eRikm
sommaire / contents
textes / texts Jean-Luc Nancy Graeme Thomson
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Christophe Kihm Yann Beauvais
7 > 9 & 171 > 173
Louis-José Lestocart
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71 > 78 101 > 113 133
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vues d’expositons / exhibitions views
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MU - La Friche la Belle de Mai, Sextant et plus, Marseille mOnO - Espace multimédia gantner, Bourogne inONdible - La Fenêtre, Festival 100%, Montpellier Patholitique - où lieu d’exposition pour l’art actuel, Festival Nuit d’Hiver, Marseille __
NOTICES
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Leïla Quillacq __
BIO
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ERIK Jean-Luc M. Nancy
m. = èm, ème, point. Point d’interruption de la nomination, de l’identification, et identification par le point. Par la pointe, par l’extrémité, par la trouée ou par la coupure pure. De cette aiguille piquée dans mon oreille et de sa trouée, de sa percée ou de son piercing fait retour le son suspendu, la nomination interrompue, par là même ininterrompue, reprise, redondante et résonante. « Mmmm », comme la syllabe sourde de la contemplation du joyau dans la fleur de lotus, ômmmmm. Retour d’interruption à rebrousse-nom. Renvoi d’un silence grommelant, mugissant, vers le clair claquement qui l’ouvrit : erik – erik ème. Cadence en « e », en é, è, ai. Reprise de clair en sombre, d’aigu en grave, de percussion en gorge close, en bouche cousue. Du crié d’erik au murmuré marmonné d’m et au silence point et da capo e crié m émé. Aimé? Erikaime. Aimer fait retentir en soi un autre, une autre qu’on entend nous répondre je t’m. Je t’aime, point. Aimer se résume à sa propre résonance et tout amour est amour propre, proprement amour propre alors même qu’il s’abandonne et se dévoue et se voue à l’autre, à l’éloignement qui fait l’autre et qui le faisant le fait aimable et désirable et inquiétant et redoutable et détestable et délectable et toujours doué d’effet de retour, de réponse, de renvoi, de reprise et de résonance. Erikecho m. m. = em full stop. No stopping the naming, the identification, identification coming via the full stop. Via the point, the far end, the orifice or the pure cut. From this needle planted in my ear and its holing, penetration or piercing, comes the suspended sound, the stopped naming simultaneously unstopped, reprised, redundantly resonant. “Mmmm”, like the low-keyed syllable of the contemplation of the jewel in the lotus, Ommmmm. Return of the name’s back-stopping. Dispatch of a muttering, lowing silence towards the crystalline crack that opened it: erik – erik em. A cadenced “e”. Reprise from crystal to dark, high to low, percussion to throttled throat, to mum’s the word. From the outcry of erik to the muted murmur of m and the full stop da capo silence of outcried e and beloved m. Beloved? Erikloves. Loving triggers inner echoes of another, an other we hear replying I love you. I love you, full stop. Loving comes down to one’s own resonance and all love is self-love, selfishly self-loving even as it runs free vowing and avowing itself to the other, to the distance that in making the other makes the other lovable and desirable and disquieting and redoubtable and detestable and delectable and ever effected with return, response, reference, reprise and resonance. Erikecho m.
Musik donc en musik erik, m point. Le point invite à reprendre : erik m. erik m. erik. echo. ego. egom. mego. merik. Ce qui se passe avec l’organologie nouvelle électronique c’est une intensification exponentielle de la reprise sonore. Toujours musique et chant ont été repris et relance de la capacité vibratoire par laquelle le lointain, le large, le dehors s’annonce dans son éloignement interminable. Résonance en nous de ce lointain, élargissement, dilatation, respiration, inspiration, expiration, largesse, générosité, profusion. Elektronik est le retour du son à cette primitive redondance de l’air ambiant, des circonstances et de la pensée du moment. Un cri d’oiseau, un crissement d’acier, un murmure, un mutisme, une mouche, un mot. Musik ouvre parole d’avant et d’après aucun mot formé. Motus, surgissement et point d’orgue, idée même et suave. So, musik in erik musik, m full stop. The full stop calls for a fresh start: erik m. erik m. erik. echo. ego. egom. mego. merik. What happens with the new electronic organology is an exponential intensification of reprised sound. Music and song have always been reprise and relaunch of the vibratory capacity that lets the remote, the offshore, the beyond declare its own interminable distance. Resonance within us of this remoteness, enlargement, dilation, respiration, inspiration, largesse, generosity, profusion. Elektronik is sound returning to its primordial redundancy of ambient air, of circumstances and the thought of the moment. A bird cry, a steel screech, a murmur, a muteness, a moth, a word. Musik opens speech before and after any formed word. Hush, rush and culmination, same sweet idea.
Ouverture et extension de l’espace de résonance : de cet espace que la résonance espace, écarte puis resserre, enfle et pince en cadence, en alternance variable – l’autre revenant au même puis s’altérant encore, battement, souffle et pulsion, balance, point qui lance (douleur ou plaisir). Creusant le ventre, ouvrant la bouche, timbrant l’oreille. écartant, évasant le dedans du désir immense du dehors, désir de sortir, d’être dehors, d’être un dehors, de retourner tout le dedans fermé en peau tendue sur laquelle rebondit la frappe retentissante de signaux captés au loin, captés en tant que loin. Détachés enregistrés filtrés mixés modulés mobilisés ponctués. Cris et murmures, cris-murmures rejoués en langue asémantique, en lexique sans lexis, en profération de l’imprononçable – du point – de l’innommable clameur marmonnement roulement bruissement ronflement stridence déchirement crissement. La plainte la prière la ferveur du lointain revenant de loin repartant et m’emportant – emportant m – plus loin point aussitôt retournant à l’oreille faisant périple et anabase retour amont boucle d’oreille. Opening up and extension of the resonance space: the space that resonance spaces out, widens/contracts, swells/constricts, rhythmically, in variable alternation – a half-dozen-six of the one and the other, then changing again, beating, breathing and impulse, balance, spot with the sting (of pain or pleasure). Pulling in the stomach, opening the mouth, tuning the ear. Spreading, splaying the inside of the immense desire for the outside, desire to exit, be outside, be an outside, turn the closed inside inside out like a taut skin rebounding the resounding strike of signals captured from afar, captured as afarness. Detached recorded filtered mixed modulated mobilised punctuated. Cries and murmurs, murmur-cries mimicried in asemantic lingo, lexicon without lexis, utterance of the unpronounceable – of the full stop – of the unnameable clamouring mumbling rolling rustling droning jarring wrenching crunching. The lament the prayer the fervour for distance a long hard road setting off again and bearing me off – bearing m off – ever further full stop returning at once to the ear in a long journey a long march return to the source loop ring earring ears ringing.
« Communicate? You too would like to communicate? Communicate what? your backfill? – the same mistake again and again. All of your backfill heaped on itself? You’re not yet intimate enough with you, poor fool, to have something to communicate. » Henri Michaux
« Life on other planets is difficult. » Einstürzende Neubauten
A Land Down Under
I want to begin with a conversation I had with eRikm this summer regarding connections between his musical and visual arts work. Erik told me how a fan had synched a piece of his music (an ear-tickling smatter of digital chirp and grit) to a looped fragment from the tearful farewell scene at the end of Spielberg’s E.T. as Eliot and friends, looking remarkably like reverse-engineered younger selves of Bill Viola’s “Quartet of the Astonished”, watch as their macrocephalous alien pal exits in a knowing twinkle of industrial light and magic. In place of the emotional bombast of John Williams’orchestral score, the pointillist delicacy of the sounds hinted at a numinous micro-world of strangeness and difference that had been sadly lost in this failed encounter with the alien, revealing Spielberg as a filmmaker crippled by infantile oedipal fantasies, the very inadequacies that would make him such a gifted ideologue for the inexorable spread of American cultural hegemony during the 80s. Symptomatically, the film’s best scene, where we see E.T. hiding among Eliot’s bestiary of stuffedtoys, aside from being prophetic of his own destiny as a commercially branded, mass marketed puppet, is a dream of assimilation, of fitting in.
« Communiquer ? Toi aussi tu voudrais communiquer ? Communiquer quoi ? Tes remblais ? – la même erreur toujours. Vos remblais les uns les autres ? Tu n’es pas encore assez intime avec toi, malheureux, pour avoir à communiquer. » Henri Michaux
« Life on other planets is difficult. » Einstürzende Neubauten
Graeme Thomson
Je vais commencer par une conversation que j’ai eue avec eRikm cet été. Il était question des liens entre les aspects visuels et musicaux de son travail. Erik m’a raconté qu’un fan avait détourné l’un de ses morceaux – un de ces concentrés de bruissements électroniques qui vous chatouillent les oreilles – pour l’associer à un passage mis en boucle de la déchirante scène d’adieux à la fin d’E.T., le film de Spielberg. Comme des prototypes rajeunis du “Quintet of the Astonished” de Bill Viola, Eliot et consorts regardent leur ami alien macrocéphale prendre congé avec un sourire entendu, auréolé d’une magie industrielle toute hollywoodienne. Au lieu de l’étalage indigeste de sentiments imposé par la B.O. orchestrale de John Williams, les sons, d’une délicatesse pointilliste, nous invitent à un autre angle d’approche, nous aspirant comme au microscope dans un monde de détails surnaturels, un monde d’étrangeté et de différence. Une approche qui reste malheureusement absente du film d’origine – rencontre manquée avec l’ailleurs. Et si Spielberg se révèle être un réalisateur paralysé par des fantasmes œdipiens puérils, c’est cette tare même qui fera de lui, dans les années 80, l’un des plus talentueux idéologues de l’hégémonie culturelle américaine et de son inexorable progression. Il est tout à fait symptômatique que la meilleure scène du film, dans laquelle on voit E.T. se cacher au milieu de la ménagerie de peluches d’Eliot, ne représente rien de moins qu’un rêve d’intégration, d’assimilation – ainsi qu’une intuition prophétique du destin de produit commercial grand public qui sera le sien.
Fast-forward to a solo concert given by Erik at Les Instants Chavirés last autumn, taking the stage after a typically terse, brooding set by the duo of Bob Ostertag and Gerry Hemingway. Erik’s stage act is, by contrast, uncomfortably flash for the inhabitants of planet improv who, were we to indulge in the orientalist exercise of producing a tourist brochure, we might choose to picture as a tribe of mostly heavy set, balding men bent over tableloads of wires and effects pedals, staring with eerie intent into icy blue laptop light, or prodding at the innards of instruments with an assortment of fan motors, tweezers and electric toothbrushes. Whereas Erik, though his table is as splendidly arrayed as those of his peers (a smorgasbord of turntables, samplers and kaoss pads), whirls around in a motorbike jacket, spinning on his heels, deftly flicking at switches, sliders and control knobs, backhanding slabs of vinyl across the room, even managing to incorporate the buzz of a faulty cable connection into the hydra-headed, tourettic-tongued jazz-noise monster he conjures from a chaosmic dance of stalactite-sharp clicks and pops. There’s an incongruous showbiz pizzazz to the routine, a gestural excess that seems to lift off and float free of its musical ground and that prompts a number of mildly disapproving scowls and smirks from certain quarters of the audience. However much he may be a part of it, eRikm doesn’t fully fit in to this scene. It’s as though he were in the grip of multiple possession by Michael Jackson, Edward Scissorhands, Grandmaster Flash and the Mickey Rourke of Coppola’s “Rumble Fish”. eRikm, it strikes me, is a creature of the 80s. Avance rapide jusqu’à un concert solo donné par Erik aux Instants Chavirés, l’automne dernier. Il succède à un set de Bob Ostertag et Gerry Hemingway, typiquement froid et menaçant. La performance d’Erik, en comparaison, doit sembler quelque peu rentre-dedans aux habitants de la “planète Impro”, que nous pourrions dépeindre, si nous nous autorisons cet exercice exotique digne d’une brochure touristique, comme une tribu de gaillards costauds et plutôt dégarnis, courbés sur des montagnes de câbles et de pédales d’effet, le regard bizarrement perdu dans la lumière blafarde d’un ordinateur portable, triturant les entrailles d’un quelconque instrument à l’aide d’une batterie de moteurs, de ventilos, pinces à épiler et autres brosses à dents électriques. Tandis qu’Erik – même si sa table n’a rien à envier à celles de ses pairs (fatras de platines, samplers et kaosspads en tous genres), virevolte dans son blouson de motard, tournoyant sur ses talons, manipulant les boutons, potentiomètres et sliders avec dextérité, envoyant valser les vinyles dans toute la salle, réussissant même à incorporer dans sa mixture noise-jazzy le grésillement d’un câble défectueux. Dans cette danse “chaosmique”, cliquetis et claquements fusants comme des stalactites, il invoque un monstre protéiforme, un hydre polyglotte et bégayant. Il y a quelque chose d’incongru, un côté tapageur et provocateur, une gestuelle exacerbée qui semble prendre son essor et échapper à toute justification musicale, et cela soulève le mécontentement dans certaines zones du public, occasionnant quelques grimaces et ricanements. eRikm a beau faire partie de cette scène, il n’est jamais vraiment dans les clous. C’est comme s’il était possédé par les multiples fantômes de Michael Jackson, Edward aux Mains d’Argent, Grandmaster Flash et Mickey Rourke dans “Rusty James” de Coppola. eRikm, c’est frappant, est une créature des années 80.
The 80s. A traumatic time for many like me who had to spend the bulk of their adolescence there. Yet removed from the bleakness of experience in the vaguely surrealist postcard abstraction of a Youtube clip, the 80s, even at their most wilfully crass, look like the last epoch when some notion of futurity was still on the agenda. It was retro-futurity to be sure, as the last vestiges of collective dreamwish were gradually swept off the streets into a mirror-walled consumer playground that winked with the brightly spangled wares of an increasingly policed imaginary. Yet buried beneath this was a sciencefiction propulsion towards a society pullulating with mutancy and freakishness, from the Burroughs/Ballard fuelled paranoia of the post-punk and industrial noise music underground and bombed-out afro-futurism of politically conscious hip-hop to the cool urban dystopias of Detroit techno, or the plastic synth queering of more mainstream pop identities. Even the big hair of capitalist restoration seemed at times to be ruffled by a wind from elsewhere. Much of what constituted the future horizon of that period was of course related to the increased ease with which fragments of the recorded past could be manipulated through the availability of affordable sampling technology and the a-parallel evolutions of the techniques of hip hop DJ culture, plunderphonics and abstract turntablism, whose roots lay in the varispeed turntable and tape loop experiments of composers such as John Cage, Pierre Schaeffer and Edgar Varèse and in the literary cut-up techniques of writers like Burroughs and Brion Gysin in a tradition stretching back to Kurt Schwitters. Les années 80. Époque traumatisante pour ceux qui, comme moi, ont du y passer la majeure partie de leur adolescence. Séparée de l’expérience néfaste de sa réalité historique, carte postale floue recadrée par YouTube, vaguement surréaliste, la culture pop des années 80, même au sommet de sa bêtise, semble témoigner de la dernière époque où une idée de futur fût encore au programme. Un rétro-futurisme, assurément – à un moment où les derniers vestiges du rêve collectif étaient balayés petit à petit, laissant progressivement place à un terrain de jeu pour consommateur narcissique, sorte de palais des glaces achalandé de marchandises scintillantes, porteur d’un imaginaire à paillettes de plus en plus policé. Mais sous la surface, il y avait cet élan aux accents de science-fiction, cet attrait pour une société envahie de mutants et de freaks : les milieux underground post-punk, indus et noise et leur paranoïa héritée de Burroughs et Ballard, le hip-pop politisé et son afro-futurisme destroy, les contre-utopies urbaines plus relax de la techno de Détroit, les extravagances synthétiques auxquelles se livraient la plupart des stars de la pop mainstream. Même le costume bouffant du capitalisme restauré se laissait chiffonner par ce vent venu d’ailleurs. L’époque se distinguait par de nouvelles perspectives : il était de plus en plus facile pour quiconque le souhaitait de manipuler les fragments des documents du passé, grâce aux techniques de sampling qui commençaient à être abordables, et au foisonnement de nouvelles évolutions technologiques propres aux mouvements musicaux émergents : culture DJ hip-hop, plunderphonics, abstract turntablism… Ils étaient les héritiers de John Cage, Pierre Schaeffer, Edgard Varèse, de leurs expérimentations à base de bandes mises en boucles et de platines à variateur de vitesse, les héritiers d’auteurs tels que Burroughs et Brion Gysin, instigateurs de la technique du cut-up – une tradition remontant finalement jusqu’à Kurt Schwitters.
Such points of reference, as yet virtually unacknowledged in the mainstream pop and classical music worlds, were part of the basic vocabulary of nearly every fledgling underground musician and artist spawned by punk’s DIY aesthetic. Sampling was correlative to the schizoid, machinic unconscious. It promised the liberation of deterritorialized refrains and material flows from the shackles of identity, authorship and ownership, turning the logic of musical creation on its head by recomposing from the detritus of what had already been materially produced. Reprocessed, dismantled or recombined, the dead products of more or less alienated musical labour would become the raw material for an assemblage of anachronistically ‘new’ forms and textures, heralding a replicant humanity, playfully conscious of the inauthenticity of their inner selves. The vaguely situationist politics of citation and détournement that informed early sampling practices, in particular plunderphonics, were soon appropriated for cheap but lucrative commercial ends, however, and as a result quickly fell victim to an increasingly repressive application of copyright law at whose heavily policed borders samples now had to be ‘cleared’. Experimental musicians would gradually shift more and more arcane research, mining the very margins and microterritories of sound particles – glitches, controlled feedback, ghost artefacts, the scree of vinyl run-on grooves – if not the amplified sonic textures secreted by the components of the machines themselves. It’s curious how eRikm’s practice, operating at a metalinguistic remove, involves a kind of recombinant sampling from all phases of this history, rather than adhering to any single one and does so not simply at the sonic level but also at that of physical and material gesture. Ces références, méconnues tant des milieux classiques que des milieux pop, faisaient pourtant partie du vocabulaire de base de presque tout artiste ou musicien lié à l’esthétique “do-it-yourself” du punk. Le sampling fonctionnait à la façon d’un inconscient machinique et schizoïde. Avec cette possible déterritorialisation des refrains bien connus, c’était tout un flux d’information musicale qui pouvait être libéré du joug de l’identité, de la propriété, de la condition d’auteur. La logique de la création musicale était mise sens dessus dessous, recomposée à partir des détritus de ce qui avait déjà été matériellement produit. Démantelés, re-traités, recombinés, les produits déclassés d’un travail musical plus ou moins aliéné devenaient le matériau de base permettant de construire des textures et des formes anachroniquement « nouvelles ». Le signe avant-coureur d’une humanité de réplicants s’amusant consciemment de leur propre inauthenticité. La politique vaguement situationniste de citation et de détournement à l’œuvre dans le sampling des débuts – en particulier dans ce que l’on nomme « plunderphonics » – fut bientôt récupérée à des fins commerciales, d’une manière certes bien plus anodine, mais avec un potentiel non moins lucratif. Et en conséquence, le mouvement fut bientôt en proie à une application des lois sur le copyright de plus en plus répressive, dont le territoire bien défini n’acceptait plus le sample au sein de ses frontières. Les musiciens expérimentaux se replièrent sur une recherche de plus en plus ésotérique, pénétrant dans les tréfonds de la matière sonore, dans les micro-territoires des particules de son, explorant les erreurs de traitement, le feedback contrôlé, les artéfacts fantômes tels que le craquement des sillons vierges des vinyles, jusqu’à l’amplification de textures sonores sécrétées par les composants même des machines. La position d’eRikm par rapport à ces pratiques trahit un surprenant recul méta-linguistique. Plutôt que d’adhérer à l’une ou l’autre des phases de cette histoire, il semble en effet les recombiner, non seulement à un niveau purement musical, mais aussi en matière de présence gestuelle et matérielle.
A sculptural work such as “Staccato” provides a neat, almost audible synthesis of the shift from analogue to digital politics as horizontally stacked shards of vinyl records strung along a wire come to constitute a forbiddingly jagged mountain horizon on which one risks doing oneself an injury. The image contemplates its virtual double in the smooth sheen of the dark mirror surface below that at the same time reflects its shadow onto the wall transformed into something resembling a DAW representation of a signal path. The resulting interplay and translation between textural, rhythmic and musical values, between physical closeness and abstract distance induces a kind of delayed haptic perception, a deferred sense of touch that intercedes between the audible and the visible, the actual and the virtual. « It won’t sound like music. It will sound like what we hear when we’re not hearing music. » John Cage
« Heard melodies are sweet but those unheard Are sweeter; therefore ye soft pipes, play on Not to the sensual ear, but more endear’d Pipe to the spirit ditties of no tone » John Keats
« I don’t think you understand Bad music is grand If you like it. » Blectum from Bletchdom
Une œuvre sculpturale comme “Staccato” fournit une synthèse claire, presque audible, du passage de l’analogique au numérique. Ses éclats de vinyles suspendus horizontalement, reliés entre eux par un câble métallique, dessinent une ligne d’horizon accidentée évoquant une chaîne de montagnes, sur laquelle on pourrait presque se blesser. L’image contemple son double virtuel dans la surface patinée d’un miroir qui reflète sur le mur son ombre suggérant une représentation graphique du signal telle qu’on peut en voir dans les interfaces des logiciels de musique assistée par ordinateur. Le jeu d’échanges et de traductions entre les valeurs tactiles, musicales et rythmiques, entre la proximité physique et la distance conceptuelle, induit une sorte de perception haptique différée, un sens du toucher qui vient après-coup, qui intercède entre l’audible et le visible, le concret et le virtuel. « It won’t sound like music. It will sound like what we hear when we’re not hearing music. » John Cage
« Heard melodies are sweet but those unheard Are sweeter; therefore ye soft pipes, play on Not to the sensual ear, but more endear’d Pipe to the spirit ditties of no tone » John Keats
« I don’t think you understand Bad music is grand If you like it. » Blectum from Bletchdom
Cage’s desire to let sounds ‘be themselves’ appears to admit of no distinction between musical and non-musical sound events or between pre-recorded and live ones. Operating in an indiscernible borderland he invites us to listen to the precisely pitched events of music in terms of pure sound and unpitched sounds as though they were music. Such ecumenical thinking was instrumental in levelling the playing field and preparing it for the development of both non-idiomatic and electroacoustic improvisation. But what Cage fails to account for is the rhetorical redundancy that is apt to reterritorialize even the most open forms of music in terms of easily recognizable codes or aesthetic templates, codes that tend to shape (or be shaped by) the tastes, antipathies, cultural training and behavioural or attitudinal sets of the communities that gather around and sustain them. The resulting ‘scenes’ that quickly fall victim to the reassuring yet fundamentally arid repetition of exhausted gestures are saved only by those who dwell on their borders looking out towards other horizons, other multiplicities, contemplating betrayal. Perhaps it’s the very identities of musicians themselves that are too overcoded, too specialised, too molar in their outlook. I get the feeling that it is only disjunctive repetition and montage of the kind that crosses perceptual codes and disciplinary boundaries that retains the power to salvage dead forms by investing them with new problematics. And this is something quite central to Erik’s work which cannot be divided between music and visual, or even media art but is always short-circuiting between them, reconfiguring the terms by which we consider each. Cage, dans son désir de laisser les sons « être eux-mêmes », semble n’admettre aucune distinction entre les sons musicaux et non-musicaux, entre les sons pré-enregistrés et ceux produits en live. Depuis cette frontière, ce seuil de perception, il nous invite à écouter les sons organisés de la musique comme s’ils étaient des sons comme les autres, et les sons bruts comme s’ils étaient de la musique. Une pensée si œcuménique ne pouvait que contribuer à préparer le terrain pour le développement de formes d’improvisation non-idiomatiques et électroacoustiques. Mais il y a une chose que Cage ne peut pas expliquer, c’est la redondance rhétorique capable de reterritorialiser même les formes de musique les plus ouvertes, de les réorganiser selon des codes esthétiques, des formes reconnaissables, qui ont tendance à susciter (ou à être suscités par) des préférences, des antipathies, des acquis culturels, des attitudes ou des comportements propres aux communautés qui s’intéressent à ces mouvements et les font vivre. Et ces scènes, rapidement victimes de la répétition certes rassurante mais fondamentalement aride de codes éculés, ne peuvent être sauvées que par ceux qui en arpentent les frontières, qui regardent au-delà, à la recherche d’autres horizons, d’autres multiplicités, près à franchir le pas de la trahison. Ce sont peut-être les identités mêmes des musiciens qui sont trop sur-codifiées, trop spécialisés ; leur comportement est trop molaire. Il me semble que le seul salut possible pour ces formes mortes, c’est la possibilité de les investir de nouvelles problématiques, à travers la répétition disjonctive, à travers des formes d’organisation musicale dépassant les frontières disciplinaires et les codes perceptifs. Et c’est quelque chose qui est primordial dans le travail d’Erik, qu’on ne peut diviser en visuel et musical, ni même taxer de multimédia, car il vient toujours court-circuiter ces distinctions, reconfigurant sans cesse les termes selon lesquels nous les envisageons.
It’s remarkable how an apparently simple video work like “Digicode” for instance is able to breathe new life into what has become the sad pantomime of Cage’s 4’33, showing with an almost Farocki-like precision the minimal gestures of the electronic musician, manipulating the various control surfaces of his gear as he performs an otherwise inaudible music. Here, the echo of Cage’s silence can be felt in a silent or ‘silenced’ movie in which music rather than serve as guiding accompaniment and affective supplement becomes through its manual interface a dematerialized object of vision, one whose emotional tenor can only be felt through the suspended movements and hesitations of a pair of hands, as though the sound’s ineffable plenitude had to pass through the syntax of a mute Bressonian sign language. One even has a feeling that the actions could be pure mime, but it is the doubt itself that make us feel the uncanny, disembodied nature and absolute separateness of digital signal processing, its happening always elsewhere. Hearing what was going on would be beside the point. More than that it would be a disappointment. It is by listening to the image that we are able to see sound in a new way. It makes me think of the different sense given to the word improvisation in music and in cinema. While musical improvisation permits musicians a large measure of free play in terms of the sounds they produce, they essentially remain trapped in the realism of their role as musicians, whereas dramatic improvisation implies the opening of an indiscernible space of play between the actor and his role, where acting becomes a kind of playacting in which effects of reality, illusion, parody, or of truth and falsehood of performance are often impossible to distinguish. We can see this most clearly in the longform experimental work of filmmakers like Rivette where our relation to the events is alwaysopen and uncertain, as they appear to take place in a world “parallel to the one we know in”. C’est incroyable à quel point une œuvre vidéo apparemment simple, comme “Digicode”, peut apporter un souffle nouveau à ce qui était devenu le triste pantomime de 4’33 de John Cage. Avec une précision presque Farockienne, on nous montre les gestes infimes du musicien électronique, manipulant les surfaces de contrôle de son équipement, dans une performance pourtant inaudible. Ici, l’écho du silence de Cage se répercute dans un film muet, un film « passé sous silence », dans lequel la musique, plutôt que de servir d’accompagnement suggestif ou de complément affectif, devient, à travers sa propre interface matérielle, un objet de vision dématérialisé dont la teneur ne peut se mesurer qu’aux mouvements suspendus, aux hésitations de deux mains, comme si l’ineffable plénitude du son devait passer par la syntaxe d’un langage corporel bressonien. On dirait presque que les actions sont pur mime, mais c’est le doute même qui nous fait ressentir à quel point le traitement du signal est détaché de nous, étrange, inexplicable, désincarné, toujours produit ailleurs. Entendre ce qui se passe n’aurait aucun intérêt. Ce serait même une déception. En écoutant l’image, nous voyons le son sous un jour nouveau. Cela m’évoque la différence de signification que prend le mot « improvisation » selon qu’on l’utilise au cinéma ou en musique. En musique, l’improvisation alloue une bonne mesure de liberté en matière de diversité sonore, mais le musicien reste piégé dans le réalisme de son rôle de musicien. L’improvisation dramatique, en revanche, implique l’ouverture d’un espace de jeu indicible entre l’acteur et le rôle qu’il tient, le jeu théâtral devenant un jeu au sens propre, la performance ne permettant souvent plus de distinguer la réalité de l’illusion ou de la parodie, le vrai du faux. On perçoit cela très clairement dans les longs métrages expérimentaux de cinéastes comme Rivette, où nous sommes toujours dans une position d’incertitude et d’ouverture par rapport à des événements semblant se dérouler dans un monde « parallèle à celui dans lequel se déploie notre connaissance ».
There is something of this uncertain distance in eRikm’s bizarre live performances, which seem to occur in some delirious teen movie of the mind, a retooled “Back to (or from) the Future” in which a boyish experimental turntablist roars into town on his motorbike and shocks the prom into discombobulated spasms with an obnoxious mulch up of regurgitated partial object fragments of whatever chart fodder was used to sell the film. It’s this detached, slightly amused, almost anthropological interest in the rhetorics of (this time audible) musical gestures that informs “Austral”, one of eRikm’s most intriguing works to date. The name means ‘coming from the south’ with its attendant connotations of disorder and underdevelopment. The story sounds like a scenario for a Jean Rouch movie. The prestigious Ensemble Intercontemporain, founded by Pierre Boulez to perform a repertory of the works of ‘approved’ contemporary composers, commission Erik to compose a piece for them. Having moved from playing guitar in postpunk bands to years honing his improvisational skills as a turntablist and electronic musician, Erik is initially enthused by the challenge of working with classically trained musicians, though equally cognizant of his untutored outsider status. His idea is to get the ensemble to freely improvise and to record and sample the results of the process. The musicians are not keen on this procedure, however, especially as their notions of improvisation turned out to be a catalogue of clichés running from Bach fugues to serialist tone rows. Are they no more than programmed human samplers, memory banks stuffed to capacity with the used-up tropes of musical history? Where is Boulez’s much vaunted amnesia when you need it? Feeling exposed, the ensemble pull out of the experiment. Erik persists for a while with the cellist but he too eventually withdraws, feeling his musical personality is being psychoanalysed and found wanting, its innermost core hollowed out for public scrutiny. The musicians’ concern for authenticity somehow prevents them from seeing how they can play with the clichés that informed their playing, how these might be a platform for invention, resistance and escape. Il y a quelque chose de cette distance incertaine dans les singulières performances d’eRikm, qui semblent avoir pour cadre un teen-movie imaginaire délirant, une refonte de “Retour vers le (ou du) Futur”, dans laquelle un expérimentateur sonore déluré déboulerait sur sa moto pour transformer le bal de promo en une ronde endiablée et spasmodique, sa platine régurgitant une bouillie nauséabonde de fragments des diverses soupes commerciales supposées faire vendre le film. C’est de cet intérêt détaché, quelque peu amusé, presque anthropologique pour la rhétorique du geste musical (cette fois bien audible) qu’est née “Austral”, l’une des œuvres d’Erik les plus intrigantes à ce jour. Le titre signifie « qui vient du Sud » et connote en conséquence le désordre et le sous-développement. L’histoire de cette pièce ressemble au scénario d’un film de Jean Rouch. Le prestigieux Ensemble Intercontemporain, fondé par Pierre Boulez dans le but d’interpréter le répertoire des compositeurs contemporains « autorisés », commande une pièce à Erik. Erik, qui a commencé comme guitariste dans des groupes post-punk avant de développer ses capacités d’improvisateur aux platines et à l’électronique, se trouve enthousiasmé par la proposition de travailler avec des musiciens classiques chevronnés, tout en restant bien conscient de son statut de marginal. Il imagine faire improviser librement l’ensemble, et sampler le résultat. Mais les musiciens ne semblent guère enchantés par le processus proposé, et surtout, leurs notions d’improvisation se révèlent brasser un catalogue de clichés allant des fugues de Bach aux progressions sérielles. Sont-ils donc des samplers humains programmés, des banques de données pleines à craquer de ficelles éculées de l’histoire de la musique ? Où est-donc passée l’amnésie tant louée par Boulez ? L’ensemble, désarmé, se retire de l’expérience. Erik persiste quelque temps avec le violoncelliste, mais il finit lui aussi par abandonner. Il a l’impression d’une psychanalyse de sa personnalité musicale, d’une mise à nu de son être intime et de ses lacunes, révélées au grand jour. Le souci d’authenticité des musiciens les empêche parfois de voir qu’ils peuvent jouer avec les clichés qui conditionnent leur pratique, mais qui peuvent être un formidable point de départ pour l’inventivité, la créativité, la résistance, l’évasion.
Eventually Erik took up the “Austral” project again with Laborintus, another ensemble more sympathetic to his aims. Equally fascinated by the musicians’ trained automatic reflexes and by the margins of their playing – wheezings of breath, the scrape of a bow, chair creaks, clicks of keys, he compiled these into a catalogue of samples, a kind of collective musical biomemory or genome map of their training. This served as the basis for him to improvise with the ensemble, reprocessing the material live as they played with it while watching an abstract video work made with the software Processing, in which veiled photographs of landscapes taken during a trip to the Chilean and Argentinian border regions are gradually made to reveal portions of themselves in a shifting Rorschach cartography. Playing against a background of scrambled traces of their own musical identities, returned in unrecognizable currency, the musicians become wandering exiles momentarily detatched from the burdens of self-expression. The multiple translations and displacements across cultural, geographic and media boundaries involved in “Austral”, give rise to sounds that can be heard as an attempt to shed one’s native idiom, to speak as though in a foreign tongue, conjuring a minor music from bits and scraps of its major language. Erik finit par reprendre le projet “Austral” avec Laborintus, un autre ensemble plus ouvert à ses propositions. Fasciné tant par les réflexes automatiques acquis par les musiciens à force de pratique que par les failles dans leur jeu – bruits de respiration, grattements des archets, craquements de chaises, claquements des clés –, il les échantillonne dans une banque de samples, sorte de biomémoire musicale collective, de cartographie génétique de leur pratique. Il utilise cette base pour improviser avec l’ensemble, traitant ce matériau en live tandis que l’ensemble joue, devant la projection d’une vidéo abstraite élaborée avec le logiciel Processing. Des paysages énigmatiques photographiés lors d’un voyage à la frontière de l’Argentine et du Chili se dévoilent par fragments, comme une cartographie mouvante de Rorschach. Les musiciens jouent par-dessus les traces brouillées de leurs propres identités musicales, qu’on leur rend dans une monnaie inconnue – ils sont comme des voyageurs en exil, errant momentanément bien loin du fardeau de l’expression personnelle. Les sons qui surgissent des traductions et des glissements entre les frontières culturelles, géographiques et matérielles induites par “Austral” font songer à une tentative d’oublier une langue maternelle, en faisant semblant de parler une langue étrangère, incarnant une musique minoritaire à partir de morceaux et de chutes de son langage majoritaire.
The resulting music, both event and simulacrum, keeps its distance, never letting us know how seriously it wants us to take it. By the same measure, eRikm’s own role in the process is ambiguous involving a kind of scrambling of the roles of improviser, conductor and composer. Is it serious music or playacting? We strive against the echoing walls of its cultivation as we do of its barbarism. Yet in its sense of exile “Austral” also implicitly recognizes how even the most advanced improvisational techniques, however non-idiomatic they might claim to be, are equally inclined to sediment into cliché automatism. There is always a need for an outside. A land down under, a land of underdevelopment. Without this the music would fall into dispiritingly predictable cycles of redundancy. There is surely a point when what we hear when we’re not hearing music comes again to sound like music, and perhaps of the dullest kind. It may then be that surprise and tension can only come from the chance intervention of some disconcertingly familiar yet uninvited element. Some awkward, illfitting particle that threatens to make the whole edifice explode. Who can it be now? La musique obtenue, à la fois événement et simulacre, conserve une distance, ne nous laissant jamais deviner à quel degré nous sommes censés la prendre. Le propre rôle d’Erik dans la manœuvre est tout aussi ambigu, car il brouille en quelque sorte les pistes entre les rôles de l’improvisateur, du chef d’orchestre et du compositeur. Est-ce de la musique sérieuse, ou alors fait-il semblant ? Tentant de faire la distinction, nous nous cognons à des murs qui nous renvoient autant d’échos de la civilisation que de la barbarie. Pourtant, même avec le sentiment d’exil qu’il suscite, “Austral” reconnaît implicitement que même les techniques d’improvisation les plus poussées, si non-idiomatiques qu’elles prétendent être, sont tout aussi prédisposées à la sédimentation d’automatismes stéréotypés. On a toujours besoin d’un extérieur. D’une zone en sous-développement, quelque part là en-bas1. Sans cela, la musique finirait par se réduire à des cycles et à des redondances stérilement prévisibles. Il y a sûrement un moment où ce que nous entendons, quand nous n’écoutons pas de musique, se remet à sonner comme de la musique, peut-être même la plus triviale qui soit. Peut-être, en fait, que la surprise et la tension ne peuvent venir que de l’intervention du hasard, lorsqu’il vient introduire un élément étrangement familier, et pourtant imprévu. Un corps étranger, incommode, qui menace de faire sauter tout l’édifice. Qui pourrait-ce bien être – who can it be now ?
1 - Le titre original du texte, “A Land Down Under”, se réfère à un tube des années 80, “Down Under” du groupe australien Men At Work.
Vues d’expositions / Exhibitions views
Instincteur 2011 25,9 Ă˜ x 62,5 cm Extincteur, haut-parleur / Extinguisher, loudspeaker
“Y” +/- AUDIBLE 2001 Dimensions variables / Dimensions variable Haut-parleurs, ampli, tube acier, égaliseur paramétrique / Loudspeakers, amplifier, steel tube. parametric equaliser
STACCATO 2003 800 cm 888 disques vinyle, cable acier / 888 vinyl records, wire rope
ci-contre et ci-dessus / opposite and above
Spiccato 2012 50 cm Ø 444 disques vinyle, cable acier / 444 vinyl records, wire rope __ pages suivantes / next pages
AMOCO SCORE I 2008 Objet de récupération en plastique noir, résine époxy / Black plastic found object, epoxy resin
AUTODAFé 2010 400 cm Ø Lettres d’imprimerie en plomb / Printing lead letters
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KING RATS 2006 Dimensions variables / Dimensions variable Souris d’ordinateur / Computer mices __ ci-contre et pages suivantes / opposite and next pages
SeQ-L 2010 Dimensions variables / Dimensions variable Tubes acier, pvc / Steel tubes, pvc
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ITÉRATION 2000 42 x 29,7 cm chaque / each Photocopies laser / Laser photocopies __ ci-contre et pages suivantes / opposite and next pages
AMYGDALE 2010 Masques de boxe, capteurs, système électronique / Boxing helmets, sensors, electronic device
ÉCRAN TOTAL 2010 Dimensions variables / Dimensions variable Chassis bois, toile de store / Wood frames, striped canvas
ci-contre et pages suivantes / opposite and next pages
BORDER 2010 Dimensions variables / Dimensions variable Puzzles, cadres acier / Puzzles, steel frames
porn noise 2010 Disqueuse, disque vinyle colorĂŠ, silicone / Angle grinder, coloured vinyl record, silicone
CHRISTOPHE KIHM partitions / répartition Qui aura visité les deux expositions d’eRikm, qui se tenaient à l’Espace multimédia gantner de Bourogne et à la Galerie de la Friche la Belle de Mai de Marseille l’été 2010, aura pu éprouver deux impressions différentes. La répartition des œuvres dans des espaces séparés, parfois clos, sur les différents paliers d’un bâtiment en étages favorisait pour la première un parcours où la spécificité de chacun des travaux était mis en valeur par le maintien d’intervalles silencieux qui conduisaient de l’un à l’autre. Le plateau grand ouvert de la Friche la Belle de Mai, dont l’espace est strié par des colonnes de béton, produisait à l’inverse une coexistence bruyante pour ces œuvres, dont certaines étaient identiques ou appartenaient aux mêmes séries que celles présentées à Belfort. Ces deux impressions de quiétude et d’agitation ne sont pourtant pas réductibles aux plans de la disposition ou aux propriétés physiques et acoustiques des deux espaces d’exposition, comme aux effets de brouillage produits par les sons dans un espace ouvert ou à l’acoustique feutrée des salles obscures. Il est possible, à partir d’elles, de formuler une hypothèse différente, pour peu que l’on rabatte ces qualités sur les œuvres elles-mêmes, considérées dans leur singularité et leur complexité, pour mettre en exergue, dans leur manière de faire coexister des éléments hétérogènes, certaines de leurs propriétés et certains de leurs effets.
scores and more Anyone who went to eRikm’s exhibitions at Gantner in Bourogne and the galerie de la Friche la Belle de Mai in Marseille in the summer of 2010 may well have come away with two different impressions. In the first case the distribution of the works in separate – and sometimes enclosed – spaces, and on different levels of a several-story building, offered a layout that emphasised the specific character of each piece with interconnecting zones of silence. By contrast the Friche space, wide open and striated with concrete columns, meant noisy coexistence for the works, some of which were identical to or from the same series as the Belfort ones. These opposed impressions of tranquillity and unrest cannot, however, be put down to the respective arrangements or to the physical and acoustic properties of the two venues, as if it were a question of scrambled sound in an open area as opposed to the hushed ambience of a cinema. A different hypothesis is possible if we attribute these features to the works themselves, in all their singularity and complexity, and if we foreground some of their properties and effects in terms of the coexistence of a mix of elements.
L’exemple le plus simple pourra en être donné à partir de travaux – parmi les plus nombreux – qui mettent en rapport des images et des sons et où le parti pris de l’artiste consiste à maintenir l’hétérogénéité de leurs constituants. Ce principe s’actualise à travers un grand nombre de propositions : depuis le tuilage des propriétés physiques d’une image et d’un son (“aUTOPORTRAIT”), jusqu’au recyclage d’éléments visuels et sonores préexistants (“Générescence soustractive”, “Simulacres Set”), comme dans la réalisation de graphies – textes ou dessins – à des fins musicales (“Construct / Deconstruct”). Il s’applique à la construction d’objets et procure un élément décisif pour comprendre le type de liaison qui s’opère, dans le travail plastique d’eRikm, dans la combinaison d’éléments hétérogènes visuels et sonores, dans leurs répartitions comme dans leurs partitions. Il en éclaire la duplicité, sans pour autant expliquer comment une œuvre pourrait être, à la fois, silencieuse et bruyante (pour en revenir à notre point de départ), et moins encore sous quelles conditions l’hétérogénéité peut fonctionner comme un principe duplice. L’hypothèse ne remplace pas l’analyse, mais elle nous livre immédiatement un deuxième enseignement. Au sein des productions plastiques d’eRikm, la tension des hétérogènes ne se résout pas en une totalité unifiée. On doit donc situer ce travail, dans sa relation à la construction de dynamiques images et sons, à l’opposé de ceux qui, nombreux, visent la résolution des hétérogènes dans des synthèses unificatrices. La perspective moderniste de l’œuvre d’art totale, qui a longtemps déterminé la nature des relations combinatoires entre les images et les sons, serait donc ici renversée, au profit de machineries complexes, où les combinaisons seraient irrésolues, au risque de la contradiction, de la confrontation ou de l’accident. The simplest example can be derived from works – among the most numerous as it happens – that set up a relationship between images and sounds and in which the artist has opted for maintaining a jumble of components. This principle finds expression in many different approaches: from overlapping the physical properties of an image and a sound (“aUTOPORTRAIT”) to recycling preexisting visual and sound elements (“Générescence soustractive”, “Simulacres Set”) and creating written forms – texts or drawings – for musical purposes (“Construct/Deconstruct”). It applies to the construction of artefacts and is a decisive aspect in understanding the kind of linkage eRikm’s visual work establishes between distinct visual and sound components, in terms of both distribution and scoring. It clarifies their duality, but – to return to my original point – without explaining a work’s capacity to be silent and noisy at the same time, and even less the preconditions for heterogeneity to function as a principle of duality. The hypothesis does not replace analysis, but it immediately leads us to a second conclusion. Within eRikm’s visual output the tension between heterogeneous items is not resolved into a unified totality. So his work, in terms of the construction of sound and image dynamics, must be seen as going counter to those numerous other oeuvres aimed at resolution of heterogeneities into unificatory syntheses. Thus the modernist view of the total work of art, which long determined the combinatory relationships between images and sounds, is reversed here in favour of complex mechanisms which leave combinations unresolved, at the risk of contradiction, confrontation and accident.
Duplicités Ce renversement implique des types de raccord et de montage des hétérogènes qui déterminent leurs modes de coexistence, leurs formes, leurs portées comme leurs significations. Il engage également des opérations techniques, même si il n’est pas absolument nécessaire d’avoir recours à un appareillage technique visuel ou sonore pour mettre en relation une image et un son. “Staccato” est composée de 888 vinyles qui forment un bloc sculptural sur une longueur de 8 mètres. Tous les sillons gravés sur ces disques comportent des sons d’instruments à cordes. Ils ne sont pas activés et demeurent ainsi interdits à l’écoute. La pièce est « muette », en ce sens, et son auditeur reste « sourd ». Mais l’accumulation de ces matériaux sur un axe horizontal et la ligne striée que dessinent leurs découpes sur une longueur de 8 mètres produisent une image : celle d’une onde sonore, dont la courbe graphique est matérialisée dans l’espace. Plusieurs qualités se combinent ici et organisent la circulation du visuel et du sonore : l’accumulation matérielle des objets vinyles et l’indisponibilité des sons gravés permettent la figuration d’un autre son, que l’on peut lire à défaut de l’entendre. Des opérations de traduction sont donc mises en jeu, qui portent sur différentes matérialisations du sonore (la gravure et la transcription graphique), mais aussi sur les deux dimensions du dessin et les trois dimensions de la sculpture. Dans le passage d’un support à un autre, d’une dimension à une autre, émerge la duplicité à l’œuvre dans cette pièce, dont le spectre oscille entre deux pôles opposés selon la distance que l’on observe vis-à-vis d’elle : plus l’éloignement est grand, plus l’ensemble se lisse en une ligne ondulatoire ; plus on se rapproche et plus il se décompose en un chaos de disques brisés. Sans émettre aucun son, « l’installation sourde » est potentiellement bruyante et effectivement silencieuse. Il y a bien là deux totalités qui se prennent en étau.
Dualities This reversal involves types of joinings and montages of heterogeneous components which determine their modes of coexistence, their forms, their reach and their meanings. It also triggers technical operations, even if it not absolutely necessary to resort to a visual or sound device to set up a relationship between an image and a sound. “Staccato” comprises 888 vinyl records forming a sculptural mass 8 metres long. All the grooves on the discs contain sounds of stringed instruments, but the discs are not played and so cannot be heard. The piece is “mute” in this sense and its listener remains “deaf”. However the accumulation of the items along a horizontal axis and the striated line created by their edges over the 8 metres give rise to an image: that of a sound wave whose curve takes on concrete spatial form. Here several attributes combine and organise the circulation of the visual and sound: the tangible accumulation of the vinyl objects and the unavailability of the sounds etched into them enable the figuration of another sound, one that can be read if not heard. Thus translation operations are brought into play which bear not only on different materialisations of sound (engraving and graphic transcription), but also on the two dimensions of drawing and the three dimensions of sculpture. In the transition from one medium to another and one dimension to another, there emerges the duality at work in a piece whose spectrum oscillates between two opposite poles according to the distance between viewer and work: the closer you get, the more the work breaks down into a chaos of shattered discs. While emitting no sound whatsoever, this installation is potentially noisy and in practice silent. Here two totalities are trapped in a vice.
Dans ses opérations comme dans son aspect formel, cette pièce pourrait entretenir un cousinage avec l’œuvre qui scella l’entrée de Marcel Broodthaers dans les arts plastiques en 1963, intitulée “Pense bête”. Obtenue en plâtrant à moitié le solde invendu d’une plaquette de poèmes de sa composition, elle rendait manifeste le principe auquel l’artiste soumettait la production artistique en général – l’art est toujours chose d’espace – et marquait la fatalité – le devenir objet – qui s’empare de toute tentative plastique par delà son recours à différents composants, fussent-ils poétiques et linguistiques1. Cette règle première de la puissance de spatialisation de l’art vaudrait tout autant pour les œuvres sonores, et avec elle leur devenir objet : elles sont, de toute évidence, directement mises en application par “Staccato”, à travers cette soumission du disque à son interdit : l’espace2, et par l’accumulation de son nombre dans un instrument de mesure. Mais on peut suivre plus loin l’injonction de Marcel Broodthaers, et considérer que le jeu du graphique et du sonore devrait tout entier se résoudre, dans les arts plastiques, en espace – comme ce dernier constituerait leur dimension commune. Ce théorème est explicitement mis en application par “Construct / Deconstruct”, où un dessin au trait représente une vue de la Potsdamer Platz de Berlin en négatif et fonctionne comme une partition musicale. L’œuvre combine les qualités d’une gravure sonore et d’une image plastique par l’effet d’un seul et même code. Dessin d’espace à dimensions partitionnelles, “Construct / Deconstruct” assume pleinement, à l’instar de “Staccato”, une duplicité dont la forme se développe dans l’ouverture et la limite que mentionne son titre. In both its functioning and its formal aspect, “Staccato” could be seen as akin to “Pense-Bête” (Reminder), the work that marked Marcel Broodthaers’ entry onto the visual arts scene in 1963. Created by embedding the unsold copies of a book of his own poems in plaster, Pense-Bête illustrated the principle the artist applied to the making of art in general – “art is always a spatial thing” – and signified the inevitability – the “objecthood” – that befalls every visual venture regardless of its use of different components, whether poetic or linguistic1. This cardinal rule of the power of spatialisation of art applies just as accurately to the sound works and to their objecthood: these are, obviously, directly implemented by “Staccato” in the subjection of the disc to its taboo – space2 – and its numerical accumulation as an instrument of measurement. But Broodthaers’ injunction can be taken further by affirming that in the visual arts the interplay between graphics and sound should be entirely resolved in space, this latter being considered as their shared dimension. This theorem is explicitly applied in “Construct/Deconstruct”, in which a line drawing of the Potsdamer Platz in Berlin offers a view in negative which functions as a musical score. The work combines the features of a sound recording and a visual image through the use of a single code. A rendering of space with its own musical dimensions, “Construct/Deconstruct”, like “Staccato”, overtly expresses a duality whose form takes shape within the open-endedness and the boundaries specified in its title.
Dans la construction de l’image d’un son (“Staccato”) comme dans l’enfouissement d’un son dans une image (“Construct / Deconstruct”) se joue le renouvellement des échanges entre signes et symboles graphiques et sonores. Mais ces dynamiques organisent également le brouillage des deux ordres qui distinguent le régime de fonctionnement des œuvres d’art. Si l’on adopte la répartition proposée par Nelson Goodman entre arts « allographiques » et arts « autographiques »3, alors, il faut ajouter que cette « chose d’espace » appelée « art plastique », dans sa puissance d’objectivation, dispose d’une faculté : elle fixe ses formes (propre d’un art autographique). À l’inverse, la musique, soumise aux interprétations et aux répétitions, ne fait apparaître ses formes qu’à travers l’ensemble de ses médiations (partitions, instruments, interprètes humains ou mécaniques…) impliquant copies et versions (propre d’un art allographique). Il est aisé de comprendre combien l’ouverture entre ces deux régimes, et les modifications qu’impliquent le passage de l’un à l’autre engage le travail plastique d’eRikm, mais il est une œuvre qui dit explicitement l’interdit qui l’accompagne : « Je ne copierais pas » (“Acouphène”). Cette partition pleine d’ironie, dont le procédé de répétition comme l’instruction rejoignent la tradition des “Vexations” ouverte par Erik Satie en 1893, prend soin de suspendre le procès de l’action (copier), et le fait de ne pas l’exécuter, au conditionnel – là l’on attendrait plutôt un futur, qui signifierait un engagement ferme. Ce mode temporel accorde à l’énoncé la valeur d’un lapsus dans lequel il faut entendre que l’artiste continuera bien à copier, et aussi, par voie de conséquence, que dans sa production, le régime autographique des arts plastiques pourrait bien être gouverné par le régime allographique de la musique. Une petite machine peut s’attaquer à de grands ordres et engager la promesse de perturbations nombreuses… At stake in both the construction of the image of a sound (“Staccato”) and the burying of a sound in an image (“Construct/Deconstruct”) is the renewal of interchange between graphic and sound signs and symbols. However, these dynamics also scramble the two orders characteristic of the functional system of works of art. If we adopt the split suggested by Nelson Goodman between “allographic” and “autographic” art3,we must add that in its power of objectivation this “spatial thing” called “visual art” has a specific capability: it lays down its own forms, and this is characteristic of an autographic art. Conversely, music, being subject to interpretations and rehearsals, does not reveal its forms except through its various mediations –scores, instruments, human and mechanical interpreters – and involves the copies and versions characteristic of an allographic art. We can readily appreciate how relevant the openness between these two systems and the changes involved in the transition from one to the other are to eRikm’s visual work, but there is one piece which explicitly states its accompanying taboo: “I wouldn’t copy” (“Acouphène”). This highly ironic score, whose repetitiveness and stated rule hark back to the tradition initiated by Erik Satie’s “Vexations” (1893), carefully suspends the process of the action (copying), but with the use of the conditional tense where we would expect the firm commitment of the future. This resort to the conditional turns the statement (especially in French) into a slip of the tongue which gives us to understand that the artist will indeed go on copying and that, as a consequence, in his output the autographic system of the visual arts might indeed be governed by the allographic system of music. A small machine can take on major hierarchies and instigate prospects of numerous upheavals…
Liminalités Une étude plus précise et plus systématique de l’œuvre plastique d’eRikm constituerait l’inventaire de ces constructions et de ces montages pour vérifier la validité de notre première hypothèse. Nous nous contenterons de mentionner d’autres machineries plus complexes sur le plan technique, mais dont les modes de fonctionnement reposent sur des opérations de même type. Les combinaisons qui y prennent forme dans la permutation de signaux visuels et sonores, à travers l’écriture de codes graphiques ou infographiques, n’y sont pas sans effets sur les régimes de fonctionnement de l’art. De la copie, de la transposition, de la retranscription et de la déformation par saturation, il est très nettement question dans “Simulacres Set”, un ensemble de trois vidéos projetées sur écran, obtenues à partir de trois films dont les images ont été étirées puis compressées, et dont les séquences sont reproduites comme autant de pistes stratifiées sur l’écran où elles sont projetées – ces mêmes opérations étant produites sur les bandes sonores. Les trois sources dont ces images sont issues deviennent méconnaissables : “71 Fragments d’une chronologie du hasard” de M. Haneke (1995) devient “Frags”, “Koyaanisqatsi out of balance life” de C. Reggio (1982), devient “Hopis” et “Les Particules élémentaires” de O. Roehler devient “Parts”. Suite aux modifications opérées sur les données qui le constituent, leur message apparaît crypté. Mais il est moins sujet de déformation qu’objet de reformatage par la saturation de ses informations jusqu’aux limites de l’identifiable. Ces espèces d’anamorphoses proposent aux trois films de nouveaux espaces-temps, de nouvelles vitesses, et matérialisent concrètement à l’écran les propriétés de viscosité de l’image en mouvement, à travers la dynamique produite par les informations visuelles contenues par chacune des séquences et dans leurs rapports de voisinage immédiat aux autres (sur des plans à la fois horizontaux et verticaux). Au point limite que touche l’information, où se maintient une lisibilité de son état premier si faible qu’elle confine à l’abstraction, se situe une frontière où le message combine deux qualités : celle de signal et celle de signe ; celle de la source électronique du médium et celle de la source référentielle des images.
Liminalities A more precise, more systematic study of eRikm’s visual oeuvre would include an inventory of his constructions and montages with a view to verifying my initial hypothesis. But I shall settle here for mentioning other mechanisms which while more technically complex, function on the basis of similar operations. The combinations that take shape within them in the form of visual and sound code permutations, themselves effected via notation of graphics and computer graphics, have their own impacts on art’s systems of functioning. “Simulacres Set” is very much a question of copying, transposition, transcription and distortion by saturation. Here the set of three screen-projected videos has been obtained by stretching then compressing images from three films, with the sequences then reproduced as overlaid tracks on the screen and their sound subjected to the same process. The source films are thus rendered unrecognisable: Michael Haneke’s “71 Fragments of a Chronology of Chance” (1995) becomes “Frags”, Godfrey Reggio’s “Koyaanisqatsi: Out of Balance” (1982) becomes “Hopis” and Oskar Roehler’s “Elementary Particles” (2006) becomes “Parts”. The changes imposed on the constituent data make their messages seem coded, but those messages are not so much distorted as reformatted by information saturation pushed to the limits of the identifiable. These ventures into anamorphosis provide the three films with new space-times and new speeds: they give concrete on-screen expression to the viscosity of the moving image, via the dynamic produced by the visual information contained in each sequence and their reciprocal proximity on both the horizontal and vertical planes. At the outer informational limit, where the legibility of the initial state has been reduced almost to the point of abstraction, lies a border where the message combines two attributes: that of signal and that of sign; that of the medium’s electronic source and that of the referential source of the images.
“Générescence soustractive” offre une autre forme à cette liminalité, ayant également recours à d’autres procédés pour y atteindre. Dans cette vidéo de 7 minutes 59, le travail de synthèse soustractive produit sur l’image source ne retient qu’un nombre restreint des informations qui la composent dans sa totalité – des fragments, des points, des contours de certaines de ses formes –, qui se succèdent à l’écran et s’effacent comme happés dans le vide. Aucune restitution de l’image initiale dans son ensemble ne peut être déduite de la succession de ces empreintes. Mais les rythmes et les motifs qui l’animent, soutenus par les variations minimes d’une fréquence électronique, ont valeur de partitions. Une partition entendue dans son acception musicale de code et de notation qui permet de rejouer l’image source. Mais encore une partition comprise comme une opération qui désigne un partage, une découpe, une manière de répartir : dans la fragmentation de l’image source et la restitution d’une infime partie de ses informations, où ne subsistent que les rythmes et les répétitions qui l’animent, où s’organise la coexistence d’une réalité figurée et d’une réalité abstraite, où l’image perd en surface ce qu’elle gagne en profondeur. Toute liminalité partitionne. Toute frontière sépare et répartit. Le travail plastique d’eRikm n’a de cesse d’explorer ce qui se sépare, aux frontières de l’image et du son, et de chercher comment peuvent se produire, à leurs limites, de nouvelles partitions. On pourra, pour s’en convaincre définitivement, porter attention à ce que l’artiste nous soumet comme “aUTOPORTRAIT”. L’opération accomplie par le procédé technique mis en œuvre fournit la description la plus fidèle que l’on puisse accorder à cette pièce. “Générescence soustractive” offers this liminality in another form and deploys other means for attaining it. In this 7’ 59 video the process of subtractive synthesis applied to the source image retains only a limited quantity of the total information: fragments, dots and outlines of some of its shapes, which succeed each other on the screen and then are gone as if cast into the void. No recreation of the overall initial image can be deduced from these successive imprints, but the rhythms and patterns that drive the work, underpinned by minimal variations on an electronic frequency, work like a score, in the musical sense of coding and notation that enable a replay of the source image, but also of an operation that signals a sharing, a cutting-up and a way of starting over: via the fragmentation of the source image and the recreation of a tiny part of its information, in which there remain only the underlying rhythms and repetitions; in which the coexistence of a figurative and an abstract reality is organised; and in which the image loses on the surface what it gains in depth. All liminality sets up divisions. All boundaries separate and distribute. eRikm’s visual work is an endless exploration of what is separated from what on the borders between image and sound, and a quest for ways of producing new scores at those outer limits. To prove the point once and for all, we can look at what the artist offers in “aUTOPORTRAIT” (Self-portrait). The operation carried out by the technical procedure used provides the most accurate possible description of this piece.
Le code ASCII qui compose l’image, transposé en 12 369 caractères, est déchiffré par un logiciel de synthèse vocale à vitesse rapide. Chaque lecture d’une liste de nombres révèle la partie de l’image qui lui correspond, à la manière d’un texte qui s’inscrirait sur une page à mesure qu’il serait prononcé. Image et texte, écriture et partition, nombre et poésie du nombre… Certainement, mais il faut surtout retenir une chose de l’effet produit par ce procédé. Ce que figure l’image est mis en réserve alors que la trame de l’image occupe le premier plan : c’est donc moins l’autoportrait de l’artiste qui est donné à voir que celui de l’image qui est révélé par le procédé. Et pourtant… dans l’espace graphique ouvert par la fréquence de la voix, l’image source, dont on nous dit qu’elle pourrait être un portrait ou un paysage, se dévoile partiellement. Et si l’autoportrait de l’artiste, plus qu’une image de son visage, était saisi par le jeu de ces deux dynamiques qui se complètent et s’effacent ? En accordant crédit à cette suggestion, on mentionnerait un dernier raccord dans le travail plastique d’eRikm entre la duplicité des œuvres et celle de l’artiste.
1 - « Si l’espace est bien l’élément fondamental de la construction artistique (forme de langage ou forme matérielle), je ne pourrais, après cette singulière expérience, que l’opposer à la philosophie de ce qui est écrit avec un sens commun ». D’après un entretien avec Irmeline Lebeer (« Dix-mille francs de récompense », dans Catalogue-catalogus, Palais des Beaux-Arts, Bruxelles, 1974. Reproduit dans Irmeline Lebeer, “L’art ? C’est une meilleur idée !” Entretiens 1972-1984, Jacqueline Chambon, Nîmes, 1997, p. 154-155, cité par Jean-Philippe Antoine, Marcel Broodthaers, moule, muse méduse, Dijon, les Presses du Réel, 2006, p.12 2 - Nous reprenons ici l’intitulé du premier intertitre du premier chapitre du livre que Jean-Philippe Antoine a consacré à Marcel Broodthaers, dont nous avons issu la précédente référence : Marcel Broodthaers, moule, muse méduse, Dijon, 2006, les Presses du Réel, p. 7 3 - « Désignons une œuvre comme autographique si et seulement si la distinction entre un original et une contrefaçon a un sens ; ou mieux, si et seulement si sa plus exacte reproduction n’a pas, de ce fait, statut d’authenticité. Si une œuvre d’art est autographique nous pouvons aussi qualifier cet art d’autographique. Ainsi la peinture est autographique, la musique est non-autographique ou allographique. » in Nelson Goodman, “Langages de l’art, une approche de la théorie des symboles”, Paris, 2006, Hachette Littérature, trad. .Jacques Morizot, Chapitre III, « Art et authenticité », p. 147
Transposed into 12,369 characters, the ASCII code that makes up the image is deciphered by high-speed voice synthesising software. Each reading of a list of numbers triggers the corresponding part of the image, like a text appearing on a page as it is read out. Image and text, writing and score, number and the poetry of number… But most important of all is the effect produced. What the image shows is put to one side while the grid takes up the foreground: so it is not so much the artist’s self-portrait that is displayed as the self-portrait of the image revealed by the process. And yet, in the graphic space opened up by the frequency of the voice, the source image – which we are told could be a portrait or a landscape – is partially revealed. And what if the artist’s selfportrait, more than just an image of his face, is captured by the interplay between these two dynamics as they complement and delete each other? As I consider this a worthwhile suggestion, let me mention a last joining-up in eRikm’s visual work: between the duality of the works and the duality of the artist. 1 - “If space is the fundamental element of artistic construction (in linguistic or tangible form), after this singular experience I can only oppose it to the philosophy of what is written using common sense.” From “Dix-mille francs de récompense” (Ten Thousand Francs Reward) an interview with Irmeline Lebeer in L’art? C’est une meilleur idée! Entretiens 1972-1984, (Nîmes: Jacqueline Chambon, 1997), 154-55. 2 - I refer here to the first subheading in the first chapter of Jean-Philippe Antoine, Marcel Broodthaers, moule, muse, méduse (Dijon: Presses du Réel, 2006), 7 3 - “Let us speak of a work of art as autographic if and only if the distinction between the original and the forgery of it is significant; or better, if and only if the most exact duplication of it does not thereby count as genuine. If a work of art is autographic, we may also call that art autographic. Thus painting is autographic, music nonautographic, or allographic.” Nelson Goodman, “Languages of Art” (New York: Hackett, 1976), 113.
CONTRÔLE 2005 Dimensions variables / Dimensions variable Série de tirages numériques contrecollés sur dibond / Serie of digital prints pasted on dibond
CONTRÔLE 2005 Dimensions variables / Dimensions variable Série de tirages numériques contrecollés sur dibond / Serie of digital prints pasted on dibond
(a)UTOPORTRAIT 2007 5’53 Installation vidéo / Video installation
Austral 2009 21’00 Installation vidÊo / Video installation
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Austral 2009 21’00 Installation vidéo / Video installation __ pages suivantes / next pages
Corner 2007 2’45 Installation vidéo / Video installation Corrélation I 2007 8’47 Installation vidéo / Video installation
YANN BEAUVAIS Juste un bout dans un autre en contexte abîme… On connaît d’eRikm, avant tout sa pratique musicale en tant que «platiniste» ou «performeur sonore», mais on connaît moins son travail plastique dans lequel la production vidéo occupe une place prépondérante depuis 2007 (même si son usage remonte au début des années 2000). Si le travail musical fait entre autres, appel à des samplers bas de gamme (Kaoss Pad) disposés en anneau pour les faire tourner en boucle et créer ainsi un feedback né de rien sinon de lui-même1 favorisant la déperdition de l’élément sonore choisit, on retrouvera dans les propositions visuelles d’eRikm une similarité d’attitude et de geste qui privilégie de courtes séquences ou fragments « explorés numériquement dans un rapport de désincarnation, fragmentation synthèse générationelle d’un ou de plusieurs éléments2 ». Parmi les diverses vidéos réalisées par l’artiste, plusieurs explorent l’idée de l’effacement, de la disparition de l’information partielle proposée selon des systèmes de transformations autant aléatoires qu’improbables. Nous sommes souvent en présence d’une instabilité qui ne nous permet pas de nous attacher à un élément figuratif ou narratif. Face à de tels systèmes, nous trions et tentons de comprendre ce qui advient à chaque proposition. La diversité des opérations, la plasticité des bandes favorisent l’égarement en fonction de la dégénérescence de l’information. Les œuvres visuelles ont un statut particulier pour eRikm, ce que l’on pouvait découvrir à travers les multiples installations, dessins, photos et sculptures présentées au sein de deux expositions monographiques récentes3. La multiplicité des propositions soulignait l’importance de la dimension plastique dans le travail de l’artiste, qui, par-delà les procédures, vise à créer des environnements autant que des objets spécifiques.
A little something in another context - within another context… We know eRikm mainly for his musical oeuvre as turntablist and sound performer; but we are less well acquainted with his visual work, in which video has been in the ascendancy since 2007, even if he began using it in the early 2000s. Among other features, his musical pieces resort to low-budget Kaoss Pad samplers annularly arranged to form a loop that creates feedback out of nothing except maybe itself1 and tends to eliminate the original sound component. In eRikm’s visual pieces we find a similarity of attitude and touch, with an emphasis on short sequences or fragments “digitally explored in terms of the disembodiment, fragmentation and generational synthesis of one or more elements.2” Several of his videos explore the idea of the deletion – the disappearance – of the partial data he offers, via transformation systems as random as they are unlikely; we are often left to deal with an instability that denies us any recourse to a figurative or narrative element. Faced with these kinds of systems, we sift through them and try to understand what happens in each case, with the diversity of operations and the plasticity of the recordings tending to sidetrack us, according to how much the information has been degraded. Videos have a special importance for eRikm, as was clear in two recent exhibitions3 that highlighted his visual side with a host of installations, drawings, photos and sculptures. The pieces on show underscored the artist’s concern with the visual aspect of his work and with creation of environments as much as of specific objects.
Aujourd’hui dans le champ musical, l’élément visuel soutient bien fréquemment la performance du musicien, meublant l’espace visuel ; comme si le son ne se suffisait pas et qu’il fallait impérativement l’accompagner d’une réalisation visuelle virtuose, spectaculaire ou monumentale. Chez eRikm, le recours à la vidéo, à la projection d’image, va dans un sens qui est délibérément non spectaculaire, offrant ainsi à chaque proposition la possibilité de ne pas être comprise, comme le fait de manière exigeante la bande “aUTOPORTRAIT“, sur laquelle nous reviendrons plus loin et “va©uum” quelle que soit sa forme de présentation. Le travail vidéo d’eRikm prend diverses formes de projection qui vont de la projection traditionnelle (“Générescence soustractive”, “Corrélation I”) à l’installation multi-écran, (“Austral”, “Simulacres Set”). Nombreux sont les travaux qui s’écartent de la représentation mimétique de la réalité afin de privilégier le souvenir, ou tout au moins la manifestation de sa trace, au moment où celle-ci est au seuil de l’effacement ; ils s’inscrivent de manière paradoxale à l’encontre de la culture digitale qui, par la circulation massive de l’information, rend quasiment impossible la disparition à moins d’un accident majeur. Comme le remarque Viktor Mayer-Schönberger, « à l’ère numérique, dans ce qui est peut-être l’un des changements majeurs pour les humains depuis notre humble commencement, la balance entre souvenir et oubli s’est inversée. Donner des informations à la mémoire digitale est devenue négligence, et oublier l’exception4». eRikm travaille à effacer les traces de déplacement par une prolifération de graphismes qui parasitent les images (“Corner”), les brouillent (“Générescence soustractive”, “Austral”) les suggèrent (“aUTOPORTRAIT”), ou les écrasent en entassant des couches de films les unes sur les autres (“Frags”). On today’s scene the visual element often underpins a musician’s work by filling out the performance space: as if sound were not enough and needs to be backed up with virtuoso, spectacular or monumental visual input. But eRikm’s use of video and projection has a deliberately non-spectacular edge, which builds into each work the possibility of not being understood or appropriately perceived; this is demandingly the case of “aUTOPORTRAIT”, to which I shall return later, and also – in a similar but distinctive way – “va©uum”, whatever the form of its presentation. The artist’s video output uses different modes of projection extending from the traditional – “Génération soustractive”, “Corrélation I” – to the multiscreen installations “Austral” and “Simulacres Set”. Many of the works dispense with mimetic representation of reality in order to stress memory – or at the very least its trace – hovering on the brink of deletion; in this way, paradoxically, they take a stand against that digital culture whose massive information circulation renders disappearance all but impossible, except in the event of a major accident such as a computer crash. As Viktor Mayer-Schönberger has observed, “In the digital age, in what is perhaps the most fundamental change for humans since our humble beginnings, that balance of remembering and forgetting has become inverted. Committing information to digital memory has become the default, and forgetting the exception.4” eRikm strives to delete the traces of movement with a proliferation of graphic elements that impinge on the images (“Corner”), scramble them (“Génération soustractive”, “Austral”), suggest them (“aUTOPORTRAIT”) and overwrite them with layer upon layer of film (“Frags”).
Cet intérêt pour la disparition, l’effacement est partagé par de nombreux cinéastes expérimentaux qui au début des années 2000 commencèrent à travailler sur l’effacement en relation ou à l’encontre du brouillage dans des films de found-footages. Le football a souvent été mis à contribution dans cette entreprise : dans “Arte é futebol sem bola” (2002) de Lula Wanderley, on assiste à la répétition de trois célèbres buts sans ballon, une partie de football dans laquelle le ballon a disparu faisant place à un ballet sans queue ni tête; plus récemment Paul Pfeiffer dans “The Saints” (2010) ne laisse plus qu’un seul joueur de la finale de la coupe du monde de 1966 entre l’Angleterre et l’Allemagne… De son côté, Naomi Uman a gommé le corps des femmes de quelques films porno des années 70 comme dans “Removed”(1999). Masquer, occulter, cacher pour mieux montrer ou modifier la perception du familier, du connu, du banal, du quotidien sont quelques-unes des stratégies utilisées par les artistes au moyen du found-footage et de la vidéo scratch. Cependant l’accentuation d’un objet, d’une scène, selon sa disqualification visuelle, renforce paradoxalement sa présence. Tellement absent que cela saute aux yeux. Ce n’est pas ce à quoi s’attache eRikm : il est plus intéressé par les chemins ou les détours que les dispositifs ou processus technologiques déployés pour inscrire la disparition. Il nous montre la disparition à l’œuvre, ou se constituant. Il ne reprend pas à son compte les dispositifs de duplication de J.J. Murphy dans “Print Generation”5 (1973-74) ou de Kirk Tougas dans “the Politics of Perception” (1973). Tous deux se servent de la capacité d’appauvrissement et de perte des informations visuelles et sonores d’une bobine de film induit par la production de copies d’une bande 16mm ; diary film, pour Murphy et bande-annonce pour Tougas. Ces systèmes de multiplication de copies évoquent le feed-back, qui par mise en abîme successive et proliférante, vise à épuiser les caractéristiques d’un signal initial visuel ou sonore. On repère une similarité processuelle dans “I Am Sitting in a Room” (1969) d’Alvin Lucier et le procédé 3k-pad∞system qu’eRikm a inventé. This interest in disappearance and deletion is shared by many experimental filmmakers who, in the early 2000s, began working in found-footage films on deletion in relation or opposition to interference. Football has often been called on in such ventures: Lula Wanderley’s “Arte é futebol sem bola” (2002) reruns three famous goals with the disappearance of the ball giving rise to an incomprehensible ballet; more recently, Paul Pfeiffer’s “The Saints” (2010), which reduces the 1966 England-Germany World Cup final to a single player; and Naomi Uman’s deletion of the female bodies from 1970s porn movies in “Removed” (1999). Masking, covering up and concealing as ways of clarifying or modifying our perception of the familiar, the well-known, the banal and the everyday – these are just some of the strategies resorted to by artists working with found footage and scratch video, the paradox being that an object’s presence is reinforced by its exclusion from a scene. Its absence makes it blindingly obvious. This is not eRikm’s agenda, though: he is more interested in the paths and detours technological devices and processes take in order to record this disappearance. He shows us the work disappearing, or coming together. This does not mean, however, that he makes use of the duplication procedures favoured by J.J. Murphy in “Print Generation” (1973-74)5 or Kirk Tougas in “Politics of Perception” (1973). Both these filmmakers utilise 16 mm film’s capacity for impoverishment and loss of visual information over successive generations of copies: a diary for Murphy, a trailer for Tougas. These multiple-copy systems suggest feedback, whose repeated, proliferating mise en abîme sets out to exhaust the characteristics of an initial visual or sound signal. A processual similarity can be detected in Alvin Lucier’s “I Am Sitting in a Room” (1969), one that also seems to be set in motion by the 3K-pad system eRikm invented.
Ces systèmes de renvois qui permettent une prolifération aléatoire de traitements partiels ou de recouvrements incomplets de l’image ou d’une de ses parties semblent s’organiser indépendamment de leur lieu d’émergence. Singuliers dans leurs comportements (bien que programmés), ils occupent la surface de l’écran plus que sa profondeur selon des caractéristiques qui vont de la ligne de code, au graphe se multipliant par échos transitoires, en passant par des surfaces colorés. Ces systèmes de caches ou de recouvrements partiels sont à l’œuvre dans presque toutes les vidéos d’eRikm. Ils s’inscrivent comme flux vivant et devient sa signature. Dans “Corner”, les passants et la femme qui attend au coin d’une rue sont accompagnés par l’irruption épisodique de formes aux traits qui semblent souligner des zones plus obscures dans l’image. Ces graffitis se déplacent dans l’image et agissent en tant que trace décomposant l’évolution d’une forme dans l’espace ; ils évoquent de loin les reconstitutions du mouvement par Muybridge ou Marey tels que pouvaient les comprendre les peintres cubo-futuristes des années 20. Ils s’inscrivent dans une dynamique qui incorpore à l’image un aspect animé assumé, tel que le revendique, pour la pratique des nouveaux média, Lev Manovich, lorsqu’il définit les usages du cinéma contemporain à travers le concept de cinégraphisme6. Aujourd’hui le cinéma se caractérise par une hybridation de formes et de genres qui rendent obsolètes la catégorisation par formes ou genres cinématographiques. Le cinéma incorpore une palette de traitements d’image qui explore la matérialité dynamique de l’image en mouvement selon des modalités déterminées par un programmateur ou un artiste. Soudain sur l’écran, des régimes d’images distincts se côtoient et multiplient par là-même les registres et niveaux d’appréhensions, d’interprétations et de lectures de l’image. On ne peut en lire qu’une partie, sans chercher à dominer l’intégralité de l’information proposée. eRikm travaille selon de tels régimes de juxtaposition dans “Corner” ainsi que dans “Austral”. La dimension musicale est d’autant plus visible à l’image qu’elle travaille selon des modalités d’accompagnements et de variations qui viennent se greffer sur un thème en changeant sa modalité, sa tonalité selon des accords et résonances plus ou moins marqués. C’est le côté baroque de Enabling a random proliferation of partial processings or masking of all or part of the image, these retrieval systems seem to be organised independently of their place of emergence. Oddly behaved – yet nonetheless programmed – they occupy the surface more than the depth of the screen, according to characteristics including the digital line code, graphics multiplied by ephemeral echoes, and areas of colour. These systems of full or partial masking are at work in almost all eRikm’s videos, functioning as ongoing input and becoming his signature. In “Corner” the passers-by and the woman waiting on the street corner are sporadically interrupted by outlined shapes that seem to emphasise darker areas of the image. These graffiti move about within the image, like traces anatomising the progress of a form through space; they function as a distant reminder of the reconstructions of movement by Muybridge or Marey as they were understood by the Cubist-Futurist painters of the 1920s. However, they are part of a dynamic which brings to the moving image an overtly animated look of the kind urged for the new media by Lev Manovich, when he defines the uses of contemporary cinema via the concept of cinegratography6. Today’s cinema is marked by a hybridisation of forms and genres that make classification by cinematographic forms and genres obsolete. It has integrated a range of image processing that explores the dynamic tangibility of the moving image according to modalities laid down by a programmer or an artist. Suddenly separate image systems are functioning side by side and multiplying the registers and levels of receiving, reading and interpreting the image: we may read it only partially, if we choose, without trying to master all the information on offer. eRikm works with these kinds of systems of juxtaposition in “Corner” and “Austral”. The musical dimension is all the more visible at image level in that it functions according to modalities of accompaniment and variation which, when added to a theme, change its mode and key in line with more or less evident harmonies and resonances.
l’image numérique, dans laquelle des proliférations simultanées de lignes et de processus se déploient en parallèle se résumant parfois à la forme de canons. Cet aspect musical de l’image ne duplique pas aux sons et à la musique des bandes, il l’accompagne. Chaque bande a un son spécifique. Dans “Générescence soustractive”, dans “Corrélation I”, la bande sonore travaille selon des processus similaires à ceux des images, mais ne les répète pas. On est en présence de deux entités juxtaposées qui s’accordent épisodiquement à la manière des résonances induites (des drones) par la répétition constante de notes du “Continuum” (1968) de György Ligeti. “Corrélation I” convoque indirectement ce musicien dans le traitement de la brève séquence musicale qui l’accompagne. La vidéo est décrite de la manière suivante par l’artiste : « j’ai filmé avec mon téléphone portable, dans un parking à Munich, un écran de caisse enregistreuse qui bougeait et sur lequel des rythmes visuels apparaissaient sur une musique de Rameau. J’ai trouvé une copie de cette musique pour clavecin, en MP3 sur le net, j’en ai copié 5 secondes, je les ai gravés sur CD et, dans ce très court fragment, je me suis déplacé pendant 8 à 9 minutes en travaillant avec des délais et des réverbérations fabriqués avec des harmonies à la Terry Riley. En jouant sur les vitesses et sur les hauteurs j’ai refait, dans une version numérique, une forme répétitive identique à celles des années 707. » Dans “Générescence soustractive”, le développement visuel, une décomposition en phases du mouvement d’une forme en surimpression avec ses échos8 en crescendo, s’oppose à un son particulier qui semble le contredire. La bande paraît participer d’un acte chorégraphique dont on ne peut, d’une manière quelconque, anticiper le développement. Nous sommes en présence d’une proposition dont la structuration nous échappe et pour laquelle la finalité n’est pas prédéfinie en dehors de l’usage des instruments et des processus déployés par la pièce, et ce pour reprendre une remarque judicieuse de Vincent Normand9 à propos du platiniste. This is the baroque aspect of the digital image, in which proliferations of lines and processes take place simultaneously, sometimes in what amounts to the form of the sung canon. This musical side of the image does not duplicate the sounds and music of the sound track: it accompanies them. Each track has its own specific sound. In “Générescence soustractive” and “Corrélation I”, the soundtrack functions according to processes similar to those of the images, but does not repeat them. Here we are in the presence of two juxtaposed entities which occasionally converge like the drones caused by constant repetition of notes in György Ligeti’s “Continuum” (1968). “Corrélation I” indirectly evokes Ligeti in the processing of its brief accompanying musical sequence. Of “Corrélation I” the artist says, “I was in a parking lot in Munich and I filmed the screen of a POS display that was bugging out, while in the background you could hear a piece by Rameau. I found an MP3 of the same piece for harpsichord on the Net, copied 5 seconds of it and burned the result onto a CD; then I went backwards and forwards inside the fragment for 8 or 9 minutes, working with delays and reverberations and using Terry Rileystyle harmonies. By juggling with the speeds and pitches I recreated digitally a repetitive form exactly like those of the 1970s7.” In “Générescence soustractive” the visual development – the phase breakdown of the movement of an overlaid form with its echoes building8 – is set against a seemingly contradictory sound. The recording appears to be part of a choreographic performance whose development defies all anticipation. What we have here is a work whose structuring eludes us and for which no purpose is indicated apart from the use of the instruments and processes the piece calls for (to return to Vincent Normand’s judicious observations about our turntablist)9.
“Depressive Fighter I & II” et “hQme” sont constitués de capture de la réalité : une performance d’eRikm avec un compresseur pour le lutteur dépressif, et un intérieur bordélique pour “hQme”. Il en va de même avec “Mirrors Never Sleep”, à la différence que dans cette bande, la capture est floue, tant et si bien qu’on ne peut mettre un visage sur les cris entendus10. On est renvoyé à l’incertitude, ne pouvant attribuer ce son à ces images, le film fait ainsi de la disjonction son ouvrage. Si “Depressive Fighter II” fait irrésistiblement penser à Peter Kubelka, c’est autant par les mimiques de l’artiste que par l’efficace travail de montage. C’est un peu comme si “Arnulf Rainer” (1958-60) avait soudoyé “Pause” (1977). La performance d’eRikm s’acharnant à produire des sons face à un compresseur est intense. Son remix dans la seconde version fait subir au film lui-même ce que le visage de l’artiste subissait avec le compresseur. Au lieu d’assister au déroulement de la scène originale dans laquelle le musicien tente d’émettre des sons face au puissant jet d’air, on est face à sa mise en pièces. Cet éclatement, réintroduit dans le flux du déroulement des heurts et des coupures, dynamise le film, il n’est plus la reproduction plus ou moins réaliste d’une action, il devient une proposition à part entière qui joue avec la trace des souvenirs de la performance auquel nous venons d’assister. Cette seconde version télescope le son et l’image en jouant avec les ruptures des coupures du flux tandis que la première travaillait les flux d’air et ses modulations sonores. “Frags” et “va©uum” sont toutes deux concernées par le cinéma, comme l’est “LuxPayllettes”11 : ces vidéos travaillent la matière sonore du cinéma occidental. Mais les propositions sont différentes dans la mesure où “Frags” propose des accumulations de bandes horizontales empilées les unes sur les autres sur toutes la surface de l’écran. “Depressive Fighter I & II” and “hQme” are reality captures: an impressive exercise with an air compressor for the former and a chaotic interior for the latter. The same goes for “Mirrors never sleep”, except that here the image is so out of focus that the viewer cannot put a face to the source of the screams10. The message is one of uncertainty, since we cannot link the sound to the images; disjunction is the key to this film. Watching “Depressive Fighter II”, we cannot help thinking of Peter Kubelka, not only because of the artist’s facial expressions but also because of the accomplished editing: it is as if Kubelka’s “Arnulf Rainer” (1958-60) had tweaked his “Pause” (1977). eRikm gives an intense performance, striving to produce sounds as a compressor forces air into his face and throat. The remixed second version does to the film what the compressor inflicted on the artist: instead of the original scene, with eRikm trying to make sounds despite the blast of air, we find ourselves observing its disintegration, a breaking-apart that injects collisions and halts into the flow and dynamises the film. The latter is no longer a more or less realistic reproduction of an action; it becomes a work in its own right, playing on the memory traces of the performance we have just witnessed. This second version telescopes sound and image with its handling of the breaks in the flow, whereas the first version focuses on the flow of air and sound modulation. “Frags” and “va©uum” both have to do with the cinema – as does “LuxPayllettes”11 – and both address the sound material of Western cinema. Yet their intentions are different, in that “Frags” covers the surface of the screen with heaped accumulations of horizontal strips.
On pourrait parler d’écrasement de scènes de films : un type de condensation numérique. “Simulacres Set” est constitué séparément de trois films : “71 fragments d’une chronologie du hasard” (1995) de Michael Haneke, “Koyaanisqati Out of Balance Life” (1982) de Goddrey Reggio et “Les particules élémentaires” (2006) d’Oskar Roehler. Le son de chaque scène renvoie à une bande que l’on ne peut cependant pas isoler. Les images anamorphosées ne permettent pas vraiment leurs lectures, et l’on ne peut leur attribuer une bande son spécifique. Que produisent alors ces « simulacres » de films ? On voit bien que la chromaticité et l’ambiance sonore de chaque film les distinguent et signalent leur appartenance à un pays, ainsi qu’à des régimes plastiques et économiques spécifiques. Chaque proposition finit par être identifiée en fonction de la bande son qui permet de repérer des singularités. Dans le cas de “Koyaanisqati”, on reconnaît rapidement la bande son de Philip Glass, alors que les séquences dans lesquelles on reconnaît de l’Allemand et du Français reflètent et rendent compte de territoires identifiables. Ces simulacres travaillent la mémoire sonore d’un espace, d’un territoire avant qu’on puisse en appréhender des éclats à l’image. Ils en appellent à notre fascination des paysages médiatiques que les images animées peuvent générer à partir d’infimes indices. Les tranches de films superposées nous renvoient aux expériences des lieux et des situations à travers les souvenirs médiatiques qui nous habitent et parasitent parfois notre mémoire. Ces simulacres de films sont avant tout des bandes son. La narration est évincée au profit d’une danse chromatique en lamelle, lorsque surgit un visage en gros plan. Il est tellement aplati qu’on ne peut en deviner la présence ; tout est pris dans un devenir qui s’extirpe de son origine au profit de processus de mutation, et de fluidification. L’objet photographique est une fois encore transformé en une proposition plastique qui fait glisser les informations les unes sur les autres selon des agencements et des conglomérats qui ne répondent plus à la logique de la mimésis. Il y a un aspect proprement ludique dans cette proposition qui déjoue la spectacularisation de la pixelisation de “Koyaanisqati”, autant qu’elle tourne en dérision un cinéma d’art et d’essai. This could be called overwriting film scenes: a kind of digital condensation. “Simulacres Set” has been created out of three separate films: Michael Haneke’s “71 Fragments of a Chronology of Chance” (1995), Godfrey Reggio’s “Koyaanisqati: Out of Balance Life” (1982) and Oskar Roehler’s “Elementary Particles” (2006). The sound of each scene references a recording which cannot be isolated from the others. The anamorphosed images do not really allow us to read them and no specific sound track can be attributed to them. So what do these film “simulacra” actually produce? Their chromatic quality and sound ambience clearly indicate that each is different and that each belongs to a particular country, as well as to specific visual and economic systems. And ultimately each can be identified from the recognisable singularities of its sound track. In the case of “Koyaanisqati” we soon spot the Phil Glass sound track, whereas the ambiences in which we pinpoint the German and French origins reflect identifiable territories. Before we begin to grasp fragments at image level these «simulacra» work on the sound memory of a space and a territory, appealing to our fascination with media landscapes whose images can be regenerated from tiny clues. The superimposed slices of film reference places and situations experienced through media memories that live on within us and sometimes interfere with our recollections. These film simulacra are above all sound tracks. Narration has been removed in favour of a chromatic dance of wafer-thin strips: when a face appears in close-up it is so flattened that its presence eludes us; everything is caught up in an unfolding wrenched from its origins to serve a process of mutation and fluidisation. Once again the photographic artefact is transformed into a visual proposition which overlays datum upon datum in arrangements and conglomerates that no longer fit with the logic of mimesis. There is an authentically playful side to this piece that thwarts “Koyaanisqati”’s pixellated spectacularisation and mocks a certain kind of art cinema.
Si le recyclage est important pour “Frags”, il revêt une autre dimension avec “va©uum” dans la mesure où il s’agit d’un remake assisté. Beaucoup d’artiste ont travaillé sur le remake, reprenant intégralement un film, le détournant d’une manière ou d’une autre : en le ralentissant (Douglas Gordon), en l’accélérant (Les Leveque), en lui apposant des sous-titres qui n’ont rien à voir avec son contenu original (René Vienet), en le rejouant (Brice Dellsperger, Pierre Huygues), en le déplaçant (Pierre Bismuth)…, mais peu d’artiste ont squatté un film comme le fait eRikm avec “va©uum”. Dans cette pièce, le détournement du “Voyage fantastique” s’effectue à la manière d’un corps étranger qui viendrait parasiter le film selon différentes stratégies d’occupation et de transformation. Comme le dit eRikm, « Au départ (phase 0), il y a un processus de détournement d’un médium, tel un corps étranger s’appropriant le fonctionnement (squat) de l’organisme dans lequel il a élu domicile. L’intrigue retenue du film, vidée (phase 1) des éléments romanesques satellitaires conduit à travers la conservation de certains commentaires, de ce voyage dans le corps humain, de ces effets thérapeutiques, etc. L’effet “va©uum” a consisté dans ses phases suivantes (2 & 3) à modifier le corps et la tessiture du son, de l’image et de la musique. » Ce vide ne l’est qu’en apparence, on est en présence d’un processus d’évacuation et d’évitement. Débarrassé de la “ciné-graisse” (pour reprendre des termes vertoviens) le film que propose eRikm est une relecture dynamique du “Voyage fantastique”. Nous revisitons un film des années 60 dont la proposition de réduction et de transport des êtres n’a pas encore trouvé d’application, mais nous le faisons presque à la manière de Zbig Rybczynski, qui dans “Steps” (1987) propose une excursion dans la célèbre scène des escaliers d’Odessa du “Cuirassé Potemkine”. eRikm ne procède pas du tout de la même manière, nous ne sommes pas des touristes arpentant le décor du film, nous sommes par contre conviés à imaginer, visualiser, produire ce qui a été prélevé, ce qui a disparu. Nous sommes en présence d’un autre voyage qui utilise comme fil conducteur le récit initial, épuré. À la manière de ce que prônaient, Murphy et Tougas, nous appréhendons des environnements, nous saisissons le contour de personnages, mais, on ne peut les reconnaître, juste les imaginer. Les processus d’identifications traditionnels sont évincés. Recycling looms large in “Frags”, but takes on a different dimension in “va©uum”, in that the work is an assisted remake. Numerous artists have worked with remakes, taking an entire film and subverting it in one way or another: by slowing it down (Douglas Gordon), speeding it up (Les Leveque), adding subtitles unrelated to the original content (René Vienet), re-enacting it (Brice Dellsperger, Pierre Huygues) or changing its context (Pierre Bismuth); but few of them have taken over a film the way eRikm does with “va©uum”. Here the tweaking of “Fantastic Voyage” functions like a foreign body attacking the film from within, through different forms of occupation and transformation. As eRikm puts it, “At the beginning (phase 0) is a process of subversion of a medium, like a foreign body appropriating the functioning of the organism which it has made its home. Emptied of its ancillary novelistic elements (phase 1), the plot of the film functions via the retention of certain commentaries, the voyage within a human body, the therapeutic effects, etc. The “va©uum” effect consisted, in the following phases (2 & 3), in modifying the body and the tessitura of the sound, the image and the music.” This void is only apparent; here we are faced with a process of evacuation and avoidance. Stripped of its filmfat, to use Vertov’s term, eRikm’s venture is a dynamic rereading of the fantastic voyage. We revisit a 1960s movie whose concept of the miniaturising and transport of human beings has not yet become a reality, but we do so almost in the same way as Zbig Rybczynski, whose “Steps” (1987) takes us on an excursion through the famous Odessa Steps scene from “Battleship Potemkin”. eRikm, though, does not use anything like the same approach: we are not tourists strolling through the set, but on the contrary we are invited to imagine, visualise and produce what has been taken out, what has disappeared. This is another voyage using a pared-down version of the original narrative as its guiding thread.
Les lieux, les formes, les êtres ne sont que contours, traits plus ou moins vibrant qui inscrivent des signes sans corporalité. Ils sont des indices et non plus des corps, ils laissent place à une dynamique de la couleur, des flux et des syncopes. L’image devient une divagation, une dérive, une fantasmagorie qui accompagne un film radiophonique. On est ici proche de quelques propositions de cinéastes qui envisageaient radicalement la synesthésie : Walter Ruttmann avec “Weekend” (1930), David Wharry avec “El Cafetal” (1981), et inversement “LuxPaylettes” qui a pu servir de support sonore au live cinéma13 de Gaëlle Rouard et Etienne Caire dans “Levox” (2006). Mais si ce voyage est si fantastique c’est aussi parce qu’il se joue du spectacle cinématographique et le détourne sans amertume pour le plaisir de l’expérimentation. Le détournement par soustraction d’information permet de travailler d’autres champs que ceux du cinéma du divertissement; cependant, il en garde la trame pour nous plonger dans d’autres mondes à travers des compressions, des transcodages qui induisent des altérations qui magnifient le ciné-pinceau. On se souvient que Lev Manovich avait repéré dès 2000 ce devenir du cinéma numérique passant du ciné-œil au ciné-pinceau, il redevenait une branche particulière, « de la peinture dans le temps »12. “va©uum” et “Austral” incarnent ce devenir de l’image numérique. Dans ces deux films, les processus de transformations des éléments filmés sont retravaillés afin de constituer une autre réalité qui est une expérience qui ne peut être faite que par l’utilisation de différentes interfaces de traitement d’images. As Murphy and Tougas urge us to do, we grasp environments and identify the outlines of characters, but rather than recognise them, we can only imagine them. The traditional identification processes have been ejected. The places, shapes and people are only contours, more or less vibrant lines describing incorporeal signs. They are clues, no longer bodies, and leave the field open to a dynamic of colour, flows and syncopations. The image becomes a divagation, a drifting, a phantasmagoria accompanying a radiophonic film. Here we are close to works by filmmakers with a radical approach to synaesthesia: Walter Ruttmann in “Weekend” (1930), David Wharry in “El Cafetal” (1981) and, conversely, “LuxPayllettes”, which provided the sound for Gaëlle Rouard and Etienne Caire’s live cinema13 in Levox (2006). But if this voyage is so fantastic, it is also because it mocks spectacle cinema, subverting it without resentment for the sheer pleasure of experimenting. Subversion through data subtraction can also be applied to other fields than entertainment cinema; however it does retain its basic framework so as to plunge us into other worlds by means of compressions and transcodings whose modifications hymn the kino-brush. Let us not forget that in 2000 Lev Manovich had identified the evolution of digital cinema from kino-eye to kino-brush and “a particular branch of painting – painting in time12”. “va©uum” and “Austral” embody this evolution of the digital image: in these two films and installations, the transformational processes are reworked to produce another reality, an experiment only made possible by different image processing interfaces.
Le son peut alors participer de ces modifications et de ces traitements, mais il peut aussi privilégier la pratique instrumentale et la manipulation en directe : digitale (platiniste) ou numérique. “va©uum” et “Austral” semblent jouer avec ces deux possibilités, mais chacun de manière distinctes. Dans un cas le prélèvement de la bande son d’origine s’accompagne d’un travail de re-élaboration sonore, comme c’est le cas pour le traitement de l’image par le filtrage de bruits parasitaires, dans l’autre, le son est une composition de l’artiste interprétée par les instrumentistes de l’ensemble Laborintus, retravaillée par eRikm. La différence se situe au niveau du projet et de l’écriture musicale. Dans un cas, il s’agit d’un prélèvement et d’un détournement de film alors que dans l’autre c’est le travail de composition qui domine autant pour la production visuelle que sonore mais pas selon les mêmes aléas d’improvisation et d’expérimentation. La forme instrumentale privilégie une écoute qui fait appel aux codes de la « musique érudite », et plus précisément avec la version mono écran13. Cependant face aux images, les musiciens, tentant d’improviser à partir de la composition d’eRikm, font resurgir les archétypes de la musique contemporaine, ceux qu’ils ont appris, ceux qui les ont formés, ceux qui reflètent des positions de pouvoir quant à la musique et au son. Sound can be part of these modifications and processings, but it can also privilege instrumental work and direct manipulation, either with the hands (the turntablist) or digitally. “va©uum” and “Austral” appear to play with both possibilities, but each in a different way. In the first instance the picking and choosing of the original sound track is accompanied by the same kind of redevelopment as for the processing of the image, with parasitic noises filtered out; whereas with Austral, the sound is an eRikm composition interpreted by the Laborintus instrumentalists, then reworked by the artist. The difference is to be found in the nature of the project and the scoring. “va©uum” involves selective use and rechanneling of a film, while in “Austral” the compositional side predominates in both visual and sound terms – but not in terms of the same randomness of improvisation and experimentation. For the listener the emphasis of the instrumental form is on the codes of “scholarly music”, especially in the single-screen version13. Nonetheless the musicians, faced with the images and trying to improvise around eRikm’s composition, fall back on the archetypes of contemporary music: what they have learnt and what has shaped them – reflections of music and sound power plays.
Les principes de composition évoquent des cheminements et des progressions d’objets se déplaçant dans le cadre selon des séries d’emboîtements en cascades qui rappellent les effets utilisés par Oskar Fischinger dans “Motion Painting n°1” (1947) plus que les “Opus” (1919-24) de Walter Ruttmann dans lesquels des formes se déploient dans l’espace selon des accumulations répétitives d’une forme en expansion. Le recours à la polyphonie des formes colorées et leurs progressions simultanées étaient l’un des enjeux de la synesthésie telle qu’envisagée par Oskar Fischinger pour “Motion Painting n°1” à partir d’un mouvement de concerto Brandebourgeois. Avec “Austral”, la proposition s’est inversée : ce n’est pas tant voir ce que l’on entend que donner à voir pour entendre. Mais à la différence du travail de ces musiciens qui meublent l’espace par la projection, le dispositif utilisé par eRikm n’est pas là pour accompagner la musique, il est donné comme moteur pour l’improvisation tout autant qu’il est modifié par le jeu de la partition initial. Les images qui composent la pièce sont de deux types : l’un qui associe aux déplacements de personnes filmées dans des espaces urbains des traitements chromatiques, des inversions et des virages ainsi que des lignes de codes en visant à abstraire le paysage, l’autre qui est avant tout issu d’une série d’animation de formes plus ou moins transparentes qui se superposent les unes sur les autres avec des débordements, des effets d’escaliers, et qui progressivement esquissent des paysages abstraits dans lesquels on croit parfois saisir ou percevoir de fantomatiques paysages. Dans un cas, on est en présence d’une réalité transformée alors que dans l’autre les dispositifs quasi picturaux des logiciels de traitements d’images induisent des simulacres de paysages. Avec “Austral”, on oscille entre pictorialisme et numérique. On est en présence d’un usage « pictural » du digital et simultanément face à des réalités policées du numérique qui écartent toutes impuretés en lissant la représentation. The compositional principles suggest the paths and progress of objects moving within the frame according to a chain of interlockings more reminiscent of Oskar Fischinger’s “Motion Painting No. 1” (1947) than of Walter Ruttmann’s various “Opus” (1919-24): forms spreading through space as repetitively accumulated expansions. Recourse to the polyphony of coloured shapes and their simultaneous progress was one aspect of Fischinger’s vision of synaesthesia in “Motion Painting No. 1”, starting out with a movement from one of the Brandenburg Concertos. In “Austral” the approach is reversed: it is not so much seeing what one hears but showing in order to hear. However, unlike the work of his musicians, who fill the space by projection, eRikm’s procedure is not intended to accompany the music; it is provided as a motor for improvisation while also being modified by the playing of the initial score. The images making up the piece are of two kinds: the first takes the filmed movements of people through urban settings and adds chromatic processing, reversals, tonings and code lines, the overall intention being abstraction of landscape. The other type of image is primarily the outcome of a series of animations of more or less transparent forms whose superimposition is accompanied by spillovers and staircase effects, resulting in gradual sketching of abstract landscapes which sometimes give the impression of seeing or perceiving ghostly scenery. In the first case we have a transformed reality, while in the second the quasi-painterly procedures of the image-processing software lead to landscape simulacra. “Austral” is oscillation between pictorialism and the digital: we are faced, simultaneously, by a “painterly” use of the digital and the rigorous digital control that does away with all impurities by smoothing the image.
eRikm venant de la musique électro-acoustique, les cracks, les glitchs14 et tous les scratchs sont intégrés; ils font partie des éléments essentiels de l’improvisation et de la composition. De même la matérialité de l’image, les résidus, les parasites et les restes évincés par le cinéma du divertissement, mais que chérissent de nombreux cinéastes expérimentaux et vidéastes, sont des éléments que prend en considération eRikm. L’image est constituée de strates s’additionnant, les unes aux autres à la manière de caches plus ou moins transparents. Les intensités et effets de superpositions sont proches de l’aquarelle et donne à voir la constitution d’un paysage plus ou moins abstrait. Un monde flottant, évanescent toujours en recomposition et déconstruction, un monde en devenir. Ce devenir n’est pas un flux régulier, il est saccadé à la manière du dispositif cinématographique, comme si le numérique était hanté par l’intermittence cinématographique, suite de “on” et “off” auquel s’est substitué le 0.1. et, dont l’artiste joue afin de constituer d’autres mirages comme le souligne la mise en espace d’”Austral”. Quatre écrans réalisés au moyen de film transparent s’enroulant autour de piliers constituent les surfaces de réception de la projection. Leur épaisseur induit une irisation de l’image qui parfois laisse transparaître un écho de l’autre versant. Quatre écrans dans l’espace sur lesquels le même film est projeté. Le son spatialisé contamine tout l’espace et par conséquent les autres œuvres. Dans tout le travail d’eRikm, on retrouve un questionnement autour des usages des instruments technologiques contemporains qui privilégient un aspect low-tech de ceux-ci. Il y a chez eRikm un usage qui vise à les détourner en explorant leurs différents aspects. Si la musique, les bandes, semblent participer de la culture numérique, en fait elles la pervertissent en inscrivant toujours l’expérimentation comme première; la touche personnelle, le digital sont des pôles de transformation de la proposition et c’est par eux que l’œuvre s’élabore. Since eRikm has his roots in electro-acoustic music, all the clicks, pops, glitches and scratchings are integrated14 as an essential component of improvisation and composition. And in the same way the material content of the image, the leftovers, interferences and bits and pieces discarded by entertainment cinema, but cherished by many experimental film and video makers, are all to be taken into consideration. The image is made up of strata overlaid on each other like more or less transparent masks. The saturation and the superimposition effect are similar to those of watercolour and display the creation of a more or less abstract landscape: a floating, evanescent world in a state of constant deconstruction and recomposition, an endlessly evolving world. This evolution is not a constant flow: it is staccato, like the cinematic system, as if the digital were haunted by cinema’s intermittency: by the on/off succession which the digital replaces with 0.1 and which the artist plays on to create other mirages, as Austral’s spatialisation emphasises. Four screens of transparent film wrapped around columns are there to receive the projection, their thickness causing an iridescence which sometimes lets an echo of the other aspect peep through. Four screens on which the same film is projected, so that the spatialised sound contaminates the entire exhibition space and, consequently, the other works. All eRikm’s work is marked by investigation of the uses of contemporary technology tools that emphasise a low-tech aspect of this technology. He sets out to explore and tweak it, and while the music and the recordings seem part of digital culture, what they are actually doing is perverting it by systematically making experimentation the prime consideration. The personal touch and the digital are the opposite poles of his transformations, and it is through them that each work takes shape.
1 - Ainsi que le décrit Vincent Normand dans un article de Frog magazine (http://www.frogmagazine.net), 2006. 2 - Note à propos de “Corner” et “Générescence soustractive”, eRikm, et à propos de “Variations opportunistes” qui sont des “frames” bloquées. 3 - “MU”, Galerie de la friche Belle de Mai à Marseille (juillet/août 2010) ainsi que “mOnO”, à l’Espace multimédia gantner, Bourogne (juillet/septembre 2010). 4 - Viktor Mayer-Schönberger, “Delete: The Virtue of Forgetting in the Digital Age”, p. 196 : « In the digital age, in what is perhaps the most fundamental change for humans since our humble beginnings, that balance of remembering and forgetting has become inverted. Committing information to digital memory has become the default, and forgetting the exception. », Princeton University Press, 2009. 5 - Sur J.J. Murphy voir Scott MacDonald : « Avant-garde and Motions Studies », Cambridge University Press, 1993. 6 - Lev Manovich, “Le langage des nouveaux médias”, p. 536 : « Le photographique et le graphique, qui s’étaient naguère séparés lorsque le cinéma et l’animation avaient pris des voies divergentes, se trouvèrent de nouveau réunis sur l’écran de l’ordinateur. », collection Perception, Les Presses du réel, 2010. 7 - Entretien eRikm / Jacqueline Caux, Août 2010. 8 - On se souvient de “Pas de deux” (1968) de Norman McLaren qui appliquait à la chorégraphie d’un duo des techniques de surimpression en cascade montrant la décomposition du mouvement. 9 - Vincent Normand, op. cit. 10 - Il s’agit d’une vidéo inspirée par une pièce vocale de Natacha Musléra. 11 - “Entracte”, cd, 2010. 12 - Lev Manovich, op. citée p. 527, le «ciné-œil» est un concept façonné par Dziga Vertov dans les années 20, Dziga Vertov : Articles, journaux, projets aux éditions UGE 10/18,1972. 13 - Dans l’exposition “MU”, on était en présence d’un dispositif avec 4 ou 5 écrans. 14 - Il partage avec Rioji Ikeda, Terre Thaemlitz ou Philip Jeck cette préoccupation pour les sons parasites qui interrompent la continuité d’un développement musical linéaire et construisent d’autres espaces sonores, ou encore avec les premières vidéos sur la neige et le bruit de Gary Hill.
1 - As described by Vincent Normand in “eRikm”, Frog no. 4, 2006. http://www.frogmagazine.net 2 - Artist’s note regarding “Corner,” “Générescence soustractive” and the blocked “frames” of “Variations opportunistes”. 3 - “MU,” at the Galerie de la Friche Belle de Mai in Marseille in July-August 2010, and “mOnO” at the Gantner multimedia centre in Bourogne, in eastern France, in July-September of the same year. 4 - Viktor Mayer-Schönberger, Delete: The Virtue of Forgetting in the Digital Age (Princeton, NJ: Princeton University Press, 2011), 196. 5 - On J.J. Murphy, see Scott MacDonald: Avant-garde Film: Motion Studies (Cambridge: Cambridge University Press, 1993). 6 - Lev Manovich, The Language of New Media (Cambridge, MA: MIT Press, 2002), 311: «The photographic and the graphic, divorced when cinema and animation went their separate ways, met again on the computer screen.» 7 - eRikm interviewed by Jacqueline Caux in August 2010. 8 - We are reminded here of Norman McLaren’s Pas de deux (1968), which used accumulated superimposition to break down the movement of a dance duet. 9 - Vincent Normand, op. cit. 10 - The work was inspired by a vocal piece by Natacha Musléra. 11 - Entracte, cd, 2010. 12 - Lev Manovich, op. cit., 308. The kino-eye concept was first formulated by Dziga Vertov in the 1920s: see Annette Michelson (ed.), Kino-Eye: The Writings of Dziga Vertov, trans. Kevin O’Brien (Berkeley: University of California Press, 1985). 13 - In the “MU” exhibition the work used 4 or 5 screens. 14 - He shares with Rioji Ikeda, Terre Thaemlitz and Philip Jeck this concern with the interferences that break the continuity of linear musical development and construct other sound spaces; just as he has something in common with Gary Hill’s early snow and noise videos.
SIMULACRES SET 2009 (FRAGS, 2006, 5’26 / HOPIS, 2009, 4’18 / PARTS, 2009, 5’16) Installation vidéo / Video installation
streetcut 13 / streetcut 04 / streetcut 02
streetcut11
reload
catfish
deal / double size
ground zero +
love is a temple / dĂŠgoutine /
untitled idols
miseres
chevrotine
dogme
il appelle
show
untitled
malaise / II bourricot
vanity case 01 /
bouche cousue / workwoman / doc
bi / spiritus sangti / patholitique / cache misere
nowhere
violence ordinaire / obsolescence lebensborn
desaveuglettes / biopower
/ porcquĂŠ / dar el hanch
/ vanity case 03 / vanity case 02
streetcut 05 / streetcut 09 / streetcut 14 / streetcut 12 / streetcut 03 / streetcut 08 / streetcut 10 / streetcut 15
devil
Louis-José Lestocart L’éternel cercle créatif ondes, boucle, circularité Au début est l’onde (visuelle et sonore). Soit toutes sortes de turbulences, de perturbations, d’oscillations de plus en plus grandes, désordonnées ou ordonnées, comme issues d’une source inépuisable. Oscillations, vibrations, ondulations, étrange monde des boucles et des circuits de connexions, qui sont alors partout présents. Tous les points d’une onde pouvant être le siège d’un nouvel ébranlement (« catastrophes » de René Thom qui sont à la fois apparition de formes, changement et morphogenèse), chaque point d’onde en mouvement est lui-même source de nouvelles ondes1. « Repérées », les ondes se mettent à jouer entre elles. S’entrecroisent, s’enchevêtrent, se déroulent, tendent en structure se développant presque à l’infini, évitant toute orientation à priori vers un point culminant ou une fin extérieure. Telles les lignes serpentines que dessine “SeQ-L”. Cette installation/sculpture monumentale qui traite du thème des rhizomes de Deleuze et Guattari (pensée déployée et activée par connexions, subdivisions, ramifications), pourrait ne commencer et ne finir nulle part. Mais d’expansions en expansions, elle rattrape – via une forme qui se rapproche des structures moléculaires ou génétique – une sorte d’Immuable en une propulsion singulière dans le temps et l’espace.
The Eternal Creative Circlewaves waves, loop, circularity In the beginning is the wave (visual and sound). In other words, all sorts of turbulences, disturbances and oscillations, bigger and bigger, orderly or disorderly, seemingly springing from some inexhaustible source. Oscillations, vibrations, undulations, a strange world of omnipresent loops and interconnected circuits. And since any point along a wave can be the site of a fresh upset – one of René Thom’s “catastrophes”, which are at once appearance of forms, change and morphogenesis – each point on a moving wave is itself a source of fresh waves1. Once «spotted», waves can be seen playing among themselves, crisscrossing, intertwining, unfurling, forming quasi-infinite structures and avoiding any predetermined culmination point or external end. Like the snaking lines of eRikm’s “SeQ-L”. This monumental installation/sculpture based on Deleuze and Guattari’s rhizome theory – the notion of thought as activated and implemented by connections, subdivisions and ramifications – could in fact begin and end nowhere; but through its endless expansions it nonetheless – via a form similar to molecular or genetic structures – achieves a kind of Eternality in its singular propulsion through time and space.
naissance de formes Stries emplies d’informations invisibles et inexploitables, “Itération” résulte du dérèglement de l’ordonnance d’un photocopieur et calibre une naissance de formes faisant aussi naître de la réflexion. La répétition théoriquement infinie d’un procédé de calcul (qui peut s’appliquer au raisonnement), créé par l’humain, mène à une sorte d’impasse dans la codification et prend là l’aspect d’une composition graphique faite de couches empilées indéchiffrables. Thème repris dans les 21 photographies de “Contrôle” montrant la composition de « peintures abstraites » via l’altération d’images/footages par manipulation d’antenne TNT2 ; dans “Tranches de vie”, défilement continu et rapide des pochettes de disques dont on peut parfois reconnaître les titres ; enfin dans l’installation vidéo “Simulacre Set”. Il faut prendre en compte le côté informationnel de cet art composé d’images numériques qui s’intéresse à leur codage/décodage en tant que nouvelle langue. Information en tant Théorie de l’information (Shannon) et entropie (déperdition informationnelle). L’entropie conduit parfois cependant à la construction de formes (structures dissipatives) et de nouveaux systèmes. Dans “Itération” on assiste ainsi à des phénomènes aléatoires de type stochastique (du grec stokhastikos, soumis au hasard, fruit du hasard) – ce qu’on traduit par chaos –, étant néanmoins producteurs de sens. Dans un autre champ, celui de la vidéo, ces phénomènes prennent la forme d’« îles », corruptrices, à première vue, de l’image3. Ces interventions qui altèrent ou perturbent la transmission d’une information (image) se rapportent toutes à du bruit, autre composant, avec le signal, de la théorie de l’information. Tout se passe comme si ordre et désordre s’affichaient et luttaient avant de s’unir. Ces deux niveaux qu’on voudrait a priori séparés, se révèlent indissolublement liés et composent les deux faces d’un art qui s’apparente aux divers états d’un système complexe et dynamique. Ce que représentait déjà “SeQ-l” dans sa figuration de différentes phases de déploiement. Plus exactement, on était là face à un « plateau », au sens où l’entend birth of forms Produced by using a detuned laser photocopier to produce striations stuffed with invisible, unusable information, “Itération” calibrates a birth of forms that in turn sets us thinking. The theoretically infinite repetition of a humanly devised calculation process – one also applicable to reasoning – leads to a kind of codification impasse in the shape of a graphic composition of indecipherable overlays. This theme is returned to in the 21 photographs of “Contrôle” and their demonstration of the use of a DTT decoder2 to compose “abstract paintings” by distorting images and film footage; in “Tranches de vie”, with its rapid, continuous scrolling past record covers whose titles we can sometimes recognise; and in the video installation “Simulacre Set”. Important here is the informational aspect of this art made of digital images and its exploration of their encoding/decoding as a new language: information as in Information Theory (Shannon) and entropy (information loss). Entropy, however, sometimes leads to construction of forms (dissipative structures) and new systems: in Itération, for example, we find random phenomena of the stochastic kind (from Greek stokhastikos, “subject to chance”, “the outcome of chance”) – translated as “chaos” – which nonetheless produce meaning. In the field of video these phenomena take the form of “islands” which at first glance corrupt the image3. These alterations or disturbances of the transmission of an item of information – the image – all have to do with noise, another component, with the signal, of information theory. It is as if order and disorder assert their presence and grapple before coming together as one. These two levels, which we consider necessarily separate, turn out to be indissociably linked, making up the two facets of an art related to various states of a complex, dynamic system; this was what “SeQ-l” represents in its figuration of different phases of deployment.
l’anthropologue cybernéticien Gregory Bateson, c’est-à-dire, selon lui, un système sociobiologique basé sur le concept de feedback, potentiel nécessaire à toute organisation. Soit encore une seule et même substance, région continue d’intensités, vibrant sur elle-même. À la fois mémoire, être et dynamique, cette « région » finit par interagir avec notre esprit et décrit une vraie « topologie de la pensée »4. Perception, déchiffrement, entendement Car à travers ces manipulations numériques, le regard se creuse et en vient à construire de la théorie. Véritable modélisation du percevoir, l’art ici se fait proprement réflexif, interroge la réalité perçue par le spectateur et double celle-ci en lui donnant à voir certaines des opérations cognitives stochastiques ayant lieu dans son cerveau. Cette quasi-insaisissable expérience de ce qu’on produit dans l’acte de voir est discernable dans “Générescence soustractive”. Au début, sur fond noir, germent de menues lumières, formes clignotantes, détourées, formations à la fois temporelles et spatiales, apparaissant et disparaissant. Petites îles avec bouts d’images solarisées inscrites, comme autant de traces d’informations jamais tout à fait présentes pour l’œil et qu’on ne peut entièrement décrire. L’image initiale, non visible à présent, est une vidéo filmée de nuit, montrant des éoliennes que le soleil de l’aube éclaire, provoquant des scintillements. Ici l’objet industriel est encore détourné. Le langage numérique d’abord balbutiant, suite d’onomatopées visuelles dans “Corner”, s’affine là de plus en plus en un ensemble infini d’images subtiles, génératives, ne cessant de varier. Mouvements, ébranlements de tous ordres. De la mobilité pure créant de nombreuses configurations, vibrations, intensités liées à la composition musicale, qui surgissent donc sous forme d’îles (reproduisant l’idée des fractales de Mandelbrodt), de tracés géographiques, photogrammétriques, conduisant parfois à la plus pure abstraction. More precisely, we are faced with a “plateau” as defined by the anthropologist and cybernetician Gregory Bateson: a sociobiological system based on the principle of feedback seen as a potential necessary to any form of organisation, a single unified substance, a continuous, self-vibrating region of intensities. At once memory, being and dynamic, this “region” ultimately interacts with our mind to describe an authentic “topology of thought.4” Perception, decipherment, understanding What happens is that through these digital manipulations the gaze intensifies and, as a result, constructs theory. A veritable modelling of the business of perceiving, art here becomes thoroughly reflexive, interrogating the reality perceived by the viewer and duplicating it by revealing to him certain stochastic cognitive operations taking place in his brain. This quasi-ungraspable experience of what we produce in the act of seeing is discernible in “Générescence soustractive”. At the beginning tiny lights sprout on a black ground: flickering outlines of shapes, at once temporal and spatial, appearing and disappearing. Little islands with bits of solarised images set into them, like information traces never completely present to the eye yet lending themselves to complete description. The original image, not shown, is a video of windmills gleaming in the light of the rising sun. Another example of subversion of an industrial artefact. Initially rudimentary, the digital language that is a succession of onomatopoeias in “Corner”, is progressively honed into an infinite group of subtle, generative, endlessly variable images. Movements and jerky starts of all kinds. Pure mobility triggering numerous configurations, vibrations and intensities, all linked to musical composition and materialising as islands (reproducing Mandelbrot’s notion of fractals) and geographical and freeze-frame outlines that sometimes culminate in the purest abstraction.
Processus top-down et bottom-up En ce qui concerne le décodage et l’interprétation d’une œuvre, dans le domaine des neurosciences, l’œil est guidé en même temps par des processus bottom-up et top-down. Il y a dans une œuvre d’art des éléments qu’on s’attend à voir (couleur, forme, profondeur) et que l’on repère par procédé top-down (lecture réductionniste, cartésienne la plus employée par les commentateurs de l’art)5. Mais existent aussi des choses qui peuvent être « cachées » retenant néanmoins insensiblement l’attention. Des propriétés intrinsèques de l’œuvre visuellement stimulantes qui ressortent de la complexité (bottom-up) et ne sont perceptibles que dans les schémas plus ou moins conscients et, plus sûrement, inconscients de notre attention sur les choses6. “Générescence soustractive” et “Austral” recèlent de tels phénomènes cachés. Les deux lectures possibles s’y trouvent mêlées par les maniements d’eRikm. Comme le déclare celui-ci, “Austral” est un prétexte, un « vecteur » d’une re-conversion constante des données, conçu comme support pour d’autres supports. Dans “Austral”, comme dans “Générescence soustractive”, ce qui est représenté, en un vaste mouvement tendant à l’abolition de la discontinuité des seuils entre visuel et sonore, ce sont des opérations de lecture/déchiffrement, déchiffrement/interprétation/compréhension de ce qui est perçu par tâtonnement. Comme si l’œil hésitait entre éléments d’art abstrait, points, phosphènes, tâches, organismes primaires, voire traits de figuration (paysage et forêts, végétation, herbes ; qui ne sont dues qu’à des gouttes d’eau rebondissant sur un trottoir, ralenties – le logiciel Tracking gardant la trace du mouvement précédent), tandis que tout un réseau métaphorique d’images d’une grande diversité structurelle (saturation, plein/vide, transparences, rappel de dessins chinois ou japonais classiques, traits de pinceau, mangas ou BD, topologie, fractales, tachéométrie, information, hasts d’écriture et enfin langage) prend son autonomie. Top-down and bottom-up processes When it comes to decoding and interpreting a work, in neuroscientific terms the eye is guided simultaneously by top-down and bottom-up processes. In a given work of art there are elements one expects to see – colour, shape, depth – and which are identified by a top-down process: the reductive Cartesian reading most often used by art commentators5. There are also, however, things that can be “hidden” while furtively catching our attention: inherent, visually stimulating properties resulting from complexity that are perceptible only in the more or less conscious and – more likely – unconscious patterns of our attention to things6. “Générescence soustractive” and “Austral” include these kinds of hidden phenomena, with the two possible readings mixed together by eRikm’s handling of them. As the artist puts it, “Austral” is a pretext, a “vector” for ongoing data reconversion, a support for other supports. In “Austral”, as in “Générescence soustractive”, what are represented in the course of a vast movement tending towards abolition of the discontinuity of the thresholds between the visual and sound, are operations involving reading/deciphering and deciphering/interpretation/comprehension of what is gropingly perceived. As if the eye were gnoting, hesitating between elements of abstract art, dots, phosphenes, blotches, single-cell organisms and even smatterings of the figurative – landscapes, forest, vegetation, grasses – which in fact are due to drops of water bouncing off a footpath, with the Tracking software retaining the trace of the preceding movement. Meanwhile a metaphorical network of images of great structural diversity – saturation, solids/voids, transparency, reminders of classical Chinese and Japanese drawings, brushstrokes, mangas, comic strips, topology, fractals, tacheometry, information, stabbings of writing and language – assumes an autonomous existence.
Les unités dues à Processing, se détachant du fond, forment à leur tour une unité plus vaste qui se confond avec la musique. Cette série d’événements empreints de figurabilités « suffisent » à définir un art s’auto-organisant en une dynamique globale engendrant sans cesse une interrogation sur la représentation du monde. La fin d’”Austral” s’enfle d’ailleurs en une vision sanglante puis se mêlant aux tâches écarlates apparaissent carrés, quadrilatères, frames, carroyage ; toujours le traçage de ce qui vise à contrôler (top-down). Voyons encore de plus près, du point de vue de la musique, cette pièce maîtresse, s’il en est, où image et son sont élaborés selon les mêmes procédés. Partant d’une partition vidéo réalisée par ses soins, contant un voyage entre les frontières argentines et chiliennes en 2009, eRikm propose aux musiciens de l’Ensemble contemporain Laborintus de travailler d’abord séparément à accompagner et ré-interpréter ces images en improvisant. De ces improvisations ressortent des archétypes sonores qui sont là aussi comme structures cachées, cette fois auditives, issues de l’enseignement musical de chacun et de tous. eRikm prend le résultat, le mixe sur CD, soumet ces textures sonores à des transformations (mise en boucle, travail sur la vitesse, les tessitures, le dédoublement : un seul instrument se fait duo, puis quatuor, etc.) qui sont re-fabriquées. Aux images préexistantes re-traitées par Processing se superpose donc encore le bruit (dans le sens encore de la théorie de l’information), apporté par la musique. Ce bruit constituant en partie une information de niveau supérieur (le bruit provoquant des phénomènes d’auto-organisation qu’il s’agisse du biologique, de la physique ou encore des domaines sociologiques ou artistiques) est également porteur de la mémoire individuelle et collective des musiciens. Mémoire qui imprime un champ et une conscience historique. Presque une mémoire biologique que l’artiste a déjà interrogée dans une pièce immédiatement précédente “va©uum”, installation vidéo multimédia et multi-écrans, inspirée par “Le voyage fantastique” (Richard Fleischer, 1966), prônant en un contexte médical (propos du film) la représentation d’un organisme où un objet/corps étranger (encore une idée de bug) a élu domicile dans un but curatif. Ici “Austral” considéré comme corps organique est aussi mémoire des sons. Ce que présentait déjà “Depressive Fighter” en plus restreint. Standing out against the ground, the Processing-induced entities in turn form a larger entity which merges with the music. Stamped with figurative potentialities, this series of events “suffices” to define a self-organising art and a global dynamic that generate endless speculation about representation of the world. “Austral” ultimately swells out into a bloody vision, and among its scarlet blobs appear squares, oblongs, frames and squaring-up: in each case the outline of what aims – top-down – at control. Let us look more closely, in musical terms, at this indisputably fundamental work and its application of the same processes to image and sound. Starting out with a video he shot about a journey along the Argentina-Chile border in 2009, eRikm asked musicians from the contemporary music ensemble Laborintus to improvise – individually at first – an accompaniment and interpretation of his images. Out of these improvisations came sound archetypes which are also present as hidden – and this time auditory – structures reflecting the musical education of each member and the group as a whole. eRikm mixed the result on a CD then reworked the textures (using looping, speed modification, tessituras and duplication: one instrument becomes a duo, then a quartet, etc.) in what was a total transformation. The initial images reprocessed by Processing were then overlaid with the noise (once again in the information theory sense) provided by the music. This noise, which partially constitutes a higher information level – given that noise triggers self-organisation phenomena, whether in the biological, physical, sociological and artistic spheres – also subsumes the musicians’ individual and collective memory. A memory that leaves its stamp on a historical domain and consciousness. A near-biological memory that the artist had already investigated in an immediately preceding piece, “va©uum”, a multimedia, multiscreen installation inspired by the 1966 Richard Fleischer film “Fantastic Voyage”, whose medical plotline involves the introduction of a foreign body (the computer bug idea again) into an organism as a curative measure. Considered here as an organic body, “Austral” is also sound memory, as already seen to a more limited degree in “Depressive Fighter”.
couches : genèse des simulacres Une sorte de mouvement perpétuel organise donc et fait naître les formes. Celles-ci étant agencées par couches dans les vidéos qu’on vient de voir. Vues « réelles » et re-travail par Processing, musique et mémoire de celleci, musique dans ses rapports avec la forme, temps des formes entre elles, etc. établissent autant de niveaux dans la représentation comme dans la perception. Il reste maintenant à voir une autre façon d’aborder cette « réalité », de la décrire de façon plus « verticale », en sédimentations. Ainsi s’ordonne l’installation “Simulacres Set” qui résulte du produit d’images accumulées et de sons de plusieurs sources cinématographiques servant de matrices. Matrices qui seront à leur tour manipulées à travers un processus informatique servant de prisme. L’éternel cercle créatif Cette appellation renvoie à l’article “Le Cercle Créatif” de Varela dans “L’Invention de la réalité” (Paul Watzlawick, 1989). Lequel, liant mathématique, biologie et art (gravures d’Escher), fixe une méthode de pensée et d’analyse, via la circularité, sur la conception d’une œuvre. Ce cercle créatif de surcroît, pourrait être symbolisé par “L’appel 18.06.2000”. Suite de dessins qui montrent comment s’escrimer à capturer via une feuille blanche les contours d’un rayon lumineux au cours de son déplacement dans le temps et dans l’espace et les entourer, les calculer (ce qui revient à mesurer avec beaucoup de précision la durée d’une oscillation) pour en faire finalement, à travers leur déplacement au fil des heures, des matrices d’images-mouvements « quelconques ». Layers: the genesis of simulacra And so a kind of perpetual motion generates and organises forms, including the forms arranged in layers in the videos under discussion here: «real» views and reworking by Processing, music and memory of music, music in its relationships with form, interconnected time-frames for forms, etc. – all these set up levels in both representation and perception. It now remains to find another way of addressing this «reality» and of describing it more «vertically», as sedimentations. This is what governs the installation “Simulacres Set”, the outcome of the use of accumulated images and sounds from various movie sources as matrices. Matrices which are in turn manipulated via prism-like computer processing. The Eternal Creative Circle This title is an allusion to Francisco J. Varela’s article “The Creative Circle” in “The Invented Reality”. In its interlinking of mathematics, biology and art (engravings by M.C. Escher), the article utilises circularity to postulate a method in which thought and analysis shape the creation of a work of art. Moreover, this «creative circle» could be symbolised by eRikm’s “L’appel 18.06.2000”, a series of drawings showing how to plug away at capturing, on a blank page, the contours of a light-ray as it moves through time and space: the process involves outlining and calculating those contours – which amounts to measuring with great precision the duration of an oscillation – and finally turning them, by following their movements for hours, into «ordinary» image-movement matrices.
“L’appel”, c’est une vraie trouvaille. Faire ces cercles « vertueux » qui s’entrelacent en un mouvement perpétuel, c’est bien à la fois suivre le fil conducteur et le déroulement d’une onde lumineuse ; son histoire en quelque sorte. Laquelle, tant onde physique qu’électronique, crée en effet sous les yeux une « propulsion » dans l’espace et dans le temps en même temps que ses tracés dessinent un rhizome. S’engendre également l’idée d’une boucle réitérée sans fin (qui peut être aussi musicale). On y voit surtout le déclenchement d’un processus de création qui s’avère déjà presque entièrement balisé, contenant ses résonances, jusqu’en ses phases et changements de phases et dont le développement s’effectue par vagues successives ; de l’instant où commence la première oscillation, et de l’instant où finit la dernière7.
1 - Principe dit de Huygens. 2 - Comme Nam June Paik faisait des Distorded TV (1963) 3 - De plus anciennes expériences ont été faites en ce sens par eRikm avec le ZX81 et le Spectrum. à l’origine synthétiseur permettant entre autres des solarisations dont Chris Marker fut un des premiers à se servir en France dans Sans Soleil (1983) 4 - L’addition des formes « parasites » à l’écran, correspondant en fait à un bruit visuel, évoque le principe découvert en 1960 par Heinz von Foerster, physicien à l’origine du Second ordre de la cybernétique selon lequel l’ordre émerge par le bruit. Ce « désordre organisateur » (order from noise principle) est là rendu possible par les manipulations numériques de Processing. 5 - Laquelle énonce que pour comprendre un phénomène, il suffit de le « découper » en toutes les parties (« sous-phénomènes ») qui peuvent le composer. Car c’est, soi-disant, ce qui se passe en nous quand nous pensons et raisonnons. 6 - La stratégie bottom-up de la Complexité, dont la figure principale est l’émergence, conceptualise que l’addition de plusieurs éléments n’est pas toujours égale à leur somme. Plus exactement on pourra parler de concept d’émergence, quand l’analyse d’éléments simples constituant un tout complexe n’est pas suffisante pour expliquer les nouveaux attributs et caractéristiques apparus en ce tout. 7 - Comme le dit le mathématicien et physicien néerlandais Christiaan Huygens « Or le mouvement successif de la lumière étant confirmé de cette manière, il s’ensuit, comme je l’ai déjà dit, qu’il s’étend par des ondes sphériques, ainsi que le mouvement du son. » (Traité de La Lumière, 1690)
“L’appel” is a real find: to create these «virtuous» circles which interlace in a process of perpetual motion, is also to follow the guiding principle and the unfolding of a light wave – its history, so to speak. And this wave, both physical and electronic, creates before our very eyes a «propulsion» in space and time at the same time that its outlines describe a rhizome. Also generated here is the idea of an endlessly repeated (and perhaps also musical) loop. Most importantly, what we witness here is the triggering of a creative process which turns out to be almost completely mapped out in advance – right down to its resonances and even its phases and changes of phase – and whose development takes place in successive waves; the moment when the first oscillation begins and the moment when the last one ends7.
1 - This is termed the Huygens Principle. 2 - We are reminded of Nam June Paik’s Distorted TV Sets of 1963 3 - eRikm had already undertaken similar experiments using the le ZX81 and ZX Spectrum. Among other features these computers enabled the solarisations of which Chris Marker was one of the pioneers in France, in “Sans Soleil” (1983) 4 - The addition of «parasites» on the screen, which corresponds to visual noise, harks back to the principle discovered in 1960 by Heinz von Foerster, the physicist who invented second-order cybernetics, according to which order emerges out of noise. This «order from noise» principle is rendered possible by digital manipulation using Processing. 5 - According to this approach, in order to understand a phenomenon, we need only «cut it up» into its constituent «subphenomena». This is, its advocates say, what takes place when we think and reason. 6 - Complexity’s bottom-up strategy, whose principal feature is emergence, asserts that the addition of several elements is not always equal to their sum. More exactly, we can speak of a concept of emergence when analysis of simple elements making up a complex whole does not suffice to explain the new attributes and characteristics of that whole. 7 - Francisco J. Varela, «The Creative Circle» in Paul Watzlawick (ed.), “The Invented Reality” (New York: W.W. Norton, 1980), 309-23. 8 - As the Dutch mathematician and physician Christiaan Huygens put it, «Now, the successive movement of light being confirmed in this way, it follows, as I have said, that it spreads by spherical waves, like the movement of sound.» (“Treatise on Light”, 1690)
L’APPEL 18.06.2000 2000 21 x 29,7 cm chacun / each Crayon sur papier / Stencil on paper
ACOUPHÈNE 2000 Sérigraphie / Serigraphy 17,8 x 134 cm L’APPEL 18.06.2000 2000 21 x 29,7 cm chacun / each Crayon sur papier / Stencil on paper CONSTRUCT / DECONSTRUCT 2000 29,7 x 42 cm Partition graphique / Graphic partition CODÉ_IN 2001 29,7 x 21 cm Collage sur papier / Collage on paper
notices de / BY le誰la quillacq
STACCATO 2003 888 fragments de disques vinyle, cable métallique / 888 fragments of medium vinyl records, wire rope Disques brisés, fragments enfilés, fractions dédoublées par les jeux de miroirs, “Staccato” scande l’espace d’une masse sonore aux grondements sourds. 888 vinyles pour instruments à cordes : c’est l’idée de boucle, qui éclate en atomes remixés autour d’un câble tendu, retranscrivant la trajectoire d’une onde graphique muette. Comme un autel dressé au sacrifice de la « mémoire », la pièce joue des propriétés physiques et symboliques de l’objet : le vinyle, support d’enregistrement d’un langage à la fois universel et spécifique, icône fétichisée d’une génération « Barclay », est aussi cette relique d’un temps passé à la casse, déchet issu de l’industrie de masse. Staccato sculpte ainsi la section d’un patrimoine culturel extrait, ébranlé et recyclé. / Broken disks, stuck fragments, fractions doubled by a mirror, “Staccato” scans the space with a sound mass of dull rumbles. 888 vinyls for string instruments: it is the idea of a closed loop, blowing up into atoms remixed around a tight cable, reflecting the trajectory of a silent graphic wave. Like an altar set for the sacrifice of “memory”, the piece plays with the object’s physical and symbolic properties: the vinyl, recording medium of a language both universal and specific, fetishistic icon of a “Barclay” generation, is also this relic from a time passed onto the scrap heap, the waste from mass production. Staccato sculpts the section of a cultural inheritance, weakened and recycled.
Amoco score I 2008 Objet de récupération en plastique noir, résine époxy / Black plastic found object, epoxy resin Les nappes phréatiques, polluées des résidus plastiques qui parasitent les mers, renaissent ici de leurs propres déjections. Clin d’œil sarcastique au pétrolier « supertanker » Amoco Cadiz – dont le naufrage, en 1978, provoqua l’un des pires ravages écologiques de l’histoire – l’œuvre rejoue la partition d’une catastrophe sur fond de marée noire. Les débris issus des silos pétroliers parsemant les bords de plage sont récupérés et samplés en une sculpture musicale version « indus. ». Ingurgités et régurgités, passés au filtre du vivant, chaque élément laisse évoquer le son mécanique produit par l’engin qui la compose. / Ground water, polluted by plastic remnants from the sea, here comes back to life, out of their own faeces. Sarcastic allusion to the oil tanker Amoco Cadiz – which sinking in 1978 caused one of the worst ecological disasters in history – the art piece replays the score of a catastrophe on an oil slick background. Scraps from the oil silos strewn on the beaches are taken and sampled as a musical sculpture, in an industrial way. Taken in and regurgitated, filtered by life, each element brings back to the mechanic sounds of its origins.
Autodafé 2010 Lettres d’imprimerie en plomb / Printing lead letters Des lamelles de plomb de typographie jonchent le sol de manière éparse. Les poussières de mots démantelés forment une masse chaotique à l’intérieur de laquelle le langage se délite. Le matériau plomb contient en lui même ce potentiel de dégénérescence et de perte du langage, symptômes du saturnisme. La pièce sonne comme un autodafé, sombre cérémonial emblématique des pires manœuvres d’uniformisation de la pensée, et fait renaître de ses cendres les caractères de nouvelles partitions à improviser. Phénomène entropique, la matière inerte se convertie en énergie et ouvre les potentiels vers d’autres langages possibles. / Small typographic lead strips are strewn over the floor. Dust from dismantled words forms a chaotic mass into which the language is broken up. The lead material contains in itself the potential of degeneration and loss of language, symptoms of saturnism. The art piece sounds like an auto-da-fe, dark ceremony emblematic of the worst tactics used for thinking standardization, and raises from their ashes the block capitals for new scores to be improvised. Entropic phenomenon, the inert matter turns into energy and opens to other possible languages.
King Rats 2006 26 souris PC / 26 computer mice Phénomène zoologique inexpliqué à ce jour, le « roi des rats » est une pelote de ratons connectés entre eux par leurs queues, entrelacées les unes aux autres dans une gangue collante de poils et d’excréments. Sorte de matrice mutante, elle est alimentée par ses congénères dont la survie dépend. Connexions-réseaux-contaminations… C’est l’idée de virus latent annonçant les prémisses d’une catastrophe. Phénomène tentaculaire traité ici avec humour, où l’épidémie moyenâgeuse côtoie la peste informatique version canular. / A zoological phenomenon unexplained until now, the “king rats” is a bundle of rats whose tails are tied up one to the other, tangled together in a sticky gangue of hairs and faeces, Like a kind of mutant matrix, it is fed by its fellow creatures, on whom its survival depends. Connection-web-contamination… It is the idea of a latent virus announcing the beginnings of a disaster. A sprawling phenomenon here treated with humour, where the medieval epidemic rubs elbows with the computer plague in a hoax way.
SeQ-L 2010 Tubes acier, pvc / Steel tubes, pvc Convertis en modules, les bouchons plastiques de “SeQ-L” s’enchaînent et prolifèrent des étages aux sous-sols pour squatter l’espace de manière intrusive. Composée sur le mode d’un sample, la pièce dessine des courbes rythmiques infiltrées dans le corps du bâtiment. L’installation articule l’infiniment petit à l’infiniment grand, joue des tensions entre ondes et particules, et revisite la physique version branches ADN ou théorie des cordes. Le titre renvoie à l’idée de trauma inscrit dans la mémoire moléculaire, un trouble induit par accident. / Converted into modules, “SeQ-L” plastic caps pile up and proliferate from upper grounds to undergrounds, usurping the space. Composed like a sample, the art piece draws rhythmic curves leaking into the building. The installation links the infinitely small to the infinitely large, plays with the tensions between waves and particles, and revisits physics: DNA branches or string theory. The title refers to the idea of trauma in line with the molecular memory, a trouble caused by an accident.
BORDER 2010 Puzzles, cadres acier / Puzzles, steel frames L’ère de la reproductibilité technique ouvre le passage d’un rapport sacralisé de l’œuvre à sa consommation de masse. Désincarnation d’une prétendue « aura » originelle du « chef d’œuvre » dans la sérialisation industrielle de ses artefacts. Ici, des puzzles de toiles de Maîtres sont démantelés pièce par pièce, alignées dans l’ordre de lecture et remontées sur des châssis métalliques n’encadrant plus que du vide. Stockage des données fragmentées d’une histoire passée et consacrée de l’art, les tranches évoquent les barres graphiques compactées dans les disques durs, se vidant au fur et à mesure des mémoires obsolètes. Les formules rythmiques découpent l’espace en continuums virtuels, sorte de paysage numérique aux variations monochromes. D’un certain point de vue, une frontière visuelle apparaît, créant un effet d’irisation parasité par le passage ouvert entre les lignes. / The area of technical reproducibility opens a way to a sacralised relation to the art piece and its mass consumption. Disincarnation of an alleged original “aura” of the “master-work” in the industrial serialisation of its artefacts. Here, puzzles of master pieces are broken up to their very pieces, and lined up according to the reading order and reset on empty metallic frames. Stocking of fragmentary data of a passed history devoted to art, the slices recall the graphic bars compacted into hard disks, getting rid of its obsolete memories as time goes by. The rhythmic formulas cut the space into virtual continuums, as a kind of digital landscape to monochrome variations. From a certain point of view, a visual frontier appears, creating an irisation effect sometimes interrupted by the possibility to pass in between the lines.
AMYGDALE 2010 Masques de boxe, capteurs, système électronique / Boxing helmets, sensors, electronic device Insérées dans des masques de combat, des orbites connectées à des capteurs électroniques diffusent une fréquence sonore sous haute pression acoustique. Le système s’inspire des armes despotiques d’une nouvelle espèce conçues en vue du maintien de l’ordre : référence aux bombardiers acoustiques utilisés en temps de guerre pour faire craquer les nerfs, au système d’hyperfréquence entraînant troubles et nausées appliqué au g20 dans un but anti insurrectionnel, ou bien au « Beethoven », ce boîtier d’ultrasons perceptibles uniquement des adolescents utilisé en Grande Bretagne pour faire fuir les squatteurs des halls d’immeubles. Le dispositif nous invite à pénétrer dans la faille d’un système répressif, comprimé entre 2 murs isolants, entre 2 têtes baissées, entre 2 amygdales pharyngées : noyaux encéphaliens qui gardent les traces de nos peurs. L’œuvre agit dans l’interstice infra-mince d’une liberté oppressée, où se pose la question de la lutte contre les organes de pression et de contrôle social au pouvoir. / Inserted into fighting helmets, eye sockets connected to electronic sensors broadcast a high pressure acoustic frequency. The system is inspired by a new type of despotic weapon conceived to maintain order: reference to the acoustic bombers used during war time to upset nerves, to the hyperfrequency device that causes trouble and sickness used by the G-20 to prevent insurrection, or to the “Beethoven”, those ultrasounds audible only by teenagers and used in Great Britain to keep squatters away from building halls. The device invites us to enter a fracture of the repressive system, constricted in between two isolating walls, in between two bowed heads, in between two tonsils: encephalon nucleus keeping signs of our fears. The art piece takes place in the infra-thin chink of an oppressed freedom, where the fight against pressure and social control in power is questioned.
“Y” +/- AUDIBLE 2001 Haut-parleurs, ampli, tube acier, égaliseur paramétrique / Loudspeaker, amplifier, steel tube, parametric equaliser. Le son étant a priori peu exploité dans le design, l’idée était de fabriquer un objet quipuisse s’inscrire dans notre espace quotidien, notre «home sweet home», au même titre que les lampes halogènes sur pied qui ont transformé l’ambiance nocturne de nos appartements à partir du milieu des années 80. L’amplification de l’espace acoustique et de ses artefacts sonores intérieurs et extérieurs est modifiée par le phénomène de feed-back généré par l’opposition des deux membranes. L’espace est modifié acoustiquement par la variation d’une fréquence ou d’une note «Y» plus ou moins audible selon la pression atmosphérique et le niveau de décibel naturel présent dans cet espace. / Sound in itself having rarely been worked on in the field of design, the idea was to construct an object that might be included in our daily space, our «home sweet home», as for instance halogen floor-lamps transformed the nocturnal atmosphere of our homes in the mid-eighties. The device is the following : two loudspeakers, mounted on tubes, like halogen floor-lamps, are fixed vertically opposite each other. One to the ceiling , and the other rests on the floor. One loudspeaker is used as such, the other is used as a microphone. The distance between the two loudspeakers varies according to the acoustic space in which they are placed. “Y” +/- audible may be hidden, allowing the freeest possible interpretation of the object’s auto-generated sound by the user. The amplification of the acoustic space and it’s interior and exterior artefacts is modified by the phenomenon of feedback generated by the opposition of the two membranes. The space is acoustically modified by the variation of a frequency, or note «Y», that will be more or less audible depending on the atmospheric pressure and natural decibel level of this space. By approaching one’s hands, or objects that may reflect or absorb the sound emitted by the loudspeaker, a psycho-acoustic game is created (in the low-medium frequency range). Sound shapes and masses become apparent.
PORN-NOISE 2010 Disqueuse, disque vinyle coloré, silicone / Angle grinder, coloured vinyl record, silicone En hommage à FM Einheit, pionnier de la musique industrielle, “Porn-Noise” expose un accouplement hybride entre engin viril et icône virgin. L’œuvre fusionne énergie punk et accent mélodique dans un coït musical à la fois ironique et menaçant. Une disqueuse électrique passée sous autopsie voit son instrument d’acier substitué par un vinyle coloré façon kitsch. Bruitisme énervé sous anesthésie pop, machine infernale émasculée d’un 45 tours rose bonbon… clin d’œil à la musique industrielle et ses agressions sonores instantanément périclitées par l’air d’une pop acidulée. / As a tribute to FM Einheit, industrial music pioneer, “Porn-Noise” displays a hybrid mating between a virile machine and a virgin icon. Punk energy merges with a melodic overtone in a musical coitus both ironic and threatening. The electric angle grinder is autopsied, and its steel instrument replaced by a coloured vinyl in a kitsch way. Enraged noise pop-anesthetized, infernal machine emasculated with a pink 45 rpm record… A nod to industrial music sound aggressions, immediately followed by the tangy wind of pop.
SIMULACRES SET FRAGS : 2006, 5’26 HOPIS : 2009, 4’18 PARTS : 2009, 5’16 Vidéo / Video Les 3 vidéos sont constituées, séparément, de trois films originaux : “71 fragments d’une chronologie du hasard” (M. Haneke, 1995), “Koyaanisqatsi : Life Out of Balance” (G. Reggio, 1982), “Les particules élémentaires” (O. Roehler, 2006). Les choix découlent de leurs sujets – la fragmentation, le temps, les hasards, l’accident – mais également de leurs caractéristiques – colorimétrie, acoustique en relation avec leurs thématiques. Les vidéos peuvent être présentées seules ou sous forme d’installation (triptyque). De l’image mouvement à la lumière / du son cinématographique au bruit blanc. / «Simulacres Série» consists in accumulating moving light and layering sounds, music, and sounds, sometimes simultaneously. Each of the 3 videos takes up an original movie : “71 Fragments of a Chronology of Chance” (M. Haneke, 1995), “Koyaanisqatsi : Life Out of Balance” (G. Reggio, 1982), The Elementary Particles (O. Roehler, 2006). These movies were chosen from their subjects – fragmentation, time, chance, accident – but also from their formal characteristics – colorimetry, acoustics... From image-motion to light / from sound film to white noise.
DEPRESSIVE FIGHTER I & II 2003, 4’28 Vidéo / Video Muni d’un casque de boxe, eRikm lutte avec un compresseur lui propulsant du vent dans la gorge. Les sons vocaux émis sont retraités en même temps que l’image, filtrés et modulés. La vidéo exprime cette relation de combat permanent entre l’artiste, ses machines et l’espace visuel et acoustique : dispositifs d’une bataille acharnée pour forcer des trous d’air, et maintenir des fuites, à l’intérieur d’un corps sociétal « sous pression ». / Boxing helmet on, eRikm contends with a compressor blowing air in his throat. The vocal sounds produced are treated again, and so is the image, filtered and modulated. The video expresses this fighting relation between the artist, the machines, and the visual and sound space: devices of a fierce struggle to force air pockets, and maintain leaks, into a societal body “under pressure”.
TRANCHES DE VIE 2001, 3’00 Vidéo / Video Une succession de travellings verticaux balaye les tranches de ce qu’on devine être des pochettes de disques vinyles. La boucle joue en silence les notes d’un remix effréné. Chutes, glissements et rebonds, le flux d’images écrit dans le temps les accords d’une poésie concrète. Des mots s’extraient par flash de cet écoulement, des sens ouverts émergent et se tissent par libres connexions. / A series of vertical travelling browses the slices of what we guess to be vinyl sleeves. The loop silently plays the notes of a frenzied remix. Falling, sliding, and bouncing, the image flow writes the chords of a concrete poetry into time. Words flash out off this flow, opened meanings come out and freely connect one to another.
CORNER 2007, 2’45 Vidéo / Video Le travail sur l’image implique chez eRikm les mêmes processus développés avec le son : l’exploitation de fragments de matières, visuelles ou sonores, dans un rapport de désincarnation, de fractionnement et de synthèse générationnelle. Ici, la vision suggérée d’une caméra de surveillance focalise sur une scène de séparation et d’attente au coin d’une rue. Le cliché se délie peu à peu vers l’isolement. Le logiciel de tracking, détourant au noir et blanc les parties saturées, reformule l’image capturée hors du temps. / For eRikm, working with images implies the same processes he developed for sounds: exploiting material fragments (sounds or images) by disincarnation, fragmentation, and generational synthesis. Here, the suggested view from a security camera focuses on a scene of separation and of waiting by the corner of the street. The cliché slowly slips into isolation. The tracking software, turning the saturated parts into black and white, reformulates the timeless picture.
aUTOPORTRAIT 2007, 5’53 Vidéo / Video à partir d’une photo de lui piochée sur le net, eRikm se fait voler en éclats pour se réincarner dans l’espace et dans le temps en zones décentrées. L’image de départ, passée au crible du code ascii (American Standard Code for Information Interchange), se transforme en une suite de chiffres. Lue par une voix de synthèse, celle-ci se transforme en un poème sonore diffusé au centre de l’espace acoustique. Injectée ensuite dans un doppler, la suite est relue par balayage aléatoire, et reconfigure enfin le portrait originel dans l’espace virtuel de la vidéo. à travers ce système en boomerang, l’installation manifeste ce rapport d’ubicuité à l’œuvre : le don d’être ici et là en même temps, symptomatique d’une génération x étiquetée « digital migrants ». (Le terme « génération x » désigne cette tranche de personnes nées entre les années 60 et 80, intercalés entre deux époques. Le X réfère à l’anonymat et au nomadisme d’une génération consciente de son éclatement. Une génération de « digital migrants » prise entre les derniers réflexes analogiques et l’adaptation aux évolutions des nouvelles technologiques) / From a picture of him taken on the Web, eRikm shatters himself to be reincarnated into time and space decentered zones. The original picture, sifted through the ASCII code (American Standard Code for Information Interchange), turns into a series of numbers. Read by a digital voice, it turns into a sound poem spread from the center of the acoustic space. Then injected in a Doppler, the series is randomly read again, and finally resets the original portrait in the video virtual space. Through this boomerang system, the installation expresses this ubiquity relation to the art piece: the gift of being here and there at the same time, symptom of an “X” generation called “digital migrants”. (X generation refers to those who were born between the 60’s and the 80’s, stuck in between two times. X for anonymous and nomad, like this generation conscious of its burst. A generation of “digital migrants”, caught between the last analogical reflexes and the adaptation to the new technology evolutions.)
hQme 2007, 7’47 Vidéo / Video Un diaporama étrange, constitué de gros plans photographiques saisis dans un appartement au-delà du bordélique, tourne à vitesse régulière… Le flux d’images, entre autres instantanés du désordre, montre un coffret CD des Legendary Pink Dots, un pot de yaourt défoncé, un sachet de soupe Miso express, des baskets dépareillées qui jamais ne croisèrent un chiffon de nettoyage. / a strange slideshow composed of photographic close-ups taken in an apartment in a total state of chaos plays at regular speed. The flux of images, amongst other snapshots of disorder, shows a CD set of The Legendary Pink Dots, a smashed-in container of yogurt, a packet of miso soup and mismatched sneakers that have never been cleaned.
AUSTRAL 2009, 30’00 Vidéo / Video “Austral” s’inspire d’une première expérience d’improvisation manquée entre l’artiste-platiniste et un violoniste majeur de l’Ensemble Intercontemporain, expérience transposée ensuite dans une collaboration entre eRikm et l’Ensemble contemporain « Laborintus ». Au départ, l’incitation fait surgir les archétypes spécifiques à la « formation » musicale, freinant la possibilité même de toute impro. Comme échappatoire, eRikm fait jouer les instruments de l’Ensemble en live à partir d’images vidéos, capturées d’un voyage hors frontières, et retraitées par logiciel informatique. Les sons, bruits instrumentaux et bribes de musicalité excités par l’image sont filtrés, mixés à l’électronique, recomposés et ré-improvisés. Le final dévoile un blizzard de langages démantelés en cours de reformulation. “Austral” est une œuvre mixte qui révèle les gimmicks, idiomes et automatismes enfouis dans la chaire mémorielle du musicien, et le travail en tamis convié pour s’en abstraire. / Inspired by a first experiment of missed improvisation between the artist-pianist and a major violinist from the Ensemble Intercontemporain, an experiment which was transposed later on during a collaboration between eRikm and the contemporary ensemble “Laborinthus”. Originally, the incentive reveals the specific archetypes of musical “formation”, preventing any improvisation. As a way out, eRikm make the Ensemble’s instruments play live from videos, shot during a trip abroad, and computer reprocessed. The sounds, instrumentals, and musical snippets stirred up by the image are filtered, electronically mixed, rescored and re-improvised. The video ends with a blizzard of dismantled languages being rephrased. “Austral” is a mixed art piece, which reveals the gimmicks, idioms, and automatisms lost in the musician’s flesh memory, and the sieved work process used to withdraw from it.
CORRéLATION I 2007, 8’24 Vidéo / Video Enregistrée avec un GSM, l’image retranscrit un bug d’écran d’affichage de la caisse enregistreuse d’un parking automobile. La pièce est montée de fragments de 5 secondes extraits d’une piste sonore téléchargée sur le net. Le dispositif dévoile les fils harmoniques d’une composition jouant de vitesses et de déplacements cellulaires, accords en fugue des formes générées par les failles d’un équipement de haute technologie. / Recorder with a mobile phone, the image conveys a bug on the screen of a car park cash register. The art piece is made of 5 second fragments from a web downloaded soundtrack. The device reveals the harmonic threads of a composition playing with differed tempos and cellular shifts, chords in a fugue from the forms generated by the flaws in high-tech equipment.
Générescence soustractive 2008, 7’59 Vidéo / Video Accumulation et répétition d’image complexe quelconques. Plusieurs états de synthèse soustractive de la source visuelle réorganisés et composés. Le travail de l’image s’inscrit dans les mêmes processus que ceux développés avec le son. Un travail à partir de fragments très courts de matières visuelles ou sonores (vidéo ou photographique) explorés numériquement, dans un rapport de désincarnation, fragmentation, synthèse générationnelle d’un ou de plusieurs éléments. / Accumulation and repetition of a complex variable image. This features several states of subtractive synthesis of the image source, which were then reorganized and composed. The work on images involves the same processes developed with sound. eRikm use very short fragments of visual or sound material (video or photographs) that he explore digitally with a relationship of disincarnation, fragmentation and generational synthesis of one or several elements.
L’appel 18.06.2000 2000 Crayon sur papier / Stencil on paper Alors que la radio diffuse l’énième appel du fameux 18 Juin, eRikm bloque sur un jet de lumière au sol provenant d’une des persiennes de son atelier. Par l’entremise d’une feuille blanche, il s’attèle à capturer les contours du halo lumineux. La série de dessins retranscrit graphiquement le suivi d’un déplacement solaire : chaque boucle séquence les décalages du faisceaux lumineux dans l’espace et dans le temps. Le processus, entrecoupé de pauses déréglant la ligne rythmique, s’étire jusqu’au moment précis et fatal de sa disparition. / While the radio broadcasts once again the famous General De Gaulle’s appeal of June 18, eRikm stares at a ray of sunlight from a window shutter on his studio floor. With a white sheet of paper, he tries to capture the circle of light. The drawings graphically convey a solar movement follow-up: each loop sequences the ray shifting through time and space. The process, punctuated by pauses upsetting the rhythmic line, stretches until the fatal very moment of its disappearing.
Codé_in 2001 Collage sur papier / Collage on paper “Codé_in” est un collage conçu comme un support de transfer. Le dispositif appelle à la projection de soi dans l’espace et dans le temps, notions incarnées virtuellement par le motif de la ligne. Dans la page, un personnage encodé (sous codéine ?) est incrusté à la surface d’un écran crypté, et comme projeté dans l’espace psychique d’une mémoire séquentielle. Sa posture en déséquilibre et son positionnement fixe traduisent cette idée de déplacement et de quête d’ancrage, révélateurs du nomadisme caractéristique de l’artiste. / “Codé_in” is a collage conceived like a transfer support. The device appeals to a self-projection into time and space, notions virtually embodied by the line pattern. On the page, an encoded (on codeine?) character is inlayed on the surface of an encrypted screen, and cast into the psychic space of a sequential memory. Its unstable posture and fixed position convey this idea of displacement and of a quest for anchorage, revealing the artist’s characteristic nomadism.
Acouphène 2000 Sérigraphie / Serigraphy En réponse à la contrainte posée par une commande des éditions L’attente, eRikm répond par la contrainte : faire des lignes, état de soumission au support, qui génère là le manuscrit d’une partition minimale improvisée sur le mode de la répétition. Sorte de bourdonnement auditif en l’absence de stimuli sonore, l’acouphène né ici du trauma de la page blanche : « Je ne copierais plus », fausse résolution pour un artiste dont la copie est un outil de travail, clin d’œil au cancre eRikm aujourd’hui devenu figure de la musique « savante ». / As a response to the constraint set by a commission from L’attente editions, eRikm answers with a constraint: make lines, submission state to the support, which generates here the manuscript of a minimalist score improvised on a repeat mode. A kind of ringing in the ear without hearing stimuli, this “Acouphène” (tinnitus) arises out of the blank page trauma: “I won’t copy any more”, false resolution for an artist for whom copying is a work tool, a nod to the dunce eRikm, who has now became a figure for “erudite” music.
Écran Total 2010 Chassis bois, toiles de store / Wood frames, striped canvas Dans les ponts entre low et high tech, l’œuvre dresse un écran de fixation aux langages mobiles et transversaux d’eRikm. Toiles, châssis, aplats de couleurs industrielles et abstractions formelles renvoient à une certaine histoire de l’art ravalé dans ses surfaces, supports et matériaux. Trames, stries et pixels étirés rejouent les résolutions graphiques formulées sur les tables de montages analogiques. Dans cet environnement graphique et chromatique familier, les bâches tendues se transforment en mirs TV et l’écran renvoie l’idée de filtres : filtre des modèles, filtre de connexion au monde, filtre d’un réel perçu à travers les sillons d’un store. / In between low and high tech, the art piece puts up a screen to eRikm’s moving and transversal languages. Canvas, frame, industrial colours and formal abstractions refer to a certain history of art which surfaces, as if medium and materials have been re-digested. Wefts, streaks and stretched pixels replay the graphic resolutions set on analogical editing tables/ mixing desk. In this chromatic and graphic familiar environment, the tarpaulins turn themselves into TV test patterns and the screen refers to the idea of filters: for models, connection filters, filters for a reality perceived through the lines of a canvas.
Contrôle 2005 Série de tirages numériques contrecollés sur dibond / Serie of digital prints pasted on dibond 2005 : début de la TNT, premiers déversements d’images numériques, infiltrations at home des machines médiatiques d’une nouvelle espèce. Alerte domestiquée et contrôle de la pensée par manip : eRikm vrille l’antenne. Les court-circuits font buger le système, provoquent un précipité dans la source, jusqu’aux crashs d’écrans télévisuels. Les images animées par l’altération se décomposent en arrangements de formes et de couleurs proches du pictural. Capturées et extraites du flux, elles s’exposent en icônes d’une société de « contrôle » insidieuse, génitrice de nouveaux mutants en circulation libre, introduits dans le corps de ses supports-médias. / 2005: beginnings of the TNT (digital TV process), first digital images dumping, new media machines seeping into our homes. Harnessed alarm and control thought by manipulation: eRikm bores the aerial. Short-circuits make the system fail, throwing into the source, until TV screen crashes. The image, lived up by the distortion takes pictorial forms and colours. Captured and taken off the flow, they appear like icons of an insidious society of “control”, that generates new mutants in free movement, introduced in the body of its media-supports.
Itération 2000 Laser photocopies / Laser photocopies à partir de gestes primitifs, eRikm fait buger la carte mère d’un photocopieur laser, entraînant sur la page vierge un dégradé coloré de stries infra-minces. Fausses manips, secousses et entrée de codes aléatoires génèrent l’incident convertissant l’image originale en points de calculs étirés. Une frame apparaît : ensemble de lignes contenant les informations d’une source inconnue et évaporée. Sa reproduction à l’infini filtre les traces encore visibles jusqu’à quasi disparition. / From primitive gestures, eRikm makes a laser photocopier motherboard bug, producing a thin streaked colour gradation on the blank page. Mistakes, tremors, and shuffle code entering generate the incident, converting the original picture into stretched calculation points. A framework appears: a set of lines containing information from an unknown and vanished source. Its reproduction ad infinitum screens the last visible tracks until they almost disappear.
bio (SĂŠlection de projets) / (selected projects)
2012 - inONdible - solo exhibition La Fenêtre, Festival 100%, Montpellier, France
- Visitation - vinyl (with Luc Ferrari) Planam, Italia
- Transfall - cd Room40, Australia
- Razine - cd (with Michel Doneda) Monotype records, Poland
- Austral - dvd D’autre cordes records, France
- Archipel électronique - cd sampler D’autre cordes records, France
- Cartouche - cd (with Natacha Muslera) Monotype records, Poland
- Fri Resonans Festival - solo turntable Trondheim, Norvegia
- Archives XCV - vinyl Monotype records, Poland - Mal des Ardents - cd (with Catherine Jauniaux) Mikroton records, Russia - Drift#01 - vinyl (by AKA and Yann Leguay with Martin Tétreault, DJ Sniff and Arnaud Rivière) Art Kill Art, Germany and France - Veterans of the French underground meet la jeune-garde - cd sampler (with Pierre Bastien) Musea records, France - Center for Art and Technology - solo turntable TNUA, Taipei, Taiwan - Désert Numérique - solo electronic Saint-Nazaire-le-Désert, France - dBâle Festival - solo electronic Bâle, Switzerland - Festival Reevox, Gmem - solo turntable Cabaret aléatoire, Marseille, France - NK - solo turntable Berlin, Germany
- Viennale film Festival Film Archiv - cine-live Vienna, Austria - L’Audible Festival - electroacoustic diffusion L’échangeur, Bagnolet, France - Tempo reale Festival - solo turntable Firenze, Italia - IRCAM - seminary (with Joan Aguila) Paris, France - La voix est Libre - projet Cartouche - duet (with Natacha Muslera) Les Bouffes du nord, Paris, France - FIMAV - duet (with Fm Einheit) Victoriaville, Canada
- Centre culturel Français - solo turntable Hanoï, Vietnam - U.H Festival - solo turntable Budapest, Hungary - Signal Festival - solo turntable Cagliari, Italia - Météo Festival - duet (with Fm Einheit) Mulhouse, France - MACBA - solo turntable Barcelona, Spain - CAPC - solo turntable Bordeaux, France - Sirènes & midi net - acousmatic creation Marseille, France 2009 - Les Instants vidéo - video preview Alexandria, Egypt - Electricity Festival - video preview la Comédie, Reims, France - Les Instants vidéo - video installation La Friche la belle de Mai, Marseille, France
- Musica Electronica Nova - solo turntable Wroclaw, Poland
- Out of storage II – rythmes - collective exhibition Mudam, Luxembourg
- AMR & Cave12 - duet (with Anthony Pateras) Geneva, Switzerland
- Dos d’ânes - cd (with Noetinger and Doneda) Ronda records, France
- Maison de la musique - duet (with Eric-Maria Couturier) Nanterre, France
- Klingt.org: 10 Jahre Bessere Farben - cd sampler Mikroton records, Russia
- Institut Suisse - solo turntable Roma, Italia
2010
- “Pavlova 3’23” by Mathilde Monnier (dance) - music (and music by Heiner Goebbels, Rodolphe Burger and Gilles Sivilotto) Festival Montpellier Danse, France
- Improtest Festival - solo turntable Tallinn, Estonia
- Patholitique - solo exhibition Galerie OÙ, Festival Nuit d’hiver, Marseille, France
- Gaîté Lyrique - double duets (duets with Frédéric Blondy and Natacha Muslera) La semaine du son, Paris, France
- CCNM - duet (with Charles Atlas) Montpellier, France
- Doshisha University - video preview & solo turntable Clover hall, kambai-kan, Kyoto, Japan
2011 - La Formule du Binôme #2 - exhibition (with Seulgi Lee) Les Instants Chavirés, Montreuil, France
- MU - solo exhibition Sextant et plus, La Friche la belle de mai, Marseille, France
- Next Festival - duet (with Dj Sniff) Bratislava, Slovakia - Akousma Festival - acousmatic diffusion Montreal, Canada
- m0n0 - solo exhibition Espace multimédia gantner, Bourogne, France
- Avatar - solo turntable Quebec, Canada
- Le Centre d’art mobile - video preview Nef, Le Consortium, Dijon, France
- The International Turntable Orchestra festival PY®AL - creation for 7 players Akademie der Kuenste, Berlin, Germany
- VA©UUM - solo exhibition bCUBICO Galeria, Recife, Pe, Brazil
- Lux Payllettes - cd Entr’acte, United Kingdom
- Vidéoformes Festival - video preview Clermont-Ferrand, France
- 10 years of Room40 - mixtape Room40, Australia
- Stodgy - cd (with Norbert Moslang) Mikroton records, Russia
- Super deluxe - solo turntable Tokyo, Japan
- Museo Vostell - solo turntable Malpartida, Spain - FAUST Musik - solo turntable Hannover, Germany - Simultan Festival - solo turntable Timisoara, Roumania
- Austral - creation (with L’ensemble Laborintus) Archipel Festival, Geneva, Switzerland - Journée électriques - duet (with Michel Doneda) GMEA, Albi, France - OCCC - solo turntable Valencia, Spain
2007
2006
- Old masters, gangs & fashion models - collective exhibition Galerie ron mandos, Amsterdam, Netherlands
- Nomansland - video performance Les Nuits Electroniques, ADDA, Langogne, France
- Sound of Music - collective exhibition Frac Nord-Pas de Calais, Broelmuseum Kortrijk, Belgium - Variations Opportunistes - cd Ronda records, France
2008 - L’Aître Blanche - acousmatic installation Festival Automne en Normandie, Rouen, France - VA©UUM - multimedia installation APHM, le Merlan Scène Nationale, Marseille, France - Tunnel Muziek - sound installation Happy New Ears Festival, Kortrijk, Belgium - Steme - cd Room40, Australie - Zufall - cd (with Akosh S.) Ronda records, France - Evol - cd sampler Entr’acte, United Kingdom - STEIM - duet (with Dj Sniff) Amsterdam, Netherlands - Art Fall - solo turntable Padiglione Arte Contemporanea Ferrara, Italia - ABC - solo electronic La Chaux-de-Fonds, Switzerland - Fondation Cartier - duet (with Fm Einheit) Paris, France - Tribute to Daniel Caux - solo turntable Maison de la radio Studio 106, Paris, France - Halles de Schaerbeek - meeting (with Bernard Stiegler) Brussels, Belgiuml - Konfrontationen Festival - trio (with Elisabeth Harnik and Joëlle Léandre) Nickelsdorf, Austria - Musica génera - duet (with Martin Siewert) Szczecin, Poland
- ©haos ©lub - cd (with dieb13) Erstwhile records, Usa - Les ProtoRythmiques - cd (with Luc Ferrari and Thomas Lhen) room40, Australia - “All in all” by Pierre Droulers (dance) - music TNP Villeurbanne creation for le ballet de l’Opéra de Lyon, France - Wien modern Festival - player for Dieb13 creation Vienna, Austria - Atlantic waves Festival - solo electronic Londres, United Kingdom - Ososphere Festival - trio (with Dieb13 and Billy Roisz) Strasbourg, France - AD&A Gallery - trio (with Dieb13 and Billy Roisz) Osaka, Japan - Art centre Nabi - trio (with Dieb13 and Billy Roisz) Seoul, Korea - Festival radio France - solo turntable Montpellier, France
- An anthology of noise and electronic music vol.4 a fourth a-chronology 1937-2005 - cd sampler Sub Rosa, Belgique - Stimul Festival - trio (with Dieb13 and Billy Roisz) Prague, Czech Republic - Mediarte Festival - duet (with James Eck Rippie) Monterrey, Mexico - Mills college - solo turntable Center Contemporary Music Oakland, USA - Liquid architecture festival - solo turntable Sydney, Australia - La Force de l’Art - solo turntable Grand palais, Paris, France - Triptyque new interfaces musical expression seminary Ircam, Paris, France - Trama Festival - solo turntable Porto, Portugal - Edgard Varèse, Iannis Xenakis, Gerard Grisey reinterpretation (with L’ensemble Intercontemprain) Cité de la musique, Paris, France 2005
- “Hyperscope” by Levox (film) - creation (with étienne Caire et Gaëlle Rouard) Centre Pompidou, Paris, France
- Trace cuts - cd (with Martin Tetreault, Otomo Yoshihide) Musica genera records, Poland
- “Screen play” by Christian Marclay - player SPOR Festival, Aarhus, Danmark
- “Frère et Sœur” by Mathilde Monnier (dance) music Festival d’Avignon creation, France
- “Hyperscope” by Levox (film) - creation (with étienne Caire et Gaëlle Rouard) Real Institute, Wales Conwy, United Kingdom - Présences électronique Festival - solo turntable Paris, France - WDR Radio - solo electronic Köln, Germany
- Lieu commun and Théâtre Garonne - duet (with Martin Tetreault) Toulouse, France
- Openport Festival - solo turntable Chicago, Usa
- Générer – Dégénérer, GRM - solo turntable Maison de la radio, Paris, France
- “Et tournent les sons” by Luc Ferrari - cd (with L’ensemble Laborintus) Césaré, France
- Copy your idols Festival - solo turntable Arteleku, San Sebastian, Spain
- “South” de Franck Hurley - cine-live Festival futuro, Rovereto, Italia
- Contemporanea auditorium of Roma - solo electronic & video Roma, Italia
- Sixpériodes - cd Sirr records, Portugal
- Musée d’art moderne et contemporain solo turntable Strasbourg, France
- Demix-Bach - creation String of autumn Festival, Prague, Czech Republic - Tonart - duet (with Alvin Curran) Bern, Switzerland - Konnexions Festival - duet (with Julien Blaine) Marseille, France - OFF-ICMC’05 - solo turntable Barcelona, Spain - Jazz à la Villette - solo turntable Point Ephémère, Paris, France
- Musique action Festival - duet (with Thomas Lehn) Vandoeuvre, France - T.U.B.E - duet (with Norbert Moslang) Munich, Germany - Loetschberg, Tunnel evenement final pierce of the gallery of the tunnel - music performance (with Hans Koch, Tomas Korber, Keith Rowe…) Switzerland - Jauna muzika Festival - solo turntable Vilnius, Lithuania - ProtoRythmiques - music creation (with Luc Ferrari) Les Instants chavirés - Montreuil, France 2004 - Live - collective exhibition Palais de Tokyo, Paris, France - Euphoria - video preview Brooklyn, Usa - Complementary contrasts - cd (with Christian Fennesz) Hat hut records, Switzerland - Archives sauvées des eaux de Luc Ferrari version pour Plastic Milan - cd Angle records, Italia - Christian Marclay DJ trio - cd (with Dj olive, Toshio Kajiwara, Marina Rosenfeld) Asphodel records, Usa
2003
2001
- Long-wire - collective exhibition École d’architecture La Cambre, Festival de Flandre, Brussels, Belgium
- LMX étape 2 - collective exhibition Frac PACA, Marseille, France
- Electronic Music Archive - collective exhibition Kunsthalle St. Gallen, Switzerland - Charhizma 020 - cd (with W. Dafeldecker, C. Kurzmann, K. Drumm, Died13, J. Noetinger) Charhizma, Austria - What a wonderful world - cd (with Jérôme Noetinger) Erstwhile records, USA
- Planétarium Cité des sciences - duet (with Luc Ferrari) Paris, France
- Pezner - quartet (with Mosq) Lyon, France
- Donaueschingen Festival - duet (with Christian Fennesz) Donaueschingen, Germany
- The Spiral - duet (with Sachiko M.) Tokyo, Japan
- L’Usine - duet (with Norbert Mosland) Geneva, Switzerland
- Podewil - solo turntable Berlin, Germany
- Moers Festival - collective project (with Steamboat-Switzerland) Moers, Germany - Musique action Festival - duet (with Kevin Drumm) Vandoeuvre, France
- Q de Poire_Z + Phil Minton - cd (with Andy Guhl, Norbert Moslang and Günter Müller) For 4 Ears records, Switzerland
- Limeligth - sound installation (with Pierre Berthet) Kortrijk, Belgium
- Platte - vinyl sampler Charhizma, Austria
- Blur Peoples - video performance Mimi-Nord, Festival Narian-Mar, Siberia, Russia
- Le jardin des délices de François Michel Pesenti music performance Théâtre de Gennevilliers, France
- Poire_Z + with Voice crack - cd (with Gunter Muller, Otomo Yoshihide, Sachiko M and Christian Marclay) Erstwhilde records, USA
- Musica genera - trio (with Otomo Yoshihide and Martin Tetreault) Szczecin, Poland - Lampo - duet (with Jérôme Noetinger) Chicago, Usa
- “Signé signés” de Mathilde Monnier (dance) - music and sound installation Théâtre de la ville creation, Paris, France - “3 Poèmes inédits” by Michel Kelemenis (dance) - music Festival Danse à Aix creation, Aix-en-Provence, France
2002
- Palais de Tokyo - solo turntable Paris, France
- “PresQue_chic” by Poire_z - cd (with Voice crack, Günter Muller) Sonoris, France
- “Slide” by Mathilde Monnier (dance) - music Opéra de Lyon creation, France
- Why Not Béchamel - cd (with Toshimaru Nakamura and Günter Müller) For 4 Ears records, Switzerland
- Un voyage fantastique - poetry and music performance (with Christophe Fiat) Densités festival, Fresnes en Watt, France
- MOSQ - cd (with Charlie O., Akosh S, Quentin Rollet) Rectangle international, France
- a 100% guitar - cd sampler (with Lee Ranaldo) Fbwl tow, France - “Déroutes” by Mathilde Monnier (dance) - music and sound installation Théâtre de Gennevilliers creation, France - “Allitérations” by Mathilde Monnier (dance) - music (text by Jean-Luc Nancy) Centre Pompidou / IRCAM creation, Paris, France
- Impakt Festival - trio (with Dj olive and Toshio Kajiwara) Utrecht, Neatherlands - Victoriaville Festival - quartet (with Poire_z) Victoriaville, Canada - Empty bottle - quintet (with Poire_z and Kevin Drumm) Chicago, USA 2000 - MUTE - performance and installation La compagnie & Le grim Marseille, France - MonO FaCe MirRor - cd Sonoris, France - Interférences Festival - solo turntable Belfort, France - Downtown Arts Festival - solo turntable New York, USA - Tonic NYC - duet (with Christian Marclay) New York, USA - Darmstadt I.M.D Internationales Musikinstitut solo turntable Darmstadt, Germany - I.C.A institute of contemporary arts - solo turntable London, UK - Cultural center - collective project (with Tv pow) Chicago, USA
- Bruxelles 2000 - solo turntable Brussels, Belgium
1997
- Perpetual Slip - trio Shot gun gallery, Strasbourg, France
- Tonic NYC - quintet (with Bonnie ‘Prince’ Billy, Alan Licht and Catherine Jauniaux) New York, USA
- Leerlauf - tape auto production, France
- KG - player Arapaho, Paris, France
- “Low” by Kill the thrill - cd (with Nicolas Dick and MarylinTognolli) Noise Product, Switzerland
- Pyrosis - collective project Cheval Blanc, Schiltigheim, France
- Centre Pompidou - trio (with Christian Marclay and Dj Olive) Paris, France
- Pezner - trio (with Jim O’Rourke and Loren Mazaccan) Lyon, France
1999
- Solos Festival - solo turntable Bern, Geneva, Neuchatel, Switzerland
- Zygosis - cd Sonoris, France
- Biennale des jeunes créateurs - solo turntable Turin, Italia
- Frame - cd Metamkine, France
- GMEM international meeting - solo turntable les nouveaux gestes de la musique, Marseille, France
- Poire_Z - cd (with Voice Crack, Günter Müller) For 4 Ears records, Switzerland
1996
- NOT - cd (with Michel Doneda and Jean-Marc Montera) Les disques victo, Canada - Turntable solo - cd sampler Amoebic, Japan - Re/Cycling Rectangle - vinyl 7’ Rectangle international, France - “Hétéradelphe” by Christoph Shütz and eRikm (dance) - direction, music and scenography Festival DanseM, creation, Marseille, France
- Médecine show - solo exhibition Atelier Privé, Mulhouse, France
- I Love New York - player (with Kolner Philharmonie flutists, Christian Marclay and Dj Olive) Koln, Allemagne - Guarda Festival - duet (with Catherine Jauniaux) Guarda, Portugal - No copyright Festival - solo turntable 50 ans de musique concrète, GMEM, Marseille, France
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- “A Short History 2000-2005, Contemporary Art And Sound” by F Quennoz, D Grüninger S Donzé and P Donzé - publication & cd Dolmen Associates, Switzerland, 2008
- Les Instants chavirés - solo turntable Montreuil, France
- International symposium of shadows collective project (avec collective LLOG) London, United Kingdom
- Fri-Art Gallery - duet (with Günter Müller) Fribourg, Suisse
- “eRikm Spiral Dregs” by Alessandro Mercuri and Haijun Park - documentary (with Jacqueline Caux) Production Up-tight, France, 2012
- Les sculpteurs de vinyles - cd (with Otomo Yoshihide, Sachiko Matsubara, Dj Rebel, Tom Cora, Catherine Jauniaux and Luc Sky) Stupeur & Trompette, France
- Sampling Rage Festival - solo turntable Podewil Berlin, Germany
- Poire_z - band creation More Scratch Festival, Pannonica, Nantes, France
filmoGRAPHIE / FILmography
bibliographie / bibliography
- Centre Culturel Mirabeau - duet (with Tom Cora) Marseille, France
1998
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- Vitesse & stabilité variable - vinyle 7’ auto production, France
- Les Instants chavirés - collective project (with The Ex) Montreuil, France
- Noize Art Festival - solo turntable Zurich and Bern, Switzerland
- Daddy long legs - collective project Le Caveaux, Délémont, Switzerland
- Mimi Festival - collective project (with Otomo Yoshihide, Tom Cora and Catherine Jauniaux) Arles, France - Centre Culturel Mirabeau - collective project (with David Grubbs, Jim O’Rourke and Nicolas Dick) Marseille, France - Noumatrouff - solo turntable Jazz à Mulhouse, France 1995 - L’art de la fuite - tape auto production, France - La Guerre des platines - collective project (with Christian Marclay, Otomo Yoshihide, Tsuguto Tsunoda, Dj Rebel and DJ Sky) L’AMI, Marseille, France - Electropolis - cine-live (with Barney gumble) Mulhouse, France
- “Défrichage sonore” by Henri Jules Julien publication Le mot et le reste, France, 2008 - “L’underground musical en France” by Eric Deshayes and Dominique Grimaud - publication Le mot et le reste, France, 2008 - “Original, 100 Artists Who Made Bjcem Original catalogue Electa Mondadori edition, Italia, 2007 - “La force de l’art 1, première triennale” exhibition catalogue Réunion des Musées nationaux edition, France, 2007 - “Musiques expérimentales, une anthologie transversale d’enregistrements emblématiques” by Philippe Robert - publication Le mot et le reste edition, France, 2007 - “Live” - exhibition catalogue conversation with Elodie Royer, Palais de Tokyo edition, France, 2004 - “Techno rebelle: un siècle de musiques électroniques” by Ariel Kyrou - publication Denoël edition, France, 2002 - “Monter Sampler” by Yann Beauvais and Jean-Michel Bouhours - publication Centre Pompidou edition, France, 2000
ERIK CRIQUET ERIKRICKET
Jean-Luc Nancy
Ah ! ça crache et chuinte et cherche le chant. Peut-être il se laissera chercher sans pouvoir être trouvé. Sera pourtant là, caché dans le grésillement ou bien dans le grincement – ça grésille ou ça grince ? ça grogne, ça gratte ? ça mêle grave et gravier, ça gronde et soudain ça s’éclaircit, même des cordes sont pincées, frottées, entraînées dans la vibre… – il compose la libration des résonances à fleur d’eau, à fleur d’astres, au ras des poussières… Il compose ? le croyez-vous ? ne laisse-t-il pas plutôt crisser les amorces de sonorités si naissantes qu’elles n’ont pas encore forme véritablement sonore mais plutôt bruissante, glissante, insinuante dans les méandres du flux sonore ou remuant les flaques minuscules formées par de petites pluies de craquements, de gargouillements, de borborygmes à peine saisissables ? Oh, mais cela se laisse très bien saisir, cela siffle très clairement ou bien s’enfonce sans mystère dans l’étouffement obscur des fonds mats où ça finit par rendre un éclat plat, le creux d’une onde sourde. Et puis cela repart depuis ce fonds ou bien, qui sait ? depuis un choc, un pincement, un frémissement recueilli à même une peau vivante ou bien sous une diode laser occupée à suivre les alvéoles sous la surface du disque pour en extraire des pépites hertziennes une parfois une seule qu’il reprend répète repasse rejoue en boucle indéfiniment étirée accrochée à sa propre surrection aiguisée sur son propre fil tendu pour pénétrer en même temps que le tympan la matière sonore épaisse et si peu fluide qu’elle se fige presque Ah, spitting and slurring and searching for song. Maybe letting us search for him but staying unfindable. Still there though, hidden in the crackling or the creaking. – crackling or creaking? grumbling, scratching? gravitas mixed with gravel-voice, rumbling and suddenly illuminating, even strings are plucked, rubbed, drawn along in the vibe… – he’s composing the libration of the wavelengths skimming the water, skimming the stars, down at dust-level… Composing? you really think so? isn’t he just giving free rein to crepitating triggers of sounds so nascent they’re not actually sound yet, more like rustlings and glidings, sneaking into the snakings of the sound-flow, or stirring up tiny puddles rained into existence by near-imperceptible crackings and gurglings and garglings? Okay, but you can easily get a handle on it, it whistles cleanly or plunges unmysteriously into the stifling dark of dull depths where you ultimately get a flat sheen, the hollow of a muffled wave. And then it takes off again from the depths or maybe, who knows, from an impact, a pang, a shiver picked up from a living skin or from under a laser diode busy tracking the cells beneath the surface of the disc and extracting their gleaming Hertzian nuggets – one maybe just one of them that he reruns repeats restates replays an indefinite stretchy loop hooked into its own upthrust honed on its own taut wire and entering at the same time the eardrum and the sound-substance so thick and viscous it’s almost congealed…
… se fige en filaments effilés l’un à l’autre noués attachés enchaînés cramponnés tous ensemble tremblant de la même période même refrain même redondance même allitération même itération cadence cascade assonance sonnerie tintement trille soudain notes pincées mourant au clair obscur du clavecin sorti de très jadis et sitôt oublié Oh ! sitôt oublié oui sitôt reproduit en grelot détaché de toutes les factures organologiques comme de toutes les allures musicologiques et pourtant oui pourtant cependant malgré tout en dépit de tout ce démontage et de cette chirurgie microfibreuse, en dépit oui résonnant à renforts de lointains d’où parviennent des chants Des chants ? pouvez-vous le croire ? Ah ce n’est pas affaire de croire : je le sais, je l’entends je le touche avec la chaîne de mes osselets, je reçois ce carillon cette fanfare ce chœur à voix évoquées invoquées fondues dans un appel qu’elles font bourdonner vers le lointain lui-même d’où elles parviennent …et où elles repartent incessamment à l’instant dans le mouvement même de leur venue de leur leve hors de la matière muette insonore qui pourtant insensiblement ronfle bourdonne et murmure cette matière inerte opaque intouchée qui pourtant pourtant très secrètement se touche elle-même et retentit de chuintements de frictions d’érosions infiniment discrètes qu’on amplifie, ah oui ! qu’on amplifie puisqu’il n’y a d’autre son que du silence amplifié du silence tournant sur lui-même en rhombe toton vrombissant brondissant rugissant …into slender filaments all knotted tied chained clinging together quivering with the same frequency same refrain same redundancy same alliteration same iteration cadence cascade assonance ringing jingling trilling suddenly plucked notes dying in the harpsichord chiaroscuro of so long ago and so soon forgotten Oh, so soon forgotten yes so soon reproduced as a tinkling nothing to do with all the organology technique and all the musicology styles and yet yes yet however in spite of everything despite all this dismantling and this microfibre surgery, despite yes powerfully resounding distances where the songs come from – Songs? can you believe it? Ah it’s not a matter of believing: I know it I hear it I touch it with the chain of my ossicles, I pull in these chimes this fanfare this chorus of voices evoked invoked the vocal mergings they send buzzing towards the same disant place they come from …to which they set off again endlessly right now in the very movement of their coming of their rising out of the mute soundless matter which nonetheless drones buzzes and murmurs this inert opaque untouched matter which nonetheless nonetheless very secretly comes into contact with itself and resounds with hissings frictions infinitely discreet erosions that are amplified, ah, right! that are amplified since there is no sound other than amplified silence silence revolving like a spinning-top humming droning roaring
palpitant palpable entre le cœur électron les lèvres pincées sur le flageolet les cordes striées stridentes et le brame de la peau battue les verges pincées les bourdons les anches les pédales les grattements et griffures les froissements les horripilations des musiques déjà pressées revisitées creusées craquées comme un code délacé laissant voir l’antienne toujours renaissante au bout de nos doigts de nos bouches de nos frémissements oh ! comment nous tremblons au moindre branle à la moindre secousse comment nous trémulons trépidons chevrotons frissonnons bredouillons très au delà des harmonies et des mélodies dans la gargouillante montée du melos élémentaire et de ses battements ses frappements ses heurts ses pulsations ah oui comme ça pulse pullule et pulvérise une puissance une énergie de poumons soufflés en façon de tympanons de gorges expulsées en excoriations d’enregistrements gravés dégrafés qui emportent dans leurs mugissements et percussions perçantes toutes les lignes de chant les tablatures notes et gammes et tout ce babil ce ramage tout ce résonateur du monde qu’il risque erik en cris de grillon de grillot grésillant grommelant gringottant trouvant le chant changeant chatoyant charivari chancelant se faisant sarabande sereine et dissonante à soi-même accordée Ah ! criquet stridulant ! palpitating palpable between the electron heart the lips closed tight on the flute the striated strident strings and the belling of the beaten skin the sticks held tight the drones the reeds the pedals the scrapings and scratchings the crumplings and horripilations of music already pressed revisited analysed cracked like a code undone so you can see the ever-renascent refrain at the tips of our fingers our tongues our quiverings oh, how we tremble at the least lurch the least jolt how we quiver quaver throb shiver stammer so far beyond the harmonies and melodies in the gurgling ascent of the elemental melos and its beatings its knockings its bumpings its pulsations ah yes how it pulses pullulates and pulverises a power an energy from lungs blown out like dulcimers like throats expelled in excoriations of recordings etched and thrown open carrying off in their lowings and piercing percussions all the songlines tablatures notes and scales and all this babbling this twittering all this resonating of the world that erik risks in cries of cricket griot crackling grumbling warbling finding the shimmering changing song stumbling hurly-burly modulating into a serene dissonant self-attuned saraband Ah, stridulant cricket!
édition Sextant et plus la Friche la Belle de mai 41 rue Jobin 13003 Marseille www.sextantetplus.org Co-édition Espace multimédia gantner Conseil Général du Territoire de Belfort 1 rue de la Varonne 90140 Bourogne www.espacemultimediagantner.cg90.net / Co_opérative la Friche la Belle de mai 41 rue Jobin 13003 Marseille www.co-operative.fr avec le soutien de / with the support of
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isbn : 978-2-9539650-3-2
Conception graphique et éditoriale / Head of publication and design Maud Chavaillon & eRikm Textes / Texts Yann Beauvais, Christophe Kihm, Louis-José Lestocart, Jean-Luc Nancy, Leïla Quillacq & Graeme Thomson Traductions / translations John Tittensor (anglais / english) & Marie Verry (français / french) Crédits photographiques / Photo credits Samuel Carnovali, Pierre Chinellato, Marc Coudrais, Olivier Garros, Jean-Christophe Lett, Isabelle Meister & Tarvo Varres Crédit typographique / typeface credit Ong Chong Wah __
REMerciements / thanks to Système Friche Théâtre, Les Instants Chavirés, Festival Météo, Jérôme Deck & le Gmem Sandra Cattini & la Drac Provence-Alpes-Côte d’Azur, Xavier Thomas & Radio Grenouille, Fred Kahn & Mouvement Yves Bommenel, Emmanuel Skatchko, Gregory Diguet & La Fenêtre, Festival 100% Festival Nuit d’Hiver, Axelle Galtier & où lieu d’exposition pour l’art actuel