2015-02-01_IT-03

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Semaine internationale des camelots 3

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Volume XXII, n˚ 03 Montréal, 1er février 2015

www.itineraire.ca

Zoom : Johanne Besner Ianik Marcil : Tuons donc les vieux

Nous sommes Charlie Décompte des itinérants


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Novembre 2014 – FévrIer 2015 Passez une commande en ligne sur cheztoit.org

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Johanne Besner Camelot No : 1078 | Âge : 55 ans Point de vente: Beaudry/Sainte-Catherine

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epuis 10 ans, Johanne fait les quelques pas qui séparent son appartement de L'Itinéraire. Ce court chemin reflète bien sa tranquillité d'esprit, mais contraste avec la route parcourue depuis qu'elle a quitté son nid familial à 21 ans. Femme déterminée, dévouée et battante, Johanne a toujours eu un fort caractère depuis son enfance. «Moi, quand ça ne faisait pas mon affaire, si tu n'étais pas content, j'allais te voir moi-même! Je mangeais des taloches, mais je me défendais », lâche-t-elle. Au fil des années, Johanne s'est ainsi construit une véritable carapace surtout lorsqu'elle s'est retrouvée sans emploi et sur le seuil de la pauvreté. «Je n'étais pas habituée à ça. Mais ce n'est pas parce que tu tombes sur l'assurance-chômage, puis sur l'aide sociale, que tu dois te nourrir dans les banques alimentaires, que tu ne peux pas te reprendre en main!», s'exclame-t-elle. La preuve : Johanne a décidé de suivre des ateliers d'écriture et de lecture pour pouvoir retourner sur le marché du travail alors qu'elle était quasi analphabète. Pendant douze ans, elle s'est attelée à faire tous les exercices demandés pour devenir plus fonctionnelle dans la société. Ses efforts ont été récompensés alors qu'elle est maintenant préposée à la réception de L'Itinéraire qui est devenu comme sa deuxième famille. « Ça fait 20 ans que je suis ici. J'ai commencé à jaser avec le monde, j'ai appris à les connaître et je me suis liée d'amitié avec plusieurs personnes. Après, j'ai commencé à m'impliquer plus et j'ai écrit dans le magazine.», se souvient-elle. «Je me sens comme chez moi ici.» À tous les jours, Johanne vient donc saluer ses amis au café de L'Itinéraire, mais elle passe aussi beaucoup de temps dans son appartement qu'elle partage avec Noël-Henri, son compagnon de vie depuis 25 ans. Elle prend soin de lui et s'assure qu'il ne manque de rien. Pour elle, c'est très important l'entraide. Il faut avoir connu la pauvreté pour savoir à quel point, il est toujours plus facile de s'en sortir lorsqu'on n'est pas seule.

PAR CHARLES-ÉRIC LAVERY PHOTO: GOPESA PAQUETTE 1er février 2015 | ITINERAIRE.CA

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NOS PARTENAIRES ESSENTIELS DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ

Le Groupe L'Itinéraire a pour mission de réaliser des projets d'économie sociale et des programmes d'insertion socioprofessionnelle, destinés au mieux-être des personnes vulnérables, soit des hommes et des femmes, jeunes ou âgés, à faible revenu et sans emploi, vivant notamment en situation d'itinérance, d'isolement social, de maladie mentale ou de dépendance. L'organisme propose des services de soutien communautaire et un milieu de vie à quelque 200 personnes afin de favoriser le développement social et l'autonomie fonctionnelle des personnes qui participent à ses programmes. Sans nos partenaires principaux qui contribuent de façon importante à la mission ou nos partenaires de réalisation engagés dans nos programmes, nous ne pourrions aider autant de personnes. L'Itinéraire c'est aussi plus de 2000 donateurs individuels et corporatifs qui aident nos camelots à s'en sortir. Merci à tous ! La direction de L'Itinéraire tient à rappeler qu'elle n'est pas responsable des gestes des vendeurs dans la rue. Si ces derniers vous proposent tout autre produit que le journal ou sollicitent des dons, ils ne le font pas pour L'Itinéraire. Si vous avez des commentaires sur les propos tenus par les vendeurs ou sur leur comportement, communiquez sans hésiter avec Shawn Bourdages, chef du développement social par courriel à shawn.bourdages@itineraire.ca ou par téléphone au 514 597-0238 poste 222.

PARTENAIRES MAJEURS

Nous reconnaissons l'appui financier du gouvernement du Canada par l'entremise du Fonds du Canada pour les périodiques, qui relève de Patrimoine canadien. Les opinions exprimées dans cette publication (ou sur ce site Web) ne reflètent pas forcément celles du ministère du Patrimoine canadien.

PRINCIPAUX PARTENAIRES DE PROJETS ISSN-1481-3572 n˚ de charité : 13648 4219 RR0001

DU MONT-ROYAL

Desjardins

L'ITINÉRAIRE EST MEMBRE DE

RÉDACTION ET ADMINISTRATION 2103, Sainte-Catherine Est Montréal (Qc) H2K 2H9 LE CAFÉ L'ITINÉRAIRE 2101, rue Sainte-Catherine Est TÉLÉPHONE : 514 597-0238 TÉLÉCOPIEUR : 514 597-1544 SITE : WWW.ITINERAIRE.CA RÉDACTION Rédactrice en chef par intérim : Mélanie Loisel Chef de pupitre, Actualités : Martine B. Côté Chef de pupitre, Société : Gopesa Paquette Responsable à la production écrite des camelots : Charles-Éric Lavery Infographe : Louis-Philippe Pouliot Collaborateurs : Denyse Monté et Ianik Marcil Adjoints à la rédaction : Sarah Laurendeau, Hélène Mai, Carolyn Cutler, Marie Brion Photo de la une : Gopesa Paquette Révision des épreuves : Paul Arsenault, Lucie Laporte, Michèle Deteix

Le magazine L'Itinéraire a été créé en 1992 par Pierrette Desrosiers, Denise English, François Thivierge et Michèle Wilson. À cette époque, il était destiné aux gens en difficulté et offert gratuitement dans les services d'aide et les maisons de chambres. Depuis mai 1994, L'Itinéraire est vendu régulièrement dans la rue. Cette publication est produite et rédigée par des journalistes professionnels et une cinquantaine de personnes vivant ou ayant connu l'itinérance, dans le but de leur venir en aide et de permettre leur réinsertion sociale et professionnelle. Convention de la poste publication No 40910015, No d'enregistrement 10764. Retourner toute correspondance ne pouvant être livrée au Canada, au Groupe communautaire L'Itinéraire 2103, Sainte-Catherine Est, Montréal (Québec) H2K 2H9

Québecor est fière de soutenir l'action sociale de L'Itinéraire en contribuant à la production du magazine et en lui procurant des services de télécommunications.

ADMINISTRATION Direction générale : Christine Richard Chef des opérations et des ressources humaines : Duffay Romano Conseiller aux ressources humaines et matérielles : Philippe Boisvert Responsable du financement : Gessi Vanessa Sérant

ÉQUIPE DE SOUTIEN AUX CAMELOTS Chef du Développement social : Shawn Bourdages Agent d'accueil et de formation : Pierre Tougas Agente de soutien communautaire : Geneviève Labelle Agente de soutien en milieu de vie : Marianne Bousquet Agent de développement : Yvon Massicotte

GESTION DE L'IMPRESSION TVA ACCÈS INC. | 514 848-7000 DIRECTEUR GÉNÉRAL : Robert Renaud CHEF DES COMMUNICATIONS GRAPHIQUES : Diane Gignac COORDONNATRICE DE PRODUCTION : Édith Surprenant IMPRIMEUR : Transcontinental

CONSEIL D'ADMINISTRATION Président : Philippe Allard Vice-Président : Jean-Marie Tison Trésorier : Guy Larivière Secrétaire : Julien Landry-Martineau, Administrateurs : Stephan Morency Geneviève Bois-Lapointe, Jean-Paul Lebel

VENTES PUBLICITAIRES 514 597-0238

CONSEILLÈRES : Renée Larivière 450-541-1294 renee.lariviere18@gmail.com Ann-Marie Morissette 514-404-6166 am.mori7@itineraire.ca


1er février 2015 Volume XXII, n˚ 03

ACTUALITÉS

CARREFOUR

BILLET

HORS PISTE

par Jean-Marc Boiteau

DANS LA TÊTE DES CAMELOTS

7 Quoi de neuf sous le soleil? 13 Inauguration du Grand par Mélanie Loisel Orgue Pierre-Béique 8 ROND-POINT 10 ROND-POINT INTERNATIONAL

COMPTES À RENDRE

par Ianik Marcil

11 Tuons donc les vieux ENTREVUE

14 Où dormez-vous ce soir ?

par Martine B. Côté

17 Nous sommes Charlie

30 L'amour, toujours l'amour

32 32 34 34 36 36 36 37

Mots de camelots

SERGE TRUDEL YANNICK LEBLANC MICHEL DUMONT SYLVAIN PÉPIN-GIRARD GISÈLE NADEAU NICOLE GIARD CINDY TREMBLAY NORMAN RICKERT

CULTURE

REPORTAGE

38 Slammer avec MC June 40 VIVRE 41 PANORAMA 42 CLIN D'ŒIL DU PASSÉ 43 LIVRES 44 LE JOSÉE FLÉCHÉ 45 DÉTENTE 46 À PROPOS DE... L'AMOUR

DOSSIER

20 Semaine internationale des camelots

› CLIENTS, AMIS, CONFIDENTS › POUR NATHAN › CAMELOTS DU MONDE

CHEMIN FAISANT

par Pierrette

33 Vivre ou mourir? 35 INFO-RAPSIM 37 CARREFOUR

50 % DU PRIX DE VENTE DU LES CAMELOTS SONT DES MAGAZINE LEUR REVIENT TRAVAILLEURS AUTONOMES que le P.Q. a utilisé son projet de charte à des fins électorales et qu'il n'aurait jamais dû. Il aurait plutôt fallu s'en tenir aux seuls employés directement en contact avec les citoyens ou bénéficiaires. […] Avec de tels citoyens (en parlant des musulmans), je crois que nous nous dirigeons vers une société très fragmentée dont les politiciens ne pourrons attirer la faveur qu'en proposant des valeurs de plus en plus conservatrices. Messieurs Harper et cie ont un très bel aveJe suis d'accord avec la rédactrice en chef nir devant eux. (dans son éditorial du 15 décembre 2014) Normand Turcotte Je voulais vous signifier ma déception par rapport au texte de votre rédactrice en chef par intérim qui en remet avec la charte des valeurs (dans le numéro du 15 décembre 2014) et traîne le PQ dans la boue. (La routine, quoi.) Il n'y a pas assez de combat à livrer depuis le 7 avril? S'en prendre au PQ alors que les libéraux sont en train de saccager nos acquis m'apparaît dérisoire. Philippe Lemieux

Je suis impressionné, très, par la facture, nouvelle, de votre dernière édition de L'Itinéraire (du 1er janvier 2015). C'est quelque chose! Je vous en passe un... papier. Tant quant au fond (contenu) qu'à la forme. Agréable, souriante… ;-) D'emblée, j'ai apprécié plus particulièrement l'entrevue avec Josée Blanchette. Quelle grande et bonne personne!… Tout ce qu'elle y dit est criant (ou crevant?) de vérité(s). Denis Beaulé

ÉCRIVEZ-NOUS ! à COURRIER@ITINERAIRE.CA Des lettres courtes et signées, svp! La Rédaction se réserve le droit d'écourter certains commentaires.


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Quoi de neuf sous le soleil? Pour réduire sa sacro-sainte dette, le gouvernement Couillard semble résolu à aller chercher de l'argent partout où il peut, même dans les poches de ceux qui n'en ont pas. Dans la foulée des compressions, le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale François Blais va revoir le programme de l'aide sociale pour, dit-on, assurer une plus grande équité avec les petits salariés. Vraiment?

ÉDITORIAL

MÉLANIE LOISEL | Rédactrice en chef par intérim

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ans cette réforme, Québec affirme vouloir mettre fin aux abus et aux fraudes commises. Parmi les mesures qui seront prises, le gouvernement veut empêcher les bénéficiaires de l'aide sociale de partir deux mois consécutifs notamment dans le Sud. Avec la nouvelle réglementation, le gouvernement va faire en sorte qu'ils ne pourront plus partir, plus de deux semaines, à l'extérieur du Québec. Mais avec une allocation moyenne de 670 $ par mois, le ministre connaît-il beaucoup de gens qui vivent de l'aide sociale et qui ont les moyens de partir se faire chauffer la couenne sous le soleil? De toute façon, combien de travailleurs au salaire minimum et même de la classe moyenne peuvent se payer deux mois de vacances à l'étranger? À L'Itinéraire, nous sommes bien placés pour constater que les bénéficiaires de l'aide sociale sont loin d'être des « gras durs » comme le gouvernement veut bien le faire croire. Avec leurs prestations, les bénéficiaires ont à peine de quoi se payer un petit logement ou une chambre très souvent dans un état délabré. À quelques pas du café, il suffit d'aller visiter les appartements des bénéficiaires, dont les murs sont quasi faits en papier, pour constater qu'ils vivent avec le strict minimum et parfois, avec moins que le minimum. Ils ont à peine un lit, quelques meubles, et un chaudron pour cuisiner quand ils ont de quoi dans le garde-manger. On est vraiment loin du palace que le gouvernement veut les empêcher d'avoir. En fait, une autre des mesures de la réforme est de compter désormais la valeur des résidences dans le calcul des prestations d'aide sociale. Cette mesure a été prise pour pallier au fait qu'un bénéficiaire de l'aide sociale peut actuellement posséder une résidence de 500 000 $ tout en étant éligible à l'aide de dernier recours. C'est du moins ce qu'on a pu lire dans certains médias. Mais d'où sortent-ils ces exemples?

La grande majorité des bénéficiaires n'ont aucun acquis et encore moins de propriété d'un demi-million de dollars. Même si une personne venait d'hériter de la maison familiale, avec son chèque mensuel d'aide sociale, elle ne serait jamais en mesure d'assumer les coûts et de payer les taxes d'une telle « Avec une demeure si elle ne travaille pas. Et ce n'est pas tout. Dans cette réallocation forme, le gouvernement veut aussi remoyenne de voir les règles de partage de logement. Les bénéficiaires qui louent une ou 670$ par mois, deux chambres dans leur appartement devront maintenant le déclarer et leur le ministre connaîtprestation sera ajustée en conséquence. il beaucoup de Pour le peu d'argent que les bénéficiaires peuvent faire avec une telle megens qui vivent sure, faut-il vraiment tout leur enlever des poches? Les gens qui louent des de l'aide sociale chambres le font souvent à des gens et qui ont les aussi pauvres qu'eux. L'ironie dans toute cette série de noumoyens de partir velles mesures, c'est que le gouvernement Couillard reconnaît lui-même qu'il n'ira se faire chauffer la chercher que quelques millions de dolcouenne sous lars avec cette réforme du programme de l'aide sociale et que très peu de personnes le soleil? » seront affectées. Alors pourquoi le faire? À part entretenir le préjugé du « B.S qui fraude le système », les changements ne convaincront ni les travailleurs à faible revenu de demeurer sur le marché de l'emploi ni les bénéficiaires de l'aide sociale à y retourner. Les changements de réglementation ne feront que plonger des personnes déjà vulnérables dans une plus grande précarité alors qu'elles peinent déjà à joindre les deux bouts.

1er février 2015 | ITINERAIRE.CA

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ROND-POINT

PAR MARTINE B. CÔTÉ ET MÉLANIE LOISEL

Repose en paix, Mathieu Des ex-détenus se dévoilent Certains ont tué leur conjoint d'autres ont commis des vols, agressé des mineurs ou tenté un gros coup qui n'avait aucun bon sens. Dans le recueil Passés par la case prison (éditions La Découverte), huit ex-détenus racontent à huit écrivains leur parcours atypique qui les a menés derrière les barreaux. Sous la plume de Nancy Huston, Philippe Claudel ou encore Marie Darrieussecq, leur histoire prend un tout autre sens. On y découvre des hommes et des femmes, comme tout le monde, qui par une succession d'événements ont fini par commettre l'inacceptable voire l'irréparable. (ML)

Votre rue porte-t-elle un nom de femme? La conseillère du Vieux-Rosemont Érika Duchesne dénonce le peu de rues et de parcs montréalais nommés en l'honneur de femmes. Au total, ce sont 6 % des espaces publics qui portent le nom d'une femme. En 2014, le Service de toponymie a donné trois noms de femmes à une rue ou un parc contre 17 hommes. Et si on envoyait nos suggestions à la Ville? Les noms de Michelle Tisseyre et Suzanne Lapointe enjoliveraient sûrement une artère ou un espace vert… (MBC)

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ITINERAIRE.CA | 1er février 2015

On le voyait souvent sur la 5e avenue dans Rosemont, toujours prêts à sourire aux passants à qui il tendait la main. Mathieu Gaudreault, 24 ans, que les habitants du quartier voyaient souvent devant le Dollarama avec sa guitare, son violon et son chien est mort le 21 décembre dans un accident. Le conducteur de la voiture, son ami Bobby est aussi décédé. Le roman Chercher Sam, de Sophie Bienvenu, un franc succès de librairie, a en partie été inspiré par la vie de Mathieu, avec qui la romancière s'est entretenue. Mathieu laisse dans le deuil une petite fille de six ans et plusieurs résidents du quartier. (MBC)

Enfin un salaire minimum en Allemagne Depuis le 1er janvier, la population allemande a droit à un salaire minimum universel, une première au pays. Malgré plusieurs protestataires qui brandissaient l'épouvantail de perte d'emplois liés à l'implantation de la mesure, le salaire minimal de 8,50 euros brut de l'heure a été adopté et sera introduit progressivement d'ici 2017. L'Allemagne est rongée par un phénomène de travail à deux vitesses et un grand nombre de travailleurs pauvres. Gérard Schroder, l'ancien chancelier, clamait d'ailleurs que le pays offrait le meilleur secteur à bas salaires d'Europe. Le salaire minimum a beau être instauré, plusieurs travailleurs n'y auront pas accès : les moins de 18 ans, les travailleurs saisonniers, les stagiaires temporaires, les chômeurs, les camelots de presse et les chômeurs pendant les six premiers mois de leur embauche. On soupire… (MBC)


Suivez le guide! Suivez l'ex-sans-abri! Dans l'ultra-touristique ville de Berlin, on peut maintenant faire une visite menée par un ancien sans-abri. Deux jeunes Berlinoises ont eu l'idée de mettre sur pied des visites de la ville basée sur les souvenirs de celles et ceux qui ont vécu l'itinérance. Les ex sans-abri, à pied, montrent les lieux qu'ils fréquentaient, évoquant du même coup la réalité de la rue. En plus de permettre une réinsertion rémunérée à ces guides touristiques nouveau genre, l'activité permet une chasse aux idées reçues sur les itinérants. Il semble que les Berlinois apprécient beaucoup de voir l'envers de la ville qu'ils habitent… (MBC)

Le DSM va-t-il trop loin?

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Vous n'aimez pas la conformité, vous aimez suivre votre instinct, vous êtes un libre-penseur...Saviez-vous que vous souffrez peutêtre d'une maladie mentale? Dans le dernier manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, communément appelé le DSM-IV, on y retrouve plus de 357 maladies mentales dont le TOP pour Trouble Oppositionnel avec Provocation. Cette nouvelle maladie est décrite comme étant un « schéma continu de désobéissance, d'hostilité et de provocation » dont les symptômes sont la négativité, la défiance, la contradiction et la remise en question. Si la non-conformité et la libre-pensée sont désormais considérées comme des maladies mentales, faut croire qu'il est parfois sain d'esprit d'être malade. (ML)

LE NOMBRE

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Des couches lavables subventionnées Des couches jetables ou lavables? Les nouveaux parents, qui habitent dans Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, auront maintenant un incitatif de plus d'opter pour des couches lavables. Le conseil d'arrondissement a décidé de suivre l'exemple de celui de Verdun et de Ville-Marie en accordant une subvention de 100 $ aux familles qui décident de faire ce choix. Une enveloppe de 8 000 $ est prévue en 2015 pour soutenir 75 familles qui auraient envie de se procurer un ensemble de couches jetables qui coûte entre 400 et 600 $. Sachant qu'un bébé aura besoin d'au moins 6 000 couches jetables avant de devenir propre, l'investissement en vaut le coût. (ML)

PHOTOS : 123RF.COM/KATHERINE MARTIN, VADIM RYSEV, WILAWANKHASAWONG. ILLUSTRATIONS : LOUIS-PHILIPPE POULIOT

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C'est ce que devrait être le salaire minimum au Québec pour sortir les travailleurs de la pauvreté. En se basant sur une semaine de 35 heures, le Collectif pour un Québec sans pauvreté estime qu'une personne devrait gagner au moins 13,11 $ l'heure. Le salaire minimum est actuellement de 10,35 $ l'heure et passera à 10,55 $ l'heure le 1er mai prochain.

1er février 2015 | ITINERAIRE.CA

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ROND-POINT INTERNATIONAL Six jeunes femmes de la ville de Mexico lancent le premier journal de rue du pays grâce au socio-financement. Inspirée par The Big Issue au Royaume-Uni, l'équipe menée par la peintre et militante Maria Portilla est appuyée par le réseau international des journaux de rue (INSP). Dans ce pays, classé 13e économie du monde, 42 % de la population vit toujours sous le seuil de la pauvreté. Les fonds initiaux serviront à imprimer les cinq premières éditions et à fournir l'équipement de même qu'une formation et des ateliers de créativité aux camelots. (INSP)

ESPAGNE | Tableau noir

Les statistiques dressent un portrait désolant de l'économie espagnole. Au début de la cinquième année de sa crise économique, le quart de la population vit toujours sous le seuil de la pauvreté et le taux de chômage se maintient à 24,4 %. Le nombre de travailleurs pauvres a augmenté de 2 % entre 2007 et 2010 et au début de l'année dernière, 27 % des enfants du pays vivaient sous le seuil de la pauvreté. Dans la première moitié de 2014, il y a eu environ 37 000 expulsions et ce sont plus d'un demimillion de maisons qui ont été saisies depuis 2007. Les organismes d'aide aux personnes démunies estiment à 40 000 le nombre d'itinérants, alors que 3,5 millions d'habitations demeurent inoccupées. Entretemps, les dépenses gouvernementales d'aide sociale ont diminué de 2,7 milliards entre 2012 et 2014. (IPS)

PHOTO: INÉS BENÍTEZ/IPS

PHOTO: MARIA PORTILLA

MEXIQUE | Nouveau journal

PHOTO: FABIANA FRAYSSINET/IPS

ARGENTINE | Puits sans fond

L'exploitation du gaz de schiste commence à avoir des impacts dans les communautés du sud-ouest de l'Argentine. Cette région du pays, reconnue pour sa production fruitière, voit de plus en plus de puits gaziers remplacer ses vergers à une vitesse effrénée. Malgré les démentis des politiciens, la population locale craint que la technique controversée de fracturation hydraulique ne vienne contaminer la nappe phréatique. «Ils disent que personne ne vit ici, mais c'est faux», s'insurge une militante de la fondation Ecosur. Le député de l'opposition, Raúl Dobrusin renchérit : «Les effets de cette contamination ne seront pas sentis immédiatement, mais dans 15 ou 20 ans.» La découverte de gaz de schiste dans la région a décuplé les réserves de combustibles fossiles du pays. (IPS)

BankTrack, une ONG qui surveille les activités bancaires, a découvert que seulement la moitié des grandes banques mondiales ont des politiques de respect des droits de l'Homme. Après avoir enquêté auprès de 32 banques, Banktrack a remarqué que de nombreuses banques avaient financé le déplacement forcé de communautés, le travail d'enfants, la saisie de terre par les forces armées et négligé le droit à l'autodétermination des peuples autochtones. L'ONG souligne que des mesures contraignantes devraient être imposées aux banques pour respecter les principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'Homme adoptés, il y a trois ans, par l'ONU.

L'Itinéraire est membre du International Network of Street Papers (Réseau International des Journaux de Rue - INSP). Le réseau apporte son soutien à plus de 120 journaux de rue dans 40 pays sur six continents. Plus de 200  000 sans-abri ont vu leur vie changer grâce à la vente de journaux de rue. Le contenu de ces pages nous a été relayé par nos collègues à travers le monde. Pour en savoir plus, visitez www.street-papers.org.

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ITINERAIRE.CA | 1er février 2015

PHOTO : MONDE KINGSLEY NFOR

MONDE | Obligations bancaires


Tuons donc les vieux

COMPTES À RENDRE

Ils ne servent plus à rien et nous coûtent très cher en soins divers. Pire, ils n'en finissent plus de vivre, s'entêtant à mourir à un âge de plus en plus avancé. Nous ferions mieux de nous en débarrasser rapidement. Tuons donc les vieux, c'est plus rationnel. En fait, c'est ce que nous faisons. IANIK MARCIL | Économiste indépendant

L

e 1er décembre dernier, mon amoureuse et moi avons perdu un ami très cher. Il n'avait que 63 ans, mais il avait trop vieilli, usé par des années de galère à user ses godasses sur les trottoirs de Montréal, à aller aider les autres et à manifester sa colère contre les injustices de ce monde. Il s'appelait Raymond Richard. Le prénom Raymond a de lointaines origines germaniques qui signifient « celui qui protège par conseil éclairé ». Nul n'aura porté ce prénom de manière plus significative. Malgré son jeune âge, Raymond était un vieux sage, à la voix douce et au rire tonitruant. Il adorait les jeunes. Je l'ai connu au fil de la grève étudiante de 2012. C'est, en fait, grâce à lui que mon amoureuse et moi nous sommes rencontrés. Il retrouvait dans ce mouvement étudiant la vitalité de ceux qu'il avait connus dans sa jeunesse. Mais ces temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître étaient bien loin. Raymond a passé sa vie professionnelle à enseigner le français langue seconde pour le compte du gouvernement fédéral. Il œuvrait en francisation des employés de l'État un peu partout au Canada, de Vancouver à Halifax. Il y a quelques années, le gouvernement Harper a coupé son poste. Trop vieux, et peut-être trop désemparé, pour se trouver un nouvel emploi, mais trop jeune pour bénéficier de ses modestes rentes de retraite. Pour tuer le temps et pour rendre sa solitude plus vivante, il se dépensait sans compter en activités bénévoles et militantes. Il donnait de son temps au parti Option nationale, auquel il croyait profondément justement parce qu'il était, à ses yeux, animé par des jeunes plein d'espérance.

Car Raymond était un homme d'espérance. D'espérances souvent déçues, peut-être. Mais justement parce qu'elles étaient déçues, il se sentait investi de l'obligation de les faire revivre. Le local de la permanence d'Option nationale, un temps, était non loin des rues Ontario et Pie-IX. Raymond habitait proche du métro Frontenac. Il n'avait souvent pas les moyens de se payer les billets d'autobus pour le trajet, qu'il faisait donc à pied. Il s'arrêtait parfois chez nous – nous habitons entre Mais que valait les deux – pour fumer clope après clope et réinventer le monde. ce dévouement? Mais que valait ce dévouement? Je veux dire, Je veux dire, économiquement, ça ne vaut rien, faire du bénévoéconomiquement, lat. Ça ne crée pas de richesse, comme le souhaiteraient França ne vaut rien, çois Legault et Lucien Bouchard. C'est un tue-solitude et un passe- faire du bénévolat. temps. Et ça passe. Ça ne crée pas de Mais pourtant, l'action de Raymond était essentielle à notre richesse. société, comme l'est celle de centaines de milliers de nos concitoyens. La vie sociale ne se réduit pas à avoir une job et à créer cette satanée richesse. La véritable richesse, Raymond la portait dans chacun de ses gestes concrets. Mais on préfère tuer les vieux qui n'en créent plus, de richesse. Et les laisser errer sur nos trottoirs à user leurs godasses. Repose en paix, Raymond. Il y a tout plein de jeunes qui t'ont fait une haie d'honneur en apprenant ta mort.

1er février 2015 | ITINERAIRE.CA

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HORS PISTE

Inauguration du Grand Orgue Pierre-Béique Lors de l'inauguration du Grand Orgue Pierre-Béique l'an passé à la Maison symphonique de Montréal, j'ai vraiment vécu un moment inoubliable. Grâce à la générosité de l'Orchestre symphonique de Montréal (OSM) qui m'a offert deux billets au parterre, j'ai découvert plus qu'un instrument, mais une âme.   JEAN-MARC BOITEAU | Chroniqueur

A

rrivé par l'entrée des artistes, je rencontre d'abord Kent NaGrâce au truchement de caméras disposées de manière stratégique, gano, le directeur musical de l'OSM, tout à fait par hasard. j'ai accès aux autres composantes de l'orgue, cachées derrière un mur. Je lui lance un «Bonjour maître» accompagné de mon plus Puis l'organiste est présenté à l'auditoire et nous fait une petite débeau sourire. Il me regarde, l'œil pétillant, et déclare bras grands monstration. Il utilise des sons graves et aigus qui donnent un aperçu ouverts, «Aaah… comment allez-vous?» Puis, il me tapote chaleuà l'auditoire — mélomanes et simples curieux — du potentiel fabuleux reusement l'épaule comme si l'on se connaissait depuis toujours. de la machine. Je suis déjà impressionné par la qualité sonore ainsi que Je lui tends la main, qu'il saisit franchement, et lui déclare que c'est par les vibrations émanant de l'orgue. pour moi un honneur de le saluer. «Ah! Pendant la séquence suivante, l'orgaC'est gentil merci!», me répond-il. niste se met même à danser ! Ses mains Bien que j'aie l'habitude des coïnciet ses jambes s'agitent sur les claviers dences, je dois admettre que renconet les pédales avec une dextérité et une trer Kent Nagano en fut toute une pour précision incroyables. Littéralement abamoi! Je ressens beaucoup d'admiration sourdi, je regarde tour à tour l'orgue et pour ce maître incontesté de la muson musicien comme pour mieux saisir sique reconnu mondialement. l'amalgame des sons envoûtants parfaiJ'entre alors dans la salle de la Maison tement synchronisés avec ses gestes. symphonique de Montréal. Au premier L'instrument résonne tantôt dans des coup d'œil, j'aperçois l'orgue qui trône basses poussées à leur limite maximale, majestueusement. Certains de ses 6 489 créant une atmosphère dramatique, tantuyaux, propulsant jusqu'à 100 décibels, tôt dans des notes d'une douceur propreatteignent 19 pieds de hauteur. Le Grand ment romantique. Confortablement insOrgue Pierre-Béique est un véritable tallé dans mon fauteuil, je suis transporté chef-d'œuvre inspiré de techniques ande façon alternante d'un monde abyssal ciennes combinées à des technologies aux frontières du ciel. futuristes.  Véritable prolongement de Magnifique, extraordinaire, divin, inl'humain, cet instrument au diaphragme croyable sont les mots qui se bousculent imposant, inventé par un ingénieur grec dans ma tête pendant que mon âme fuau troisième siècle avant Jésus-Christ, sionne avec celle de l'orgue. Chose cera le pouvoir de transformer l'air en sons. taine, ce fût une expérience envoûtante, Construit à Saint-Hyacinthe par l'entreinoubliable et surtout très enrichissante. prise Casavant, ce mastodonte québécois Merci à Mme Briand et à la responpossède 109 registres, 83 jeux et 116 rangs. sable média à l'OSM pour ce magniJe vous fais grâce des autres éléments fique concert. Ce sont des gestes génétechniques outre le fait qu'il s'agit, selon reux comme celui-là qui permettent à Le prochain concert : l'aveu du maestro Nagano, d'un des plus des personnes moins nanties comme Bach, Mozart et Fauré à l'orgue beaux modèles d'orgue au monde. moi d'accéder à la culture ! Avec Isabelle Demers à l'orgue et Marianne Fiset au chant soprano. 21 février, 20 h Maison symphonique de Montréal 1 février 2015 | ITINERAIRE.CA 13 er


ENTREVUE

Où dormez-vous ce soir ? Le maire Coderre l'a dit haut et fort : «Tous les Montréalais devraient avoir un toit. » La dernière fois que l'on a compté celles et ceux qui n'en ont pas, c'était en 1998. Mais à compter du 25 mars prochain, les chiffres seront actualisés puisqu'un grand décompte des personnes itinérantes s'effectuera dans les rues de la ville. Cette opération sera mise sur pied par le chercheur Eric Latimer et son équipe. Le mot recensement ne plaît pas beaucoup au chercheur à l'Institut universitaire en santé mentale Douglas et professeur à McGill ; il préfère parler d'une enquête. pour lui, il ne suff t pas de compter les itinérants dans la rue mais d'obtenir un portrait de la population itinérante, celle qu'on voit et celle qui est moins visible, notamment les femmes, les jeunes et les autochtones, qui vivent l'itinérance de façon bien différente. Rencontre. PAR MARTINE B. CÔTÉ PHOTOS : JACQUES NADEAU

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Vous travaillez depuis des années sur les problématiques d'itinérance et de santé mentale, qu'est-ce qui vous a conduit vers ce champ de recherche?

J'ai travaillé à Boston dans les années 1990 sur des projets liés à l'itinérance, puis ensuite sur des problématiques de santé mentale en général et depuis 2008, sur le projet Chez Soi (voir encadré). Je m'intéresse aux personnes qui ont des problèmes de santé mentale en partie à cause d'un proche parent schizophrène et aussi par ma foi chrétienne assez bien enracinée. Donc, pour moi, ça fait partie de cet engagement spirituel de faire quelque chose qui sera bénéfique pour les personnes vulnérables.

Vous faites partie des gens qui ont convaincu le maire Coderre de procéder à un tel recensement des personnes itinérantes. Comment vous y êtes-vous pris ?

Avec le Mouvement pour mettre fin à l'itinérance, qui compte une quarantaine de membres, dont moi-même, nous avons fait des représentations auprès du maire pour faire valoir la pertinence pour Montréal de mener un tel recensement. Il a aimé l'idée, a lancé un appel d'offres et notre consortium a fait une proposition qui a été retenue. D'ailleurs, nous avons été les seuls à soumettre une proposition!

Dans moins de deux mois, vous procéderez à ce fameux travail de dénombrement. Comment voyez-vous votre mandat ?

Comme une enquête. C'est un travail plus large que de simplement compter les gens. On veut obtenir des informations sur leur historique d'itinérance : est-ce que c'est quelqu'un qui est itinérant de façon chronique depuis plus d'un an, une personne qui alterne entre des périodes d'itinérance et des périodes où elle est logée ou une personne qui vit son premier épisode d'itinérance? On veut avoir une idée de la composi-

tion de la population qui a été itinérante au cours de la dernière année. Notre mandat consiste aussi à rendre compte de l'itinérance cachée. Pour ça, nous allons travailler de près avec des organismes qui travaillent avec, notamment, les femmes, les autochtones et les jeunes en situation d'itinérance. Ces sousgroupes font partie de cette itinérance plus cachée, moins visible.

Le soir du 25 mars, est-ce que votre équipe ira dans les refuges pour recenser les itinérants qui y seront?

Autant que possible, oui. On sait qu'il est possible qu'on n'ait pas accès à certains refuges, par exemple, ceux pour femmes. Dans ce cas, nous demanderons aux responsables en place de nous donner une idée du nombre de personnes hébergées cette nuit-là et une réponse aux questions du questionnaire. Des compensations financières sont prévues pour ça, question de dédommager le travail des ressources sur place.

De nombreuses réticences se sont fait entendre à l'annonce de ce recensement. Plusieurs groupes communautaires disent que cela occulte la complexité du phénomène et que beaucoup de personnes ne seront pas comptées cette nuit-là. Que leur répondez-vous ?

On ne veut pas que notre rapport se limite à un chiffre, mais décrire la composition de la population itinérante. On connaît la réalité de l'itinérance visible et cachée, on est sensible aux préoccupations des organismes et on veut faire quelque chose de plus utile qu'un simple décompte. Montréal a un réseau de ressources en itinérance très dévoué et consacre des sommes considérables à ces services. On estime à environ 50-60 000 $ par itinérant par année les frais d'hospitalisation, les nuits dans les refuges, les lignes de crises, les services de désintoxication, les frais liés aux arrestations, etc. C'est beaucoup de ressources...

Est-ce à dire que vous croyez que l'argent actuellement consacré à l'aide aux personnes itinérantes est mal dépensé?

En ce moment, dans bien des cas, l'argent n'est pas bien dépensé. On a un système orienté vers la réponse aux situations de crise et pas assez de services en prévention. On se retrouve à dépenser des sommes considérables pour combler des besoins urgents, liés par exemple à la toxicomanie, qui n'existeraient peut-être pas si ces personnes vivaient dans un logement

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ENTREVUE stable, supervisé par une équipe clinique expérimentée, qui aideraient les gens à composer avec leurs problèmes. Il en coûte environ 55$ par jour pour une nuit passée en refuge. C'est beaucoup plus qu'un supplément au loyer qui permettrait à une personne, à partir de ses revenus d'aide ou de solidarité sociale, de vivre dans son propre appartement. Et nous croyons que bien des entreprises privées et plusieurs donateurs seraient plus disposés à donner de l'argent s'ils sentaient qu'on est dans une perspective d'enrayer le problème de l'itinérance et non de maintenir le statut quo.

nous avons maintenant assez d'outils pour diminuer sérieusement le nombre de personnes itinérantes d'ici 10 ans et, à terme, mettre fin presque complètement à l'itinérance. Mais pour ça, il faut d'abord poser un bon diagnostic et pouvoir suivre dans le temps les résultats des interventions qu'on fait. Malgré tous les efforts déployés, tout l'argent dépensé jusqu'à maintenant, on n'est pas en train d'enrayer le phénomène, on n'est pas sur une voie pour résoudre le problème, car il y a plus de gens dans les refuges. On sait qu'il y a un phénomène de société derrière ça, mais quand même, puisque nous ne sommes pas en train de régler le problème, ça vaudrait la peine d'essayer une autre approche, il me semble. Et pour ça, il faut analyser l'itinérance de façon complète, sérieuse et orienter les interventions en fonction des résultats.

Le gouvernement du Québec vient d'adopter un Plan d'action orienté vers l'approche dite Logement d'abord ou Housing First. Votre démarche s'inscrit donc dans cette orientation...

Vous croyez vraiment à une possible éradication de l'itinérance ?

Oui, mais je tiens à dire que personne dans notre équipe ne pense qu'il suffit de mettre les gens dans des logements, point. On est conscient que l'itinérance a différents visages, et elle demande des réponses diversifiées. On observe que les personnes en situation difficile qui se retrouve à la rue finissent par se faire un réseau, s'habitue, constate qu'un deuxième épisode en itinérance est un peu moins difficile que le premier, bref ce «mode de vie» s'enracine un peu. Alors que si dès le début, on avait des mesures pour rediriger ces personnes vers un autre mode de vie que celui de l'itinérance, qu'on les avait aidées à se trouver un logement stable, à retrouver un emploi, elles seraient moins nombreuses à connaître l'itinérance chronique. Mon équipe et moi pensons que

Ce n'est pas moi qui ai inventé ça ! À l'intérieur du Mouvement pour mettre fin à l'itinérance, dont je fais partie, nous faisons écho à des réflexions qui se sont tenues ailleurs au Canada, aux États-Unis et dans certains pays d'Europe. On se dit que dans des sociétés riches et développées comme les nôtres, on ne devrait pas tolérer qu'autant de personnes se retrouvent dans des situations de vie aussi précaires. Dans d'autres époques, des gens se sont dits que certaines conditions sociales n'étaient pas acceptables et qu'elles ne devraient pas être sanctionnées par l'État comme l'esclavage, par exemple. Les Anglais l'ont fait d'abord et les autres ont suivi. On n'est pas condamné comme société à ce que des gens vivent dans de telles conditions. Si on commence à définir de façon plus précise le problème de l'itinérance, on pourrait mieux orienter nos interventions et en suivre les résultats.

Que fera-t-on avec les données obtenues lors de l'enquête du 25 mars ?

C'est Convercité qui va jouer un rôle majeur dans la rédaction du rapport, mais en collaboration avec plusieurs partenaires, dont James Mc Gregor, l'un des chargés de projet, le YMCA et les trois grands refuges pour hommes.

Déroulement du recensement L'île de Montréal sera divisée en deux sous-territoires. Le premier, un territoire connu pour la présence de personnes itinérantes. Le second, un territoire qui n'est pas connu pour sa présence de personnes itinérantes. Des bénévoles vont aborder CHAQUE personne rencontrée cette nuit-là et lui demander si elle a un endroit où dormir. Si la réponse est non, le bénévole va demander à cette personne de répondre à un court questionnaire (historique d'itinérance, provenance, appartenance à une communauté autochtone, sexe, etc.).

Pour le second territoire, le même travail sera fait, mais par échantillonnage. Coût de l'enquête : environ 235 000 $

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Projet Chez Soi Le projet Chez Soi est un projet de recherche pancanadien sur l'itinérance et la santé mentale. Ce projet s'est déroulé entre juillet 2009 et le 31 mars 2013. L'étude visait à mieux comprendre les itinérants vivants avec des problèmes de santé mentale au Canada et à découvrir si l'accès à un logement et à des services de soutien favorise leur intégration dans la société et un retour à une vie plus satisfaisante. L'étude voulait chiffrer le coût de ce type d'intervention qu'on appelle Housing First (Logement d'abord). Le Projet Chez Soi s'est déroulé en même temps à Moncton, Montréal, Toronto, Winnipeg et Vancouver. À Montréal, les chercheurs ont suivi 276 personnes sans-abri pendant deux ans et ont comparé l'approche Logement d'abord aux services locaux habituels. Le rapport final indique qu'il est possible de loger à Montréal un grand nombre de personnes itinérantes ayant une maladie mentale dans des appartements subventionnés de leur choix. Leur stabilité résidentielle et leur qualité de vie se sont grandement accrues, cela à un coût minime pour la société.


Nous sommes Charlie Le monde a été secoué, bouleversé et choqué par les récents attentats survenus dans les locaux de Charlie Hebdo. Ces actes violents ont créé un véritable mouvement international de solidarité pour défendre la liberté d'expression. Ici même à Montréal, des milliers de personnes se sont senties interpellées et sont descendues dans la rue. Ce vaste mouvement s'est aussi fait sentir à L'Itinéraire alors que de nombreux camelots ont été profondément touchés et ont tenu à faire part de leurs impressions. PHOTOS : GOPESA PAQUETTE

JE SUIS CHARLIE JE SUIS CHARLIE?

S

uis-je Charlie? Je ne le suis probablement pas Ça prend des couilles Ça prend du cran Ça prend du courage Pour oser exprimer Ce que beaucoup pensent tout bas Je suis la guerre incessante Qui se passe entre mes 2 tempes Cette guerre-là a fait des millions de morts Emprisonné des milliards Empoisonné des bataillons Ensanglanté des galaxies entières Suis-je Charlie? Comment pourrais-je l'être? Je me sens comme un 11 septembre Qui regarde les deux avions s'écraser sur les deux tours

Suis-je Charlie? Je suis moi, un être pétri de contradictions, Un homme parfois débordé par l'émotion Quelqu'un qui voudrait que ça marche toujours à sa façon On t'a pleuré Charlie On a marché pour toi La liberté n'a pas de prix Pour celle-ci, vous étiez Hara-Kiri Cabu, Wolinski, Charb et tout le tremblement Reposez-en paix votre flambeau attend les suivants Reste cette interrogation sans réponse Saurons-nous en assumer les conséquences? NORMAN RICKERT Camelot métro Outremont et Édouard-Montpetit

J

e suis un Charlie québécois qui vend L'Itinéraire et qui exprime le fond de sa pensée. Je suis un survivant de l'itinérance. Alors que la mort plane encore sur Paris et qu'elle rôde sur toute la France, terreau de la démocratie et des droits de l'Homme où l'on a légiféré pour la liberté, l'égalité et la fraternité, je constate les dégâts. Douze personnes ont été assassinées de sang froid, avec des armes de guerre, simplement parce qu'elles exprimaient des idées, des opinions et des valeurs différentes à travers leur textes ou leur dessins. Douze personnes qui se sont malheureusement tues à jamais. Après le choc et les premiers pleurs, les proches des victimes de la liberté d'expression, une des valeurs fondamentales de la démocratie, prennent la parole dans les médias. La voix brisée et le cœur en miettes, ils témoignent avec dignité et par devoir. Parmi les victimes des islamistes radicaux, un homme, Bernard Maris, un économiste émérite qui passa sa vie à pourfendre les dérives du capitalisme et ses effets dévastateurs notamment dans les pays musulmans d'où proviennent les assassins ou leurs parents, généreusement accueillis en France. Toutes les victimes étaient, à leur façon, des ardents défenseurs des faibles et des sans voix. Quelle ironie! Quel gâchis! Je suis un survivant et un Français, je suis Charlie et un apostat. Aujourd'hui, j'ai un sérieux problème avec Mahomet et autres prophètes car l'Histoire de l'Humanité est marquée au fer rouge par les fanatismes religieux de tout acabit. On décapite, on mutile, on assassine en masse, on déporte et on dépossède, on humilie, on décime, on éradique au nom d'un prophète et d'une idéologie moyenâgeuse. Les assassins de Charlie Hebdo étaient sans visage, sans identité et sans humanité. Des barbares du 21e siècle. Ils sont voués à l'extinction à court terme. C'est mon plus vif souhait. De l'obscurantisme jaillit la lumière! GUY BOYER Camelot Saint-Denis/Duluth

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ENFANT MARTYR

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t-Cibole d'Hérode! Encore de la merde en 2015, comme si il n'y en avait pas eu assez en 2014! Encore une fois, une chose qui ne devrait jamais arriver, c'est d'enlever des vies à des gens qui ne méritaient pas de mourir pour des raisons qui ne tiennent pas debout. Dans ce cas-ci, ce sont des terroristes qui ont tué des gens d'un journal, sans pitié, pour une raison ridicule : le journal avait ri de leur prophète, Mahomet. Ici au Québec, durant le Bye-Bye annuel, des humoristes rient de nombreuses personnalités publiques, telles que Philippe Couillard, Pauline Marois et Lise Thibault, ancienne lieutenant-gouverneur du Québec. C'est comme si quelqu'un du Parti Libéral, par exemple, arrivait sur les plateaux du Bye-Bye, décidait de commettre des actes terroristes à Radio-Canada et tuait tout le monde. Imaginez un peu…C'est complètement scandaleux! Vous savez, chers lecteurs, chaque être humain a le droit d'avoir une liberté d'expression. Vous avez le droit d'aimer ou de ne pas aimer mon article. Vous avez le droit de me critiquer, de ne plus m'acheter la revue. Mais, moutarde noire, vous n'avez pas le droit de m'enlever la vie! Et non seulement vous enlèveriez ma vie, mais vous mettriez dans le deuil ma famille et mes amis qui ne me reverront jamais. L'acte commis à Charlie Hebdo est un acte scandaleux. On ne peut tuer ou punir des gens seulement parce qu'ils font des caricatures humoristiques, quelques blagues sans blesser, dans le but de faire rire. C'est inacceptable! Alors voici le mot d'ordre pour 2015 : SOLIDARITÉ! Imaginons-nous, tous ensemble, sur un bateau géant. Imaginons-nous partir en voyage vers la terre de l'amour, de la joie, de la prospérité, du partage et… du rire! Ha Ha Ha! Continuez à faire des blagues sans penser à vous tuer! MICHEL DUMONT Camelot métro Joliette et Villa-Maria

UN EN TOUS

N

ous sommes tous des Charlie, par le fait qu'on est Un en Tous, une communauté de liberté. Là réside notre vraie liberté, notre liberté qui interpelle toute la communauté. Nos communautés sont aujourd'hui beaucoup trop isolées dans le passé. En nous concertant, vers un besoin commun, inclusif, avec une stratégie globale, on pourrait se suggérer… la renaissance. Plutôt que d'attiser le feu, peut-on retourner à la table de la paix et parler du Nous inclusif ? Comme durant les années 70… Y revenir et Nous parler. Avec Notre voix, la voix de ceux qui sont Nous : à travers ceux qui se sont tus, tout comme Nous, écouterons la voix des Charlie du millénaire en marche. Une ère nouvelle s'annonce. Une tragédie nous a frappés de plein fouet, un porte-étendard nous apparaît. Une immense vague d'amour communautaire revit. Amenons l'État-providence vers sa vocation universelle : un projet communautaire unifié, la providence du portefeuille. Amenons l'État-providence vers la simplicité volontaire du coût zéro, nous apportant notre devenir. Nous retrouverons notre Liberté, notre savoir-faire, afin de renaître en s'offrant des services les uns aux autres. Par le fait même, nous cultiverons la vraie liberté. SYLVIO HÉBERT Camelot coin Berri/ Ste-Catherine

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SALUT CHARLIE

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n te l'avait déjà dit. Tu as continué avec tes caricatures, exagérant un peu sur leur culture, attaquant leur prophète. Charlie, il faut être prudent. Tu sais ce que cela veut dire : extrémiste. Cela veut dire «prêt à tout pour protéger sa culture, son prophète, sa religion.» Extrémiste veut aussi dire qu'ils n'ont pas peur de mourir, ils sont prêts à se mettre devant un projectile pour donner leur vie à leur idéal. Mais oui Charlie, c'est comme ça. Paris, vous savez que ça ne va pas bien sur la planète. Vous avez provoqué, et cela va continuer. On vous a d'ailleurs déjà avisé qu'il fallait les prendre au sérieux. Je lisais dans un journal que les djihadistes recrutent des Occidentaux pour continuer. Bonne chance Charlie. Barre tes portes. JACQUES ÉLYZÉ Camelot au Théâtre du Nouveau Monde

NON À LA VIOLENCE

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onjour chers lecteurs et lectrices de L'Itinéraire, J'écris quelques mots pour parler de Charlie Hebdo et de ses journalistes lâchement assassinés sur leur lieu de travail. J'aimerais prendre le temps de souhaiter mes plus sincères condoléances aux familles... Je dois dire que toute cette histoire me glace le sang. Je suis installé devant l'ordinateur, dans la salle de rédaction de L'Itinéraire, je m'apprête à écrire ce texte, et j'imagine ces fous armés entrer dans la salle en nous tirant dessus parce qu'on a publié quelque chose qu'ils n'aiment pas. Juste à y penser, je frémis et je me dis : « Non, à votre violence, vous n'arriverez jamais à avoir ma sympathie.» Non, je ne suis pas raciste. Je suis juste allergique à la violence, surtout quand elle est utilisée pour faire passer un message. Mais j'aurais un message à transmettre aux islamistes. Agissez pacifiquement, comme Martin Luther King ou Gandhi, et je vous appuierai peut-être dans vos revendications, si elles sont sensées bien sûr! Cessez d'essayer d'obtenir la bombe atomique au Pakistan. Cessez de massacrer des communautés africaines entières, comme au Nigeria ou en Somalie. Cessez de tuer des écoliers et des écolières pour faire passer votre message. Expliquez vos revendications de la bonne façon : pacifiquement ! Marchez plutôt comme Gandhi ou Martin Luther King, et vous risquez de vous attirer un peu plus de sympathie, et susciter beaucoup moins la colère et l'indignation. Vive la démocratie, vive la liberté d'expression, vive le journalisme, vive Charlie Hebdo. Longue vie aux lecteurs et aux journalistes. GUY THIBEAULT Camelot métro Montmorency et Avenue Mont-Royal

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Clients, amis, confidents Un lien particulier unit les lecteurs et les camelots de L'Itinéraire qui sont toujours fidèles à leur poste été comme hiver. Dans le cadre de la semaine internationale des camelots qui se déroule du 2 au 8 février 2015, nous sommes partis à la rencontre de ces clients qui font une différence dans la vie des camelots, en achetant le magazine, mais aussi en prenant le temps de leur parler ne serait-ce qu'un instant. TEXTES ET PHOTOS : GOPESA PAQUETTE

Gisèle Nadeau

Point de vente : métro D’Iberville

Gisèle est connue pour sa douceur mêlée à une ténacité étonnante qui lui a permis de développer une solide clientèle. Lorsqu’elle est arrivée à son point de vente, il y a quelques années, elle a trimé dur pour faire connaître le magazine. Avec son mari Réal Lambert, elle forme un des vieux couples de camelots de L’Itinéraire!

Soumaya Boukhalfa Enseignante en adaptation scolaire

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'achète le magazine pour appuyer Gisèle. Ça me préoccupe qu'il y ait des itinérants à Montréal et je fais ce que je peux pour les aider. Je ne l'achète pas tout le temps et ça ne fait pas très longtemps que j'habite le quartier. Quand je la vois, ça me fait plaisir de le faire. Elle a l'air d'une bonne personne qui essaie de faire quelque chose pour s'en sortir. C'est important d'aider les autres et s'il y a des personnes qui se retrouvent à la rue ou qui ont besoin d'aide, c'est important de poser un geste concret pour améliorer les choses.

Sébastien Doucet

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Étudiant et commis à la SAQ

'encourage tout simplement parce que je trouve que c'est une bonne cause qui me tient à cœur. Je l'achète à Gisèle depuis que je suis arrivé à Montréal cet été et que je prends le transport en commun. Depuis, j'ai acheté chacun des magazines et j'essaie d'être un client fidèle. Je la trouve vraiment sympathique, très gentille. Sérieusement, c'est un magazine qui vaut vraiment la peine d'être acheté. Il y a des articles vraiment intéressants et c'est juste trois dollars. Une vraie aubaine, pour une bonne cause!

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SEMAINE INTERNATIONALE DES CAMELOTS

Israël Desrosiers Enseignant en littérature au Collège Lionel-Groulx

J

e connais L'Itinéraire depuis longtemps et j'aime sa vocation sociale. J‘aime aussi que ce soit une porte d'entrée pour de jeunes journalistes qui y font leur stage. Ça leur permet de voir un autre type de journalisme que celui des médias traditionnels. Ce magazine a vraiment sa raison d'être. J'habite le quartier, alors je l'achète de Gisèle chaque fois que j'en ai la chance. Depuis que je travaille à l'extérieur, je prends moins les transports en commun, alors j'achète surtout la première édition du mois. Gisèle est toujours fidèle à son poste, elle est tenace et dévouée. Il y a toujours un sourire sur son visage et elle sait établir un bon contact avec les gens. J'espère que L'Itinéraire saura garder son succès malgré les grands changements dans le milieu des médias avec les bouleversements causés par internet. C'est important d'avoir une publication comme celle-là et que les gens continuent à l'appuyer. C'est un des rares médias à s'intéresser aux conséquences concrètes des choix politiques. Là on parle d'austérité, mais ça fait longtemps que L'Itinéraire montre les impacts des décisions gouvernementales sur  « le vrai monde. »

Étudiante en adaptation scolaire à l'Université de Montréal

J

e trouve que c'est un excellent moyen pour sortir de l'itinérance ou de l'isolement. J'essaie de soutenir ce genre d'initiatives. Trois dollars ce n'est pas grandchose pour moi. Au lieu de prendre un café le matin, j'aime mieux acheter la revue, ce qui a beaucoup plus de sens que mon petit plaisir. Gisèle est très gentille, très douce et très attentionnée. Ça arrive parfois que je ne puisse pas acheter la revue et elle en garde une copie pour moi. C'est ça qui s'est passé aujourd'hui : je lui en ai acheté deux d'un coup. Elle se souvient de moi et on dirait qu'à chaque rencontre, on ne fait que poursuivre notre conversation laissée en suspens. J'aime beaucoup lire ce qu'elle et son mari écrivent, ça alimente nos conversations. Je lis souvent des articles dans d'autres journaux, mais rencontrer l'auteur ça permet un contact direct. L'Itinéraire c'est d'abord une belle initiative. Nous avons beaucoup de préjugés, qui sont alimentés par une crainte, une certaine peur de ce qu'on ne connaît pas. Alors, n'hésitez pas à approcher les camelots, vous allez voir que ce sont de bonnes personnes et ils vendent une bonne revue abordable.

Julie Nguyen

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Lorraine Sylvain

Point de vente : métro Peel

Lorraine est arrivée à L’Itinéraire à l’automne 2013. Avec une persévérance et une sincérité qui lui font honneur, elle est rapidement parvenue à se créer une clientèle. Même s’il y a beaucoup de passants à son point de vente, son sourire fait en sorte qu’on la remarque dans la marée humaine.

Marie-France Adjointe administrative compagnie gestion immobilière

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'ai commencé à l'acheter par un pur hasard cet été. Je me suis dit : «Tiens, je vais regarder c'est quoi cette revue». Depuis, je l'achète à chaque publication parce que je trouve qu'il y a vraiment de bons articles, c'est très intéressant. Lorraine est tout le temps souriante. Depuis notre première rencontre, une complicité s'est développée entre nous. On s'est découvert des affinités, on vient de la même région. Avant les fêtes, je lui ai demandé s'il y avait quelque chose que je pouvais faire pour elle. Je lui ai apporté des choses que j'avais en surplus chez moi comme des draps. Je tiens à dire à tout le monde qu'ils doivent acheter L'Itinéraire. Ils seront étonnés de voir la qualité des articles qu'il y a là-dedans. C'est vraiment intéressant, j'ai appris plein de choses.

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Préposée au ménage dans un hôtel

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'achète le magazine de temps en temps. Je le trouve très intéressant. Il traite de la vie quotidienne et c'est important. Le magazine parle de la vie de tout le monde et nous apprend un peu comment contribuer à une meilleure vie commune. À Montréal, il y a des gens de partout dans le monde et la solidarité, l'éducation et l'amour pour les autres portés par L'Itinéraire sont importants. Lorraine est très constante et je l'admire de travailler ici avec le froid et tous les gens qui passent dont seulement une minorité va accepter de lui parler. Le travail de vendeuse c'est très difficile et le faire ici ce l'est encore plus. J'aimerais que les gens continuent à travailler avec constance et amour pour changer les choses.

Virginia Villarreal


SEMAINE INTERNATIONALE DES CAMELOTS

Sylvie Comeau

Analyste en systèmes informatiques

J

'achète L'Itinéraire parce que je trouve ça sympathique et c'est une belle façon d'aider les gens et de les rendre responsables de leur bien-être. C'est rare que je manque un numéro depuis que Lorraine est là. J'admire son dévouement et le fait qu'elle soit là tous les jours. Ce qu'elle fait n'est pas facile. J'apprécie tout simplement qui elle est. Dans le temps des fêtes, j'ai acheté des numéros supplémentaires et je les ai distribués au bureau, pour que mes collègues en prennent conscience. En plus, c'était un numéro populaire avec P.K. Subban sur la couverture, alors ça a piqué la curiosité. L'Itinéraire est une voix à écouter. Je ne suis pas toujours d'accord et même des fois le poil me lève sur les bras, mais c'est important d'avoir d'autres points de vue, d'autres opinions.

Changeur de la STM

J Claude Allard

e lis L'Itinéraire à chaque parution. J'ai commencé graduellement depuis que Lorraine est à ce point de vente. Je l'achète pour encourager les camelots et pour les articles qui ne ce sont pas du genre Journal de Montréal. C'est pour ça et surtout pour encourager les gens qui veulent s'en sortir. J'aime le côté jovial de Lorraine. Elle est toujours souriante. On se parle souvent pour partager ce qu'on vit avec les clients ou lors de moments un peu moins comiques. On travaille pas mal au même endroit, alors on se comprend sur plusieurs points. Je trouve que les gens devraient s'impliquer un peu plus et prendre le temps de lire L'Itinéraire. Aujourd'hui, tout le monde court et ils ne sont pas au fait des petits problèmes réels de la vie de tous les jours. Je vais continuer à l'acheter tant que je serai ici.

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Richard Touzin

Point de vente : métro Place-des-Arts

Richard est un vieil habitué de L’Itinéraire. Depuis ses débuts comme camelot, il a toujours été fidèle à son poste au métro Place-des-Arts. Avec les années, il fait presque partie du décor et sa clientèle apprécie sa bonne humeur et sa candeur.

Réceptionniste dans une clinique médicale

J

Ginette Blais

e suis sensible à la cause des sans-abri en général et à celle des jeunes de la rue en particulier. Je trouve important d'aider ceux qui essaient de s'en sortir. Je passe ici tous les jours et j'achète le magazine à chaque numéro. Richard est magnifique, c'est Monsieur sourire. Il est toujours en train de faire des farces. Il est fidèle au poste en plus. Je pense que c'est un bon vivant. Je trouve ça le fun. Je le vois heureux et ça fait du bien. J'invite les autres lecteurs à continuer d'être fidèles à leur camelot.

Jean-Pierre

Conseiller en budget pour une grande entreprise québécoise

Ç

a fait un an que j'achète L'Itinéraire pour encourager des gens que je trouve admirables pour avoir changé leur vie. Je veux les aider à avoir une deuxième chance. Avec le magazine, je découvre aussi ceux qui sont de l'autre côté de la clôture, ceux qui n'ont pas été choyés. On ne s'imagine pas à quel point il y a des démunis dans notre société. Avec les politiques d'austérité qui sont appliquées, je pense qu'il faut cibler correctement pour ne pas affecter encore plus les démunis et les organismes qui les aident. Richard est un bonhomme sympathique et c'est un plaisir de l'encourager. J'admire sa ténacité au travail. Il est là le matin tôt et même quand je finis tard, il m'arrive de le voir à son poste. Il démontre très bien qu'il est un gars travaillant qui veut se reprendre en main. Il a réintégré la société d'une belle façon.

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SEMAINE INTERNATIONALE DES CAMELOTS

Robert Tremblay

Ç

Messager

a fait quelques années que je connais Richard et que je lui achète le magazine. Je me promène beaucoup à travers la ville pour mon travail et je passe par ici chaque jour. Quand on se voit, on prend toujours le temps de discuter. Là, je suis devenu veuf en fin de semaine et je prends le temps de m'arrêter pour en parler un peu avec lui. Il est toujours de bonne humeur. Il est égal, comme on dit. Son signe astrologique c'est le lion et le lion est un signe stable. J‘aime L'Itinéraire pour son contenu social, politique et même économique. J'invite les gens à le lire s'il l'aime, à ne pas le lire s'il ne l'aime pas. Soyez libres.

Louise

À

Analyste à Revenu Québec

chaque parution, j'encourage Richard et c'est important pour moi. Je trouve que c'est un bon magazine et en plus, ça assure un salaire au camelot. Ça fait plusieurs années que je le connais. Il est sur son point de vente tous les jours avec son grand sourire. Il est sympathique et a toujours quelque chose d'intéressant à dire que ce soit en personne ou dans les articles qu'il écrit. Je trouve qu'il parle de la vraie vie. Il est une personne vraie. J'appelle tout le monde à encourager les camelots de L'Itinéraire.

Patrick

Développeur informatique

J

e trouve que les camelots font un bon travail et c'est pour ça que j'achète le magazine. Ils font quelque chose pour s'en sortir. Ce n'est pas évident de rester debout pendant des heures comme ils le font. Ça fait longtemps que je passe par ici pour me rendre au travail et je le voyais toujours fidèle à son poste. Un jour, j'ai décidé de commencer à l'encourager. Maintenant, je suis un client régulier. Richard prend toujours le temps pour dire un petit mot et de reconnaître qui on est. Il est important de penser à ceux qui ont moins d'argent ou de possibilités et de les aider quand on peut se le permettre. C'est vraiment pour ça que j'achète L'Itinéraire; c'est pour aider Richard. C'est ma mère qui le lit et elle l'aime beaucoup. Ça la rend heureuse. Alors tant mieux.

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Pour Nathan PAR MÉLANIE LOISEL PHOTOS : GOPESA PAQUETTE

À

lui seul, Nathan faisait tout un vacarme avec son marteau et ses tournevis en plastique en ce matin de janvier. Un petit coup sur la table par-ci, un autre sur la chaise par-là, l'apprenti ouvrier avait décidé de réparer le mobilier du café de L'Itinéraire qui, soit dit en passant, aurait réellement besoin d'être rénové. Pendant qu'il déjeunait, son père Yanick Larouche gardait un œil bien vigilant sur lui. Il sait que son garçon de 6 ans ne tient pas en place deux secondes. « Il a beaucoup d'énergie », dit-il simplement avec un sourire en coin. À vrai dire, Nathan souffre d'un déficit d'attention qui le rend très agité et souvent, turbulent. « Il va dans une école spécialisée, mais très souvent, on nous appelle pour aller le chercher pendant la journée, parce qu'il a tendance à beaucoup frapper et ce n'est pas facile quand on est parent », confie-t-il.

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Séparé depuis quelques années, Yanick raconte qu'il a dû réorganiser sa vie pour pouvoir obtenir la garde de Nathan une semaine sur deux. Pendant longtemps, ce fier bleuet d'Alma gagnait principalement sa vie à réparer des enseignes lumineuses. Mais peu de temps après la naissance de son fils, il a perdu son emploi et s'est retrouvé sur le chômage. Malgré ses recherches, il n'est jamais parvenu à trouver un emploi assez flexible pour pouvoir prendre soin de son enfant. « Pour moi, c'était important de m'occuper de mon gars. Mon père ne s'occupait pas de nous. Il n'y avait que le travail qui comptait pour lui, alors je ne voulais pas faire la même chose », indique-t-il.   Bien malgré lui, Yanick s'est rapidement retrouvé acculé


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au pied du mur. Sans emploi, il a dû recourir à l'aide sociale pour continuer de subvenir à ses besoins et ceux de Nathan. « Mais c'est loin d'être suffisant. Je voulais quand même me trouver quelque chose pour me faire un peu d'argent tout en étant capable de me libérer quand on m'appelle pour aller chercher mon gars. » Il y a deux ans, ce père de 42 ans a donc cogné à la porte de L'Itinéraire pour devenir camelot. Un métier qui lui donne toute la latitude dont il a besoin. Lorsque Nathan est chez lui, Yanick vend le magazine au métro Beaubien de 8h15 à 14h30 pendant que le petit est à l'école. La semaine où il est seul, il s'y rend plutôt dès 7h et repart parfois à 19h. « Avec l'argent du magazine, j'ai pu inscrire

mon gars à un cours de natation. Ça permet au moins de lui payer des petits plus », dit-il. Comme tout bon papa, Yanick tient à ce que son garçon ne manque de rien et puisse obtenir les services spéciaux dont il a besoin. « Ce qui est bon à L'Itinéraire, c'est qu'il y a aussi des intervenants qui sont là quand on est dans une impasse et qu'il est possible d'avoir aussi de l'aide alimentaire », mentionne-t-il. À son âge, Nathan est loin de réaliser tous les sacrifices que son père fait pour lui. Avec la belle neige qui venait de tomber, il n'avait qu'une idée en tête : sortir dehors s'amuser. Alors Yanick l'a chaudement emmitouflé pour lui permettre d'aller jouer et sûrement aussi, pour le fatiguer un peu. «Ce n'est pas toujours facile ni évident d'être camelot et de s'occuper d'un enfant, mais je ferais tout pour Nathan. »

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Camelots du monde Dans plus d'une quarantaine de pays du monde, des camelots se lèvent chaque jour pour aller vendre leur publication dans la rue. Du Japon à la Colombie en passant par le Mozambique et la Suisse, ils sont 14 000 camelots à travailler pour 123 journaux de rue, publiant dans 23 langues, au grand plaisir de 6 millions de lecteurs. La première semaine de février a été consacrée Semaine internationale des camelots par la principale organisation appuyant le développement des journaux de rue, l'Association internationale des journaux de rue (INSP). Voici les portraits de quatre camelots qui chacun à leur manière font du mouvement des journaux de rue une réelle innovation dans la lutte à l'itinérance.

Murry Mills Journal de rue : StreetWise Ville : Chicago, États-Unis Je suis devenu itinérant quand mon appartement a brûlé. J'étais déjà dehors tout le temps à vendre de la drogue, alors je suis simplement passé dans la rue à temps plein. J'ai rencontré les camelots de Streetwise à l'église. Je les regardais, toujours le sourire aux lèvres, compter leur argent et leurs magazines. Je n'avais aucune idée de ce qu'ils faisaient, mais je voulais en faire partie. Avec le magazine, j'ai vraiment appris à gérer une petite franchise. Je ne suis pas seulement un travailleur autonome, il y a toute une équipe derrière ce magazine et nous travaillons tous ensemble. C'est ce qui rend tout ça possible. Je pense souvent à mes enfants. Mes deux grands garçons sont sportifs, le plus vieux fait des études de génie et joue au football pour l'équipe universitaire. Ma plus jeune a 12 ans et habite avec sa mère et moi. Elle veut devenir vétérinaire. Je suis tellement fier d'eux et je leur répète tout le temps de ne pas toucher à la drogue. Avant de commencer à vendre Streetwise, j'avais travaillé comme opérateur de machinerie, mais l'entreprise a fermé. En ce moment, je fais les démarches nécessaires pour nettoyer mon dossier judiciaire et être en mesure de recommencer à me chercher du travail. Mon but est tout simplement d'améliorer mon sort. Mon mantra : reste positif et honorable avec toi-même, ta famille et ceux qui t'entourent.

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PHOTO : FÉLIX BUSSO

J'ai connu le magazine lorsque j'ai accompagné un ami pour un des ateliers d'art de Hecho en Buenos Aires. Ça faisait un bon moment que je n'avais pas travaillé à cause de problèmes de santé. Je travaillais dans un atelier de couture où je passais beaucoup de temps assis. J'adore ce que je fais maintenant. La rue est charmante, les gens viennent toujours me parler sur mon point de vente. J'essaie de rester digne en ne faisant jamais sentir aux gens l'obligation d'acheter le magazine. Mais c'est toujours gratifiant quand je me fais un nouveau client qui a pu être charmé par une parole ou juste par ma présence. Certains achètent le magazine pour aider la cause, d'autres parce qu'ils sont intéressés par le sujet du moment. Il y a toujours un comique qui te dit que ça coûte trop cher, mais les 15 pesos que je reçois pour chaque copie vendue couvrent à peine deux petites bouteilles de lait. Je crois que le contenu est de très bonne qualité et que c'est une lecture idéale pour l'heure du lunch. Ma vie a vraiment changé depuis que je m'implique dans le magazine. J'ai commencé à gérer une partie de mon argent, ce qui m'aide à régler plusieurs choses laissées en suspens. Ça me donne aussi plus de liberté. Je rêve d'avoir ma propre maison, un endroit où relaxer à la fin de la journée. Je suis célibataire, mais j'aimerais aussi fonder une famille. Tout arrivera en temps et lieu.

PHOTO: STREETWISE

Horacio Journal de rue : Hecho en Buenos Aires Ville : Buenos Aires, Argentine


SEMAINE INTERNATIONALE DES CAMELOTS Emma Folan Journal de rue : The Big Issue in the North Ville : Liverpool, Royaume-Uni Contrairement à ce que les gens peuvent penser, ce ne sont pas tous les camelots qui ont souffert de dépendances aux drogues ou à l'alcool. Tout le monde peut connaître des revers dans la vie et The Big Issue in the North aide bien les gens vulnérables. C'est mon ami camelot qui m'a fait connaître le magazine et ç'a changé ma vie. J'ai eu une enfance difficile et beaucoup de problèmes d'apprentissage à l'école. Enfant, j'ai même dû aller dans une école spécialisée que j'ai beaucoup aimée. C'étaient les meilleurs moments de ma vie. En sortant de l'école, j'ai travaillé comme aide-soignante, mais mon mari était violent et ça m'a gravement affectée psychiquement. Lorsque je l'ai quitté, j'ai vécu dans des refuges. Après 16 ans d'attente, j'ai finalement pu avoir un suivi psychiatrique et depuis, je m'implique dans des groupes artistiques en théâtre, en écriture et en dessin. Vendre le magazine m'aide beaucoup. Ça me donne une raison de sortir de mon lit, sans quoi je passerais mes journées à me morfondre chez moi. C'est une vraie bouée de sauvetage pour moi. J'essaie de ne pas être trop agressive lorsque je vends. C'est important d'être polie et de souhaiter une bonne journée aux gens. Mes clients réguliers me demandent toujours des nouvelles, surtout s'ils ne m'ont pas vue depuis quelques jours. On rigole bien ensemble. Je tiens à dire à tous ceux qui sont dans la rue que si j'ai réussi à remettre ma vie sur le bon chemin, tout le monde peut le faire.

PHOTO : FRANCE BARETT

PHOTO: FRANCES BARRETT

Beiene Berhane Journal de rue : Surprise Ville : Zurich, Suisse Je suis le premier Africain à travailler pour Surprise. J'en suis fier. Quand j'ai commencé, j'avais honte de le vendre dans la rue. Je viens de l'Érythrée et là-bas, ce sont seulement les gens pauvres qui vendent dans la rue. Être vendeur de rue n'est pas bien vu. Mais ça m'a motivé quand j'ai vu à quel point les Suisses travaillent fort, peu importe l'emploi qu'ils ont. Aujourd'hui je suis très heureux de mon travail et c'est même devenu une sorte de thérapie. Ça m'évite de rester seul à la maison, de bouder ou de penser à mon pays natal en me demandant comment va tout le monde. Lorsque je vends, j'essaie toujours d'échanger quelques paroles avec les clients, même si je ne parle qu'un peu l'allemand. On trouve toujours une manière de se faire comprendre. Beaucoup de gens ici parlent l'italien et c'est une chance que je sois allé à une école italienne pendant mon enfance. Mais si j'apprenais plus l'allemand, ça m'aiderait pour discuter avec mes amis. Mon pays a été en guerre pendant 30 ans et les problèmes n'ont pas disparu avec la fin des combats. Je suis arrivé en Suisse en 2002 en demandant l'asile politique. J'ai encore des souvenirs douloureux de mon départ. Je n'ai presque plus de contact avec ma famille. Lorsque je ne travaille pas, je profite du réseau ferroviaire pour visiter le pays. La Suisse est tellement belle, les montagnes sont de vrais tableaux! Les dimanches, j'assiste à la messe dans une église italienne.

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L'amour, toujours l'amour Que ce soit un sentiment, un état d'âme ou une simple façon de voir la vie, nous avons tous une vision de l'amour qui nous est propre. En ce mois de février qui annonce la Saint-Valentin, nos camelots nous révèlent leur concept de l'amour et ce qui fait battre leur cœur. ILLUSTRATION : LOUIS-PHILIPPE POULIOT

L'amour en trois étapes

L'épanouissement

L'amour c'est lorsqu'on se sent bien avec quelqu'un qui te fait sourire et avec qui tu peux avoir des affinités. Lorsqu'on rencontre une personne, on ne peut pas tout de suite dire si on l'aime à moins que ce soit un coup de foudre. Je dirais que l'amour commence dans la tête pour ensuite se diriger dans le cœur et finalement dans le corps. Moi, en amour, je suis authentique et je n'ai pas d'arrière-pensées. J'ai un cœur pur! Je suis célibataire et ce n'est pas parce que je veux rester seule, mais je recherche une personne bien et honnête. MANON FORTIER Camelot Village Champlain

L'osmose

L'amour c'est l'osmose! Autant sur le plan des idées où nous pouvons être sur la même longueur d'onde que sur le plan physique. En amour, nous n'avons pas d'inquiétude. J'ai la sainte paix et je ne me préoccupe pas de l'affection que je n'aurai pas. L'amour universel règlerait bien des problèmes sur la terre. GUY BOYER Camelot St-Denis/ Duluth

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L'amour c'est de se réaliser complètement en la présence de l'autre. Il s'agit de s'épanouir dans ses projets d'affaires, ses loisirs, sa vie familiale. Quand on est en amour, on se sent comme si on pouvait accomplir des choses surhumaines. FRANÇOIS GAUTHIER Programme P.A.S.S. de L'Itinéraire

La légèreté

L'amour c'est de dire à quelqu'un : c'est toi l'amour! C'est le moment de célébrer et de fêter un évènement magique. C'est un sentiment qu'on ne peut décrire que soi-même. Amoureux, on se sent léger, tout nous semble plus facile, accessible, avec une grande force intérieure. CYBELLE PILON Camelot St-Hubert/ St-Zotique


La sérénité

L'amour c'est quand tu es fasciné par toute la beauté de la création : un coucher de soleil, une fleur qui s'épanouit. Amoureux, je me sens en paix avec moi-même, car en fait l'amour c'est à l'intérieur de soi. Tu cherches chez les autres ce que tu as à l'intérieur. Être en amour, c'est donc être en paix avec soi-même.

La simplicité

Je crois que l'amour c'est avant tout de savoir apprécier les gens en les respectant et en les écoutant. Je ne veux pas donner d'exemples, mais je peux dire que j'ai toujours aimé mon garçon qui est aujourd'hui âgé de 33 ans. L'amour parental, c'est aussi de l'amour.

TUAN TRIEU-HUANG Camelot métro Henri-Bourassa

JEAN-PIERRE MÉNARD Camelot Saint-Zotique/ St-André

Mais où sont les dix?

L'amour je l'ai connu et je l'ai perdu. Après cinq ans, mon père me disait une de perdue et dix de retrouvées, mais ça fait longtemps en titi que j'attends après les 10 hahaha! J'espère rencontrer une femme bien qui m'acceptera comme je suis et pas une histoire d'un soir. Avis aux intéressées  BENOÎT CHARTIER Camelot IGA place Bercy

La découverte

L'amour comme raison

L'amour pour moi c'est l'ardeur de vivre, le combustible qui permet de continuer à avancer. En fait, nous sommes mêmes en amour avant notre création déjà dans le rêve de nos parents et ce jusqu'à notre décès. Selon où nous sommes rendus dans nos démarches, l'amour nous fait ressentir des choses différentes. Il est le cadeau de la vie qui compense pour la vieillesse. À chaque fois, l'amour est toujours plus beau. LORRAINE SYLVAIN Camelot métro Peel

L'amour… L'amour c'est le désir d'explorer la personne et la connaître davantage. Que le temps passe vite en compagnie de la personne qu'on aime. Attention! Plus l'amour est grand plus il risque de faire mal. L'amour c'est aussi de rendre service aux autres. L'altruisme, par exemple, est une forme d'amour gratuit. MARIO REYES Camelot coin Beaubien et De Lorimier

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MOT DE CAMELOT Au cinéma, pour vous L'autre jour, un mardi, ma deuxième journée de congé, en compagnie de ma copine Monique, je suis allé visionner le tout dernier film de Denys Arcand qui s'intitule Le Règne de la beauté. L'histoire raconte le quotidien de jeunes amis. J'admets que le déroulement du film m'a laissé totalement indifférent, sauf qu'il y a un aspect qui m'a dérangé et me dérange encore, c'est l'infidélité du personnage principal. Lors d'un voyage d'affaires à Londres, il a une aventure avec son associée, sachant très bien que sa fiancée l'attend à Montréal. Non vraiment, je ne marche pas dans ce jeu. Pour moi, l'amour égale fidélité et respect. Ayant vécu l'infidélité dans ma vie, je ne peux accepter cette attitude dans une vie de couple, car mon père a toujours trompé ma mère et moi-même, j'ai vécu la même situation avec mon ex. C'est pourquoi j'aime mieux vivre seul que mal accompagné.

Dans les bras d'un ange Je n'étais jamais allé dans un sauna, j'avais peur de ça. Je suis à Montréal, Parce que je n'ai pas l'amour pour atteindre le ciel. J'attendais quelqu'un qui me prendrait dans ses bras. J'eus des séquelles amoureuses à compter de ce soir-là. Je pensais que tous les gays avaient un cœur de bois. Tu as mis fin à ce sapin superficiel en moi. Cher ami, tiens ma main, je vais tomber du ciel. Dans les couloirs noirs de l'autre endroit artificiel sexuel visité que j'ai comparé, Ciel! Peur d'être blessé, j'allais ne pas coucher avec toi cette nuit-là. Providence-hasardeuse, l'innocence préservée. Je tiens trop à te revoir toi, et la beauté de mon amour l'avait emporté sur mon visage et mon body. Merci à Dieu alors. Donne-moi Seigneur l'amour, j'eus le live love ciel ce soir-là! J'avais l'idéal, it's certainly. J'attends ton retour, friendly! Reviens, je suis un jésus humain triste divine déité. Et je vais mourir pour ce que je fais. Straight love one night not sexually. J'ai de la peine… Je ne veux plus souffrir de perdre l'être aimé. Je suis toujours dans ma tête, vautour de mes affectifs tourments, en train de laisser mes veines penser à demain, jamais au présent. J'ai la fight life en ces durs moments. Je dois te quitter, juste pour me respecter, pour ne pas avoir le kniffe. Souffrir. Que cela me manque d'être réconforté, au revoir cher ami! Tu m'avais redonné le sourire.

SERGE TRUDEL Camelot devant le marché Métro à l'angle de Sainte-Catherine et Morgan. YANNICK LEBLANC Camelot inactif

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CHEMIN FAISANT

Vivre ou mourir? PAR PIERRETTE | Chroniqueuse de rue

À

L'Itinéraire, j'ai su que certains camelots récemment décédés s'étaient suicidés. Je ne connais pas les motifs qui les ont amenés à poser ce geste, ils peuvent varier selon l'individu, mais il y a derrière cela une souffrance qu'ils ont perçue comme insoluble. Bien que je n'aie jamais fait de tentative de suicide, j'y ai pensé souvent. Par moment, je me sens comme l'équilibriste sur son fil, qui pourrait basculer dans la mort. Il y a une accumulation de raisons qui m'amènent à cela. La déception d'être rendue à un âge vénérable et de me sentir en échec sur toute la ligne malgré le combat d'une vie. Le fait de toujours avoir été la fille correcte qui va en ligne droite, pas d'alcool, de drogue ou de délinquance pour geler mes souffrances. Venir d'un milieu où, dès la naissance, j'ai dû me battre pour survivre à cause de violences, d'abus, de négligences, de rejet, de la part de mes parents. Malgré mes efforts et les sacrifices pour sortir de ce monde dysfonctionnel, mon passé m'a rattrapée. Il a disqualifié mon intelligence, ma force et mes espoirs. Cela ne s'est pas produit d'un coup. Plus jeune, j'étais optimiste, je pensais réussir à avoir une vie différente. Mais au fil du temps, j'ai vu tous mes efforts partir en fumée. Toutes les choses auxquelles je m'étais raccrochée sont tombées. C'est comme si le plancher sous mes pieds s'écroulait. Je ne me sens pas vivre, mais seulement être en état de survie. Financièrement, je suis toujours très en deçà du seuil de pauvreté. J'habite une minuscule piaule que je n'ai aucune certitude d'avoir encore demain. Ce sont des choses qui apportent du stress. La moindre tuile qui me tombe dessus est de trop. Par exemple, pour des raisons hors de mon contrôle, j'ai dû changer de point de vente du journal, ça m'a donné un coup. Je vivais d'autres choses difficiles et je me suis trouvée folle de me battre parce je sentais que ma vie n'en valait pas la peine. En plus, j'ai un problème de santé qui est apparu et qui va prendre beaucoup de temps à guérir. Je ne peux compter sur personne d'autre que moi-même. Ça m'inquiète que mon corps me laisse tomber. J'ai une grande soif de vivre et je ne récolte pas les fruits de mon labeur et de mes efforts. Je suis un puits sans fond affectif dû au trop grand manque d'amour. Diverses pensées m'habitent. Je me sens inutile, j'ai l'im-

pression que ma disparition ne dérangerait personne, je ne me sens intégrée nulle part. Les pilules prescrites pour ma santé psychologique peuvent aider certains, alors que pour moi, cela n'a aucun effet. Ce texte exprime ma souffrance. Certains jours je suis complètement vidée et je déprime. Ce que vous pouvez m'apporter est d'abord une écoute sans juger et un peu d'affection. Je continue même si je trouve que le chemin est très ardu. Ce texte décrit la douleur que d'autres personnes peuvent aussi vivre. C'est pourquoi certains vont en venir au suicide. L'aide que vous pouvez leur donner peut faire une différence, mais elle a aussi ses limites. En ce qui me concerne, je veux dire que l'appui de mes clientes et clients me touche profondément. Je vous invite à réfléchir sur ce sujet et à m'en reparler, car se taire n'empêche en rien cette réalité d'exister. Cette problématique est complexe. Elle ne peut pas s'expliquer par les deux mots, lâcheté ou courage, que certains lui accolent. C'est choisir d'arrêter de souffrir et combien d'autres explications émotives peuvent être en lien avec ce geste... C'est une grande et grave question.

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MOT DE CAMELOT Chers valentins, chères valentines

L'amour et l'hiver dans la rue

Voici le grand jour où tous les cœurs en chaleur se réunissent un peu plus près les uns des autres! Voici quelques idées qui permettront à ce jour d'être un beau jour d'amour.

Comment trouver l'amour par des températures glaciales lorsque vous êtes dans la rue? Il est important d'avoir pleinement confiance en la personne que vous voulez aborder. Ainsi, vous saurez que vous êtes en sécurité intérieurement et extérieurement.

• Des cartes de souhaits simples ou avec un petit quelque chose de spécial s'il y a lieu. • Un souper intime soit à la maison ou au restaurant, à la chandelle avec musique de fond romantique. • Une soirée-cinéma en regardant un bon film au choix des amoureux collés-collés. • Une soirée de musique et de danse au sous-sol de la maison ou dans une salle de réception, accompagnée d'un DJ, d'un orchestre ou encore un groupe de musiciens, le tout selon le choix et le style de musique des amoureux. • Des activités extérieures et romantiques comme le patin, un tour de traîneau à chiens ou de calèche, de la raquette, du ski de randonnée ou simplement une balade dans les bois à pied ou dans les Laurentides. • Certains couples ne font absolument rien pour alimenter la SaintValentin pour une raison ou une autre, et en font un jour comme les autres, ce qui est bien parfait. • Ah! J'oubliais les célibataires : eux ils vont fêter la Saint-Valentin en se servant d'un des exemples ci-haut mais avec un ou une partenaire de leurs choix, ou avec plusieurs!!! Ha! Ha! Ha! Maintenant en ce qui me concerne, la Saint-Valentin est une occasion spéciale pour exprimer tout ce qu'on ressent du plus profond de nos cœurs, et qu'on voudrait exprimer à son amoureux ou son amoureuse. La Saint-Valentin permet également d'exprimer des choses qu'on n'a parfois pas le temps ou l'occasion de dire aux gens qu'on aime, de leur dire ce qu'on ne dit jamais assez : je t'aime. BONNE ST-VALENTIN À TOUS ET À CHACUN DE VOUS! JE VOUS AIME TOUS!!!

MICHEL DUMONT Métro Joliette

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Peu importe votre orientation sexuelle, quand vous voulez trouver l'amour dans la rue, vous le pouvez. Il suffit de mettre toutes les chances de votre côté en exprimant ouvertement ce que vous ressentez, même si la personne vous intimide par sa beauté. Mais on sait tous que lorsqu'il fait très froid, les gens ont tendance à se refermer sur eux-mêmes. Il faut dire que les couches de vêtements qui s'empilent sur nous durant l'hiver ne favorisent pas l'ouverture aux autres. L'habillement compte pour beaucoup dans le regard, gestes et paroles que les gens portent sur nous. Surtout chez les itinérants, l'habillement est primordial : il va leur permettre ou non de passer à travers l'hiver. Parfois, ils doivent même prendre certaines substances pour tenter d'oublier le froid. Certains, par exemple, n'ont même pas de souliers dans les pieds dans les plus grands froids. Mais ce n'est pas l'habillement qui exprimera les mots que tu as à dire à la personne aimée… C'est seulement le cœur. Et c'est l'intention qui compte. Lorsque nous sommes entourés d'une émotion qui nous fait oublier le froid, notre cœur se réchauffera même dans les plus grandes tempêtes hivernales.

SYLVAIN PÉPIN-GIRARD Aide-ménager et homme à tout faire


RÉORIENTATION DE L'AIDE FÉDÉRALE :

Un recul majeur pour la lutte à l'itinérance

INFO RAPSIM

Juste avant Noël, le milieu de l'itinérance recevait une bien mauvaise nouvelle. Le gouvernement du Québec avait accepté, dans la réorientation de l'aide fédérale en itinérance, le modèle du Housing first. PIERRE GAUDREAU | Coordonnateur du RAPSIM

L'

Entente Canada-Québec sur la Stratégie de partenariats de lutte contre l'itinérance (SPLI) pour 20152019 prévoit la priorité au Housing first. Obligatoirement, 65 % du budget devra y être consacré. Cette réorientation de la SPLI entraînera des reculs majeurs en ce qui concerne les actions menées pour prévenir et réduire l'itinérance à Montréal. Depuis plus de 12 ans, ce programme soutient avec succès différentes actions en prévention et en diminution de l'itinérance. Actuellement, plus de 25 000 personnes sont rejointes par les diverses interventions du programme existant : accueil et accompagnement dans les refuges, travail de rue, soutien communautaire en logement social, aide alimentaire et autres actions essentielles. La SPLI a aussi contribué à la construction de plus de 900 logements sociaux pour personnes itinérantes, tout en améliorant les centres de jour et autres organismes. En passant par une offre de logements privés pour une durée limitée, le Housing first ne vise qu'une partie des populations en situation d'itinérance. Malgré son nom et contrairement au logement social avec soutien communautaire - qui lui, de surcroît, est pérenne - le Housing first ne contribue pas au développement de logements. Le solde de 35 % du budget qui demeure pour soutenir tant les interventions existantes et les nouvelles que les immobilisations sera largement insuffisant. Des services seront coupés ou réduits et des immobilisations pour des logements sociaux ou des installations de ressources auront peu ou pas assez de soutien.

Pour le maintien d'une approche globale

Plus de 95 personnes de 65 organismes, une participation record, ont participé à l'assemblée générale extraordinaire que le RAPSIM a tenue le 8 janvier pour faire le point sur la SPLI. La tristesse, l'inquiétude et la colère étaient palpables lors de cette assemblée. Le gouvernement du Québec a totalement accepté la réorientation de l'aide fédérale, allant à l'encontre de l'approche globale de la Politique nationale de lutte contre l'itinérance adoptée. Les membres du RAPSIM ont réaffirmé leur position en faveur d'une approche globale, d'une SPLI généraliste et communautaire où la région détermine ses priorités.

PHOTO : ANNE-MARIE BOUCHER

Lors de l'assemblée du RAPSIM, Julien Montreuil de L'Anonyme, Sébastien Payeur du Pas de la rue et Luc Villandré de Dopamine. Trois organismes qui ont bénéficié d'un soutien majeur de la SPLI pour améliorer les services de leur organisme, un type d'aide plus que menacée par le Housing first.

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MOT DE CAMELOT La fée des étoiles Les tourniquets C'était le premier hiver en 2012 que je travaillais à la station Iberville, en tant que camelot. Je travaillais beaucoup à l'intérieur mais aussi très souvent dehors en avant de la porte d'entrée. Hé! J'aimais aussi les deux façons de faire. Cet après-midi là, je vendais mes journaux dehors et ça allait très bien. Tout à coup, il se mit à faire froid alors j'ai décidé d'entrer, mais il y a eu un très fort coup de vent qui m'a projetée vers l'intérieur. En même temps, il y avait le train qui arrivait et qui aspirait vers le bas. De moi-même, je ne pouvais rien faire, le vent me dirigeait tout droit vers les tourniquets et j'étais aspirée en même temps. Je me sentais impuissante et aussi malheureuse. Il y a eu un bon monsieur qui est venu m'aider pour ne pas que je passe pardessus les tourniquets. Je remercie tous les jours d'être encore là, en train de travailler. Maintenant, si je vois que la porte est dure à ouvrir j'attends au moins 15 minutes et je me reprends un peu plus tard. Je remercie très sincèrement cette personne de m'avoir prêté main forte pour m'aider. Je suis toujours reconnaissante envers mes clients et clientes.

Pour les fêtes, je me suis déguisée pour vendre le magazine. Ce fut un succès! Les gens s'arrêtaient pour me complimenter, me dire que j'avais un beau costume et pour prendre des photos. J'ai même reçu de beaux cadeaux de la part des clients : des chocolats, des cartescadeaux, un gâteau aux fruits, du sucre à la crème, un collier… Bref, j'ai été gâtée! Il y a même une gentille dame nommée Isabelle qui m'a amenée déjeuner au restaurant et qui m'a offert un super sac à dos. Je l'adore! Je ne dirais jamais assez comment j'apprécie mes clients du métro Longueuil. Certains enfants viennent me voir parfois, comme ce beau petit bonhomme, Jacob, à qui j'ai donné un toutou. Il était très content! Il y a aussi cette petite fille, tellement adorable et gentille, dont la mère m'achète chaque numéro de L'Itinéraire. J'aime tellement les enfants que de les voir remplit ma journée de bonheur. Je suis heureuse d'avoir eu ces cadeaux. La fée des étoiles a été récompensée.

NICOLE GIARD Camelot, métro Longueuil GISÈLE NADEAU Camelot, métro Iberville

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Amour-Haine Tic, tac, le temps passe et me dépasse C'est trop cruel l'amour, je suis dans une impasse Je t'aime, je te déteste en même temps Je ne peux vivre avec toi, je ne peux vivre sans Pourquoi je me fais autant souffrir Mes blessures ne veulent pas guérir Mon père était violent et agressif J'ai une rage intérieure forte et vive Je suis au bord des larmes dans mon cœur Tout à coup, c'est une grande joie un grand bonheur Suis-je heureuse, forte, ai-je peur? Peur de tomber dans sa dépression majeure Tic, tac, le temps passe et me rattrape Mon cœur je n'ai plus envie qu'il le frappe Pourtant, je ne peux m'empêcher d'aimer l'intensité Des moments passés à essayer de communiquer Je devrais probablement ne plus le voir Faut croire que c'est mon miroir Je suis impuissante devant lui Je peux juste changer ma vie Tic, tac, le temps passe et me surpasse Même dans les mauvaises passes Le temps s'arrête maintenant Je me noie dans l'aveuglement

CINDY TREMBLAY Camelot, métro Champs-de-Mars Poète de rue


SOURIRES CRISCO J’en vois des sourires Crisco Des sourires crispés, des rictus Des sourires automatiques musclés Des sourires pressés Des sourires hâtifs, factices, phoney Qui semblent me dire «Heille toé, mon mangeux de baloney J’te souris pour la forme Fais que fais de l’air mon ami» Les yeux fuyants, le pas pressant Les yeux vers le bas En regardant sa montre En pitonnant sur son I Phone Mais le pire, c’est que j’en mange pu de baloney Moi aussi, j’essaie de manger santé Sans tarte, TV dinner, gras trans ou tiobenzate de sodium Moi aussi j’essaie de manger bio Même quand ça été contaminé Par le jardin chimique du voisin nono Mais revenons à nos sourires moutons Quand on me donne des sous Ça ne me fait pas rire Je bâtis ma propre carapace Avec le reflet des autres gens Si le miroir est brisé Ou bien je le suis Ou je le cache et fait… …semblant que ça ne me touche pas Tiguidou right thru Mettez l’outil dans l’trou Souriez, je prends votre photo Fait que tout le monde dites «CHEESE» Ben non FROMAGE parce que c’est du p’tit Québec Tiguidou fly bin Des sourires fabriqués en Chine J’en vois des sourires Rice Crispies Des sourires Pepsodent Des mimiques de singes savants Où sont les vrais sourires Dois-je me dire, dois-je me dire Où sont les éclats de rire D’un cœur d’enfant ayant toutes ses dents Bout d’ viarge Je n’en mène pas large Le client se fait rare La fin de semaine sera longue L’Action de Grâce sera trop grasse Comme la matinée qui n’en finit plus Faut fermer les chalets Après ça sera trop tard Et le lundi soir ça va se retrouver dans le trafic Ça ne veillera pas tard

CARREFOUR

SEMAINE INTERNATIONALE DES CAMELOTS

Présence accrue des camelots dans le métro

E

n cette période d'austérité, les camelots s'inquiètent du sous-financement des organismes communautaires qui viennent en aide aux personnes les plus vulnérables et des impacts de la révision de certains programmes de réinsertion sociale dont les Programmes d'aide et d'accompagnement social (PAAS). Dans le cadre de la semaine internationale des camelots qui se déroulera du 2 février au 8 février 2015, les camelots de L'Itinéraire ont donc décidé de sensibiliser la population, d'une façon originale, de l'importance de maintenir le filet social du Québec tout en faisant la promotion de la lecture du magazine. Pendant cette semaine, ils sillonneront le réseau du métro de Montréal en effectuant diverses actions publicitaires «vivantes» qui piqueront sûrement la curiosité des voyageurs. Gardez l'œil ouvert!

L'Itinéraire, partenaire du mardi des tuques

L

'Itinéraire participe encore cette année à la Campagne des tuques, une campagne à l'échelle nationale chapeautée par l'organisme Chez Toît. En plus de sensibiliser le public à la problématique de l'itinérance, la campagne permet également aux organismes locaux tels que L'Itinéraire et la Maison Nazareth d'amasser des fonds pour remplir leur mission. En effet pour chaque achat d'une tuque au coût de 10 $, 80 % des profits sont remis aux organismes locaux. Le mardi 3 février de 7h00 à 17h00, des employés d'Intact Corporation Financière feront équipe avec des camelots et des employés de L'Itinéraire pour vendre des tuques à la station de métro McGill. Une équipe de la Maison Nazareth sera également présente au Pharmaprix de la Place Alexis-Nihon.

NORMAN RICKERT Camelot métro Outremont

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TROUBLES EN TROIS TEMPS À l'âg

e du défrichage, De l'eau d'érable bénite, Des fèves au lard trop cuites, Une espèce sauvage S'épivardait dans un lit hors-la-foi. Mais veillaient des gouro us, Dans les rêves des colon s d'antan.

Rétablissement les amis

Commencé avec ques ennuis Ça m'a appor té quel ux Au début c'était joye eux ur Plus tard j'étais malhe x au Pour apaiser mes m de nouveau ose J'essayais quelque ch un bilan it Avec le temps j'ai fa e La facture était salé nités r tu po J'ai manqué des op te de maintenant en ér ff di t an av d' vie Ma r Je dois penser au futu op dur tr Même si parfois c'est Où j'aurais pu être re honnête êt Je n'y pense pas pour nt Je dois voir droit deva breux contre temps m no Laisser de côté les re oublié êt Le passé ne doit pas mieux avancer ur Mais plutôt analysé po OR A

ES ZAM ERTO REY MARIO ALB cuisine Préposé à la

Puis est venu un exode… Des campagnes givrées Déboulaient en ville Bras, jambes, cœur, ventr e, Dans la lumière aveugle du labeur, La poussière de tissu, Les vapeurs de tanin, Des cauchemars de ‘tits culs, Des loques de destin. Pendant que la chair des shops Passait au moulinet, Un personnage fermenta it : Fridolin. Ce héros bâtard né De la revanche des bercea ux, Ce Mafalda nordique À joual sur une balanço ire scénique Fouettait sa tribu de cro yants fragiles, Fomentait une révolution pas toujours tranquille. Quand le rideau tombait Dans un rigodon électriqu e, Les troupes du Monume nt national S'emparaient de la Main, Frontière d'une guerre stéréophonique. Depuis, la raison de Frido lin A crevé l'illusion De paradis martyr des an ciens Pour que les gens du pay s Ouvrent à tous vents les cabanes en bois rond Et aspirent, au seuil de l'explosion ! JOSÉE CARDINAL Préposée à la distri bu

tion des journaux

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REPORTAGE

Slammer avec MC June MC June a animé des ateliers de «slam» avec des participants de L'Itinéraire l'automne dernier. Tout en leur faisant découvrir un nouveau genre musical, cette expérience a permis aux participants d'explorer leur côté créatif et même de se découvrir un talent pour la poésie. Malheureusement, les ateliers sont terminés, mais les participants, marqués par l'expérience, ont tenu à poser quelques questions à MC June. PHOTOS : GOPESA PAQUETTE

Siou : Quels sont les différents styles de slam? Il existe autant de styles de slam que de slammeurs! Chacun a son style, est libre de composer et d'interpréter comme il le souhaite. En gros, pour faire un slam, ça ne prend que de la poésie! C'est en compétition que des règles internationales s'appliquent. Le texte présenté doit être interprété a cappella, c'est-à-dire sans musique, le slammeur doit en être l'auteur et les accessoires sont interdits.

Josée : Quel est le portrait du slam sur la scène québécoise et quelle est ton implication?

Au Québec, on retrouve deux ligues de slam de compétition, qui organisent également des ateliers et des activités communautaires. La première, Slam Montréal, est une ligue francophone. La seconde, Throw Poetry Collective, est bilingue. Des compétitions ont lieu annuellement et mensuellement, dont les gagnants et gagnantes représenteront le Québec et le Canada lors de compétitions internationales. Le slam, c'est ma passion, c'est ma «job», c'est ma vie. Je m'implique à temps plein, en offrant des ateliers d'écriture dans les écoles francophones et d'immersion francophone, dans l'est canadien comme dans l'ouest. J'organise et j'offre également des spectacles de poésie et de rap un peu partout au Canada.

Mario : Peut-on slammer sur tous les sujets?

Je crois que tous les sujets peuvent être abordés; je ne vois pas du tout de barrière. C'est au contraire une très belle tribune où s'exprimer. La poésie est la voix du cœur; c'est une bonne façon d'explorer ce que l'on ressent, de travailler sur soi-même et d'avoir un impact positif sur la société et les gens qui nous entourent. Par contre, il faut s'assurer de demeurer respectueux dans notre approche. Si tu dénonces le racisme, par exemple, je crois que le message est très positif. Par contre, si à l'inverse tes propos sont racistes, ça devient très délicat. Je crois également que l'on doit bien connaître notre sujet. Il est facile de critiquer ce qui se déroule sur la scène politique, mais si tu ne t'informes pas assez, tes propos ne résonneront pas chez les gens et à travers la société.

AUT REMEN T

J'pense que j'p ense souvent À tout et à rien À rien, ces te mps À tout, ces tem -ci ps-là À rien, parce que figé par la vie À tout, parce que L'envie de tord tout grugé par l'envie re L'envie de tord le cou d'la vie re le cou à l'en nui   J'aimerais  ou blier de pense r que peut-être pour toujours ...!!! Enfin savoir plu Agir que réag tôt que plus tard... ir   AGIR   Agile, réinve nté les heures Où il pourrai t pleuvoir, tou t en faisant so Nager en surv leil olant les prés Sauter les ch utes Niagara tout en rebon dissant dans tes bras Sauvage, nu ... Criant fort m es symphonie s engorgées. Réveillant le s nouveaux-n és pour leur appr endre à march er... autremen   t. Autrement... comme...   Geantivol mec omment tré au Léleil soen pl uies les sous Cegla de tech u le Tif mipri, gev s dirbonré asau, nu, in- ven- tif ... Subjugués pa r de nouvelles façons d'aim er. SIOU DESLO NGCHAMPS Camelot GuyConcordia

Pour en savoir plus sur MC June : www.junerep.com 1er février 2015 | ITINERAIRE.CA

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Allô, aloès, que fais-tu de bon? Au rayon des fruits et légumes exotiques d'une épicerie, trônaient entre pitayas et gombos, de pauvres feuilles d'aloe vera ne trouvant pas preneurs. Pourtant, il y a plus à faire avec l'aloès que de la regarder pousser dans son pot. Déjà, les lointains Pharaons connaissaient bien les propriétés laxatives de son latex de même que les vertus du gel d'aloès pour traiter les infections et les brûlures de la peau. La naturopathe Isabelle Langlois recommande de conserver au congélateur les feuilles —achetées ou encore mieux, tirées de notre plante d'intérieur—, mais pendant quelques jours seulement, autrement elles perdent de leur efficacité. Il suffit de couper un bout de feuille et de le presser pour obtenir cette précieuse substance. On peut même concocter son gel coiffant extrême, en mêlant de l'eau sucrée (consistance de sirop léger) à du gel d'aloe vera. Résultat saisissant! Quant au jus d'aloès du commerce, s'il ralentit le vieillissement de la peau et combat la constipation, non il ne fait pas fondre les kilos! Pour en savoir plus : passeportsante.net

Trucs éclairs contre le coup de barre au boulot • On se met debout. • Épaules baissées, menton légèrement incliné, dos droit, on inspire lentement à pleins poumons. On garde l'air accumulé pendant trois secondes avant d'expirer très lentement par le nez. Quand les poumons sont vides, on compte jusqu'à trois et on inspire de nouveau. • On s'assoit sur une chaise, le dos droit, pieds à la largeur des épaules, mains le long des cuisses. Puis, on se redresse d'une dizaine de centimètres pour revenir à la position initiale. On le répète dix fois. • Vous allez avoir une bonne fin de journée assurée.

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PAR DENYSE MONTÉ | montex9@videotron.ca

Manger mieux, bloguer mieux À l'invasion de parlotte et d'écrivotte, commentaires, opinions, textos à tout propos, le mouvement Slow Blogging oppose la pondération dans l'acte de partager ses idées. S'inspirant du Slow Food, créé en réaction à la prolifération de la restauration rapide, le blogage au ralenti veut encourager le plaisir d'échanger avec les autres sur un mode qualitatif. Le principe de base de ce mouvement, qui peut s'appliquer au cyberespace en entier, consiste à prendre le temps de se poser la question : ce que j'ai à communiquer est-il intéressant, novateur et utile pour le lecteur? Dans l'affirmative, l'écrire sans faute (au propre comme au figuré!). Source : deconome.com

Allons dormir Qui dort dîne... Si c'était vrai, les recettes des vendeurs de régimes amaigrissants fondraient aussi! Il semble plutôt que peu d'heures de sommeil soient associées à une quantité de masse grasse plus élevée! Une étude réalisée au Colorado a déjà démontré que la privation de sommeil conduit à manger plus que nécessaire pour compenser. Tout récemment, des chercheurs de l'Université McGill et de l'Institut Douglas ont découvert qu'une bonne nuit de sommeil entraîne une meilleure performance en mathématiques et en langues chez des enfants du primaire. L'American Academy of Sleep Medecine nous avait déjà appris que des élèves de niveaux secondaire et collégial qui dormaient peu avaient de moins bonnes notes que leurs camarades couche-tôt. Enfin, pour bien dormir, le bon livre en papier est de loin préférable à la tablette électronique. C'est ce qui est rapporté dans la revue PNSA (Proceedings of the National Academy of Sciences). Des participants à une étude qui parcouraient un livre électronique avant de se coucher mettaient plus de temps à s'endormir que des lecteurs de livres traditionnels. Leur sécrétion de mélatonine (hormone du sommeil) était réduite.

PHOTOS : 123RF.COM/PAN XUBIN, VALERIY LEBEDEV, XIMAGINATION, ELNRADRF

VIVRE


PAR MARTINE B. CÔTÉ

PHOTO : ERICK LABBÉ

Une nouvelle conteuse est née Elle a l'œil pétillant, le verbe coloré, Arleen Thibault roule sa bosse sur la route du conte depuis plusieurs années déjà. Son style? De belles histoires, dans la lignée des contes traditionnels, une personnalité chaleureuse et un humour qui fait du bien. C'est le célèbre Michel Faubert qui signe la mise en scène de son spectacle, cautionnant du même coup le talent prometteur de cette nouvelle venue. (MBC)

Arleen Thibault

4 février, 20 h Salle Claude-Léveillée de la Place des Arts

PANORAMA

Les jeux de Lepage Il faut voir un spectacle de Robert Lepage au moins une fois dans sa vie. Pour voir cette façon unique qu'a le dramaturge de parler du local et de devenir universel. Pour constater son talent d'évocation, celui de manier les plus fines technologies et de faire côtoyer les gestes de théâtre les plus élémentaires. Pour voir le résultat de cette démarche de création «Work in Progress». L'un des plus grands créateurs du Québec, célébré et sollicité partout dans le monde, présente deux morceaux : Pique et Cœur. Pour avoir vu la première mouture de Pique, nous recommandons chaudement l'investissement que peut représenter l'achat d'un billet. Offrez-vous cette expérience visuelle, technique et poétique. Du pur (et du bon) Lepage. (MBC)

Jeux de carte : Pique 3 au 10 février La Tohu

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CLIN D'ŒIL DU PASSÉ

Jeanne Mance L'Itinéraire a soufflé 20 chandelles en 2014 et entame sa 21e année d'existence avec la même volonté d'être un lieu rassembleur pour les personnes en situation de précarité et à risque d'itinérance. L'Itinéraire fait partie d'un large réseau d'organismes qui travaillent à fournir des services aux gens démunis et d'une longue tradition de solidarité au Québec. Dès la fondation de Montréal, des personnes se sont dédiées à l'organisation de services d'aide; Jeanne Mance étant le plus célèbre exemple. Cette jeune femme, une laïque, on l'oublie souvent, est en quelque sorte la première travailleuse sociale et communautaire de la Nouvelle-France! PAR MARTINE B. CÔTÉ

Retour en 1640, à Langres, où habite Jeanne Mance, une femme en quête de se rendre utile. Elle fait la connaissance d'un chanoine qui lui parle de la Nouvelle-France : son désir de devenir missionnaire prend forme. Elle fait par la suite la rencontre de Madame Angélique de Bullion, héritière d'une grande fortune après le décès de son mari. Les deux femmes se lient d'amitié et madame de Bullion finit par confier à la jeune Jeanne la mission de construire et administrer un hôpital, en son nom, dans ce pays en construction. C'est ainsi qu'un duo féminin hors du commun à l'époque formé d'une mécène et d'une administratrice est né. Malgré une santé fragile, elle est animée par une passion pour les soins qui la pousse à entreprendre ce long voyage pour aller fonder un hôpital et… une ville! À 33 ans, Jeanne Mance entreprend une première traversée en direction de la Nouvelle-France. Après trois mois en mer, elle débarque dans la colonie de Québec en août 1641. Son comparse Paul Chomedey de Maisonneuve la rejoindra quelque temps après. La mise sur pied d'une colonie à Montréal se prépare depuis Québec pendant ce rude hiver de 1642. C'est en mai de cette année-là que Jeanne Mance et son équipe sont enfin prêts à partir pour Montréal, établir les bases d'une autre colonie et, en parallèle, fonder un hôpital, l'Hôtel-Dieu, comme le souhaitait Angélique de Bullion. Sur place, elle s'atèle à mettre sur pied la construction de l'hôpital et en gère les finances et l'administration. La mère-patrie est loin, Jeanne Mance est forcée de faire les choses par elle-même, souvent en

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solitaire. L'infirmière-gestionnaire est aimée de ses nouveaux concitoyens, autant les colons français que les autochtones, à preuve, on lui demandera 41 fois de devenir marraine! Ce qu'elle accepte, bien sûr. Les années passent et en 1645, la pauvreté est visible dans Ville-Marie. Jeanne Mance, habitée par son désir d'assister les plus démunis, rédige une lettre à Madame de Bullion, osant lui demander 2000 livres supplémentaire pour donner aux pauvres. Ce sont finalement 22 000 livres que cette méconnue bienfaitrice fera parvenir à Jeanne Mance pour mener à bien ses actions. L'année 1649 est marquée par les martyrs de missionnaires et les batailles sanglantes entre Iroquois et Hurons. Les blessés sont nombreux, il y a fort à faire à l'hôpital et des enfants se retrouvent orphelins. Jeanne Mance prendra d'ailleurs sous sa responsabilité quatre d'entre eux. À quelques reprises, le soutien de la France pour la mise sur pied de Montréal s'essouffle. Chaque fois, Jeanne Mance s'évertue à ranimer la vigueur, allant même jusqu'à refaire le long voyage en bateau pour convaincre les décideurs d'envoyer argent et nouvelles ressources humaines. À la suite d'un bête accident, Jeanne Mance perd l'usage d'une main et doit, pour le reste de sa vie, porter son bras en écharpe, en plus de ressentir une intense douleur. Jamais découragée, Jeanne Mance reste au travail et assume seule l'administration de l'hôpital même en ces temps de conflits et d'attaques de la part des Iroquois. Jeanne Mance meurt à 67 ans, en 1673, laissant derrière elle une grande œuvre. Probablement trop occupée à administrer un hôpital et à gérer une colonie en développement, elle n'a pas laissé derrière elle ni journal ni mémoires. Heureusement, quelques historiens ont raconté les exploits de cette pionnière, dont Marie-Claire Daveluy et Françoise Deroy-Pineau.

POUR EN SAVOIR PLUS Jeanne Mance et les pionnières de la Nouvelle-France Animation : Éric Bédard, historien et professeur à la Téluq Avec Louise Harel, ancienne députée et ministre 3 février 19 h. Auditorium de la Grande Bibliothèque Banq.ca Gratuit


PAR MARTINE B. CÔTÉ, LOUIS-PHILIPPE POULIOT ET PIERRE SAINT-AMOUR

LIVRES

Adieu à un dessinateur C'est à titre posthume que cette œuvre de Nico Las est publiée; le jeune artiste s'est enlevé la vie en 2013. Dans cette BD, il raconte sa rencontre avec Charles, un militant anarchiste emprisonné pendant le fameux sommet du G20 à Toronto, là où les arrestations furent massives et dans nombre de cas, injustifiées. Oubliez l'image du casseur violent : Charles est un doux, une sorte de hippie hors du temps. L'histoire prend la forme d'un échange épistolaire entre les deux militants, l'un dehors, l'autre en-dedans. Les critiques du système capitaliste et de la répression policière traversent le récit, mais on retient aussi une belle histoire d'amitié. Et on pleure la disparition d'un dessinateur de talent. (MBC)

L'autre côté de la médaille DS

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Auteur prolifique de 14 romans de guerre, ce survivant de l'armée allemande, Sven Hassel raconte comment, après sa désertion dès les débuts de la guerre, il fut jugé puis condamné à servir dans un bataillon disciplinaire. Entouré de ces frères d'armes, les pires spécimens de l'humanité, il vit une guerre perdue d'avance, aux motifs auquel aucun de ses confrères n'adhèrent, mais une guerre qu'ils subissent néanmoins. L'écrivain danois raconte le combat des soldats pour survivre dans un monde qu'ils méprisent tout en dénonçant la cruauté de la guerre et des hommes. Le premier livre est l'histoire véridique de sa vie de soldat et les 13 suivants recensent, de manière romancée, des missions auxquelles il a participé. Toujours sur le ton de l'humour cru et de la dérision, ces missions sont ponctuées de récits de bordels, de carnage et de beuveries. Aux amateurs de Rambo seulement.

Cher Charles

Nico Las. Éditions Sabotart, 122 p.

La légion des damnés

Sven Hassel. Éditions Rocher, 316 pages. Publié en 1953.

Refuser le conformisme Si l'intelligence est l'art de nuancer, il ne fait aucun doute que Julius Grey est doté d'une intelligence très supérieure à la moyenne. Polonais d'origine, Julius Grey arrive au Québec avec ses parents, à l'âge de neuf ans, en 1957. À l'école, il prend, très tôt, conscience de sa différence. Après de brillantes études universitaires à McGill et à Oxford, il s'intéressera aux grands bouleversements vécus par le Québec au cours des années 60.  Opposé à toute forme de conformisme, son engagement personnel l'amènera à prendre position sur nos grands enjeux sociaux : la langue, la liberté d'expression et de religion, le libéralisme social, l'accessibilité à la justice et le rôle du droit dans une société démocratique. Geneviève Nootens, qui signe le présent ouvrage, s'est entretenue avec Julius Grey pour tenter de retracer l'évolution de cette pensée en perpétuel questionnement. Fascinant. (PSA)

Julius Grey Entretiens avec Geneviève Nootens

Par Geneviève Nootens, les Éditions du Boréal, 140 p.

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SOLUTION DU 15 JANVIER Réponses du 15 janvier 2015 astre

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JOSÉE CARDINAL | Distributrice


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DÉTENTE 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

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1 2 3 HORIZONTALEMENT 4 1.2. Vaporisait. Récolte. - Pronom. 3. Plantes. - Versus. 5 4. Radiations. - Raccorderais. grecque. - Rivale. 6 5.6. Lettre Unités. - Né. en roche rougeâtre. 7 7.8. Transformation Deux. - À lui. - Mouche. - Orient. 8 9. Explosif. - Transpires. 10. Crochet. - Nazi.4 - Dieu gaulois. 9 VERTICALEMENT 4 10 1.2. Abondance 6 et rapidité 5 de la parole. Moines bénédictins.

8 4. Donnâmes 2 comme certain.

3. Fleur. - Pot. - Travailleur social.

2 6

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HORIZONTALEMENT 1. Rouillées. 2. Pays d'Europe. - Effritera. 3. Suis couché. - Aire de vent. - Arbres. 4. Hameau. - Interjection. - Sodium. 5. Paroles. - Accabler d'une charge financière. 6. Marquera d'un caractère italien. 7. Déconfiture. 8. Deux. - Existes. - Relatif aux philosophes de l'école d'Élée. 9. Mesures agraires. - Bourrelier. 10. Monnaie japonaise. - Torchis. - Bain à remous. VERTICALEMENT 1. Raidis. 2. Utilitariste. 3. Fonderai.- Dans. 4. Pronom. - Semblables. 5. Alcool. - Argiles. 6. Victoire de Napoléon. - Paresseux. - Note. 7. Impudentes. 8. Possédé. - Pièce destinée à la transmission d'une poussée. 9. Manufactures. - Article étranger. 10. Isolerais. 11. Âge. - Erbium. - Tonne équivalent pétrole. 12. Tamis. - Échouera.

Solution dans le prochain numéro 5. Défaut. - Pneumopathie. 6. Fétiche. - Usages. 7. Marxistes. 8. Remarquable. Jeu réalisé par Josée Cardinal | joseecardinala1@yahoo.ca 9. Note. - Reliquat. 10. Alu. - Devîntes muets (verbe pronominal). 11. Sept. - Qui a une grosse charpente. NIVEAU DE DIFFICULTÉ: FACILE Solutions 12. Trame. - Propres. du 15 janvier 2015

HORIZONTALEMENT 1. Rouillées. 7 2. 1 Pays d'Europe. - Effritera. 4 3. Suis couché. - Aire de vent. - Arbres. 4. Hameau. - Interjection. - Sodium. Placez un chiffre de 1 à 9 1 2 3 2 4 5 6 7 8 9 10 11 12 dans chaque case vide. 1 8 Chaque ligne, chaque 1 5. V Paroles. O L A T - Accabler I L I S d'une A I Tcharge financière. colonne et chaque boîte 2 O L I V A D E I L I 8 délimitée par un trait 6 5 1 8 2 3x3 3 6. L Marquera I S E R Od'un N caractère S V italien. S plus épais doivent contenir tous les chiffres de 1 à 9. 4 U V R E L I E R A I S Chaque chiffre apparaît 5 7. B Déconfiture. E T A E N N E M I E 2 9 3 7 donc une seule fois dans 6 I T E M S I S S U une ligne, dans une colonne philosophes de l'école d'Élée. 5 7 8. L Deux. A T E - RExistes. I S A - Relatif T I O aux N et dans une boîte 3x3. 1 8 8 I I S A T S E T S E - Bourrelier. 9 9. T Mesures N T S agraires. U E S E S T LOGICIEL 8 6 7 NOTRE 10 E S S E S S E S U S DE SUDOKUS EST 10. Monnaie japonaise. - Torchis. - Bain à remous. MAINTENANT 5 9 DISPONIBLE. 6 5 2 7 8 9 1 3 4 10 000 sudokus inédits de VERTICALEMENT 4 niveaux par notre expert, 1 7 8 3 2 4 9 6 5 9 8 2 1 Fabien Savary. En vente 1. Raidis. exclusivement sur 4 9 3 5 6 1 8 2 7 notre site. 9 4 1 6 7 8 2 5 3 3 4 2. Utilitariste. www.les-mordus.com 2 8 5 9 4 3 7 1 6 3. Fonderai.3 6 7 1 5Dans. 2 4 8 9 7 6 3 7 1 9 8 3 6 5 4 2 4. Pronom. - Semblables. Solution dans le prochain numéro 5 2 6 4 1 7 3 9 8 8 3 4 - 2Argiles. 9 5 6 7 1 5. Alcool. Jeu réalisé par Ludipresse | info@les-mordus.com 6. Victoire de Napoléon. - Paresseux. - Note. 1 7 4 6 2 8 9 5 3 7. Impudentes. 6 5 3 7 9 1 8 4 2 1 février 2015 | ITINERAIRE.CA 45 8 2 9 5 3 4 7 1 6 8. Possédé. - Pièce destinée à la transmission d'une poussée. 4 1 6 3 7 2 5 9 8 5 9 8 4 1 6 3 2 7 9. Manufactures. - Article éétranger. étranger. er


A PROPOS DE...

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ITINERAIRE.CA | 1er février 2015



ÊTRE UNE FEMME... UN HOMME... ÇA CHANGE QUOI ? Ça change la définition de la modération. Pour les femmes, c’est un maximum de 2 verres par jour et de 10 par semaine. Les hommes ? De 3 par jour et de 15 par semaine. Et quel que soit le sexe, on ne boit pas tous les jours. Mais modérer l’alcool ne veut pas dire modérer le plaisir.

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