N°6
Mercredi 19 septembre 2012
Le Quotidien de la Biennale PLaisirs de PaLais
édito des 7 000 invités présents le soir du vernissage à tous les visiteurs longeant chaque jour les sept kilomètres de façade, il règne dans le vaste espace consacré à la Biennale, une ambiance heureuse. Plus que jamais, à l’heure où l’histoire s’accélère, la beauté s’impose comme la parade suprême contre l’intolérance, la violence et leurs ravages. sous la verrière du Grand Palais, les civilisations et les religions se font écho, comme traversées par le même souffle. Quoi de commun entre une figure reliquaire dite mbulungulu admirée chez Bernard dulon et la coupe minaï aux cavaliers, iran xiie siècle (Kevorkian, n26) ? Le regard impassible de ce dignitaire song dont les yeux vous fixent sans fin (Gisèle croës, s05) et le bureau en zinc poli de michel dufet, célébration des temps modernes triomphants (félix marcilhac, s08) ? sans doute la quiétude des chefs-d’œuvre, cette sagesse reçue comme une leçon au cœur de notre époque intranquille. celle qui donne à voir, à aimer, à partager, le temps d’une promenade offerte à tous, des personnalités comme michelle Pfeiffer et isabelle adjani, aux anonymes, venus goûter l’esprit du meilleur, comme autant de plaisirs à consommer sans modération. From the 7,000 guests attending the evening opening to all the visitors strolling daily along the seven kilometers of the building’s front, a happy atmosphere reigns in the vast venue dedicated to the Biennale. More than ever, at a time when history accelerates, beauty is in itself the supreme defense against intolerance, violence and the havoc they wreak. Under the Grand Palais’ glass dome, civilizations and religions echo each other as if moved by same spirit. What do a reliquary figure called Mbulu Ngulu at Bernard Dulon’s and a Minai cup depicting riders from 12th century Iran (Kevorkian, N26) have in common? The impassive gaze of this Song dignitary whose eyes stare at you endlessly (Gisele Croes, S05), and the polished zinc desk by Michel Dufet celebrating the triumph of modern times (Félix Marcilhac, S08)? Undoubtedly the tranquility of masterpieces, this wisdom which serves as a lesson in the heart of our intranquille times. This wisdom which invites us to look, love, share, to take the time for a stroll open to all, from personalities such as Michelle Pfeiffer and Isabelle Adjani, to the anonymous, who gather to relish in the spirit of perfection, just like delights to enjoy without moderation. L.B.
événeMent / event
interview
un écrivain, un jour / A writer, A dAy
L’art sacré en Lumière
Yannick durand
une histoire de famiLLe
Sacred Art Enlightened D’une Vierge à l’enfant de Giovanni da Bologna (galerie Sarti, S13) à un Bodhisattva Guanyin de la dynastie des Song chez Jacques Barrère (N27), retour sur un phénomène qui cristallise toutes les passions. From a Virgin and child by Giovanni da Bologna (gallerie Sarti, S13) to a Guanyin Bodhisattva of the Song Dynasty at Jacques Barrere’s (N27), a look at a phenomenon that crystallizes all the passions. p. 2-3
créée en 2007, la Galerie 1492 propose une sélection d’œuvres issues des cultures précolombiennes. c’est la première Biennale de Yannick durand dont les jades sculptés du costa rica ou les stèles Valdivia d’équateur restent une « passion accessible ». il présente ses trois coups de cœur. Created in 2007, Galerie 1492 offers a selection of works from pre-Columbian cultures. This is the first Biennale for Yannick Durand whose carved jades from Costa Rica or Valdivia steles from Ecuador remain an “accessible passion”. He also shares three personal favorite works showcased at the Biennale. p. 6
statuette représentant un prêtre debout, calcaire vert pâle. culture teotihuacan, 450-600 après J.-c., mexique.
Giovanni da Bologna, Vierge à l’Enfant (maria mater domini), vers 1380.
Statuette of a standing Priest in pale green limestone.Teotihuacan Culture, 450-600 B.C., Mexico.
Giovanni da Bologna, Virgin and child (Maria Mater Domini), circa 1380.
A Family Affair Pierre assouline, dont Une question d’orgueil (Gallimard) fait partie des livres les plus attendus de la rentrée, commente la sculpture Paul et Virginie, reflet « d’une de ces passions amoureuses dont on ne peut sortir sans entraîner la mort de l’autre ».
Pierre Assouline, whose book a matter of Pride is one of the most awaited books of this autumn, comments the Paul and Virginie sculpture and reflects on “one of those amorous passions that one cannot get out of without causing the death of another”. p. 8
charles-adrien-Prosper d’épinay (1836-1914), Paul et Virginie, sculpture en marbre. Charles-Adrien-Prosper d’Épinay (1836-1914), Paul and Virginie, marble sculpture. Galerie Chadelaud, staNd s25
Galerie 1492, staNd Ms04
GiovaNNi sarti, staNd s13
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focus
événeMent
Divine Maiolica
L’art sacré en Lumière
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Sacred Art Enlightened
diVine maJoLiQue es sujets sacrés sont rares dans l’œuvre de nicola da urbino, le plus grand peintre de majolique de la renaissance italienne. Pour réaliser le décor raffiné de cette plaque de dévotion privée, l’artiste a transposé en céramique, avec un brio unique, l’art de raphaël, à partir de dessins préparatoires du maître qui circulaient à urbino. La scène de la rencontre entre la sainte famille et saint JeanBaptiste enfant se déroule au premier plan d’un paysage rythmé par des arbres aux troncs sinueux, des tertres herbeux et des lointains montagneux. au centre, un drapé rouge met en valeur les personnages. sur l’arbre de droite est perché un rouge-gorge, signe évocateur, symbole de la Passion. il se dégage de cette composition classique un style suave et une atmosphère poétique propres à celui que l’on appelait le « raphaël de la peinture de majolique ».
S
acred subjects are rare in the work of Nicola da Urbino, the greatest maiolica painter of the Italian Renaissance. In order to achieve this sophisticated plate of private devotion, the artist with unique brilliance, transposed into ceramic the art of Raphael, based on preparatory drawings of the Master that circulated in Urbino. The scene of the meeting between the Holy Family and Saint John the Baptist as a child plays out in the foreground of a landscape punctuated by winding tree trunks, grassy mounds and distant mountains. In the center, a red drape highlight the characters. On the right tree, a robin redbreast is perched, an evocative sign, symbol of the Passion. From this classical composition emerge a suave style and a poetic atmosphere specific to the artist that was referred to as the “Raphael of maiolica painting”. A.M.
Paule et max ingrand (école française, entre 1930 et 1960), paravent composé de cinq feuilles en fixé sous verre.
Paule and Max Ingrand (École française, active between 19301960), screen consisting of five reverse-glass painted panels.
Galerie aleXis bordes, staNd h6-11
u nicola da urbino (vers 1480-1540), plaque de dévotion privée représentant la sainte famille et saint Jean-Baptiste, vers 1528.
Nicola da Urbino (circa 1480-1540), private devotion plate representing the Holy Family and Saint John the Baptist, circa 1528.
MiChel vaNderMeersCh, staNd MN05
ne distanciation avec une fonction ou un sujet religieux est-elle nécessaire pour apprécier une œuvre d’art ? souvent, mais pas toujours. Les statues de divinités grécoromaines, considérées pendant l’antiquité comme des objets de dévotion, sont aujourd’hui admirées pour leurs pures qualités plastiques, tel un torse d’apollon exécuté d’après un modèle de Praxitèle et dont, « deux mèches de cheveux bouclés retombant sur les épaules et une forte cambrure de reins ajoutent au charme de ses proportions divines très élancées », souligne ollivier chenel (ms11). Pour la sculpture bouddhique, l’amateur prend beaucoup moins de recul, en restant dans le champ du sacré. il lui est agréable de se laisser envahir par la grande sérénité que ces œuvres dégagent, à l’exemple d’un bodhisattva Guanyin de la dynastie des song chez Jacques Barrère (n27). La peinture biblique occidentale perd souvent sa première dimension religieuse au profit de considérations esthétiques et stylistiques tels que « la finesse du dessin et l’équilibre de la construction dans l’œuvre d’Antonio Palomino », relève ana chiclana (h01) à propos de la grande huile sur toile, L’Archange saint Michel terrassant les anges déchus. La modernité des peintures à fond d’or italiennes, comme une Vierge à l’Enfant du xive siècle par Giovanni da Bologna à la galerie sarti (s13), attire les collectionneurs d’art moderne qui voient dans les plis des drapés un mouvement quasi géométrique. ces mêmes amateurs portent un regard extrêmement neuf sur une lampe de mosquée du xixe siècle au design très sobre, et sur un ‘alam indien en argent du xviiie présenté par alexis renard (h08). cet étendard de procession chiite qui était utilisé durant les cérémonies d’achoura, commémorant la mort de l’imam husayn, est décoré d’inscriptions s’apparentant à des motifs stylisés. armelle Malvoisin
Grande idole callipyge, terre cuite. Kaluraz, art amlash, début du ier millénaire av. J.-c. Large steatopygous idol, terracotta. Kaluraz, Amlash art, early 1st millenium B.C. Galerie kevorkiaN, staNd N26
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s taking a distance from functionality or religiousness of a subject necessary to appreciate a work of art? Often, but not always. In ancient times, the statues of Greek and Roman deities were regarded as objects of devotion, and are now admired for their pure artistic qualities as for example a torso of Apollo made after a Praxiteles model whose “two strands of curly hair cascading on his shoulders and his accentuated small of the back add to the charm of his very slim divine proportions” said Ollivier Chenel (MS11). As regards buddhist sculpture, the amateur is often less detached, remaining within the scope of the sacred. It is nice to be overwhelmed by the serenity that these works exude, like the Guanyin Bodhisattva of the Song Dynasty at Jacques Barrere’s (N27).Western biblical painting often loses its first religious dimension in favor of aesthetic and stylistic considerations such as “the fineness of the design and construction of balance in antonio Palomino’s work” notes Ana Chiclana (H01) of the large oil on canvas archangel michael defeating the fallen angels. The modern aspects of Italian gold background paintings such as a Virgin and child of the 14th century by Giovanni da Bologna at the Gallerie Sarti (S13), attracts collectors of modern art who see in the folds of the drapings quasi geometric movements. These same amateurs will take an extremely fresh look on a mosque lamp from the 19th century which has a very sober design, and on an 18th century Indian silver alam showcased by Alexis Renard (H08).This Shiite procession banner was used during Ashura ceremonies commemorating the death of Imam Husayn and is decorated with inscriptions resembling stylized patterns. Armelle Malvoisin
3 Questions À DIDIER CLAES (STAND N09)
3 questions to Didier Claes (stand N09) Quelle est la part du sacré dans l’art africain ? Dans l’art africain, rien n’est décoratif. Chaque objet a une fonction rituelle liée à une croyance, donc une dimension sacrée. Par exemple, au Mali, les grandes statues dogon sont sculptées les bras levés pour faire venir la pluie et les masques cimiers antilope bamana dansent pour remercier les dieux de l’arrivée de la moisson. Chez les Fang du Gabon, les figures de reliquaires sont les gardiennes des ossements des ancêtres.
Lakshmi, grès,Vietnam, art du champa, xie siècle. Lakshmi, sandstone, Vietnam, Champa art, 11th century. ChristoPhe hioCo, staNd h15
les amateurs d’art africain tiennent-ils compte de l’aspect magico-religieux des objets ? Généralement non, car c’est l’aspect esthétique des œuvres qui plaît avant tout. Sauf le fétiche à clous qui est un objet d’une telle force qu’il dérange souvent. Il est à l’art africain ce qu’est Basquiat à la peinture.Tout le monde ne peut pas vivre avec.
« Les doigts des grands anges ailés à chevelure blonde font errer sur les harpes célestes une musique imprécise et lointaine qu’on ne peut confondre avec l’orage des trompettes du J ugement.»
rombout Pauwels, dit Pauli (malines, 1625 - Gand, 1690), Vierge à l’Enfant et saint Jean-Baptiste, groupe en terre cuite, vers 1650. Galerie PatriCe bellaNGer, staNd s07
Rombout Pauwels, dit Pauli (Malines, 1625 - Gand, 1690), Virgin and child and st. John the Baptist, terracotta group, circa 1650.
Quel est l’objet rituel le plus emblématique de votre stand ? Je présente un grand fétiche à clous Kongo dont la partie centrale creusée abrite le reliquaire composé de fragments d’os, de dents d’animaux et de tissus fixés par une résine. Ces objets qui appartiennent à un clan sont détenus par un féticheur. Chaque clou qui est posé est porteur d’une demande de la communauté.
“The fingers of great winged fair-haired angels wandering over celestial harps playing a vague and distant music which one cannot confuse with the storm of Last Judgment trumpets.”
What role does the sacred play in African art? in african art, nothing is decorative. each object has a ritual function linked to a belief, and therefore carries a sacred dimension. for example, in mali, large dogon statues are carved with their arms raised to bring rain and Bamana antelope headdress masks dance to thank the gods for the arrival of the harvest. among the fang of Gabon, reliquary figures are the guardians of the bones of ancestors. What is the most emblematic ritual object on your stand? i am showcasing a large Kongo nailed fetish whose excavated central part houses the shrine composed of bone fragments, animal teeth and cloth fixed by a resin. these objects that belong to a clan, are held by a healer. each nail placed carries a request from the community. Does African art lovers take into account the magicalreligious aspect of objects? Generally no, because it is the aesthetic works that pleases foremost. except maybe the nail fetish which is an object of such power that it often disturbs. it is to african art what Basquiat is to painting. not everyone can live with it. Interview : A.M.
eLie faure Histoire de l’art
ChiFFres Clés Key figures 1 200m² : la superficie du salon d’honneur / 1,200m² : total floor area of the Salon d’Honneur. 16 : le nombre de beaux livres sélectionnés pour le Xiie prix du Livre d’art du sna 2012 / 16: number of fine Books selected for the 12th Art Book SNA Prize 2012.
sainte Barbara, france, Lorraine, fin du xve siècle.
4 500 m² sont occupés par 87 exposants sous la nef du Grand Palais / 4,500m² host 87 exhibitors in the Grand Palais.
Saint Barbara, France, Lorraine, late 15th century. MullaNy, staNd h5-12
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ses 3 coups De cœur
GaLeriste
Vers Le nouVeau monde
his 3 favorites
Yannick Durand, Galerie 1492, stand Ms04 tête de félin, obsidienne et calcite blanche, Proche-orient, iie millénaire av. J.-c.
To the New World
Head of a Feline, obsidienne and white calcite, near eastern, 2nd millennium B.C.
david Ghezelbash arChéoloGie, staNd Ms07-08
« Ce petit objet d’un très grand raffinement concentre d’immenses qualités plastiques et esthétiques dans le traitement réaliste de l’animal aux yeux très expressifs.» “this small object of a great refinement concentrates immense formal beauty and aesthetic qualities though the realistic conception of this animal that has very expressive eyes.”
Pourquoi les arts précolombiens nous fascinentils autant ? Je crois que nous sommes d’abord attirés par leur nature extra-européenne, renvoyant aux grandes expéditions du XVe siècle, à la découverte d’un nouveau monde et de ses cultures disparues. Esthétiquement, les objets d’art précolombien plaisent pour différentes raisons : par leur force, leur puissance, leur côté parfois surréaliste et la grande variété de leurs formes. Les sculptures en pierre appelées Mezcala, au style extrêmement épuré qui n’est pas sans rappeler l’art cycladique, séduisent les amateurs d’art moderne.Tandis que par leur allure baroque, les céramiques mayas et zapotèques sont collectionnées par d’autres aficionados. Quelles tendances observez-vous ? Beaucoup d’objets du Mexique sont très prisés, comme les masques à figure humaine de la culture Teotihuacan. Ce sont des pièces de musées assez rares. J’en présente un bel exemplaire à la Biennale, très puissant et iconique dans son genre. C’est la pièce phare de mon stand. À côté de cela, il existe aujourd’hui de réelles opportunités d’achats qui font que l’on peut vraiment se faire raisonnablement plaisir. Car par rapport à d’autres domaines de collection, le monde de l’art précolombien reste une passion très accessible. Ce ne sera sans doute plus le cas dans une dizaine d’années. Je pense à des familles d’objets qui sont encore souscotées, comme les jades sculptés du Costa Rica ; les stèles Valdivia d’Équateur ; les terres cuites des cultures Tumaco et La Tolita d’Équateur et de Colombie qui sont d’une beauté désarmante ; ou encore les textiles péruviens aux motifs géométriques et aux couleurs chatoyantes que l’on peut comparer à des tableaux modernes. Que pensez-vous de la croyance selon laquelle les Mayas auraient prédit la fin du monde pour le 21 décembre de cette année ? C’est un mythe qui excite les esprits échauffés. En réalité, il n’est nullement question d’apocalypse. Selon les Mayas, la fin de l’année correspond à l’achèvement d’un cycle qui va se renouveler. Je dirais que c’est une bonne chose d’en parler si cela permet d’apporter un éclairage sur la culture et les arts classiques mayas, à savoir les stèles, le travail du jade – essentiellement pour des masques et des haches cérémonielles –, ainsi que les céramiques dont les plus belles pièces sont les vases peints de scènes animées appelés « codex ».
Why do pre-Columbian arts fascinate us so much? i believe we are first attracted by their extraeuropean nature, which carries us back to the great expeditions of the 15th century, to the discovery of a new world and to lost cultures. aesthetically, the pre-columbian artifacts attract for different reasons: their strength, their power, sometimes surrealistic aspects and the great variety of their forms. the stone sculptures known as mezcala which have an extremely sleek style are reminiscent of cycladic art and thus seduce lovers of modern art. Whereas on the other hand the baroque style of maya and Zapotek ceramics is sought after and collected by other aficionados. What trends do you observe? many pieces from mexico are very popular, such as the human figure masks of teotihuacan culture. these are rare museum pieces. i am showcasing a fine example at the Biennale, very powerful and iconic in its genre. it is the center piece of my stand. Besides that, there are now real opportunities to indulge in reasonably priced purchases since as compared to other areas of collection, the world of pre-columbian art is a very accessible passion. it will no doubt no longer be the case in a decade. i’m thinking in particular of families of objects that are still under-rated, such as carved jades from costa rica, ecuadorian Valdivia steles, terracotta from euquatorian and columbian tumaco and La tolita cultures, which are of disarming beauty, or also Peruvian textiles with geometric patterns and bright colors that one can compare to modern paintings. What do you think about the belief that the Mayans have predicted the end of the world for December 21st of this year? it is a myth that excites high strung minds. in reality, there is no issue of an apocalypse. according to the mayans, the end of the year is the completion of a cycle that will be repeated. i’d say that’s a good thing to talk about if it can shed light on the mayan culture and classic arts namely steles, jade work – essentially masks and ceremonial axes – and ceramics, the most beautiful pieces being painted vases depicting animated scenes called “codex”. interview : armelle Malvoisin
Pieter Brueghel le Jeune, Paysage hivernal, (1564-1637).
Pieter Brueghel the Younger, Winter Landscape, (1564-1637).
Galerie d’art saiNt-hoNoré, staNd h18
« Cette scène ancienne et festive de patinage en plein hiver pourrait être tout à fait d’actualité. Elle me replonge dans mon enfance dans le Jura où j’ai vu des barques prises de la même façon dans la glace.» “this ancient and festive winter skating scene could very well be taking place today. it carries me back to my childhood in the Jura where i saw boats stuck in ice in very much the same manner.”
Joseph csaky (1888–1971), Nu assis en pierre.
Joseph Csaky (1888–1971 ), nude sitting, stone.
Galerie MarCilhaC, staNd s08
« J’aime la matière de cette sculpture, la pierre, qui est aussi celle de mes objets méso-américains. J’apprécie aussi son modelé lisse, l’attitude élégante du modèle et sa pose décontractée laissant échapper un pied hors du socle.» “i love the media of this sculpture: stone, which is also that of my meso-american objects. i also appreciate the smooth contours, the elegant attitude of the model and her relaxed pose showing off a foot at the base.”
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Le Diner De GaLa
paris penDant La BiennaLe Jan davidsz. de heem (utrecht 1606 - anvers 1684), Nature morte, huile sur toile.
urs fischer celui qui vient de bouleverser Venise avec son exposition monographique au Palazzo Grassi, investit l’école nationale supérieure des beaux-arts pendant toute la durée du festival d’automne.
Jan Davidsz. De Heem (Utrecht 1606-1684 Antwerp), still Life, oil on canvas.
Galerie GisMoNdi, staNd N01
riChard GreeN, staNd N05
The man who just brought turmoil to Venice with his solo exhibition at Palazzo Grassi, now takes over the Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts, throughout their Fall Festival.
PrintemPs éterneL
Jusqu’au 3 novembre 2012, 14, rue bonaparte, 75006. www.festival-automne.com
L’eXPOSitiOn / tHe eXHiBitiOn
cindy sherman © Gagosian Gallery
Chest in hard stones, golden bronze by Giovanni Battista Foggini (1694-1725).
Le FeStivAL / tHe FeStivAL
celle qui, pour créer ses œuvres, se réinvente à chaque coup de flash depuis près de trente ans, investit la galerie Gagosian.
La Biennale des antiquaires est un jardin extraordinaire. Le printemps s’y délecte sans fin. Le ciel d’azur s’arrondissant au-dessus de la verrière du Grand Palais renvoie une lumière particulière aux objets. Quand des boules d’opales de feu donnent envie d’être croquées comme autant de groseilles précieuses (Van cleef & arpels, P04), quand un collier Lierre de Paris aux feuilles de diamants semble fraîchement nimbé de rosée (Boucheron, P01), les humeurs grises, la glace, la pluie et les frimas se volatilisent, comme par miracle. Les fleurs s’invitent, brassée polychrome cueillie dans les champs par séraphine de senlis (galerie Patrice trigano, s24), ou magnifiquement déployées sur le coffre en pierres dures de la manufacture grand-ducale de florence présenté chez Gismondi (n01). entre les masques grotesques de bronze la marqueterie maniériste reproduit une éclosion céleste de pétales multicolores. une invitation au songe, à parfaire auprès des peintres flamands, comme chez florence de Voldère (mn09-10) où les paysages, avec barque glissant sur l’eau aigue-marine, ou chien assoupi au milieu des roses, (Le Printemps, Jan Brueghel dit le Jeune), font d’une saison entre toutes le refuge de l’idéal.
The woman who, for nearly thirty years, to create her works, reinvents herself with every flash takes over the Galerie Gagosian.
Jusqu’au 10 octobre 2012, 4, rue de Ponthieu, 75008. www.gagosian.com
Le dÎner / tHe dinner
Drugstore steak house un nouveau lieu pour les carnivores éclairés, avec la collaboration de trois grands artisans bouchers, spécialisé dans les meilleurs terroirs français, argentins ou américains. A new place for enlightened carnivores, with the collaboration of three craft butchers, specializing in the best regional products wheather French, Argentinean or American.
The Biennale des Antiquaires is an extraordinary garden where spring relishes in remaining endlessly. The blue sky surrounding the Grand Palais’ glace dome places the objects in a particular light. Opal balls of fire akin to precious vibrant redcurrants beg to be sketched (Van Cleef & Arpels, P04), a Paris ivy necklace carrying diamond leaves appears freshly swathed in dew (Boucheron, P01), grey moods, ice, rain and frost evaporate, as if by miracle. Flowers are showcased like polychrome bunches collected in the fields by Séraphine de Senlis (gallerie Patrick Trigano, S24), or beautifully displayed on the precious stone covered chest by the Florence Grand Ducal manufacture presented at Gismondi. Between the grotesque masks of bronze, mannerist marquetry depicts a celestial explosion of multicolored petals (N01). An invitation to dream one can complete with Flemish painters, like at Florence Voldère’s (MN09-10), where landscapes with glidding boats on aquamarine water or with dogs dozing amongst roses (spring by Jan Brueghel the Younger), all render this season the refuge of the Ideal. L. B.
Publicisdrugstore, 133, avenue des Champs-élysées, 75008. tél.: 01 44 43 79 00.
L’HÔteL / tHe HOteL
vice versa chantal thomass signe la décoration d’un nouvel hôtel couture : sept étages inspirés des sept péchés capitaux, pour succomber à toutes les tentations, le temps d’une nuit ou d’un cocktail au bar… Chantal Thomass signs the interior decorations of a new couture hotel: seven stories inspired by the seven deadly sins, to succumb to all the temptations, for a night or a cocktail at the bar...
© françois Le Prat
coffre en pierres dures, bronze doré par Giovanni Battista foggini (1694-1725).
Météo Du jour weAtHer OF tHe dAy
213, rue de la Croix-Nivert, 75015. www.viceversahotel.com
Karine Porret
wanteD
« Le soir du vernissage, un Ukrainien d’une quarantaine d’années, et un Chinois de Shanghaï ont adoré le même tableau de Pissaro. Son prix ? 1,5 million d’euros. La bataille ne fait que commencer.» daniel Boulakia.
un jour un chef
Le restaurant éPhémère Guy MartiN
Présidant aux destinées du Grand Véfour, haut lieu de la gastronomie parisienne, Guy martin aime s’inspirer de ses voyages, souvenirs et émotions pour élaborer une cuisine singulière, qui doit son caractère traditionnel aux origines savoyardes du chef. au menu de la Biennale, des saveurs surprenantes : jus d’ananas et coriandre relevant un nougat de fromage de chèvre frais, homard bleu servi tiède sur salade croquante, tomates et huile de basilic, poulet fermier aux artichauts blancs et violets. Le dessert est une invitation au voyage : un cube manjari aux fruits rouges, pamplemousse, avocat, meringue ylang-ylang, un arbre aux fleurs jaune citron d’asie du sud-est.
Presiding over the destinies of the Grand Véfour, the Mecca of Parisian gastronomy, Guy Martin likes to seek inspiration in his travels, memories and emotions to develop a singular cuisine, which owes its origins to the chef’s traditional Savoyard background. The menu of the Biennale offers surprising flavors: pineapple juice and coriander accentuating a nougat of fresh goat’s cheese, blue lobster served warm on crisp lettuce, tomatoes and basil oil, free-range chicken with artichokes and white violets.The dessert is an invitation to travel: a manjari cube, berries, grapefruit and avocado, ylang-ylang meringue, a tree with citrus yellow flowers from Southeast Asia. C.H.A.
camille Pissarro (18301903), Pièce d’eau à Kew, Londres, 1882, huile sur toile.
Camille Pissarro (18301903), Lake at Kew, London, 1882, oil on canvas.
“the night of the opening, a forty year old ukrainian man, and a chinese man from shanghaï, both loved the same painting from Pissaro. its price? 1,5 million euros.the battle only just started.” Daniel Boulakia
Galerie boulakia, staNd s16
Le Quotidien de la Biennale Le Quotidien de la Biennale est édité par le syndicat national des antiquaires www.sna-france.com conception et réalisation : stiletto éditions www.stiletto.fr directrice éditoriale : Laurence Benaïm design : christophe renard et nathanaël day impression : Point 44, france, 2012. tous droits réservés.
réservations : 01 53 23 15 25
Le Quotidien de la Biennale is published by the Syndicat National des Antiquaires www.sna-france.com Conception and edition: Stiletto Éditions www.stiletto.fr Editor: Laurence Benaïm Design: Christophe Renard with Nathanaël Day Printed: Point 44, France, 2012. All rights reserved.
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un oBjet, un écrivain
une histoire de famiLLe par pierre assouline
A Family Affair
Charles Adrien Prosper d’Épinay (1836-1914), Paul and Virginie, marble sculpture.
charles adrien Prosper d’épinay (1836-1914), Paul et Virginie, sculpture en marbre.
Galerie Chadelaud, staNd s25
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ares sont les œuvres totales qui concentrent en elles tout un monde. rien n’est plus mauricien que ce groupe sculpté : l’artiste, l’inspirateur, le collectionneur. Prosper d’épinay, Bernardin de saint-Pierre, les Gentil, quand bien même l’écrivain, havrais rousseauiste, ne serait mauricien que de cœur. regardez bien, c’est exceptionnel ce qui se joue là : une histoire de famille. Paul et Virginie sont les plus universels des mauriciens. nés en 1787, ils vivent encore. Pour édénique qu’elle fut, et pour naïve qu’elle parut, leur idylle demeure l’un des plus touchants romans des origines. Le roman et la sculpture sont à l’unisson ; une telle harmonie dans la transposition a partie liée avec la grâce. Le geste créateur est si doux, il exprime une telle tendresse dans l’exécution, qu’il fait oublier le pessimisme existentiel de l’auteur. Le mal est absent mais pas la mélancolie. en enserrant Virginie dans ses bras, Paul la soustrait à tous les dangers, reflétant ainsi l’une de ces passions amoureuses dont on ne peut sortir sans entraîner la mort de l’autre. Le commanditaire de cette sculpture ne pouvait être en 1881 que la municipalité de Port-Louis ; d’autres versions figurent dans le jardin de l’hôtel de ville de curepipe et au Blue Penny museum qui s’enorgueillit autant de cette œuvre que du timbre à deux millions de dollars. Prosper d’épinay (18361914) fit sa carrière avec des altesses, des grandes dames et des mondaines.tant et si bien qu’on l’appela « le sculpteur de souveraines ». mais qui se souviendra encore des grands noms et des hautes personnalités qu’il tailla dans le marbre, quand son couple de jeunes amants semble déjà promis à l’éternité ?
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here are but few works of art that contain and encompass an entire world. Nothing is more Mauritian than this carved group: the artist, the inspiration, the collector. Prosper d’Epinay, Bernardin de Saint-Pierre, the Gentils, even if the writer, a Rousseau follower from Le Havre, was only a Mauritian at heart. Look closely, what is at play here is exceptional: a family affair. Paul and Virginie are the most universal of Mauritians. Born in 1787, they still live today. As Eden-like as it was, and as naïve as it seemed, their romance remains one of the most touching stories of origins. The novel and sculpture are in unison; such a harmony in the transposition which is bound up with grace. The creative act is so soft, it expresses such tenderness in its performance that it makes one forget the existential pessimism of the author. Evil is absent, but not melancholy. By holding Virginie in his arms, Paul subtracts her from all dangers, thus reflecting one of those amorous passions that one cannot get out of without causing the death of another. In 1881, the commissioner of this sculpture could only have been the Port-Louis municipality; other versions may be found in the garden of the Curepipe townhall and at the Blue Penny Museum, which boasts as much this work as the 2 million dollar stamp. Prosper d’Epinay (1836-1914) made his career with crown heads, great ladies and socialites. So much so that he was called “the sculptor of sovereigns”. But who will still remember the grand names and important persons he carved in stone, when his pair of young lovers already seems promised to eternity?
Pierre assouline, born in 1953 in Casablanca, is a journalist, radio columnist, french novelist and biographer, former head of Lire magazine, a member of the editorial board of the magazine L’Histoire. his novel Lutetia (Gallimard) won in 2005 the Maisons de la Presse literary Prize. in 2007, Pierre assouline received the french language award. in 2011 The Lives of Job (Gallimard) earned him both the Méditerranée and the Prince-Pierre-de-Monaco Prizes. on January 11, 2012, he joined the académie Goncourt. his latest work, A Matter of Pride will be published in october (Gallimard).
Pierre Assouline, né en 1953 à Casablanca, est journaliste, chroniqueur de radio, romancier et biographe français, ancien responsable du magazine Lire, membre du comité de rédaction de la revue L’histoire. Son roman Lutetia (Gallimard) obtient en 2005 le prix des Maisons de la Presse. En 2007, Pierre Assouline reçoit le prix de la Langue française. En 2011, Les vies de Job (Gallimard) lui valent le prix Méditerranée ainsi que le prix Prince-Pierre-de-Monaco. Le 11 janvier 2012, il intègre l’académie Goncourt. Il publiera en octobre prochain Une question d’orgueil (Gallimard).
Coordination : Stéphanie Des Horts
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