RAPPORT DE MISSION AU NIGER DU 23 FEVRIER AU 10 MARS - Samedi 23 février : 23h30, arrivée à Niamey. - Dimanche 24 : rendez-vous avec les natifs de la zone de Diffa et préparation du déplacement avec le coordonateur national de l`association, Abdulkarim Ali et Ghanillé Smain, la femme du directeur du village Sos, sœur du chef de village de Bir Tiddeye et qui parle arabe surtout… - Lundi 25 : préparation du départ avec achat de matériel, des billets de bus, rencontre avec le député de Nguigmi Ahmed Hameda qui nous a mis son véhicule à disposition pour le trajet Diffa-Nguigmi-Bir Tiddeye-Diffa. - Mardi 26 : 4 heures du matin, départ en bus pour Zinder. Arrivée vers 20h a Zinder et nuit sur place. - Mercredi 27 : 4 heures, départ en bus pour Diffa et nuit à Diffa. J`en profite pour rencontrer Mr Laoual, l`entrepreneur qui doit nous réaliser nos devis pour les différentes constructions. Nous l`avons identifie lui, étant donne que c`est lui qui avait construit la classe de Bir Tiddeye. Je considere qu`il est le plus au fait des réalités de la zone et qu`il sera donc le plus a meme de répondre au mieux a notre cahier des charges… Nous lui faisons part de nos besoins et lui demandons de nous établir des plans et un devis pour vendredi en fin de journée. - Jeudi 28 : départ pour Nguigmi. Arrivée à Nguigmi, visite au marché de la ville pour les achats de marchandises devant constituer le stock du magasin communautaire que nous avons décidé de positionner à Bir Tiddeye finalement. En effet, la mise en place de ce magasin était initialement prévue à Nguigmi, mais il s`agit d`une ville qui compte déjà plusieurs boutiques et un marché important, alors que les habitants de Bir Tiddeye doivent eux faire ces 20 km qui les séparent de la ville pour acheter ces vivres. En leur installant cette boutique, nous leur facilitons l`accès à des denrées de base, mais aussi nous leur assurons une disponibilité alimentaire. Ensuite, nous avons du rechercher un transporteur et de la main d`œuvre pour nous acheminer ces vivre jusqu`à Bir Tiddeye. Nous sommes aussi allés chercher Elhadj Soumaila, qui sera le coordonateur local du projet de cantine scolaire à BT, et qui devait faire le déplacement avec nous. Dès notre arrivée, nous sommes accueillis par les enfants dans la cour de l’école, qui en nous voyant arriver, rentrent en rangs d’oignons dans la classe. Les femmes nous attendent regroupées sur le coté gauche de la classe ; les hommes eux nous accueillent devant la classe. Un accueil très chaleureux de tous, surtout de ces enfants aux regards pleins de malice et attentifs aux promesses que nous leur faisons à travers ce projet. S’en suit la présentation, nous leur expliquons pourquoi nous sommes là. Nous laissons le directeur nous présenter à eux, leur dire le pourquoi de notre présence, nous nous présentons ensuite individuellement. Je leur explique que je représente des personnes qui
sont très loin d’eux physiquement, géographiquement, mais qui se sentent pourtant si proches d’eux, par le cœur. Je leur parle de cette association française, et de toutes ces personnes dans le sud de la France qui sont prêts à se mobiliser pour eux, pour qu’ils aient de meilleures conditions de vie. Je leur sors le dossier envoyé aux partenaires, où on les voit sur de très belles photos (ils sont surpris et fiers) et pour ne pas trop les déranger dans le déroulement de leur cour, nous leur promettons d`être là le lendemain matin, à la « montée du drapeau », à 8 heures précises. En partant, je suis interpellée par un enfant, qui me dit qu’ils sont malades, ils ont le palu…Il me demande si nous pouvons leur envoyer des médicaments et peut-être faire venir un docteur…Je lui dis que nous avons amené des médicaments et que nous ferons le maximum pour les aider. Nous prenons donc congé et allons saluer les femmes et rejoindre tous les adultes au niveau du village, qui se trouve en hauteur, à une cinquantaine de mètres de la classe. Arrivés dans le hameau central qui se trouve être celui du chef du village, des nattes sont posées de part et d’autres, pour les hommes et pour les femmes. Dès mon arrivée, les femmes me montrent « ma tente », une tente faite de paille et de tapis, ornée des harnachements des chameaux, des tapis tissés par les femmes et qui composent en général le trousseau de la jeune mariée. Cette tente a été spécialement dressée pour moi ! Quelle fierté ! Après, hommes et femmes sont séparés, le temps de faire connaissance. Des habitants de hameaux voisins sont venus nous accueillir aussi et surtout s’informer sur ce que nous sommes venus faire. Nous en profitons pour visiter un peu les lieux. Au plus haut de la colline, se trouve le hameau du chef du village, composé de 4 grandes tentes (2 rondes et 2 rectangulaires), plus la mienne, celle des invités. Dans 3 tentes, sa famille et la 4ème est une sorte de remise ou sont entreposés les ustensiles de cuisine, les vivres,... Un peu plus bas et de chaque coté, situés à une cinquantaine de mètres en contrebas, les hameaux des autres habitants du village, composés de 2 à 3 tentes chacun. Quelques hameaux sont situés plus loin encore, jusqu`à 1,5 km du hameau central, vers le puits de BT. Quelques animaux, principalement des ânes (qui servent au transport de marchandises, au transport de l’eau depuis le puits,…), quelques poulets et chèvres,…Un cheptel assez pauvre. Les chameaux sont très peu visibles ; on nous dit que n’ayant plus rien à pâturer aux alentours, ils ont été amenés bien plus loin. Question pratique ensuite : les toilettes. En général en milieu rural, il s`agit d`un espace entouré d`un sarclage de paille, avec un gros trou creusé dans le sol. Mais là, j`ai beau regarder dans tous les sens, il n`y a rien de ressemblant et cela m`intrigue. Je demande donc à mes hôtes qui m`expliquent que « je peux aller où je veux » en gros ; je dois juste prendre ma bouilloire d`eau et m`aventurer derrière un bosquet ou au bas d`une colline. Je me dis que d`un point de vue hygiénique, ce n’est malheureusement pas l’idéal… Quelques minutes plus tard, c`est le transporteur qui livre les sacs de vivres. Ils sont entassés parterre et chacun vient admirer cet immense tas de vivres…
A la nuit tombée, c`est le moment du diner. Je rejoins Abdulkarim et Elhadj Soumaila et le chauffeur et nous dinons tous les quatre autour d`un plat de viande de mouton frit, puis de la pate de mil (dite touo) accompagnée d`une sauce feuilles (molokhiya). Un délice. Des groupes se font et les plateaux sont déposés au centre de chacun des groupes. Après un diner pris dans le silence, nous nous lavons les mains, nous demandons aux femmes de se rapprocher et nous commençons la discussion. En gros, nous leur parlons de ce projet de cantines scolaire en partenariat avec l`association française « des cantines scolaires pour les enfants du Sahel », puis de ce magasin communautaire que nous sommes venus mettre en place. Au sujet du projet de cantine scolaire, nous leur expliquons comment la récolte de fonds va se passer, qui sont les personnes qui font partie de cette association française, quelles sont les étapes du projet. Mais surtout, nous leur expliquons que nous attendons d`eux une complète adhésion à ce projet et l`engagement qu`ils mettront bien tous leurs enfants a l`école, qu`ils prendront soin des bâtiments construits, qu`ils participeront de façon active à leur entretien, au soutien des enfants à la cantine et au dortoir,…Nous leur présentons Elhadj Soumaila en leur disant qu`il sera le représentant sur place et que ce sera lui qui sera notre exécuteur sur place,…Ils sont très enthousiastes et nous manifestent beaucoup de contentement ; ils nous disent leur fierté et leur satisfaction que ces personnes en France, de l`association CSES et nous-mêmes, venus de Niamey, nous intéressons a eux qui sont si loin de tout… Nous leur demandons ensuite comment ils souhaitent s`organiser pour la gestion du magasin communautaire et surtout pour le réapprovisionnement en vivres. Nous incitons les femmes à participer à la conversation et à donner leur avis ; nous disons aux hommes qu`il est important que les femmes fassent partie de ce comité de gestion et qu`elles s`impliquent activement dans cette activité. Nous les faisons bien comprendre que aussi bien en ce qui concerne le projet de cantine scolaire et le magasin communautaire de sécurité alimentaire, il s`agit d`un projet-pilote, et que s`il ne réussit pas, nous ne pourrons le reproduire ailleurs. La discussion dure une bonne heure, Ghanillé est d`un enthousiasme exceptionnel et incite les femmes à prendre position. Elle leur dit que elle-même regrette de ne pas avoir pu aller a l`école, et que aujourd`hui elle pousse ses enfants à aller loin dans leurs études. Elle leur parle des avantages d`avoir un enfant éduqué, qui sait lire et écrire, car ainsi, comme moi-même je le fais aujourd`hui, cet enfant pourra venir en aide a sa famille… Le chef du village prend l`engagement de faire tout ce qui sera en son pouvoir pour que « nous n`ayons pas honte d`eux ». Après cela, j`encourage mes partenaires à aller du coté des femmes pour discuter avec elles, peut-être n`ont-elles pas osé tout dire en présence des hommes…Elles nous disent qu`elles s`engagent à tout faire pour que leurs enfants soient éduqués, car elles se rendent compte des retombées positives pour la communauté…Des enfants éduqués auront un métier et pourront aider à leur tour leurs familles. Elles nous parlent ensuite
des difficultés qu`elles vivent, du fait de leur manque de moyen. En effet, elles n`arrivent pas à diversifier leur alimentation et sont toutes anémiées. Elles nous disent que dès le matin, elles ont des vertiges quand elles se lèvent pour vaquer à leurs occupations ménagères. Elles nous décrivent une alimentation basée sur des aliments tels des pates alimentaires en sauce principalement, du riz blanc et de la sauce toujours à base de feuilles ou de tomates séchées. Elles ne font plus ou que très peu souvent de pate de mil ou de mais, car il faut piler les céréales dans de grands mortiers de bois et elles n`ont plus vraiment d`énergie pour cela. La viande, ils n’en consomment à peine qu’une fois par semaine ; c`est un aliment de luxe… Culturellement, ces populations basaient alimentation sur le lait de leurs chamelles, avec lequel elles faisaient du fromage ou était tout simplement source de calcium. Ce lait était consommé avec la pate de mil, ou était tout simplement donné aux enfants le matin. Aujourd`hui, les troupeaux de chameaux ont rétréci et ils ne peuvent plus les garder toute l`année à proximité car il n`y a plus aucun pâturage dans la zone…Ces populations se sont rabattues avec beaucoup de contrariété sur le lait des chèvres. Ca a été très difficile pour elles de nous l`avouer, car Abdulkarim m`expliqua plus tard que il y a quelques années, du temps ou les troupeaux étaient abondants, le lait de chèvre était donné aux domestiques, aux bergers qui menaient les troupeaux en pâturage… Aujourd`hui, avouer qu`ils se nourrissent de ce lait pourtant très riche et excellent pour la santé est un signe de déchéance. Elles ajoutent que même ce lait de chèvre, elles n`en ont pas en quantité suffisante finalement, car elles n`ont pas non plus de quoi acheter des chèvres. Elles nous disent alors qu`elles aimeraient pouvoir avoir leur troupeau, faire de l`embouche, que cela leur permettrait de donner du lait aux enfants, et la revente ponctuelles d`une ou deux têtes leur permettrait de pouvoir acheter d`autres aliments et donc de diversifier leur alimentation. Nous promettons d`y réfléchir… Nous abordons le sujet des mariages précoces, en voulant arriver sur le sujet des fistules, et on me présente une jeune femme de 16 ans, mariée depuis peu. Il s`agit de la fille du chef et son mari est parti à la capitale compléter sa formation d`instituteur. Il reviendra ensuite la chercher ou s`installer au village. On me présente deux jeunes femmes qui sont celles les « matrones », celles qui aident les femmes du village à accoucher. Elles me disent qu`elles n`ont pas eu à déplorer de perte jusqu`à présent, si ce n`est une fois, une femme qui était à sa huitième grossesse. L`accouchement avait duré trop longtemps, elle a perdu beaucoup de sang et elle en est morte ; l`enfant a lui survécu. D`après elles, il s`agissait d`un décollement du placenta. Je leur demande ce qu`elles font en cas d`accouchement difficile et elles me répondent que elles prient le Bon Dieu, que peuvent-elles faire d`autre, avec le centre de santé le plus proche à 17 km de leur village… Des enfants meurent souvent, nous disent-elles, mais les mères survivent…en général. Mon attention est attirée par une autre jeune femme, qui parle un très bon français et qui s`est assise à mes cotés ; elle a 18 ans et ne fait rien, elle a échoué au certificat d`études et a abandonné l`école ensuite. Là, elle ne fait rien que participer aux travaux ménagers. Je lui demande quels sont ses projets et si elle serait intéressée par une formation dans un centre que j`ai eu à identifier à Niamey (tressage, soins du corps,
coiffure, couture, tissage, tatouages au henné,…). Elle me dit que oui, pourquoi pas, sinon elle a peur qu`on la marie, car elle ne sert a rien, me dit-elle…Je lui promets de me renseigner et de la recontacter. Les hommes viennent avec une immense bâche recouvrir le tas de vivre, pour la nuit. Il se fait tard, la nuit est noire, hommes et femmes vont chacun de leur cote pour continuer la discussion. La nuit étant froide, ils proposent d`installer ma couche sous ma tente, mais je leur dis que je préfèrerai passer la nuit à la belle étoile… - Vendredi 1er Mars : réveil à 6 heures au chant du coq après une nuit très froide. Le village est déjà bien éveillé et les femmes vaquent déjà à leurs occupations. Je suis invitée à rentrer dans la tente du chef ou sa femme nous a préparé un copieux petit-déjeuner, composé de galettes de farines cuites traditionnellement dans un tonneau de métal, de sauce, de lait et de thé. Une femme d`un hameau voisin nous apporte de la bouillie. Nous sommes en petit comité et c`est le moment des confidences. La femme du chef nous confie avec beaucoup de pudeur sa grossesse de 5 mois et nous dit qu`elle souffre d`un palu mais qu`elle n`a rien pour se soigner, ni même de fer à prendre. Je lui dis qu’une fois arrivée à Nguigmi, je lui achèterai des médicaments qu`il faudra que quelqu`un aille récupérer chez Elhadj Soumaila. D`autres femmes arrivent et c`est la séquence coiffure et habillage ; elles se font plaisir en me parant chacune d`un de leur bijoux. Il s`agit de bijoux offerts lors de leur mariage par leur mari, des bracelets, colliers, parures,…Trois d`entre elles ont défait les colliers qu`elles gardaient sur elles ou dans des coffres soigneusement cachés, et m`ont donné chacune une « perle du désert ». Elles me racontent que ce sont des grains de sable laissés dans les poteries abandonnées par les caravaniers pendant leurs déplacements. Avec le temps, le vent, le soleil, les grains de sable se transforment en pierres blanches, rouges ou vertes. Il s`agit de pierres assez rares que ces femmes percent et enfilent sur un fil de cuir ou un fil tisse en poil de chameau. C`est d`ailleurs ce que fera la femme du chef : elle arrache un fil à une des parures ornant sa tente et y a enfilé une perle blanche. Le rituel veut que la personne qui acquiert cette perle, soit attentive au rêve qu`elle fera lors de la première nuit passée avec sa perle nouée autour du cou, du poignet ou de la cheville ; si le rêve est beau, la perle lui est destinée et sinon, elle doit la rendre au désert… J`ai pour ma part fait un très beau rêve et j`ai gardé mes perles. Le temps passe et il est bientôt l`heure de retrouver les enfants à l`école. J`avais déjà remarque en me réveillant ces nuées de grosses mouches collées aux vêtements de tous, dans le dos surtout. Il s`agit d`un gros problème d`insalubrité car n`ayant pas de latrines, de ‘toilettes`, les mouches sont attirées par ces excréments et saletés ca et là, et vont ensuite se poser sur les aliments et les yeux des villageois, ce qui entraine maladies diverses telles des conjonctivites pouvant devenir dangereuses si elles sont mal soignées. Il est indispensable de mettre en place des latrines pour le village tout entier et plus seulement pour l`école, dans un souci de salubrité publique. Je dois en parler a l`entrepreneur… Il est temps de nous rendre à l`école ; les enfants sont alignés en rangs d`oignons devant le mat où est accroché le drapeau du Niger. Le
maitre donne des instructions quasi militaires, les enfants commencent à entonner l`hymne national et l`un d’eux procède à la levée du drapeau. Nous nous immobilisons respectueusement et attendons la fin du chant. Nous leur avions acheté un ballon de foot, au marché de Nguigmi ; avec l’accord du maitre, nous le leur offrons. Ils se jettent tous dessus, garçons comme filles, et c’est en riant que le maitre leur accorde quelques minutes de récréation. J’en profite pour immortaliser ces moments avec mon appareil. Pendant 15 minutes, c’est la folie devant la salle de classe, et les plus motivés ne sont pas ceux que l’on pense…je suis surprise de voir les filles venir dribler le ballon au nez des garçons ! Quelle ambiance ! Je me rends compte d’une autre chose à ce même moment…ces enfants n’ont aucun jouet. Ni poupée, ni voitures, ni même des livres d’images… Rien que les quelques livres d’école qu’ils sont obligés de se partager. Pas même de feutres, de cahiers de coloriages,…Rien d’autre que le strict nécessaire : des ardoises, des craies, quelques stylos, quelques livres et des cahiers. A la fin de la partie, ils sont tous essoufflés…Il fait chaud c’est vrai, mais je pense surtout qu’ils n’ont pas beaucoup d’énergie, qu’ils ne sont pas « bien portants » et doivent présenter de nombreuses carences en nutriments pourtant essentiels à leur développement… Nous rentrons ensuite en classe, précédés par le maitre et suivis par les hommes du village, dont le chef lui-même qui tient dans sa main un exemplaire du dossier partenaire que nous lui avions remis la veille. Des notre entrée dans la classe, les enfants se lèvent et entonnent une chansonnette qui dit en quelques mots « merci Nicole, merci Sandra, merci nos amis du Cannet et tous ceux qui voudront bien nous aider… ». Très émouvant, toute l’assistance est surprise, même le chef qui demande a ce qu’on lui traduise ce que les enfants disent…En meme temps, nous voyons cette belle inscription faite au tableau, « les cantines scolaires, un souffle de vie scolaire »…Nous avons là atteint l’apogée de notre voyage et c’est ce que nous étions venus chercher…des enfants qui ont soif d`apprendre, mais qui ne se trouvent malheureusement pas dans les conditions optimales pour cela et c’est ce que nous leur promettons à travers ce projet. Ils l`ont compris et comptent sur nous à présent. Les quatre élèves les plus dégourdis d`après moi, en tous cas les moins inhibés se regroupent et chacun à leur tour, me disent à quel point ils comptent sur nous, sous la forme d’un petit poème : « vous qui venez de loin, de Niamey et de plus loin encore, vous avez pensé à nous, enfants du désert, à nos familles, à notre village et nous vous remercions. Nous promettons d`aller à l`école et de rendre nos familles fières de nous… » ; voilà les paroles… Après, j`ai pris le dossier partenaire dans mes mains, je leur ai demandé de se regrouper autour de moi et du maitre, et je leur ai expliqué point par point en quoi consisterait le projet. D`ailleurs, ils ont ensuite décidé avec leur maitre, d`écrire une lettre (que je mets en pièce jointe), écrite par le directeur, Mr Toudja Garba. En discutant avec lui, nous nous sommes rendus compte qu`il n`était pas de la région, et avait sa famille à Nguigmi. Comme on le voit sur les photos, il y a un drap dressé dans un coin de la salle, il s`agit des ‘appartements prives’ du maitre. En effet, il n`a pas d`habitation propre a lui, ce qui fait qu`il partage la classe avec ses élèves et qu`il vit la plupart du temps séparé de sa famille. Il ne la retrouve que le week-end, comme il nous le dira
en entretien, et quand il peut faire le trajet…Je crois que la construction d`une petite habitation pour le maitre est tout à fait justifiée, pour éviter cet éloignement familial et un découragement éventuel du maitre à porter son rôle d`enseignant au mieux. Le chef du village prend lors la parole et répète devant les enfants, le maitre et les autres hommes présents, ce qu`il avait eu à dire la veille au soir, lors de la veillée, qui plus est qu`il s`engageait à ne pas nous faire honte et à faire tout ce qui était en son pouvoir pour que les enfants aillent à l`école, garçons comme filles (je me suis permise d`insister sur ce point) et que tout le monde respecte et participe activement à la nouvelle organisation qui sera mise en place bientôt. Les enfants sont heureux, ils me demandent comment c`est d`où je viens et veulent se rassurer en me redemandant si vraiment j`allais revenir avec Nicole et ses amis. Je leur dis qu’en ce qui nous concerne, nous travaillons déjà activement à la récolte de fonds et que nous espérons qu`ils nous rendront fiers en travaillant bien à l`école et que alors à ce moment-là, si Dieu le veut, nous viendrons tous ensemble un jour leur rendre visite. Ces enfants ont des yeux qui sourient, malgré tout ce qu`ils n`ont pas, leurs sourires d`un blanc éclatant illumine cette matinée et c`est eux et cette attitude qu`ils ont qui me conforte et me réconforte… Quelle ironie. Il est temps de prendre congé, cette fois pour un bout de temps ; nous devons laisser le maitre et ses élèves étudier. Un moment émouvant. Les enfants se lèvent, sourient et on se dit ‘ à bientôt’. A très vite. A l`extérieur, d`autres hommes nous attendent ; il s`agit d`un autre groupe qui doit nous mener au puits à 1,7 km de là. Nous y allons en voiture. Le puits est gigantesque, en tous cas de mon avis. C`est vrai, il ne ressemble pas aux puits d`eau habituels ; il s`agit vraiment d`un puits pour le bétail, avec ces grandes poulies, ces mètres de cordes et tous ces animaux autour…Je suis très surprise. Nous sommes invités à nous approcher du puits et les éleveurs nous expliquent le fonctionnement. Il y a quatre poulies, une au nord, une au sud, une à l`est et une dernière à l`ouest, qui permettent donc d`abreuver 4 troupeaux en même temps. Cependant, 2 poulies ont cédé, il s`agit des fameux portiques à remplacer. De plus, le puits a besoin d`être curé pour avoir plus de profondeur, donc plus d`eau. Nous y rencontrons d`ailleurs deux femmes du village qui sont venues avec leur âne chercher de l`eau. Elles me disent qu`elles doivent faire très souvent l`aller-retour dans la journée, car elles n`ont que 2 ânes au village… Nous décidons de rejoindre le campement pour dire au revoir à tout le village. Les femmes ont décidé de danser pour nous, de nous montrer comment elles tissent leurs tapis,…Elles semblent tellement heureuses, alors que nous n`avons encore rien fait…Nous commençons à ramasser nos affaires et le chef du village vient me rejoindre au milieu des femmes et dépose à mes pieds un superbe tapis `kilim`, en poils de chameaux. C`est un cadeau qu`il me fait. Il m`offre aussi l`ornement de ma tente, ce ‘tour de cou’ des chameaux, un revêtement d`apparat des chameaux…Je
suis très émue car il s`agit de cadeaux faits aux jeunes fiancées. D`ailleurs, une belle blague a suivi, qui a fait rire tout le monde…Le chef a demandé si j`étais mariée et quand je lui ai dit que non, il a dit qu`en fait, c`était de leur faute, parce que si j`étais mariée, mon mari ne m`aurait jamais laissé aller aussi loin. Et que en gros, je me sacrifiais pour eux et eux allaient me proposer un mari : après avoir tué le mouton la veille et décoré ma tente, ils allaient appeler les jeunes du campement et j`allais pouvoir en choisir un…J`ai pense à la tête que feraient mes parents en me voyant revenir mariée ! Nous avons bien ri…ça a détendu l`atmosphère qui commençait à s`alourdir, avec les adieux, les remerciements,…Une des doyennes du village m`a mis dans les mains une bouteille de parfum, le fameux ‘houmra’ qui a la réputation d`avoir un effet quasi aphrodisiaque sur les hommes et qui fait partie du trousseau de la future mariée. Entre temps, les éleveurs rencontres au puits quelques minutes plus tôt m`ont fait déposer un beau mouton blanc en cadeau…Je repars les bras charges de cadeaux, la tête pleine d`images et de souvenirs et le cœur débordant de joie.
Sand
ra Au sseil