que j'ai une fille de 11 ans et je préfère lui dire en face ce qu'il m'est arrivé, plutôt qu'elle le découvre sur Internet. »

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Guy Où le croiser : face au Théâtre Saint-Denis « Tu regarderas Seb Black sur Youtube, je suis dans deux de ses vidéos clips. » « Comment tu t'es retrouvé dedans ? » « On est photogénique ou on ne l'est pas. Moi je suis très photogénique. Tu m'as vu de l'autre bord de la rue et tu as traversé pour me demander une photo, pourquoi tu serais le seul ? »

« On est une famille heureuse. » « Vous êtes heureux? » « Oui on l'est, si on ne l'était pas, on serait misérable. »

« Je vis dans la rue par choix, je suis pas là à dire, ouh c'est dur la vie, c'est la faute de la société. Tout va bien dans le meilleur des mondes, je ne suis pas du genre à m'apitoyer sur mon sort. J'ai jamais eu de problème à trouver une job, mais pour l'instant j'en veux pas, je vis en nomade. Mais là, ce n'est pas normal de dormir en ville en plein milieu de la populace sur un banc. Je me sentais comme de la scrap tout à l'heure, ça m'a donné un coup de vitalité de te parler. »

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DOSSIER

Eva et Elizabeth Où les croiser : dans la station de métro McGill Voulez-vous les aider ? Un simple sourire et elles vous remercieront déjà avec leur bonne humeur ! Eva aime la soupe de légumes. « J'habite proche du métro Pie-IX. » « Et moi à Lachine. On se retrouve au milieu ! » « C'est quoi votre meilleur souvenir ensemble ? » « Dans la station McGill, avant qu'ils ne rénovent, il y avait une place où on buvait des bières, se blottissait, fumait des joints et mangeait beaucoup ! » « C'est probablement la meilleure chose. Cette place me manque, j'ai hâte qu'ils terminent les rénovations. »

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« Je vais être la première à dormir là quand ils auront fini ! » « Pourquoi dormir là si tu as un appartement ? » « On ne veut pas rentrer chez nous, on ne veut pas laisser nos amis. Surtout moi parce que j'habite loin. Et je suis avec un gars depuis onze ans maintenant. Il ne boit pas, il ne fume pas, il ne prend pas de drogue, et il est presque aveugle. Et je m'occupe de lui, je prends soin de lui, je le nettoie et tout. C'est pour ça que je ne veux pas rentrer chez nous des fois. »


David et Diamond Depuis le partage de leur histoire sur Humans of the Street, grâce à l'aide de la communauté, David et Diamond ont emménagé dans un appartement, et David s'est trouvé une job dans un garage. «

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e voulais redonner un peu à la société comme j'avais arrêté la drogue, alors j'ai commencé à faire du bénévolat pour aider certains jeunes accros à l'héroïne. J'ai fait connaissance avec deux policiers dans le centreville, et ce qui est arrivé c'est qu'ils ont arrêté des dealers. Ils les ont arrêtés dans une voiture familiale, et en fouillant l'arrière, ils l'ont trouvée [la chienne] dans une boîte en carton, enveloppée dans une serviette. Elle ne devait pas avoir mangé depuis trois ou quatre jours, elle avait deux mois et la peau sur les os. Ils ont dit « On va l'emmener à la SPCA et ils vont la piquer. » J'ai dit « Non, laissez-moi la prendre et voir si je peux la soigner. » Donc je l'ai emmenée chez le vétérinaire, et il m'a dit que ça ne valait pas la peine. Je lui ai dit : « Je m'en fous, soignez-là. » J'avais un appartement à l'époque et 3000 $ d'économies, et ça m'a coûté 1800 $ pour la remettre en santé. Elle est restée à la clinique trois semaines, j'allais la voir tous les jours, et quand elle est sortie elle était heureuse et en santé. Quatre mois plus tard, elle est tombée malade et ils ont trouvé deux tumeurs dans ses ovaires donc ils l'ont opérée. Ça m'a coûté 2200 $. Ensuite, quand elle avait six mois et demi, elle est tombée malade de nouveau, ils ont trouvé deux autres tumeurs, et m'ont facturé 2800 $. Ben ça m'a coûté mon appartement et tous mes meubles, que j'ai dû vendre. C'est pour ça que je suis dans la rue, parce que je ne pouvais pas payer mon appartement et son traitement. »

« J'étais déscolarisé à dix ans parce qu'ils disaient que je ne pouvais pas apprendre à lire, et sur le chemin de la maison, il y avait une fille de 25 ans. Elle avait pris huit ou dix jeunes enfants, et les avaient emmenés chez elle pour faire des trucs avec eux. Elle couchait avec eux. Elle s'est éventuellement faite arrêter et inculper pour ça, mais elle donnait aussi de la cocaïne aux jeunes enfants. Elle m'avait emmené moi, mon frère, et probablement huit ou dix autres jeunes garçons. Elle nous donnait de la cocaïne avec une seringue, c'est comme ça que j'ai commencé la drogue. Après un temps, j'ai commencé à travailler dans un garage et à gagner de l'argent. Le deuxième garage où j'ai travaillé appartenait à la 13th Tribe des motards de Nouvelle-Écosse. Après ça, j'ai commencé à avoir de plus en plus d'argent et de drogue, donc j'ai un peu grandi là-dedans, pensant que c'était normal. J'avais quatorze, quinze ans à l'époque, et comme j'étais déjà actif sexuellement, ils m'envoyaient à l'étage pour faire des shows avec les prostituées afin de vendre les vidéos ensuite. Toute ma vie a été complètement fuckée, certaines personnes m'ont dit que je devrais écrire un livre sur ce qu'il s'est passé, mais ce ne sont pas des choses que je veux partager de cette manière : je ne veux pas le faire pour l'argent. Je suis juste heureux de savoir faire la différence entre le bien et le mal, de ne pas être trop fucké pour vivre avec la réalité, et faire ce qui est juste dans la vie. »

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REPORTAGE

Écouter avec ses mains Depuis un an, Érik Ouellet offre bénévolement des traitements ostéopathiques à des hommes sans-abri. Un jour par mois, il installe sa table et traite trois ou quatre clients selon leurs besoins immédiats. C'est une expérience pour lui, il veut découvrir la portée de ses soins sur cette population au passé physique et cognitif douloureux. Gabriel, camelot à L'Itinéraire a joué les patients d'un jour. TEXTE ET PHOTOS : ISAAC GAUTHIER

J

e rencontre Gabriel un après-midi d'octobre au métro Berri-UQÀM, l'endroit de prédilection pour rejoindre quelqu'un à Montréal. Ça tombe bien pour lui, c'est aussi son lieu de travail. En toute franchise, on y va les deux un peu à reculons. «Je n'ai pas le temps pour ça», lâche Gabriel, «j'ai plein d'autres choses à faire». Personnellement, je n'arrive pas à ignorer le côté bizarre d'accompagner un parfait inconnu de l'âge de mon père chez un professionnel de la santé. Gabriel, qui a une cinquantaine d'années, est le candidat idéal pour ce genre d'initiative. Son travail l'oblige à rester debout de longues heures. Il traîne de nombreuses blessures dont une qu'il s'est faite lors d'une chute à vélo. Il en a encore des douleurs et a essayé différents types de soins ces derniers temps. Il s'est d'abord tourné vers l'acupuncture et la réflexologie, mais il n'est pas très convaincu des bienfaits à long terme de ce genre de traitement. «C'est éphémère, ça sert surtout à soulager», m'explique-t-il. «Pour ce qui est des problèmes à la source…» Haussement d'épaules. Un sceptique. Parfait, le journaliste en moi jubile. Une clinique d'ostéopathie, ce n'est pas un temple destiné à une quelconque déesse de la guérison. Pas d'encens, pas de capteurs de rêve ou autres symboles spirituels. Des murs blancs, une douce musique classique et quelques toiles aux couleurs chaudes. Relaxant. Erik, nous accueille tout sourire à la réception. Jeune trentaine, vêtements décontractés, il pourrait facilement être un comptable ou un prof. Il explique la procédure, questionne Gabriel

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sur son historique de santé et après maintes assurances des quer : il faut l'atténuer à tout prix, à coup de médicaments deux que ma présence ne dérange pas («vous êtes sûr?»), et de visites chez le docteur. Des méthodes souvent hors on s'installe dans la petite pièce. Gabriel se couche sur la d'atteinte pour les gens de la rue qui doivent apprendre à table, Erik dépose doucement ses mains sur lui, je sors mon vivre avec leurs blessures, à les accepter. C'est pourquoi calepin et mon appareil photo. J'attends. Je suis prêt. Rien Erik choisit d'intervenir auprès des itinérants. «Le soin ne se passe. ostéopathique est assez simple, je n'ai Je ne sais pas à quoi je m'attendais, besoin que de mon savoir, un contexte mais certainement pas à ça. Un pouce dans lequel je peux traiter et mes mains. dans le creux entre le cou et l'épaule Pour moi, offrir mes soins seulement aux «Le soin ostéopathique est assez pendant que l'on tire sur un doigt, personnes qui ont des assurances, dans quoi c'est tout? Soulever les jambes et une période d'austérité, ça n'a pas de simple, je n'ai besoin que de déplacer le bassin? Une pression sur le sens», explique-t-il. «C'est un contexte mollet alors que l'on tourne légèrement privilégié pour moi d'apprendre et de me mon savoir, un contexte dans le pied? La comparaison avec la guérimettre à l'épreuve.» lequel je peux traiter et mes son par l'imposition des mains, talent Au final, après une heure de traitehabituellement réservé aux prêtres ment, Gabriel en sort revigoré. Il se mains. Pour moi, offrir mes soins et à la monarchie, est trop facile. Ai-je sent plus léger, plus flexible et enaffaire à un magicien? Après quelques seulement aux personnes qui ont thousiaste à l'idée de revenir. Disons minutes, Erik finit par expliquer ce qu'il n'est pas l'homme sceptique des assurances, dans une période qu'il fait. Il utilise l'approche biopsychosodu début. La douleur est toujours là, ciale, une méthode qui prône l'écoute mais elle n'est plus ce fardeau inévid'austérité, ça n'a pas de sens». du corps. La douleur est un message, un table : elle a un but, une raison d'être. avertissement du système nerveux qui Et moi? L'absence de craquement, indique l'origine et la nature des blesde crème ou de machine, me laisse sures. En «écoutant» ce message avec ses mains, il bouge, perplexe. Je dois tout de même me rendre à l'évidence déplace et allonge les membres, créant ainsi «l'ouverture que l'effet est vraisemblablement bénéfique. En attend'espace» nécessaire à l'autoguérison du corps. dant de me faire une idée, je range l'ostéopathie parmi Être à l'écoute de la douleur est un concept qui défie le les sciences mystiques auxquelles je crois, mais que je sens commun. Le réflexe contemporain est de s'y attane comprends pas.

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MOT DE CAMELOT Voulez-vous du homard? Vers la fin des années 1990, j'allais faire le ménage chez une dame, sur le Plateau-Mont-Royal. Je faisais l'entretien régulier et les grands ménages occasionnels chez cette cliente. Un jour, à notre pause-café, tout en jasant, elle me demande si j'aimerais manger du homard. Je lui réponds simplement que je n'aimerais pas l'odeur. Elle me dit alors «Ah bon!», et rien d'autre. Nous changeons de sujet et nous reprenons le ménage, toutes les deux, ensemble. Une autre journée, je retourne faire l'entretien chez elle et pour le dîner, elle avait préparé une salade de homard. Elle me dit : «Madame Nadeau, venez dîner avec moi, c'est prêt.» Je commence à manger en même temps qu'elle. Je trouvais cela très bon même exquis. C'était très bien présenté et apprêté, et il n'y avait aucune odeur, non plus. Disons que j'avais beaucoup apprécié son geste. Cela m'a permis de voir qu'elle était aussi une très bonne cuisinière. Je la remercie beaucoup de m'avoir permis de découvrir ce mets.

GISÈLE NADEAU Camelot, métros D'Iberville et Jarry

REPORTAGE

De jeunes dentistes refont sourire des jeunes de la rue Les uns s'apprêtent à devenir dentistes. Les autres sont sans domicile fixe et souvent aux prises avec des problèmes de consommation, des blessures et des infections de toutes sortes. Depuis dix ans, des étudiants en médecine dentaire apprennent à soigner des jeunes de la rue. PAR MAHAUT FAUQUET ET MARTINE B. CÔTÉ PHOTOS JACQUES NADEAU

L

a Clinique dentaire des jeunes de la rue est née en 2001, à l'initiative d'un groupe d'étudiants de l'Université de Montréal qui, dans le cadre de stages, entraient en contact avec des jeunes itinérants. Animés par le désir de donner plus qu'une brosse à dents, ils se sont associés à la clinique des jeunes de la rue pour ouvrir un cabinet dentaire gratuit. Les docteurs Daniel Kandelman et Denys Ruel chapeautent l'initiative. Monsieur Kandelman, aujourd'hui directeur de la clinique, raconte : «Les premières fois où je suis allé à la clinique, j'étais en chemise-cravate. Les jeunes me regardaient comme le père qu'ils ont fui. La fois d'après j'ai décidé d'y aller plus relax, en jean, les cheveux plus longs, mais c'était exactement pareil. L'âge est très important pour créer une relation de confiance. Et pour soigner quelqu'un il faut qu'il soit confiant. Les jeunes étudiants, eux, arrivent à créer des liens extraordinaires.» Pour les jeunes de la rue, sans argent ni carte d'assurance-maladie, les soins de santé sont loin d'être une priorité. Plusieurs ne veulent pas entrer dans le système, consacrent plutôt leurs maigres revenus à la nourriture ou à leurs dépendances. Denys Ruel ajoute aussi que même si plusieurs dentistes ont le cœur à la bonne place, leurs

bureaux luxueux ou leur regard peuvent donner l'impression aux jeunes qu'ils ne sont pas les bienvenus. En plus d'améliorer l'accessibilité des soins, la clinique permet aux futurs dentistes de faire face à des réalités sociales différentes de la leur. «Les étudiants réalisent la chance qu'ils ont dans une société de plus en plus difficile pour les jeunes. Ils en sortent très conscientisés, surtout que la profession est plutôt individualiste», raconte-t-il. Pour lui, l'intervention va plus loin encore : c'est toute une approche psychologique qui se fait derrière les dents. «Ce sont des jeunes qui ont des problèmes. On essaie de les approcher, de leur redonner un sourire qui puisse leur redonner de l'estime, leur permettre de retrouver un travail. On a donc un rôle de santé dentaire et plus indirectement de santé mentale : redonner confiance.»

Des besoins spécifiques

Avec environ 1000 interventions par année, le cabinet soigne à peu près 250

Les problèmes d'accès à des soins dentaires ne touchent pas que les personnes itinérantes ou en situation précaire.

1 Canadien sur 6 n'a pas accès au système dentaire faute d'assurance ou d'argent.

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Source : Académie canadienne des sciences de la santé


La Clinique dentaire des jeunes de la rue Ouverte en 2001. Située au 1250, rue Sanguinet. Soigne les 14-25 ans, qu'ils possèdent ou non une adresse ou une carte d'assurance-maladie. 1000 interventions par année sur environ 250 patients. Soins dentaires : deux après-midi par semaine sur rendez-vous. Principales interventions : restauration, plombage, extraction, traitement de canal, soins des gencives, etc. patients. «C'est une clientèle particulière. Ça demande beaucoup de patience, de tolérance et de respect de l'individu. Ce ne sont pas toujours des patients faciles à traiter. On doit expliquer plusieurs fois ce qu'on va faire. On doit parfois travailler debout car ils ne veulent pas être dans une position penchée… Souvent ils pètent leur coche. Il arrive toutes sortes de situations mais on s'en sort toujours bien», précise le docteur Ruel, responsable et coordonnateur des activités cliniques.«Il faut adapter les soins aux clients. Écouter ce qu'ils veulent. Parfois, on doit leur enlever leurs dents mais ils refusent : réparez ça, je

veux juste plus que ça fasse mal mais mes dents fonctionnent bien. Il faut respecter ça.» La clinique offre des chirurgies mineures mais pas de grosses opérations ni de soins prothétiques, qui coûtent trop chers. «On rend la bouche du patient fonctionnelle. On peut redonner un sourire et un confort au patient», conclut le directeur. Utilité, esthétique, nous pensons souvent tout d'abord à ces critères lorsqu'on parle de dentition. « Oui, les dents sont importantes d'un point de vue fonctionnel, mais aussi pour l'estime. Il est difficile de se trouver un emploi ou rencontrer quelqu'un quand on n'est pas

capable de sourire», explique Denys Ruel. Pour lui, cependant, ce n'est pas le plus important. «On oublie beaucoup la douleur. Ces gens-là souffrent. Avoir mal aux dents, avoir un abcès, c'est une des pires douleurs. Ils n'ont pas d'argent pour traiter leur bouche donc ils vont prendre des médicaments, de la drogue. Ils ont déjà plein de problèmes, si en plus ils ont mal aux dents, c'est l'enfer. Malheureusement au Québec, on a l'impression que la bouche ne fait pas partie du corps humain, alors que tout passe par la bouche », souligne-t-il en ajoutant que la santé buccale ne peut ainsi être dissociée du reste du corps.

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Nous sommes résolus Santé à tous

Gilles Belanger | Camelot angle Jeanne-Mance/René-Lévesque

Mon souhait est que 2015 soit une année pleine de bonnes choses pour tout le monde. Je pense surtout au travail et à la santé. Par rapport à ce dernier aspect, j'ai pris la décision d'aller voir mon médecin le plus souvent possible. J'ai aussi décidé d'aller chercher de nouveaux clients, parce que beaucoup de mes clients actuels partiront bientôt à la retraite.

Discipline

La coutume veut qu'avec la nouvelle année, chacun prenne les résolutions qui donneront le ton à ce qui s'en vient. Nous avons demandé aux camelots ce qui guidera leurs actions pour l'année 2015 et il en sort un étonnant mélange de détermination et de contentement.

Prêt à bondir

Alexandre Péloquin | Camelot Metro Berri

Michel Marcil | Camelot au Archambault rue Sainte-Catherine

Moi, je n'ai pas de grande résolution à prendre parce que mon état de santé ne me permet pas de postuler pour un travail régulier et fiable. Un vrai job, quoi! En tout cas, trois mots guideront ma vie en 2015 : relax, car j'ai un peu de gêne à vendre le journal dans la rue, discipline et motivation.

Pour moi, je veux que ma vie en 2015 soit synonyme d'évolution dans le bon sens, que je puisse toujours avancer positivement. C'est très dur de construire, mais beaucoup plus facile de détruire ce qu'on a construit. Pour cela, si jamais 2015 m'offre des opportunités, je saute dessus sans perdre de temps. Il faut être méthodique et tout arrive à point à qui sait attendre.

Santé, encore et toujours

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À sec

Manon Fortier | Camelot Village Champlain

Michel Houle | Camelot angle Saint-Hubert/Ontario

Je ne pense pas à une résolution en particulier. Sauf que ma santé est ma première préoccupation, une préoccupation permanente même. Avec une bonne santé, on peut déplacer des montagnes! Le problème c'est quand on veut prendre soin de sa santé, on manque parfois cruellement d'argent.

Ma résolution est d'ores et déjà prise depuis au moins quatre mois : j'ai arrêté de boire. Et je vais continuer à tenir cette promesse. Autre chose : j'ai de la misère pour les gens qui jouent à la loterie. Mon souhait est qu'ils arrêtent cette mauvaise habitude. Moi, il ne me reste pas beaucoup d'argent, et s'il me reste dix piasses, je préfère me taper un bon lunch que de jouer à la loterie.

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Retour d'ascenseur

Jean-Pierre Ménard | Camelot angle Saint-André/Saint-Zotique

Ma résolution pour la saison 2015 est que je puisse aider du mieux que je peux L'Itinéraire qui m'a permis de retourner sur le marché du travail. Comment? En réalisant des projets susceptibles de venir en aide à mes collègues de l'association.

Ma santé en priorité

Joseph Clermont | Camelot angle Dorion/Sainte-Catherine

Relax

Michel Desjardins | Camelot La Cordée rue Sainte-Catherine

Toutes mes affaires personnelles roulent bien. À quoi bon alors faire des résolutions. On en fait quand on a des difficultés dans la vie ou des problèmes de santé ou autres. D'ailleurs je viens d'avoir une bonne nouvelle : j'ai eu un logement subventionné. Tout va bien dans le meilleur des mondes! Mais si j'ai à faire absolument une résolution, je dirais que j'ai besoin de plus de repos et de relaxation.

J'ai horreur des résolutions sans lendemain. Alors j'ai décidé de ne pas en prendre, et si je dois le faire je dirais que je vais prendre beaucoup plus soin de ma santé. J'ai déjà commencé par le passé un traitement pour l'hépatite C que j'ai interrompu en 2005. Et voilà maintenant plus de cinq ans que je n'ai pas de carte médicale, mais je viens juste d'en avoir une. C'est encourageant pour moi.

Décisions quotidiennes

Cybèle Aubertin Pilon | Camelot angle Saint-Zotique/Saint-Hubert

T'as dit résolution?

Silvio Hubert | Camelot angle Berri/Sainte-Catherine

Je n'ai pas de résolution à prendre, tout simplement parce que je n'ai pas de problème en particulier. Je suis en paix avec moi-même. Pour arrêter une résolution, cela suppose que vous ayez un problème, comme un surpoids par exemple. Je pense que j'ai le cœur à la bonne place.

Des résolutions pour la nouvelle année 2015? Moi, je n'en prends pas, pour la simple et bonne raison qu'on est appelé à prendre des décisions chaque jour et non pas une fois l'année. C'est de la sorte qu'on peut arriver à trouver un certain équilibre dans sa vie. C'est bien de se dire le 1er janvier : je vais arrêter de fumer, mais ce sont les jours qui suivent qui sont les plus décisifs. Moi, je pense, puisqu'il y a des facteurs sur lesquels on n'a aucune emprise, que ça ne sert à rien de prendre des résolutions.

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MOT DE CAMELOT Pour qu'il y ait plusieurs jours du Souvenir Je trouve que nous ne sommes pas assez reconnaissants envers les gens de l'armée canadienne. N'oublions pas qu'ils risquent leur vie pour que nous continuions à jouir de la paix dans notre beau pays. Pensons aussi aux membres de leur famille qui doivent accepter d'être séparés d'eux lorsque ces militaires partent au loin. Ce dernier point me touche tout particulièrement, parce que j'ai vécu quelque chose de semblable lorsque mon père partait travailler dans le bois toute la semaine. Oui, on s'ennuie de ses proches quand ils partent longtemps. Les militaires euxmêmes doivent s'ennuyer terriblement de leur famille restée au Canada. Pour toutes ces raisons, je veux vous encourager, vous les Montréalais, à dire «merci» aux militaires que vous croiserez sur votre chemin, ça va leur aller droit au cœur et ils sauront qu'ils ne travaillent pas pour rien. Et pourquoi ne pas expliquer aussi à vos enfants le rôle des militaires afin que le jour du Souvenir ne dure pas qu'une seule journée.

RHÉO GALLANT Camelot, métro Cadillac

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Renouer avec l'écriture…

Contrer l'intimidation

Lorsqu'on s'est rencontrés On s'est vite remarqués Nos regards se sont croisés Tes beaux yeux de Dieu Qui brillaient de mille feux D'une couleur perse Qui viraient sur le vert Ont fait battre mon cœur M'ont fait connaître le bonheur Le destin nous a réunis Pour faire ensemble nos vies Chers lecteurs et lectrices, mon nom est Chantal, je suis une nouvelle camelot depuis la mi-septembre et j'aime écrire. J'ai toujours été bonne en français. J'ai particulièrement aimé faire des compositions où il fallait raconter une histoire et ne pas faire de fautes. J'aime m'exprimer à travers l'écriture, surtout par les poèmes qui me permettent d'explorer mes émotions, ce qui m'aide à les gérer. Ces derniers temps, par exemple, j'ai vécu deux deuils de personnes proches de moi : d'abord ma tante, que je considère comme ma mère, car c'est elle qui a toujours été là pour moi, dans le pire et le meilleur ; ensuite mon cousin, de qui je suis proche depuis l'enfance. J'ai écrit pour eux et cela a aidé à apaiser ma peine. Et vous, chers lecteurs et lectrices, je vous souhaite de trouver un moyen d'expression qui vous conviendra pour vous épauler dans votre vie.

Il faut absolument faire quelque chose contre l'intimidation, autant verbale que physique. Voici quelques moyens qu'on pourrait utiliser pour contrer ce fléau. Premièrement, il faut arrêter de se morfondre sur les mensonges que les autres disent à notre sujet. Même si certaines choses sont vraies, nous sommes les seuls à les ressentir. Deuxièmement, Internet est un outil qui peut être utilisé de plusieurs façons, mais il peut aussi contribuer à accentuer le fléau de l'intimidation. C'est pourquoi il est important de contrôler Internet et bannir les vidéos inutiles de violence, d'abus physiques et verbaux qu'on y retrouve. Croyez-moi, les yeux n'oublient pas. Pourquoi ne pas mettre à la place des vidéos de choses constructives et utiles, comme, par exemple, apprendre à faire de la musique, à chanter, à tomber en amour. Enfin, il est important de ne pas se fier seulement aux apparences, car le style n'affecte pas le karma ni les pensées. Seul, on est maître de nos pensées. Le style est seulement une façon de se retrouver ou de se cacher. Ce n'est pas parce que les autres brisent ton cœur qu'il n'y a pas de façon de le réparer. Plus tu y crois, plus la personne reviendra à tes côtés et remontera ton karma avec un charmant câlin.

CHANTAL T., Camelot, métro Place-d'Armes

SYLVAIN PÉPIN-GIRARD Préposé à l'entretien


CHEMIN FAISANT

De la parole à l'acte Je fais suite au texte que j'ai composé dans l'édition du 1e août 2014 où je m'étais engagé à me sortir de la consommation de cocaïne à l'intérieur de ma deuxième année. Et bien, chers lecteurs, chers clients, je suis passé de la parole à l'acte. Je suis passé par l'entremise de Cybelle, mon intervenante au Centre de réadaptation en dépendance de Montréal (CRDM), pour entrer en cure de désintoxication. Je suis rentré au CRDM, situé sur la rue Prince Arthur, le 5 octobre 2014 à 15h. J'y ai passé dix jours à faire beaucoup de cauchemars, à me réveiller le matin en sueur. Mais pendant ma désintox, j'ai décidé d'écrire une lettre de deuil face à la cocaïne, car ma décision était irrévocable. J'ai décidé de vous la partager comme preuve d'authenticité. GUY THIBAULT | Camelot, Plateau-Mont-Royal

Deuil face à toi,

e.

chère miss cocaïn

t pas le besoin. Ce n'es ns se n j'e r ca , ttre suis tombé en je t'écris cette le peine 15 ans et je à is va Moi, Guy Thibault, j'a , 78 19 t. Les gens ue à Miami en oix instantanémen ch de ue og banal, je t'ai conn dr a ance, m i. Tu es devenue éais pas de dépend cr ne tu e qu et extase devant to relle ait l'époque de que tu étais natu lle bullshit!» C'ét ue «Q s. du milieu disaient ue og dr s e préférée à ampagne de ocaïne», ma toun «C n so an que tu étais le ch ch sa Clapton et de de miel. Miami Vice, d'Éric Photo p une grande lune e vr vi ur po a ut lo r s que Guryise à l'été 201 l'époque. To i, je me fa rd ta us 4 pl vivait d ois m es ans la ,r temps, car quelqu son de ai ng m lo e ré un du ns s ue. da pa is a n' sa as La lune de miel mbé père et je me ram to on re m is su ez je ch i, de to e rt à me passer de sais foutre à la po parle, quelques années ès pr A u. ea Tu sais de quoi je at e. Pl us ne ei av tr in chambre du r vols pa t différemment : ans à la suite de an re m at om qu ns ur co po l te ra en dé nal au pénitencier fé lation dans le jour re sé e as tr m no ra de is r su rle e je m e fait pa ose) au point banque. J'ai mêm de la mort (overd ès pr si é qualifiés dans une en m em ent d'os de lation m'a même ins, car un fragm re es m r ue de PKP. Cette re oq bl bout t été obligés de dé dre à me tenir de on en s pr in ap ec ré éd m dû s ai le J' où ués. pour rale les avait bloq s muscles du dos, ma colonne vertéb e croche, en me reconstruisant le nées an es qu tout e dépression quel un s rè ap avec une colonne e m s. ar an ber sous ton ch mois à l'âge de 50 18 cu vé i j'a finalement retom où e masser dans la ru plus tard et me ra is ait assez et j'ai m ét n c'e e qu dé ci j'ai dé 14, s, c'est fini, je 5 octobre 2014, Photo prise en novembre 20ent ai 10 000 témoin J' . lle . te Donc, à partir du or s m item di tra et te son e de et je après la fin relation malsain es et mes limites rc fo es m . un terme à notre ec de av on ec du vrai m tif. Je me choisis 50 ans à vivre av e tr vis un deuil défini tre au un , Je vous souhaite, chers lecteurs de L'Itinéraire, ut ve nes et je choisis d'ê si la vie le on i, rs j'a pe oi es M nn U! bo IE D de A é la plus merveilleuse des années, la santé ur to en is ns toi, je su surtout à mes clients. Je vous serai toujours Je suis heureux sa e. reconnaissant. Je vous aime et je vous apprécie. dans l'action sain

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ANNONCEZ

Ça va prendre plus que ça

dans L’Itinéraire

pour se tenir au chaud cet hiver.

SOUHAITONS AUX SANS-ABRI UNE BIEN MEILLEURE ANNÉE

1 87 PAUVRETÉ

leger.org

Assurez votre visibilité et aidez à faire avancer la lutte contre l’itinérance pour la justice sociale.

514 597-0238 poste 241 publicite@itineraire.ca


ENTRE L'AUSTÉRITÉ ET LES BAISSES D'IMPÔT

INFO RAPSIM

Quels vœux pour l'itinérance ? PIERRE GAUDREAU | Coordonnateur du RAPSIM

Le gouvernement du Québec multiplie les coupes et les menaces dans les programmes sociaux. Le gouvernement fédéral a une fois de plus dilapidé ses surplus budgétaires en accordant des baisses d'impôt aux bien-nantis, ce qui augmentera les écarts de richesse. Sur un tel fond de scène, quel progrès peut-on espérer dans la lutte à l'itinérance en 2015 ? De bien minces avancées ! Pourtant, il y a, selon les paliers de gouvernance, une bonne politique, des surplus et un maire dédié à la question.

Une Politique à mettre en action

En février 2014, le gouvernement du Québec se dotait d'une Politique nationale de lutte à l'itinérance. Avec sa vision globale des actions à mener pour réduire mais aussi prévenir le phénomène, avec les axes d'action prioritaire identifiés sur le logement, le revenu, la santé, la réinsertion et la judiciarisation, cette Politique aurait dû paver la voie à l'adoption d'un Plan d'action solide. Or le Plan d'action interministériel annoncé en décembre par le gouvernement libéral et la ministre Lucie Charlebois identifie certes des actions pertinentes à mener sur plusieurs des axes de la Politique en itinérance, mais les moyens font largement défaut. Cela va d'un trop faible investissement en logement social, à l'absence de mesures pour rehausser le revenu, une action majeure pourtant visée dans la Politique. Il demeure que la Politique adoptée et le Plan d'action dévoilé constituent des leviers pour obtenir davantage d'actions et de moyens dans la lutte à l'itinérance. Le gouvernement s'est donné une obligation de résultats, il faudra le lui rappeler.

Des surplus mal utilisés

Les nouvelles sont pires en provenance d'Ottawa, avec la réorientation de la Stratégie de partenariats de lutte contre l'itinérance vers l'approche conservatrice du Housing first. En privilégiant une aide passant par des subventions favorisant l'installation en logement privé, en ne ciblant que l'itinérance chronique, en négligeant la prévention et excluant le soutien au développement de logements sociaux, ce changement de cap fera reculer la lutte à l'itinérance. L'intervention menée à Montréal dans une cinquantaine d'organismes auprès de 25 000 personnes est menacée, et ce, dès la fin mars. Pendant ce temps, il faut rappeler le scandale des baisses d'impôt accordées l'automne dernier par le gouvernement Harper, le fractionnement du revenu et autres mesures qui profitent aux plus riches et accaparent les surplus que le fédéral dégage. Cela est d'autant plus odieux qu'une fois de plus, ces surplus sont entre autres issus des excédents que dégage le Régime d'assurance emploi, régime dont les restrictions n'ont fait que condamner un plus grand nombre de sans-emploi à un appauvrissement accéléré. On peut souhaiter que tous les partis qui seront en lice pour les élections fédérales de 2015 s'engagent à renverser ces tendances, en prenant position pour une approche globale dans la lutte à l'itinérance, un investissement dans le logement social et un meilleur partage des richesses.

Un maire qui veut beaucoup

Pour finir, il y a aussi la Ville de Montréal dont on peut attendre du mouvement. Le Plan d'action montréalais en itinérance 2014-2017, adopté en septembre dernier, fixe des objectifs ambitieux sur certains points, tels 1000 logements de plus pour les personnes itinérantes. Le financement de 250 de ceux-ci est acquis. Pour le reste, tout est à gagner. Avec les récentes décisions d'Ottawa, de Québec et le maire qui veut récupérer tous les pouvoirs en habitation et en itinérance, il y a de quoi être inquiet.

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MOT DE CAMELOT La vente : pas toujours évidente! Vendre le journal, ce n'est pas toujours facile et cela demande une grande capacité d'adaptation. La clientèle change et c'est un recommencement continuel pour essayer de capter l'intérêt du public. Rester debout de longues heures, être parfois bousculé par des passants dans leur bulle, subir des remarques désobligeantes de certaines personnes, affronter les intempéries de notre merveilleux climat ou encore crever de chaleur dans le métro, font partie de notre quotidien. Nous nous retrouvons à la merci des nouvelles. Par exemple, quand il y a des compressions gouvernementales, des clients perdent leur emploi et par le fait même, ne passent plus par nos points de vente. En temps de récession, les gens sont plus près de leurs sous. L'été, ce sont les vacances et aussi, certains de nos clients prennent le Bixi ou marchent plutôt que d'emprunter les transports en commun. Toutes ces choses peuvent nous décourager et nous devons trouver les moyens pour se remotiver. Heureusement, le contact chaleureux avec nos clients réguliers nous incite à continuer.

Bonne année 2015 Le temps des Fêtes est terminé et une nouvelle année débute. Parfois, on la commence avec une petite déprime, mais croyez-moi, les choses se replacent peu à peu avec le temps. En effet, le début de l'année est comparable au début de la semaine : les lundis, surtout le matin, on n'est pas encore tout à fait réveillé et on se sent parfois morose. Mais plus la semaine avance, plus on retrouve sa vigueur et sa bonne humeur. Il en ira de même pour la nouvelle année. Je vous souhaite donc à tous une très bonne année 2015 et la santé pour profiter des bons moments. Aux amateurs de hockey, qui sont partisans du Canadien, je souhaite la coupe Stanley. À mes camarades de L'Itinéraire, je souhaite que les choses s'améliorent à chaque jour. À mes chers lecteurs et lectrices, je souhaite du bonheur dans leur travail et qu'ils le conservent longtemps. À tous ceux qui me croisent à mon poste de vente, je souhaite qu'ils gardent leur beau sourire toute la semaine. Merci de vos encouragements.

PAR GILLES BÉLANGER Camelot, angle Jeanne-Mance/ René-Lévesque GAÉTAN PRINCE Camelot au métro Bonaventure et sur la promenade Masson.

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Comment dormir la nuit? En été, les enfants courent dans les rues jusqu'à minuit, alors qu'en hiver, ils parlent très fort dans les corridors. De jour, le bruit de la circulation dépasse les 66 décibels. Sans parler des trains qui passent tout près de chez moi aux petites heures du matin. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Montréal est une ville trop bruyante. On a commencé à mettre en place des mesures afin de diminuer le bruit et la pollution, avec les véhicules électriques, mais il y a un problème : ils sont dangereux pour les piétons, car on ne les entend pas venir. De plus, ils sont extrêmement dispendieux, alors on refile en quelque sorte la facture aux consommateurs. En même temps, je considère quand même Montréal comme un «tue- monde» à cause de la pollution et de la poussière. Mais que font les jeunes à jouer et à crier à des heures impossibles, ils n'ont pas de parents ou quoi! J'imagine qu'ils apprennent l'ABC de la rue. Pour ma part, je suis obligé de prendre des comprimés afin de m'aider à dormir, à cause du bruit trop fort et trop présent dans cet environnement de fous.

BENOIT CHARTIER Camelot, IGA place Bercy et métro Radisson


CINÉMA

Revoir Verdun Claude Demers a déjà signé deux documentaires marquants. Barbiers, une histoire d'hommes emmenait le cinéphile dans ce repaire masculin. Dans Les dames en bleu, il peignait l'amour des femmes pour le chanteur Michel Louvain. Cette fois, il tourne la caméra vers luimême, un enfant adopté qui a grandi à Verdun. Mais pour parler de lui, il fait parler les autres, des enfants et des adultes de son quartier d'enfance. PAR MARTINE B. CÔTÉ

PHOTO: CLAUDE DEMERS

Devant la caméra de Demers, Verdun brille de mille feux. Couchers de soleil sur le fleuve et paysages urbains se succèdent. Pendant trois mois, il a loué un appartement dans le quartier où il a grandi, question de se replonger dans l'ambiance de ce coin de la ville. On y rencontre des gamins un peu laissés à eux-mêmes et des pêcheurs sur le bord des berges qui observent les condos pousser. Dans une voiture de police, on entend une répartitrice décrire le dernier méfait en date. On s'installe au Dunkin' Donuts du coin alors que les habitués discutent de leur quartier en changement. On assiste à une messe dans l'église baptiste où se réunit la communauté afro-québécoise du coin. En regardant D'où je viens, on se sent inclus dans ce JE, qu'on vienne ou pas de Verdun.

Claude Demers Qu'avez-vous ressenti en retournant sur les lieux de votre enfance?

De la fierté! Quand j'étais jeune, j'ai beaucoup souffert du manque de culture, du manque de choix dans le quartier. Aujourd'hui, je suis content de pouvoir assister à des concerts de musique classique, je me réjouis de voir plein de petits cafés, mais en même temps, je veux que Verdun garde son authenticité. Je ne veux pas que les gens soient désappropriés de leur vie. Souvent, la gentrification amène des hausses de loyer qui excluent les gens du quartier.

Le film aborde entre autres le thème de la rage. Est-ce un sentiment que vous vivez encore? Oui, mais il se transforme. C'est un sentiment qui ne quitte jamais ceux qui ont grandi avec. Tout le monde porte des blessures d'enfance, mais pour certains, elles sont plus vives que d'autres. Je crois que pour plusieurs personnes, la rage naît des déceptions de l'entrée dans la vie. La rage peut parfois être bénéfique, au début, pour ne pas se laisser submerger, mais cette colère peut aussi être autodestructrice et se tourner contre nous.

Comment avez-vous travaillé avec les gens que vous avez filmés?

Sur une longue période de temps. Avec de nombreuses rencontres. J'enrage un peu quand j'entends des gens dire « je fais un film sur les itinérants, un film sur la pauvreté. » L'itinérant est avant tout un être humain, le pauvre est avant tout une personne. Moi, je ne fais pas des films à sujet, des films SUR un sujet mais un film avec des êtres humains. Je ne voulais pas d'entrevues dans le film. J'ai laissé vivre ces gens et je les ai filmés. L'idée, c'est de créer un climat dans lequel les personnages pourraient se révéler.

PHOTO: SHANE SMITH

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Nouveau départ

Concours d’illustration des camelots Le jury a choisi le gagnant en s’appuyant sur trois critères : l’originalité de l’œuvre, son impact visuel et le respect du thème. Ce jury était composé de Yves Grégoire, camelot préposé à la distribution, de Marc Séguin, peintre de renommée internationale, de Patricia Gendron, responsable de la production écrite des camelots, et de Mélanie Loisel, rédactrice en chef par intérim. Les œuvres des camelots sont éclatées, originales et colorées. Elles reflètent leur créativité et leur ardeur à partager leur regard sur notre monde.

PHOTO : GOPESA PAQUETTE

Collages, peintures, photographies ou dessins, l’équipe de L’Itinéraire voit régulièrement passer les œuvres des camelots. Immanquablement, ces pièces captent notre attention ou piquent notre curiosité. Nous avons profité de la nouvelle année pour les mettre à l’honneur en leur demandant de créer une illustration pour faire la « une » de notre premier numéro de l’année sur le thème Nouveau départ.

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CONCOURS DE LA UNE

3e place Vincent Blais, camelot Médium : infographie

Jacques Élizé

Geneviève Bois-Lapointe

Johanne Besner

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2e place Gilles Leblanc Commis aux archives Médium : Collage

Sylvain Pépin-Girard

Claude Désilets

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Tuan Trieu-Hoang

Silvio Hébert


CONCOURS DE LA UNE Jean-Pierre Ménard

Luc Deschênes

Normand Rickert

Normand Rickert

Benoît Chartier


1ère place Jean-Paul Lebel Camelot, métro Berri-UQÀM Médium : Dessin

Michel Dumont

Mario Reyes

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VIVRE

PAR DENYSE MONTÉ | montex9@videotron.ca

Champignon magique? Louise Durepos n'a pas que son nom d'extraordinaire. Propriétaire d'un gîte du passant à Saint-Quentin, au Nouveau-Brunswick, elle se consacre à la récolte et la commercialisation du chaga. En parfait accord avec Santé Canada. Un jour, dans le bois restigouchois, elle tombe par hasard sur ce champignon sauvage à l'allure d'un morceau de charbon. Intriguée, elle fait des recherches et découvre que c'est un véritable trésor médicinal. Qu'il est utilisé depuis des siècles en Russie, en Chine ou au Japon pour soigner et guérir. Consommé en poudre ou en granules, ses propriétés anticancérigènes, antioxydantes, anti-inflammatoires et antiallergiques lui confèrent un pouvoir curatif impressionnant. Des visiteurs du gîte qui l'ont essayé en ont témoigné, rapporte Louise. Vu la rareté du chaga — il en pousse un sur 15 000 arbres — cette espèce est à cueillir avec parcimonie pour un usage contrôlé. Info : lautreforet.com

Activité percutante Glisser autrement La trottinette des neiges arrive en région! Venu de la Finlande ce sport excitant peut enfin être pratiqué chez nous. Pour vivre une expérience de glisse différente cet hiver, on se retrouve sur les sentiers de neige qui offrent cette activité dans la région de votre choix. Info :

Léopold, l'ineffable ministre de l'Environnement créé par François Pérusse, a déjà donné une démonstration hilarante de gumboot dans la série d'animation télévisée Pérusse Cité. Pourtant, l'origine de cette danse n'a rien de trop comique : née dans les mines d'Afrique du Sud au 19e siècle, elle consiste à frapper le sol de ses pieds, chaussés de bottes de pluie en caoutchouc. Mais le gumboot est devenu une expérience de socialisation, de coordination et d'inventivité hors de l'ordinaire. Le Studio Danse Montréal vous offre un cours d'essai gratuit. Info : studiodansemontreal.com

sepaq.com

Wabi-sabi c'est bon Que celles et ceux qui ne se trouvent pas beaux suivent le courant wabi-sabi. Il enseigne une autre façon de voir et d'apprécier nos imperfections et celles des autres. Au plan esthétique, le wabi-sabi valorise la beauté des choses transformées par l'usure du temps. En tant que transposition dans le quotidien des enseignements bouddhistes selon lesquels tout est passager, le wabi-sabi peut nous aider à lâcher prise et à nous accepter avec nos défauts, manques et faiblesses, nous considérant alors comme êtres uniques. Résolution wabisabienne pour 2015  : regarder l'autre avec compassion et accepter ses côtés qui nous paraissent bizarres, sans juger — voir la beauté qui réside dans l'irrégularité, la dissonance. Et devenir libre de toute envie.

Vitrine culturelle Avez-vous offert la culture en cadeau au Jour de l'An ? Il est encore temps de le faire. Une idée : les chèques-cadeaux qui donnent accès à tous les spectacles présentés dans les salles du grand Montréal. Plus de 1 500 spectacles et 100 festivals. En coupures de 5 $, 10 $ ou 20 $, ils permettront aux détenteurs de bénéficier de rabais sur le coût des billets. lavitrine.com

PHOTOS: 123RF.COM/AIMY27FEB, PHOTODEE ET СЕРГЕЙ СИЗОВ

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fleurissais

potiche

difficile

coupe cosmos

parti du Québec

âtreté

ergotai faute oiseau

fabrique d’étuis

indigné

rire

saison

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dette

sado outils tour

pronom

du bassin

SOLUTION DU 15 DÉCEMBRE Réponses du 15 DÉCEMBRE 2014

autochtone interjection dialecte ravagea

mauvais

ville du japon

doctorants

RÉPONSES DU 1ER JANVIER 2015 ergotai

fleurissais difficile

cercle

lésions

trois

E

coupe cosmos

pronom parcourues

obscur

forêt

U fonça

écrivain rendit français slave amas

« Je m'appelle Josée, je travaille à la distribution et voici mon petit fléché »

béant

levant

enlèves neptunium

intérieur

en cheveux

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recueil fonça

LE JOSÉE FLÉCHÉ

mesurée

dette

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intérieur

à la mode cérium

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chef-lieu de canton existences

ville du japon

largeur

T

rendit slave amas

région anglaise

T en plante matière de

Solution dans le prochain numéro

chef-lieu de canton

O

E P FI A B N SI O S UO I N S IU S L A AS I S VS faute potiche

oiseau

sado

outils

pronom enlèves

neptunium mauvais

cercle trois

écrivain français alu

usine région anglaise existences

DE IN SA CV UA TN AT I LA L AW IU

âtreté

indigné fabrique d’étuis saison

parcourues

à la mode dialecte

RO UU DT ER SE S ER

parti du Québec cubes rire pas

GE RS AT II IE SS N S EP O RE O N IL U IE EV BI LS I ON CE IA EL EN S E levant

du bassin

béant

autochtone interjection ravagea

dialecte

pronom forêt

cérium

atome largeur

en matière de

plante

C S D AE N T Q S U E T R BT E E U H T E LE E LS A AA N C I O N R RD I E ES R S mesurée

en cheveux

tour

doctorants recueil

lésions

obscur

JOSÉE CARDINAL | Distributrice


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1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

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DÉTENTE

9 10 11 12

5

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7

1 2 HORIZONTALEMENT 3 1. Probabilité qu'une caractéristique soit transmise génétiquement. - Peser. 4 2.3. Encens. Pièces de monnaie. - Coiffures. - Irlande. 5 4.5. Existes. À toi. - Tout-terrain. - Courant marin. 6 6.7. Tissages. Déclarée. - Accent. - Alcaloïde. 7 8.9. Dans. Naturelles. - Donner. Possédées. - Pinacothèques. 8 10. VERTICALEMENT 9 5 9 1. Auberge. - À la mode. - Comme un ver. 5 10 2.3. Victorieux. Parti québécois défunt. - Arbuste.

9

10 11 12

HORIZONTALEMENT 1 Études des mollusques. 2 Goberas. - Aire de vent. 3 Viser. - Commence 4 Répéter. - Cérémonies. 5 Note. - Échassier. - Oiseau. 6 Animaux fabuleux. - Drogue. 7 Accord de libre-échange. - Hitlérien. 8 Pronom. - Brillât. 9 Demeure. - Fervent. 10 Âge. - Éditées. VERTICALEMENT 1 Cactacée couverte de mamelons épineux. 2 Ravitailler. 3 Dieu du foyer. - Arrête. 4 Aigle sans bec ni pattes. 5 Intellectuelles. 6 Métal. - Parti politique québécois disparu. 7 Palefrenier. - Gaga. 8 Foncer. - Passage. 9 Signal sonore. - Pénis. 10 Futilités. 11 Greffées. - Largeur. 12 Chef-lieu de canton de l'Orne. - Millésimes.

4. Ibériques. 5. Amas. - Et le reste. Solution dans le prochain numéro 6. Année. - Greffées. 7. Ameublies. 8. Répétés. - Bouclier. 9. Esprits tutélaires. - Extrêmement. Jeu réalisé par Josée Cardinal | joseecardinala1@yahoo.ca 10. Colère. - Raide. 11. Coupelle. - Mégie. 12. Succédané. - Lentille. NIVEAU DE DIFFICULTÉ: MOYEN Solutions du 15 décembre 2014

7 2 3

8

HORIZONTALEMENT 7 3 1. Études des mollusques. 4 2. Goberas. 6 - Aire de vent. 1 - Commence 3. Viser. Placez un chiffre de 1 à 9 4 - 5Cérémonies. 6 7 8 9 10 11 12 7 4.1 Répéter. 42 3 8 dans chaque case vide. 7 1 4 Chaque ligne, chaque 1 H E R I T A B I L I T E 5. Note. - Échassier. - TOiseau. colonne et chaque boîte A R E R 2 O L I B A N 3x3 délimitée par un trait 2 6 9 B E R E T S 3 T U N E S plus épais doivent contenir 6. Animaux fabuleux. Drogue. tous les chiffres de 1 à 9. R E I R E A 4 E S Chaque chiffre apparaît 6 5 8 7 1 L T I E N N E S T T 5 7. Accord de libre-échange. Hitlérien. donc une seule fois dans R A Z 6 L I R E T T E S une ligne, dans une colonne et dans une boîte 3x3. E Pronom. N O N - CBrillât. E E T O N 7 8. 6 E N E S E R I N E 8 R I Demeure. N N E E- Fervent. S C E D E R NOTRE LOGICIEL 9 9. 4 9 1 DE SUDOKUS EST M U S E E S 10 E U E S MAINTENANT 10. Âge. - Éditées. 3 1 7 DISPONIBLE. 10 000 sudokus inédits de 7 4 6 8 3 2 1 9 5 VERTICALEMENT 4 niveaux par notre expert, 1 3 2 4 9 5 6 8 7 8 3 4 9 Fabien Savary. En vente exclusivement sur 8 5 9 couverte 1 6 7 de 2 mamelons 3 4 1. Cactacée épineux. site. 5 6 4 2 8 1 9 7 3 9 7 4 notre www.les-mordus.com 2. Ravitailler. 2 1 8 9 7 3 4 5 6 8 6 3 9 7 6 5 4 8 1 2 3. Dieu du foyer. - Arrête. 9 2 3 5 1 6 7 4 8 Solution dans le prochain numéro 4 8sans 5 bec 7 2ni 9pattes. 3 6 1 4. Aigle 6 7 1 3 4 8 5 2 9 Jeu réalisé par Ludipresse | info@les-mordus.com 5. Intellectuelles. 6. Métal. - Parti politique québécois disparu. 7 3 8 9 2 1 6 4 5 2 5 1 6 4 7 8 3 9 7. Palefrenier. - Gaga. 45 9 41 6janvier 5 8 2015 3 7 | ITINERAIRE.CA 1 2 8 1 9 7 5 2 4 6 3 8. Foncer. - Passage. 5 7 4 3 6 9 1 2 8 er


A PROPOS DU...

COMMENCEMENT Toutes les grandes actions et toutes les grandes pensées ont un commencement dérisoire.

Qui commence une affaire sans jugement ne doit pas être surpris si elle finit sans succès.

Quoi que tu rêves d'entreprendre, commence-le.

ALBERT CAMUS

ANTOINE GOMBAUD

GOETHE Personne ne peut revenir en arrière et prendre un nouveau départ, mais n'importe qui peut commencer dès aujourd'hui à construire une nouvelle fin.

MARIA ROBINSON

Avant de commencer, il faut savoir jusqu'où on peut aller.

La création du monde n'a pas eu lieu au début, elle a lieu tous les jours.

MARCEL PROUST

BALTASAR GRACIAN

On voit nombre de gens commencer, mais bien peu achever.

LAURENT-PIERRE DE JUSSIEU

Chaque début d'écriture est un retour à la case départ. Et la case départ, c'est un endroit où l'on se sent très seul. Un endroit où aucun de vos accomplissements passés ne compte. QUENTIN TARANTINO

C'est toujours par la faim que commence un bon repas.

Il ne faut pas attendre d'être parfait pour commencer quelque chose de bien. ABBÉ PIERRE

JEAN-LOUIS-AUGUSTE COMMERSON

Une chose bien commencée est à demi achevée. SUZANNE CURCHOD

Une année qui commence : un nouveau juge qui se lève. ANNE BARRATIN

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Commence dès aujourd'hui ce que tu dois faire, car demain tu n'es sûr de rien.

HENRI-FRÉDÉRIC AMIEL



Chez Tim Hortons, si nous ne pouvons servir notre café de première qualité dans les vingt minutes suivant sa préparation, nous ne le servons tout simplement pas. C’est pour cette raison qu’à chaque nouvelle carafe que nous préparons, nous y inscrivons l’heure. De cette façon, vous êtes assurés que nous vous servons un café toujours savoureux.


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