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DANIÈLE HENKEL

Le feu de la dragonne

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Volume XXI, n˚ 4 Montréal, 15 février 2014

www.itineraire.ca

DOSSIER

VAINCRE LA DÉPRESSION LA NOUVELLE CHRONIQUE DE

IANIK MARCIL

UN EX-CAMELOT fAIT SON CINÉMA ZOOM SUR JEAN-PAUL LEBEL fEU VERT À HANS MAROTTE


Don minimum de 10 $

FIERS PARTENAIRES

En vente auprès de votre camelot ou à nos bureaux situés au 2103 rue Sainte-Catherine Est (angle De Lorimier). Pour plus de détails: 514 597-0238 poste 253 Fabriqué par

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Jean-Paul Lebel Camelot No : 23 | Âge : 50 ans Point de vente: Métro Berri-UQÀM

J

ean­Paul ne manque pas d'éloges pour parler de ceux qui l'ont aidé dans la vie. Évoquant Mme Girard, mère de sa deuxième famille d'accueil, il parle d'un «cœur sur deux pattes», se souvenant avec émerveillement des gâ­ teaux et des tartes qu'elle faisait. «J'étais un peu rebelle», dit­il en pensant à son enfance à Malartic, en Abitibi. Avant de devenir camelot pour L'Itinéraire, il y a une dizaine d'années, Jean­Paul travaillait dans la construc­ tion et dans un lave­auto, alternant de l'un à l'autre lorsqu'il avait envie de changement. Avec sa première femme, il a eu deux filles, Brenda et Roxanne. Valérie naît d'une deuxième union. Tout a basculé lorsqu'il a été séparé de ses filles: il est tombé en dépression et dans la coke, son «moyen de fuite». Il finit par laisser son emploi et il se retrouve dans la rue. Un ami qui vendait L'Itinéraire, Chico, l'a intéressé à devenir camelot. «Quand tu vends le magazine, ton estime monte. Tu ne bummes plus. Et tu vois qu'il y en a qui s'en sont sortis. Ça casse la solitude». Il trouve le courage de s'en sortir auprès de son chien, qu'il avait adopté à la même époque. «Je devais m'occuper d'un être». Et puis sa fille Brenda est allée vivre chez lui. «Avec tout ce qui était arrivé, c'était fini le niaisage. Je ne consommais plus». Aujourd'hui, Jean­Paul ne reviendrait pas en arrière. Il est grand­père deux fois, bientôt trois. Il s'implique beau­ coup à L'Itinéraire. «Si ça peut en aider d'autres. Parce que moi, c'est ça qui me tient». En plus d'être camelot, il siège sur le conseil d'administration, participe au comité de gestion et contribue à la distribution du magazine. Pour l'avenir, il entreprend aussi des démarches pour revoir sa fille Valérie. TEXTE : SIMON CORDEAU PHOTO : GOPESA PAqUETTE

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NOS PARTENAIRES ESSENTIELS DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ

L'Itinéraire a pour mission de combattre la pauvreté et l'exclusion par le travail et une place en société. Notre organisme soutient et fait travailler quelque 200 personnes par semaine. Le magazine est donc une entreprise d'économie sociale qui s'autofinance. Mais son volet services sociaux comprend différents programmes pour offrir de l'aide psychosociale, du soutien alimentaire et en logement ou encore des services adaptés aux jeunes. Sans nos partenaires principaux qui contribuent de façon importante à la mission ou nos partenaires de réalisation engagés dans les programmes, nous ne pourrions aider autant de personnes. L'Itinéraire, c'est aussi plus de 2 000 donateurs individuels et corporatifs qui aident nos camelots à s'en sortir. Merci à tous! La direction de L'Itinéraire tient à rappeler qu'elle n'est pas responsable des gestes des vendeurs dans la rue. Si ces derniers vous proposent tout autre produit que le journal ou sollicitent des dons, ils ne le font pas pour L'Itinéraire. Si vous avez des commentaires sur les propos tenus par les vendeurs ou sur leur comportement, communiquez sans hésiter avec Sylvie Gamache, directrice générale adjointe par courriel à sylvie.gamache@itineraire.ca ou par téléphone au 514 597-0238 poste 222.

PARTENAIRES MAJEURS

Nous reconnaissons l'appui financier du gouvernement du Canada par l'entremise du Fonds du Canada pour les périodiques, qui relève de Patrimoine canadien. Les opinions exprimées dans cette publication (ou sur ce site Web) ne reflètent pas forcément celles du ministère du Patrimoine canadien.

PRINCIPAUX PARTENAIRES DE PROJETS ISSN-1481-3572 n˚ de charité : 13648 4219 RR0001

DU MONT-ROYAL

Desjardins

L'ITINÉRAIRE EST MEMBRE DE

Le magazine L'Itinéraire a été créé en 1992 par Pierrette Desrosiers, Denise English, François Thivierge et Michèle Wilson. À cette époque, il était destiné aux gens en difficulté et offert gratuitement dans les services d'aide et les maisons de chambres. Depuis mai 1994, L'Itinéraire est vendu régulièrement dans la rue. Cette publication est produite et rédigée par des journalistes professionnels et une cinquantaine de personnes vivant ou ayant connu l'itinérance, dans le but de leur venir en aide et de permettre leur réinsertion sociale et professionnelle. Convention de la poste publication No 40910015, No d'enregistrement 10764. Retourner toute correspondance ne pouvant être livrée au Canada, au Groupe communautaire L'Itinéraire 2103, Sainte-Catherine Est, Montréal (québec) H2K 2H9

Québecor est fière de soutenir l'action sociale de L'Itinéraire en contribuant à la production du magazine et en lui procurant des services de télécommunications.


Les camelots sont des travailleurs autonomes. 50 % du prix de vente du magazine leur revient.

MOTS DE LECTEURS Rédaction et administration 2103, Sainte-Catherine Est Montréal (Qc) H2K 2H9 Le Café L'ITInéraire 2101, rue Sainte-Catherine Est Téléphone : 514 597-0238 Télécopieur : 514 597-1544 Site : www.itineraire.ca

LE MAGAZINE L'ITINÉRAIRE : Éditeur : Serge Lareault Rédacteur en chef : Sylvain-Claude Filion Chef de pupitre Actualités : Marie-Lise Rousseau Chef de pupitre Développement social : Gopesa Paquette Infographe : Louis-Philippe Pouliot Stagiaires à la rédaction: Nafi Alibert et Simon Cordeau Collaborateurs : Éric Godin, Denyse Monté Adjoints à la rédaction : Caroline Velleca, Hélène Filion, Julie Locas, Lorraine Pépin et Marie Brion Photo de la Une : Mario Langlois Révision des épreuves : Michèle Deteix, Louise Faure, Lucie Laporte et Sabine Schir Design et infographie du site Internet : Vortex solution CONSEILLÈRES PUBLICITAIRES Renée Larivière : 514 461-7119 | renee.lariviere18@gmail.com Josée Poirier : 514 273-5002 | josee.poirier@itineraire.ca LE CONSEIL D'ADMINISTRATION Président : Stephan Morency Vice-président : Gabriel Bissonnette Trésorier : Yvon Brousseau Secrétaire : Serge Lareault Conseillers : Yvon Massicotte, Jean-Paul Lebel, Philippe Allard et Martin Gauthier L'administration Directeur général : Serge Lareault Directrice générale adjointe : Sylvie Gamache sylvie.gamache@itineraire.ca Directrice du financement et des partenariats : Sylvie Bouchard Conseillère au financement et aux partenariats: Elisabeth Julien-Rocheleau Adjoint au développement social : Philippe Boisvert Responsable de la comptabilité : Duffay Romano Adjoint aux communications et relations de presse : Dorian Keller GESTION DE L'IMPRESSION TVA Studio | 514 848-7000 Directeur général : Robert Renaud Coordonnatrice de production : Andrée-Anne Gauthier Imprimeur : IMPRIMERIE SOLISCO

Éditos étoffés L'Itinéraire est une mine de renseignements utiles pour moi à travers les nombreux témoignages et les entrevues toujours intéressantes. J'apprécie plus par­ ticulièrement les éditoriaux de M. Filion qui portent à réfléchir sur des sujets essentiels. Ses textes sont étof­ fés, critiques et engagés. Son ton chaleureux cadre bien avec le côté caractéristique de votre revue. Félici­ tations et s.v.p. continuez dans cette voie. Merci! J.L. Lacombe Idée de génie Je travaille dans le milieu communautaire depuis quelques années et je sais à quel point il peut être difficile d'amasser de l'argent et de faire par­ ler de notre cause. Je voulais simplement prendre quelques instants pour vous féliciter, vous et toute l'équipe de L'Itinéraire, pour votre idée de Camelots d'un jour. C'est honnêtement une idée de génie et j'espère que les Montréalais seront généreux. Guillaume Rivest Camelot mystère Je voulais simplement laisser un message pour la camelot à l'intérieur du Metro Peel, mais je ne con­ nais pas son prénom. J'étais trop timide pour le lui demander... Je voulais simplement lui dire qu'à chaque fois que je la voyais dans le métro, elle me redonnait toujours le sourire! Sa bonne humeur était contagieuse! Ce n'est pas un travail facile, mais elle sait comment redonner le sourire! Des fois, mon travail est plutôt stressant aussi et de la voir, toute souriante, c'était un boost d'énergie! C'est un peu grâce à elle que je me suis intéressée à votre organisme. Malheureusement, je ne travaille plus au centre-ville, mais j'aimerais m'abonner et mettre son nom comme camelot, si elle est d'accord. Ariane Précision Par erreur, le crédit du projet Bien dans mes Baskets a été donné aux organismes communautaires, alors qu'il s'agit d'une intervention sociale qui relève du CSSS Jeanne-Mance (Grand Dossier sur les inégali­ tés sociales, Volume XXI no 1, p.19). Ce projet novateur a débuté en 1999 grâce à l'initiative de Martin Dusseault, un intervenant so­ cial de l'équipe scolaire du CSSS Jeanne-Mance passionné de basketball. Bien dans mes Baskets est réalisé en collaboration avec d'autres intervenants du CSSS et de l'École secondaire Jeanne-Mance, de la Fondation CSSS Jeanne-Mance, de la Fondation Lucie et André Chagnon et aux côtés de nombreux partenaires des réseaux de la santé et des services sociaux, communautaires et universitaires. Il s'agit d'un programme de prévention et de déve­ loppement psychosocial qui utilise la pratique du basketball parascolaire comme outil d'intervention sociale afin de lutter contre le décrochage scolaire, particulièrement chez les jeunes qui vivent en situa­ tion de vulnérabilité. Le projet a reçu plusieurs prix ainsi qu'une reconnaissance internationale et il serait dom­ mage que les acteurs impliqués, particulièrement les intervenants du CSSS soutenant ce projet à bout de bras, n'aient pas le crédit pour leur excellent travail! Nadia Giguère Chercheure d'établissement CSSS-CAU Jeanne-Mance

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SOMMAIRE Volume XXI, n˚ 4

15 février 2014

ACTUALITÉS 7 ÉDITORIAL 8 ROND POINT 11 RENCONTRE

DANIÈLE HENKEL Le feu de la dragonne

14 DOSSIER

vaincre la dépression 20 Une nouvelle approche pour aider les suicidaires

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LE CŒUR DE L'ITINÉRAIRE

24 Le Cœur 26 Les mots des camelots 33 Info RAPSIM 34 JUSTICE 35 IANIK MARCIL

37

PANORAMA

38 Pierre Goupil Le nouveau souffle 41 VIVRE 42 LIVRES 44 DÉTENTE 46 FEU VERT À… hANS MAROTTE

La Rédaction se réserve le droit d'écourter certains commentaires.

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Dignité Pauvreté

Plus de six millions de personnes à travers le monde votent pour la dignité en achetant un journal de rue. En agissant ainsi, ils participent à changer la vie de 27000 camelots dans 40 pays, représentant plus de 120 journaux de rue différents. En retour, les lecteurs profitent d’un journalisme indépendant de qualité, tout en sachant qu’ils ont fait une différence.

Votez pour la dignité.


ÉDITORIAL

Du pain, des jeux et du fric D’une fois à l’autre, le rendez-vous olympique témoigne d’une enflure de plus en plus extravagante. N’en déplaise aux amateurs de sport, ce dont on parle le plus depuis des mois, c’est du déploiement prétentieux des villes hôtes et du panache artificiel créé à grand renfort de milliards, qui auraient pu servir à de meilleures causes. SYLVAIN-CLAUDE fILION | sylvain-claude.filion@itineraire.ca

Jusqu’au 23 février, c’est la fête olympique à Sotchi. Le ridicule d’abord : cette station balnéaire, surnommée la «Riviera russe» n’a rien d’une ville d’hiver. Avec son climat subtropical, on y trouve plus de palmiers que de sapins et la température moyenne, en février, est de 6° Celsius. Pourquoi tenir des compétitions hivernales dans un tel endroit? Les Jeux de 2022 pourraient se tenir à Alger tant qu’à y être. On fera du ski sur les dunes du Sahara. La politique aussi. Depuis la démonstration de force à Berlin en 1936, la pseudo­fête du sport sert surtout à faire de la propagande. Et depuis 1968, chaque olympi­ ade a son relent politique : les poings levés de Tommie Smith et John Carlos à Mexico, les onze athlètes israé­ liens assassinés à Munich, puis les boycotts de 1976, de 1980, de 1984... Pas beaucoup de trêve dans les parages. Plutôt un duel d’egos. Mais le plus désolant demeure l’orgie de dollars, la démesure des dépenses qui entourent la tenue des Jeux. Sotchi inscrit un nouveau record : plus de 50 milliards de dollars pour un événement qui dure 17 jours. Le gros de la somme a servi à recouvrir les alentours de la ville de béton, de routes, de chemins de fer et à la construction d’infrastructures inexistantes dans cette bourgade de 343 000 habitants. Et depuis des semaines, les miasmes de l’exploitation, de l’escroquerie et de la corruption flot­ tent au­dessus de ce disneyland éphémère.

La kermesse du cash

Les coûts pharaoniques des Jeux de Sotchi, un non­sens de la plus grande absurdité, peuvent sembler abstraits. Qu’est­ce qu’on a aujourd’hui pour 50 milliards? On parle ici d’une dépense de près de 3 milliards de dol­ lars par journée olympique. Un torrent de 125 000 000 $ qui file à chaque heure. À ce rythme, le budget alloué par le gouvernement du Québec pour la lutte à la pauvreté ­

4,5 milliards sur 6 ans ­ serait dépensé en 36 heures. 50 milliards, c’est plus que la moitié du budget de la province de Québec, qui est présentement de 83 mil­ liards. 61 % pour être plus précis. Cela équivaut aux bud­ gets de la santé, des services sociaux, de l’environnement et du développement économique réunis. Avec 50 milliards de dollars, on pourrait construire dix nouveaux pont Champlain. On pourrait nourrir les 66 000 000 d’enfants d’âge scolaire qui ont faim dans le monde pendant 15 ans. On pourrait garder l’Accueil Bonneau ouvert pendant 16 667 ans. On pourrait con­ struire 694 444 nouveaux logements sociaux à Mon­ tréal (on en a construit 23 000 depuis 1970). Je vous laisse imaginer d'autres comparaisons.

Triste carnaval

La tenue des jeux d’hiver coïncide avec la période du carnaval. L’orgueilleuse démonstration de Sotchi, qui se déroule sous haute tension, avec des frais de 2,1 milliards de dollars pour assurer la sécurité, dans un pays qui bafoue les droits de l’homme et encou­ rage la répression contre les homosexuels, comporte son lot de réalités affligeantes. Où est­il, le bel esprit sportif, la pureté du sport amateur qui devraient y régner? Pour un athlète qui se distingue par sa grâce ou sa performance, on parlera plutôt des trois autres qui échoueront aux tests de dopage. Politisée, détournée de son sens, et surtout, occasion d’un gaspillage astronomique d’argent, la fête olympique ne fait que me rappeler combien les ressources sont mal utilisées sur notre pauvre planète. Et dans ce déferlement de gros sous dilapidés pour flatter des orgueils démesu­ rés, le sport y perd de sa noblesse. Du pain et des jeux, dit­on. Moi je prendrais plus de pain et moins de jeux.

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ROND-POINT

Par Shawn Bourdages, Simon Cordeau, Éric Godin et Marie-Lise Rousseau

Le pétrole au lieu du bronze questions à

Élise Desaulniers Auteure et initiatrice du manifeste pour une évolution du statut juridique des animaux dans le Code civil du Québec

Le Canada est le troisième pays qui pollue le plus par habitant, révèle une étude de l'Université Concordia. Il se classe derrière le Royaume-Uni et les États-Unis. Pour les émissions absolues de gaz à effet de serre, il arrive au dixième rang mondial. Le gouvernement Harper a d'ailleurs reçu plusieurs prix fossiles pour sa piètre performance sur le plan envi­ ronnemental. (SC)

PAR MARIE-LISE ROUSSEAU

D'où est venue l'idée d'un manifeste pour obtenir un statut juridique des animaux?

Une initiative similaire signée par une vingtaine d'intellectuels a été lancée en France l'automne dernier. Les codes civils français et québécois sont similaires. On a voulu provoquer la même réflexion au Québec.

Le Québec se classe au dernier rang des provinces en ce qui concerne la législation du bien-être animal. Comment se fait-il qu'aucune loi n'existe à ce jour?

Quand on parle de maltraitance, certaines questions relèvent du code criminel au fédéral. Mais les deux codes s'entremêlent. La loi québécoise n'a jamais été modifiée, car on tire profit de l'exploitation animale. On profite des animaux en les mangeant, en les utilisant en recherche médicale, etc. Ça fait l'affaire de la majorité au pouvoir. Aussi, les animaux ont historiquement toujours eu un statut d'objet. C'est tout récent que la science montre avec exactitude que les animaux sont capables de souf­ frir au même titre que les êtres humains.

Au-delà de changer leur statut sur papier, comment l'obtention d'un statut juridique changerait la condition des animaux?

C'est un statut très symbolique, mais ce changement enverrait un message clair aux dirigeants comme quoi on ne peut pas traiter les animaux comme de la marchandise. L'idée est de pro­ voquer un débat de société sur cette question et de montrer qu'il y a un intérêt des citoyens.

Votre pétition est très populaire. Comment expliquez-vous qu'il y ait un tel consensus autour de la cause?

On est content de voir Anarchopanda et Gilles Proulx parmi nos signataires ralliés à une même cause! Personne n'est indifférent au sort des animaux. Voici l'occasion de remettre l'animal au cœur de l'actualité. lesanimauxnesontpasdeschoses.ca

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Gare aux hausses!

Vous avez le droit de refuser une augmentation de loyer, rappelle le Regroupement des comités loge­ ment et associations de locataires du Québec. En cette période de re­ nouvellement de baux, l'organisme invite les locataires à examiner attentivement toute hausse de loyer supérieure aux indices publiés par la Régie du logement. La Régie a évalué 0,8 % l'augmentation men­ suelle pour un logement chauffé par le locataire. (MLR)

5e répertoire des ressources Le Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes a lancé en janvier la cinquième édition de son Répertoire des ressources en hébergement communautaire et en logement social avec soutien communautaire. Ce guide est fort utile pour l'accompagnement des personnes en situation de précarité résidentielle. (SB)


GODIN DANS LA RUE

Pauvres et célèbres

PHOTO : MAGAZINE COACH-IN

Et si on s'intéressait autant aux gens qui vi­ vent la pauvreté qu'aux célébrités? C'est le pari que prend l'organisme WoodGreen en Ontario avec sa campagne de publicité des plus origi­ nales. (MLR) www.woodgreen.org

Quand les gros mangent les petits 85 individus contre 3,5 milliards de personnes. Les pre­ miers sont les plus riches du monde. Les derniers, les plus pauvres. Les deux groupes détiennent la même quantité de richesses, selon une étude d'Oxfam, soit 1,7 trillions de dollars américains. Cette inégalité croissante serait due à la diminution des taxes pour les plus riches dans une trentaine de pays depuis les années 70. La moitié de la richesse totale du monde appartient à 1 % de la popu­ lation mondiale. Près de 21 trillions $ seraient hors de portée des gouvernements, ca­ chés dans des paradis fiscaux. Oxfam craint que ces inégalités ne mettent en péril la sta­ bilité sociale du monde. L'organisme plaide égale­ ment pour la mise en place d'une politique et d'une économie mon­ diale plus inclusives. (SC)

LE NOMBRE

Hommage à Mandela Le Mois de l'histoire des Noirs se poursuit jusqu'au 28 février. L'évé­ nement phare de cette 23e édi­ tion? L'exposition Un long chemin vers la liberté, consacrée à Nelson Mandela, présentée à l'hôtel de ville de Montréal. Il y a 20 ans, Mandela devenait le premier pré­ sident noir d'Afrique du Sud. En décembre dernier, le monde en­ tier a pleuré le départ de celui qui a changé le destin d'un peuple et marqué l'histoire de l'humanité. D'autres activités culturelles et so­ ciales sont de la programmation dont le thème est : «Aucun de nous en agissant seul, ne peut atteindre le succès». (MLR) www.moishistoiredesnoirs.com

5 472 585 $

C'est le montant amassé lors de la journée Bell cause pour la cause le 28 janvier dernier. L'événement a pour objectif de démystifier la maladie mentale. (MLR)

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ROND-POINT INTERNATIONAL

ROYAUME-UNI • Village carboneutre

Une discussion de taverne sur les changements climatiques dans le village de Ashton Hayes a mené ses habitants à réduire de 20 % leurs émissions de gaz carbonique et leurs dépenses énergétiques. Après avoir atteint son objectif en deux ans, Ashton Hayes veut maintenant devenir la première communauté carboneutre de l'Angleterre. Avec plus de mille autres com­ munautés, le village participe au mouvement des Villes en transition et cherche à remettre entre les mains des autorités locales le pouvoir de réduire leur impact écologique. (IPS)

CUBA • Adaptation climatique

Les 18 communautés de Ciénaga de Zapata à Cuba, le plus grand marais des Caraïbes, ont longtemps vécu en chassant et pêchant la faune abondante, et en produisant du charbon. Les changements climatiques les forcent mainte­ nant à modifier leur mode de vie alors que les marais viennent d'être désignés réserve de la biosphère de l'UNESCO. Les habitants assurent maintenant leur subsistance dans le respect de l'écologie en transformant des bouteilles de plastique en chauffe­eau et en pêchant exclu­ sivement les espèces envahissantes. (IPS)

Les monnaies alternatives, ici la livre de Bristol, sont un moyen d'encourager une économie de proximité et réduire les émissions de carbone.

L'écotourisme est aussi devenu une source majeure de revenus pour les habitants des marais de zapata.

PHOTO : MARK SIMMONS/IPS

PHOTO : REUTERS/DESMOND BOYLAN

PARAGUAY • Retour à la terre

Le groupe de hip-hop autochtone Bro mC's au festival interculturel Todos por sawhoyamaxa, tenu dans la capitale paraguayenne en soutien à la lutte pour la restitution des terres.

Une campagne de lutte au braconnage tourne au cau­ chemar en Tanzanie. Les forces de sécurité anti­bracon­ nage sont accusées d'une série d'agressions, incluant des viols et des meurtres. Lancé en octobre 2013, l'Opération Tokomeza visait à protéger la population d'éléphants de la réserve faunique de Selous qui est passée de 55 000 à 13 000 à cause des braconniers. Les témoignages des habitants de la région font état d'un déchaînement de violence de la part des forces de l'ordre abusant largement de leurs pouvoirs. L'opération fut interrompue sous de vives critiques au bout d'un mois. (IPS) L'opération désastreuse a mené au renvoi de quatre ministres pour leur incapacité à arrêter les abus.

L'Itinéraire est membre du International Network of Street Papers (Réseau International des Journaux de Rue - INSP). Le réseau apporte son soutien à plus de 120 journaux de rue dans 40 pays sur six continents. Plus de 200 000 sans-abri ont vu leur vie changer grâce à la vente de journaux de rue. Le contenu de ces pages nous a été relayé par nos collègues à travers le monde. Pour en savoir plus, visitez www.street-papers.org.

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PHOTO : KIZITO MAKOYE/IPS

TANZANIE • Les chiens de la guerre

PHOTO : NATALIA RUIZ DÍAZ/IPS

La communauté autochtone de Sawhoyamaxa au Paraguay entame une étape décisive de sa lutte de 20 ans pour récupérer ses terres. Un jugement de la Cour in­ teraméricaine de justice de 2006 ordonne à l'État du Paraguay de restituer les terres ancestrales colonisées par les éleveurs de bé­ tail, mais celui­ci traîne des pieds. Les autochtones multiplient donc les actions d'éclat pour recueillir 20 000 signatures afin de mettre de la pression sur le gouverne­ ment pour qu'il procède au trans­ fert de propriété des terres. (IPS)


rencontre

DANIÈLE HENKEL Le feu de la dragonne

Alors que Dans l'œil du dragon s'apprête à revenir pour une troisième saison, Danièle Henkel raconte son passé dans le livre Quand l'intuition trace la route : son travail au consulat américain d'Oran et une vie d'entrepreneure et de femme d'action en pleine montée de l'intégrisme religieux. Inventeur du gant exfoliant Renaissance, présidente fondatrice des Entreprises Danièle Henkel, elle est détentrice des droits de distribution des Équipements LPG (appareils de traitements médicoesthétiques). Elle est également l'instigatrice de la mise sur pied du seul laboratoire scientifique d'intolérance alimentaire au Canada.

On s'attendait à rencontrer une femme d'affaires austère; nous avons plutôt échangé avec une femme chaleureuse, généreuse et d'une belle exubérance. Sa famille la surnomme «lapin Energizer» et pour cause : Danièle Henkel est une tornade de feu. TEXTE : SYLVAIN-CLAUDE FILION PHOTOS : MARIO LANGLOIS

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D

On a tous l'intuition. On a juste perdu l'habitude d'être en contact avec elle.

ans votre livre, vous abordez la notion de destinée. Croyez-vous qu'il y a des choses qui doivent nécessairement arriver?

Complètement. Si vous saviez à quel point c'est la chose qui est le plus vraie sur cette terre. Tu peux pousser tant que tu veux, courir, t'égosiller, la vie en général a un des­ sein pour toi en tant qu'individu. Je crois fondamentale­ ment que nous avons, tous et chacun, une mission.

L'émission Dans l'œil du dragon nous a fait connaître une femme d'affaires aguerrie et on découvre, en lisant votre livre, que vous avez toujours été une «go-getter»…

Oh oui, je suis une battante! Parfois je me demande ce qu'il en serait advenu de moi si, il y a quinze ans, il y avait eu ce genre d'émission. Est­ce que j'aurais eu le courage d'y présenter mes projets? Est­ce que ca m'aurait fait grandir plus vite? Peut­être.

Vous vous sentiez en danger, durant vos dernières années en Algérie?

J'en étais convaincue, pas pour des raisons politiques, mais je pense que le danger commençait à venir des in­ tégristes. Moi j'étais une roumia, l'étrangère, la française, alors je ne correspondais pas du tout avec l'islamisme qui était en progression. Je n'étais pas assise sur une chaise confortable ou sécuritaire. J'étais une catholique mariée avec un algérien fonctionnaire d'état, des enfants musul­ mans, une maman juive… heeello!! J'avais rien pour plaire!

Disons qu'il y avait alors, dans le pays, danger de bascule?

Oui, c'est la bonne expression. Je ne connaissais pas la na­ ture du danger, mais j'arrivais à percevoir qu'il y avait un dan­ ger. Comme ma mère, j'étais une entrepreneure­née, j'étais indépendante, je bousculais un peu autour de moi.

On sent, dans votre livre, que lors de votre arrivée au Québec en 1990, vous étiez impatiente de vous faire une place au soleil…

Pas impatiente, mais j'étais sûre que j'allais trouver un tra­ vail rapidement. J'ai eu plusieurs expériences – enrichis­ santes – avant de me lancer moi­même en affaires. Je savais en quoi je contribuais et je n'arrivais pas à com­ prendre pourquoi je n'arrivais pas à trouver ma place et ça me frustrait. Je me disais qu'est­ce qu'ils ne voient pas, qu'est­ce qui n'est pas marqué dans mon CV?

La mort de votre mère, sur qui vous avez veillé 23 heures sur 24 jusqu'à son dernier souffle, a-t-elle été la plus terrible de vos épreuves? Maman a été, est et restera une femme avec qui

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Le moment où Danièle Henkel s'est sentie le plus démunie

C'est au lendemain du départ de ma­ man. Parce que là, je n'étais plus capable de penser, de savoir je fais quoi de ma vie, je cuisine comment, c'est elle qui s'en occupait, et moi, je donne à manger comment à mes enfants? Ensuite, il va se passer quoi avec ma compagnie, je m'en foutais, je ne voyais même plus la raison de vivre. J'ai vécu une dépression. Il a fallu que je rejoigne le fond et quand vous vous sentez vraiment démuni, laissez­vous aller au fond. Quand on perd quelqu'un, on a envie de crier la rage, la peine, l'incompréhension. Alors vis­la ta peine, ne laisse personne te priver de ça car ce n'est que lorsque tout aura sorti, que tu seras complètement vidé, que tu te regarderas et que tu te diras : OK, on relève les manches et on recommence!

Aimer, savoir, entreprendre Les prochains spectacles conférences de Danièle Henkel 24 février: Brossard 3 mars: Montréal Renseignements : entourageinc.ca/spectacle/aimer


j'ai toujours eu une symbiose extraordinaire. Elle a été un poids pourtant, vers la fin, il y a eu des moments ou j'allais m'enfermer dans la salle de bains pour pleurer. Parce que je n'avais pas le droit de pleurer, je ne pouvais pas le montrer et j'en avais marre. (À l'évocation de ces jours difficiles, et de la mort de sa mère, Danièle Henkel verse quelques larmes. Mais loin d'en être indisposée ou de s'excuser, elle continue de parler avec énergie.) Il faut ac­ cepter d'être autant que de paraître, car pour être accep­ tée, il faut être bien avec soi­même. Je peux être devant n'importe qui, le président des États­Unis d'Amérique, et s'il me parle de ma mère, je vais me mettre à brailler. Mais ça n'enlève rien à mon intelligence, à ma combativité, à l'entrepreneure en moi, ça ne me diminuera jamais. Ce n'est pas parce que je pleure que je suis faible.

Vous êtes une source d'inspiration car vous avez failli vous retrouver à la rue. Où va-t-on chercher la force de reconstruire quand on n'a plus rien?

Par s'aimer. Si tu t'aimes, si tu penses une minute que tu as une valeur, une valeur en tant qu'individu, en tant qu'être humain, personne, personne, ne pourra jamais t'enlever ça. Tu peux tout perdre dans la vie, tu peux perdre l'argent, la famille, les amis, les conjoints, y a rien d'acquis. Mais il y a une chose que tu ne peux pas perdre et qui t'appartient à toi seul : c'est l'estime de toi, com­ ment tu te vois dans la vie et qui tu es vraiment. Si tu décides de te tenir droit, personne ne peut t'enlever ça.

Il doit y avoir des jours où cette estime de soi est difficile à ressentir. Que fait-on alors?

Je suis comme une enfant, il y a une petite fille en moi qui reste vivante. Je crois que c'est une façon de survivre, de pouvoir conserver l'émerveillement d'un enfant, cette curiosité qui nous permet de toujours grandir. Un en­ fant trouve tout beau. Nous, on a tellement de filtres, de préjugés, de jugements, on est tellement rempli de nos valises pleines de pierres qui pèsent une tonne, qu'on n'est même plus capables de revenir aux choses les plus de base : un regard, l'estime de soi. Je pense que c'est tout simplement croire que si c'est pas moi qui le fait, qui va le faire pour moi?

Votre participation à Dans l'œil du dragon, ç'a été un point tournant pour vous?

Oh oui, j'ai été surprise, flattée… et d'abord effrayée! Car la première fois que je me suis vue sur un grand écran, j'ai réalisé le risque énorme que je venais de prendre, je me di­ sais ‘'si les gens m'aiment pas, s'ils ne comprennent pas, si ça marche pas, je viens de tout perdre, ma crédibilité, mon entreprise…'' Le danger, je connais, le risque, j'adore, mais là, je réalisais que je venais de prendre une grande bouchée et que je n'avais pas le contrôle sur les conséquences.

Mais ce fut un succès et votre notoriété instantanée vous a amenée à écrire un livre.

On voulait que je donne des conseils, mais je ne me voyais pas du tout comme une inspiratrice. En écrivant ce livre­là, j'ai voulu rester fidèle à moi­même dans mon non­conformisme. J'ai voulu parler d'intuition, dire qui j'étais, qu'est­ce que j'avais fait dans la vie, avant de me permettre de donner des conseils. Je pense que l'intuition a toujours été l'une de mes meilleures alliées.

L'intuition n'est-elle pas infidèle comme l'inspiration?

On a tous l'intuition. On a juste perdu l'habitude d'être en contact avec elle. Prenez les enfants, ils sont intuitifs tout le temps.

Croyez-vous à la loi du retour?

Le grand danger aujourd'hui, ce n'est pas l'intolérance, c'est le manque d'éducation.

Je veux croire en la justice. Nous avons vécu, ma mère et moi, des injustices créées par la non­compréhension des choses. Le grand danger aujourd'hui, ce n'est pas l'intolérance, c'est le manque d'éducation. Quand on ne comprend pas quelque chose, on juge et on condamne facilement. Dès que l'on essaie de comprendre un peu plus, on devient moins intolérant.

Vous ajoutez maintenant une nouvelle corde à votre arc : donner des spectacles conférences.

Puisqu'on m'a demandé de le faire, j'ai choisi de parler de mes expériences et au grand jamais je serai moralisatrice ou je vais dire quoi faire. Je n'ai pas cette prétention. Par contre, parler de mon vécu, être capable de parler de ce qui m'a permis de passer à travers tous ces défis, en es­ pérant que chacun des spectateurs va ressentir à un mo­ ment donné que ça lui parle et que ça l'amène à reconsi­ dérer des choses. Il n'y a jamais rien de perdu dans la vie. Dans mes conférences, je dis : arrêtez de vous plaindre et faites donc quelque chose!

Quand l'intuition trace la route, Les éditions La presse, 232 pages.

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DOSSIER

vaincre la dÉpression en 2030, la dÉpression sera la premiÈre cause d'invaliditÉ dans le monde, selon l'organisation mondiale de la santÉ. au canada, la consommation d'antidÉpresseurs a augmentÉ de plus de 100 % en quatre ans. longtemps sous-estimÉ et mal compris, malheureusement de plus en plus rÉpandu vers la fin de l'hiver dans nos rÉgions borÉales, ce trouble est devenu une redoutable ÉpidÉmie. comment s'en sortir? PAR NAfI ALIBERT ET SIMON CORDEAU ILLUSTRATION : LOUIS-PHILIPPE POULIOT

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Une brève histoire de la dépression De mémoire d'homme, la souffrance dépressive a toujours existé. Dès l'Antiquité, on retrouve des descriptions d'états dépressifs dans les écrits. «La mort est aujourd'hui mon seul espoir». Cette phrase attribuée à un scribe égyptien en mal de vivre date de 4 000 ans avant notre ère. PAR NAfI ALIBERT

S

Au Ve siècle avant J.-C., la médecine antique commence à s'intéresser à «la santé de l'âme».

elon l'historien français Georges Minois, cine. Elle prévaut toujours à la fin du XVIIIe siècle, lors de la naissance ce sont les plus anciennes traces con­ de la psychiatrie. Loin d'être un simple état dépressif, la mélancolie nues de symptomatologie dépressive. fait à l'époque référence à une forme de génie et de folie créatrice qui Dans son Histoire du mal de vivre, M. Minois provoquait une tristesse chez certaines personnes. Définie comme un retrace les origines de la dépression qu'il dé­ mal nécessaire par Kant, le mal du siècle par Musset ou le spleen par finit comme «le malaise d'être un homme». Baudelaire, la mélancolie est le propre des artistes, des poètes et phi­ De la légende de la boîte de Pandore aux mal­ losophes en mal de vivre. heurs de Job dans la Bible, ce «malaise» origi­ nel se retrouve dans les mythes fondateurs De la névrose à la dépression occidentaux. Selon l'historien, il n'aurait cessé Au cours du XIXe siècle, les psychiatres abandonnent petit à petit la mé­ de se propager au fil des siècles, s'exprimant lancolie au profit de la neurasthénie, une «névrose actuelle», comme tour à tour sous de nouvelles formes et em­ l'appelait Freud. «La neurasthénie est sans doute la première pathologie d'une nouvelle espèce, celle des maladies à la mode expliquées par des pruntant de nouvelles appellations. Au Ve siècle avant J.­C., la médecine antique causes sociales : elle apparaît comme un épuisement nerveux dû à la vie commence à s'intéresser à «la santé de l'âme». moderne, à la fatigue, au surmenage», explique le sociologue français Alain C'est à Hippocrate que revient la dé­ Ehrenberg dans une entrevue publiée dans la revue L'Histoire. Aux grands maux, les grands remèdes! Pour beaucoup de couverte de la mélancolie, qui est chercheurs, l'invention des électrochocs marque le début pour la première fois associée à un de la dépression moderne. Dès la fin des années 1950, trouble mental causé par un dys­ avec la découverte fonctionnement du cerveau. La des antidépres­ mélancolie désigne alors la bile Définie comme seurs, la dépres­ noire, un des présumés flui­ un mal nécessaire sion commence à des corporels de la théorie des remplacer la né­ humeurs d'Hippocrate. «Cette par Kant, le vrose dans le diag­ maladie attaque d'ordinaire au nostic des psychia­ printemps, écrit­il. L'anxiété tourmal du siècle tres. Pourtant elle ne mente [le malade]; il fuit la lumière Sigmund Freud par Musset ou figure pas comme une et les hommes, il aime les ténèbres […] vraie maladie dans les La maladie se guérit avec le temps; mais le spleen par manuels de psychiatrie de si elle n'est pas soignée, elle finit avec la vie». La mélancolie se transforme, le temps l'époque; elle n'est qu'un simple Baudelaire, la du Moyen­Âge, en une maladie spirituelle. symptôme. mélancolie est L'acédie, «une torpeur de l'esprit» entraînant Dans les années 80, lorsque «une tristesse accablante» fait rage dans le la dépression est reconnue le propre des clergé où l'ennui s'empare des moines et les comme une maladie, la société suicides se multiplient. L'Église catholique occidentale est en pleine muta­ artistes récupère alors de ce mal pour le condamner tion «non seulement sur le plan fortement : le mélancolique de l'Antiquité économique, mais aussi au niveau de la famille et des coutumes, ce devient un paresseux qui a péché en cédant qui fait en sorte qu'il y a, une nouvelle fois, un renouvellement total aux tentations du Diable. de la définition du problème de santé mentale», indique Marcelo C'est la théorie des humeurs qui va jouer un Otero, professeur en sociologie à l'UQÀM, auteur de L'Ombre portée rôle prépondérant dans l'histoire de la méde­ - L'individualité à l'épreuve de la dépression.

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dossier

La dépression en 10 dates Hippocrate associe la mélancolie à la bile noire, une des quatre humeurs siècle av J.-C. (sang, lymphe, bile jaune) qui composent le corps humain.

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e

Mieux vaut prévenir que guérir Plusieurs tabous entourent la dépression, rendant ses signes avant-coureurs difficiles à cerner ou à admettre. Voici quelques initiatives qui visent à la démystifier. PAR SIMON CORDEAU

Une vraie maladie

Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) avait lancé une campagne en 2012 sous le nom: «Mettons fin aux préjugés: la dépression est une vraie maladie!». Cette campagne faisait suite à d'autres sem­ blables, visant à reconnaitre la dépression comme une véritable maladie.

Ça me travaille

Le programme «Ça me travaille» de la Fondation des ma­ ladies mentales sensibilise les travailleurs et les entreprises à l'importance de la santé mentale au travail. La Fondation offre des formations, des ateliers et des conférences en entreprise ou dans ses bureaux de Montréal. Pour appâter les entreprises, le programme insiste sur la rentabilité d'un employé qui va bien... et sur les coûts d'une mauvaise santé mentale. (fmm-mif.ca)

Bouge de là!

Surmonter la dépression en bougeant, voilà l'idée d'une campagne pancanadienne de la Société pour les troubles de l'humeur du Canada. Le 25 mai prochain, les Canadiens seront appelés à courir, marcher, pédaler, bref à bouger, pour amasser des fonds, combattre la dépression et soutenir ceux qui en sont atteints. (defeatdepression.ca)

Avant de craquer

La ligne «Avant de craquer» s'adresse aux proches de personnes atteintes de maladie mentale. Elle offre du soutien, de l'information, du répit et d'autres outils pour aider à composer avec les troubles mentaux que vivent des proches. (1-855-CRAQUER ou avantdecraquer.com)

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médecins envisagent la mélancolie XIVe-XVe Les comme une maladie, en s'inspirant de siècle

1621

la théorie des humeurs d'Hippocrate.

Anatomie de la mélancolie de Robert Burton est publié en Grande-Bretagne. Il s'agit d'un des plus célèbres traités encyclopédiques sur la mélancolie.

XIXe

La neurasthénie puis la dépression remplace la mélancolie dans le diagnostic des psychiatres. Le psychiatre allemand Emil Kraeplin aurait été le premier à parler d'«états dépressifs».

1917

Sigmund Freud publie Deuil et Mélancolie

1938

Premier recours aux électrochocs pour traiter la schizophrénie. Ils serviront bientôt pour soigner les cas de dépressions sévères.

1957

Invention des antidépresseurs.

1970

La dépression devient le trouble mental le plus répandu.

1980

Le terme de «trouble dépressif majeur» fait son apparition dans le DSM-III, le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux publié par la Société américaine de psychiatrie.

1986

Le Prozac est commercialisé.

Fin du siècle


Le travail, c'est la santé? Par NAFI ALIBERT

Alors que la névrose freudienne était liée à la famille op­ pressive, les interdits et l'insatisfaction sexuelle, la dé­ pression contemporaine ferait écho à la manière dont on travaille. «Le travail occupe une place surdimensionnée dans nos vies, et c'est ce qui nous définit de manière importante. Toutes les failles psychologiques que l'on peut avoir ne peuvent être comprises que si on les met en rapport avec le monde du travail», soutient Marcelo Otero. La dépression serait la façon psycho-pathologique d'exprimer ce qui ne marche pas dans la société aujourd'hui, à savoir le travail. «Nous vivons dans une société individualiste qui se veut de plus en plus productive et performante, il faut constamment produire sans ralentir le rythme», remarque Renée Ouimet, di­ rectrice de la division québécoise de l'Association Ca­ nadienne pour la Santé Mentale. Mme Ouimet, qui intervient dans les milieux de tra­ vail pour y promouvoir la santé mentale, est impres­ sionnée par la quantité de jeunes travailleurs souffrant d'épuisement professionnel. «Dans les milieux de travail actuellement on essaie d'éliminer les temps morts, mais on n'est pas des machines, il est impossible de maintenir un niveau de productivité maximum en permanence», déplore-t-elle. Résultat : le stress lié au travail se généralise. Aucun secteur d'activité ne semble épargné, la dépression est devenue la principale cause d'invalidité dans de

«On est pas des machines, il est impossible de maintenir un niveau de productivité maximum en permanence» Renée Ouimet, directrice de la division québécoise de l'Association Canadienne pour la Santé Mentale

Véritable «péché social mortel» des temps modernes, l'incapacité de fonctionner est désormais associée à une faiblesse, une maladie. nombreux domaines professionnels. Véritable «péché social mortel» des temps modernes, l'incapacité de fonctionner est désormais associée à une faiblesse, une maladie.

Repenser la société

Mme Ouimet estime qu'il est important de travailler sur les problèmes qui créent la dépression et de comprendre le contexte dans lequel elle se développe. Sinon, tenter de traiter la dépression, «c'est comme être dans une rue où les enfants se font frapper à cause des voitures qui roulent trop vite, illustre-t-elle. Certes, on peut soigner les enfants puis les remettre dans la rue, mais on n'aura aucunement réduit le problème de circulation». M. Otero signale à ce sujet que «les antidépresseurs permettent de gérer une crise, mais si on ne change rien à la vie du dépressif, il va rechuter et devenir un consommateur chronique d'antidépresseurs». On l'aura compris, le chercheur ne limite pas la dépression à une maladie du cerveau en manque de sérotonine. Si résou­ dre ce problème de santé mentale commence par modifier le contexte de vie collective, l'une des pistes de solutions serait d'acquérir une meilleure conciliation travail-famille.

Marcelo Otero, professeur en sociologie à l'UQÀM

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DOSSIER Revenu en baisse, dépression en hausse

LA DÉPRESSION EN CHIffRES

29 %

À Montréal, de la population adulte sera en prise avec une dépression majeure ou des troubles de l'humeur.

10 à 15 %

des gens souffrent de dépression au cours de leur vie. Il s'agit d'une des maladies mentales les plus courantes.

La dépression est la cinquième cause de consultation au Québec (1 509 210), juste derrière l'anxiété (1 528 820 consultations).

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3

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Le Canada est le plus important consommateur d'antidépresseurs au monde.

Les antidépresseurs sont les médicaments les plus vendus en pharmacie au Québec (un assuré sur sept) et les premiers au Canada.

Sources : Institut universitaire en santé mentale de Montréal et IMS Brogan, Index canadien des maladies et traitements

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Plus une personne est pauvre, plus elle est à ris­ q u e d 'ê t re h o s p i t a l i s é e pour une dépression. Pour une personne à revenu moyen, ce risque est de 26 % plus élevé que pour une personne riche. Chez les plus pauvres, le risque s'élève à 85 %. Ces chiffres révélateurs proviennent d'une étude de l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS). L'étude ne spécule pas sur les causes d'un tel écart, mais plusieurs hypothèses peuvent être avancées. Les pauvres vivent en gé­ néral plus de stress et de situations difficiles, com­ me des pertes d'emploi, des divorces ou des pro­ blèmes de dépendance, que le reste de la popu­ lation. Ils sont souvent moins outillés pour faire face à ces problèmes, ayant en général un niveau d'éducation plus bas. Le rapport Salois, dé­ posé au gouvernement provincial en 2012, que c'est tout simplement le manque d'argent qui leur rend la psychothérapie inaccessible, laissant leurs symptômes s'aggraver. Le rapport propose d'inclure dans la couverture de l'assurance­maladie les soins en santé mentale, une proposition à l'étude par le ministre de la Santé, Réjean Hébert. (SC)


Trouver ses forces dans la dépression La psychologie positive pour lutter contre la dépression : voilà ce que défend la consultante et coach de vie Miriam Akhtar. Rejointe par téléphone en Grande-Bretagne, elle nous parle de cette solution complémentaire à la thérapie et aux antidépresseurs, où on travaille à trouver ses forces, à développer sa résilience et à cultiver les émotions positives. PAR SIMON CORDEAU

Comment la psychologie positive traite-elle la dépression?

émotive de ce qui ne va pas, alors que le coaching vise à former des comportements. C'est plus orienté vers l'action.

De plusieurs manières. Elle aide surtout à soigner une dépression modérée ou légère. Les principales N'y a-t-il pas un risque de placer trop caractéristiques de la dépression sont un niveau bas d'émotions positives et une difficulté à bien de responsabilités sur les épaules de fonctionner au quotidien. Contre ça, deux outils quelqu'un, lorsque l'on dit que son bonfonctionnent particulièrement bien. Le premier est heur dépend principalement de lui? Je pense plutôt que ça donne du pouvoir de penser à trois bonnes choses tous aux gens. Ça dit que le bonheur est plus les jours, ce qui est très bien pour bâtir flexible qu'il n'est rigide. L'autonomie est des émotions positives. Le deuxième «Plus vous êtes une part très importante du bien­être. est de trouver de nouvelles manières de conscient de vos C'est une question de le mettre en pra­ mettre à profit vos amis et leurs forces Comme le disait le psychologue pour vous bâtir du bonheur. forces, plus vous tique. Christopher Peterson : «Le bonheur Est-ce bon pour soigner une n'est pas un sport de spectateur». êtes apte à les

«Le bonheur n'est pas un sport de spectateur».

dépression majeure?

utiliser pour Je dirais de l'utiliser aux côtés d'une Beaucoup de gens défavorisés autre forme de traitement, mais pas doivent leurs problèmes à leur vous aider». comme seul traitement. C'est un statut socio-économique, à une complément. Les gens devraient tou­ enfance difficile, à des malajours consulter leur docteur et suivre le traite­ dies mentales, bref, à des éléments hors ment qu'il leur conseille. de leur contrôle. Comment la psycholoEn se concentrant seulement sur le bon côté de notre esprit, est-ce qu'on ne laisse pas de côté une partie importante de la dépression?

Absolument. C'est pourquoi la psychologie posi­ tive explore ce côté de la dépression. La réponse se trouve au milieu. De plus en plus de traitements combinent la thérapie et le coaching. Essentielle­ ment, la thérapie est basée sur la compréhension

gie positive peut-elle les aider?

Je leur suggérerais de trouver quelles sont leurs forces. Vos talents naturels sont ce qui vous vient le plus facilement. Plus vous êtes cons­ cients de vos forces, plus vous êtes aptes à les utiliser pour vous aider. Un autre aspect est l'importance des autres. Plus vous cultivez vos relations, plus vous serez capables de devenir fort. Mais vous savez, ce n'est pas une baguette magique non plus.

Le livre La psychologie positive pour surmonter la dépression de miriam Akhtar paraîtra aux Éditions de l'Homme le 5 mars.

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entrevue

Dre SUZANNE LAMARRE

Une nouvelle approche pour aider les suicidaires Le suicide, l'affaire de tous. Le titre du nouveau livre de la Dre Suzanne Lamarre est sans équivoque. La clef pour redonner le goût de vivre à une personne suicidaire réside dans un partenariat thérapeutique entre le patient, ses proches et son psychiatre. PAR NAFI ALIBERT

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oilà une quinzaine d'années que Dre Lamarre vou­ lait prendre le temps d'écrire «un livre pour que les gens ne soient plus à la merci des thérapeutes, mais qu'ils puissent se parler entre eux de leur vulnérabilité par rapport à l'autre pour pouvoir arriver à une autre façon de régler le problème». C'est chose faite avec la parution de son ouvrage Le suicide, l'affaire de tous, dans lequel elle propose une nouvelle approche à la problématique du suicide. «La prévention du suicide repose dorénavant sur une nouvelle façon de gérer ses incapacités et ses moments d'impuissance avec les autres», précise-t-elle. Psychiatre urgentiste depuis plus de 30 ans, elle cons­tate qu'on a accordé trop d'importance au seul traitement de la maladie du suicidaire pour éviter le geste fatal. «C'était manquer d'honnêteté de ne pas informer les personnes suicidaires et leurs proches qu'il n'y avait aucune garantie dans le traitement proposé», avance Dre Lamarre. Selon une récente étude américaine, plus de la moitié des jeunes suivis par un thérapeute ont con­ tinué à avoir des idées suicidaires, ont attenté à leur vie ou se sont tués pendant leur traitement. «Il fallait remettre les pendules à l'heure : les gens pensent encore que quand une personne suicidaire va en psychothérapie, ils n'ont plus à s'inquiéter.»

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Je tue il

Dre Lamarre est convaincue que c'est avant tout le contexte Suicide : le macabre record du Québec dans lequel la personne suicidaire évolue qui peut la sau­ ver. À partir de son expérience auprès de patients en proie Le Québec a le taux de suicide le plus élevé des 10 provinces canadiennes. à des problèmes suicidaires, la psychiatre a décidé de miser Chaque jour, 3 personnes s'enlèvent la vie au Québec. davantage sur ce qu'elle appelle une «éthique familiale». L'empathie et la réciprocité sont les règles d'or de ce Près de 30 personnes sont endeuillées par suicide chaque jour dans la province. nouveau rapport d'entraide. En d'autres termes, on ne Le suicide est l'une des premières causes de décès prématuré au Québec. fait pas aux autres ce qu'on ne voudrait pas que les au­ Les morts par suicide sont deux fois plus élevées que les décès sur les routes. tres nous fassent. «Je demande toujours à la personne suicidaire comment elle se sentirait si un proche cher se tuait, Plus de 20 000 personnes en détresse appellent chaque année le Centre développe Dre Lamarre. La personne est toujours surprise de prévention du suicide du Québec pour obtenir de l'aide. par sa propre réaction, car elle n'avait même pas envisagé 80 % des personnes décédées par suicide sont des hommes. les conséquences de son geste pour les autres». du suicide du Québec et Le suicide, Échapper aux chemins de la mort ne se limite pas à (Sources : Centre de prévention l'affaire de tous de Dre Suzanne Lamarre) écarter l'option suicidaire. Une tentative de suicide gé­ nère une onde de choc qui affecte aussi l'entourage du suicidaire. Il faut par la suite que tous réapprennent à Piège à éviter vivre autrement ensemble. «Les familles n'arrivent pas À la suite d'une crise suicidaire, l'entourage a tendance toujours à vivre dans un respect mutuel quotidien, observe à prendre en pitié la personne qui a voulu en finir avec Dre Lamarre. Or, à ce niveau, les traitements ne font aucune la vie. «Souvent, quand on voit quelqu'un de malheureux différence.» ou déprimé, on en vient à accepter n'importe quoi de cette Vivre autrement implique d'éradiquer toutes formes de personne-là et on surcompense», explique Dre Lamarre. Ce réflexe humain ne ferait que plonger violence et d'abus relationnels. «Quand le le suicidaire dans une spirale de victimisa­ suicidaire élimine le moyen de violence pour tion. Comme le souligne la docteure, «on terminer sa misère, il ne peut plus vivre dans «Pour 87 % se dit qu'il est malade et trop fatigué, sans la petite violence interpersonnelle non plus», des tentatives, se rendre compte qu'on est en train d'infliger insiste Dre Lamarre. Il appartient donc à chaque personne au sein du groupe maladie à la personne suicidaire». Or, le passage à l'acte une d'entraide de faire l'effort de mieux se dans son approche, Dre Lamarre préconise le maintien d'une autonomie respective, comprendre et de ne pas tomber dans a eu lieu dans mais surtout le respect des vulnérabilités le blâme envers soi-même et envers les un délai de moins de chacun. autres, et aussi de ne pas se laisser blâmer. L'idée est de faire en sorte que chaque Le blâme renvoie à la honte et la cul­ de 8 heures». personne puisse prendre soin d'elle tout pabilité, qui «ont été les sentiments les en ayant l'occasion de partager, en cas de plus employés pour le maintien de l'ordre soucis, au sein de sa cellule familiale. Pour social et de la paix dans les familles», Dre Lamarre, l'expression an­ écrit la clinicienne. Dans ses thérapies, Suzanne Lamarre tente plutôt de mettre en place un au­ glaise «to care for» traduit ce concept, c'est-à-dire tre groupe de valeurs entre le patient et ses proches. «Je avoir de la sollicitude les uns envers les autres, travaille à les sortir de cette fermeture bipolaire qui consiste «veiller à l'intérêt des siens sans surprotection». En dépit de ses recommandations, le suicide à se sur-identifier à ses succès et à ses échecs, et qui tend à reste un problème de santé publique difficile à ne laisser aucune place à l'erreur.» appréhender tant par le corps médical que par les familles. Si le suicide est évitable, il n'en est pas moins un acte imprévisible, «pour 87 % des tentatives, le passage à l'acte a eu lieu dans un délai de moins de 8 heures», révèle Dre Lamarre qui utilisera les revenus de la vente du livre à sa tra­ l'affaire de tous duction en anglais et à des fins de recherches et Le suicide, Par Dre Suzanne Lamarre, d'éducation autour de cette nouvelle approche. Éditions de l'Homme, 224 pages.

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DES CHOIX QUI ONT DE L’AVENIR De par son origine, ses valeurs et ses pratiques, le Fonds a adopté une stratégie liée aux objectifs de développement durable, tant d’ordre économique, social et environnemental, contribuant ainsi à FAIRE TOURNER L’ÉCONOMIE D’ICI.

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LES MOTS DE

CAmELoTs

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Mon pays, c'est l'hiver

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CHEMIN fAISANT

Se récompenser pour arrêter de consommer

PHOTO: ARIANE CLÉMENT

Par Jean-Marc Boiteau


LE CŒUR

Le patin Quand il tombe une belle pe­ tite neige et qu'on peut aller se prome­ ner, et que la température est assez douce, c'est sûr que moi, j'aime ça. J'ai passé l'âge d'aller glisser, mais j'aime ça faire du patin. C'est une de mes activi­ tés préférées l'hiver. Et contrairement à l'été, où quand il fait chaud, tu ne peux rien faire, l'hiver, tu t'habilles en conséquence et tu es bien. Mais on va s'entendre que quand on a du verglas, c'est difficile pour pas mal tout le monde. Les trottoirs ne sont pas praticables et les gens peuvent se blesser. Pour le reste, moi l'hiver, j'adore ça.

Trop glissant Je n'aime pas grand­chose de l'hiver. Je n'aime pas quand il fait froid et quand c'est glissant. Mais j'aime quand la neige tombe et qu'elle est blanche. C'est beau. À part ça, je n'aime pas tellement l'hiver. Quand ça glisse, j'ai peur de tomber. Rendu à mon âge, une hanche, c'est fragile. Je préfère le printemps et l'automne. Il ne fait ni trop chaud, ni trop froid. RÉJEANNE MASSON | camelot, Jean-Coutu, avenue du Mont-Royal

DENIS TRUDEAU | camelot, angle Saint-André/de Maisonneuve

Sports d'hiver

L'importance de la météo

Pour les camelots, c'est peut­être la pire saison. J'aime bien le sport. J'aime beau­ Il faut y aller avec la météo. Il faut regarder s'il n'y a pas coup faire du ski alpin, de la raquette, du ski de tempête. Mais j'aime quand même la température, de fond. J'aime ça me promener en nature, l'hiver. l'hiver. Par contre, on est en ville. Ce n'est pas comme en C'est une bonne saison pour moi, pour mes sports pré­ campagne, avec la neige. J'aime mieux les autres saisons. férés. La motoneige, aussi. Les montagnes sont belles C'est moins compliqué qu'avec les grosses bottes. quand elles sont remplies de neige. C'est écœurant la nature. Mais je n'aime pas quand il se met à ROBERT BÉLANGER | camelot, Promenade Ontario mouiller, et que ça devient tout en sloche. Mais c'est le seul moment que je hais. La neige. De la grosse neige, Ou quand il y a trop de neige et quand il ne fait pas froid, quand tu qu'on est pris à rester chez nous. es dans le bois, en traîneau, avec des SYLVAIN CLOT | bénévole chevaux. Dans la nature. Ça fait un beau Pour moi, l'hiver c'est d'être toujours occupé com­ tapis blanc, spécialement quand on est dans me je le suis actuellement, peu importe la tempéra­ le temps des fêtes. C'est le meilleur moment ture. Si tu es chez toi et que tu fais rien, tu vas te dire: «Ah! que je peux aimer, l'hiver. C'est sûr que ce qu'on Il mouille!» Si tu faisais quelque chose, tu ne le verrais même n'aime pas, aussi, c'est le froid. Mais malheureu­ pas. La température, c'est à l'intérieur de soi. Comme ça, tu pas­ sement, ça en prend, pour conserver la neige pour ses des belles journées. La température, ça ne m'intéresse pas. S'il le temps des sucres. La neige, c'est tellement beau. pleut, je vais prendre un parapluie ou un imperméable, tout simple­ C'est un cadeau du bon Dieu, comme on peut dire. ment. Il faut le prendre d'une façon optimiste, voir le côté positif des MICHEL DUMONT | camelot, métro Joliette choses. Mais la neige, c'est beau, c'est blanc, c'est bon pour les enfants.

La neige

Peu importe la température

JACQUES ÉLISÉ | camelot, Théâtre du Nouveau Monde

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Mon pays, c'est l'hiver En février, on est toujours en plein cœur de l'hiver et on n'y échappe pas, car comme l'a chanté Gilles Vigneault : Mon pays, c'est l'hiver. Qu'en pensent nos camelots?

Les trottoirs mal déblayés Il fait beau, l'hiver. Même s'il fait froid, je sors pareil, bien habillé. Et il y a de la neige. Mais je trouve ça plus difficile quand il y a de la glace et que c'est glis­ sant, et qu'ils ne nettoient pas les rues comme il faut. Surtout les coins de rue. Ça m'est déjà arrivé de tomber en plein milieu d'une rue. Un gars a dû m'aider et me ramasser. Ils ne font pas atten­ tion aux personnes âgées comme moi, quand ils nettoient les rues.

La gadoue Ce que je trouve difficile avec l'hiver, c'est la gadoue de­ hors. J'ai beaucoup de misère avec ça. Mais à part de ça, je trouve que tout est beau. Qu'il fasse froid, qu'il mouille ou qu'il neige, pour moi, c'est excellent. DANIEL PIGEON | préposé à l'accueil

La lumière

J'aime bien les Jeux olympiques. Aussi, l'hiver dépol­ lue l'atmosphère. L'air est plus pur. Les couleurs sont splendides. Mais pour le reste, je n'apprécie pas tellement l'hiver. De toute façon, je ne suis jamais satisfait. L'hiver, je préfère l'été, et l'été, je préfère l'hiver. Par contre, ROBERT SINGH | camelot, J'aime l'hiver : la neige, le sport, il manque de lumière. Je suis comme un ours. Je Pointe-aux-Trembles le hockey, le ski, le patin à glace. dors beaucoup l'hiver, et je ne dors quasiment En hiver, pour moi, il faut vivre avec le pas l'été. Je me couche avec la lumière. temps. La température est là, elle est faite ROBERT MÉNARD | camelot, angle McGill/Union de même. Donc il faut vivre avec la température qu'on a. Quand il fait froid, il fait froid. Quand il À Montréal, j'aime l'hiver quand fait chaud, il fait chaud. L'été, il y a la natation et le il y a le moins de neige possible. bicycle, mais l'hiver, c'est différent. Il faut faire at­ J'aime l'hiver quand il y a de la neige, tention en traversant la rue, et je fais moins de mais quand c'est à l'extérieur de la ville. À bicycle. Et l'hiver, on a moins chaud que l'été. Ce que je n'aime pas de Montréal, je n'aime pas vraiment l'hiver. Mais RICHARD T. | camelot, métro Place-des-Arts l'hiver, c'est Montréal. C'est mal dans les Laurentides, ailleurs, dans le bois, en déblayé, c'est sale. C'est déblayé deux campagne, je trouve ça beau. À Montréal, avec la semaines après. Les trottoirs, c'est glissant. Et sloche et tout, je ne trouve pas ça vraiment beau. l'hiver, il y a le froid, le gros froid. Parce que moi, je dors dans Et puis, j'aime mieux être gelé dans le bois que d'être mon char. C'est plus difficile. Il n'y a rien que j'aime de l'hiver. La neige est gelé en ville. Mais il ne faut pas qu'il fasse trop froid sale, comme certains fonctionnaires... Ici, il y a plus de merde cachée. non plus!

Vivre avec le temps

Dans le bois

CHRISTIAN RATELLE | camelot, métro Square-Victoria

DAN ET ROZI | camelot, angle Jarry/Lajeunesse

15 février 2014 | ITINERAIRE.CA

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PHOTO: 123FR.COM/LEONID TIT

La saleté


Mots de camelots Salutations

Anne-Marie Bonin Camelot, angle Beaubien/Saint-André

Je tiens à remercier tout spécialement la gang de la maison Marguerite et de l'auberge Madeleine. Je veux aussi remercier tous mes clients et les per­ sonnes qui discutent avec moi quand je suis à mon emplacement de vente. Je remercie la personne qui m'a ache­ té une bouteille de vin à ma fête cette année. Un merci tout spécial à Guylaine, Robert et Tchio (j'espère que je l'ai écrit correctement!). Cette dernière m'a aidée à payer mes frais d'inscription pour l'école. J'es­ père qu'au moment où cet article va être publié, je serai à l'école parce qu'en ce moment, c'est vraiment compli­ qué. Je suis devant une impasse présentement : l'école ne veut pas me donner mon attestation d'inscription tant que je n'ai pas commencé les cours, mais je ne peux pas obtenir mes prêts et bourses tant qu'ils n'ont pas reçu la confirmation qui atteste mon inscription à l'école! Un peu contradictoire… non? Je vis beaucoup de frustrations face à Emploi-Québec, aussi. Ils m'ont dit que je ne pouvais pas m'inscrire dans un programme intensif parce que j'ai un diagnostic en santé mentale (problèmes d'isolement, anxiété et angoisse). Conséquemment, j'ai eu le droit de faire partie du programme Réussir : je vais m'endetter pour aller à l'école dans un programme privé à temps plein. Allez y comprendre quelque chose! En théorie, le programme Réussir est supposé être entièrement finan­ cé par Emploi-Québec. En pratique, par contre, on me dit que c'est moi qui dois payer les frais d'inscription. En conclusion, j'aimerais souhaiter une joyeuse Saint-Valentin à tout le monde! Beaucoup d'amour pour soi-même pour commencer, c'est important! Profitez de la vie : lâchez pas, parce que plus vous vous battez, plus vous aurez des résultats!

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ITINERAIRE.CA | 15 février 2014

J'espère que la nouvelle année a bien commencé pour tous les lecteurs et lectrices de L'Itinéraire. De l'amour, de l'amitié, une bonne santé et du grand plaisir chaque jour pour que les cho­ ses aillent constamment de mieux en mieux. Pour ce qui concerne l'année passée, je voudrais saluer chaleu­ reusement ceux de mes clients qui ont pris leur retraite. Qu'ils sachent que je garde un très bon souvenir d'eux et que j'aurai toujours une belle grande pensée pour eux. Ensuite, je veux remercier Monique, de Calgary, qui m'a envoyé une si belle lettre suite à mon mot de camelot sur l'honnêteté. Ma belle Madame, j'étais très fier et très heu­ reux de la recevoir. Quand vous parlez de ma franchise et de mon honnêteté, je vois que vous m'avez compris. J'apprécie aussi que vous m'appeliez «Monsieur Sourire». Enfin, j'ai hâte de vous rencontrer en personne pour vous faire la bise, depuis le temps qu'on se connaît! Merci à tous et gardez votre beau sourire.

Vive l'hiver! Cécile Crevier Camelot, métros Fabre et L'Assomption

Nous avons eu un début d'hiver parti­ culièrement rigoureux à Montréal. Le froid, la glace, le vent étaient pires que par les années passées, il me semble. Allons-nous tous déménager en Floride? Impossible. Alors que faire? Il s'agit de s'adapter. Premièrement, il faut bien s'habiller : des bonnes bottes, des tu­ ques, des foulards, des gants chauds, on ne pense plus à la coquetterie, on ne fait pas une parade de mode, l'hiver. Deuxièmement, une fois bien habillé, il faut sortir, aller jouer dehors, respirer du bon air et non pas s'enfermer chez soi. Enfin, il faudrait que les élus de Montréal entretiennent bien les trottoirs s'ils veulent nous garder en vie. Cependant, certaines personnes n'ont pas le choix de souffrir terriblement en hiver : ce sont les itinérants de tous âges, même les jeunes qui sont en fugue. Ayons une bonne pensée pour eux et souhaitons qu'ils sachent aller chercher de l'aide là où elle se trouve. On ne peut pas les y forcer, c'est à eux de décider. Bon hiver à tous et à la prochaine!

photo: Lucie Larin

La vie, c'est le chemin le plus difficile

photo: gopesa paquette

Gilles Bélanger Camelot, Complexe Desjardins


chemin faisant

Se récompenser pour arrêter de consommer Par Jean-Marc Boiteau | Chroniqueur de rue

J

'ai rencontré Alexandra, collaboratrice au Je me suis dit que si je me concentrais sur la réalisation d'un projet, journal L'Injecteur, qui m'a confié qu'elle occu­ j'occuperais mes pensées à autre chose que consommer : il serait alors pait quotidiennement son temps à trouver un plus facile de lâcher prise. De plus, si je dépensais mon argent pour moyen de se procurer de la drogue… Pas le temps autre chose que pour la drogue et l'alcool, je pourrais m'offrir de pe­ de se rendre au BS afin d'obtenir ses prestations tites récompenses. Acheter des vêtements propres dans des fripe­ d'aide de dernier recours! Selon Alexandra, pour ries, des billets pour assister à des événements, des expositions et, cesser de consommer, il faut apprendre à «occuper pourquoi pas, des repas au restaurant? Passé de la parole à l'acte, je son temps pour autre chose». J'ajouterai me procure maintenant de petits plaisirs qui que le fait de m'offrir des compensa­ me permettent d'apprécier la vie, et ce, sans Je me suis tions (petits plaisirs) en guise de ré­ la brume qui m'accompagnait quotidien­ compense a aussi contribué au succès nement. Récompense et compensation cherché de ma désintoxication. sont des notions qui m'aident à apprécier longtemps, J'ai cessé de consommer des drogues mon nouveau mode de vie. (dures) depuis dix ans. Ma décision Il est faux de prétendre qu'il jusqu'à en perdre fut prise sur une civière de l'hôpital n'y a pas de place pour nous Saint-Luc, au moment où le méde­ (les marginaux) dans cette mes repères. cin auscultait mes os pour vérifier société, ou que la vie n'a rien Ce n'est qu'à s'il y restait toujours de la moelle. à offrir. Je me suis cherché J'ai continué à consommer du can­ longtemps, jusqu'à en perdre quarante ans nabis ainsi que de l'alcool pendant mes repères. Ce n'est qu'à que j'ai enfin les neuf années qui suivirent. Des quarante ans que j'ai enfin problèmes de santé, hépatite C réalisé ce que je voulais faire dans la vie. Il y a réalisé ce que je un dicton qui dit que le temps finit toujours et début de cirrhose, en plus des dépenses onéreuses, m'ont con­ par arranger les choses. Il n'est jamais trop voulais faire vaincu d'arrêter toutes consomma­ tard! Depuis que je suis abstinent, j'ai con­ dans la vie. tions reliées à la drogue et l'alcool. crétisé un de mes rêves; celui d'écrire et de Je me suis toujours identifié com­ publier un livre. En ce moment, je travaille me un individu vivant dans la marge. Pour moi, cesser à la réalisation d'une opérette, j'écris des articles, je me de consommer drogue et alcool représentait un défi garde occupé. Le fait d'avoir cessé de consommer m'a de taille! D'un naturel insatiable, la modération ou la permis de découvrir finalement ce que je voulais faire retenue ne faisait pas partie de mes gènes. J'étais cons­ dans la vie (chroniqueur et auteur). tamment à la recherche d'une plus grande liberté; la dis­ Avec lucidité, j'arrive à mieux négocier les obstacles, cipline et l'autorité n'avaient aucune emprise sur moi. Je à être conscient et entendre pour apprécier (à nou­ dois admettre que je ne désirais surtout pas faire comme veau) le chant d'un oiseau qui semble me souhaiter la plupart des gens et rentrer dans le rang pour une danse bon matin. Ça fait maintenant partie des petites en ligne. Autrement dit, singer une société programmée choses de la vie que je savoure à tout moment. dans une structure préétablie. D'un autre côté, il y a telle­ Vive l'abstinence! Vive les bonnes petites choses ment de personnes qui consomment aujourd'hui : il est à de la vie qui me font triper. se demander qui singe qui. Sereinement vôtre, bonne réflexion!

15 février 2014 | ITINERAIRE.CA

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Mots de camelots Être compréhensible Réal Lambert Camelot, angle Laurier/de Lanaudière

À l'âge de 20 ans, j'étais au cégep de Rimouski en technique de la méca­ nique. C'était en 1971, l'époque des moteurs V8 et des grosses voitures américaines. Il y avait beaucoup de termes anglais comme bumper, wiper, tire, jack, brake et steering. De même pour les outils de travail. J'étudiais en français dans mes livres de cours et les termes employés ne correspondaient pas à ce que je connaissais dans la vie de tous les jours. À cause de cela, je ne comprenais pas le sens des phrases. Aussi, cela entraînait la confu­ sion et pouvait même aller jusqu'à nuire au travail. Ainsi, j'ai découvert qu'il faut avoir un bon glossaire des termes employés dans une profession pour éviter ce genre de situation. J'ai trouvé un dictionnaire technique qui m'a permis de clarifier les termes en français et, ainsi, j'ai pu accomplir mon travail sans avoir de maux de tête. Merci à tous mes clients.

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Qu'est devenu Hochelaga-Maisonneuve? Serge Trudel Camelot, marché Metro Morgan

Dans mon travail de camelot dans Hochelaga-Maisonneuve, j'observe avec stupeur des gens qui, autrefois, possédaient un emploi dans ce quartier qui fut jadis très prospère économique­ ment. Maintenant, ces mêmes per­ sonnes sont dans l'obligation d'aller fouiller dans les poubelles pour voir s'il ne resterait pas quelques canettes ou bouteilles vides à ven­ dre pour vivre. Oui, ici même, à Montréal. Il y a trente ans ou même vingt ans, je ne voyais pas des scènes comme celle-là, ramasser des canettes vides pour vivre. Quelle honte! Après ça, on me dira que l'on veut un Qué­ bec libre. Quelle farce! Pensons-y : pour qu'une nation soit forte, il faut que son économie soit forte. À bon en­ tendeur, salut!

Une passagère

Dans sa bulle avec son iPod

Gisèle Nadeau Camelot, métros D'Iberville et Jarry

Richard T. Camelot, métro Place-des-Arts

Il y a environ un an, lorsque je prenais l'autobus, les lundis matins à 6 h 50, pour aller travailler en tant que fem­ me de ménage, il y avait toujours une dame très âgée vêtue de vêtements très originaux, accompagnée d'une dame plus jeune qu'elle. Moi, j'étais toujours intriguée par cela et elle prenait le métro comme moi à la station MontRoyal. Je remarquais qu'elle me faisait toujours un beau sourire et elle avait de beaux yeux bleus pétillants ainsi que des vêtements avec des bouffants, fleurs au cou, au poignet et dans le bas de la jupe avec de belles couleurs différentes. Moi je pensais qu'elle était une actrice de théâtre. J'ai rencontré sa compagne dernièrement et elle m'a dit que cette dame-là était loin de paraître son âge avec le genre de robes et costumes qu'elle portait. Aussi, je remarquais qu'elle se déplaçait de manière plutôt alerte et souple pour son âge. Disons que cela m'inspirait beaucoup.

Depuis une vingtaine d'années, les technologies de la communication ne cessent de progresser. Mais il n'est pas certain que l'humanité progresse avec elles. Je pense plus particulièrement aux iPhone, iPod et autres MP3. Je trouve que les gens les utilisent pour entrer dans leur bulle et y rester. C'est comme s'ils disaient «Dérangez-moi pas, vous ne m'intéressez pas». Au bout du compte, l'abus des technologies de la communication nuit à la communication, juste­ ment, parce que les gens ne se parlent plus, se regardent à peine et ignorent totalement ce qui se passe autour d'eux. C'est comme s'ils avaient des œillères, comme les che­ vaux. En fait, ils perdent la notion du temps et des autres, déconnectés de la planète qu'ils sont. Déjà, les gens ont tendance à se retirer sur eux-mêmes. Avec des écouteurs dans les oreilles, ils s'isolent encore plus. En espérant que vous comprendrez mon message, je vous salue et vous souhaite une bonne et heureuse année 2014.

ITINERAIRE.CA | 15 février 2014


Invraisemblable, mais réel! Lorraine Sylvain Camelot, Métro Peel

Merci à L'Itinéraire Sylvain Clot Bénévole à L'Itinéraire

On dit souvent de moi que j'ai un beau sourire. Eh bien, il sera désor­ mais encore plus rayonnant, parce qu'il m'est arrivé un petit bonheur, ici même à L'Itinéraire. En effet, j'ai ob­ tenu un travail bénévole qui convient à ma personnalité. Je suis bénévole à L'Itinéraire. Je fais l'entretien ména­ ger. J'adore ma nouvelle fonction pour plusieurs raisons. D'abord, cela me valorise et m'aide à avoir un bon moral. Ensuite, cela me donne l'occasion de rencontrer plein de gens et de communiquer avec eux, ce qui n'arrivait pas souvent à mon ancien travail bénévole. Ce travail consistait à recevoir et à ranger les provisions qui nous arrivaient de Moisson Montréal. Pour les lecteurs que ça intéresse, cet organisme nous donne des fruits, des légu­ mes, des conserves, du pain, des desserts et, parfois, du lait, du beurre et des produits hygiéniques. En passant, je salue mes anciens collègues de la cuisine, mais j'avoue être très content de ma nouvelle fonction et je remercie ceux qui m'ont aidé à l'obtenir.

Bye Bye 2013 Gilbert Pouliot Camelot, Palais de justice photo: gopesa paquette

Ce matin, un jeune homme s'est ap­ proché de moi et m'a demandé de lui rendre un service. À mon point de vente du métro Peel, je vis sur un trois-quarts de mètre carré, cherchant à ne pas occuper plus que ma place, dans un lieu où s'écoulent des milliers de personnes chaque jour. Il est bien évident que le nombre de services que je peux rendre à cet endroit est plutôt limité. Mon interlocuteur ne dési­ rait pas acheter L'Itinéraire : il me demandait simplement d'accepter une enveloppe, de celles qu'on utilise pour faire un dépôt dans les guichets automatiques, en me ré­ vélant qu'il voulait ainsi s'acquitter d'une vieille dette, et que si j'acceptais qu'il me remette ce montant, il estimait que c'était moi qui lui rendrais service. Ce que contenait l'enveloppe? Hé bien, c'était plus que je ne gagne en une semaine de trente-quatre heures debout à vendre mes revues. Ses derniers mots: «Passez au suivant!» Et puis il est reparti, comme un souffle de vent léger.

Suite au Zoom Camelot du premier février, j'aimerais vous résumer mon année 2013. Tout d'abord, la fin du projet Chez Soi. Je perds mon loge­ ment subventionné et retourne à la rue et mon éternel problème de chercher un loyer. L'espoir de me payer une cham­ bre au motel pour quelques mois, je me remets à jouer sans succès. Même erreur, même résultat, le sentiment d'échec me fait poursuivre ma débandade dans l'alcool. Conséquence, un état instable et quelque peu déses­péré. C'est alors que j'essaye d'entreprendre une thérapie. Le hic, c'est que tous les endroits accrédités sont rem­ plis et je me retrouve à la maison Espoir et Renouveau, aujourd'hui fermée pour cause d'incapacité à rencontrer les critères. Après deux mois, j'en ai assez et retourne à l'itinérance, mais au moins c'est le printemps qui com­ mence. J'entreprends une démarche avec Pause Santé, programme de traitement de l'hépatite C avec héberge­ ment supervisé. Cela se termine mal avec des compli­ cations dues aux effets secondaires de la médication. Je ne mange plus, je ne dors plus et je rentre en psychose. Je suis hospitalisé à l'Institut Douglas, ensuite Montréal General et je finis par retrouver mes sens et mes forces avec un séjour chez Toxico-stop à Montréal-Nord, que je remercie. Je recommence en octobre à vendre L'Itiné­ raire, mais je suis toujours sans-abri. Je finis par trouver une chambre en décembre, mais ce sera une solution à court terme puisque c'est au-dessus d'un bar. Bye Bye 2013, passons à 2014 qui ne pourra pas être pire.

15 février 2014 | ITINERAIRE.CA

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ILS HABITENT

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LEUR VIE Vous êtes partie prenante de la solution.

Camelots: Jean Guy Deslauriers Robert Ménard Franck Lambert Gabriel Bissonnette France Lapointe

Maude Guérin, porte-parole du 20e, en compagnie des camelots

PHOTO: SYLVIANE ROBINI

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Québecor : Un appui majeur depuis 2003 Nous sommes heureux qu'en 2014, Québecor Média poursuive son généreux soutien au magazine L'Itinéraire par le biais de ses filiales TVA Productions, Vidéotron et le Groupe TVA. par sylvie bouchard

En aidant le Groupe L'Itinéraire à réduire ses coûts de pro­ duction relatifs au service d'impression, au service Inter­ net et au service publicitaire, le vaste réseau média de Québecor apporte une aide majeure au développement de notre magazine ainsi qu'à notre mission de réinsertion sociale des personnes vulnérables. Cette fidélité de plus de dix ans nous touche grandement et nous tenons tout particulièrement à remercier Mon­ sieur Robert Dépatie, président et chef de la direction de Québecor, Madame Sylvie Cordeau, vice-présidente

Communications, ainsi que toute son équipe, pour leur engagement envers notre cause. Québecor soutient de nombreuses organisations culturelles (voir le site web quebecor.com pour pren­ dre connaissance de leur bilan culturel), en plus de s'impliquer auprès de nombreuses institutions dans les domaines de la santé, de la recherche médicale et de l'éducation. Partout au Québec, l'entreprise appuie des organismes communautaires qui viennent en aide aux plus démunis de la société.

Robert Dépatie

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Répondre aux besoins des sans-abri dans le métro

Étoiles du match! Le dimanche 2 février dernier, Gabriel Bissonnette, vétéran camelot, et Serge Lareault, directeur-général et éditeur de L’Itinéraire, ont été reçus sur le plateau de la populaire émission Tout le monde en parle. Leur passage remarqué a suscité une foule de réactions posi­ tives auprès du public, et ils se sont vu attribuer l’étoile du match le soir même par le chroniqueur et bloggeur Richard Therrien.

Il y a maintenant un an, la Société de développement social de VilleMarie (SDVM), en collaboration avec la Mission St. Michael et la Société de transport de Montréal (STM), mettait en place le premier pôle de services en itinérance au centre-ville à la station de métro Place-des-Arts. Par Dorian Keller

Afin de répondre aux besoins grandissants des sansabri se réfugiant dans le métro, plusieurs intervenants sociaux, notamment du YMCA Centre-ville, de la Mission St. Michael et du Toit Rouge, rejoindront les sans-abri qui fréquentent les stations de métro Bonaventure, Atwater, Place-des-Arts, Berri-UQÀM et McGill afin de les diriger vers les ressources qui pour­ ront répondre spécifiquement à leurs besoins. En utilisant des billets de métro et le bus de la Old Brewery Mission (OBM), les intervenants pourront accompagner ces personnes vers le pôle de services en itinérance de la Mission St. Michael, vers le centre de jour du Projet Autochtone du Québec (PAQ), l'autobus de soins de Mé­ decins du Monde, le centre de dégrisement, le centre de jour de OBM ou d'autres ressources jugées pertinentes. La SDVM souhaite également offrir un matériel édu­ catif afin de sensibiliser et d'engager les employés de la STM et les agents de sécurité du métro à la problématique de l'itinérance et comment y faire correctement face.

Caf Caf est une compagnie québé­ coise qui distribue depuis plus de 20 ans du café équitable dans la grande région de Montréal. Elle nous a gé­ néreusement fait don d'une grande quantité de ce précieux nectar. L'Itinéraire lui dit un grand merci pour ce don qui vient du cœur et qui réchauffera assurément les nôtres jusqu'à la fin de l'hiver.

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ITINERAIRE.CA | 15 février 2014

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REfUGES, HÉBERGEMENT, LOGEMENTS

Un répertoire des plus utiles! Besoin d'un toit pour ce soir seulement? Besoin d'un endroit pour se poser, se sentir en sécurité et d'un coup de main dans ses démarches? Besoin d'un logement, mais avec du soutien pour s'adapter à la vie en appartement? Où appeler? Qu'est-ce qui existe à Montréal?

INfO RAPSIM

PAR MARJOLAINE TAPIN | organisatrice communautaire au RAPSIM

C'est pour répondre à ces questions et pour illus­ trer la diversité de réponses développées par plus d'une cinquantaine d'organismes à Montréal intervenant auprès des personnes en situation d'itinérance ou à risque de l'être que le Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM) vient de lancer la cinquième édition du Répertoire des ressources en hébergement communautaire et en logement social avec soutien communautaire. S'adressant tant aux inter­ venants communautaires, institutionnels que poli­ tiques, ce guide agit comme outil de référence, mais aussi comme portrait des services offerts.

Plus de ressources, mais encore des besoins criants

La nécessité de rééditer l'ouvrage relève non seulement de la mise à jour, puisque plusieurs groupes y figurant déjà ont développé des uni­ tés supplémentaires, mais aussi de l'ajout de nouvelles fiches. Des organismes intervenant déjà auprès de personnes itinérantes ont déve­ loppé des projets d'habitation y voyant un aspect incontournable dans le processus de réinsertion sociale et d'objectif de stabilité résidentielle. Si cette édition 2014 répertorie davantage d'unités, les listes d'attente n'ont pas pour autant disparu. Malheureusement, plusieurs groupes sont obligés de refuser des demandes, faute de place, plusieurs fois dans une année. Ceci démontre que les besoins sont encore criants et qu'il reste du travail à faire pour que

davantage d'unités voient le jour pour accueillir les personnes les plus vulnérables. Le 23 janvier dernier a eu lieu le lancement offi­ ciel du répertoire, plus de 130 personnes y étaient présentes. Un indicatif clair que le sujet interpelle un large éventail de gens pour discuter des solu­ tions variées en habitation, prévention et lutte à l'itinérance. C'est dans cet esprit que le RAPSIM mobilise ses partenaires et maintient son travail actif en faveur d'un accroissement du nombre de logements sociaux dédiés aux personnes en situation d'itinérance ou à risque de l'être, à la sauvegarde des maisons de chambres et au financement du soutien communautaire.

Le répertoire en un clin d'œil 3 chapitres (refuges, hébergement et logement social avec soutien communautaire) plus de 55 ressources s'adresse aux hommes, femmes, jeunes, autochtones et/ou familles activités et services offerts nombres de places et durée de séjour

15 février 2014 | ITINERAIRE.CA

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JUSTICE

Comment régler une succession si on ne sait pas s'il y a un testament ? PAR ME DOMINIQUE RATELLE

Au Québec, tous les testaments signés chez un notaire ou chez un avocat doivent obligatoirement être publiés au Greffe central des testaments. La direction de l'État civil du Québec, peu de temps après le décès, émet à tout intéressé un certificat de décès. Avec le certificat de décès, une demande de recherche testamentaire doit être complétée auprès du Greffe central des testaments. Deux (2) rapports seront émis, soit l'un pour le Barreau du Québec (testament fait par un avocat) et l'autre pour la Chambre des notaires du Québec (testament fait par un notaire), identifiant le dernier testament inscrit au regis­ tre et chez quel professionnel il est détenu. En principe, seul le dernier testament inscrit sera accessible. Seules les personnes pouvant justifier un intérêt pourront obtenir une copie du dernier testament. Si la personne décédée était mariée et qu'elle avait rédigé un contrat de mariage, ce contrat doit être trouvé, car il peut contenir des dispositions testamentaires. Les testaments devant témoins ou olographes (écrits et signés de la main du testateur) non publiés échappent à cette recherche. Les papiers personnels du défunt doi­ vent donc être vérifiés en conséquence.

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ITINERAIRE.CA | 15 février 2014

Une Centrale au service des personnes, en mouvement avec son temps

csq.qc.net

facebook.com/lacsq twitter.com/csq_centrale 1213-47

Don pour soutien aux camelots

Les besoins sont toujours grandissants. Faites un don maintenant et aidez-nous à soutenir nos camelots et à appuyer notre mission.

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L'homme, cette machine-outil

ianik marcil

Lorsque, dans un bureau, un ordinateur tombe en panne, on appelle le service des ressources informatiques pour le réparer. Il est en maintenance. Normal : les «moyens de production», comme disent les économistes, doivent être performants afin de produire des biens et des services. Qu'en est-il du travailleur en panne ?

photo: kim auclair

PAR IANIK MARCIL | économiste indépendant

Lorsqu'un travailleur ne fonctionne plus dans son emploi, ulaire n'est jamais anodin. Au-delà de ces beaux principes on appelle le service des ressources humaines pour le ré­ visant le mieux-être des travailleurs, on les considère plus parer. Tu as un burnout ? On te retire de ton emploi pour que jamais comme un moyen de production comme un te guérir. Tu es un travailleur en maintenance au même autre. Un moyen de production à la mécanique fragile, titre que l'ordinateur à la réparation. Normal : les travail­ dont le burnout ou la dépression représente un défaut de leurs sont aussi des moyens de production qui doivent fonctionnement devant être réparé. Lorsque le travailleur être performants. ne fonctionne plus, on le répare à coup de petites pilules On estime qu'il y a 15 ans, 30 % des ab­ afin que ce précieux capital humain puisse sences au travail étaient liées à la mala­ rapi­dement être à nouveau efficace. On évacue la die mentale. Aujourd'hui, cette propor­ En psychologisant le «problème», on tion a presque doublé. Les causes de fait du travailleur une machine-outil. En noblesse et la cette fulgurante augmentation ? Les fait, on évacue l'idée même de travail­ exi­gences de la vie au travail, toujours souveraineté du leur. On évacue la noblesse et la sou­ plus grandes, qui mettent les travailleurs veraineté du travail humain au profit de travail humain sous pression. De la même manière l'efficacité et du rendement à tout prix qu'une machine-outil surutilitée sur­ de la ressource humaine. au profit de chauffe et brise, le travailleur sous pres­ Pire : on renvoie la responsabilité de la per­ l'efficacité et du formance du capital humain dans les bras sion finit par craquer. Il y a pourtant là un paradoxe : notre travailleur. Sinon, à quoi d'autre servi­ rendement à tout du époque est friande du bien-être per­ raient ces multiples séminaires de gestion sonnel des employés, de formations et prix de la ressource du temps ou de relaxation, sinon que de d'ateliers pour stimuler leur créativité, demander aux travailleurs de prendre en humaine. concilier leur travail et leur famille, fa­ charge leur propre état de santé mentale voriser le développement des multiples face à la performance ? sphères de leur vie. On ne parle plus que des «ressources Travailleur, tu es responsable de ton burnout, mais, humaines» et du «capital humain» au cœur de la valeur magna­nime, l'entreprise t'offre le mode maintenance économique des entreprises et de leur performance pour te retaper. En revanche, on ne s'interrogera pas sur commerciale. Un capital sur lequel on doit veiller avec soin. les causes ultimes du problème : la pression toujours plus Mais un capital qu'on use de plus en plus jusqu'à la corde. grande de l'employeur sur ses travailleurs pour qu'ils per­ Ce vocabulaire technocratique n'est pas anodin – le vocab­ forment davantage.

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PANORAMA

PAR SYLVAIN-CLAUDE fILION

De Notman à Monkman

Bienvenue à l'atelier : une allégorie de la réflexion artistique et de la transformation est un tableau de 24 pieds de long faisant référence au célèbre tableau de gustave Courbet, L'atelier du peintre. PHOTO MUSEE MCCORD

William Notman (1826­1891) a été le pionnier de la pho­ tographie canadienne. Il nous a laissé en héritage la plus importante iconographie de la vie montréalaise au XIXe siècle, grâce à ses studios qui employaient, au plus fort de la production, des dizaines d'employés. Les Archives photographiques Notman du Musée McCord contien­ nent près d'un million de photographies, dont 400 000 ont été prises par le maître lui­même. Voilà ce qui a in­ spiré l'artiste en résidence Kent Monkman, qui redonne

une nouvelle vie au legs de Notman avec une peinture qui remet en scène des personnages croqués il y a un siècle et demi. On navigue entre les représentations de Monkman et les originaux de Notman, qui occupent un mur de l'exposition.

BIENVENUE À L'ATELIER – Kent Monkman

Jusqu'au 1er juin 2014 Musée McCord (514 398­7100, musee­mccord.qc.ca)

Dring dring dring… Érotisseries Ce mot­valise fait d'emblée penser à quelque chose de brûlant. Mais il ne s'agit pas de poulet rôti ici, restons­en à Éros puisque les artistes plu­ ridisciplinaires de Productions Carmagnole, qui se spécia­ lisent dans les explorations carnavalesques et expérimen­ tales, nous invitent plutôt à plonger dans l'érotisme en nous servant des allégories sur les vices et les vertus de la chair et de l'esprit. On peut s'attendre à tout dans ce hap­ pening érotique réservé aux 18 ans et plus, que l'ancien maire Jean Drapeau aurait sûrement interdit.

LES ÉROTISSERIES

Du 19 au 22 février, 20 h LA CHAPELLE (514 843­7738, lachapelle.org)

William Notman (1826-1891)

La grande fête du cinéma La 32e édition des Rendez­vous du cinéma québécois regorge cette année d'événe­ ments à courir dans le Quartier latin et le Quartier des spectacles. Au­delà des quelque 300 films dont 100 seront présentés en première, on rend hommage à Arthur Lamothe et Michel Brault, et on donne un coup de chapeau à Micheline Lanctôt avec un clin d'œil du 30e anniversaire de son film Sonatine, primé à Venise en 1984. Les nuits seront joyeusement agitées avec des soirées mettant notamment en vedette Damien Robitaille, le légendaire DJ Robert Ouimet et Antoine Bertrand, porte­parole de la 32e édition. Le 1er mars, dans le cadre de la Nuit blanche à Montréal, une belle idée folle : Le Elvis Gratton Picture Show, où le spectacle sera autant dans le public qu'à l'écran. On souhaite que ça devienne une tradition!

LES RENDEZ-VOUS DU CINÉMA QUÉBÉCOIS Du 20 février au 1er mars rvcq.com

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PHOTOS : COURTOISIE DE L'OFFICE NATIONAL DU FILM (ONF)

Le nouveau souffle de Pierre Goupil

La maladie nourrit la création, mais peut détruire une vie. Parlez-en à Pierre Goupil. Son plus récent film, le documentaire intimiste Il ventait devant ma porte, a permis au cinéaste de se réconcilier avec sa bipolarité. Rencontre éclairante avec un artiste à la lucidité déstabilisante.

«C'est une maladie bizarre. Elle procure beaucoup de joie et beaucoup de souffrance.»

PAR MARIE-LISE ROUSSEAU

P

ierre Goupil a vécu l'isolement dès sa tendre en­ fance, alors qu'il devait porter un corset médical. Ne pouvant jouer avec les jeunes de son âge, il a trouvé refuge dans les livres. «Ça m'a intériorisé», confie­ t­il dans son film. Jeune adulte, le natif de Lachute débarque à Montréal et étudie le cinéma à l'UQÀM. Il réalise quelques films en plus de travailler en distribution. À la même époque, il milite activement pour la survie du cinéma indépendant. À l'âge de 37 ans, le diagnostic le frappe de plein fouet : bipolaire. Pierre Goupil se doutait bien que quelque chose ne tournait pas rond; il s'était toujours senti hyper­ sensible. Depuis, il a fait huit aller­retour à l'aile psychiatrique de l'hôpital Royal­Victoria. Doté d'une mémoire d'éléphant,

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Pierre Goupil, aujourd'hui âgé de 63 ans, en garde des souvenirs cauchemardesques. «Ils m'ont attaché. Ça fait très mal et ils ne s'en rendent pas compte. Pour eux, ça fait partie des procédés d'immobilisation. Ils se mettent quatre ou cinq sur toi et te tirent les membres d'un bord et de l'autre. Ils t'attachent à une grosse courroie, au point de ne pas pouvoir accoter ton dos sur la civière…»

Douloureuse lucidité

Attablé au Café Lézard de la rue Masson, Pierre Goupil discute de sa réalité avec une grande lucidité. Il porte ce même regard dans son documentaire Il ventait devant ma porte, dans lequel il se réconcilie avec la maladie et explore son rapport à la création. Dans cet autoportrait, le cinéaste est un véritable livre ouvert. «C'est un film fait


Pierre Goupil, ex-camelot #38 Notre entrevue a lieu à deux pas de son ancien point de vente sur la promenade Masson, du temps qu'il était camelot à L'Itinéraire, au début des années 2000. À court d'argent, Pierre Goupil a vendu le magazine durant ces années, où il a pu publier ses écrits pour la première fois en plus de se faire une nouvelle famille. «J'ai plein de bons souvenirs de mes années de camelot, dit­il le sourire aux lèvres. L'écriture, le contact avec les camelots… Chaque fois que j'en rencontre un sur la rue, c'est comme un frère. avec le cœur plus qu'avec la tête», commente­t­il. Met­ tant sa pudeur de côté, il braque la caméra face à lui, ses angoisses et ses réflexions. On ne peut pas passer à côté de cette scène où il racon­ te avec précision une psychose qu'il a vécue, dans laquelle il était convaincu d'être un homme fourmi. Psychose qui l'a amené à se mettre flambant nu sur la rue Sherbrooke en plein hiver. Le plus étonnant est qu'il raconte cet épi­ sode de sa vie comme une histoire qui serait arrivée à au­ trui. «J'ai pris conscience de ce que je fais, de ce que je suis», explique­t­il. En entrevue, le cinéaste montre le même recul sur sa personne. Posé, il prend le temps de soupeser chaque mot qu'il emploie avant de formuler ses phrases, toujours précises et imagées. À cause de ses séjours forcés en psychiatrie, le cinéaste a perdu des logements et beaucoup de biens matériels. Son film débute d'ailleurs sur des images de son démé­ nagement forcé en 2009, alors qu'il venait d'être évincé de son appartement. «J'avais des beaux livres qui ont pris

Pierre Goupil en 3 films Robert N. (1979)

Premier court métrage tourné en 16mm à l'âge de 29 ans, Robert N. traite d'un sujet délicat : le suicide. Son scénario s'inspirait de ses propres pensées suicidaires.

Jean-Guy, sur la rue Masson, est devenu mon camelot. Je lui achète le magazine, je m'entends bien avec lui.» Lorsqu'on lui montre des croquis qu'il avait fait parvenir par la poste à L'Itinéraire lors d'un séjour à l'hôpital en 2009, Pierre Goupil prend une pause, les regarde attentivement, puis lâche un rire. «Je ne me souviens pas avoir dessiné ça, mais c'est le genre d'affaire que je faisais.» Autoportrait de pierre goupil envoyé à L'Itinéraire alors qu'il était en psychiatrie à l'hôpital Royal-victoria en 2009.

le bord, des collages qui devaient servir pour le film que j'ai déchirés... Mais j'étais en psychose. On n'est pas reposant pour les autres quand on est en psychose. Je me demande si j'aurais pas agi de la même façon à la place de mon propriétaire… Je ne lui en veux pas… Quand t'es malade, t'es pas tenable.»

Appliquer les freins

Son film, il le mijotait depuis un bon moment. Sa dé­ marche pour en accoucher a parfois fait déborder la mar­ mite. «J'ai eu une longue période de scénarisation. Des fois c'était décollé du projet lui-même. C'était comme devenu un mode de vie de me poser des questions, d'écrire chaque jour, de revenir sur des choses. Ça m'a entraîné dans la maladie... Quant t'es bipolaire et que tu travailles dans un domaine artistique, ça te libère et des fois ça te coince.» Thérapeutique, la création d'Il ventait devant ma porte avec son complice Rénald Bellemare aura permis à Pierre Goupil de briser le cycle de colère qu'il entretenait avec le milieu hospitalier. «Je sais que c'est pas facile de nous raisonner quand on est en psychose. J'ai récemment vu un ami bipolaire qui a flyé; même moi je savais pas comment le prendre», dit­il. Poursuivant sa réflexion sur la bipolarité, le cinéaste poursuit : «C'est une maladie bizarre. Elle procure beaucoup de joie et beaucoup de souffrance.» La recette de sa stabilité? «Rester entouré.» L'artiste peut compter sur des amitiés solides, dont les témoignages ponctuent son documentaire, pour garder les deux pieds sur terre. Et la maladie a tout de même du bon : «la sensibilité supplémentaire pour créer, pour sentir les choses, pour donner du sens à sa vie».

«C'est un film fait avec le cœur plus qu'avec la tête.»

Celui qui voit les heures (1985)

Ce long métrage de fiction à petit budget a été finaliste au prix Ouimet­Molson de l'Association québécoise des critiques de cinéma. Il suit les déboires d'un jeune réalisateur sans le sou qui cherche obstinément à produire son film et qui finit par sombrer dans la dépression.

La vérité est un mensonge (2000)

Portrait de deux frères que tout oppose dans la vie, ce film a remporté le Prix coup de cœur des Rendez­vous du cinéma québécois.

Image tirée du documentaire Il ventait devant ma porte, dans lequel pierre goupil questionne le rapport entre sa bipolarité et sa création.

Il ventait devant ma porte sera projeté aux Rendez-vous du cinéma québécois le 26 février, à 19h30. Il sortira en salle le 4 avril.

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vivre

Par Denyse Monté

Les écrits restent… et circulent Y a-t-il près de chez-vous un livre-service où vous pouvez faire le plein de culture? Le bookcrossing ou passe-livre fait des petits au Québec. Il peut prendre différentes formes : du bouquin laissé sur un banc de parc à une sorte de boîte-bibliothèque installée à un point de partage dans la ville, où tous sont invités à y déposer ou cueillir un livre. Gratuitement, sans au­ cune contrainte. Après usage, les lecteurs sont invités à remettre leurs livres en circulation et, autant que possible... à ajouter du volume à cette magnifique ini­ tiative. Consultez le site liberezleslivres.com pour la marche à suivre.

Bonne bouche, bon cœur Deux belles rangées de dents blanc neige, wow!, mais qu'en est-il de l'indispensable hygiène buccale parallèlement à cette esthétique dentaire top tendance? La bouche est une porte d'entrée grande ou­ verte aux bactéries dangereuses qui, transportées dans le sang, peuvent occasionner des complications pul­ monaires et cardiaques. Brossage des dents et soie dentaire deux fois par jour évitent l'accumulation de plaque dentaire, responsable de la gingivite, source de divers pro­ blèmes de santé, parfois graves. En outre, des visites régulières chez le dentiste s'imposent. Encore faut-il y avoir accès! Ce qui n'est pas le cas des personnes défavorisées sur les plans physique et monétaire. À ce sujet, consultez l'excellent reportage Soins dentaires : accès inégal, diffusé récemment à l'émission Une pilule, une petite granule, et qu'on peut re­ voir sur le site web de Télé-Québec.

L'oignon magicien

La cure curcuma Épice de prédilection du professeur Richard Béliveau, qui a amplement vanté ses propriétés anti-cancer, le curcuma a également la réputation d'exercer un rôle préventif contre la maladie d'Alzheimer ou d'en diminuer les symptômes. De plus, des études ont dé­ montré que la curcumine augmente les effets théra­ peutiques de la radiothérapie et de la chimiothérapie et elle pourrait aussi réduire leurs effets indésirables. On recommande une cuillerée à thé de curcuma dans vos plats quotidiens, auquel on ajoute du poivre pour en optimiser l'effet thérapeutique.

Des tranches d'oignon placées dans une pièce fraîchement peinturée absorbent l'odeur de la peinture, mais bien plus : elles font disparaître tout aussi efficacement... le rhume. C'est ce qu'affirment grand-mère et plusieurs enrhumés qui en ont fait l'essai. Simplissime : déposez des moitiés d'oignon dans une assiette sur la table de nuit. L'odeur qui s'en dégage décongestionne tandis que la plante combat le virus pendant que vous dormez.

Harmonie Taï-chi et santé globale sont couramment asso­ ciés. La lenteur des mouvements, la respiration, la concentration qui lui sont pro­ pres en font une discipline antistress et régé­ nératrice de premier choix. L'énergie vitale se répartit harmonieusement dans tout le corps et apaise l'esprit. Les bienfaits de cette gymnastique chinoise sont innom­ brables. Elle aide entre autres à contrôler l'hypertension, et, chez les personnes âgées, réduit le risque de chutes en favorisant l'équilibre et la tonicité musculaire. Une étude menée aux États-Unis par le Dr Leigh Callahan a déjà démon­ tré que le taï-chi pouvait aussi atténuer les symp­ tômes de la fibromyalgie, maladie qui se résume à avoir mal partout, 365 jours par année!

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L'ITINÉRAIRE RECOMMANDE Après un brillant tour de piste sur les scènes de la francophonie mondiale, la pièce CALIGULA_REMIX, adaptée et mise en scène par Marc Beaupré d'après l'œuvre d'Albert Camus (dont on fête le centenaire cette année), est de retour à Montréal pour quatre soirs seulement, du 26 février au 1er mars, à l'Usine C (usine­c.com).

PAR NAfI ALIBERT, SIMON CORDEAU ET PIERRE SAINT-AMOUR

LIVRES

L'école des charlatans Malgré de nombreuses recherches démontrant que l'apprentissa­ ge de la lecture selon la méthode phonétique est de loin supérieur à celui de la «lecture à vue» (méthode look-say), c'est la seconde que le monde de l'éducation a adoptée. Pourquoi? Parce que les chercheurs universitaires, qui dépendent des subventions, fondent leurs recherches sur des idées reçues ou sur des théories qui sont «à la remorque des modes intellectuelles». Avec une rare com­ pétence, Normand Baillargeon, qui s'était illustré en 2005 avec son Petit cours d'autodéfense intellectuelle, récidive dans le présent ouvrage en décortiquant quatorze légendes pédagogiques qui pré­ valent en éducation. Un livre décapant et essentiel. (PSA)

Légendes pédagogiques. L'autodéfense intellectuelle en éducation Par Normand Baillargeon, Les Éditions Poètes de Brousse, 271 pages.

Cela fera quinze ans cette année que Patrick Dionne et Miki Gingras travaillent, tels des anthropologues du visuel, sur des projets photographiques qui scrutent les réalités sociales. Le fruit de leurs dernières observa­ tions met en scène les kiosques de vendeurs itinérants et les tianguis (marchés publics) qui peuplent le paysage urbain dans différents quartiers de Mexico. Intitulée LIBRE COMERCIO, l'exposition faite de photographies et de projections d'animations se visite au Studio 1 de la Maison de la culture Frontenac jusqu'au 2 mars. L'entrée est gratuite. (acces­ culture.com ou patmiki.blogspot.ca). Les auteurs ont souvent des passés tarabiscotés… ce qui les inspirent sûrement! C'est le cas de Danielle Pouliot, qui a été criminologue à l'Institut Philippe­Pinel, puis directrice des communica­ tions internes au Cirque du Soleil. Son troisième roman est un duel amoureux entre deux personnes dont le génie créatif frise la folie. LETTRE À JUSTINE, Art Global, 128 pages. Catherine­Anne Toupin incarne une ancienne reine de beauté qui travaille en usine et qui risque de perdre la garde de sa sœur autiste dans la pièce SUNDERLAND de Clement Koch. Cette comédie dramatique aux arômes très british transporte – excusez le cliché – du rire aux larmes, et bénéficie d'une mise en musique de Christian Thomas. Au théâtre Jean­Duceppe, du 19 février au 29 mars (duceppe.com).

Révolution légale ou illégale? Peut­on condamner un homme pour des crimes commis au nom d'un idéal politique? Et l'État peut­il faire fi des lois à son tour pour préserver l'ordre? Jean­Philippe Warren explore ces questions à travers les prisonniers politiques du Québec, des Pa­ triotes au FLQ. Il dresse un portrait académique des hommes, des contextes et des institutions, tout en nous faisant revivre les troubles politiques connus et moins connus de l'histoire du Québec. Son étude s'attarde davantage au point de vue des pri­ sonniers qu'à celui de l'autorité, mais ce léger biais n'enlève rien au sérieux et à la précision de l'analyse. Le terme «prisonnier po­ litique» n'existe peut­être plus dans les considérations légales, mais la question de la valeur des intentions et de l'injustice derrière la justice, elle, est brûlante d'actualité. (SC)

Les prisonniers politiques au Québec

Par Jean-Philippe Warren, VLB éditeur, 232 pages.

Des camelots dans un roman

Les éphémères est un roman populaire où la réalité flirte avec la fiction. Avec le narrateur pour guide, le lecteur se laisse transporter dans l'univers d'une rue, Larue, du Plateau­Mont­ Royal, pour venir s'écraser sur un banc à observer les va­et­vient du Parc des Éphémères. Mais que fait­on au Parc des Éphémères? «C'est simple : tu commences par arriver à arriver, tu t'assis, tu regardes passer les autobus, tu fermes ta grand'gueule pis t'écoutes. Au Parc, ça commence pas, ça continue. Y'a pas d'heure non plus, mais du temps en masse.» En compagnie de Vovonne Laflamme, Philomène, camelot à L'Itinéraire ou du Gros Ben, cette histoire d'amitié sur fond d'itiné­ rance nous amène à la rencontre de personnages hauts en couleur qui regorgent d'authenticité. (NA)

Les éphémères

Par André Vincent, éditions Parthen'air, 231 pages. Disponible par commande au 450 787­1109

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À PROPOS DE...

LA LIBERTÉ

Tout ce qui augmente la liberté augmente la responsabilité. VICTOR HUGO

Je ne suis pas vraiment libre si je prive quelqu'un d'autre de sa liberté. L'opprimé et l'oppresseur sont tous deux dépossédés de leur humanité. NELSON MANDELA

La vraie liberté est de pouvoir toute chose sur soi. MONTAIGNE

Le plus difficile n'est pas d'acquérir la liberté, c'est de la conserver.

La liberté, c'est d'être enfin livrés à nous-mêmes.

LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE

La liberté consiste moins à faire sa volonté qu'à ne pas être soumis à celle d'autrui.

AMÉLIE NOTHOMB

Quand deux esclaves se rencontrent, ils disent du mal de la liberté. PROVERBE AfRICAIN

JEAN-JACQUES ROUSSEAU

La liberté est le plus grand de tous les biens. PIERRE LAROUSSE

La liberté ne se demande pas, elle se prend!

SOLIDARITÉ DANS LE MÉTRO

STM Solidarité Il y a quelques mois, j'ai été hospita­ lisé quelque temps pour une opération d'urgence. À ma sortie, j'étais seul avec mes sacs et marcher me faisait souffrir. Je devais revenir chez moi à l'autre bout de la ville et, arrivé au guichet de la station Berri­UQÀM, j'ai vu que je n'avais pas d'argent sur moi. Avant même que j'aie pu dire quoi que ce soit au préposé du guichet, l'homme juste derrière moi s'est proposé de payer mon ticket. Il n'avait pas l'air particulièrement riche, mais son sourire radieux m'a fait tel­ lement de bien après avoir passé tout ce temps à l'hôpital. Il m'a demandé où je me rendais et le hasard a voulu qu'il se rendait à la station juste après la mienne. Il s'est donc proposé de porter mes bagages… jusqu'à chez moi! Heureusement pour lui, j'habite tout près de la station de métro. Sinon, je n'aurais jamais accepté. Pendant le trajet, j'ai appris qu'il travaillait comme urgentologue à l'hôpital où j'ai été hospi­ talisé ! Il aurait pu être un de ceux qui m'ont accueilli lorsque je suis arrivé en ambulance et là il me conduisait jusqu'à chez moi. J'ai beaucoup apprécié ce beau geste et je vou­ drais souligner la bonté de cet homme qui s'appelle Pierre. Roger

THOMAS EDWARD LAWRENCE

Vous aimez la liberté? Elle habite la campagne. ANDRÉS BELLO

Il faut toujours abuser de sa liberté. PAUL ÉLUARD

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J'ai gagné ma liberté par mon travail et ce travail m'a littéralement emprisonné. CHARLES AZNAVOUR

Envoyez­nous vos propres histoires de solidarité ou de beaux gestes dont vous avez été témoin ou partie prenante dans le métro et les autobus de Montréal à : courrier@itineraire.ca


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DÉTENTE

Mots croisés - L'Itinéraire - 15 février 2014 1

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HORIZONTALEMENT

8. Castor - Numéro 1 en France.

1. Fondateur qui a fini en boulevard.

9. Travaillait au bloc.

1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12.

Fondateur qui a fini en boulevard. Porteur de message ­ Chez les Grecs ou les Espagnols. Peut­être rendues glissantes ­ Possessif ­ Article étranger. Pilotait l'Éole ­ Sujet de discorde? Arrivés en hurlant ­ Perdre son temps. Femme désagréable. Loin du peloton! ­ On peut glisser sur sa peau. Se termine en crochet ­ Diète croate. Mange à New York ­ Débutant. Vient après le vu ­ Pas mortelles. Roulées par le matamore. Désagréable ­ Lente créature. Impertinence. Dignitaire renversé ­ Réponse. Retire ­ Possessif. Arrivés parmi nous ­ Morceau de Sibelius ­ Taupe royale. Défi de mineur ­ Poire à l'envers ­ En vitesse. Fin précipitée. Eau de Berne ­ Du sel pour le chimiste. Cale ­ Quartier de Bordeaux ­ Mauvais frère. Coupe le haut ­ Tête de nœud. Sonneras l'alarme.

Le Saint par des Saints - Joyeux éclats. | grille@maxwood.ca Jeu10.réalisé MaxwoodMedia

2. Porteur de message - Chez les Grecs ou les Espagnols.

11. Préposition - Conquis en 1953. 12. Partie de partie - Pas loin.

3. Peut-êtreer rendues glissantes - Possessif - Article étranger. NIVEAU DE DIFFICULTÉ: FACILE

Solution du 1 février 2014

4. Pilotait l'Éole - Sujet de discorde?

SOLUTION du 1er février 2014 1 1 B 2 E 3 C

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Placez un chiffre de 1 à 9 dans chaque case vide. Chaque ligne, chaque colonne et chaque boîte 3x3 délimitée par un trait plus épais doivent contenir tous les chiffres de 1 à 9. Chaque chiffre apparaît donc une seule fois dans une ligne, dans une colonne et dans une boîte 3x3.

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5. Arrivés en hurlant - Perdre son temps. A L Z A C I E N N E S P Femme O U S Edésagréable. N T A N 6.

O U 4 A G E 5 S E R 6 S E A 7 I I 8 N I E 9 E R N 10 E T

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7. Loin de peloton! - On peut glisser sur sa peau. A

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8. Se Ntermine en crochetR- Diète croate. C C A E 9. Mange à New York - Débutant. R

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NOTRE LOGICIEL DE SUDOKUS EST MAINTENANT DISPONIBLE.

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1. Roulées par le matamore.

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2. Désagréable - Lente créature. 3. Impertinence.

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4. Dignitaire renversé - Réponse. 5. Retire - Possessif.

Vous trouverez la solution dans l'édition du 1er mars 2014

6. Arrivés parmi nous - Morceau de Sibelius - Taupe royale. Jeu réalisé par Ludipresse 7. Défi de mineur - Poire à l'envers - En vitesse.

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fEU VERT À…

HANS MAROTTE

Et toi, comment tu me vois? Vacances de Noël. Dans un parc. À la tombée de la nuit. Mes deux enfants, leur amie et leurs toboggans ont la montagne à eux seuls. Ils sont les rois du monde.

I

ls montent, ils glissent, ils montent, ils glissent. Rien ne peut les arrêter; ni le froid, ni le vent. Le bonheur total! Tout en bas, au loin, un enfant arrive lentement. Il vient à notre rencontre. Il n'a rien d'autre pour glisser qu'un sac de plastique déchiré. En retrait, j'observe la scène. Tout de suite, les enfants lui proposent de former un train pour que tous puissent glisser en même temps. C'est parti! Ils filent à vive allure. Les cris de joie et les rires mon­ tent à mesure qu'ils descendent. Pour les remontées, c'est plus laborieux, je vois que le nouvel ami peine à gravir la pente. Qu'à cela ne tienne, les autres le prennent par la main, le poussent par derrière, le soutiennent lorsqu'il tombe. L'entraide et la solidarité entre eux semblent naturelles, presque innées. Ce beau manège dure jusqu'à ce qu'il faille rentrer pour souper. Au retour, je félicite les enfants d'avoir si rapidement intégré le petit garçon malgré sa différence. ­ Quelle différence papa? ­ …? Bon sang! Ce que moi j'avais vu en premier, les enfants ne l'avaient même pas remarqué! Ce petit garçon avait un problème de langage qui rendait tout dialogue impossible selon ma perception d'adulte. Pourtant, pendant toute l'heure qu'a duré leur manège, cela n'a eu aucune importance. La communication s'est faite le plus naturelle­ ment du monde. Là où je n'ai su voir que la différence et le handicap, les enfants ont vu une opportunité de jouer, un nouvel ami pour encore plus de plaisir. Rien de plus, rien de moins. Il ont vu l'humain avant tout. N'est­ce pas comme ça que nous devrions aborder le monde? Qu'est­ce qui nous vient à l'esprit en premier lorsque nous marchons dans la rue et que notre regard croise celui d'un homme emmitouflé dans son sac de couchage dans l'entrée d'un commerce? À quoi pense­t­on lorsqu'un jeune nous aborde pour nous demander quelques sous? Qu'est­ce qui traverse notre esprit lorsqu'on voit une fille intoxiquée errant autour d'un peep-show? La différence dérange, c'est sûr. Elle nous déstabilise, c'est normal. L'idée n'est pas de l'effacer ni de la nier, au contraire. Mais il me semble que si nous commen­ cions d'abord par changer notre façon de la voir, de regarder plutôt l'humain qui se cache derrière elle, nous pourrions découvrir de bien belles choses. D'abord chez les autres, bien sûr, mais probablement aussi en soi. Merci Jude, Louve et Naélou, de me l'avoir rappelé.

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ITINERAIRE.CA | 15 février 2014

me Hans marotte est responsable des services juridiques au mouvement Action Chômage de montréal




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