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Volume XXII, n˚ 04 Montréal, 15 février 2015

www.itineraire.ca

Claude Robinson La vérité comme arme Dossier Austérité : 10 milliards de solutions Ode à l'austérité de Jean-Paul Daoust Zoom : Michel Dumont


Cocktails • Événements corporatifs ou privés • Repas pour écoles et CPE • Service de comptoir alimentaire • Pâtisseries pour cafés, restaurants, cafétérias ou pour vos occasions personnelles • Service aux tables • Location de salle. Bis est une entreprise d’insertion sociale et professionnelle à but non lucratif spécialisée dans la restauration.

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Michel Dumont Camelot No : 1054 | Âge : 52 ans Point de vente: métros Joliette et Villa-Maria

M

ichel est un original comme on en voit peu aujourd'hui. On le comprend dès qu'on le voit, avec son légendaire sourire, ses bagues plaquées or, ses bracelets scintillants… Et dès qu'il lance un «Saint-Cibole d'Hérode!» ou un «Moutarde noire!», vous êtes conquis. Mais cette originalité a été durement acquise. «Quand on laisse voler un oiseau de ses propres ailes, il est confronté à plusieurs obstacles», admet-il avec poésie.

Après une vie tranquille à valser entre petites jobines, tout s'écroule en 2004. Perte d'emplois, décès de la dame chez qui il était pensionnaire depuis 1990, vol de sa collection de musique... Michel, habitant alors seul, étant sans emploi et sans musique, se met à quêter et fréquenter du mauvais monde, sombre dans la drogue dure. «Tu te retrouves tout seul. Tu vas voir ailleurs, où tu penses avoir des amis. En fin de compte, c'est de la merde», confit-il. «Et toute cette merde, toute cette drogue, m'ont rendu agressif, m'ont fait perdre ma vraie identité et mes vraies valeurs.» Au printemps 2012, il rencontre le camelot Serge Trudel, qui lui parle de L'Itinéraire. Ce sera le début de la renaissance de Michel. «Ça ne pouvait plus durer, se dit-il. Je ne m'attirais que des problèmes. Je n'avais plus rien, excepté ma chambre. Je ne pouvais plus vivre sans argent, chercher des places pour quêter, me faire écœurer.» Michel se souviendra toujours de sa première journée à vendre L'Itinéraire : «J'ai fait une heure… Quarante-deux piasses! Wooooooo! Ôte-toi de d'là! » Maintenant bien entouré, Michel cesse la drogue et retrouve sa vraie identité. Il se découvre même une belle plume et sort de cette dure période avec une nouvelle sagesse: «C'est dans les moments les plus faibles qu'il faut que tu sois le plus fort.» PAR CHARLES-ÉRIC LAVERY PHOTO : GOPESA PAQUETTE

15 février 2015 | ITINERAIRE.CA

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NOS PARTENAIRES ESSENTIELS DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ

Le Groupe L'Itinéraire a pour mission de réaliser des projets d'économie sociale et des programmes d'insertion socioprofessionnelle, destinés au mieux-être des personnes vulnérables, soit des hommes et des femmes, jeunes ou âgés, à faible revenu et sans emploi, vivant notamment en situation d'itinérance, d'isolement social, de maladie mentale ou de dépendance. L'organisme propose des services de soutien communautaire et un milieu de vie à quelque 200 personnes afin de favoriser le développement social et l'autonomie fonctionnelle des personnes qui participent à ses programmes. Sans nos partenaires principaux qui contribuent de façon importante à la mission ou nos partenaires de réalisation engagés dans nos programmes, nous ne pourrions aider autant de personnes. L'Itinéraire c'est aussi plus de 2000 donateurs individuels et corporatifs qui aident nos camelots à s'en sortir. Merci à tous ! La direction de L'Itinéraire tient à rappeler qu'elle n'est pas responsable des gestes des vendeurs dans la rue. Si ces derniers vous proposent tout autre produit que le journal ou sollicitent des dons, ils ne le font pas pour L'Itinéraire. Si vous avez des commentaires sur les propos tenus par les vendeurs ou sur leur comportement, communiquez sans hésiter avec Shawn Bourdages, chef du développement social par courriel à shawn.bourdages@itineraire.ca ou par téléphone au 514 597-0238 poste 222.

PARTENAIRES MAJEURS

Nous reconnaissons l'appui financier du gouvernement du Canada par l'entremise du Fonds du Canada pour les périodiques, qui relève de Patrimoine canadien. Les opinions exprimées dans cette publication (ou sur ce site Web) ne reflètent pas forcément celles du ministère du Patrimoine canadien.

PRINCIPAUX PARTENAIRES DE PROJETS ISSN-1481-3572 n˚ de charité : 13648 4219 RR0001

DU MONT-ROYAL

Desjardins

L'ITINÉRAIRE EST MEMBRE DE

RÉDACTION ET ADMINISTRATION 2103, Sainte-Catherine Est Montréal (Qc) H2K 2H9 LE CAFÉ L'ITINÉRAIRE 2101, rue Sainte-Catherine Est TÉLÉPHONE : 514 597-0238 TÉLÉCOPIEUR : 514 597-1544 SITE : WWW.ITINERAIRE.CA RÉDACTION Rédactrice en chef par intérim : Catherine Girouard Chef de pupitre, Société : Gopesa Paquette Responsable à la production écrite des camelots : Charles-Éric Lavery Infographe : Louis-Philippe Pouliot Collaborateurs : Martine B. Côté, Denyse Monté et Ianik Marcil Adjoints à la rédaction : Sarah Laurendeau, Hélène Mai, Carolyn Cutler, Marie Brion Photo de la une : VeroB Révision des épreuves : Lucie Laporte, Michèle Deteix

Le magazine L'Itinéraire a été créé en 1992 par Pierrette Desrosiers, Denise English, François Thivierge et Michèle Wilson. À cette époque, il était destiné aux gens en difficulté et offert gratuitement dans les services d'aide et les maisons de chambres. Depuis mai 1994, L'Itinéraire est vendu régulièrement dans la rue. Cette publication est produite et rédigée par des journalistes professionnels et une cinquantaine de personnes vivant ou ayant connu l'itinérance, dans le but de leur venir en aide et de permettre leur réinsertion sociale et professionnelle. Convention de la poste publication No 40910015, No d'enregistrement 10764. Retourner toute correspondance ne pouvant être livrée au Canada, au Groupe communautaire L'Itinéraire 2103, Sainte-Catherine Est, Montréal (Québec) H2K 2H9

Québecor est fière de soutenir l'action sociale de L'Itinéraire en contribuant à la production du magazine et en lui procurant des services de télécommunications.

Directrice générale : Christine Richard ADMINISTRATION Chef des opérations et des ressources humaines : Duffay Romano Responsable de la comptabilité : Philippe Boisvert Adjointe administrative : Nancy Trépannier Responsable du financement : Gessi Vanessa Sérant

ÉQUIPE DE SOUTIEN AUX CAMELOTS Chef du Développement social : Shawn Bourdages Agent d'accueil et de formation : Pierre Tougas Agente de soutien communautaire : Geneviève Labelle Agente de soutien en milieu de vie : Marianne Bousquet Agent de développement : Yvon Massicotte

GESTION DE L'IMPRESSION TVA ACCÈS INC. | 514 848-7000 DIRECTEUR GÉNÉRAL : Robert Renaud CHEF DES COMMUNICATIONS GRAPHIQUES : Diane Gignac COORDONNATRICE DE PRODUCTION : Édith Surprenant IMPRIMEUR : Transcontinental

CONSEIL D'ADMINISTRATION Président : Philippe Allard Administrateurs : Jean-Marie Tison Guy Larivière Julien Landry-Martineau, Stephan Morency Geneviève Bois-Lapointe, Jean-Paul Lebel Pierre Saint-Amour

VENTES PUBLICITAIRES 514 597-0238

CONSEILLÈRES : Renée Larivière 450-541-1294 renee.lariviere18@gmail.com Ann-Marie Morissette 514-404-6166 am.mori7@itineraire.ca


15 février 2015 Volume XXII, n˚ 04

ACTUALITÉS

CARREFOUR

CULTURE

ÉDITORIAL

HORS PISTE

CONTE

par Luc Deschenes

DANS LA TÊTE DES CAMELOTS

CHEMIN FAISANT

par Guy Boyer

Mots de camelots

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"Passe-moi la puck j'vais t'en compter des buts!" Ou comment évacuer la cause sociale par Christine Richard

8 ROND-POINT 10 ROND-POINT INTERNATIONAL

COMPTES À RENDRE

par Ianik Marcil

11 Indécente richesse ? RENCONTRE

13 L'ART DE LA GUERRE

par Martine B. Côté

DOSSIER

19 Austérité: 10 milliards $ de solutions

› Darwin › Quelles alternatives à l'austérité ? › Ce n'est qu'un début, continuons le combat! › Ode austérité

12 Quand le sport nous en apprend sur la vie

30 C'est quoi, la solution? 33 Moi et L'autre

32 32 32 34 34 34

38 Polyglotte

par Pierre Saint-Amour

41 PANORAMA 42 CLIN D'ŒUIL DU PASSÉ 43 LIVRES 44 LE JOSÉE FLÉCHÉ 45 DÉTENTE 46 À PROPOS DE... CRISES

ANNE-MARIE BONIN BILL ECONOMOU CYBELLE PILON SYLVAIN PÉPIN-GIRARD STEVE HALL CÉCILE CREVIER

35 INFO-RAPSIM 36 CARREFOUR

ACTUALITÉ

28 Professionnels immigrants À vous la reconnaissance ! par Said El Hadini

50 % DU PRIX DE VENTE DU LES CAMELOTS SONT DES MAGAZINE LEUR REVIENT TRAVAILLEURS AUTONOMES CHAPEAU !

Juste un petit mot pour vous dire que vous faites vraiment du bon boulot. Chapeau à toute l'équipe de rédaction, aux camelots, et tous ceux et celles qui participent de près ou de loin à la publication. Et on aime votre page Facebook qui permet de vous suivre (textes et réflexions) même si

on est loin de la métropole. Ça donne de l'espoir pour l'avenir de l'information et ça donne le goût de continuer. Encore merci. Geneviève G. C. - collègue dans une régie de radio dans le Far East

UNE PREMIÈRE... ET PAS UNE DERNIÈRE

J'ai lu pour la première fois L'Itinéraire. C'est brillant! J'ai aimé! Définitivement pas une perte de temps! Cédryck Mimault

ÉCRIVEZ-NOUS ! à COURRIER@ITINERAIRE.CA Des lettres courtes et signées, svp! La Rédaction se réserve le droit d'écourter certains commentaires.


Donner, c'est encourager

JOUR APRÈS JOUR les aptitudes dont font preuve nos camelots.

Vos dons nous permettent de financer entre autres notre programme d'écriture. Grâce à notre équipe de journalistes et de bénévoles, c'est plus d'une cinquantaine de personnes qui peuvent ainsi s'exprimer, développer leur talent et retrouver confiance en eux. « Quand j'ai découvert le magazine L'Itinéraire  et la possibilité de pouvoir écrire dedans, j'ai  tout de suite réalisé que l'organisme m'aiderait  à refaire surface. J'adore partager mes textes  et les personnes qui me lisent disent que j'ai  une belle plume. Ça m'encourage et m'aide à  me reconstruire une identité. Grâce à l'écriture  et à mes lecteurs, j'ai le sentiment d'avoir  trouvé une nouvelle famille. » — Michel Dumont Camelot à L'Itinéraire.

PHOTO: GOPESA PAQUETTE

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Dons et abonnement disponibles en ligne au www.itineraire.ca


"Passe-moi la puck j'vais t'en compter des buts!"

Ou comment évacuer la cause sociale C'est peu dire que nous traversons une période morose. On harangue les pauvres, austérité oblige. Il faut dégraisser, dira-t-on. Le gouvernement nous exhorte à nous montrer plus généreux, plus raisonnable. On s'autoflagelle, en solo ou en groupe, qualifiant d'idéalistes exacerbés ceux qui ne veulent pas se plier au régime d'austérité. La cause sociale est devenue un luxe qu'on ne peut plus se permettre. Il faut se concentrer sur ce qui est facturable. Malgré l'impression qu'on peut avoir actuellement de faire des économies, la facture risque d'être encore plus salée au détour.

ÉDITORIAL

CHRISTINE RICHARD | Directrice générale

L

a remise en question de ce nouvel ordre mondial qu'est l'austérité semble taboue, prohibée. On nous la présente comme solution unique. Pourtant, plusieurs pays européens ayant emboîté le pas avant nous ont conclu que l'austérité n'avait pas délivré leur pays du fardeau économique prévu. L'exemple de la Grèce a de quoi faire réfléchir. En mai 2010, le FMI lui propose un prêt aux conditions habituelles : privatiser les entreprises et les infrastructures publiques, amputer les programmes de protection sociale. Les manifestants grecs réclament un référendum national sur cet accord, mais le plan d'austérité est appliqué sans être voté. Pourtant, il semble qu'au sortir des premières années de l'austérité, loin d'atténuer les effets de cette crise, les plans de « sauvetage » n'ont fait que l'approfondir. À bout de souffle, après six pénibles années de récession, les Grecs ont confié le pays au parti d'extrême gauche Syriza. Cette formation politique propose entre autres d'effacer une partie de la dette grecque dans l'espoir de relancer une économie en déroute. Mais le monde ne semble pas avoir tiré de leçon de cet échec. À l'instar de plusieurs pays, le Québec, pourtant réputé mondialement pour son côté novateur, adopte actuellement une politique d'austérité. On gère le pays comme on gère son portefeuille. Mais un pays n'est pas qu'une question d'économie. Nous nous réduisons trop souvent au statut de contribuables, alors que nous sommes d'abord des citoyens. Une gestion efficiente et responsable reste essentielle, certes, mais où est passée notre vision commune? On peut être d'accord ou pas avec Pierre-Elliot Trudeau, Robert Bourassa, René Lévesque, ces hommes avaient un point commun : une vision du devenir collectif. Ils n'étaient pas seulement de bons pères de famille mais des leaders charismatiques d'une société faite de citoyens responsables. Aujourd'hui, parler de vision et de grands projets de société n'éveille pas beaucoup d'écho. On plie l'échine, on baisse les yeux et on se résigne. Il faut faire des sacrifices, payer notre juste part, répète-t-on. Cesser de se questionner sur des projets collectifs, c'est cesser de créer, d'avoir une vision, fait paradoxal dans une so-

ciété qui ne parle que d'innovation. À moyen terme, les problèmes endémiques liés à la pauvreté et à l'exclusion sociale nous rattraperont de plein fouet : augmentation des méfaits, réduction de la qualité de vie, engorgement du système de santé, érosion de la classe moyenne. Tous ces aspects comportent des coûts. La facture risque d'être encore plus salée au détour.

Un investissement nécessaire

Financer l'aspect social, c'est payant. C'est accompagner la jeunesse, celle-là même qui paiera les taxes de demain. C'est contribuer à briser l'isolement de milliers de personnes. C'est donner au petit Samuel, dont le père fréquente un organisme comme L'Itinéraire depuis 2 ans, une chance d'évoluer et d'espérer à un avenir qui n'est pas tout tracé d'avance. Au lieu d'être « au crochet » de la société, il pourra lui aussi y contribuer. Heureusement, les acteurs du milieu communautaire et de l'économie sociale sont encore créatifs. Chaque jour, ils trouvent des solutions alternatives aux problématiques sociales, des solutions qui fonctionnent et sont sujettes régulièrement à évaluation. Les grands argentiers gagneraient à s'inspirer de leur sens de l'innovation. Mais combien de temps pourront-ils encore tenir le fort? Le gouvernement ne semble pas prendre au sérieux les effets pervers des trous béants qu'ils découpent dans notre filet social. L'annulation des 162 millions de dollars de rehaussement promis aux organismes communautaires a mis le feu aux poudres, et pour cause. Les coupes prévues auront des impacts très profonds sur la population et le milieu communautaire devra faire preuve d'une ingéniosité sans faille avec des moyens financiers plus que limités pour faire face à la situation. Il est l'heure de se poser les questions suivantes : quel pays voulons-nous pour nos enfants? Quelles sont les valeurs qui nous définissent? Donnons-nous les moyens d'y réfléchir ensemble en sortant de l'œillère monétaire. Élargissons nos possibilités. Comme aurait dit Dédé Fortin des Colocs : Passons-nous la puck, on va en compter des buts!

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ROND-POINT

CATHERINE GIROUARD ET SIMON POSNIC

Comment se porte notre santé mentale au pays? La Commission de la santé mentale du Canada s'est penchée sur la question. L'objectif de l'étude : dresser le portrait de la situation pour voir dans quelle mesure le système de santé répond aux besoins en santé mentale des Canadiens. Si l'étude révèle que la situation est alarmante quant aux actes d'automutilation chez les étudiants et au taux de suicide dans l'ensemble de la population, le portrait n'est pas tout noir. La recherche a démontré que le sentiment d'appartenance à la collectivité avait un effet sur la façon de percevoir sa santé physique et mentale. Aussi ce sentiment d'appartenance à la collectivité progresse significativement depuis 2003 chez les immigrants. (SP)

Que connaissez-vous de l'histoire des Noirs?

Le 21 février marquera les 50 ans de la mort de Malcom  X, célèbre défenseur des droits afroaméricains. L'occasion de mentionner que février est le mois de l'histoire des Noirs, qui offre l'opportunité d'en apprendre plus sur ce pan de l'histoire souvent passé sous silence. À ne pas manquer, entre autres : le documentaire Citoyens de nulle part (le 28 février à Université Concordia) ; la soirée d'expression et de performances artistiques Still I Rise (le 20 février, Universal Negro ImproveC'est la proportion de locataires qui reçoivent une hausse ment Association) ; l'exposition Les de loyer abusive, selon le regroupement des comités logeHéritiers (le 28 février à l'Espace ment et associations de locataires du Québec (RCLALQ). Mushagalusa), ou encore la pièce La méconnaissance des lois, la peur et l'absence de règles Fantôme du musée : Marie-Josephestrictes pour les propriétaires en sont les principales causes, selon l'organisme. Comme de fait, les Angélique, qui retrace l'histoire de loyers ont augmenté de 216$ par mois au Québec dans les 15 dernières années. Ajoutons à cela la seule esclave noire à avoir été la hausse du coût de la vie (le coût du panier d'épicerie a connu à lui seul une hausse de 782 % exécutée en Nouvelle-France, en entre 1963 et 2013) ainsi que l'impact des mesures d'austérité actuelles, le nombre de ménages 1734 (le 21 février, au Musée de la qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts risque lui aussi de connaître une hausse abusive! RenFemme). (SP) seignez-vous sur la campagne d'éducation populaire Oui vous pouvez refuser une augmentation de loyer pour connaître vos droits et les outils à votre portée. (CG)

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ITINERAIRE.CA | 15 février 2015

PHOTO : COMMONS.WIKIMEDIA

PHOTO : 123RF.COM/DENIS AGLICHEV

S'intégrer, bon pour la santé


PHOTO : 123FR.COM/DANNYHOOKS

Se mettre au défi en mars Mangez-vous 5 portions de fruits et légumes par jour? Bougez-vous au moins 30 minutes? Et prenez-vous le temps de prendre une pause à travers votre horaire surchargé? Ce sont ces petits gestes en apparence bien simples, mais qui ne sont pas toujours si faciles à intégrer dans la routine, que propose le 11e Défi Santé 5/30 Équilibre, du 1er mars au 11 avril. La campagne a déjà réuni plus d'un million de participants depuis sa création. Une application web permettra aux participants de rendre leur défi plus interactif en suivant leurs performances, par exemple, ou en participant à des séances de yoga. (SP)

L'austérité, mais pas pour tout le monde… L'histoire le prouve encore une fois : c'est avec de l'argent qu'on fait de l'argent. Dès l'an prochain, le fameux 1 % de la population formée des plus riches détiendra dorénavant 50 % des richesses mondiales, avertit Oxfam. Alors que la fortune des 80 plus riches fructifiait de 400 milliards entre 2010 et 2014, celle des 50 % les moins riches diminuait de 600 milliards… Comme le dit le proverbe, nul ne perd qu'autrui ne gagne. Pour freiner ce déséquilibre grandissant, Oxfam suggère de privilégier l'imposition de la richesse plutôt que du travail ou de la consommation et de lutter ardemment contre l'évasion fiscale. Lire la chronique de Ianik Marcil en page 11 pour en savoir plus. (CG)

questions à

Marc-André Coallier PORTE-PAROLE DE L'ŒUVRE LÉGER

S'impliquer pour contrer l'itinérance Animateur de télévision devenu célèbre grâce à l'émission Le club des 100 watts, Marc-André Coallier est aussi un homme très impliqué. Il s'est associé en 2013 à l'Œuvre Léger qui lutte depuis plus de 65 ans contre la pauvreté. Il est présentement porte-parole de leur campagne pour les sans-abri «Ça va prendre plus que ça». CHARLES-ÉRIC LAVERY

La campagne de l'Œuvre Léger vise à montrer un autre visage de l'itinérance. Qu'en est-il exactement?

L'itinérance touche maintenant beaucoup plus de gens. Ce sont maintenant des jeunes femmes et des hommes qui étaient sur le marché du travail de façon régulière et qui, du jour au lendemain, à cause d'un problème de maladie ou de consommation, d'une dépression, d'une malchance au travail ou en famille, se retrouvent dans la rue. Ce sont maintenant des personnes qui pensaient avoir une belle vie et une belle retraite qui perdent leur emploi et tombent dans l'itinérance. Bref, l'itinérance peut venir de partout.

Pourquoi appeler votre campagne «Ça va prendre plus que ça» ?

Ça va prendre plus qu'un sourire et de la reconnaissance pour changer les choses. Et on se rend compte que ça va prendre plus que la décision des gouvernements. Ce que ça va prendre, c'est notre implication à tous. Ça va prendre des sous pour aider des organismes, et puis L'Itinéraire en est un bel exemple. Tout comme l'Œuvre Léger, ce sont ces organismes qui vont permettre aux personnes itinérantes de s'en sortir.

C'est quoi, pour vous, la pauvreté?

C'est ne pas avoir les moyens d'être heureux et de rendre ceux qu'on aime heureux.

15 février 2015 | ITINERAIRE.CA

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PHOTO : DARREN STAPLES/REUTERS

CUBA | Tromper la faim

Cuba a atteint l'objectif du Millénaire pour le développement de l'ONU en matière de réduction de la faim. Mais l'anémie causée par la malnutrition persiste parmi les enfants et les femmes enceintes du pays, en crise économique depuis deux décennies. Le facteur déterminant reste l'accès limité à des aliments sains et frais qui sont riches en fer. L'État estime que les Cubains dépensent entre 59% et 75% de leur budget pour s'alimenter. L'est du pays est particulièrement touché, ou plus du quart des enfants de moins de 5 ans y souffraient d'anémie en 2011. On estime que deux milliards de personnes à travers le monde souffrent de telles carences en micronutriments. (IPS)

MONDE | Canaris au sommet

À moins que de vrais progrès soient faits en matière de lutte à la pauvreté et aux changements climatiques, près d'un milliard de personnes supplémentaires tomberont dans la pauvreté extrême. C'est ce qu'affirment les lauréats du Prix Nobel de la paix Malala Yousafzai et l'archevêque Desmond Tutu, porte-paroles de la campagne «action/2015». Un millier d'ONG internationales souhaitent ainsi faire pression sur les gouvernements en prévision du Sommet spécial sur le développement durable, qui aura lieu en septembre 2015. Une lettre ouverte signée par Mme Yousafzai et une pléthore de célébrités avertit les chefs de gouvernement qu'ils ne peuvent se permettre d'ignorer les millions de voix indignées. (Reuters)

PHOTO : JORGE LUIS BAÑOS/IPS

ROND-POINT INTERNATIONAL

La contrebande de poisson vers la Colombie est en pleine expansion alors que les habitants du centre du Venezuela, qui est frappé par une crise économique, peinent à joindre les deux bouts. Les pêcheurs chargent leurs canoës motorisés de tonnes de poissons d'eau douce avant d'entreprendre un voyage transfrontalier semé d'embuches. Négociant avec les guérilleros colombiens et amadouant les autorités vénézuéliennes à l'aide de pots-de-vin, ils entretiennent ainsi un commerce qui fait vivre des villages entiers. Un des pêcheurs de la région affirme : «Il n'y a pas de travail. Le poisson paie notre nourriture, nos vêtements, les études de nos enfants, tout.» Les autorités estiment que jusqu'à 80% du commerce de poisson vers la Colombie se fait par contrebande. (Reuters)

AUSTRALIE | Laver son linge sale en public

Deux amis de Brisbane ont lancé le premier service de buanderie mobile pour les itinérants. Depuis août 2014, Lucas Patchett et Nicholas Marchesi permettent aux sans-abri de laver leur linge sale en public grâce à leur camionnette équipée d'une laveuse et d'une sécheuse. Cinq jours par semaine, ils se stationnent près des points de distribution alimentaire et des refuges de la ville. Les deux fondateurs affirme que Orange Sky Laundry, qui dépend des dons publics pour ces opérations, leur permet d'établir des liens avec les itinérants et de les diriger vers les ressources appropriées pour les aider. «Il n'est pas simplement question de linge sale, c'est surtout une excuse pour avoir une conversation,» affirme M. Patchett. (INSP)

L'Itinéraire est membre du International Network of Street Papers (Réseau International des Journaux de Rue - INSP). Le réseau apporte son soutien à plus de 120 journaux de rue dans 40 pays sur six continents. Plus de 200  000 sans-abri ont vu leur vie changer grâce à la vente de journaux de rue. Le contenu de ces pages nous a été relayé par nos collègues à travers le monde. Pour en savoir plus, visitez www.street-papers.org.

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ITINERAIRE.CA | 15 février 2015

PHOTO : ORANGE SKY LAUNDRY

PHOTO : CARLOS GARCIA RAWLINS/REUTERS

VENEZUELA | Petit poisson va loin


Indécente richesse ? Un nouveau rapport confirme que les inégalités économiques ont atteint des niveaux inédits, de la part d'Oxfam, cette fois-ci. Intuitivement, nous sommes révoltés de constater l'indécence des très riches sur la planète. Mais qu'est-ce qui pourrait justifier rationnellement notre indignation ?

COMPTES À RENDRE

IANIK MARCIL | Économiste indépendant

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ne donnée frappe : 85 grandes fortunes sont aussi bonzes de l'économie européenne et mondiale. De la riches que 3,5 milliards d'êtres humains. Plusieurs même manière, un jeune milliardaire américain, Nick Hade mes confrères économistes ont contesté la nauer, publiait un article en août dernier dans le magaméthodologie ou l'approche de cette étude. Mais qu'im- zine en ligne Politico : « Les fourches s'en viennent... pour porte, ce qui compte est que de nombreuses institutions nous, ploutocrates ». Les fourches étant ici le symbole ont publié ces dernières années autant d'une profonde révolte populaire. Il en d'études démontrant que les inégalités appelait a un sursaut de la part des très économiques, non seulement augmenriches pour contrer la grogne populaire Voilà ce que tent de manière accélérée, mais constiqui pourrait potentiellement s'étendre.  tuent aussi un risque majeur pour l'écoVoilà ce que craignent les grandes inscraignent nomie capitaliste mondiale. titutions économiques mondiales : un les grandes Le Fonds monétaire international – ras-le-bol collectif qui se transforme en lui-même coupable d'avoir imposé des révolution ou, à tout le moins, à mettre institutions politiques d'austérité, selon son propre au pouvoir des partis radicaux comme économiques aveu, ayant plongé les économies euroSyriza en Grèce. péennes dans leur pire marasme depuis Les inégalités économiques constimondiales : un les années 1930 – la Banque mondiale tuent un risque du fait qu'elles peuvent et le Forum de Davos ont tous identifié ras-le-bol collectif être les fondements de cette révolules inégalités économiques comme l'un tion. Les plus pauvres d'entre nous, soit qui se transforme la grande majorité de la population qui des facteurs de risque les plus importants pour l'économie mondiale. pas accès à ces richesses faramien révolution ou, n'ont On ne parle pas ici de groupuscules neuses, risquent donc d'être exaspérés révolutionnaires anticapitalistes. Le à tout le moins, à et de se révolter contre ces injustices. FMI, la BM et Davos sont des instiMais bien plus, le problème n'est pas tutions centrales du pouvoir écono- mettre au pouvoir tant que cette richesse soit indécente. mique et politique mondial. Pourquoi problème profondément immoral des parti radicaux Le les puissants parmi les puissants sontest que ces très riches individus posils à ce point inquiets de la montée des sèdent un pouvoir démesuré par rapcomme Syriza inégalités économiques et sociales ? port à nous tous. Qu'ils soient 85, 200 en Grèce Voilà la véritable question que nous ou 1 000 n'y change rien. Une toute pedevons nous poser, plutôt qu'ergoter tite élite de ploutocrates est en mesure sur la méthodologie ou les détails techniques de leur d'acheter des « billboards », des pages complètes dans méthodologie. les grands journaux nationaux ou des représentations de Car voilà, ces ploutocrates ont peur d'une révolte popu- lobbying. laire. L'élection récente du parti de la gauche radicale SyOù en est la démocratie, ce faisant ? Nulle part. Elle a riza en Grèce le 25 janvier dernier a fait frémir les grands été vendue.

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HORS PISTE

Quand le sport nous en apprend sur la vie Le sport professionnel est souvent critiqué pour les salaires faramineux qu'on attribue aux athlètes et son omniprésence dans les médias au détriment des autres sujets, plus sociaux, qui mériteraient certainement une plus grande visibilité. Certes, ce sont deux arguments valables. PAR LUC DESCHENES | Préposé à l'entretien ménager

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ependant, le sport est aussi le meilleur remède, bien plus que les médicaments, pour beaucoup de gens qui n'ont pas toujours la vie facile. En effet, le sport fait rêver, divertit et donne de la joie, ce qui peut nous faire oublier nos problèmes. Pour moi, qui suis malade, le sport me permet d'oublier la maladie lorsque je regarde mes héros me faire rêver et me donner des sensations fortes. De plus, le sport nous en apprend sur la vie en nous transmettant des valeurs qui nous font grandir.

En 2014, trois histoires m'ont transmis des valeurs importantes

Le retour de Stéphane Ouellet est tout d'abord une histoire de rédemption. Boxeur très attachant doté d'un talent exceptionnel, il a eu, jusqu'à une défaite humiliante subie en 2004, de grands problèmes de dépendance et d'indiscipline qui l'ont empêché de réaliser ses rêves. Des mauvais choix, des erreurs de jugement. Par contre, cette défaite a changé sa vie, l'a détruit et profondément attristé. Elle lui a fait réaliser que la vie de débauche et d'indiscipline devait cesser. Ainsi, il s'est impliqué dans les communautés, en allant par exemple enseigner la boxe aux Inuits. Et, dix ans plus tard, à 43 ans, il décide d'effectuer un retour, le retour pour la rédemption. Certes, Stéphane a perdu le combat. Mais il a gagné bien plus : repartir en paix avec lui-même, heureux, avec le sentiment du devoir accompli.

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La victoire des Carabins de l'Université de Montréal nous a servi, quant à elle, un rappel qu'il ne faut jamais jeter l'éponge, ne jamais déclarer une tâche impossible peu importe la difficulté de l'épreuve. En effet, le 15 novembre dernier, les Carabins ont combattu avec la rage au cœur leurs éternels rivaux de Québec, le Rouge et Or de l'Université Laval, lors de la finale québécoise de football universitaire. La tâche s'annonçait pourtant impossible pour les Carabins : grands négligés, ils avaient été vaincus dans les cinq dernières finales québécoises par leurs rivaux de Québec,  gagnants des 11 derniers championnats québécois. Malgré tout, les Carabins ont relevé le défi, me faisant comprendre que toute épreuve peut être surmontée. La retraite du joueur de baseball Derek Jeter nous a aussi démontré que, peu importe les millions gagnés et prix remportés, certains sportifs peuvent garder des valeurs humaines et demeurer proches des moins fortunés, servir de modèle sur le terrain comme à l'extérieur. En effet, tout au long de sa carrière de 20 saisons pour la prestigieuse équipe des Yankees de New York, il s'est tout d'abord énormément impliqué dans la communauté. Il s'est également montré, contrairement au sportif type, très discret dans les magazines et autres médias et dans la démonstration de ses millions. De plus, il a toujours été près de ses partisans, ne refusant jamais de signer un autographe ou de se faire photographier avec son public. Souvent les gens qui gagnent beaucoup d'argent changent leur comportement ou attitude ou leur cercle d'amis, et perdent leurs belles valeurs. Derek Jeter nous a prouvé que cela n'est heureusement pas toujours le cas. Voilà donc trois histoires sportives qui, en 2014, m'ont servi de guide dans la vie. D'autres le feront en 2015, puisque le sport est toujours là pour nous transmettre de belles valeurs.


RENCONTRE

L'art de la guerre Il s'est fait voler son projet : une série télévisée basée sur un personnage nommé Robinson Curiosité. C'est la Cour suprême qui a finalement reconnu le crime, après 20 ans de procédures juridiques. Il s'est retrouvé devant 22 avocats de la partie adverse, lui, un artiste n'ayant que la vérité comme arme. Claude Robinson a mené un combat qui montre que les Goliath aussi peuvent perdre. Mais ne le qualifiez pas de héros, il s'objectera. Rencontre sur le thème de l'injustice et de la détermination. PAR MARTINE B. CÔTÉ PHOTOS: VEROB

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Q

u'est-ce qui différencie le plus le Claude Robinson d'avant votre bataille juridique de l'homme que vous êtes maintenant ?

Avant le combat, j'étais un gars habité par un bonheur de vivre, qui vivait de son art. Le litige m'a rendu très malade. J'ai subi un énorme choc quand tout ça a commencé en 1995 et j'ai connu la dépression. Je ne me suis jamais considéré comme quelqu'un de fonceur ni de persévérant. Quand je commençais un dessin et qu'il ne me satisfaisait pas, je déchirais ma feuille et j'en recommençais un autre. Aujourd'hui, force est d'admettre que je peux être persévérant; c'est comme ça que les gens me perçoivent, et ils me le disent. Moi, je me sens comme quelqu'un qui a fait ce qu'il avait à faire, une journée à la fois.

Est-ce à dire que vous ne pensiez pas gagner?

Je n'ai jamais pensé gagner : je n'étais pas illusionné à ce point-là ! De toute façon, gagner, c'est une attitude que je n'aime pas, car tu es mené par l'idée d'avoir raison. Je n'ai jamais cherché à avoir raison pendant mes 20 ans de procès, j'ai cherché à dire la vérité. Mon travail, c'était de «nourrir» le juge, de lui apporter toujours plus de preuves que mes adversaires mentaient et de le laisser décider. Quand tu as autant d'ennemis dans un combat, il faut y aller un petit morceau à la fois.

Comment interprétez-vous votre victoire ? Qu'avez-vous gagné, au fond ?

La capacité de me regarder dans un miroir. Je me suis battu pendant 20 ans pour pouvoir me regarder en pleine face, malgré la disproportion des forces. Mes adversaires, des multinationales, pouvaient compter sur des assurances qui les finançaient. Moi, tout ce que j'avais, c'est la certitude que je disais la vérité et qu'eux, mentaient. Donc, je me suis assis dans des classes à l'université comme auditeur libre pour comprendre ce qu'est le droit d'auteur. J'ai réalisé que les articles de droit sont très bien faits. J'ai pris les six premiers articles du Code civil et je les ai suivis pour chaque geste que j'ai posé dans ma défense. De cette manière, je ne pouvais pas arriver autrement que comme un homme juste face à la justice... Nous avons des droits, mais nous ne connaissons pas les lois qui nous protègent. L'ignorance est souvent notre pire ennemi, il faut travailler à la combattre.

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RENCONTRE L'artiste à l'œuvre Claude Robinson s'est doté d'un nouvel atelier et s'est remis à créer. Voici deux œuvres inspirés de sa mère qu'il partage avec L'Itinéraire. À droite: Claude Robinson s'implique activement à la Maison au Campanile, une résidence pour personnes atteintes d'Alzheimer. Sa mère de 93 ans est atteinte de la maladie depuis deux ans. Un jour, elle lui a dit : « Le passé est très présent, c'est le présent qui me dépasse. » Cette phrase lui a inspiré cette oeuvre. À gauche: Représentation de sa mère. Ne pas voler l'œuvre de cet homme, il s'est déjà assez battu.

Pendant vos années de lutte, arriviez-vous à créer ?

Mon élan créatif était complètement coupé. J'arrivais à dessiner ou peindre seulement lorsque je faisais une toile destinée à une bonne cause. Mais je ne pouvais rien créer par plaisir, car je me senau milieu d'une bataille Si j'ai gagné mon tais avec des balles qui sifflaient de chaque côté de ma tête. procès, moi qui En 20 ans, j'ai dû me transai une 11e année former en archiviste, en enquêteur, en détective. scolaire, tout le Mes dossiers sont entrepomonde peut réussir. sés dans 7 étagères de 42 pieds de long, chacune! Les La seule chose que 33 000 pages de mon dossier de Cour, je les connais j'avais, c'était la par coeur ! Je devais mettre vérité et la volonté la main sur des documents extrêmement difficiles à de combattre mon obtenir, par exemple, les revenus que mes adversaires ignorance. tiraient de mon oeuvre (16,9 millions - NDLR). Je devais prouver que certains documents portaient de fausses signatures. Heureusement, j'ai la chance de vivre à une époque où internet existe, alors je plongeais dans la recherche de la diffusion de la série Robinson Sucroé au Portugal ou sur une télé au Zimbabwe et je présentais ça au juge.

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La fois où

Claude Robinson

s'est senti le plus démuni Il y en a tellement ! De 1995 à 2005, j'ai eu à combattre des idées suicidaires. J'avais perdu le goût de vivre. J'ai crée le personnage de Robinson Curiosité à mon image et mes adversaires me l'ont volé. Ils m'ont volé ma face et l'ont diffusée dans 160 pays ! Ils disaient en pleine Cour ne pas me connaître alors que je les avais côtoyés pendant des mois. C'était comme si on me dépeçait vivant... Je gagne en Cour supérieure, ils vont en appel. Je gagne en appel, ils vont en Cour suprême. Mais moi, quand je perdais une procédure, je n'avais pas les moyens financiers d'attaquer la prochaine. Juste en photocopie, ça m'a coûté 154 000$. Et je ne parle pas du reste... Alors je me suis senti démuni à de nombreuses reprises.

Votre cause a déclenché une solidarité sociale impressionnante, des comités d'aide réunissant plus de 50 000 donateurs ont été mis sur pied. Vous êtes entré dans les bureaux de L'Itinéraire et spontanément, les gens vous félicitent, vous considèrent comme un héros. Comment vivez-vous cela ?

Je suis un homme qui a fait ce qu'il avait à faire, point. Si certaines personnes ont l'impression de vivre une revanche personnelle à travers moi parce qu'ils se sont faits baiser eux aussi par des méchants, tant mieux, ça, j'accepte. Mais je ne veux pas qu'on me crée une image de surhomme : je suis un gars ordinaire. Ce qui est gros dans mon dossier, c'est la dimension excessive de l'imbécilité de mes adversaires et leur puissance économique. Avec les lois dont on dispose, tout le monde peut passer à travers des épreuves comme la mienne. Si j'ai gagné mon procès, moi qui ai une 11e année scolaire, tout le monde peut réussir. Je ne suis pas d'une nature spéciale : j'ai simplement fait la preuve que si on se tient debout, qu'on résiste à la saloperie qu'on nous impose, on peut réussir.

Vous avez récemment joué un itinérant dans le téléroman 30 vies. Comment s'est passée votre expérience ?

L'équipe de cette émission est fantastique ! Je suis tellement reconnaissant à Fabienne Larouche pour sa plume extraordinaire et pour m'avoir fait entrer dans la peau d'un itinérant. C'est une expérience que nous devrions tous vivre au moins une journée. Entre les scènes, je ne me démaquillais pas et je sortais avec mon allure d'itinérant. J'ai expérimenté le regard des gens, la peur que je suscitais. L'entraide, aussi. Dans un café, mon voisin de table est sorti en oubliant ses gants. Je l'ai rattrapé pour les lui donner et il m'a répondu « garde-les, ils sont chauds, tu vas en avoir besoin !»

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RENCONTRE

Quand on a consacré 20 ans à un combat et que celui-ci s'arrête, que fait-on ensuite?

D'abord, on se repose ! Je suis en train de rassembler mes forces, car j'ai une santé fragile et pour l'instant, mes actions sont relatives au niveau d'énergie qu'il me reste. Mais d'autres causes m'interpellent, dont l'itinérance et la maladie d'Alzheimer. Il y a trop de gens qui Je suis tellement me sont venus en aide pour que je ne redonne pas un peu. J'ai côtoyé en 20 ans ce qu'il y a de plus beau et de plus reconnaissant à misérable chez les humains. Des menteurs et des voleurs Fabienne Larouche comme mes adversaires, mais aussi des gens qui se sont mobilisés pour m'aider. Je me conscientise au fait que je de m'avoir fait dois faire le bien tous les jours. Chaque soir, je me demande entrer dans la peau si j'ai eu un apport à ma société ou pour quelqu'un.

d'un itinérant. C'est une expérience que nous devrions tous vivre au moins une journée.

Que pouvez-vous dire aux gens pour qui la vie quotidienne est un combat, les personnes les plus démunies qui doivent se battre pour survivre ?

Que je ne connais rien de la vie! Mais je peux dire aux gens que personne n'est à l'abri, par exemple, de l'itinérance. Notre petite condition ne tient qu'à un fil. N'importe qui peut perdre sa santé, vivre un problème émotif qui lui fera perdre le contrôle de sa vie. Je ne comprends pas les gens qui pensent que ça ne peut pas leur arriver. Avoir perdu mon procès, je serais probablement dans cette situation-là ou en train de vendre L'Itinéraire. Et je peux aussi dire que ce n'est pas parce qu'on est tout petit qu'on n'a pas la puissance de virer sur le capot des grosses machines. Il suffit de trouver le bon milieu d'engrenage.

Le maquillage de la photo de la Une a été réalisé par Lyzane Lasalle.

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7_Itinéraire_février2015.pdf

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2015-01-23

refusons.org

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l’austérité Détruit l’austérité est un échec l’austérité N’est pas une solution


DOSSIER

Austérité 10 MILLIARDS $ DE SOLUTIONS Les médias ont amplement relayé la levée de boucliers suscitée par les politiques d'austérité du gouvernement Couillard. On entend plus rarement parler des alternatives à cette logique libérale. La campagne «10 milliards $ de solutions» menée par la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics propose un ensemble de 18 mesures permettant une meilleure distribution des richesses. Ces propositions comportent deux volets : des mesures de contrôle des dépenses totalisant 3 223 millions de dollars et des revenus fiscaux supplémentaires de 6 315 millions. Nous avons soumis cet ensemble de mesures à un économiste, un sociologue des entreprises et un jeune philosophe pour savoir si ce ne sont que vains espoirs ou de réelles avenues de changement.

«La Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics regroupe des organisations populaires, syndicales, communautaires, féministes et étudiantes. Depuis 2009, cette Coalition s'oppose aux mesures d'austérité budgétaires. Elle revendique le financement adéquat des services publics et des programmes sociaux comme un des moyens pour assurer la réalisation des droits humains et réduire les inégalités sociales. Pour y arriver, elle propose des mesures fiscales permettant de mieux redistribuer la richesse.» Extrait de 10 milliards $ de solutions. Document sur les solutions fiscales de la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics.

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DOSSIER Darwin

Le blogueur du site de commentaires d'actualité politique et économique, www.jeanneemard.wordpress.com, a accepté de commenter l'ensemble des 18 propositions de la campagne 10 milliards $ de solutions pour L'Itinéraire. Cette proposition provoquerait une levée de boucliers comme ce fut le cas quand l'ancien ministre des finances du PQ, Nicolas Marceau, a proposé un ajout de deux paliers. Certains prétendent que les plus riches quitteraient le Québec, mais jamais une hausse du genre n'a provoqué une telle réaction. Les activités des gens qui ont des revenus élevés exigent leur présence dans le lieu où ils gagnent leurs hauts revenus. Quitter une région signifie aussi bien souvent perdre sa source de revenus. L'autre argument le plus utilisé pour combattre ce genre de mesure est de prétendre qu'une hausse des impôts réduit les incitatifs à travailler. C'est souvent l'inverse. Pour conserver leur niveau de revenu dispo-

Solution no1 Établir 11 paliers d’imposition pour les particuliers L’impôt sur le revenu est la façon la plus équitable de redistribuer la richesse. Gains de 1000M$ 94% des contribuables paieraient moins d’impôts!

Exemples d’application avec différents types de revenus Revenus Impôt actuels Impôt à 11 paliers 24 000$ 3 840$ 3 600$ 45 000$ 7 356$ 7 100$ 55 000$ 9 356$ 9 000$ 70 000$ 12 356$ 12 200$ 150 000$ 31 944$ 36 000$

Différence -240$ -256$ -356$ -156$ +4056 $

Au Québec, il n’y a que 4 paliers d’imposition des particuliers. En 2011, 75.5% des contribuables gagnaient moins de 50 000$ par année. Avant 1988, il y avait 16 paliers, ce qui permettait d’imposer beaucoup plus équitablement les différents revenus. Au cours des années, le 1er palier d’impôt (moins de 41 095$) a augmenté de 13% à 16% d’imposition alors que le 4e (plus de 100 000$) a diminué de 33% à 25,75% d’imposition.

Retrouvez ses commentaires dans les encadrés roses tout au long de notre dossier.

nible, ces personnes sont incitées à travailler davantage! Actuellement au Québec, on explique souvent que la baisse des heures moyennes travaillées par les médecins est dûe à leur hausse de rémunération, car ils peuvent gagner le même revenu qu'avant en travaillant moins d'heures. Peu de personnes à haut revenu, sauf les médecins et quelques autres, peuvent choisir de travailler plus ou moins. Leurs revenus sont associés à des activités qu'elles ne peuvent pas réduire ou augmenter. Les dirigeants d'entreprise sont payés à l'année, peu importe les heures travaillées. Il en est de même dans la plupart des emplois à haut revenu. Cette ponction sur les revenus des plus riches permettrait de conserver des programmes s'adressant aux moins riches ou de ne pas hausser les tarifs sur ces Cette mesure toucherait essentiellement les plus riches et serait donc positive, à la fois pour les revenus de l'État et pour combattre les inégalités. Par contre, certains gains en capital sont beaucoup plus mobiles que les personnes. Il faudrait peut-être mieux y aller de façon graduelle. Idéalement, cette mesure devrait être mondiale...

programmes, tarifs qui sont payés en grande majorité par des personnes qui ne seraient pas touchées par l'ajout des paliers d'imposition. Or, ces personnes ont une propension à consommer plus élevée que les plus riches, ce qui aurait un effet positif sur la croissance de l'économie. Cette mesure aussi toucherait surtout les plus riches et serait donc positive, à la fois pour les revenus de l'État et pour combattre les inégalités. La portion au-dessus de 20 000 $ (accessibles uniquement aux personnes gagnant plus de 110 000 $ par année) est particulièrement indécente, car ces personnes n'ont aucun besoin de l'aide de l'État pour s'assurer une retraite confortable. Elle comporte toutefois une modalité douteuse peu discutée. En effet, le plafond des REER est aussi utilisé pour plafonner les paiements des employés et des employeurs à des régimes de pension agréés (RPA, régimes d'employeurs). Il serait injuste d'établir des plafonds différents pour ces deux types de régimes de retraite. Il faudrait donc étendre cette baisse aux RPA. Dans cette optique, une baisse à 15 000 $, voire 18 000 $ me semblerait plus acceptable. Ce serait moins payant (quoique la mesure toucherait aussi les RPA), mais serait plus équitable.

Solution no2 Abolir le crédit d’impôt sur les gains en capital des particuliers

Solution no3 Diminuer le plafond des REER. De 24 270$ à 12 000$

Gains de 739M$

Gains de 300M$


Revenus par source du gouvernement du Québec Comptes publics 2013-2014 (en millions de dollars)

L'argument le plus utilisé pour combattre ce genre de mesure est de prétendre qu'une hausse des impôts des plus riches réduit les incitatifs à travailler. C'est souvent l'inverse. Pour conserver leur niveau de revenu disponible, ces personnes sont incitées à travailler davantage!

A. Impôt sur le revenu des particuliers 26 203$ B. Cotisations pour les services de santé 6 251$ C. Impôt des sociétés 5 625$ D. Impôt foncier scolaire 1 786$ E. Taxes à la consommation 17 135$ F. Droits et permis 2 198$ G. Revenus divers 8 932$ H. Entreprises du gouvernement 5 430$ I. .Fonds des générations 1 121$ J. Transferts du gouvernement fédéral 18 550$ Source : Ministère des finances et de l’économie, Comptes publics 2013-2014, Vol. 1. p.180.

Ce crédit existe pour éviter la double imposition de sommes de même origine (une entreprise paie déjà des impôts avant de distribuer des dividendes). Cela dit, le versement de dividendes permet plein de stratégies fiscales avantageuses, comme d'en verser à un conjoint ou à ses enfants majeurs. D'ailleurs, même si les médecins n'ont le droit de s'incorporer que depuis 2006, 44 % d'entre eux l'avaient fait au début de 2014, ce qui coûterait, selon une étude sur le sujet, environ 150 millions $ à l'État chaque année. En outre, ce crédit est accordé, peu importe si l'entreprise émettrice des dividendes paie de l'impôt ou pas. Tout à fait d'accord. Un des proMême si cette question deblèmes avec une taxe fixe est jusmanderait un examen plus tement de perdre un outil pour enattentif (comme de lier le courager l'achat de certains biens crédit directement avec les de nécessité et pour décourager impôts payés par l'entrel'achat d'autres qui comportent prise qui les accorde), la davantage d'externalités négatives diminution de 50 % de ce (entre autres environnementales) crédit semble un pas dans ou pour d'autres objectifs sociaux la bonne direction. ou politiques.

Solution no4 Réduire de 50% les crédits d’impôt pour dividendes.

Solution no5 Moduler les taxes à la consommation en fonction des biens achetés

Gains de 180M$

Gains de 745M$

Dépenses du gouvernement du Québec Comptes publics 2013-2014 (en millions de dollars)

A. Santé et services sociaux B. Éducation et culture C. Économie et environnement D. Soutien aux personnes et aux familles E. Gouverne et justice F. Service de la dette

35 602$ 20 620$ 11 859$ 9 543$ 6 712$ 10 598$

Source : Ministère des finances et de l’économie, Comptes publics 2013-2014, Vol. 1. p.87.


DOSSIER Quelles alternatives à l'austérité ? JONATHAN DURAND-FOLCO

D L'idée d'augmenter le taux d'imposition des entreprises est bonne. Le taux l'est-il? C'est à voir. Certains disent que c'est préférable d'imposer les actionnaires, mais avec les crédits d'impôt et surtout avec la mondialisation, il est loin d'être certain qu'on pourra imposer correctement les actionnaires. Il faut donc imposer davantage les entreprises qui bénéficient de plein d'avantages de la part des services publics en plus des subventions qu'elles reçoivent (formation des employés, infrastructure, etc.) Cela dit, une hausse graduelle serait préférable.

Solution no6 Augmenter le taux d’imposition provincial des entreprises de 11,9% à 15% (sauf pour les PME).

octorant en philosophie à l'Université Laval, co-fondateur de la revue Milieu(x) et chargé de cours à l'UQAM. La stratégie d'un gouvernement qui cherche à imposer des mesures d'austérité consiste à employer des euphémismes (rigueur budgétaire, responsabilité) pour justifier des choix «difficiles» en exigeant un sacrifice collectif pour réduire la dette, alors que ces politiques favorisent nettement l'élite dominante au détriment des classes moyennes et populaires. La saine gestion des finances publiques se réduit à couper massivement dans

Aucun problème.

Solution no7 Augmenter la contribution fiscale des institutions financières notamment en rétablissant la taxe sur le capital pour les entreprises financières.

En 2013-2014, les individus ont payé 84% des revenus autonomes du gouvernement du Québec alors que la contribution des entreprises a été de 16%.

Les banques utilisent habilement la réglementation afin de diminuer l’impôt qu’elles paient.

Gains de 1220M$

Gains de 600M$

Les auditeurs de KPMG affirment que le Canada, loin devant les États-Unis, est le pays offrant les meilleures conditions fiscales pour les entreprises. En moins de 15 ans, l’impôt fédéral sur le revenu des entreprises est passé de 28% à 15%. Il a été démontré que ces baisses d’impôt n’ont pas stimulé l’économie et l’emploi. En 2011, ce sont plutôt 575 000M$ qui dormaient dans les coffres des 150 plus grandes entreprises non financières du pays.

Près de 60% des profits réalisés au Québec proviennent des institutions financières. Pourtant, elles ont le taux d’imposition le plus bas de tous les secteurs d’activité économiques! La moitié des institutions financières (banques, assurances, courtage, etc.) ne paie pas d’impôt en recourant à divers abris et paradis fiscaux. Les profits des six plus grandes banques canadiennes en 2013 s’élèvent à 30 3000M$. C’est 20% de plus qu’en 2011.


PHOTO : GRACIEUSETÉ DE JONATHAN DURAND-FOLCO ET DE YVES-MARIE ABRAHAM

les dépenses (santé, éducation, services publics, programmes sociaux), à restructurer le rôle de l'État pour favoriser les intérêts privés et à centraliser le pouvoir en excluant les régions, organisations locales et acteurs de la société civile des lieux de décision. Nulle part est mentionnée la possibilité d'augmenter les revenus de l'État et de renverser le fardeau fiscal qui privilégie actuellement les ultra-riches, les banques et les grandes entreprises, car il est plus facile d'accuser les opposants à l'austérité de ne pas vouloir faire leur juste part, de se plaindre sans rien offrir d'autre que le statu quo. Le courage du gouvernement camoufle sa corruption et sa mauvaise foi, car il présente ses décisions comme «nécessaires» en occultant les alternatives concrètes proposées par les mouvements syndicaux, communautaires et citoyens.

Réforme radicale

La campagne « 10 milliards$ de solutions » initiée par la Coalition opposée à la tarification et la privatisation des services publics propose une réforme radicale du système fiscal visant à chercher de nouveaux revenus pour sortir de l'austérité. Les 18 propositions suggérées sont-elles réalistes ? Loin d'être

utopiques, une brève analyse de quelques réformes montrent que cellesci existaient déjà avant la révolution conservatrice qui frappa le Québec post-référendaire. Par exemple, l'établissement de 10 paliers d'imposition échelonnés de 15 % à 34 % pour améliorer la justice fiscale entre les citoyens et chercher 1G$ de revenus n'est pas irréaliste si on regarde les 16 paliers qui variaient entre 13 % et 28 % en 1988, avant de tomber à 3 paliers (20 à 26 %) en 1998. Ensuite, le rétablissement de la taxe sur le capital des entreprises financières, créée en 1947 par Maurice Duplessis puis abolie en 2011 par Jean Charest, permettrait de prélever 600 M $ sur les profits des banques qui s'élèvent à plusieurs dizaines de milliards. Enfin, une lutte contre l'évitement et l'évasion fiscale permettrait d'aller chercher 740 M $ aux firmes multinationales qui n'hésitent pas à placer leur argent dans des paradis fiscaux comme le Luxembourg. On ne parle pas ici de compagnies étrangères comme Apple, Amazon, Ikea ou PepsiCo, mais de grandes entreprises québécoises comme Couche-Tard, Molson, Saputo, Bombardier, Gaz Métro, Cogeco, Cascades, Cirque du Soleil ou Transat1. Évidemment, une réforme fiscale d'une telle ampleur nécessite une réelle volonté politique, et elle ne saurait être portée par des acteurs qui défendent les intérêts établis et l'idéologie dominante. La récente élection de Syriza en Grèce, un parti de gauche radicale engagé à mettre fin à l'austérité en négociant fermement l'annulation d'une partie de la dette publique afin de financer un plan de relance économique et social, apportera un souffle d'espoir en montrant qu'un autre monde est possible, même ici.

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Ces mesures sont incompréhensibles. Alors, aucun problème!

Solution no8 Revoir les mesures fiscales destinées aux entreprises. 8.1 Abolir le crédit d’impôt pour gain en capital. Gains de 361M$ 8.2 Éliminer les mesures permettant de reporter le paiement des impôts dûs. Gains de 568M$

De fait, le Québec subventionne beaucoup plus les entreprises que les autres provinces. Compte tenu des engagements actuels, cette réduction devrait se faire graduellement. Le gouvernement actuel a par exemple réduit certaines subventions sans grand effet négatif.

8.3 Revoir les politiques de congés fiscaux. Gains de 238M$

Solution no9 Réduire les subventions aux entreprises.

Gains total de 1167M$

Gains de 500M$

Sylvain Larocque, Près de 30 multinationales québécoises présentes au Luxembourg, La Presse, 11 décembre 2014.

Pas de problème. L'évolution des prix des matières premières influence bien plus la rentabilité d'une exploitation qu'une ponction inférieure à 10 % de la valeur des extractions.

Solution no10 Augmenter les redevances sur les ressources naturelles (dans le respect des revendications autochtones et en tenant compte du partage des revenus avec les communautés locales). Exemple : L’industrie minière Redevances hybrides sur la valeur brute de 3% à 8% et sur les profits de 10% à 25% Gains de 410M$ (uniquement pour les minières)


Ce n'est qu'un début, continuons le combat! YVES-MARIE ABRAHAM | Professeur agrégé à HEC Montréal

L

es propositions de la campagne «10 milliards $ de solutions» vont dans le bon sens. Il est grand temps que le gouvernement provincial impose aux entreprises les plus florissantes et aux citoyens les plus riches de rendre à la société québécoise ce qu'ils lui doivent. C'est une simple question de justice. Aucune réussite économique privée n'est possible sans le soutien d'une société qui «fonctionne bien», qu'il s'agisse de ses principales institutions ou de ses infrastructures collectives. Exiger des plus riches une contribution beaucoup plus importante est aussi une question de cohérence. On ne peut pas défendre officiellement les droits de l'Homme d'un côté, notamment l'égalité entre les humains, et continuer de l'autre à laisser se creuser les inégalités économiques entre Québécois et Québécoises. Or, ce creusement est bien la conséquence très prévisible des fameuses coupes budgétaires envisagées par le gouvernement Couillard. Mais réduire les inégalités s'impose aussi pour des raisons économiques. Tout le monde y a intérêt, y compris les mieux nantis d'entre nous. L'économiste Joseph Stiglitz l'a encore rappelé récemment, 150 ans après Marx et Engels, les inégalités socioéconomiques sont un puissant facteur d'instabilité sociale et économique (Le prix de l'inégalité, 2012). La crise de 2008, dont les économies occidentales peinent à se relever, en constitue sans doute l'une des manifestations les plus récentes. Voilà pourquoi il faut soutenir les 18 solutions fiscales et mesures de contrôle des dépenses proposées par la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics. Mais il faut aller plus loin. Bien plus loin.

Pas sûr que ce soit aussi facile. Le gouvernement fédéral a tendance à rendre légal ce qui ne l'est pas (Je vous suggère de lire les écrits làdessus d'Alain Deneault sur les paradis fiscaux). Mais personne ne peut s'opposer à ça.

En premier lieu, il convient d'envisager le non-remboursement de tout ou d'une partie de la dette accumulée par la province. À tout le moins, nous devons réclamer un audit citoyen de cette dette, dans le but d'en évaluer la légitimité.

Excellent!

Cette mesure aurait dû être adoptée il y a bien longtemps.

Solution n 11 Lutter contre l’évasion fiscale et l’évitement fiscal.

Solution no12 Lutter contre la corruption et la mauvaise gestion dans l’attribution des contrats gouvernementaux.

Solution no13 Cesser de recourir aux agences de placement privées dans les institutions publiques de santé.

Solution no15 Utiliser le logiciel libre par l’ensemble de l’appareil gouvernemental.

Gains de 740M$

Gains de 600M$

Gains de 71M$

Gains de 266M$

o


DOSSIER Il est aberrant que cette mesure ne soit pas encore adoptée. Le ministre actuel y pense, mais il semble que le lobby des entreprises pharmaceutiques a toujours été trop puissant pour que cette mesure ne soit adoptée.

Solution no14 Adopter des mesures de contrôle du coût des médicaments, dont l’instauration d’un régime entièrement public d’assurance médicaments.

En premier lieu, il convient d'envisager le non-remboursement de tout ou d'une partie de la dette accumulée par la province. À tout le moins, nous devons réclamer un audit citoyen de cette dette, dans le but d'en évaluer la légitimité. Dans le même ordre idée, la nationalisation du secteur bancaire doit absolument être considérée. Ce secteur, qui a le contrôle effectif de la création monétaire dans nos sociétés actuellement, est en partie à l'origine de l'explosion de la dette des États. Plus fondamentalement, on ne règlera pas la question des inégalités et de la pauvreté tant qu'une minorité sera en position d'imposer à la majorité de travailler à son profit. Et cette possibilité repose, en dernière analyse, sur la propriété lucrative, c'est-à-dire sur le droit de tirer un profit de l'usage par autrui de ce que l'on possède. C'est le droit, par exemple, de réclamer un intérêt à une personne à qui l'on prête de l'argent. Ce droit doit être remis en question ou en tout cas sévèrement limité. Une telle revendication apparaîtra sans doute désuète ou dangereuse. Elle n'a pourtant jamais été plus nécessaire, alors que la propriété lucrative ne cesse d'étendre son champ d'application (brevetage du vivant, privatisation de l'eau, propriété intellectuelle,…). L'enjeu est de taille : il s'agit de tenter d'en finir avec l'exploitation de l'Homme par l'Homme.

Le Canada a les médicaments les plus dispendieux du monde, après la Suisse! Gains de 1000M$ Il s'agit de peanuts... mais très significatives pour le personnel et pour le statut que les dirigeants se donnent.

Le gouvernement contrôlerait donc 100% des achats en médicaments au lieu des 43%. Donc la Québec obtiendrait in augmentation du pouvoir de négociation. Les médicaments représentent 20% de nos dépenses en santé. La prime d’assurance médicament est passée de 175$ en 1996 à 579$ en 2013, une augmentation de 231% en 17 ans. Le régime hybride (public privé) accumule des déficits annuels de 2000M$. Facture annuelle en médicaments par personne Prescrits et non-prescrits 2012 Québec 1 063$ Colombie-Britannique 736$ Suède 440$ Nouvelle-Zélande 270$

Aucun problème, ce serait très bien.

Solution no16 Cesser de recourir aux PPP dans la construction d’infrastructures publiques.

Bonne idée!

Solution no17 Cesser de recourir aux cliniques médicales spécialisées. Gains estimés de 30% à 40%

Solution no18 Adopter une politique de rémunération maximale des cadres et dirigeants des institutions publiques, parapubliques et les sociétés d’État.


Ode austérité JEAN-PAUL DAOUST | octobre 2014

Voilà le mot maudit de la rentrée parlementaire Lâché lousse dans le paysage automnal Ombrageant toutes les couleurs Pour les rendre plus drabes Austérité Je hais ce mot-là Avec son aura janséniste Son air de sœur supérieure La petitesse de sa perspective L'anorexie qu'il nous inflige Tant sur le plan social que culturel On bâillonne les gens Silence! on coupe! Serrez-vous la ceinture bande de caves! La mienne ne ferait même pas le tour du poignet de Gaétan Barrette Austère vient du mot grec austeritas Austerus Qui assèche la langue Auster est un vent sec du Midi Mais qui sévit maintenant dans le Nord Austérité Austère Sinistre morosité Austérité Le nouveau tic nerveux des politiciens 26

ITINERAIRE.CA | 15 février 2015

Fédéraux provinciaux municipaux Leur grand chœur grisâtre Qui nous plombe les ailes Politique de Séraphin Pour un pays Donalda Qui se fait fourrer par des bandes de crosseurs Chaque jour est une peau de chagrin qui rétrécit Triste mot pour une époque qui se vante D'être la plus avant-garde de tous les temps Alors on coupe Surtout dans la créativité Comme si les artistes étaient une haie de cèdres à tondre Austérité Mot suspendu comme l'épée de Damoclès Au-dessus de nos richesses culturelles si chèrement acquises Montréal est la septième ville la plus festive au monde dit-on Et on la voudrait austère! Come on! Cet état de peur que nos élus entretiennent Le mot inventer a disparu S'est-il réfugié lui aussi dans les paradis fiscaux? Pourquoi les bandits à cravate s'en tirent-ils à si bon compte? Et on demande au peuple de faire comme d'habitude Payer pour les folies de ceux qui nous dirigent Le règne de Louis XIV déguisé continue


« Un vent qui assèche, faisant en sorte que plus rien ne pousse. » - Simon Jodoin

Militaire dépensier et imbu de son prestige J'écris ceci avec la nausée au cerveau Au lieu d'un facelift C'est un brainlift dont les élus ont besoin Ils parlent comme des dirigeants de compagnie Tranchant dans le vif de la culture Asphaltant la recherche Asphyxiant l'audace Tant de beaux acquis qui s'écroulent Tiens! je prends un exemple entre mille Le magnifique Centre Culturel Canadien à Paris Place des Invalides Devenu une grosse coquille vide Cette belle vitrine pour notre culture Rendue si insignifiante Car l'austérité est triste Elle ne sème rien Et récolte l'ennui Elle nous force à avoir une gueule de bois Alors qu'on n'a rien bu Je dis non à ce mot Désertique comme une toundra Menteur comme un pipeline Imbécile comme un pétrolier Faux comme une promesse de politiciens

Ceux qui se sont engraissés sur notre dos Méritent une liposuccion 30 milliards en 12 ans contre les Talibans 30 milliards! Et on ose nous parler d'austérité Car retenez le ton hautain de ce mot Ce texte est un F-18 amoché qui revient au bercail Ce texte est une tête d'autruche dans les sables bitumineux Ce texte est un cœur magané charrié par un pipeline approuvé Le Refus Global voulait que l'imagination soit au pouvoir Faudrait que tous les politiciens le relisent Et l'apprennent par cœur Car qui dit imagination dit espoir Qui dit espoir dit recherche Qui dit recherche dit création Et qui dit création dit changer le monde Hélas! comme on est loin de ce constat-là Dieu merci! en ce moment j'ai la chance de vivre Un magnifique festival de poésie Du baume sur la sottise dans laquelle baigne Le plus meilleur pays au monde Alors je retourne drette-là à Trois-Rivières 15 février 2015 | ITINERAIRE.CA

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PROFESSIONNELS IMMIGRANTS

À vous la reconnaissance ! Obtenir l'équivalence de ses diplômes ou la reconnaissance de ses compétences acquises à l'étranger relève du parcours du combattant. Une procédure longue et coûteuse qui en dissuade plus d'un. Bon nombre de professionnels immigrants, ingénieurs, médecins ou dirigeants se laissent décourager et optent pour des emplois en dehors de leur expertise. L'exemple des chauffeurs de taxis hautement diplômés dans leurs pays d'origine qui sillonnent les rues de Montréal est éloquent. PAR SAID EL HADINI PHOTO : GOPESA PAQUETTE

M

ais certains décident de se battre bec et ongles pour pouvoir obtenir un poste pour lequel ils sont qualifiés. C'est le cas des clients de l'Association communautaire d'emprunt de Montréal (ACEM), un organisme de financement communautaire responsable basé à Montréal. Son programme Objectif Reconnaissance offre aux nouveaux arrivants des prêts financiers, à taux d'intérêt faible, pour leur permettre d'obtenir ce qu'il faut pour occuper un emploi digne de leurs acquis antérieurs. Pour chaque candidat, le prêt peut s'élever jusqu'à un maximum de 10 000 dollars, un montant qui sert à couvrir les frais d'accréditation, la mise à niveau des compétences, les cours d'appoint, les frais d'examens des Ordres professionnels, les frais de déplacement ou de subsistance, de garde ou de transport durant la période des cours ou d'examens. Depuis sa création en 2012, une bonne centaine de professionnels immigrants

Matilde Grajales, une infirmière colombienne, a complété son parcours de reconnaissance auprès de l'Ordre des infirmières et des infirmiers du Québec grâce à l'appui de Objectif Reconnaissance et travaille actuellement dans un hôpital de la Rive-Sud. Elle reconnaît «c'est surtout le manque d'argent qui souvent décourage les gens».

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ont réussi l'exploit de travailler dans le métier pour lequel ils ont été formés sous d'autres cieux. D'autres professionnels sont actuellement en attente de reconnaissance de leurs compétences. C'est le cas d'Omar Amine (nom fictif) 38 ans, installé au Québec il y a à peine 13 mois. Il étudie actuellement au Cégep Marie-Victorin pour pouvoir passer les examens et décrocher l'accréditation de l'Association canadienne

Clients par région d'origine

5%

5%

Moyen Europe Orient

10% Asie

35%

45%

Afrique

Amérique latine


ACTUALITÉ Projet pilote

Objectif Reconnaissance est un projet pilote initié par le gouvernement fédéral. Il vient d'être prolongé d'une année supplémentaire. «On est parti de l'idée que le taux de chômage était beaucoup plus élevé parmi les immigrants, en comparaison avec les Québécois de souche. Le gouvernement fédéral voulait ainsi étendre le microcrédit auprès de cette couche de la population pour voir si ça pourrait lui être utile», explique Indu Krishnamurthy, coordonnatrice du programme au sein de l'ACEM. À la fin de septembre 2014, 42 prêts ont été octroyés, selon un rythme de sept prêts par mois. «On veut faire beaucoup mieux tout en étant conscients de ne pas trop endetter les candidats», tempère Mme Krishnamurthy. de la paie. Le coût de sa formation s'élève à 2 800 dollars. Un montant hors de sa portée, lui qui touche un salaire de 11,50 $ l'heure, comme agent de saisie de données. Omar frappe d'abord à la porte de la caisse Desjardins, qui le réoriente vers l'ACEM. Sachant que son programme d'études ne peut être financé ni par Emploi-Québec ni par le système de prêts et bourses, il saute sur cette occasion. «Ce qui m'a le plus encouragé est le taux d'intérêt qui est nettement plus abordable à l'ACEM», nous confie-t-il, ajoutant que l'accompagnement et le suivi à travers des activités, comme le réseautage par exemple, l'ont conforté dans son choix. Marocain d'origine, Omar a exercé le métier de responsable des ressources humaines dans une grande compagnie au Maroc, avant d'immigrer au Québec. Résigné à l'idée qu'il ne pourrait être en mesure d'occuper un poste similaire ici au Québec et sur recommandations de ses amis, il opte pour un métier connexe, celui de responsable de la paie. Pour ce faire, il doit avoir l'accréditation de l'Association canadienne de la paie. «Un titre qui prend plusieurs cours pouvant s'étaler sur plus d'une année, ce qui n'est pas le cas pour le titre de gestionnaire des RH qui est beaucoup plus long», précise-t-il. Après une présentation convaincante, le comité de crédit de l'ACEM lui accorde l'argent nécessaire pour mener à bien son projet. «J'ai dû fournir des preuves et des documents solides pour justifier mon désir d'opter pour la paie plutôt que pour la gestion des ressources humaines. Il ne faut pas se faire d'illusion : ici, presque aucun patron ne confiera la gestion des RH à un immigrant nouvellement arrivé. Il faut au préalable résider ici pour une période suffisante et démontrer qu'on s'est bien intégré à la société», croit Omar.

Long et complexe

Ce n'était pas la même destinée ni le même succès pour Ibn Ibrahima Legue, un Ivoirien arrivé au Québec en mars 2014, après un long séjour en France. Devant la complexité du processus d'homologation de son diplôme d'ingénieur mécanique, il a dû abandonner le processus, après avoir obtenu un prêt de 3 000 dollars. «L'Ordre des ingénieurs m'a demandé de passer 11 examens pour la reconnaissance! Le hic, c'est que l'Ordre n'offre que deux sessions par année. D'après mes calculs, ce n'est qu'en 2017 que je finirai le tout! Non merci, c'est trop long pour moi», explique Ibn Ibrahima, qui a entre-temps quitté le Québec pour l'Alberta. «Ici, j'ai vite trouvé un emploi comme dessinateur industriel, en à peine une semaine. Au Québec, je n'ai pas eu le même succès», poursuit-il. Loin de regretter son expérience avec l'ACEM, Ibn Ibrahima se dit confiant dans l'avenir. «L'ACEM offre d'autres services, comme l'entrepreneuriat. Si jamais je rentre au Québec, je vais les solliciter pour financer mon propre projet», conclut-il.

Clients par secteur d'emploi

A 7% Finances et administration B 43% Ingénieurs, architectes et techniciens reliés C 37% Santé D 10% Droit, services sociaux et enseignement E 3% Métiers

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DANS LA TÊTE DES CAMELOTS

C'est quoi, la solution? La Terre souffre de nombreux problèmes, comme le témoignent le récent attentat à Charlie Hebdo, les massacres de Boko Haram au Nigéria et ici, au Québec, les mesures d'austérité du gouvernement. La pollution, la guerre, les inégalités sociales, l'individualisme, la trop grande place des technologies… La liste est longue. Comment s'y attaquer, quelles solutions proposer? Les camelots ont leurs idées! Voici leurs suggestions pour un monde meilleur.

tèmes Réformer les sys

Enrayer les religions Enlever les religions serait une bonne chose car c'est la base de tous les conflits. Il y a plein de discorde parce que tout le monde dit : « ne viens pas prier sur ma terre. » Ce qui est ironique dans tout cela, c'est que chaque religion prône la paix. MARC MASSY | Camelot Mont-Ro yal/

rveille plus me de santé qui su stè sy un r oi av y nnes âgées. Il devrait s comme les perso de ala m nt so i qu ceux plan de société et ssi avoir un autre té. Nous devrions au trement la pauvre essayer de gérer au

Lanaudière

Moins d'égoïsme ntrer l'égoïsme de Je crois que pour co ême portant d'être soi-m de l'homme, il est im r te en rendre à se cont mais surtout d'app a. n l'o e de ce qu ce que l'on est et ÉNARD | Camelot JEAN-PIERRE M -Zotique Saint-André/ Saint

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audry /Amherst

ER | Camelot Be

JOHANNE BESN


Plus d'éducation lèmes. Je lution à bien des prob L'éducation est la so oit en reç n l'o e qu ent de celle ne parle pas seulem en m t de portante, mais égale institution, qui est im nt de bien rta maison. C'est impo celle qu'on reçoit à la ne âge. jeu s plu et ce, dès leur éduquer les enfants , on est on ati uc éd e ec une bonn Quand on grandit av des connaissances. plus apte à acquérir th lot Saint-Denis/Dulu

GUY BOYER | Came

Vivre sans st ress Afin de ne pas vivre que du st ress, c'est impo prendre le tem rtant de ps. Prendre le temps de vivre! viens des Laur entides et là-b Moi, je as, c'est calme, comme à Mon ce n'est pas tréal. C'est esse ntiel de regard de soi et qu'on er autour se le dise…il n' y a pas que l'a rgent et le travail dans la vie! GAÉTAN PRIN

CE | Camelot métro Bonave nture et promenad e Masson

Limiter les technologies Ce serait impensable d'éliminer la technologie, impossible de s'en débarrasser, mais on pourrait la limiter un peu. J'essaye tous les jours de penser à comment je pourrais humaniser tout cela, mais je ne vois pas de solution à ce probl ème. CYBELLE PILON | Camelot Saint-Zotique/ Saint-

Hubert

fin aux e r t t e M rs pollueu

tions. t les solu s et les n o s s e ll que che rge, les ri ons tous Nous sav x qui sont en cha dre. Je crois qu'il nt, ceu l'enten rs. Il Cependa , ne veulent pas t tous les pollueu es, s e re s è lè e rob m usin pétroli rmer les nnerait d'autres p ! fe e d it a suffir moins occasio llution au nt que ça est évide is bon! Plus de po is/ ma aint-Den

Des énergies renouvelables La solution est de favoriser les énergies renouvelables comme les éoliennes, l'énergie solaire, les autos électriques. Il faut absolument arrêter le charbon, le gaz de schiste et les sables bitumineux qui encrassent notre planète. ALEX PÉLOQUIN | Camelot métro Berri

elot S D | Cam RCHAN A e M v E u e CÉLIN Maisonn

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MOT DE CAMELOT Je suis une survivante Lors de mon entrée à L'Itinéraire, le 15 mai 2013, mon zoom camelot s'intitulait : Mon tremplin pour ma deuxième vie. Il faut dire qu'en 2010, j'ai subi une agression et depuis, j'ai suivi une thérapie pour m'aider. Mon objectif a toujours été de retourner à l'école et j'ai participé ces derniers temps aux différents programmes offerts pour y arriver. Mais je n'y suis toujours pas allée car EmploiQuébec, de même que les responsables de l'aide sociale, doivent me donner l'autorisation pour participer au programme Réussir. Ils m'ont dit : « Entre à l'école et on verra après combien on te donnera.» Après m'être battue, je devais finalement recevoir des indemnisations pour les victimes d'acte criminel qui représentaient deux ans de salaire. L'aide sociale a toutefois saisi 28 823,01 $ sans donner de détails et mes T5 s'élèvent à environ 20 000 $ pour ces deux années. À 55 ans, il n'y a donc pas d'aide pour retourner sur le marché du travail. On préfère avoir des gens non autonomes ou les diagnostiquer en santé mentale. Tout cela m'a démotivée. Je souffre d'isolement, d'angoisse et d'anxiété. J'ai aussi deux hernies discales et je souffre d'ostéoporose. J'ai encore une fois tendance à m'autodétruire. Heureusement, il y en a qui sont là pour m'encourager à ne pas lâcher et je veux les remercier.

ANNE-MARIE BONIN Camelot, angle Beaubien/St-André

Managing in the Winter When I was going to high school I enjoyed winter more. I was younger and I looked forward to playing in the snow. I did not need to travel too far from my area so it didn't feel so bad. In 1990, I started to get tired of winter. I worked outside on the weekends and went to college the remainder of the week. It would be more difficult using the bus and metro and sometimes I would freeze outside waiting for the bus, while other times I warmed up waiting inside the subway station. After buying my first car in 1994, I coped better and winters didn't seem as hard. Now, I understand the difference between having and not having a car in the winter. The car has helped me a lot and I'm thankful for it. People have to find a way to manage in Montreal during this season. I might be managing better now, but it doesn't mean I enjoy this season. I never go skating or skiing, but I usually watch some hockey on T.V., drink hot chocolate and shovel the snow in front of my house. Every year, I start counting the days for winter to end. My desire would be to take a break from winter and go south.

BILL ECONOMOU Camelot, Marché atwater

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Le bonheur Le bonheur c'est de la marde. C'est comme un père absent, comme un bébé qui sort du ventre et qui appartient déjà au monde existant. C'est comme une envie d'être bien que tu ne peux jamais toucher. C'est comme une impression de redémarrer que tu ne peux jamais voir, mais qui au moment présent, quand il n'y a rien aux alentours, ben il existe tellement le bonheur qu'il passe. C'est comme une famille instable que tu ne peux même pas y croire. Ils ont été le bonheur, mais ce n'était pas une ressource inépuisable. C'est comme l'or qu'on n'a jamais trouvé… et quand tu te réveilles, tu espères atteindre le summum. Quand ta tête prend du sérum, quand les gens croient à la pollution par le bruit, le chaos entre dans nos veines. Quand dans un trou noir bleu, il y a que la vie à espérer. Il faut créer la vie en bleu et fumer du gris. Pendant que ma planète unique s'éteint, le soleil lui tourne le dos en déclin. Pourrir ou mourir, quand les ordures me font un chemin, je vois là haut le soleil qui est couleur orgueil. « Le sage obtient plus de ses ennemis qu'un idiot de ses amis. » - Anonyme

CYBELLE PILON Camelot rue Beaubien/Saint-Zotique


CHEMIN FAISANT

Moi et L'autre PAR GUY BOYER

M

oi, ce n'est pas compliqué. Mon histoire ressemble, dit lui-même dépendant de l'alcool et du cannabis. à bien des égards, à tous ceux et celles qui cherchent Marc-André témoigne avec une certaine fierté de sa à s'en sortir. En résumé, je vivais au dessus de mes condition de «roi» des marginaux. Il est fier de faire moyens il y a quelques années, et puis j'ai tout perdu. Tout. autant d'argent en restant assis sur son sac à dos en Ainsi, au début 2011, j'ai commencé une vie de misère. J'ai buvant sa bière, peu importe la température. Il dit alors fait le tour de plusieurs ressources à Montréal, ma avoir ce mode de vie depuis qu'il est tout jeune. Marcville, afin de ne pas perdre ma dignité et de ne pas coucher André est installé sur le trottoir près de la rue devant la dehors. Oui, j'ai bien passé quelques nuits à la belle étoile porte d'une SAQ où il y a un va-et-vient continuel. Il a lorsque la température était clémente, mais les différents développé une technique de mendiant assez simple : refuges à Montréal ont été des domiciles plus ou moins il installe des cartons sur le sol sur lesquels on peut accueillants. En échange d'un loyer, d'une partie de mon lire « trop débile pour travailler – pas assez stupide aide sociale et de services bénévoles, je pouvais y demeu- pour voler ». Faut le voir pour le croire. C'est tout un rer tant et aussi longtemps que je payais. Ces organismes, spectacle… Et ça marche! Il est sympathique avec les entre autres, ont contribué à soulager ma misère et aussi réguliers et engage la conversation. Marc-André a eu à la prolonger dans un confort relatif mais providentiel. plusieurs expériences désagréables dans les refuges et Quelques-uns m'ont laissé des souvenirs doux-amers c'est pourquoi il ne les fréquente que rarement. Notre comme l'Exode ou le Centre Booth de l'Armée du Salut. fidèle clientèle fait un choix délibéré de donner à L'autre D'autres, comme l'Accueil Bonneau ou le Pas de la rue ou même de lui acheter de l'alcool à la SAQ. Il s'agit d'un m'inspirent une infinie reconnaissance. Depuis quelques geste de compassion spontané ou tout bonnement mois, c'est l'Itinéraire qui joue un rôle indispensable dans d'un geste de mépris. Quelques sous pour le mendiant, ma vie et aussi dans la petite société des plus démunis. le plus vieux métier du monde! Mais loin de moi l'idée Tous ces organismes sans but lucratif occupent tout un de vouloir régler ou cerner le phénomène, je constate pan de l'économie québécoise et j'ai dû faire des choix simplement que cette mendicité et cette misère ne parmi ceux-ci. Des choix qui me conviennent dont celui sont pas représentatives de la société dans laquelle on de Ma Chambre Inc qui est un indispensable organisme, vit. Une société riche où les ressources foisonnent pour propriétaire de maisons de chambres avec soutien com- ces marginaux. Le mode de vie de Marc-André est peutmunautaire, où j'ai trouvé un logis à un prix imbattable. être une mise en scène, qui sait? Moi, la clientèle qui L'autre, c'est Marc-André, l'itinérant et mendiant de m'achète le magazine ou qui fait un don est infor« carrière » que je côtoie tous les jours à mon point de mée et vraiment intéressée par le sort des plus vente de L'Itinéraire au coin des rues Saint-Denis et démunis, mais, à l'instar de plusieurs, elle refuse Duluth. L'autre, c'est plus compliqué. Au-delà du fait d'encourager le mode de vie de L'autre. Elle sait que l'on se livre une concurrence pour les dons ou que donner à L'autre, c'est perpétuer cette condiles achats du magazine, nous avons développé une tion de mendiant toxicomane tant et si bien que relation de bonne entente. Je n'ai aucun moyen de d'autres adoptent ce mode de vie. On n'a qu'à se vérifier les dires de Marc-André. Je sais qu'il est dans promener sur le Plateau, dans Ville-Marie ou la mi-trentaine, qu'il a une belle apparence et qu'il est Hochelaga-Maisonneuve pour constater à parfaitement bilingue. Il est équipé pour vivre dans la quel point ils sont nombreux. La roue rue. Vêtements, sac à dos imperméable, tout ce qu'il infernale tourne et notre ville, ma faut pour ce mode de vie. On sait que l'itinérance et ville, devient le spectacle affligeant la mendicité peuvent devenir un mode de vie pour de la mendicité, la pauvreté, la toxicertains marginaux, ceux et celles (plus rares) que l'on comanie, mis en scène sciemment décrit parfois comme les « plus poqués » de la socié- par certains modes de vie. té. Marc-André est parfois confus, car il boit sa bière Moi et L'autre, on rigole bien encontinuellement et ne s'absente de son «poste» que semble. J'aimerais tant qu'il s'en sorte pour aller s'approvisionner en bière ou aller fumer son autrement. Je fais ma part pour l'en joint un peu plus loin. Il ne cache pas ses vices et se convaincre. Tout un contrat!

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MOT DE CAMELOT Bannir le négatif... à jamais! Au début, il y avait l'insécurité sociale, physique et mentale. Grâce à l'organisme pour lequel je travaille en ce moment, j'ai appris énormément à contrôler cette insécurité qui m'habite, ou comme je l'appelle, ce «fléau néfaste». J'ai appris à canaliser mon énergie négative en la transposant en énergie positive. Par exemple, lorsque je veux aller aborder des gens et que la gêne m'envahit, je transforme cette énergie qui me nuit et je l'utilise afin de prendre mon courage à deux mains pour aller voir la personne. Moins on pense à notre gêne, moins on en parle et moins on la crée. Tout le monde peut changer, il suffit d'essayer une fois de faire l'inverse de ce qu'on fait habituellement. Au fond, quel est le pire qui pourrait arriver ? Tous les êtres humains sont égaux, tous sont des frères et des sœurs en bout de ligne. C'est pourquoi, il ne faut pas avoir peur d'aller vers les autres et de s'exprimer ouvertement. Peu importe s'il y a des personnes qui disent des méchancetés, il faut aller au fond de ses pensées. Pour ma part, je leur réponds : «Vos commentaires ne m'importent guère et ils ne me changeront jamais, parce que je suis moi et je m'accepte.» Je mets ensuite une chanson bien forte dans mes oreilles par rapport à mes émotions et je la chante à voix haute. C'est ma façon de ne pas me laisser atteindre par les commérages et de rester positif malgré les tensions qui montent à l'intérieur de moi, la rage et la haine. Il est important de ne pas avoir peur du ridicule et de ne pas s'en faire avec le regard des autres. Même si la situation semble difficile et parfois insurmontable, il est important de ne jamais perdre espoir. Vous verrez, vous n'en retirerez que du positif!

SYLVAIN PÉPIN-GIRARD Aide-ménager et homme à tout faire

Mettre les priorités à la bonne place La vie nous offre à tous une multitude de défis. Certains plus grands que les autres, nous sommes constamment exposés à résoudre nos problèmes quotidiens. Comme je dis souvent : «  Il n'y a pas de problème, seulement des solutions.» Aujourd'hui, je me trouve confronté à plusieurs de ces problèmes. Par contre, il en va de soi qu'à un moment ou à un autre, il faut se relever et faire face à la musique. Pour certains d'entre nous il est plus facile que pour d'autres d'accéder aux solutions. Moi, en tant qu'habitué ou même abonné à ces problèmes, disons qu'il m'en faut beaucoup pour m'abattre. On dit que ce qui ne te tue pas te rend plus fort… Problème avec la consommation, convocation à la régie pour résiliation de bail, problèmes financiers, solitude, etc. La liste est longue. Pourtant, rien n'est impossible pour une personne de bonne volonté. D'où le titre de mon texte : « Mettre les priorités à la bonne place. » Chaque chose doit se régler à son heure.  Même si parfois, on se sent pris au dépourvu, sachez qu'il y a toujours une personne ou une ressource qui est là pour nous. Il suffit de frapper à la bonne porte. Toujours est-il que pour moi, les choses se replacent lentement, mais sûrement. La persévérance, le courage et la ténacité sont parfois nécessaires à l'accomplissement de nos desseins. Heureusement, je suis pourvu de ces qualités et grâce à elles, je suis en mesure de faire face à mes montagnes. Un pas à la fois, un pallier à la fois, car c'est ainsi que l'on gravit des montagnes. Je tiens sincèrement à dire merci, à tous ceux qui me soutiennent sur tous les niveaux, votre aide est plus qu'appréciée.

STEVE HALL Camelot métro Radisson

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Manifestez Moi, je suis pour les manifestations qui réunissent de plus en plus de participants, car il est temps que les gens se réveillent : on coupe, on coupe, mais là on est rendus à un point de saturation jamais vu. Au lieu de sabrer dans les programmes sociaux, qu'on en ouvre de nouveaux. Au lieu de construire des condos, qu'on construise des logements à coût modique pour les sans-abri et les pauvres. Au lieu de couper l'aide aux devoirs, qu'on étende ce système à tous les écoliers. Que les soins médicaux soient plus accessibles pour tout le monde. Au lieu de laisser les personnes malades dans les rues, qu'on les prenne en charge pour qu'elles puissent progressivement faire leur part pour la société. Ces personnes ne vivent pas, elles survivent seulement dans la violence et la misère. Bref, qu'on fasse preuve de plus de tolérance et d'humanité.

CÉCILE CREVIER Camelot au métro Fabre et au métro l'Assomption


Des questions autour du décès d'Alain Magloire Le décès d'Alain Magloire, le 3 février 2014, a fait couler beaucoup d'encre et soulevé bien des questions. Les besoins en santé mentale sont grands en termes d'accessibilité aux services et aux soins, de logement, d'encadrement, autant d'enjeux souvent complexifiés par la réalité de l'itinérance. Les diverses réponses développées à ce jour n'ont pas permis à Alain Magloire de s'en sortir, mais l'intervention policière soulève aussi de graves préoccupations qu'il convient d'aborder ici.

INFO RAPSIM

BERNARD ST-JACQUES | Organisateur communautaire

A

u cours de l'actuelle enquête du coroner, on a maintes fois entendu dire par les policiers qu'au point où en était rendue la situation, il n'y avait plus rien à faire d'autre que de pointer l'arme et sommer violemment Magloire de déposer son marteau. Or, on est en droit de se demander s'il n'existait pas encore une ultime possibilité de désamorcer la crise, de dédramatiser la situation. Que Magloire, en crise, demande aux policiers de lui tirer dessus démontrait en soit qu'on était dans une situation particulière. Au-delà d'une formation plus adéquate, y avait-il une autre intervention possible ? À la rigueur, si l'arme à feu devenait inévitable, y avait-il moyen de faire autrement ? Le rapport du coroner Perreault sur la mort de Fredy Villanueva questionne la procédure controversée, élevée en dogme dans les rangs policiers, selon laquelle ceux-ci doivent viser « les « centres masses » jusqu'à ce que la menace cesse » (p.131). Est-ce possible de viser ailleurs qu'en plein cœur dans certaines situations et l'utilisation de l'arme à feu doitelle en soit être mieux encadrée ? Bref, sans vouloir tout remettre en cause, le fait de ne pas avoir de réponse à ces questions laisse perplexe et peut donner l'impression que les milieux policiers ne veulent en discuter.

Le piège du Taser

À la suite des décès de Mario Hamel en 2011 et de Farshad Mohammadi six mois plus tard, on soulevait la nécessité de doter les policiers d'autres armes intermédiaires, à commencer par le pistolet à impulsion électrique Taser.

Après ces fusillades, le Taser semblait être un moindre mal alors qu'il n'y a pas si longtemps, il était fort controversé en raison de décès survenus après son utilisation. Plusieurs organismes ne demandaient rien de moins que son retrait. La compagnie Taser, celle qui produit les armes, admettait que son utilisation pouvait entraîner des arrêts cardiaques et qu'il ne fallait pas viser la poitrine. Les personnes ayant une santé plus fragile, parmi elles bien des personnes itinérantes, sont aussi sujettes à plus de complications. De plus, serait-ce possible de disposer d'un encadrement adéquat de son utilisation massive alors qu'il est déjà difficile d'assurer la formation des policiers en matière de santé mentale ? En somme, il serait dangereux de voir dans le déploiement du Taser une solution facile ou une alternative pouvant être prise à la légère.

Un nouveau mécanisme d'enquête nécessaire

Ces fusillades et les questions qu'elles soulèvent entraînent une forte impression d'impunité des policiers dans la population, au point d'avoir convaincu le gouvernement de légiférer et de changer le mécanisme d'enquête (des policiers enquêtant sur d'autres policiers) en mai 2013. La loi 12 créant le Bureau des enquêtes indépendantes est toujours en attente d'un règlement qui permettrait d'en assurer l'application. Une campagne a été lancée par la Ligue des droits et libertés en début d'année pour demander que cette loi soit appliquée, car elle assurerait un processus davantage indépendant en encadrant les enquêtes par une instance composée surtout de civils. Comme les autres actions suggérées, cette loi n'aurait pas pu, à elle seule, empêcher le décès d'Alain Magloire. Néanmoins, on peut espérer qu'elle offrira de manière plus transparente une occasion de plus de creuser ces questions gênantes, de trouver d'autres façons de faire et ultimement, d'épargner des vies.

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Dignité Pauvreté

Plus de six millions de personnes à travers le monde votent pour la dignité en achetant un journal de rue. En agissant ainsi, ils participent à changer la vie de 27000 camelots dans 40 pays, représentant plus de 120 journaux de rue différents. En retour, les lecteurs profitent d’un journalisme indépendant de qualité, tout en sachant qu’ils ont fait une différence.

Votez pour la dignité.


CARREFOUR

PHOTO : PHILIPPE BOISVERT

Merci! La Fondation Bon départ de Canadian Tire du Québec a remis un don de 4200$ à L'Itinéraire. Grâce à cette somme, nous nous sommes procurés de nouveaux outils ainsi que des articles de cuisine qui vont notamment faciliter la préparation des repas au Café L'Itinéraire! Nous remercions la Fondation Bon départ de Canadian Tire du Québec ainsi que la superbe équipe du magasin Canadian Tire situé au 3025 Sherbrooke Est. De gauche à droite : Vanessa Sérant, responsable du financement à L'Itinéraire; Dercio Rosa, directeur général Canadian Tire 3025 Sherbrooke est; Duffay Romano, chef des opérations et des ressources humaines

PHOTO : GOPESA PAQUETTE

L'Itinéraire s'exporte à Granby! C'est grâce à l'initiative de «M. Sutton», Bertrand Derome, et avec l'appui du Groupe actions solutions pauvreté Haute-Yamaska que le conseil de ville de Granby a accepté, le 19 janvier dernier, d'autoriser la vente du magazine à six intersections situées dans le centre-ville. «On sait que ce magazine de rue est un outil d'intervention pour les camelots et de sensibilisation pour la population. Ce double objectif va être très positif pour la région», a commenté le coordonnateur au GASP, Nicolas Luppens. Dès que le service de police aura donné son feu vert, Bertrand Derome pourra commencer à y vendre le magazine. Une deuxième personne a d'ailleurs déjà manifesté son intérêt aussi. « L'implication de Bertrand, un cameBertrand Derome (au centre), sera le premier camelot à vendre L’Itinéraire à Granby. lot d'expérience déjà très apprécié à Il est accompagné par Yvon Massicotte (à gauche) et de Shawn Bourdages (à droite). Sutton, va nous aider grandement à nous implanter à Granby. À terme, nous espérons qu'un organisme local offrant des services semblables à L'Itinéraire, c'est-à-dire de l'aide alimentaire et des services psychosociaux, s'intéresse au projet et devienne un point de distribution pour nos futurs camelots», explique Shawn Bourdages, chef du développement social à L'Itinéraire. «L'itinérance et la pauvreté sont malheureusement bien présentes dans les régions. Si le projet fonctionne bien, il pourrait faire des petits dans d'autres petites villes du Québec», a ajouté Yvon Massicotte, notre agent de développement.

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Polyglotte PIERRE SAINT-AMOUR

M

a grand-mère croyait dur comme fer qu'elle avait le don des langues. Elle parlait couramment, affirmaitelle avec une assurance qui ne souffrait aucune contestation, le chinois, le polonais, l'italien et le vogoul. Peut-être même le volapuk, mais je n'en suis pas certain. Pour ma grand-mère, parler la langue d'un étranger consistait en fait à se faire comprendre de lui, ce qui était moins compliqué qu'il n'y semble. Dans ce processus de communication pour le moins original, les mots qu'elle forgeait au gré de sa fantaisie, inintelligibles, n'avaient qu'une fonction cosmétique sans aucun rapport avec la transmission du message et ne servaient que de support à l'inflexion de la voix, elle-même porteuse de toute une gamme d'émotions, allant de la réprimande la plus brutale aux louanges les plus serviles. La gestuelle fort éloquente qui accompagnait le discours de ma grandmère réussissait cependant à combler les lacunes de sa parole incertaine pour livrer à son destinataire un message riche de signification. En ces temps reculés, je me souviens qu'il y avait, située à quelques pâtés de maisons du minuscule logement de mes grands-parents, une teinturerie - on dirait aujourd'hui un nettoyeur - administrée par une famille d'origine chinoise. Selon ma grand-mère, qui s'y connaissait, le prix modique exigé pour le nettoyage des vêtements justifiait à lui seul l'effort du déplacement. Lorsque nous allions «  chez le Chinois  », nous partions généralement de bon matin, les bras chargés de sacs en papier contenant

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principalement les chemises de mon grandpère et la literie. Le « Chinois » occupait le rez-de-chaussée d'un immeuble à logements de trois étages. La façade de l'établissement était composée d'une vitrine, masquée par un rideau de velours rouge qui empêchait de voir à l'intérieur, et d'une enseigne en bois sur laquelle étaient peints d'incompréhensibles idéogrammes. Le local de modeste dimension, servant à la fois de blanchisserie et de maison, abritait une famille nombreuse et grouillante. Confinés dans une solitude culturelle (et sociale) affligeante, inconcevable aujourd'hui, les adultes, comme les enfants, ne s'exprimaient qu'en mandarin. Dans ma cervelle de petit garçon de quatre ans, ces « étranges » prouvaient hors de tout doute que le monde n'était pas constitué uniquement de Canadiens français catholiques, mais qu'il y avait aussi, vivant sur la Terre, des gens aux mœurs, aux coutumes et même à l'anatomie distinctes, dont la langue d'origine présentait des différences aussi marquées que celles qui existent, bien qu'ils fussent des oiseaux, entre un héron et un pigeon. Je croyais également que la population chinoise, à l'échelle mondiale, devait être de faible densité, compte tenu du nombre extrêmement limité de ses représentants dans notre quartier. Ces braves gens, si éloignés de moi et de mon entourage, présentaient cependant une particularité à l'appartenance de laquelle chacun pouvait prétendre : ils étaient aussi pauvres que nous l'étions, sinon plus. Si la misère a quelquefois un visage, elle avait pour moi une odeur, l'odeur de l'empois, ce produit de nettoyage qui rendait les cols de chemise de mon grand-père raides comme PHOTO : 123RF.COM/LIU JUNRONG

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CONTE

du carton, qui vous prenait à la gorge dès que vous pénétriez dans cette caverne d'Ali Baba. Aussitôt que nous franchissions le pas de la porte, une femme, dont l'âge était sensiblement le même que celui de ma grand-mère, accueillait la clientèle, assise sur un tabouret, derrière une longue table faisant office de comptoir. Arrivant en grande pompe, ma grand-mère y déposait les sacs de vêtements sales, puis se saisissait d'une chemise qu'elle exhibait sous le nez de l'hôtesse. Pointant du doigt une manchette à la propreté douteuse, ma grand-mère levait les yeux au ciel pour souligner le désespoir que lui causait la vue d'autant de saleté, en déclamant comme un poème : « Ching chang ching kong ! Chong ching maka wing ! » L'hôtesse, familiarisée depuis longtemps à la langue vernaculaire de ma grand-mère, ne se laissait pas démonter pour autant, hochait la tête en guise de solidarité et se lançait alors dans une envolée lyrique, aux accents mélodieux, dont je ne comprenais pas le moindre mot. Elle griffonnait ensuite une inscription sur un bout de papier qu'elle remettait à ma grand-mère. De retour à la maison, je demandais à ma grand-mère : « Mais qu'est-ce qu'elle t'a dit, la madame ? - Elle m'a dit que je pourrais revenir jeudi. » Dans mon esprit, il ne faisait aucun doute que ma grand-mère était la plus grande sinologue du monde. ***

Comme j'aimais ces jours bénis, voués au magasinage ou à la simple promenade, qui se terminaient généralement tard en fin d'après-midi, juste avant l'heure du souper. Nous marchions toute la journée et mangions sur le pouce à la sauvette. Parfois, lorsque la fatigue se faisait sentir, ma grand-mère m'emmenait à L'Île-de-France, le fameux restaurant de style Art déco du magasin Eaton, qui occupait le neuvième étage de l'édifice, où nous allions déguster une collation. Fourbus mais heureux, nous revenions à la maison en trolleybus, un luxe que ma grand-mère s'accordait rarement, car « si le Bon Dieu nous avait créés avec des jambes, c'était pour qu'on s'en serve ». Avec moi, toutefois, elle était encline à plus de clémence... Si ma grand-mère aimait volontiers se pavaner avec moi dans « l'ouest-ma-chère », c'est parce que « c'était beau » (entendons : somptueux). Combien d'heures avons-nous passé, elle et moi, à déambuler chez Eaton ou chez Morgan's, nous arrêtant à chaque comptoir, fascinés tous les deux par l'étalage de faste et de splendeur qui s'offrait à nos yeux ? Cependant, ma grand-mère, soumise à la furieuse tentation d'acheter, refusait d'y succomber, même si elle en avait les moyens, pour la simple raison que les vendeurs ou les vendeuses, majoritairement francophones, ne s'adressaient à elle qu'en anglais. Malgré sa profonde connaissance des langues, s'exprimer dans celle de Shakespeare - yes, oui ave no bananusse toudé! - l'aurait humiliée.

À suivre dans la prochaine édition du magazine L'Itinéraire

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VIVRE

PAR DENYSE MONTÉ | montex9@videotron.ca

Parce qu'il est impressionnant. Parce qu'il y a dans son regard, une irrésistible douceur. Parce qu'il ne juge pas. Parce qu'il ressent et comprend tout... Vive le cheval! Chevaux au vent

Dany est coiffeuse et instructrice d'équitation. Si elle devait choisir entre chevaux et cheveux, elle garderait ses chevaux adorés. Il s'établit une telle complicité entre le cheval et sa cavalière que cette relation lui est indispensable pour vivre heureuse. « Le fait de devoir être à leur écoute apporte de la confiance en soi. Essayer de comprendre leur non-verbal nous en apprend beaucoup sur eux et sur nous-mêmes. Par exemple, si je suis nerveuse

un sou  ou presque : travailler dans une écurie ou prendre soin des chevaux de propriétaires qui n'ont pas le temps de s'en occuper, en échange de cours d'équitation. Il est également possible d'adopter un cheval gratuitement. Consultez les conditions du Refuge de Galahad qui trouve des foyers d'accueil ou pensions pour chevaux qui sont délaissés par leurs propriétaires.

Ski-cheval

Pour les adeptes du ski nautique, l'hiver peut paraître long à moins de pratiquer le... ski joëring équestre. Évidemment, il faut de robustes ischio jambiers pour se laisser tirer par un cheval et son cavalier. Ce sport euphorisant peut être pratiqué dans différents centres équestres québécois.

Thérapeutique

Éliane Trempe a créé, il y a 3 ans, le centre d'apprentissage en thérapie équine du Québec (CATEQ) qui forme des instructeurs en équitation thérapeutique, certifiés par l'Association canadienne d'équitation thérapeutique (cantra.ca). L'efficacité de cette approche auprès des enfants ayant différents handicaps physiques ou psychologiques est bien reconnue. Les adultes qui souffrent de stress post-traumatique, de dépression ou d'autres troubles qui les empêchent de fonctionner, peuvent eux aussi voir leur condition s'améliorer au contact des chevaux guidés par ces instructeurs.

Métier : maréchale-ferrante

Vivre sa passion équine

ou brusque, le cheval le ressent. Je comprends que je devrai changer mon mode de vie pour me calmer. » Le cheval nous oblige à être vrais. Et à être reconnaissante, ajoute Dany. Une reconnaissance sans borne envers Moustique et Cody qui lui donnent la chance dit-elle, de transmettre un savoir et de partager avec les autres le bonheur d'avoir des chevaux.

Ça coûte cher?

En plus du prix d'un cheval, si on ne peut le garder chez soi, sa pension à l'écurie coûte à elle seule dans les 350 $ par mois. Sans compter qu'il faut investir beaucoup de temps pour assurer son bien-être. Les personnes qui peinent à sortir Fido quotidiennement auraient du mal à consacrer de 2 à 3 heures par jour pour nourrir et dorloter Crin d'or! Une astuce pour vivre une passion équestre sans dépenser PHOTOS DM

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Andréane Thibault, de Montmagny, n'a pas choisi le métier le plus facile au monde. À 33 ans, elle pratique la maréchalerie depuis 2011, après avoir suivi la formation de l'Institut de technologie agroalimentaire à La Pocatière. Pour en vivre, il faut, dit-elle, demeurer dans la bonne région! Là où il y a des chevaux que les propriétaires entretiennent régulièrement, pour la compétition ou les concours. Tandis que le métier de palefrenier attire presque exclusivement des femmes au collège La Cabriole, seulement une femme sur dix finit, chaque année, le programme pour devenir maréchal-ferrant. Pourtant, il faut une grande dose d'endurance pour ferrer des chevaux : debout, penchée, la patte du cheval à retenir fermeDany et son Moustique ment, la manipulation d'une panoplie d'outils depuis la lourde enclume à la pince à feu en passant par la meule à sabots... « Étonnamment, confie Andréane,  je trouve cela moins difficile que l'entretien ménager. Je suis une passionnée des chevaux.». Elle aussi! En savoir plus : maisonsaintgabriel.qc.ca — feq.qc.ca — filiere-cheval.com


Montréal en Lumière souligné par l'UNESCO

PANORAMA

PHOTO: FRÉDÉRIQUE MÉNARD-AUBIN

Le festival montréalais jouit maintenant d'une reconnaissance internationale. L'UNESCO a sélectionné la 16e édition de Montréal en Lumière comme événement de choix dans le cadre de l'Année internationale de la lumière.

MONTRÉAL EN LUMIÈRE

Fêter l'hiver sans se ruiner CATHERINE GIROUARD

Cassé en cette période d'austérité? Il y a encore moyen de s'amuser sans sortir son portefeuille. Montréal en lumière réchauffera l'atmosphère, en ce mois de février bien frisquet, en illuminant le Quartier des spectacles du 19 février au 1er mars. Cet événement met à l'honneur l'art, la culture et la gastronomie en offrant une avalanche d'activités gratuites : des expositions, des attractions pour petits et grands, dont une tyrolienne sur la rue Ste-Catherine, un village tout en lumière consacré à la bonne chaire, la désormais traditionnelle Nuit Blanche en plus d'une multitude de spectacles extérieurs gratuits. Voici quelques événements à ne pas manquer. La place des Festivals en musique

Les planches de la scène RBC brûleront du début à la fin du festival. Un spectacle gratuit différent y sera donné à chaque jour d'ouverture du site. En journée, les tous petits ont rendez-vous avec le spectacle Les Petites Tounes (les samedis 21 et 28 février) et Benoit Archambault (dimanche 22 février). Le soir, la scène s'embrase avec Vincent Vallières, en ouverture du festival, Brigitte Boisjoli le 21 février, la chanteuse suisse et son cor des Alpes Eliana Burki (la Suisse est le pays à l'honneur du festival cette année), la Révélation RadioCanada musique du monde Pierre Kwenders le 25 février et la chanteuse Inuk Élisapie Isaac le 26 février.

À la soupe!

En plus des nombreuses stations gourmandes où l'on pourra se régaler en savourant autant une fondue suisse servie dans un pain qu'un légendaire morceau de tarte au sucre, ceux qui désirent amuser leurs papilles gratuitement ne doivent pas manquer l'événement La soupière de Lanaudière, le samedi 21 février dès 16h. Un velouté parmentier lanaudois sera offert au pied de l'esplanade de la Place des Arts. Premier arrivé, premier servi!

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Série sur l'Histoire de la pauvreté au Québec

CLIN D'ŒUIL DU PASSÉ

La pauvreté est une réalité qui ne date pas d'hier, et les ressources pour la combattre non plus. À travers une série de dix textes, L'Itinéraire dresse un portrait historique de l'aide offerte aux personnes vulnérables et en situation d'itinérance au Québec depuis la colonisation.

1RE PARTIE

L'organisation de l'aide au temps des colonies MARTINE B. CÔTÉ

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es besoins sont grands pour les habitants de la Nouvelle-France. Nombreux colons et coureurs des bois n'ont pas l'habitude ni le goût pour le travail agricole, d'une importance capitale pour le développement de la colonie. Certains versent dans l'alcoolisme, d'autres se mettent à mendier. Les maladies sont nombreuses, la violence présente, la soli-

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darité et la charité naturelles des habitants de la Nouvelle-France ne suffit plus, une centralisation de l'assistance se fait sentir. En 1620, les Récollets ouvrent le couvent Notre-Dame des Anges, qui devient ainsi la première agence de la colonie. Entre 1635 et 1644, trois autres institutions d'assistance ouvrent leurs portes : l'HôtelDieu de Québec, le couvent des Ursulines

et l'Hôtel-Dieu de Montréal. Les besoins continuent cependant de croître et à l'inspiration de ce qui se fait en France, des Bureaux des Pauvres voient le jour. Celui de Québec ouvre en 1688 et celui de Montréal, en 1698. Ces bureaux sont financés à même des quêtes, qui se font de porte en porte. Le clergé ne cesse d'encourager les citoyens à donner pour les malades, les pauvres, les vieillards et les enfants. Mais l'Église ne veut plus que le don se fasse de main à main, mais plutôt via une redistribution. Les Bureaux des Pauvres offrent, certes, des denrées aux nécessiteux, mais veulent les sortir de la misère et éliminer la mendicité. Le fait de mendier devient rapidement un acte répudié, même condamné par de lourdes sanctions. Dans ce contexte, les directeurs de ces institutions enquêtent sur chaque personne nécessiteuse pour décider de la forme d'aide à laquelle elle aura droit. L'idée de séparer les « bons » des « mauvais » pauvres est de plus en plus présente. On veut aider ceux qu'on considère comme de « vrais » pauvres… Les autres doivent combattre leur misère par le travail, et le travail seulement ! Jusqu'au milieu du 18e siècle, la Nouvelle-France connaît son lot d'épreuves, laissant de plus en plus de gens dans des conditions de survie, même les travailleurs…


LIVRES

PAR GOPESA PAQUETTE ET LOUIS-PHILIPPE POULIOT

Second regard Ernest Hemingway aurait déclaré que la meilleure façon de comprendre l'actualité du jour est de lire les journaux de l'année dernière. C'est ce que permet ce recueil de chroniques parues dans La Presse entre 2000 et 2014, dont la somme rappelle à la fois la courte mémoire (rapport BouchardTaylor) et la redondance (la menace musulmane) du regard médiatique. Dès le départ, la chroniqueuse Rima Elkouri s'est vue cantonnée, bien malgré elle, dans le rôle de l'arabe de service, une position qu'elle sait toutefois utiliser avec adresse. Mais comme l'indique le refus dans le titre, l'auteure est avant tout une humaniste au regard vif. Sa plume souligne l'urgence de s'attaquer à l'indifférence et à la peur de l'Autre qui minent tranquillement le Québec depuis le début du millénaire. (GP)

Les hordes… Il semble que chaque mois un expert rappelle la menace imminente d'une catastrophe écologique causée par l'explosion démographique des pays d'Asie et d'Afrique. Dans cet essai, les militants écosocialistes, Ian Angus et Simon Butler, se demandent pourquoi, depuis le 19e siècle, ce sont toujours les Autres qui sont trop nombreux. Ils s'attaquent à ce qu'ils nomment le populationnisme : l'idéologie imputant au nombre d'êtres humains sur Terre les maux d'ordre social et écologique. Cette obsession du nombre détourne l'attention de la manière dont nous utilisons les ressources et masque un racisme pernicieux. À trop vouloir compter les brins de paille, on oublie que la poutre est dans notre œil. (GP)

Puissant mais soporifique 1984 est un grand classique de la littérature de contestataires gauchistes du monde. Ce livre est si connu qu'il est carrément l'équivalent de l'épinglette duS CChe; L A S S I car comme lui, c'est une icône de notre soQU D ciété moderne, tout le monde s'associe à lui mais en fait, personne ne le connaît réellement... Ce livre extraordinaire qui parle d'un sujet préoccupant est toujours d'actualité même 66 ans après sa première parution. Ce livre, dis-je, qui soulève des questions fondamentales sur le contrôle de nos vies par l'élite de manière aussi bien physique, technologique que psychologique est aussi génial que d'une incroyable platitude! Oui, j'ose le dire. Je vous mets au défi de le lire sans vous endormir deux fois. (LPP) ES

Ian Angus et Simon Butler, Écosociété, 304 pages.

Rima Elkouri, Éditions Somme toute, 448 pages.

DE

LES GRAN

Une planète trop peuplée? Le mythe populationniste, l'immigration et la crise écologique

Pas envie d'être arabe. Chroniques et reportages 2000-2014

1984

Georges Orwell, Gallimard, 448 pages.

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en suivant les lignes pauvre placentaire

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LE JOSÉE FLÉCHÉ

blette enzymes

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« Je m'appelle Josée, je travaille à la distribution et voici mon petit fléché »

rouge éternel

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tête pronom relatif

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SOLUTION DU 1er FÉVRIER

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adjectif démonstratif

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Solution dans le prochain numéro

B abri

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Réponses du 15 février 2015 en suivant gâté défauts pauvre

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JOSÉE CARDINAL | Distributrice


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1 2 3 4 HORIZONTALEMENT 1. Rouillées. d'Europe. - Effritera. 5 2.3. Pays Suis couché. - Aire de vent. - Arbres. - Interjection. - Sodium. 6 4.5. Hameau. Paroles. - Accabler d'une charge financière. d'un caractère italien. 7 6.7. Marquera Déconfiture. - Existes. - Relatif aux philosophes de l'école d'Élée. 8 8.9. Deux. Mesures agraires. - Bourrelier. 8 Monnaie japonaise. - Torchis. - Bain à remous. 9 10. VERTICALEMENT 1 10 8 1. Raidis. 2 2. Utilitariste.

8

9 10 11 12

HORIZONTALEMENT 1. Se dit de cellules embryonnaires non différenciées, aptes à former des tissus divers. 2. Versants exposés au nord. - Aluminiums. 3. Avant Jésus-Christ. - Astate. - Route rurale. 4. Cultes aux images saintes. 5. Certitude. - Brillé. 6. Iridium. - Tamisa. - Orient. 7. Bouclier. - Accumula. 8. Lieux d'où l'on extrait les nitrates. - Deux. 9. Issu. - Pilote. 10. Levant. - À lui. - Sélénium. VERTICALEMENT 1. Maghrébine. 2. Assombries. 3. À toi. - Métal. - Do. 4. Peintures religieuses. - Dieu solaire. 5. Post-scriptum. - Phoques. 6. Bières. - Âge. 7. Palpa. - Période de 6585 jours. 8. Article étranger. - Fils qui servent à former les duites. 9. Gêner. - Vin. 10. Travailleur social. - Atolls. 11. Abouties. 12. Qui bénéficie d'un délai.

Dans. 7 3.4. Fonderai.Solution dans le prochain numéro Pronom. - Semblables. 5.HORIZONTALEMENT Alcool. - Argiles. 5 6. Victoire de Napoléon. 8 - Paresseux. - Note. 7.1. Impudentes. S e d it ddestinée e cCardinal ellules mbryonnaires non différenciées, aptes à former Jeu8. réalisé |e joseecardinala1@yahoo.ca Possédé. -par PièceJosée à la transmission d'une poussée. 6 9. Manufactures. - Article éétranger. des 7 tissus détranger. ivers. 10. Isolerais. 11.2. Âge. -ersants Erbium. - Tonne équivalent pétrole. NIVEAU DE DIFFICULTÉ: MOYEN 5 9 VSolutions au nord. -­‐ Aluminiums. due1 xposés février 2015 12. Tamis. - Échouera. 3. Avant Jésus-­‐Christ. -­‐ Astate. -­‐ Route rurale. 1 2 3 1 4 5 6 7 8 9 10 11 12 7 5 1 R4. UCultes B I G I images N E U s S aintes. E S a ux 2 I T A L I E U S E R A 4 2 9 7 3 G5. ICertitude. S N N -­‐ EBrillé. I P E S 4 I L E T A H N A 65 D6. 3IIridium. R E S Tamisa. O B E-­‐ O R rient. E R 1 9 4 8 er

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Placez un chiffre de 1 à 9 dans chaque case vide. Chaque ligne, chaque colonne et chaque boîte 3x3 délimitée par un trait plus épais doivent contenir tous les chiffres de 1 à 9. Chaque chiffre apparaît donc une seule fois dans une ligne, dans une colonne et dans une boîte 3x3.

I L L I-­‐ ATccumula. E R T 7. ABouclier. 7 5 8 I E S E L E A T E E S d'où S l'on E L extrait L I E les R nitrates. -­‐ Deux. 8. RLieux LOGICIEL 4 3 NOTRE E N P I S E S P A DE SUDOKUS EST 9. Issu. -­‐ Pilote. MAINTENANT 6 7 1 DISPONIBLE. 7 4 6 -­‐2 9 -­‐5 3 10 000 sudokus inédits de 10. 1Levant. À 8lui. Sélénium. 4 niveaux par notre expert, 6 5 3 7 9 1 8 4 2 5 2 1 9 Fabien Savary. En vente VERTICALEMENT exclusivement sur 8 2 9 5 3 4 7 1 6 notre site. 4 1 6 3 7 2 5 9 8 3 8 6 1. M5 aghrébine. www.les-mordus.com 9 8 4 1 6 3 2 7 3 2 8 5 9 1 6 4 2 2. A7ssombries. 9 8 5 2 6 3 4 7 1 Solution dans le prochain numéro 3. À3 toi. 6 1-­‐ M 9 étal. 4 7 -­‐2 D8o.5 2 4 7 1 8 5 6 3 9 4.Peintures religieuses. -­‐ Dieu solaire. Jeu réalisé par Ludipresse | info@les-mordus.com 5. Post-­‐scriptum. -­‐ Phoques. 3 8 4 6 2 7 1 5 9 6. Bières. -­‐ Âge. 5 2 9 8 4 1 3 7 6 15 février 2015 | ITINERAIRE.CA 45 6 1 7 5 9 3 4 8 2 7. Palpa. -­‐ Période de 6585 jours. 7 6 5 3 1 8 9 2 4 4 9 1 7 5 2 8 6 3 8. Article étranger. -­‐ Fils qui servent à former les duites.


A PROPOS DES...

CRISES Les moments de crise produisent un redoublement de vie chez les hommes. FRANÇOIS RENÉ DE CHÂTEAUBRIAND

Plutôt que de maudire les ténèbres, allumons une chandelle, si petite soit-elle… CONFUCIUS

Il ne peut y avoir de crise la semaine prochaine, mon agenda est déjà plein. HENRY KISSINGER

Les hommes n'acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise. JEAN MONNET

Ce qu'on nomme la crise n'est que la longue et difficile réécriture qui sépare deux formes provisoires du monde. JACQUES ATTALI

Les crises de demain sont souvent le refus des questions d'aujourd'hui. PATRICK LAGADEC

La sauvegarde de notre monde humain n'est nulle part ailleurs que dans le coeur humain, la pensée humaine, la responsabilité humaine. VACLAV HAVEL

Il paraît que la crise rend les riches plus riches et les pauvres plus pauvres. Je ne vois pas en quoi c'est une crise. Depuis que je suis petit, c'est comme ça. COLUCHE

Crise : État structurel de l'économie capitaliste libérale. LUC FAYARD

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ITINERAIRE.CA | 15 février 2015



Chez Tim Hortons, si nous ne pouvons servir notre café de première qualité dans les vingt minutes suivant sa préparation, nous ne le servons tout simplement pas. C’est pour cette raison qu’à chaque nouvelle carafe que nous préparons, nous y inscrivons l’heure. De cette façon, vous êtes assurés que nous vous servons un café toujours savoureux.


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