2015-04-01_IT-07

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Face à soi-même

LA LOI C-51 Vivre au pays de la terreur

ZOOM Guy Thibault

AUTISME Les adultes dans l'impasse


Cocktails • Événements corporatifs ou privés • Repas pour écoles et CPE • Service de comptoir alimentaire • Pâtisseries pour cafés, restaurants, cafétérias ou pour vos occasions personnelles • Service aux tables • Location de salle. Bis est une entreprise d’insertion sociale et professionnelle à but non lucratif spécialisée dans la restauration.

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Guy Thibault Camelot No : 1169 | Âge : 52 ans Point de vente: Camelot Plateau Mont-Royal et métro Montmorency

I

l y a un an, Guy a été pressenti une première fois pour être le camelot du Zoom. Il a refusé catégoriquement. « À mon arrivée à L'Itinéraire, je n'étais pas un cadeau. J'étais dépressif, je consommais souvent, j'habitais dans la rue. J'avais des problèmes de comportement », se souvient-il.

Eh bien aujourd'hui, Guy va beaucoup mieux. Il est un homme transformé. « Quand je regarde une photo de moi prise il y a un an et une autre prise hier… C'est écœurant la différence, c'est débile, dit-il fièrement. Ça se voit, et ça se vit. » La relation d'aide qu'il a développée avec son intervenante du Centre de réadaptation en dépendance de Montréal lui a permis d'oublier la drogue. Cela a été un tournant décisif pour cet homme qui était tombé dans la drogue durant son adolescence. « À 14 ans, je cherchais déjà dans le dictionnaire ce que voulaient dire cocaïne, héroïne et morphine. Ça me fascinait. » Très timide, manquant de confiance en lui, la drogue lui procure un exutoire inespéré à la suite du divorce de ses parents. « Dès que j'ai touché à la drogue, cela a rempli un trou béant en moi. Elle me permettait de m'évader. » À 50 ans, il fait une grosse dépression et se retrouve à la rue. Mais au lieu de le désespérer, l'itinérance le détermine à changer. « Je ne trouvais pas ça normal de m'accepter dans la rue, de vivre dans la rue comme un gros junky. Ma qualité de vie était à zéro. » L'Itinéraire l'a sorti de l'isolement et de la dépression. Aujourd'hui, Guy se félicite d'avoir une « qualité de vie rehaussée ». Dans deux ans, il s'imagine même passer son samedi soir entre chums, pour un bon souper dans une maison de campagne. PAR CHARLES-ÉRIC LAVERY PHOTO : GOPESA PAQUETTE

1er avril 2015 | ITINERAIRE.CA

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Le Groupe L'Itinéraire a pour mission de réaliser des projets d'économie sociale et des programmes d'insertion socioprofessionnelle, destinés au mieux-être des personnes vulnérables, soit des hommes et des femmes, jeunes ou âgés, à faible revenu et sans emploi, vivant notamment en situation d'itinérance, d'isolement social, de maladie mentale ou de dépendance. L'organisme propose des services de soutien communautaire et un milieu de vie à quelque 200 personnes afin de favoriser le développement social et l'autonomie fonctionnelle des personnes qui participent à ses programmes. Sans nos partenaires principaux qui contribuent de façon importante à la mission ou nos partenaires de réalisation engagés dans nos programmes, nous ne pourrions aider autant de personnes. L'Itinéraire c'est aussi plus de 2000 donateurs individuels et corporatifs qui aident nos camelots à s'en sortir. Merci à tous !

NOS PARTENAIRES ESSENTIELS DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ

La direction de L'Itinéraire tient à rappeler qu'elle n'est pas responsable des gestes des vendeurs dans la rue. Si ces derniers vous proposent tout autre produit que le journal ou sollicitent des dons, ils ne le font pas pour L'Itinéraire. Si vous avez des commentaires sur les propos tenus par les vendeurs ou sur leur comportement, communiquez sans hésiter avec Shawn Bourdages, chef du développement social par courriel à shawn.bourdages@itineraire.ca ou par téléphone au 514 597-0238 poste 222.

PARTENAIRES MAJEURS

Nous reconnaissons l'appui financier du gouvernement du Canada par l'entremise du Fonds du Canada pour les périodiques, qui relève de Patrimoine canadien. Les opinions exprimées dans cette publication (ou sur ce site Web) ne reflètent pas forcément celles du ministère du Patrimoine canadien.

PRINCIPAUX PARTENAIRES DE PROJETS ISSN-1481-3572 n˚ de charité : 13648 4219 RR0001

DU MONT-ROYAL

Desjardins

L'ITINÉRAIRE EST MEMBRE DE

RÉDACTION ET ADMINISTRATION 2103, Sainte-Catherine Est Montréal (Qc) H2K 2H9 LE CAFÉ L'ITINÉRAIRE 2101, rue Sainte-Catherine Est TÉLÉPHONE : 514 597-0238 TÉLÉCOPIEUR : 514 597-1544 SITE : WWW.ITINERAIRE.CA RÉDACTION Rédacteur en chef : Claude Leclerc Chef de pupitre, Actualités : Nafi Alibert Chef de pupitre, Société : Alexandra Guellil Responsable à la production écrite des camelots : Charles-Éric Lavery Infographe : Louis-Philippe Pouliot Collaborateurs : Martine B. Côté, Isaac Gauthier et Ianik Marcil Adjoints à la rédaction : Sarah Laurendeau, Marie Brion, Katherine Paradis-Châteauneuf, Hélène Mai, Christine Barbeau, Éliane Thivierge et Simon Posnic Photo de la une : Louis-Philippe Pouliot Révision des épreuves : Paul Arsenault, Lucie Laporte, Michèle Deteix

Le magazine L'Itinéraire a été créé en 1992 par Pierrette Desrosiers, Denise English, François Thivierge et Michèle Wilson. À cette époque, il était destiné aux gens en difficulté et offert gratuitement dans les services d'aide et les maisons de chambres. Depuis mai 1994, L'Itinéraire est vendu régulièrement dans la rue. Cette publication est produite et rédigée par des journalistes professionnels et une cinquantaine de personnes vivant ou ayant connu l'itinérance, dans le but de leur venir en aide et de permettre leur réinsertion sociale et professionnelle. Convention de la poste publication No 40910015, No d'enregistrement 10764. Retourner toute correspondance ne pouvant être livrée au Canada, au Groupe communautaire L'Itinéraire 2103, Sainte-Catherine Est, Montréal (Québec) H2K 2H9

Québecor est fière de soutenir l'action sociale de L'Itinéraire en contribuant à la production du magazine et en lui procurant des services de télécommunications.

Directrice générale : Christine Richard ADMINISTRATION Chef des opérations et des ressources humaines : Duffay Romano Responsable de la comptabilité : Philippe Boisvert Adjointe administrative : Nancy Trépannier Responsable du financement : Gessi Vanessa Sérant

ÉQUIPE DE SOUTIEN AUX CAMELOTS Chef du Développement social : Shawn Bourdages Agent d'accueil et de formation : Pierre Tougas Agente de soutien communautaire : Geneviève Labelle Agente de soutien en milieu de vie : Marianne Bousquet Agent de développement : Yvon Massicotte

GESTION DE L'IMPRESSION TVA ACCÈS INC. | 514 848-7000 DIRECTEUR GÉNÉRAL : Robert Renaud CHEF DES COMMUNICATIONS GRAPHIQUES : Diane Gignac COORDONNATRICE DE PRODUCTION : Édith Surprenant IMPRIMEUR : Transcontinental

CONSEIL D'ADMINISTRATION Président : Philippe Allard Administrateur : Jean-Marie Tison Guy Larivière Julien Landry-Martineau, Stephan Morency Geneviève Bois-Lapointe, Jean-Paul Lebel Pierre Saint-Amour

VENTES PUBLICITAIRES 514 597-0238 CONSEILLÈRES : Renée Larivière 450-541-1294 renee.lariviere18@gmail.com Ann-Marie Morissette 514-404-6166 am.mori7@itineraire.ca


1er avril 2015 Volume XXII, n˚ 07

ACTUALITÉS

CARREFOUR

CULTURE

ÉDITORIAL

HORS PISTE

REPORTAGE

par Claude Leclerc

par Hamed Bamba, alias « Shaliver »

par Charles-Éric Lavery

DANS LA TÊTE DES CAMELOTS

Mots de camelots

41 PANORAMA 42 CLIN D'ŒIL DU PASSÉ 43 LIVRES

7 Refinancer sa vie 8 ROND-POINT 10 ROND-POINT INTERNATIONAL

COMPTES À RENDRE

par Ianik Marcil

ADULTES ET AUTISTES

par Nafi Alibert

DOSSIER

› Remettre de l'ordre dans sa vie › « Ça fait du bien d'être écoutée. » › Comment prévenir la détresse ?

ACTUALITÉ

11 Plus égaux que d'autres 12 Les oubliés du système 17 Vaincre la détresse psychologique

par Alexandra Guellil

22 Au pays de la terreur, l'État est roi

par Nafi Alibert

JEUNES EN SITUATION D'ITINÉRANCE

par Nafi Alibert

RENCONTRE

par Alexandra Guellil

24 PAR ICI LES SORTIES !

29 La civilisation face à son ambition

30 Poisson d'avril  32 32 32 34 34 34 36 36

CHANTAL TISSEUR GAÉTAN PRINCE ROBERT MÉNARD DANIEL GRADY GILLES BÉLANGER RÉAL LAMBERT CYBELLE PILON SIOU

CHEMIN FAISANT

par Michel Deslauriers

INFO-RAPSIM

par Bernard St-Jacques

38 Une grosse baffe dans la gueule

44 LE JOSÉE FLÉCHÉ 45 DÉTENTE 46 À PROPOS DE... LA FOLIE

33 Mes trois passions

35 Sur les mesures à l'aide sociale 37 CARREFOUR

26 Un hommage à Domenico 50 % DU PRIX DE VENTE DU LES CAMELOTS SONT DES MAGAZINE LEUR REVIENT TRAVAILLEURS AUTONOMES Bonjour, J'ai toujours apprécié la lecture des textes de Pierre Saint-Amour, mais « Polyglotte » est particulièrement bien réussi. Tout est très, très bon ; le style, le propos et sans oublier la touche d'humour très personnelle ! Ce texte paru en deux parties est touchant et d'un calibre professionnel.

ERRATUM Parution du 1er mars 2015 Félicitations, monsieur Saint-Amour et féli- Une erreur s'est glissée dans l'article « L'apprencitations à toute l'équipe de L'Itinéraire qui tissage à double sens ». La date de fondation de produit un journal unique, intéressant et de l'organisme Exeko est 2006 et non 2010. qualité. Je vous lis toujours d'un couvert à Parution du 15 février 2015 l'autre. Dans l'article intitulé « À vous la reconnais­ Francine Forest sance », il est mentionné que 42 prêts de microcrédits avaient été accordés tandis que le nombre exact est 142.

ÉCRIVEZ-NOUS !

à COURRIER@ITINERAIRE.CA Des lettres courtes et signées, svp! La Rédaction se réserve le droit d'écourter certains commentaires.


L. IVIER O : OL PHOT

I TÉOL

S'abonner à L'Itinéraire C'est bien plus qu'acheter un bon magazine :

C'est appuyer une cause fondamentale. C'est offrir une alternative à la mendicité en permettant une revalorisation et une expérience d'emploi à des personnes itinérantes désireuses de reprendre leur vie en main. S'abonner à L'Itinéraire, c'est garder un lien constant avec le groupe et encourager nos camelots dans leur détermination. (Tous les exemplaires d'éditions précédentes sont disponibles pour une consultation. Pour commander une ou plusieurs éditions parues, veuillez composer le 514 597-0238, poste 240).

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1 Vous recevrez votre reçu d'impôt début janvier suivant votre don. 2 Les cartes sont distribuées par L'Itinéraire, mais si vous voulez les recevoir pour les donner dans la rue, cochez ici et nous vous les enverrons avec le Guide du bénévole. Cochez ici

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ÉDITORIAL

Refinancer sa vie De nos jours, il est de plus en plus facile d'emprunter. De financer… De refinancer… D'hypothéquer… De réhypothéquer. Dans les faits, les taux d'intérêt n'ont jamais été aussi bas et, par conséquent, la tentation de dépenser au-delà de notre budget n'a jamais été aussi grande. CLAUDE LECLERC | Rédacteur en chef

De plus en plus de consommateurs se disent euxmêmes accros au crédit et avouent bien candidement ne pas résister : une grosse auto (et pourquoi pas deux, c'est si agréable une décapotable en été), une grosse maison (un peu trop grande, mais ça fait de la place pour la visite), un voyage dans le sud tous les ans (on l'a bien mérité, on travaille tellement fort… pour payer nos dettes).

Après tout, on serait fous de s'en passer ! Les taux d'intérêt sont tellement bas.

Les grandes institutions financières se font une chaude concurrence pour conserver leur part du marché et sont prêtes à tout pour «  mériter  » votre clientèle. La conjoncture économique leur est plus que favorable et les taux d'intérêt annoncés n'ont jamais été aussi alléchants, atteignant même un niveau historiquement bas de 2,69 %.

Pourquoi s'en faire ? On n'est pas les seuls à vivre au-dessus de nos moyens…

Mais vous, qu'en est-il de votre santé financière? Je vous laisse faire votre propre bilan; il est facile de trouver en ligne des outils qui vous permettront de calculer précisément votre ratio d'endettement personnel.

Des statistiques récentes révèlent que les problèmes financiers sont à l'origine de la majorité des suicides des hommes âgés de 40 à 65 ans.

C'est vrai, on serait vraiment bête de ne pas sauter sur une telle occasion !

Et pourtant, le taux d'endettement des Canadiens (revenu disponible par rapport aux dettes) grimpe en flèche et atteint à ce jour un niveau historiquement élevé. Selon la Banque du Canada, cette situation est plus qu'inquiétante et risque, à court terme, d'ébranler la santé économique du pays. Mais qui s'en inquiète vraiment?

Un peu surpris du résultat ?

Ça n'a rien d'étonnant : la grande majorité des consommateurs canadiens sous-estiment leur niveau d'endettement (ou de surendettement) et continuent à dépenser sans se soucier d'appesantir chaque jour davantage le poids de leurs dettes personnelles. Mais arrive inévitablement le moment où tout bascule, le moment où on arrive tout simplement plus à payer… C'est exactement ça qui est arrivé à Paul (nom fictif). Un ami de longue date. Un collègue de travail passionné. Une personne sensée. Un gars qui aime la vie, les voyages, les bons vins… Propriétaire d'une belle grosse maison, presque payée. Et pourtant…

Tu sais, Claude, il ne faudra pas t'étonner de me voir arriver un jour à L'Itinéraire… Je crois que je ferais un bon camelot… Tu crois qu'il y aurait une place pour moi?

1er avril 2015 | ITINERAIRE.CA

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ROND-POINT

PAR NAFI ALIBERT ET ALEXANDRA GUELLIL

« N'AP VANSE, N'AP VANSE »

Cela signifie « nous marchons, nous marchons » en créole haïtien. C'est aussi le titre du dernier documentaire d'André Vanasse qui présente la société civile comme une force de changement en Haïti. Produit par l'Association québécoise des organismes de co­ opération internationale (AQOCI) et la Concertation pour Haïti, ce film de 24 minutes est visionnable gratuitement sur Youtube, ou disponible en DVD à l'AQOCI. Prix : 5 $. (NA)

questions à

François Villemure PAR ALEXANDRA GUELLIL

François Villemure, directeur général de l'Avenue hébergement communautaire, présente le projet de rénovation du 3911 Sainte-Catherine Est. Tristement connu pour être devenu l'ultime rempart avant la rue du quartier Hochelaga-Maisonneuve, ce vieil immeuble, fermé depuis plus d'un an, n'est plus qu'un souvenir. À la fin de l'automne 2015, 26 logements abordables et permanents ainsi que des espaces communautaires seront proposés à des jeunes adultes en situation d'itinérance ou à risque de le devenir. Connaissant la triste réputation du « 3911 », pourquoi avoir voulu rénover cet immeuble ?

C'est une opportunité qui s'est présentée à nous. Le « 3911 » était connu comme un lieu non sécuritaire réputé pour des histoires allant de la piquerie à la prostitution. Après l'incendie de l'immeuble, c'était une belle occasion pour nous de participer à l'amélioration du quartier en lui donnant un nouveau souffle. Aussi, c'est un projet qui permet la création d'unités de logements sociaux dont le manque est criant.

À quelques mois de l'occupation de l'immeuble, quels sont les éléments qu'il vous reste à finaliser ?

Ce projet représente environ 4,6 millions $. Actuellement, nous avons bouclé à 97 % notre budget. Pour y faire face, nous avons mis en place une campagne de financement, présidée par le Président-directeur général de la Vie en Rose, François Roberge, qui nous permettra de récolter 391 100 $. Cette somme servira notamment à meubler et à équiper l'immeuble mais aussi à financer les projets liés au soutien communautaire.

Après l'incendie, les personnes qui y habitaient ont été replacées par les autorités. Pour suivre leurs recommandations, on a gardé ce lieu barricadé pendant un an. Cela nous a permis de commencer le chantier et d'assurer une réelle transition au niveau de la réputation de cet immeuble. Nous avons dû décontaminer le bâtiment qui était infesté de punaises, coquerelles et de rats. Il a fallu aussi travailler en collaboration avec les habitants du quartier en nous faisant connaître et en expliquant nos motivations et l'ensemble du projet.

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ITINERAIRE.CA | 1er avril 2015

PHOTO : ALEXANDRA GUELLIL

Quels défis a-t-il fallu relever ?


Le Canada, collectionneur de blâmes C'est au tour du Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes de pointer du doigt le Canada pour son traitement envers les autochtones. Les conclusions des enquêtes confidentielles menées par ce Comité en 2013 sont sans appel : le Canada a commis de « graves violations » des droits de la personne en n'enquêtant pas adéquatement sur les cas des femmes autochtones assassinées ou portées disparues. Le Comité accuse en outre les forces de police et le système judiciaire d'avoir manqué à leur devoir de protéger ces femmes comme il se doit. (NA)

Des petits pas pour l'Homme, un grand pas pour le climat ?

LE NOMBRE

« Tous à Québec pour le climat ! » Ainsi résonne l'appel lancé par la coalition pancanadienne de la Marche Action Climat. Le collectif espère voir 100 000 personnes rejoindre les rangs de la manifestation citoyenne qui se tiendra dans la capitale provinciale le 11 avril prochain « pour lancer un message uni et fort d'action en faveur de la lutte aux changements climatiques ». À cette occasion, des hébergements à 5 $ la nuit et des modalités de transports sont offerts sur le site actionclimat.ca. (NA)

71 115 C'est le nombre de foyers québécois qui ont été débranchés faute de pouvoir honorer le paiement de leurs factures d'électricité en 2014. Soit quasiment le double des ménages qui avaient été plongés dans le noir en 2013. « Avec la nouvelle hausse de tarifs [de 2,9 %] les Québécois auront encore plus de mal à respecter leurs obligations [cette année] », craint Olivier Bourgeois, coordonnateur en énergie et responsabilité sociétale à Option consommateurs. Mais, « à la demande de la Régie de l'énergie, HydroQuébec devra s'entendre avec les associations de consommateurs pour l'établissement de nouveaux partenariats afin d'aider les ménages en difficultés de paiement », au plus tard d'ici le 1er avril 2015. (NA)

Médé Langlois, endosseur officiel de la Marche Action Climat, dénonce le projet de TransCanada qui prévoit de faire passer le pipeline au milieu de son champ.

L'étau se resserre En selle ! En partenariat avec Vrac Environnement, six mécaniciens en herbe suivant une formation à un métier semi-spécialisé de l'école secondaire Lucien-Pagé (Villeray–Saint-Michel– Parc-Extension) mettent en vente les vélos qu'ils retapent à l'atelier Lieu Populaire. L'achat de vélos vise à leur permettre d'acheter davantage de matériel pour assurer la pérennité du projet. Chaque semaine, 3 à 5 bicycles seront disponibles au 7003, rue Hutchison. (NA)

En dix ans, l'écart du taux de présence syndicale entre les hommes et les femmes s'est quasiment résorbé au Québec, révèle une étude du ministère du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale. À quelques dixièmes de point près, environ 39 % des Québécois-es étaient syndiqués en 2014 ; un ratio faisant conserver à la province son statut de région qui enregistre le plus fort taux de présence syndicale en Amérique du Nord.

Source : Option Consommateurs

1er avril 2015 | ITINERAIRE.CA

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ROND-POINT INTERNATIONAL

LIBAN | Victimes collatérales

Trois quarts des quelque 1 500 enfants qui vivent ou travaillent dans les rues libanaises sont des réfugiés syriens ayant fui la guerre qui fait rage dans leur pays. Contraints de mendier ou d'effectuer des jobs précaires, ces enfants arpentent les rues jusqu'à 12 heures par jour pour ramener de quoi faire vivre, tant bien que mal, leurs familles. Mais ils ne représentent là que la pointe de l'iceberg des conséquences de la guerre civile syrienne qui continuent de s'accentuer au Liban, un pays déjà déstabilisé par l'arrivée massive de plus de 1,5 million de réfugiés depuis le début de la crise qui a éclatée en Syrie. (REUTERS)

PHOTO : REUTERS/ALI HASHISHO.

Les artistes en situation d'itinérance ou d'handicap sont mis à l'honneur sur le site ArtLifting, une galerie virtuelle où ils peuvent exposer et vendre leurs œuvres. Le projet a germé dans la tête de Liz Powers et de son frère Spencer qui cherchaient un moyen de mettre en contact ces créateurs défavorisés avec les millions d'acheteurs américains potentiels. Pari réussi ! Dès le lancement du site en 2013, les 4 artistes alors impliqués dans le projet ont réussi à gagner plusieurs milliers de dollars grâce à leurs peintures. Aujourd'hui, les œuvres de 45 artistes sont proposées sur artlifting.com, qui leur permet de vendre leurs toiles, photographies ou autres créations à un prix à la hauteur de leurs talents. (SPN).

MONDE | À la défense des éléphants

Pour combattre le commerce illégal de l'ivoire, TRAFFIC, le réseau international de surveillance du commerce de la faune et de la flore sauvages, effectue désormais des tests ADN sur les défenses saisies. Ces pratiques couramment utilisées à des fins médico-légales pour résoudre des crimes, permettra de déterminer l'origine des défenses prélevées sur les éléphants braconnés, un fléau responsable de l'abattage de centaines d'éléphants déjà menacés d'extinction en Afrique et en Asie. (IPS)

AFRIQUE | Cancer, la prochaine crise sanitaire ?

La malaria, le VIH ou encore la récente épidémie d'Ebola font oublier que le cancer est responsable de plus en plus de décès sur le continent africain. « La maladie se révèle être plus meurtrière que le VIH/SIDA, et le phénomène risque de s'aggraver, car le continent est confronté à une terrible pénurie de spécialistes du cancer », prévient Menzisi Thabane, un oncologue exerçant en Afrique du Sud. Selon le Vanguard, un journal nigérian, la pénurie est telle qu'il n'y aurait que 60 oncologues à proposer des traitements aux 300 millions d'habitants vivant en Afrique de l'Ouest. (IPS)

L'Itinéraire est membre du International Network of Street Papers (Réseau International des Journaux de Rue - INSP). Le réseau apporte son soutien à plus de 120 journaux de rue dans 40 pays sur six continents. Plus de 200  000 sans-abri ont vu leur vie changer grâce à la vente de journaux de rue. Le contenu de ces pages nous a été relayé par nos collègues à travers le monde. Pour en savoir plus, visitez www.street-papers.org.

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ITINERAIRE.CA | 1er avril 2015

PHOTO : JEFFREY MOYO/IPS

PHOTO : REUTERS/JOSEPH OKANGA

PHOTO : COURTOISIE DE SPARE CHANGE NEWS

ÉTATS-UNIS | L'art de s'en sortir


Plus égaux que d'autres

COMPTES À RENDRE

Si vous êtes très riche, vous pouvez vous offrir des publicités à la télé ou sur les grands panneaux d'affichage pour faire la promotion de vos idées. Vous pouvez aussi vous payer des lobbyistes et des relationnistes qui feront des campagnes de pression auprès du gouvernement et du grand public. L'argent permet d'influencer les débats politiques, ça ne date pas d'hier. Ce qui est nouveau, c'est l'ampleur que prend le phénomène depuis quelques années. IANIK MARCIL | Économiste indépendant

S

i le pouvoir d'influence des très riches, y compris les grandes entreprises, prend de plus en plus d'importance, c'est que ces très riches le sont de plus en plus. En l'an 2000, il n'y avait « que » 470 milliardaires dans le monde, selon le magazine Forbes. Aujourd'hui, ils sont 1645 et leur fortune combinée s'élève à 6400 milliards de dollars. Cette richesse s'accroît en moyenne de 20 % par année, depuis 2000, alors que celle de l'économie mondiale n'augmente que de 7 %. C'est donc dire qu'année après année, les ultra-riches du monde s'enrichissent près de trois fois plus rapidement que la croissance de l'économie. Leur pouvoir d'influence s'accroît donc constamment de manière spectaculaire. Au-delà de ce pouvoir potentiel, qu'en est-il dans la réalité ? Deux politologues américains ont analysé 1779 politiques publiques adoptées aux États-Unis ces 20 dernières années et en sont venus à la conclusion que le 10 % des citoyens les plus riches et les groupes d'intérêts économiques ont eu 15 fois plus d'influence que les autres citoyens ou les groupes d'intérêts de masse comme les syndicats. Autrement dit, l'influence des très riches pèse 15 fois plus que celle de vous et moi. Comme l'écrivait le magazine Mother Jones qui parlait de cette étude : « tout le monde se fout de votre avis tant que vous n'êtes pas riche ». Aux élections, votre vote n'a pas plus de poids que celui d'un multimillionnaire ou d'une vedette de la télé. Par

contre, la démocratie ne se résume pas aux élections. Bien au contraire, en fait. Les processus d'adoption de lois et de politiques publiques sont fortement orientés par les groupes d'intérêts qui cherchent à l'influencer. Plus ils ont des moyens économiques importants, plus ils peuvent y mettre de l'énergie. Il ne s'agit pas que de grands principes, mais de réalités bien concrètes. Par exemple, on a appris à l'automne dernier que l'entreprise pétrolière TransCanada était prête à tout, La démocratie ou presque, pour faire passer son projet repose sur un de pipeline acheminant le pétrole des sables bitumineux albertains vers l'Est principe aussi du Canada. Elle envisageait de payer 35 000 citoyens pour défendre son prosimple que jet dans les médias sociaux, à recourir fondamental : au soutien d'anciens premiers ministres et de présidents d'institutions finanl'égalité de toutes cières sans compter le financement de et de tous. la recherche universitaire. Quel groupe de défense de l'environnement peut se payer une telle campagne ? Le poids démesuré des ultrariches et des grandes entreprises dans l'arène politique est un déficit démocratique dont nous devrions nous alarmer. Car année après année, notre pouvoir citoyen se ratatine inexorablement.

1er avril 2015 | ITINERAIRE.CA

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ENTREVUE

À vos agendas! 2 avril 2015 : Journée mondiale de l'autisme. Comme chaque année, avril lance le coup d'envoi d'un mois de sensibilisation au TSA. Une occasion d'en apprendre davantage sur les multiples visages de l'autisme.

ADULTES ET AUTISTES

Les oubliés du système Après 21 ans, c'est le ravin ! Au Québec, il n'existe quasiment aucune ressource destinée aux adultes atteints d'un trouble de l'autisme (TSA). Un saut dans le vide qui les prive d'un accompagnement adéquat et plonge leurs parents dans une détresse sans fond. PAR NAFI ALIBERT

L

e nombre d'élèves scolarisés au Québec atteints d'un TSA a plus que triplé en 10 ans. En théorie, jusqu'à 21 ans, les services scolaires accueillent ces jeunes. Mais après? Si la prise en charge des enfants autistes est devenue un enjeu de santé publique, pour l'accompagnement des adultes, tout reste à faire. « La société les a fait naître, on s'en est occupé jusqu'à 21 ans. Pourquoi est-ce qu'on travaille tellement fort à permettre à ces enfants de survivre si à 21 ans, on les abandonne? », s'interroge Sylvie Cadorette, la directrice de l'Académie Zénith, un lieu de divertissement et d'épanouissement dédié aux adultes vivant avec un handicap intellectuel.

Une lueur dans la nuit

Quand nous avons pris rendez-vous à l'Académie Zénith, nous devions rencontrer un adulte atteint de TSA. « Mais il a passé une mauvaise nuit, et n'a pas été en mesure de venir aujourd'hui », nous indique Mme Cadorette à notre arrivée. Qu'à cela ne tienne! L'Académie Zénith est un de ces rares organismes, pour ne pas dire le seul, à offrir des activités de jour aux personnes de 21 ans et plus atteintes d'une déficience intellectuelle, avec ou sans autisme. Un lieu chaleureux, rayonnant de couleurs où les adultes viennent pour le plaisir respirer la joie de vivre qui émane de ce centre unique en son genre. « Nos usagers sont des personnes qui ne seront jamais autonomes et qui n'auront jamais de travail », confie Mme Cadorette. En d'autres termes, leurs familles les garderont à charge jusqu'à la fin de leurs jours, à moins qu'ils ne décident de les placer. Mais où? Des Centres de réadaptation en déficience intellectuelle (CRDI) aux Centres d'hébergement et de soins de longue durée (CHSLD), les lieux d'accueil sont déjà pleins à craquer! « Les CRDI sont censés recevoir la clientèle de tout âge, mais la priorité est donnée aux enfants âgés de deux à cinq ans. Même quand les services sont disponibles, ils restent inégalement accessibles pour les adultes à l'échelle de la province », déplore Jo-Ann Lauzon, la directrice générale de la Fédération québécoise de l'autisme (FQA), dont le cheval de bataille est la prise en compte des adultes autistes.

PHOTO : CLAUDE LECLERC

Des ressources insuffisantes

24 ans, c'est l'âge des jumelles Valérie et Alexandra (atteintes de polyneuropathie sensitivo-motrice) et de Thomas Tessier. Sur liste d'attente depuis des années, ils participent aux ateliers de l'Académie Zénith, entourés des intervenants Anne-Marie et Jean-François.

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ITINERAIRE.CA | 1er avril 2015

Rien que sur la Rive Sud, il y aurait 14 familles dont les enfants, scolarisés à l'école spécialisée du Vent Nouveau, auront 21 ans cette année. « On est la seule ressource gratuite de la région et on est déjà plein», s'inquiète Mme Cadorette. Au Centre Aux Quatre Poches de Boucherville, par exemple, les parents doivent déboursés 41,75$ par jour pour que leurs enfants participent à des activités adaptées aux adultes de 21 ans et plus.Parents et enfants doivent composer avec cette attente « interminable » depuis toujours. Même pour un diagnostic, les hôpitaux


Adriana, le combat de David contre Goliath

F

«

PHOTO : LOUIS-PHILIPPE POULIOT

affichent des délais compris entre 7 et 24 mois. Par la suite, les mois deviennent des années avant que des soins ne puissent être proposés. « Ce n'est pas humain de donner un diagnostic à un parent pour lui dire qu'il n'y a pas de ressources pour son enfant. Tannées, des familles vont jusqu'à hypothéquer leurs maisons pour que leur enfant soit pris en charge dans le privé », affirme Carmen Lahaie, directrice d'Autisme et troubles envahissants du développement Montréal (ATEDM). À cet égard, la FQA rappelle que dans le privé, les diagnostics sont provisoires et n'ouvrent pas nécessairement la porte à des services, car ils ne sont pas réalisés par des psychiatres. « C'est déplorable, mais présentement au Québec, force est de constater qu'il est presque impossible pour un autiste adulte d'avoir un diagnostic au public tellement les listes d'attentes sont longues », se désole Mme Lauzon, qui connaît plusieurs adultes à n'avoir été diagnostiqués qu'après 30 ans.

ab' c'est mon seul gars. Ce n'est pas vrai que je vais continuer de respirer et le laisser vivre entre quatre murs sans qu'aucun traitement ne lui soit proposé pour le faire évoluer. » Adriana Benjamin est la mère de Fabian, un jeune adulte autiste au comportement violent qui séjourne depuis 19 mois dans un hôpital de Montréal. Droit de visite : une heure par jour. « Fabien est attaché, enfermé dans une petite pièce sans jouets, sans télé, sans rien du tout. 24 h/24. Ça fait 19 mois qu'il ne prend pas d'air pur, qu'il ne sort pas même pas prendre une marche », explique Adriana qui a déposé une plainte contre cet hôpital au Protecteur du citoyen. Faute de traitements adéquats, elle constate, impuissante, une aggravation des troubles de comportements de Fabian qui perd depuis des mois ses quelques acquis à vue d'œil. Consciente de la force de son fils qui mesure maintenant 6'4, elle ne peut toutefois se résoudre à accepter les mesures d'isolement et de contention utilisées par les psychiatres pour contrôler les accès de violence de Fabian. Pourtant, au début de son placement, Adriana se sent soulagée : elle a enfin un peu de répit. « Mon chum m'a beaucoup aidé. S'il n'avait pas été dans ma vie comme c'est le cas maintenant, toute seule avec Fab', je ne sais pas comment j'aurais fait », témoigne Adriana dont le conjoint est décédé quelques mois après l'internement de Fabian. Avec comme seul revenu sa maigre allocation d'aide sociale, Adriana se bat pour ne pas abandonner son enfant en psychiatrie, comme d'autres parents, à bout de force, l'ont fait. Pour éviter que Fabian ne fête ses 20 ans à l'hôpital, Adriana doit saisir la justice pour obtenir la curatelle de son fils devenu majeur. En attendant, les paroles de Linda Lemay « j'me surprends à souhaiter que tu trépasses avant moi », résonnent certaines journées dans son esprit. « Je ne lui souhaite pas la mort, mais j'ai tellement tout sacrifié pour garder Fabian avec moi, si c'est pour qu'il soit traité comme ça aujourd'hui… ». Les sanglots se font sentir dans la voix d'Adriana qui ne termine pas sa phrase, mais continue de marteler du poing sur la table pour marquer ces jours qui passent, et empirent.

Fab’ dort dans sa pisse car il n’a pas de bol de toilette! Même un criminel en prison est mieux traité que mon garçon! Adriana Benjamin 1er avril 2015 | ITINERAIRE.CA

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ENTREVUE Carmen et Jérémie, la relation fusionnelle

Un moment de répit

Si Maryse Tessier a fondé l'Académie Zénith il y a un an, c'est pour permettre aux adultes atteints d'une déficience intellectuelle comme son fils Thomas d'avoir une vie sociale, mais aussi pour que les parents puissent « survivre ». « Ça demande beaucoup d'énergie 24h/24 et 7 jours/7 d'avoir un enfant différent », affirme Mme Cadorette. Bien que Mme Tessier ait pu amener son fils sur son lieu de travail pendant plus d'un an, toutes les familles n'ont pas cette chance-là. Il y a une pénurie de maisons de répit  disponibles pour libérer les parents quelques journées par semaine.

« Quand les autistes deviennent adultes, on oublie leur diagnostic et on veut qu'ils se comportent comme tout le monde. » Carmen Lahaie

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PHOTO : LOUIS-PHILIPPE POULIOT

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ans le monde de l'autisme, tout le monde connaît Carmen Lahaie. La directrice d'ATEDM est une pionnière du militantisme lié à la reconnaissance des enjeux relatifs au TSA au Québec. Depuis près de 36 ans, son fils Jérémie, un autiste non verbal, la suit comme son ombre. « À un moment, je ne savais même plus quoi faire avec lui, donc j'ai commencé à l'amener à mes réunions, et petit à petit il a appris à savoir se comporter. Aujourd'hui il a une vie sociale, mais il faut qu'il soit avec moi, je suis comme sa béquille. » Pour cette mère de cinq enfants, Jérémie est un bébé dans un corps d'adulte à qui il faut apprendre à se comporter en public, plutôt qu'un déficient intellectuel « que le corps médical abrutirait de pilules ». « Au Québec, le personnel aidant manque d'expertise et les services financés par le gouvernement sont loin de répondre aux besoins des différents cas de TSA », clame celle qui a toujours refusé de placer son fils « pour qu'il soit réduit à une vie misérable dans un CHSLD ». Carmen et Jérémie bénéficient d'un accompagnement de quelques heures par semaine. Même pour cette ancienne infirmière en psychiatrie qui a choisi d'arrêter de travailler pour s'occuper de son fils, le quotidien reste dur à organiser. « Je suis entourée de beau monde, mais la vie avec un adulte autiste est vraiment compliquée au jour le jour, car plus ils sont vieux, plus on a de la misère à les faire garder.» Même trouver un médecin généraliste pour traiter l'hypertension de Jérémie a été un calvaire. « Les gens connaissent l'autisme chez les jeunes, mais quand on arrive avec un adulte, ils se mettent à avoir peur », déplore Carmen qui rêve de créer une maison pour accueillir les personnes autistes en proie à une crise passagère.


« Mes pensées font des arborescences avec les mots. Quand ma mère me disait "Arrête", moi je visualisais une arête de poisson » Georges Huard

Georges, l'exception qui confirme la règle

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ontrairement à Jérémie ou Fabian, Georges Huard a pu quitter le foyer familial à 23 ans pour tenter de voler de ses propres ailes. Ce technicien en informatique à l'UQÀM est atteint du syndrome d'Asperger, une forme plus légère d'autisme se traduisant par des difficultés au niveau des interactions sociales. « Je voyais que je pensais pas mal différemment des autres, mais comme cette forme d'autisme n'était pas encore reconnue, on a d'abord pensé que j'étais un peu bizarre. J'ai eu des phases où je me cherchais, surtout dans les années 70-80 où j'étais dans les mouvements New Age », une époque dont il garde le look et ses longs cheveux poivre et sel. À 36 ans, il reçoit son diagnostic. « C'était tard », mais ça l'a aidé à comprendre et à apprivoiser son décalage de comportement. Georges a aujourd'hui 66 ans. Il apprend à vieillir avec son syndrome d'Asperger qui lui demande des efforts d'organisation. « Mon problème c'est le multitasking. Je ne suis pas capable de faire plusieurs choses en même temps. Mais mon travail m'a énormément aidé à réduire mon anxiété. » Vivant seul en appartement, Georges se sent intégré à la société. Il reste fasciné par « toutes sortes de petites passions » et continue de collectionner les gadgets, comme les trois montres qu'il porte au poignet. « Une pour les weekends, une pour la semaine, et la dernière me sert plus de bracelet d'activité », justifie Georges qui cultive son petit rituel hebdomadaire de synchroniser ses appareils entre eux.

« À 21 ans, un des parents finit souvent par lâcher son emploi pour s'occuper de son enfant jour et nuit, car il n'y a aucune autre alternative à l'heure actuelle », ajoute Mme Lauzon. Tout un dilemme pour les parents vieillissants qui finissent par se retrouver eux-mêmes en perte d'autonomie. « On vit tous avec l'angoisse au fond du cœur de savoir ce qu'il adviendra de nos enfants à notre mort », termine Mme Lahaie. Selon la FAQ, avec des taux de prévalence qui doublent tous les quatre ans, le trouble du spectre de l'autisme s'étend à un enfant sur 68. Autant d'enfants qui grossiront, un jour, les rangs de ces adultes manquant de services adaptés.

Plus de 500 personnes sont en attentes d'un diagnostic dans les hôpitaux de Montréal.

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Dignité Pauvreté

Plus de six millions de personnes à travers le monde votent pour la dignité en achetant un journal de rue. En agissant ainsi, ils participent à changer la vie de 27000 camelots dans 40 pays, représentant plus de 120 journaux de rue différents. En retour, les lecteurs profitent d’un journalisme indépendant de qualité, tout en sachant qu’ils ont fait une différence.

Votez pour la dignité.


DOSSIER

Vaincre la détresse psychologique Détresse psychologique, crise, dépression… autant de mots pour parler de la perte d'équilibre éprouvée par des personnes qui doivent faire face à toutes sortes d'évènements déstabilisants (disputes conjugales, deuils, perte d'emploi, problèmes de consommation ou des idées suicidaires). Les centres de crise ont pour vocation de les aider à résoudre leurs problèmes. Avec une ligne téléphonique accessible en tout temps, elles ont la possibilité de sortir de leur environnement quotidien pendant quelques jours. Ce séjour leur permet de discuter avec des intervenants psychosociaux et de bénéficier d'un temps de répit. Dans ce dossier, nous vous confions quelques-unes de leurs histoires. La détresse est une maladie qui souffre de la méconnaissance du grand public. Invisible, il est souvent complexe d'en détecter les premiers signes. Interrogée à ce sujet, la psychologue Christine Smilga donne quelques éléments de réponse. TEXTES : ALEXANDRA GUELLIL PHOTOS : LOUIS-PHILIPPE POULIOT, NICOLAS MESLY, ALEXANDRA GUELLIL

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Remettre de l'ordre dans sa vie Un centre de crise a pour vocation d'aider une personne à faire face à une situation qu'elle ne parvient pas à gérer. En leur offrant une oreille ou une épaule sur laquelle s'appuyer, il s'agit souvent du premier pas qui les aide à redonner du sens à leurs vies.

D On ne sauve personne, on les protège.

Daniel Cossette, directeur du centre Le Transit

eux ans après avoir perdu son emploi de recherchiste qu'elle exerçait passionnément en tant que travailleuse autonome, Gabrielle1 a dû faire face à une accumulation de problèmes qui l'ont menée au Centre de crise le Transit. « Il fallait que je sorte de chez moi, que je change d'environnement. Je me suis mis un ultimatum parce que je me voyais partir, je ne me reconnaissais plus. Ce n'était plus moi », confie-t-elle. Diagnostiquée depuis son enfance d'un trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), Gabrielle tente, malgré sa fragilité émotive de se réorienter dans la restauration. Ne parvenant pas à trouver de travail et ayant déjà eu un problème de consommation, elle finit par craquer et reprendre de la cocaïne. Tout va en se dégradant : idées noires, problèmes relationnels avec sa copine, perte de confiance quasi totale, Gabrielle commence à s'isoler et arrête de faire les choses qui pourtant l'intéressaient.

L'appel à l'aide

Un dimanche de mars, elle finit par réagir et téléphoner au centre de crise. « Je savais que je perdais la maîtrise de moi et de ma vie, je le sentais. J'ai probablement attendu longtemps avant d'appeler, mais je l'ai fait pour entamer un processus thérapeutique », explique-t-elle. L'état de crise peut être causé par différents éléments allant de la perte d'emploi aux problèmes relationnels. Selon Daniel Cossette, directeur du Centre le Transit, il s'agit d'« une perte d'équilibre ». « Plusieurs de nos clients viennent ici en situation de détresse psychologique, commente-t-il. Ça leur permet d'éviter l'hôpital et de trouver des réponses rapides à leurs problèmes. Parfois, ils ont juste besoin d'une pause dans un nouvel environnement. » À 25 ans, Julien* dit avoir « touché le fond ». Après une dispute avec sa femme, il a été jusqu'à faire deux 1

Les prénoms ont été changés afin de préserver l'anonymat des personnes qui ont accepté de témoigner.

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DOSSIER

Répartition sociorésidentielle* des clients du Transit Seul Colocation Avec proches (conjoint, enfants, famille)

273 86 213

Appartement supervisé

25

Sans domicile fixe

80

N/A

50

Nombre de clients/an

727

La répartition sociorésidentielle des clients est un indicateur qui permet de renseigner sur les conditions de vie difficiles des clients des centres de crise. Ces conditions sont trop souvent marquées par l'isolement et la pauvreté. Selon les derniers chiffres, le Transit a accueilli en 20132014 environ 11 % d'itinérants. Source : Rapport annuel 2013-2014 du Centre de crise le Transit

Éléments déclencheurs de la crise des clients de l'Association Iris Problèmes relationnels

37 %

Problèmes financiers

15 %

Problèmes de santé

10 %

Abus de substances

8 %

N/A

30 %

Source : Rapport annuel 2013-2014 de l'Association Iris

Comportements autodestructeurs au Centre de crise le Transit Idéations suicidaires

444

Tentatives suicidaires

81

Projets suicidaires

71

Automutilation

45

N/A

86

Nombre de clients

727

tentatives de suicide avant de réaliser qu'il traversait une dépression majeure. Il mélange alors les médicaments et tente de se faire renverser par une voiture. L'ambulance prévenue de justesse par sa femme l'emmène directement au Centre de crise Iris où il reste deux semaines. « En centre de crise, se souvient-il, j'ai pu prendre une pause concernant mes problèmes. Je crois que j'avais besoin qu'on m'écoute parce que la personne à qui je me confiais, ma femme, n'en était plus capable ».

Empathie et détachement

Christine Blaisroy est intervenante psychosociale au Centre le Transit. L'une des premières étapes dans son travail est « d'accompagner avec une écoute empathique les personnes dans leurs difficultés, sans les juger ». C'est le lien de confiance qui lui semble primordial lors de ses interventions. « Tant que possible, il faut éviter d'interpréter les discours. Certaines personnes veulent simplement qu'on les écoute, il faut y aller étape par étape en respectant leur rythme et en tentant de les aider à comprendre ce qu'il se passe dans leur vie », raconte-t-elle. Le centre de crise est une étape qui permet à certaines personnes ébranlées de se stabiliser en offrant différents services. Parmi eux, la possibilité de rencontrer une intervenante deux fois par jour pour discuter. Même si les possibilités d'hébergements sont limitées pour la plupart à 8 ou 10 jours, il s'agit d'un premier pas qui a évité, cette année, à plus de 7000 Montréalais de se rendre à l'hôpital. Et à Daniel Cossette de confirmer « qu'il peut arriver qu'une personne ne vienne que pour 24 heures parce qu'elle a juste besoin de se reposer dans un lieu neutre, pour faire une pause ».

Source : Rapport annuel 2013-2014 du Centre de crise le Transit 1er avril 2015 | ITINERAIRE.CA

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PORTRAIT LINDA PELLETIER, CAMELOT

Les coupures prévues à l'aide sociale pourraient engendrer un déficit annuel de 150 000 $ pour quarante centres de thérapie à travers le Québec. Ces centres s'occupent d'offrir une aide aux personnes en état de dépendance, que ce soit pour leur réinsertion sociale ou encore des problèmes liés à la consommation d'alcool et de drogue. Selon Vincent Marcoux, directeur de l'Association québécoise des centres d'intervention en dépendance, « ces coupures entraîneront la fermeture d'organismes qui accueillent plus de 7300 personnes chaque année en plus de couper plus de 800 postes ». Avec ces possibles coupes, plusieurs personnes n'auront pas les moyens de se réinsérer dans leurs milieux. En chiffres, 30 jours de thérapie dans un centre communautaire équivalent financièrement pour le gouvernement à 2 jours en centre hospitalier, 10 jours en centre de réadaptation en dépendance, 12 jours en centre de détention.

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« Ça fait du bien d'être écoutée » Camelot de L'Itinéraire, Linda Pelletier, 60 ans, a séjourné dans deux centres de crise différents suite à une dispute avec son plus jeune frère, Benoît. Diagnostiquée bipolaire avec un trouble de la personnalité borderline, Linda Pelletier considère son frère cadet Benoît comme « l'une des personnes qu'elle aime le plus au monde ». Le seul de ses trois frères qui entretient de bonnes relations avec elle et qui comprend sa maladie. Il y a quelques mois, la tension est montée lors d'une conversation au téléphone. « Ce jour-là, je n'allais vraiment pas bien », confit-elle. Hypersensible, Linda en parle avec une voix tremblante. « J'étais fâchée. Mon frère sait ce qui me fait de la peine et tout ce qui s'est dit ce jour-là m'a beaucoup peinée. Je n'arrêtais pas de penser à cette dispute. J'ai envoyé de nombreux courriels et tenté d'appeler plusieurs fois, il ne me répondait plus. Je ne fonctionnais plus normalement, je dépensais mon argent sans compter dans l'achat de différentes choses sans vraiment en avoir besoin », se souvient-elle.

« J'étais fatiguée »

C'est son psychiatre qui téléphone à un premier centre de crise afin qu'elle puisse y aller. Après trois jours, Linda rentre chez elle sans pour autant se sentir mieux. « Je n'avais pas l'impression d'être écoutée et comprise là-bas. L'intervenante disait que je me fâchais dès que l'on parlait de cette dispute avec mon frère alors on n'en parlait pas. On discutait de la pluie et du beau temps », explique-t-elle. Si la durée de son hébergement dans ce premier centre lui a paru courte et insuffisante pour résoudre ses problèmes, la camelot est retournée dans un second centre quelque temps après. Pendant ce séjour, Linda a pu parler deux fois par jour à une intervenante, bien manger et surtout dormir. « Là-bas, j'ai fait des siestes incroyables. Les émotions, ça épuise, raconte-t-elle. Je me souviens de mon intervenante que je voyais deux fois par jour. Ça faisait du bien de parler de mon problème et de se sentir écoutée. » Cette fois-là, Linda est restée un peu plus de dix jours en centre de crise. Visiblement toujours émotive et marquée par cette dispute avec son frère, elle semble néanmoins déterminée à tourner la page pour en commencer une nouvelle en respectant son rythme.

PHOTO : LOUIS-PHILIPPE POULIOT

40 centres de thérapie menacés


DOSSIER

Comment prévenir la détresse ? Reconnaître une personne en difficulté peut s'avérer complexe, en particulier pour l'entourage. Existe-t-il des signes qui peuvent alerter ? La psychologue Christine Smilga, qui intervient à la fois à la clinique CCPE, à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont et à HEC Montréal, donne quelques éléments de réponse. PHOTO NICOLAS MESLY

Q : Comment peut-on définir la détresse ?

Christine Smilga : Une personne en état de détresse perd ses repères et son équilibre. Ses sentiments s'entremêlent et peuvent parfois se confondre. La détresse est une douleur interne. Les personnes que je rencontre et qui sont en détresse vivent une douleur invisible et interne. Souvent, c'est difficile parce qu'elle n'est pas reconnue. Certains me disent même qu'ils préfèreraient avoir une jambe cassée pour que l'on comprenne à quel point ils ont mal.

Q : Existe-t-il des signes qui permettent de la détecter chez une personne de notre entourage ?

C.S : Le mal-être se manifeste de différentes façons d'une personne à l'autre. Un élément qui peut être utile est de remarquer qu'elle n'est pas comme d'habitude. Certains peuvent être plus fermés, s'isoler, être très irritables ou impatients. C'est-à-dire que la tonalité émotive n'est plus la même sur le long terme. Dans des cas de troubles mentaux sévères, les propos vont s'emmêler et la logique ne sera plus la même. Au niveau physique, elle peut par exemple formuler des plaintes somatiques alors qu'elle ne le fait pas d'habitude.

Être prêt à écouter l'autre en respectant ses limites. Christine Smilga, psychologue

Q : Une fois que les habitudes sont différentes, comment doit-on réagir ?

C.S: Cela dépend de ce que représente cette personne pour nous : est-ce un ami, notre conjoint, notre enfant, notre collègue ou une connaissance ? Cette nuance va déterminer la façon dont on va s'impliquer envers cette personne. L'aspect de base est de tendre la main, d'aller vers elle en demandant si quelque chose ne va pas et si elle souhaite en parler. Il faut aussi être prêt à écouter l'autre et c'est une étape qui peut être difficile dépendamment du lien qui existe. Écouter l'autre avec empathie, sans convaincre ou minimiser ses problèmes, c'est déjà beaucoup. Reconnaître l'émotion est la première étape, la seconde est de ne pas se laisser envahir par tout cela. Il existe de nombreuses associations et organismes vers lesquels on peut se tourner pour demander de l'aide.

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LE TERRORISME, C'EST QUOI AU JUSTE ? Il n'existe aucune définition du terrorisme qui fasse consensus à l'échelle internationale.

« Dans mon travail, je n'utilise plus le terme terrorisme, j'ai renoncé à l'idée d'en faire une définition scientifique, parce que c'est devenu un slogan, une insulte. Bref, c'est un abus de langage », raconte l'expert en contre-terrorisme PierreAlain Clément, qui préfère parler de « violences politiques », un terme plus neutre que « terrorisme » qui s'inscrit selon lui davantage dans une rhétorique politique que juridique. M. Clément a recensé plus d'une centaine de définitions se rapportant au terrorisme. Il en fait la synthèse suivante : le terrorisme est une violence politique commise par un groupe non étatique contre des civils. « Sachant que les États ont également recours à ce type de violence contre des civils, ce qui distingue le terroriste est qu'on ne lui reconnaît pas la légitimité d'agir de la sorte », précise-t-il. C'est plutôt ironique quand on sait que lorsque le mot « terrorisme » a fait son apparition en 1798 dans le Dictionnaire de l'Académie française, il désignait alors un régime politique de terreur dont les partisans étaient les terroristes de l'époque. Dans son article, le terrorisme en définition, Gilles Ferragu date le premier acte terroriste tel qu'on l'entend aujourd'hui au XIXe siècle quand une « charrette piégée » visant le Premier consul Bonaparte a explosé. Ce qu'il nomme le « terrorisme d'en bas » ou « terrorisme des minoritaires » était né… Mais sa définition n'a jamais été coulée dans le béton. « C'est un concept très contesté pour la simple et bonne raison que le terrorisme de l'un est la résistance de l'autre », expose M. Clément. Voilà pourquoi en 2008, les États-Unis ont finalement retiré le nom de l'ancien président sud-africain Nelson Mandela et de son parti, le Congrès National Africain (ANC), de leur liste noire du terrorisme. « On a fini par accepter que l'Apartheid c'est mal parce que c'est raciste, donc on considère que ceux qui ont lutté contre le régime de l'Apartheid étaient des résistants même s'ils avaient recours à la violence. En plus, maintenant que l'Apartheid est terminé, on est du bon côté de l'histoire, donc les membres de l'ANC ne sont plus des terroristes. » Dans une démocratie comme le Canada, en partie basée sur le droit de résister à l'oppression, la question de savoir comment combattre un terrorisme que l'on peine à définir continue toutefois de se poser. Même l'ONU, dont les experts planchent depuis 1996 à définir le terrorisme, n'a toujours pas trouvé les mots justes pour décrire objectivement ce phénomène.

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ITINERAIRE.CA | 1er avril 2015

Au pays de la Il était une loi, dans un pays en proie à la menace terroriste, qui voulait concentrer davantage de pouvoir entre les mains d'une poignée de Gardiens de la sécurité nationale. Bien accueillie par la majorité de la population, cette loi antiterroriste (C-51) a pourtant semé plus de peur que le mal qu'elle voudrait combattre chez les ardents défenseurs des droits et libertés qui jugent que l'adoption de mesures dites antiterroristes ne sont en rien garantes d'une plus grande sécurité pour les populations. PAR NAFI ALIBERT

Alerte : « le monde est un endroit dangereux, apprend-on sur le site du Gouvernement fédéral, et le Canada n'est pas à l'abri de la menace du terrorisme ». Un postulat qui motive les Conservateurs à franchir un nouveau cap en matière de répression et de surveillance de toutes activités susceptibles de porter atteinte à la sécurité du Canada.

Jouer avec les maux

« C-51, c'est juste du théâtre politique ! », s'insurge Roch Tassé, le coordonnateur de la Coalition pour la surveillance des libertés civiles. Sur papier, la loi prévoit d'alourdir les peines, de généraliser les moyens de contrôle et de faciliter les arrestations préventives en même temps que les détentions passeront de 72 h à 7 jours. « Comme le gouvernement l'a martelé, les États-Unis et la France vont plus loin en matière de contrôle et surveillance des populations. Mais ce qui nous a été présenté comme un retard est plutôt un progrès du point de vue des libertés », défend Pierre-Alain Clément, chercheur à la chaire Raoul-Dandurand de l'UQÀM. Dans les faits, avec C-51, un ensemble d'infractions seront désormais traitées comme des activités reliées au


ACTUALITÉ

terreur, l'État est roi terrorisme. Un concept pour le moins large et ambigu qui ouvrirait la porte à la loi de l'arbitraire. « La nouvelle loi permettrait de faire des arrestations préventives sur la simple base qu'un policier pourrait soupçonner que vous pourriez commettre un crime », déplore M. Tassé en insistant sur le i du conditionnel.

Vers une Gestapo canadienne ?

prévoit que le fait de « préconiser » ou « fomenter » une activité terroriste soit passible de 5 ans d'emprisonnement. « C'est une disposition très dangereuse qui risque d'avoir un effet de censure sur la liberté d'expression, estime Mme Filion. Le simple port d'un T-shirt avec un message contestant la stratégie économique gouvernementale pourrait théoriquement être interprété comme "terrorisme" une apologie du terrorisme, alors que je ne ferais qu'émettre une opinion ».

Nicole Filion est coordonnatrice de la Ligue des « Le mot droits et libertés. Elle craint que C-51 ne légitime n'explique pas grandla mise en place d'une police politique qui aura les Un pas en avant, trois pas en arrière moyens d'entraver l'exercice démocratique en se chose, n'importe Crise d'octobre 1970. La GRC jouit encore d'un livrant à du profilage politique. quelle violence « Il y a déjà une politique fédérale en matière de double mandat : celui qu'elle a aujourd'hui et terrorisme qui avait identifié comme cible les envides services de renseignements. Suite aux provoque de la peur » celui ronnementalistes, les écologistes, les groupes aubavures auxquelles s'était livrée la Gendarmetochtones et les anticapitalistes », rappelle-t-elle. rie Royale pour traquer les membres du FLQ, la Ces organismes, qui ont droit de cité, sont Commission McDonald avait jugé prudent de donc déjà dans la ligne de mire du gouverneproposer la création d'une agence civile de renPierre-Alain Clément, ment. « On craint clairement que le concept de seignements, dissociée de forces de police qui a expert en contre-terrorisme, terrorisme ne s'applique maintenant aux oppodonné naissance au Service canadien du renseiDirecteur adjoint, Observatoire sants aux objectifs de politique économique du gnement de sécurité (SCRS). de géopolitique (UQÀM) Mais, avec le projet de loi C-51, le gouvernement gouvernement en place », affirme M. Tassé. entend redonner au SCRS le pouvoir de « faire la police ». Et pour cause, avec C-51, toute entrave au fonctionnement « Il existe une différence entre le travail de la policie et du « d'infrastructures essentielles » et à la capacité du gouverneSCRS, explique M. Tassé. La police cherche de véritables ment de maintenir « sa stabilité économique ou financière » preuves qui tiennent devant le système judiciaire car son but pourrait aboutir à des accusations terroristes. est de traîner les suspects en cours. Le SCRS n'a pas cette «  Est-ce que ça veut dire qu'un boycott d'un produit préoccupation-là : ils peuvent faire à peu près n'importe quelconque serait maintenant une activité criminelle ? Est-ce quoi sans se soucier que les informations collectées soient que bloquer un pipeline serait vu comme une menace au projet acceptables pour un juge. » de sécurité économique du pays, et par extension à sa sécurité Pour donner les pleins pouvoirs au SCRS, C-51 lui pernationale ? Est-ce que les manifestants seraient maintenant mettrait, en outre, de « violer » la Charte des droits et des terroristes ? », lance en rafale M.Tassé. libertés après en avoir obtenu l'autorisation d'un juge. Pas nécessairement. Les activités de dissidences légales Si C-51 est adoptée, les fonctionnaires des 17 minisfont partie des trois exceptions retenues dans la défitères gouvernementaux fédéraux auraient eux aussi le nition de ce qu'est une menace à la sécurité nationale. mandat de rapporter tout signe laissant présager une Mais, c'est justement parce que la loi souligne le caracmenace à la sécurité nationale. « Au lieu d'un service à tère légal d'une activité que M. Tassé craint pour les la population, on perçoit la fonction publique comme un libertés civiles des manifestants montréalais qui n'auappareil de surveillance absolue des Canadiens. Ça ne fait raient pas reçu de permis préalable pour manifester. aucun sens en termes de logique politique dans ce pays  », Aussi, en intégrant une quinzaine de nouvelles termine Rock Tassé. infractions au code criminel, le projet de loi C-51

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JEUNES EN SITUATION D'ITINÉRANCE

PAR ICI LES SORTIES ! Annamaria Colombo est professeure à la Haute Ça faisait sept ans que Annamaria Colombo (à gauche) et Jade Bourdages (à droite) École de travail social de Fribourg (Suisse). C'est ne s'étaient pas revues. Pourtant lorsque nous avons rencontré les deux femmes tout sourire au Café de la Cinémathèque québécoise, on aurait dit que c'était hier. le lancement de son livre, S'en sortir quand on vit dans la rue-Trajectoires de jeunes en quête de reconnaissance, qui l'a ramenée à Montréal. Un pied entre deux mondes Jade, c'est Marie-Jo dans le livre d'Annamaria, une de ces jeunes qui a retrouvé C'est ici qu'elle a essayé de comprendre le dans la rue cette famille qu'elle n'a jamais eue chez elle. Lorsqu'on la réfère à parcours chaotique des jeunes qui ont transité Annamaria, elle a 28 ans. À l'époque elle était « officiellement » sortie d'affaire par la rue avant d'emprunter, par des chemins depuis 12 ans parce qu'elle ne consommait plus de drogue, qu'elle avait fondé une famille et qu'elle avait un emploi comme travailleuse de rue. « Mais pour moi, autant détournés que salvateurs, une issue ma sortie de la rue a eu lieu une semaine avant que je ne rencontre Annamaria, qui a fini par les réconcilier au mode de vie de au moment où j'ai remis ma démission pour me consacrer à mes études à temps plein », raconte Jade qui se souvient encore de l'étonnement de la chercheuse. Monsieur et Madame Tout-le-monde. L'Itinéraire a profité de son passage dans la métropole pour discuter des multiples facettes que peut prendre la sortie de la rue pour les jeunes rescapés qu'elle a suivis pendant plus de deux ans. Annamaria Colombo a rencontré notre journaliste en compagnie de Jade Bourdages. Aujourd'hui chercheuse-doctorante à L'École d'études politiques de l'Université d'Ottawa, Jade a vécu en situation d'itinérance pendant 6 ans durant son adolescence. PAR NAFI ALIBERT PHOTOS : GOPESA PAQUETTE

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C'est pourquoi Annamaria ne voulait pas « donner une définition préconçue de ce que peut signifier «s'en sortir» car la réponse appartient aux jeunes qui estiment s'être sortis de la rue ». Elle a su donner du crédit à leurs récits au travers desquels la sortie de rue prend la forme d'un processus à la fois paradoxal et complexe à appréhender pour ceux qui sont extérieurs à cet univers. « Ce processus paradoxal est malheureusement loin de ce qu'on attend de la réinsertion où le paradoxe est perçu comme pathogène : on aimerait mieux qu'il n'y ait jamais de contradictions et étouffer la complexité du paradoxe dans lequel se retrouvent pourtant les jeunes à la rue », confirme Jade Bourdages. Comme le montre le cas de Jade, un jeune qui a connu la rue ne considère pas s'en être sorti à 9 h le lundi où il commence un nouvel emploi ! Quand ils commencent à envisager leur repositionnement, les jeunes de la rue flottent entre deux postures identitaires contradictoires. Ils veulent à la fois être reconnus comme en étant sortis, tout en gardant des liens avec ce milieu dans lequel ils ont trouvé, chacun à leur manière, de la reconnaissance et un sentiment d'appartenance.


ACTUALITÉ

« Aussi anormaux qu'ils puissent paraître aux yeux de notre société conformiste, les jeunes de la rue sont des adolescents normaux en quête de reconnaissance, comme le sont la plupart des individus du même âge », explique Annamaria Colombo. C'est en s'appropriant ces manifestations de reconnaissance que les adolescents en errance dans la rue arrivent à finalement se construire une identité en tant que jeune.

Des trajectoires de sortie multidirectionnelles

Cette reconnaissance peut prendre des formes aussi inattendues que la sortie de rue peut prendre des chemins qui n'ont pas l'air de les réinsérer. « Il y a certains jeunes hommes qui s'en sont sortis grâce à la relation qu'ils entretenaient avec un Sugar Daddy », illustre Annamaria. Comment une relation basée sur une forme de prostitution avec un homme significativement plus âgé peut-elle être salvatrice pour un jeune en situation d'itinérance ? « En étant une source de reconnaissance, répond celle qui a su lire entre les lignes du récit des jeunes de la rue. On a souvent tendance à penser les choses comme bonnes ou mauvaises en soi, alors qu'en fait elles sont toujours destructives et constructives à la fois. » Loin de réduire la sortie de la rue à ce type de rapport, Annamaria Colombo soutient que c'est cette reconnaissance qui a permis aux personnes qu'elle a rencontrées de se construire un rapport à elles-mêmes suffisamment solide pour passer à autre chose. « C'est un autre aspect du paradoxe. Dans la même phrase ces jeunes pouvaient dire : «c'est mon porte-monnaie sur pattes» et : «je n'ai jamais vraiment eu de père» », rapporte-t-elle. Sont-ils passés à autre chose ? « Oui. Pour certains, la reconnaissance venue de ces

« Qu'est-ce qui fait « Pour les jeunes en qu'il y en a qui s'en situation d'itinérance, sortent et d'autres sortir de la rue c'est non? Je n'en sais rien! correspondre Si je le savais, je ferais à la représentation breveter l'idée et je qu'ils se font deviendrais riche. » de la normalité. »

Jade Bourdages s'est sortie de la rue où elle a évolué de 10 à 16 ans.

Annamaria Colombo, auteure de S'en sortir quand on vit dans la rue.

S'en sortir quand on vit dans la rue. Trajectoires de jeunes en quête de reconnaissance, d'Annamaria Colombo. Éditions Presses de l'Université du Québec. 243 pages. L'ouvrage d'Annamaria apporte un nouvel éclairage sur les expériences de jeunes qui s'en sont sortis au travers de leurs questionnements, leurs aspirations, leurs fragilités, leurs forces, leurs réussites, leurs rechutes et leur capacité à tenir tout simplement le coup.

hommes plus âgés est passée d'une reconnaissance de leurs capacités sexuelles à un autre type de reconnaissance affective, comme en témoigne l'histoire de ce jeune qui est devenu le parrain de la fille de l'homme qui l'avait entretenu. » Pour Jade, toxicomane à l'époque, l'élément déclencheur a été la cure de désintoxication qu'elle a été contrainte de suivre après avoir frappé à la porte de l'organisme Trait d'Union. « Je n'étais pas fatiguée de consommer, j'étais fatiguée d'avoir faim », lance-t-elle en personnifiant, elle aussi, ce paradoxe autour duquel s'articule la sortie de la rue.

Les imaginaires de la normalité

Du développement de relations affectives pour certains à la découverte de la spiritualité pour d'autres, les trajectoires de sortie de rue s'inscrivent toutes dans un désir de correspondre à « la normalité ». Mais il ne s'agit pas de la normalité telle qu'elle est définie dans les politiques publiques ou les programmes d'intervention. « C'est vraiment un imaginaire de normalité qui est différent selon les trajectoires de chacun. À partir du moment où on accepte cela, on est déjà dans une posture de reconnaissance », estime Annamaria. Parce qu'être « normal » ce n'est pas nécessairement se conformer à un modèle, sortir de la rue, c'est d'abord se positionner différemment par rapport à soi-même et par rapport aux autres. « On ne peut rien faire à la place des jeunes, mais on peut essayer de limiter leurs accidents de parcours en leur donnant les moyens de passer à autre chose, insiste Jade Bourdages. Mais, en intervention on oublie trop souvent qu'il faut travailler avec les jeunes et non pas pour ces populations marginalisées. » Axer les interventions sur l'accompagnement. Voilà comment Annamaria espère que son livre pourra faire changer le regard porté sur les jeunes de la rue qui tentent de s'extirper de la rue : en étant ouvert à ce qui peut avoir du sens pour les personnes à qui sont destinés ces programmes et ces politiques au lieu de se contenter de projeter « ce qu'on aimerait voir dans l'autre ».

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RENCONTRE

Un hommage à Domenico Domenico est le titre d'une chanson de 22h22, le nouvel album d'Ariane Moffatt. Grâce à quelques notes de piano, elle met en valeur la dignité de ces anonymes qui vivent et que l'on croise dans les rues. PAR ALEXANDRA GUELLIL PHOTO : GOPESA PAQUETTE

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T

ouchée par la mort de Mike, un itinérant surnommé aussi Domenico, Ariane Moffatt a décidé de lui offrir une chanson portant son prénom. Comme beaucoup d'autres habitués du Mile-End, la chanteuse le croisait souvent devant l'épicerie P.A. et a été interpellée par le charisme qu'il dégageait. « Je ne connaissais pas Domenico tant que cela. Je voulais parler de l'itinérance. C'est une romance, une idéalisation de ce que j'aimerais que l'humanité soit », raconte Ariane Moffatt. Certaines soirées d'été, elle allait jouer un peu de musique avec cet homme qui gardait avec lui son synthétiseur. C'est d'ailleurs grâce à cet instrument de musique qu'elle l'a connu comme plusieurs habitués du quartier: « Plein de monde ont croisé cet homme. Il avait ce petit quelque chose de mystérieux qui lui permettait de révéler des choses sur notre vie. » Si le thème de l'itinérance interpelle la jeune femme, Ariane Moffatt met aussi en cause la froideur de notre société actuelle : « Des fois, c'est comme si les itinérants ne faisaient partie que d'un décor urbain, comme si on ne s'y attachait pas vraiment, qu'on ne s'adressait pas à un individu. Si Domenico avait pu constater à quel point plusieurs personnes ont été touchées par son décès, je pense qu'il aurait été, lui aussi, touché. »

Le temps de créer

Itinérance ou non, chaque individu est unique, avec sa couleur, son identité, ses limites et ses forces.

Dès le premier titre de ce nouvel opus, Ariane Moffatt plante le décor, 22h22, l'heure à laquelle la chanteuse, devenue maman de jumeaux, trouvait enfin un moment pour écrire. « C'était intrigant pour moi de tomber toujours sur cette heure-là. À 22h22, c'était comme un instant que je pouvais me consacrer dans ma nouvelle vie de maman, organisée autrement pour créer », se souvient-elle. Dans ce cinquième album, Ariane Moffatt offre 12 titres, dont trois piano-voix, d'une sensibilité qu'elle sait différente. La chanteuse propose des sonorités qui regorgent d'histoires saisissantes mettant en avant la force de l'amour. « Je suis à la merci de mon instinct, explique-t-elle en parlant de ses engagements sur la scène publique. C'est cela qui me dicte où j'ai envie d'intervenir plus fort et pour quelle cause j'utilise ma notoriété pour rejoindre le plus grand nombre de personnes rapidement. »

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HORS PISTE

La civilisation face à son ambition À la naissance, nous recevons un souffle de vie qui nous donne la capacité de penser et d'agir, de faire des choix. Tout se joue là… HAMED BAMBA, ALIAS « SHALIVER » | Camelot métro Parc

C

e libre arbitre reçu à notre naissance nous a menés à la souffrance à cause de nos choix inconscients. Ce souffle de vie, nous l'avons ignoré. Sommes-nous coupables ? Cela est discutable, à table, en buvant de l'eau d'érable. Je crois que notre ignorance engendre tous les maux de notre planète. Nous sommes prisonniers de nos pensées, enchaînés par celles-ci. Chaque pensée, chaque élément, est en réalité une idée, un concept, une formule que nous avons reçue ou qui nous a été imposée en bas âge. Cette prison crée une agitation mentale, une compulsion qui nous fait perdre l'importance de la vie. Certains sont prisonniers de la colère, l'argent, le pouvoir, la vengeance ; d'autres, de leur femme ou de leur homme, des jeux de hasard, de l'alcool, etc. Nous ne comprenons pas l'importance de la vie, nous l'ignorons. Nous la confondons avec tout ce que nous pouvons posséder parce que nous sommes en vie. Selon moi, l'humain est dirigé par sa quête insatiable de bonheur et de satisfaction. Or, notre ignorance nous a fait oublier comment les trouver. Certains confondent donc le bonheur qui est un sentiment émanant du cœur avec le plaisir qui dépend de nos possessions et vices extérieurs : pouvoir, argent, drogue, alcool, jeu, etc.

Nous célébrons le hockey, la NFL, le soccer. Mais célébrons-nous la vie ? Devrions-nous seulement célébrer la vie une fois par année ou quelques rares fois, à notre anniversaire et au jour de l'An ? Je crois que nous ne célébrons pas assez la vie. Nous demeurons emprisonnés dans notre pensée. Cela crée une guerre intérieure qui se transpose à l'extérieur, dans la réalité. Pour aucune raison que ce soit, et cela indépendamment de notre couleur de peau, de notre Tout le monde religion, de notre culture, un être humain ne devrait jamais ôter la devrait avoir une vie à un autre humain. Pourtant, c'est ce que notre monde accomraison de faire la plit ! Quelle tragédie ! Quelle papaix et personne rodie paradoxale ! J'ai vu récemment sur Facebook que faire la ne devrait avoir guerre au nom de la paix, c'est comme faire l'amour pour être une raison de faire vierge. C'est un non-sens !

Qu'est-ce donc que cette civilisation ? Les astres rigolent et se désolent face à ce grand désastre.

la guerre. Et si on devait créer des armes, cela devrait être des armes qui assurent qu'aucun être humain ne perde la vie.

Selon moi, la solution au monde, à son ignorance et sa souffrance, serait de célébrer la vie tous les jours et se concentrer en priorité sur la paix afin de l'attirer. Concentrons-nous sur notre souffle de vie, car il est directement relié à notre cœur, notre conscience, l'essence même de l'humain. Augmenter son niveau de conscience en priant et en méditant calmera l'agitation et la confusion mentale en nous. Cette solution, que je vous partage, éveillera les consciences et nous mènera à la compréhension, la passion et la compassion pour l'existence. Le calme de la pensée signifie la paix intérieure et la vraie liberté. Tous les humains détestent la souffrance et adorent la joie et le bonheur. Soyons dignes, honorables, honnêtes et solidaires. Faisons la paix sur la terre et aimons-nous. Faisons de l'amour la religion de tous.

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DANS LA TÊTE DES CAMELOTS

:   l i r v a ' d n s o r s u o t Pois s r u e l l i e m s o n t e s e s r e racontent le nos pi ir ra é in It L' e d s les camelots celles dont il es… ou du 1er avril, qu'ils ont fait À l'occasion s e u g la b enfants sont s s e le ir e p u s q le r t le e e s us rapp meilleure utres ! e qui peut no C s. e m ti s tours aux a e ic d v r e u jo e ont été d it quand il s'ag parfois cruels

Le jus de pomme

La prostate de ma femme

tre et elle Un jour, ma femme avait mal au ven toilettes. aux er d'all ie env ps tem le avait tout lle avait qu'e Pour lui jouer un tour, je lui ai dit est allée Elle . tate pros sûrement un problème de ker chec de er and dem lui r pou chez le docteur « Mais dit : a lui il et rire de té écla a Il . sa prostate prostate ! » Madame, les femmes n'ont pas deRO PAPINEAU JOSEPH CLERMONT, CAMELOT

MÉT

truqué

, qui e petite, mon frère Quand j'étais tout et rre ve un ns da é urin était plus âgé, avait ire fa e m ce dedans pour avait mis de la gla s de jus de pomme. Pa du croire que c'était rre ve le is pr a i père qu chance, c'est mon on M … es pé lam es bonn cet qui en a bu deux rre co la core avoir reçu à it frère se souvient en ch flé ré il ur-là. Depuis, . tion de sa vie ce jo ur to is va au m faire un deux fois avant de ELOT MÉTRO CHAMPAY, CAM 9E AVENUE CINDY TREMBL GLE BEAUBIEN/2 AN ET S AR DE-M

Le faux malaise

Un jour, un de mes collègues d'école a fait semblant de s'évanouir. J'y ai cru tout de suite, mais je n'ai pas eu le temps de paniquer, j'ai vite réagi. Quand j'ai commencé à appeler le 911, mon ami s'est levé et s'est mis à rire. J'ai compris que c'était une joke et je lui ai dit de ne jamais recommencer. J'en rigole maintenant, mais ça ne m'a vraiment pas faire rire sur le coup. Et aujourd'hui, je suis plus forte pour détecter les blagues. MANON FORTIER, CAMELOT VILL AGE CHAMPL AIN, ANGLE SHERBROOKE/LEPAILLEUR ET MÉTRO HONORÉ-BEAUGR AND

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Le talon dans la tasse

Mon oncle cultivateur a cassé le talon de sa chaussure en allant chercher une vache lait ière chez le voisin. Au souper, on a mi s son talon dans sa tasse de thé, ave c plein de sirop d'érable. Il s'est mi s à boire, mais il s'est vite rendu com pte que c'était une blague. Pour se venger, le soir même, il a mis de la sauce Tabasco dans nos bières  ! BENOÎT CH ARTIER, CAMELOT PL ACE BERCY ET MÉTRO RA DISSON


La déclaration d'amour anonyme

Avec la complicité d'une amie, j'ai envoyé une fausse décla ration d'amour à une dame. Ell e était persuadée d'avoir un préten dant, mais elle ne savait pas qui c'é tait, vu que la lettre était anonyme. Elle ne l'a pas très bien pris, et cet te mauvaise blague m'a coûté un tim bre-poste… TUAN TRIEU -HOANG, CAME MÉTRO HENRI-BOURA LOT SSA

Le classique poisson da ns le dos À

la banque alimentaire, l'an passé, on m'avait collé un poisson dans le dos. Je me suis baladé avec tou te la journée, j'entendais les gens rire de moi, mais je ne comprenais pas po urquoi. J'ai compris en rentrant che z moi ce qu'on m'avait fait... Cette anné e, je compte bien me venger et faire la blague aux autres camelots de L'Itiné raire ! ROBERT SINGH, CAMELOT AN GLE SHERBROOKE/LARO USSELIÈRE

reau La blague du bure, on avait

L'Itinérai Dans le café de reau de l'ancien enveloppé le bu ait ribution. Tout ét chargé de la dist e, bl ta sa l, pier journa s recouvert de pa se es ut to e, on téléph is son fauteuil, son m début, mais il a affaires. Il a ri au r. es à tout enleve ur plus de deux he e. ôl dr moins Là, il a trouvé ça ELOT MÉTRO

, CAM GAÉTAN PRINCE OMENADE MASSON PR ET E UR NT BONAVE

Le coussin péteur

À l'école, il y avait un pro fesseur qui chialait tout le temps sur nous, alors on a voulu lui arranger quelq ue chose. On a commencé par lui col ler un poisson dans le dos, mais surtou t, on a placé un coussin péteur sur son siège pendant que quelqu'un l'oc cupait. Il s'est assis dessus et tout le mo nde a éclaté de rire. Il l'a plutôt bien pris et il nous a dit : « L'an prochain, c'est moi qui vous ferai un poisson d'avril ! » Mais l'année suivante, on avait chang é de classe. SYLVAIN PÉPIN

ILLUSTRATION : LOUIS-PHILIPPE POULIOT

-GIRARD, PRÉPOSÉ À L'ENTRETIEN MÉNA GER

ique Le choc therm Martinique. Il faisait

en à allé en vacances En 2006, je suis and je suis revenu iqu et us lsi Ce és gr rm de te it 30 ra plus de que l'hiver se avril, je pensais mpéraMontréal début noncé que les te an a us no on vi l'a e tempête de né. Le pilote de et qu'il y avait un es id fro s trè t isait un poisson tures étaien cru qu'il nous fa us to s ti ! on av s ou n'avait pas men neige. N heureusement ilINT-DENIS/DULUTH al m s ai m … ril d'av E SA MELOT ANGL GUY BOYER, CA

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MOT DE CAMELOT Rendez-vous boulevard L'Inconnu Ce jour-là j'affrontais mes peurs Je ne cessais de broyer du noir À la recherche d'une lueur Que j'appelais l'espoir Je partais en rendez-vous Au boulevard L'Inconnu Qui l'aurait su Que je partais sans un sou Je devais m'en aller Pour résoudre mes problèmes J'allais être maître de moi-même J'étais tannée de me cacher Sous ma carapace Enfouie sous la masse Je voulais juste me connaître Bientôt, j'allais renaître Avoir une vie, me rebâtir Fini de m'évader et de fuir Le temps avait duré Je devais juste m'accepter Je partais en thérapie J'y ai trouvé de nouveaux amis J'y ai trouvé des outils Ma vie a changé aujourd'hui Je me suis améliorée J'ai appris à m'aimer

CHANTAL TISSEUR Camelot métro Place d'Armes

Les avantages de la vente Quand je compare mon travail actuel comme camelot avec les différents emplois que j'ai occupés auparavant, je trouve plusieurs avantages à ma situation actuelle. Premièrement, je suis mon propre patron : je décide de mes heures et je n'ai de comptes à rendre à personne. Échanger avec mes clients m'enrichit. Je me sens valorisé, car je ne suis pas un simple numéro avec une carte de temps dans une boîte anonyme. À un moment donné, j'ai travaillé comme soudeur. J'étais enfermé entre quatre murs, je ne pouvais voir à l'extérieur et je subissais une pression constante ; si je ne produisais pas assez tout en conservant la qualité bien sûr, je risquais un renvoi immédiat. Maintenant que je suis plus âgé, je ne suis pas certain que j'apprécierais recevoir des ordres d'un jeune blanc-bec et que je pourrais endurer la pression constante qui fait souvent partie du marché du travail. De plus, à cause de mon casier judiciaire, c'était devenu très difficile de trouver un bon emploi. C'est d'ailleurs pour cette raison principalement, ainsi qu'à cause de mon âge, que j'ai décidé de devenir camelot à temps plein. Par contre, il existe également des inconvénients, car étant travailleur autonome, je n'ai pas de revenu garanti ni d'avantages sociaux. Si je tombe malade, je n'ai pas de congés payés ni d'assurance-emploi. Je dépends également de la météo quand je suis en dehors du métro. Mais je suis d'un naturel optimiste : si un jour les ventes vont mal, j'essaie de m'encourager en me disant que le lendemain, ça ira mieux.

GAÉTAN PRINCE Camelot métro Bonaventure et Promenade Masson

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Mes excuses personnelles En ces temps où notre terre semble en péril, que certains donnent leur pire plutôt que leur meilleur, plusieurs font leur examen de conscience et je n'y échappe pas. En qui me confierais-je ? En un Dieu dont je doute et dont je n'ai pas la preuve de l'existence ? De plus, je remarque toutes les atrocités qu'on a faites en son nom. Mais lorsque je regarde l'ordre qui règne dans la nature et dans l'univers, le divin me devient apparent. Et je crains que, sans cette idée, l'homme ne devienne froid, comme l'extension d'une machine. Quoiqu'il en soit, il ne m'appartient pas de nommer cet Être suprême ou de connaître sa langue ou le drapeau qu'il porte. Je ne pratique qu'une seule religion, celle de l'amour de mon prochain, tout en méditant sur ce qu'est AIMER. J'ai chuté maintes fois dans ma vie et vous m'en voyez confus. Les conséquences de ces actes, je ne pourrais les mesurer. Je rumine constamment de la culpabilité, sans plier devant toutes les accusations qui m'accablent. Malgré ces inquiétudes, lorsque je me regarde dans le miroir, j'y vois une bonne personne. J'ose espérer qu'après ma mort, l'histoire de ma vie dégagera une odeur agréable aux autres hommes et à Dieu.

ROBERT MÉNARD Camelot métro McGill sortie Union


CHEMIN FAISANT

Mes trois passions En 2007, après avoir complété un cours au Centre de formation à l'emploi de Portage à Québec et une thérapie de 28 jours au Centre CASA, qui traite les dépendances de tous genres, j'ai choisi de changer de mode de vie. En renonçant à l'alcool et aux jeux vidéo poker, ma vie a complètement changé, et pour le mieux. MICHEL DESLAURIERS | Camelot angle Stanley/Sainte-Catherine

D

epuis ce tournant décisif, je n'ai jamais cessé de produire dans le domaine des arts afin de vivre enfin ce dont j'avais envie du plus profond de mes tripes. Voici ce que j'ai réalisé durant les 7 dernières années : 1. J'ai écrit, mis en scène, réalisé et produit quatre pièces de théâtre. 2. J'ai suivi des cours de chant avec un professeur émérite, qui m'ont permis de participer à une chorale. 3. J'ai eu la chance de produire une soixantaine de dessins et peintures.

Voilà mes trois grandes passions, que je tiens à développer grâce aux talents que la providence m'a donnés et à mon choix d'un meilleur mode de vie. Lorsque j'étais en thérapie au Centre CASA de CapRouge, en banlieue de Québec, mon intervenant psychologue ne me voyait pas souvent. Il avait plein de rendez-vous à l'hôpital à cause de sa maladie. Sachant que je dessinais beaucoup, il m'a demandé de mettre en dessin ce que je ressentais, en fonction des étapes de ma thérapie. Ce qui donna comme résultat douze merveilleux dessins. J'ai intitulé la série « Les 12 portes « Je suis un artiste tournantes de ma thérapie ». de Québec qui Je partage aujourd'hui mon humble vit maintenant témoignage dans le magazine L'Itinéraire parce que je suis camelot depuis 15 heureux, avec jours grâce à Yvon Massicotte, qui m'a accueilli et encouragé à « ne pas lâcher » trois passions que dans ma démarche. j'affectionne du De plus, j'ai l'habitude de la vente de rue. À Québec, j'ai vendu le journal de plus profond la rue La Quête pendant plus de 4 ans. De passage ici, à Montréal, je peux vous de mon âme. » dire que je suis fier d'être camelot et de connaître L'Itinéraire. C'est un magazine qui répond à tous ceux et celles qui veulent aller de l'avant, retrouver une vraie valorisation d'eux-mêmes et partager avec les lecteurs et lectrices des témoignages authentiques qui permettent à plusieurs de voir au-delà des apparences. Avant de vous dire « Au revoir ! » et « Longue vie à L'Itinéraire », je vous partage la plus grande de mes trois passions, le dessin. Voici donc un autoportrait réalisé en janvier 2014 durant un séjour à Montréal.

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MOT DE CAMELOT

Emploi étudiant De belles amitiés

The joy of movies I've gone to see many movies in the last 6 months: Hercules, Fury, Night Crawler, Unbroken, John Wick, Exodus and many more. I like going to the theatre to watch movies. I try to go on a Tuesday night because it's half price. I usually go to the theatre alone. It's not too bad, it doesn't bother me. I have a coffee before the movie, but I hardly ever buy popcorn, chocolate bars or soft drinks. Movies help me mentally. It's a great way to escape the anxiety of everyday life. Movies are fun to watch, exciting, because you can see something you don't usually see in everyday life. I prefer action movies and thrillers: they're the most exciting! The excitement helps me forget all my troubles for a couple of hours. Movies can also be very educational. For example, I learned in Exodus that the Hebrews were slaves to the Egyptians for over 400 years! It also takes discipline and structure to watch movies at a certain time, so it improves my brain waves. Movies help me physically. I accustom myself to the weather by walking to the theatre every Tuesday night. That way I can work better selling L'Itinéraire on the street. Most importantly, movies help me keep my sobriety by staying away from the bottle. Ultimately, going to the theatre helps me function at a better rate, be a better man. It helps me have a better knowledge and understanding of the brain and heart.

DANIEL GRADY Camelot angle des Pins/Saint-Laurent

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Pour moi, 2014 a été remplie de bons souvenirs avec le journal. J'y ai fait de belles rencontres avec des gens avec qui j'ai partagé de bons moments. Il y a des clients que je n'avais pas vus depuis longtemps parce qu'ils étaient partis à la retraite. Certains sont venus me voir, joyeux et chaleureux, et ça m'a fait le plus grand plaisir. Ce sont des gens qui me tiennent à cœur et que je n'oublierai jamais. Leur départ m'avait profondément touché. J'aimerais revoir des gens que ça fait longtemps que je n'ai pas vus, ceux qui sont partis depuis longtemps et qui ont peut-être changé de bureau. Cela m'attriste de voir partir de vieux amis. J'apprécierais énormément qu'ils viennent me saluer. Par exemple, un homme qui travaillait au Complexe Desjardins et que je n'avais pas croisé depuis 3 ans est revenu. J'ai mis un moment à le reconnaître, mais ça m'a fait plaisir de le saluer. Nous avons parlé ensemble et il m'a acheté une revue. Ça me touche toujours qu'une vieille connaissance fasse un détour pour venir me saluer. Heureusement que les nouveaux visages bienveillants que je rencontre me permettent d'oublier un peu ceux qui partent. Merci de votre générosité et en espérant que vous passez un bel hiver, malgré le froid. J'espère aussi que vous demeurerez en santé.

GILLES BÉLANGER Camelot complexe Desjardins et angle Jeanne-Mance/ René-Lévesque

Nous sommes à l'été de l'année 1967. J'ai 16 ans et je suis embauché à l'Auberge Duchesnay pour un emploi d'été. Quand j'arrive au bâtiment après une demiheure de trajet en voiture et que mon père me dépose à l'entrée, je suis accueilli par le chef d'équipe. Il me fait visiter les lieux et la chambre où je vais coucher. Dans la salle de séjour, il y a une table de ping-pong et une de billard. Après vient la pièce où sont servis les repas. Le chef d'équipe me présente ensuite aux 9 autres jeunes. Il nous donne un briefing sur le travail à effectuer : déplacer des pierres et des branchages à l'aide d'un râteau et une pelle pour rendre la terre unie sur une largeur de 3 pieds. Notre travail permettra de faire un sentier pédestre dans la forêt autour de l'auberge. Nous nous levons à 7 h pour déjeuner, nous avons une heure pour dîner et nous travaillons jusqu'à 16 h. Nous disposons ensuite d'une heure pour faire notre toilette. Nous soupons à 17 h et à 22 h, c'est le coucher. Une bonne journée, sur le tracé, il se présente une grosse roche que nous sommes incapables de déplacer. Comme le chef d'équipe ne sait pas vraiment quoi faire, je lui conseille d'utiliser le principe du levier. Nous coupons alors un arbre, le glissons ensuite sous la roche et, avec force, nous appuyons tous ensemble sur l'arbre dégarni de ses branches. La grosse roche roule de côté et nous pouvons donc continuer le sentier. Une autre journée, des travailleurs belges nous mettent au défi de jouer au soccer contre eux. Nous formons donc deux équipes de 5. Je joue à la défense et nous gagnons 2 à 1. Je n'avais pas joué depuis longtemps, m'étant blessé à un genou, mais j'étais content de voir que je pouvais rivaliser et être victorieux. Ce fut un été où j'ai appris à travailler en équipe et à apprécier l'utilité que je pouvais avoir.

RÉAL LAMBERT Camelot angle Laurier/Lanaudière


NOUVEAU RÈGLEMENT À L'AIDE SOCIALE

Des contradictions qui peuvent faire mal !

INFO RAPSIM

BERNARD ST-JACQUES | Organisateur communautaire

Q

uébec a mis de l'avant un règlement sur l'aide sociale qui concerne notamment le revenu de travail admissible de personnes prestataires, le partage de logement et le traitement du chèque pendant les thérapies. La simple mention de ces mesures pour faire de petites économies sur le dos des plus démunis contient son lot de préjugés. Ces mesures sont en contradiction avec le Plan d'action interministériel en itinérance 2015-2020 que le même gouvernement a mis en place il y a trois mois et qui suggère des moyens pour améliorer le revenu des personnes. Elles vont aussi à l'encontre des demandes portées par le milieu d'un rehaussement nécessaire des prestations, de l'accès au chèque pour les personnes itinérantes et de mesures de réinsertion adaptées.

Quelques mesures démesurées pour les plus vulnérables

La mesure qui rapporterait le plus au gouvernement (6,1 millions $) pourrait s'avérer la plus dommageable pour les personnes itinérantes, diminuant l'accès aux thérapies, entravant la réinsertion après le traitement et mettant en péril l'action de plusieurs centres de dépendance. Par exemple, une personne itinérante disposera d'un montant ne dépassant pas 200 $. Avec les prestations actuelles, on contribue au traitement (de 7 $ à 10 $ par jour), les prestataires locataires peuvent continuer d'assumer leurs dépenses (comme le logement) et préparer la sortie de la thérapie pour passer à autre chose. Aux personnes itinérantes, avec quelques sous en poche, on laisse une chance de trouver des alternatives à la rue à la fin du traitement et de passer à une autre étape de leur réinsertion sociale. Enfin, si la perte de revenu moyen pour les centres de dépendance est estimée à plus de 40 000 $ avec le règlement, comment les centres pourront-ils alors continuer d'assurer des services adéquats ? D'autres mesures sont discutables, comme celle visant à comptabiliser les revenus de travail quand ils n'ont pas été adéquatement déclarés selon le ministère, suggérant ainsi des fraudes. Celui-ci se dit en mesure de repérer les erreurs de bonne foi malgré que les ressources d'accompagnement des personnes prestataires aient été coupées. La situation est plus dommageable si les revenus déclarés l'ont été sur une

longue période, rappelant l'exemple rapporté dans les médias de cette dame qui devait rembourser 25 000 $ pour des revenus liés à la quête étalés sur 10 ans. En somme, le risque d'erreur est cher payé en atteintes à la réputation et en jugements contre les personnes pour le 1 million $ escompté par Québec. Enfin, alors que le prix des loyers augmente de manière importante, pour une personne locataire qui loue les autres chambres de son appartement, on devrait tenir compte des revenus de la deuxième chambre louée plutôt que de débuter par la 3e, comme c'était le cas avant. Ainsi, on semble punir la débrouillardise de personnes qui trouvent des solutions dans le partage de leur logement et évitent de s'appauvrir davantage, comme si on les accusait simplement de chercher à profiter de revenus substantiels.

Un accroissement nécessaire des revenus

En définitive, ce règlement devrait être retiré pour faire place à un rehaussement des prestations et s'accompagner de différentes mesures visant l'accès au revenu (comme à la sortie d'institution, l'obtention d'un premier chèque, des cliniques d'impôts pour les personnes itinérantes, etc.). Les programmes de réinsertion socioprofessionnelle devraient eux aussi répondre aux différents besoins, en étant plus souples et en s'étendant plus dans le temps. Pour le moment, ils sont davantage coupés et resserrés alors qu'on est censé viser à ce que les personnes retournent autant que possible sur le marché du travail. Visiblement, on n'en est pas à une près, mais il va sans dire que les contradictions que suggère le règlement, si on les compare aux mesures qui seraient nécessaires, pourraient faire mal à bien des gens !

1er avril 2015 | ITINERAIRE.CA

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MOT DE CAMELOT Roman-ciel Ma vie à L'Itinéraire Moi, Cybelle Pilon, j'ai connu L'Itinéraire parce que j'avais besoin de nourriture. Ensuite, on m'a introduit doucement en me demandant si je voulais arroser les plantes à l'organisme. Et puis, j'ai connu d'autres camelots qui savaient comment le métier fonctionnait. Alors, j'ai appris avec eux, je me suis améliorée et les ventes se portent mieux. J'aime bien L'Itinéraire, car je trouve que nous travaillons à notre rythme tout en étant altruistes. Je pense que ce que je préfère est d'arroser les plantes en prenant un bon café et en discutant avec les autres camelots. J'aime bien manger et prendre la pause avec eux. Je serais triste si je ne pouvais plus venir ici, car je me suis liée d'amitié avec d'autres camelots et avec certains responsables, ce que je trouve plutôt agréables. Pour moi, écrire des textes, ce n'est pas toujours facile. L'inspiration n'est pas toujours à ma portée. Ce que je trouve génial, c'est de pouvoir partager certaines de mes idées avec les autres camelots. Je vous souhaite plein d'amour et un bel avenir à tous.

CYBELLE PILON Camelot angle Saint-Zotique/ Saint-Hubert

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Je l'entends chuchoter : -Notre histoire sera sans fin. Je lui ai chuchoté : -Notre amour sera sans fin… Un temps mort se glisse entre nous. Avant son heure, avant son temps, un vent froid la soulève. Mon immense amour se meurt. Dans mes bras, meurt un amour immense. Soudé à la vie, à la mort mon sort en est jeté. Je te suivrais de l'autre bord, là, pour te ramener à tribord -Sois sans crainte, je marche dans la mort pour te retrouver… toi mon emprise, ma douce étreinte. On nous a séparés par la mort, par la mort, nous serons réunis (Mais, au bout du tunnel Aucune prime Aucune paire d'ailes Pour un simple mortel Voulant défier l'éternel Pour retrouver sa belle) Figé au pourtour du tunnel, je manigance tous mes sens. Ma voix se craille. Mon désespoir se crécelle. -Ariel, entends-tu mon appel !? L'écho déchire les parallèles, noircit en tumultes, les sentinelles du tunnel. L'attentat, les fait bondir d'elles, comme des sauterelles, dans un mouvement de grêle. Les sentinelles s'affolent, accrochent la grande manivelle et se brisent les ailes. Tout de go, je me faufile parmi les âmes frêles. L'amour plus fort que tout -Ariel, entends-tu mon appel !?

Je vais transpercer tous les sacrés cœurs, mis au travers de mes chemins de croix. Je vais r'virer complètement à l'envers tous les enfers. Je vais défoncer les portes de tous les paradis perdus. Je vais m'rouler des racoins de purgatoires inconnus, pour pouvoir te garder… espoir ! Mais Ariel manque toujours à l'appel. Tordu par les méandres du temps. Un mince filet de sable coulant le long du cou. Redescendu sur terre, bredouille et fou, me trépassant comme ça, tout partout des Ariel de flash!!! Elle se renouvelle en elle, se déplaçant lentement d'un ange à un autre, montant, descendant, remontant des escaliers à genoux, une couronne de fleurs au cou Tu déboussoles mes alentours et tu me joues des tours Un vent froid se lève et se couche sur mes lèvres Enfin, enfin, enfin J'entends sa voix me chuchoter tendrement -Notre histoire d'amour sera sans fin Oui, crois-moi, mon Amour bien au-delà du charnel survivra une étincelle au cœur même de notre amour frêle.

SIOU Camelot métro Guy Concordia


CARREFOUR Premier dénombrement des personnes itinérantes à Montréal

L

PHOTO : JE COMPTE MTL

e 24 mars dernier avait lieu le premier dénombrement des personnes itinérantes à Montréal. Plus de 800 bénévoles ont répondu à l'appel des partenaires de ce premier dénombrement pour marcher dans les rues et se rendre dans les différentes ressources afin de compter non seulement les personnes sans abri, mais également celles qui vivent des situations précaires – celles que l'on appelle l'itinérance cachée. L'on cherchait à compter les personnes itinérantes et à tracer leur portrait y compris leur historique résidentiel et les raisons menant à leur situation actuelle. Les camelots de L'Itinéraire ont été mis à contribution. En effet, pour aider les chercheurs à valider la méthodologie, cinquante camelots ont été répartis sur les trajets du dénombrement à titre de faux itinérant (leurre). Une fois trouvés, ils se sont identifiés auprès de l'équipe des bénévoles. Ce projet, financé par la Ville de Montréal, était confié au Centre de recherche de l'Institut Douglas, les YMCA du Québec et plusieurs autres partenaires. Le rapport final sera remis à la Ville de Montréal au début de l'été. Les cogestionnaires du projet Je Compte Mtl, Éric Latimer, chercheur au Centre de recherche de l'Institut Douglas et James McGregor, ont rencontré les partenaires du milieu de l'itinérance à deux reprises pour les informer du projet du dénombrement.

Cuisinons ensemble à L'Itinéraire Depuis le 6 février dernier, des ateliers de cuisine collective sont organisés à L'Itinéraire.

U

ne fois par mois, des camelots se réunissent pour choisir et cuisiner des plats économiques. Au menu : cari de poulet et chow mein. Les objectifs de ces ateliers sont de socialiser, d'apprendre à cuisiner et développer l'esprit collectif. Pour les camelots, la cuisine collective résumée en une phrase, c'est :

« C'est une occasion de voir du monde tout en cuisinant de nouveaux mets, donc pourquoi ne pas essayer. Cuisiner en groupe revient beaucoup moins cher, c'est un moyen de survie très efficace. » JOHANNE Préposée à la réception

« La cuisine collective me fait connaître de nouveaux mets et de nouveaux aliments, ce qui développe mon sens du goûter. Faire de la “bouffe” soi-même aide à avoir un meilleur moral et une meilleure confiance en soi. » SYLVAIN Préposé à l'entretien ménager

« La cuisine collective m'a permis d'apprendre à bien laver la vaisselle et les légumes en plus d'être en bonne compagnie et de faire du social. » Marianne, Cindy, Johanne et Claudine qui préparent un sauté de légumes.

JEAN-PIERRE Camelot métro de l'Église et angle Saint-André/Saint-Zotique

Patricia et André-Guy qui préparent le brocoli et le céleri. 1er avril 2015 | ITINERAIRE.CA

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REPORTAGE

Une grosse baffe dans la gueule Antoine Haslé est un jeune réalisateur français installé à Montréal depuis presque deux ans. C'est un peu par hasard, suite à la proposition d'un collègue, qu'il décide de réaliser un documentaire sur l'itinérance. Il était loin de se douter que dès les premières semaines de tournage, il serait profondément interpellé par l'expérience. PAR CHARLES-ÉRIC LAVERY PHOTO : ANTOINE HASLÉ

Quelle rencontre t'a le plus marqué?

J'ai eu une grosse baffe dans la gueule il y a quelques semaines. J'ai passé la soirée au squat d'une itinérante que j'ai rencontrée. Il était 2 h 30 et il faisait -20. Elle avait 45 $, pourtant elle n'avait acheté que de la drogue ce soirlà. Elle avait perdu ses deux enfants. Elle disait être schizophrène et a fait parler l'une de ses personnalités. Ce qu'elle regrettait le plus, c'était d'être venue au monde.

Qu'est-ce que des histoires comme celles-là te font comprendre?

Il y a un grand problème de santé et de sécurité sociale. Plusieurs personnes meurent de maladies liées à la pauvreté et à l'itinérance. Pourtant, le gouvernement n'apporte plus d'aide aux gens. Il laisse les itinérants à la rue et aggrave leurs problèmes! Lors d'un voyage en Australie, en 2010, j'ai regardé des films comme Zeitgeist qui m'ont fait prendre conscience de la manière dont on était abusé dans notre société. Ces films proposaient un modèle de société différent. Je me suis détaché des objectifs que l'on a généralement : gagner de l'argent, avoir une maison, se trouver un emploi. Je me suis intéressé aux gens, à la manière dont on évolue. Mon équipe et moi avons créé Diapositif, projet qui propose des articles sensibilisant les gens aux problèmes sociaux.

Quelques jours après l'entrevue, France a envoyé à Antoine un message texte qui démontre bien la solitude que vivent les personnes en situation précaire.

«Ma vie est comme un ruisseau. Creusé au fil du temps. Malgré les intempéries, je survis. Je passe au travers des gens comme un fantôme. Personne ne me voit. Personne. Je suis un humain, un être vivant avec tous mes défauts et mes qualités, essayant toujours d'avancer dans ce marasme qu'est la vie. Je survis malgré tout. Je ne veux pas survivre, je veux vivre. Mais ma vie est toujours un ruisseau qui, je l'espère, me mènera vers la mer. Là, je vivrai pour toujours.» FRANCE | Camelot angle Joseph-Renaud/de Châtillon

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Chaque personne dans la rue est un être humain parmi tant d'autres.

Comment as-tu vu, en t'intéressant à l'itinérance, les besoins de sensibilisation de la population?

Les personnes ont souvent des préjugés à l'égard des personnes itinérantes. Elles les imaginent accrochées à leur bouteille ou à leur seringue. Mais ce n'est qu'une image. J'ai rencontré une femme l'autre jour à un arrêt d'autobus. Elle voyait que j'avais une caméra. Je lui ai expliqué ce que je faisais. Elle m'a répondu : « Ah ! Je rencontre souvent le même jeune itinérant. Il pourrait travailler, il pourrait faire quelque chose de sa vie. Mais non! Il ne fait rien. » Mais elle ne s'est pas intéressée à son histoire, elle ne se demandait pas pourquoi il était là!

Qu'as-tu découvert en allant à la rencontre des itinérants?

J'ai eu un regard beaucoup plus ouvert. Je n'aurais jamais cru certains d'entre eux dans la rue. France, camelot à L'Itinéraire avec qui j'ai tissé des liens forts, a aujourd'hui un appartement. Pourtant, elle a été itinérante durant des années. J'ai découvert la complexité de leurs parcours qui leur est propre. Certains des jeunes qui vivent dans la rue ne l'ont pas choisi, d'autres oui. Certains sont drogués, d'autres non. J'ai compris que l'itinérance est un cercle vicieux. Si les personnes itinérantes ne s'en sortent pas en un an ou deux, ils s'y enferment. La dépendance aux drogues, à la cigarette et à l'alcool servent à contrer cette solitude. Pour eux, y avoir recours est légitime. Si j'étais à leur place, je ferais peut-être pareil.

Pour aider Antoine à financer les prochaines étapes de son documentaire : http://fr.ulule.com/ne-maidez-pas-svp/

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PAR ALEXANDRA GUELLIL

PANORAMA

La parole aux femmes ! Collection Printemps-Été est un collage de textes poétiques écrits uniquement par des poétesses et mis en scène sous la forme d'un défilé de mode. Les vers remplacent les vêtement et les mannequins sont en réalité des actrices. Christian Vézina plonge pour la première fois dans un répertoire tout féminin, nous conviant à un défilé de mode où paradent les mots de Joyce Mansour, Hélène Monette, Suzanne Jacob, Marie Étienne, Ananda Devi et Brigitte Fontaine en mettant en vedette Danielle Proulx, Salomé Corbo, Elkahna Talbi (Queen KA). Chaque texte est traité comme une collection de vêtements accompagnée sur scène par la musicienne Marie-Sophie Picard. Les écrits prennent forme et vie jusqu'au 11 avril, au plus grand bonheur des amateurs de la palabre.

Le groupe hip-hop Clay & Friends

espacelibre.qc.ca

L'audace au micro Cette année, Vue sur la Relève accueillera plusieurs artistes originaires de plusieurs régions du Québec, de la francophonie canadienne, de l'Uruguay, d'Haïti et de la France dont Javier Zubillaga, Kebert Bastien, Wolanyo ou encore Raphaël Butler. Dès le 7 avril, 41 spectacles teintés d'originalité, de singularité et d'audace vous seront proposés dans le cadre de la 20e édition du Festival Vue sur la Relève. Pendant 12 jours, vous pourrez découvrir 14 spectacles de danse, 6 de théâtre, 1 de cirque, 1 de conte, 15 de chansons et de musique et 1 spectacle multidisciplinaire. En plus des spectacles, il sera possible de participer à des rencontres professionnelles gratuites et ouvertes à tous les artistes et travailleurs culturels en début de carrière. Des billets (3 à 4 spectacles par soir) sont disponibles pour 10 $ par soirée. Pour vivre l'expérience du Festival à fond, un forfait de 15 entrées à partager pour 50 $ est également offert. vuesurlareleve.com

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Série sur l'Histoire de la pauvreté au Québec

CLIN D'ŒIL DU PASSÉ

La pauvreté est une réalité qui ne date pas d'hier, et les ressources pour la combattre non plus. À travers une série de dix textes, L'Itinéraire dresse un portrait historique de l'aide offerte aux personnes vulnérables et en situation d'itinérance au Québec depuis la colonisation.

L'assistance aux plus démunis : les anglophones s'impliquent 1763, la Nouvelle-France est maintenant propriété britannique : qu'advient-il des structures sociales mises en place par le régime français ? Essentiellement, elles restent en place, par contre, des transformations économiques vont entraîner de profonds changements. PAR MARTINE B. CÔTÉ

A

près la Conquête, une colonisation intensive s'amorce, le commerce est roi et la population qui vit en ville augmente de façon fulgurante. Une crise agricole frappe la Nouvelle-France menant bien des paysans à s'établir en ville. Ces transformations créent une situation sociale et économique fragile. La bourgeoisie anglaise est bien présente et s'implique dans le développement d'une assistance aux plus démunis. Pour les Bronfman, les McGill et les McCord, l'éducation est une priorité et la création d'institutions scolaires les occupe. Plusieurs riches canadiens-anglais consacrent une partie de leur fortune à la philanthropie. George Stephen, dit Lord Mount Stephen et Donald Alexander Smith, appelé Lord Strathcona, en sont deux bons exemples. On évalue à plus de 7 500 000 $ les dons de Smith à diverses institutions montréalaises. À plusieurs reprises, ces deux hommes ont mis leur fortune en commun, notamment pour construire un hôpital qui offre des soins gratuits : Smith et Stephen donnent un million de dollars pour la construction du Royal Victoria. Plusieurs autres Montréalais d'origine anglaise soutiennent financièrement le développement d'un réseau de soins de santé. John Redpath et George Drummond en sont deux exemples probants pour leur legs aux Montreal General Hospital, le Montreal Presbyterian College et le St Margaret's Home for Incurables. Le modèle britannique d'aide aux plus démunis s'installe et côtoie le modèle français, basé sur la tradition d'aide charitable. Les canadiens-anglais privilégient plutôt un système d'assistance décentralisé et local. Parce que « noblesse oblige », les riches Montréalais consacrent une partie de leur fortune et de leur temps aux œuvres de bienfaisance. Les hommes siègent aux conseils d'administration des sociétés qu'ils mettent sur pied alors que les épouses font du travail concret et organisent des

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collectes de fonds. Parmi les organismes encore existants, on note la Mission Old Brewery, fondée en 1890 par Mina Elizabeth Douglas et Eva Findlay. Le XXe siècle est celui de la pauvreté extrême à Montréal. En 1900, Herbert Brown Ames, fait partie des hommes d'affaires qui s'inquiètent de la détérioration des conditions de vie de la population du bas de la ville. Il mène un combat pour la construction de logements décents destinés aux ouvriers et leur famille. Il met sur pied « Le 19e siècle l'un des premiers projets de logements sociaux de la ville, le Diamond Court, est marqué, au un parc d'habitation qui héberge 39 Québec comme familles démunies. Une épicerie y est adjacente… mais aucune vente d'alcool ailleurs, par une n'y est faite, car monsieur Ames est un industrialisation fervent adepte de la tempérance. Le philanthrope-réformiste mènera aussi rapide et une une campagne pour faire bannir les toilettes extérieures qui jonchent les cours migration de la des quartiers défavorisés. Rappelons population vers qu'en 1920, on qualifie Montréal de ville la plus insalubre d'Amérique du Nord. les villes. » En 1921, la Loi sur l'assistance publique est votée : on reconnaît désormais que la charité privée ne suffit plus pour combler les besoins des personnes démunies, dont le nombre s'accroît à un rythme aussi effréné que l'industrialisation. Ce n'est qu'un petit pourcentage des budgets du Québec et de la ville de Montréal qui est consacré au financement des organismes d'aide à la pauvreté, car à l'époque, les solutions politiques à la pauvreté sont couvertes de suspicion ; on se méfie de tout ce qui ressemble au socialisme. L'assistance sociale entame une nouvelle ère, mais la crise de 1929 viendra tout chambouler…


PAR NAFI ALBERT, ALEXANDRA GUELLIL, LOUIS-PHILIPPE POULIOT

LIVRES

Presque fidèle Selon les proches de Raymond Gravel, Carl Marchand, l'auteur, aurait profité de l'état de faiblesse de ce dernier pour obtenir des déclarations embarrassantes qu'il relate dans cette biographie. On parle de quelques ambiguïtés qui font parfois décrocher concernant le supposé couple que Raymond Gravel aurait formé avec Gizem, un turc de confession musulmane ou encore la sympathie qu'il éprouvait envers Guy Turcotte supposément due à son homosexualité refoulée. Raymond Gravel – Le dernier combat, doit être lu comme un long reportage plus ou moins fidèle pour tenter de connaître autrement l'abbé Gravel sans pour autant le cerner totalement. (AG)

Raymond Gravel – Le dernier combat

Carl Marchand, Éditions du CRAM, 124 pages

Petit guide pratique du monde Faut connaître ses classiques. Même si Le Prince de Machiavel est d'une platitude exaspérante, il vaut la peine d'être lu… Bon, j'arrête ! Je l'avoue, je n'ai pas eu la patience de le lire au complet. Trop redondant : après 100 pages, on a fait le tour et on comprend le principe. Dans la même lignée, je vous propose plutôt l'ouvrage certes quétaine, mais non moins enrichissant L'art de se faire des amis de Roger Horchow qui lui aussi explique comment manipuler vos proches à votre avantage. Ou encore le livre de Sun Zu (ou Sunzi, selon les traductions) qui explique en 12 chapitres L'art de la Guerre. (LPP)

Exutoire Ce livre, c'est un dernier hommage qu'Éric Godin devait à son fils, pour qu'il ne soit jamais qu'un chiffre qui vienne grossir les statistiques des jeunes qui s'enlèvent la vie, écrit-il en postface de son ouvrage. Cette « lettre d'un père à son fils suicidé », est composée de textes courts et percutants. Une page de mots pour une page illustrée. On y redécouvre l'artiste peintre multidisciplinaire Zïlon au travers de portraits faits au lavis. Quelques coups de pinceau qui viennent en quelque sorte essuyer le sentiment de culpabilité que peuvent ressentir des parents endeuillés. Lettre à Vincent est aussi disponible sous forme d'essai interactif dans lequel résonne la voix de l'auteur sur le texte de l'ONF. (NA)

Lettre à Vincent. Lettre d'un père à un fils suicidé.

Éric Godin et Zïlon, Éditions Hurtubise, 40 pages.

Le Prince.

Machiavel, Éditions Nouveau Monde, 220 pages.

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absorber abyssinecaractère latin abhorrer

vise

fruit cœur

celer

maximises

électrisons

LE JOSÉE FLÉCHÉ

sages inventes

plantes

courroux

titane

dés

« Je m'appelle Josée, je travaille à la distribution et voici mon petit fléché »

ragoût

gaz

conductrice orient sainte

touchée

note singe

iridium menuisier

pronom

existes dénudé

décentes

perdra

précède Jésus-Christ

fabriquée

aire de vent

baignes

olé

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Réponses duSOLUTION 15 MARSDU 2015 15 MARS Réponses du 1ER AVRIL 2015 absorber

abyssine abhorrer

finies

A

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gaz orient

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A qui stimule les nerfs outil

B Solution dans le prochain numéro

A B LO Y P S AT S I I EM N A I OL E I N PS N E E CS

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ragoût

conductrice

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menuisier

olé

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fruit électrisons celer

PA IN VI EM

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TI NE AR AT IE RU RS O CI E NN IS E US S AS SA NE T EV I Z SE SV TI N EI AG SU courroux

dés

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précède Jésus-Christ

aire de vent

finies

arrivé

parfume

à elle champion chiffres romains type

secte vedette bouddhique six

à toi

saison

M S C I T E R RE I N EE S S S E S T E EU E S AS NI T E TN A R EE T E S E E S sages titane

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JOSÉE CARDINAL | Distributrice

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DÉTENTE

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1 2 3 HORIZONTALEMENT 1. Qui se fait à la maison. 4 2. Composé chimique. -­‐ Porté. 3. Us. -­‐ Religieuse indienne d'origine albanaise. 5 4. Plante. -­‐ Filet. érémonies. -­‐ Terre. 6 5. 6. ECnzyme. -­‐ Semailles. -­‐ Mesure chinoise. 7. Étain. -­‐ Vraies. 7 8. Règle. -­‐ Irlande. -­‐ Nid. -­‐ Renaissance. 8 9. Erbium. Formé par alluvionnement. -­‐ Strontium. 9 10. 9 VERTICALEMENT 1. Qui annulent. 10 2. Oubliées. -­‐ Âge.

6

7

8

9 10 11 12

HORIZONTALEMENT 1 Moutardes des champs. 2 Caractère de ce qui n'est pas approprié. 3 Ignoble. - Do. - Bride. 4 Éreinté. - Insecte. 5 Manquent. - Pays. 6 Épouvantable. - Plâtre. 7 Colère. - Note. - Négation. 8 Suppliciai.- Commune de la Seine-Maritime. 9 Lettre grecque. - Ancienne monnaie chinoise. 10 Tissu de coton gaufré. VERTICALEMENT 1 Qui croissent au bord des ruisseaux. 2 Qualifie une substance dont les propriétés varient selon la direction considérée. 3 Courageuse. 4 Ville des Pays-Bas. - Fleuve d'Italie. - Mélodie. 5 Apparu. - Aride. - Pronom. 6 Relative au cheval. - En quel endroit ? 7 Qu'il bouchât. - Conjonction. 8 Note. - Pantois. 9 Osselet. - Sainte. 10 Méridienne. - Poisson. 11 Pronom. - Suspension de la respiration. 12 Relative à la résistance des objets au mouvement qui leur est imposé.

3. Divisions des cellules. 4. Pensées, -­‐ Saint Philippe _ _ _ _ , fondateur de l'Oratoire Solution d'Italie. dans le prochain numéro 5. Gantelets. -­‐ Dose de radiation. 6. Alcaloïde. 7. Qui touche le filet. -­‐ Bouc. Résistance. -­‐ Do. Jeu8. réalisé par Josée Cardinal | joseecardinala1@yahoo.ca 9. Amer. -­‐ Russe. 10. Hameaux. -­‐ Dépôt. 11. Doreras. NIVEAU DE DIFFICULTÉ: MOYEN Solutions du 15 mars 2015 12. École d'administration. -­‐ Lecteur.

7 8

HORIZONTALEMENT 1. Moutardes des champs. 8 2. Caractère de ce qui n'est pas approprié. 3. Ignoble. 6 - Do. - Bride. 4. Éreinté. - Insecte. Placez un chiffre de 1 à 9 1 2 3 5 4 5 6 7 8 9 10 11 12 dans chaque case vide. 6 2 4 1 D5. OManquent. M I C I - Pays. L I A I R E Chaque ligne, chaque colonne et chaque boîte 2 I M I D E E N C L I N 3x3 délimitée par un trait 33 R6. Épouvantable. 3 9 I T E S T -E Plâtre. R E S A plus épais doivent contenir 4 I S O E T E R E T S tous les chiffres de 1 à 9. Chaque chiffre apparaît 5 M7. EColère. S 9 S E- Note. S T- Négation. S O L 2 5 7 3 1 donc une seule fois dans 6 A S E S E M I S L I une ligne, dans une colonne 7 N8. Suppliciai.S N R Commune E E L L de E Sla Seine-Maritime. et dans une boîte 3x3. 7 8 T E E R I N A I R E 9 E9. RLettre R grecque. E N O U- Ancienne V E A U monnaie chinoise. NOTRE LOGICIEL 7 3 1 2 9 10 S E D I M E N T E S R DE SUDOKUS EST 10. Tissu de coton gaufré. MAINTENANT DISPONIBLE. 8 1 7 2 1 4 3 8 5 7 9 6 2 10 000 sudokus inédits de VERTICALEMENT 4 niveaux par notre expert, 8 7 2 1 6 9 5 3 4 3 9 5 Fabien Savary. En vente 1. Qui croissent au bord des ruisseaux. exclusivement sur 5 9 6 2 3 4 1 7 8 notre site. 6 5 1 4 7 8 2 9 3 7 2 2. Qualifie une substance dont les propriétés varient selon la direction considérée. www.les-mordus.com 4 3 7 9 2 6 8 5 1 2 8 9 5 1 3 7 4 6 3. Courageuse. 1 5 3 7 2 4 3 9 1 6 8 5 Solution dans le prochain numéro 4. Ville - Fleuve d'Italie. - Mélodie. 9 1 des 8 6 Pays-Bas. 4 5 3 2 7 3 6 5 7- Aride. 8 2 4 - 1Pronom. 9 5. Apparu. Jeu réalisé par Ludipresse | info@les-mordus.com 6. Relative au cheval. - En quel endroit ? 1 6 9 5 2 8 4 3 7 7. Qu'il bouchât. - Conjonction. 3 7 8 9 4 1 5 6 2 1 avril 2015 | ITINERAIRE.CA 45 4 2 5 6 7 3 1 8 9 8. Note. - Pantois. 2 9 4 7 8 6 3 5 1 6 5 7 3 1 2 9 4 8 9. Osselet. - Sainte. er


A PROPOS DE...

LA FOLIE L'unique différence entre un fou et moi, c'est que moi je ne suis pas fou

Une question parfois me laisse perplexe : est-ce moi, ou les autres qui sont fous ?

SALVADOR DALÍ

ALBERT EINSTEIN

La folie est souvent la logique d'un esprit juste que l'on opprime OLIVER WENDELL HOLMES

Il y a deux choses qui abrègent la vie : la folie et la méchanceté BALTASAR GRACIAN Y MORALES

C'est bien la pire folie que de vouloir être sage dans un monde de fous DIDIER ÉRASME

L'espérance est la plus grande de nos folies ALFRED DE VIGNY

Il ne me paraît pas assez intelligent pour être fou SACHA GUITRY

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ITINERAIRE.CA | 1er avril 2015

Jamais la psychologie ne pourra dire sur la folie la vérité, puisque c'est la folie qui détient la vérité de la psychologie MICHEL FOUCAULT

La folie est le propre de l'homme BLAISE CENDARS

Certains ne deviennent jamais fous… leurs vies doivent être bien ennuyeuses CHARLES BUKOWSKI

Quelle pitié que les fous ne puissent parler avec sagesse des folies que font les sages WILLIAM SHAKESPEARE



Chez Tim Hortons, si nous ne pouvons servir notre café de première qualité dans les vingt minutes suivant sa préparation, nous ne le servons tout simplement pas. C’est pour cette raison qu’à chaque nouvelle carafe que nous préparons, nous y inscrivons l’heure. De cette façon, vous êtes assurés que nous vous servons un café toujours savoureux.


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