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Bien négocier un package salarial en 2023

S’il y a bien un sujet sur lequel les entreprises et surtout les départements RH ont un œil, c’est le coût du personnel. Quelles sont les nouvelles tendances dans ce domaine d’expertise et comment arriver à l’optimiser au mieux ? Réponse ci-dessous !

Par Bastien Craninx

Constantin Burasa HR Payroll & Administration Manager SPIE

François Pichault Professeur et directeur du LENTIC ULiège

Quels sont les grands challenges actuels dans la gestion des coûts du personnel ?

« Le niveau des charges sociales rend la rémunération de salariés très coûteuse pour une entreprise. De manière très simplifiée, lorsqu’on veut qu’un travailleur perçoive un euro de salaire « net », il faut disposer de 3 euros pour payer les impôts et les cotisations sociales. On est donc obligé d’investiguer les moyens de diminuer ces coûts et se tenir au courant de toutes les évolutions en matière fiscale et sociale. L’autre grand challenge, c’est la complexité des lois sociales et fiscales en général. Pour gérer de manière optimisée les coûts du personnel, il faut dès lors disposer d’expertise de haut niveau en interne ou en externe. »

« Les défis sont liés aux conséquences des deux années de pandémie et à la hausse du prix de l’énergie. Une guerre des talents et une saturation des différents marchés du travail font rage. Il y a une formule que j’entends souvent chez les DRH : ce ne sont plus les entreprises qui sélectionnent leurs employés mais bien l’inverse. Ces employés viennent avec de nouvelles exigences : un package salarial modulable, des avantages en matière de mobilité, du télétravail à la carte… Cela oblige les entreprises à aller plus loin pour attirer ces nouveaux talents et, évidemment, cela augmente les coûts. Cela complique le contexte et pousse les entreprises à être particulièrement inventives. »

Quelles mesures recommanderiez-vous pour réduire les coûts du personnel ?

« Une baisse générale des charges sociales offrirait l’opportunité aux entreprises d’engager plus facilement, sans devoir investir dans l’analyse de niches sociales et fiscales. En effet, d’une part, le niveau très élevé des charges pénalisent toutes les entreprises qui occupent des travailleurs en tant que salariés et, d’autre part, la complexité des solutions pour diminuer ces charges fait que seules les grandes entreprises ont les moyens d’investir dans les analyses visant y parvenir. Baisser structurellement les impôts et cotisations permettrait à toutes les entreprises de bénéficier de manière harmonisée d’une diminution de coûts. »

« En tant que chercheur, je préfère analyser les pratiques des entreprises. Il y a une tendance à privilégier la contractualisation avec de la main d’œuvre externe plutôt que de continuer à engager du personnel. L’achat de prestations de services est une manière de contourner le gel des embauches souvent imposé pour des raisons financières. Le phénomène se développe de manière exponentielle, ce qui contribue, de manière paradoxale, à une augmentation des dépenses vu le coût plus élevé des prestataires externes. De plus, l’achat de prestations est aux mains du département achats ou finances, et non du service RH, ce qui rend le phénomène peu visible dans la structure des coûts de personnel. »

Comment la gestion des coûts du personnel pourrait-elle évoluer à l’avenir ?

« Vu la complexité des lois fiscales et sociales, il y a déjà beaucoup de technologies mises en œuvre pour gérer ces coûts et ça va devenir obligatoire à l’avenir. La simple gestion de la paie d’un grand groupe de travailleurs requiert des logiciels de paie avancés, utilisant plusieurs programmes d’automatisation des calculs fiscaux et sociaux, qui sont pourtant des obligations légales. Et si on veut optimiser ces coûts, certaines niches fiscales sont tellement complexes que l’on doit utiliser des technologies dédiées ou recourir à des consultants. Pour rester compétitives, les entreprises devront donc de plus en plus investir de grandes sommes dans la maîtrise et l’optimisation des coûts du personnel. »

« Si ce nouveau modèle de sourcing se généralise, on ne peut plus l’ignorer. La maîtrise des coûts de personnel passe par un pilotage global de la force de travail, aussi bien interne qu’externe, ce qu’on appelle désormais le Total Workforce Management. Plutôt que de rester concentré sur le seul personnel salarié en cherchant à réaliser de l’optimisation fiscale en matière de coûts salariaux ou de voitures de société, il convient de s’assurer que la main d’œuvre externe soit bien embarquée dans l’entreprise et qu’elle n’y vienne pas uniquement de manière opportuniste pour y faire son “marché”. Pour ce faire, il me semble urgent que le département RH reprenne la main. »

Joëlle Boutefeu Senior consultant RH Securex

« En 2022, et selon une étude menée par Securex, le coût salarial par heure prestée en Belgique a augmenté de 7,9 %. En janvier 2023, les employeurs ont dû supporter une indexation historique : les salaires de la CP 200 ont connu une indexation de 11,08 %. Cette inflation élevée s’explique par l’augmentation des prix de l’énergie due entre autres au conflit entre la Russie et l’Ukraine. Cela a créé une hausse de l’inflation qui a entraîné cinq dépassements de l’indice pivot l’année dernière, ce qui a bien sûr eu une incidence sur les coûts salariaux par le biais de l’indexation automatique des salaires. La période « post-pandémie » explique également cette forte augmentation des coûts salariaux. »

« Avant de commencer un travail d’optimisation, il est important d’avoir une vue claire sur la masse salariale. Trois indicateurs salariaux sont à surveiller en permanence : le salaire horaire moyen (y compris le paiement des heures non travaillées), le coût salarial total (dépenses totales pour votre personnel) et le coût moyen de la main-d’œuvre d’entreprises similaires. Ensuite, il y a lieu de confectionner des packages salariaux attractifs qui permettent d’économiser des coûts salariaux inutiles. Un plan cafétéria (avantages extralégaux de leur choix), la mobilité verte, le télétravail et l’exploitation des subsides et autres interventions par les employeurs sont des solutions intéressantes. »

« La vie devient progressivement moins chère, principalement grâce à la baisse des prix de l’énergie. Pour l’heure, nous ne prévoyons qu’un seul dépassement de l’indice-pivot en 2023.Dans la commission paritaire n° 200, les salaires sont indexés une fois par an au mois de janvier. Les prévisions pour janvier 2024 s’élèvent actuellement à 2,40%. Malgré tout, il est important de rester au courant des éventuelles modifications relatives aux possibilités d’optimisation. Nous nous attendons à quelques adaptations prochainement, et il est dès lors essentiel de choisir des pistes de réduction de coûts pérennes afin de ne pas risquer un impact sur la motivation des travailleurs. »

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