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DOSSIER COVID-19
juin 2020
Covid-19 et anticipation dans les soins
La question des directives anticipées lors de maladies nouvelles Durant l’épidémie de Covid-19, l’anticipation a été la pierre angulaire du dispositif de soins cantonal et national. Cette volonté d’anticiper s’est traduite notamment par l’appel lancé aux personnes les plus à risque à réfléchir, à l’avance, aux soins qu’elles souhaiteraient recevoir si elles devenaient incapables de discernement. Mais dans une région où les directives anticipées sont relativement peu utilisées, nous avons été confrontés à de nombreux enjeux. Nous en discutons trois. INFORMER ET CONSEILLER DANS LE CAS D’UNE MALADIE NOUVELLE ET AU COURS INCERTAIN
Le travail traditionnel du médecin consiste à co-construire un projet thérapeutique avec le patient. Il s’agit dans ce contexte de l’informer de l’évolution et de la prise en charge des maladies pour que le patient puisse se positionner, y compris en cas de perte de la capacité de discernement. La situation liée au Covid-19 est particulière en ce sens. Au début de la pandémie, on craignait pour les patients âgés et fragiles une insuffisance respiratoire qui aurait nécessité une intubation aux conséquences incertaines. Au fur et à mesure, on a observé que l’infection pouvait également se manifester avec des symptômes plus légers, et être traitée par des mesures plus facilement abordables. Bon nombre de collègues ont donc rapidement dû reprendre ces discussions et souvent modifier ou compléter les informations préalablement documentées.
CARACTÈRE DÉLICAT DES DIRECTIVES ANTICIPÉES DANS UN CONTEXTE DE TRIAGE
La situation dans quelques hôpitaux d’Italie du Nord a pu faire craindre une pénurie de lits de soins intensifs et de respirateurs. L’Académie suisse des sciences médicales et la Société suisse de médecine intensive ont conjointement publié des recommandations pour faire face à cette situation1 (voir également pp. 24-25). Le risque d’un triage et les façons de l’éviter ont été beaucoup discutés dans les médias. C’est dans ce contexte que la promotion des directives anticipées a parfois été mal interprétée. Or, il faut rappeler que le principe fondamental qui sous-tend toute forme d’anticipation en lien avec la santé est que celle-ci est volontaire et vise à soutenir l’autonomie du patient au-delà de la perte de sa capacité de discernement. Les directives anticipées ne servent en aucun cas comme élément déterminant d’un éventuel triage.
DIFFICULTÉ DE METTRE EN ŒUVRE LES DIRECTIVES ANTICIPÉES DANS DES SITUATIONS NON PRÉVISIBLES
Tout au long de la pandémie, de nombreux cliniciens ont encouragé leurs patients à réfléchir à leurs directives anticipées. Le contexte de triage et l’incertitude liés au cours de la maladie menacent les conditions de l’expression de l’autonomie. Le semi-confinement, en outre, permet difficilement de réunir les conditions d’un dialogue suffisant pour bien préparer des directives anticipées. Cette épidémie révèle la valeur du dialogue patient-professionnel, particulièrement lorsqu’il s’agit de parler de directives anticipées dans des situations difficilement prévisibles. En effet, il ne s’agit pas seulement de promouvoir l’autonomie, mais également de préparer proches, médecins et soignants à mettre en œuvre les directives anticipées du patient, en particulier dans les situations imprévues, telles que l’épidémie de Covid-19.