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LES « Z » & LEUR SMARTPHONE

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ÇA M’ENERVE

ÇA M’ENERVE

BALANCE

TON PORTABLE!

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Les études montrent QU’ILS AIENT LA VINGTAINE OU LE DOUBLE, des jeunes sondés déclarent que les jeunes utiTOUS POSSÈDENT UN SMARTPHONE, MAIS TOUS utiliser leur mobile pour lisent, en moyenne, leur téléphone 4 heures par NE S’EN SERVENT PAS DE LA MÊME FAÇON.ETLES passer le temps et se divertir, ou dans une moindre jour*, contre 2 heures en PLUS LIBRES PAR RAPPORT AUX ÉCRANS NE mesure pour se cultiver moyenne pour le reste de la SONT PAS TOUJOURS CEUX QUE L’ON CROIT… (46 %). Dans les faits, les Z population. Et encore, chez passent du temps principacertains, ça peut grimper PAR ESTELLE COPPENS lement à consulter les réjusqu’à 7 heures, ne vous seaux sociaux, en moyenne plaignez pas! La fréquence téléphone à 12 ans ou moins. La 2h 55 par jour. Tandis que peut même atteindre 120 consulGénération Z est en effet la première le nombre de SMS envoyés par jour tations par jour… L’appareil semble génération à être née et à avoir granest en constante diminution depuis littéralement être un prolongement di avec les smartphones (le premier quelques années, le nombre d’utilisade leur bras. C’est bien simple, vous smartphone, l’Ericsson 380 remonte teurs actifs des réseaux sociaux est lui en avez presque oublié la couleur de à 2000, le premier Iphone datant de en croissance constante. Pour cette leurs yeux. 2007). Mais que font-ils devant leur cible, Instagram, YouTube, Snapchat 70 % des sondés ont eu leur premier doudou numérique? Près de 90 % et TikTok font figures de favoris, à

savoir des applications axées sur la vidéo avant tout. Et, justement, c’est bien là l’autre point incontournable pour les Z sur leur mobile: la vidéo est le sujet qui accapare de plus en plus leur temps sur le mobile, avec plus d’une dizaine d’heures de contenus vidéo visionnés chaque semaine en moyenne.

INSTANTS INSTA

Maureen a 22 ans, elle est organisatrice de concerts et, parallèlement, se forme à la communication culturelle à Lyon. Selon elle, elle passerait 2 heures devant son téléphone par jour, principalement sur Instagram : “je m’en sers pour découvrir ou faire découvrir de nouveaux artistes, partager des infos et des causes qui me tiennent à cœur. Pas pour parler de moi”. Pour les Z, Instagram ferait davantage office d’outil professionnel que leurs aînés. Et pour monter un évènement, Maureen règle les détails par messages privés. “C’est plus pratique : mes contacts sont sur Insta, pas d’adresses mail à pister”. Par ce canal, ses correspondants se montrent « plus réactifs, moins rigides ». Quant aux stories sur Insta, elles assurent la promotion d’un titre, d’une soirée. Et la jeune femme d’ajouter: “Instagram me sert aussi de book, pour présenter mon travail”. Idem pour, Ninon, chef cuisto de 27 ans, qui photographie et publie ses plats via le même réseau social, étoffant sans cesse son « CV » illustré. Sans mélanger les genres. La jeune femme possède un compte pro public et un autre privé où elle diffuse des « histoires » sur sa vie quotidienne “pour mes vrais amis, ma famille”. Au final, elle dit traîner peu sur son téléphone, bien que n’ayant pas d’ordinateur. Elle préfère cuisiner pour ses amis souvent réunis autour d’elle, tout en avouant craquer sur les vidéos de chats et les achats en ligne. Mais ne lui parlez pas mail : “Il y en a toujours plus ! Il faut les supprimer, ça pollue. C’est stressant !”.

IL Y A IMAGE ET IMAGE…

Si Maureen garde de la distance par rapport aux réseaux sociaux, outre son éducation, c’est aussi parce que, dans son entourage, figurent “des adeptes des réseaux sociaux pour les réseaux sociaux : Twitter pour la polémique, Facebook pour le clash, Insta pour les obsédés de la production d’images parfaites, souvent trompeuses pour les autres comme pour soi…” Le besoin de reconnaissance, de se prouver qu’on existe, qu’on est en couple, pour elle, c’est toxique. Le sujet revient d’ailleurs souvent entre amis. Antoine, assistant commercial de 28 ans, peine aussi à comprendre un proche de 45 ans, affichant 10000 abonnés, qui vont passer par la chirurgie esthétique pour booster son audience: “On n’est plus dans l’humain. Il faut constamment nourrir la bête, ça n’a pas de sens…”. Lui a jalonné une partie de sa vie numérique de garde-fous, malgré les rafales de textos envoyés pendant l’interview… L’absence de messagerie pro sur son smartphone le rendrait plus efficace au bureau. Bruno, entrepreneur de 47 ans, se situe aux antipodes. Le smartphone lui permet de rester à table jusqu’à 15 heures, il « gère ». Une liberté qui réclame une disponibilité de tous les instants, repas, soirées, week-ends et vacances compris. Tout quadra qu’il est, il a sans cesse son téléphone à la main. D’autant qu’à chaque fois qu’il répond à un mail pro, il en profite pour effectuer sa tournée des réseaux sociaux, Twitter, Insta, Linkedin, jeux en ligne (scrabble et belote), Facebook, même s’il « l’a cramé en acceptant trop d’inconnus ». La peur de louper quelque chose

Le téléphone a surtout empiété sur le temps accordé à la lecture, notamment avant de dormir.

explique également son état d’alerte quasi constant. Avec l’administratif, il flirte avec 5 heures d’écran par jour, plus haut score de pianotage digital de notre panel.

I JUST CALL TO SAY…

Bruno aime encore appeler les gens, ses contacts pro ou amicaux, “pour tout régler d’un coup”. Chose qu’apprécie nettement moins sa compagne, née dans les années quatre-vingt-dix: parler au téléphone l’agace, “une perte d’énergie”. Claire, graphiste de 43 ans, rejoint sa cadette là-dessus, elle n’appelle plus, mais “par crainte de déranger”. Elle privilégie les textos moins invasifs, qui ne réclament pas de réaction immédiate. “Quant à mes amis, je les vois, pas besoin du téléphone pour savoir comment ils vont”, tranche la jolie quadra.

QUAND L’ÉCRAN VOIT DOUBLE

Certains sont tellement accros, que leur téléphone semble greffé au poing. Et ce ne sont pas toujours ceux qu’on croit. Le double écran - portable et télé - semble sévir davantage chez les cheveux grisonnants. Pas étonnant au fond, les Z n’étant plus des consommateurs assidus de programme tv. En revanche, Bruno consulte son smartphone même devant un bon film. Claire écume Pinterest, à la recherche d’images liées à son travail et pas seulement durant la pub. Line, avocate de 48 ans, dégaine son téléphone quand ce qu’elle entend à la télé l’ennuie: réponses aux textos, What’sApp, et mail non traités, achats en ligne, tout y passe. Charles, garagiste quadra, file sur les profils Instagram d’invités d’émissions, pour savoir à qui il a à faire. Quasi tous reconnaissent une faculté de concentration réduite, entre SMS, notifications…

C

OH ! TU M’ÉCOUTES ?

Pire, le téléphone a surtout empiété sur le temps accordé à la lecture, notamment avant de dormir. Toutefois, les quadras interrogés lisent encore les journaux ou leur version numérique auxquels ils sont abonnés. Maureen, en revanche, refuse de payer pour s’informer: “C’est un fait, l’info on y a accès gratuitement. Je finis toujours par trouver ce qui m’intéresse sur Internet. Même si ça m’oblige à multiplier les sources et donc les points de vue”, ce qu’elle trouve d’ailleurs plus sain. On ne peut pas demander à son téléphone d’être intelligent à sa place… “C’est à chacun de faire son chemin, de trouver ce qui lui convient. A multiplier les canaux…” Elle, elle apprécie l’émission d’info « Quotidien » quand ils sont défricheurs, qui l’amènent à lire James Balmin, pas quand ils radotent ou croient révéler aux jeunes l’existence de personnalités déjà repérées via les réseaux sociaux… C.Q.F.D.

* Selon une étude menée par App Annie, le premier fournisseur mondial de données et d’analyses mobiles sur 2019.

T'AS TON TEL ?

Yannick Melin, 19 ans FINALISTE OBJECTIF TOP CHEF 2020

Votre fond d’écran? Une photo du chanteur Mika, de dos, avec ses Louboutin. Votre réseau de prédilection? Insta, pour le côté visuel. Je suis beaucoup de choses en cuisine, des restos, des concours, des chefs, et notamment le Chef Etchebest, depuis que je l’ai rencontré et que j’ai partagé pas mal de choses avec lui. L’appli dont vous ne pourriez pas vous passer? Apple Music! J’écoute de la musique toute la journée, du matin quand je me lève, aux pauses entre les cours.

Edgar Gropiron, 51 ans CHAMPION OLYMPIQUE ET CONFÉRENCIER

© DR Votre fond d’écran ? Une photo de famille. Votre réseau social de prédilection ? LinkedIn. Je ne suis pas très réseau, je m’en sers plus pour des raisons profes sionnelles, pour trouver de nouveaux clients et échanger avec mes prospects. L’appli dont vous ne pourriez pas vous passer ? J’ai le droit à 2 ? Masterclass, des professionnels de haut niveau qui par tagent leur expérience ; et Koober, des résumés de livres, beaucoup sur le développement personnel, liés à des par cours de formation. Je les écoute en voiture ou en faisant du sport, je transforme les temps morts en temps forts !…

© Fabrice Malot

Catherine Pacoret , 44 ans CONSEILLÈRE RÉGIONALE

Votre fond d’écran ? Une photo de famille. Mes enfants, Paul et Marie, et mon mari Vincent. Votre réseau social de prédilection ? Facebook, sans hésiter ! Parce qu’il a une très large audience, qu’on peut toucher des gens qui ont jusqu’à l’âge de nos grands-parents, et ça, ça me plaît en tant que personne publique. Et aussi parce que l’on peut expri mer des choses plus précisément qu’en 140 signes, et illustrer des moments de vie qu’on a envie de partager avec ses amis et les gens qu’on aime. L’appli dont vous ne pourriez pas vous passer ? Whatsapp, parce qu’on peut communiquer par communautés, par groupe, et qu’on peut rester en lien et dialoguer avec plusieurs personnes en même temps. C’est un peu le café du commerce numérique !

Votre fond d’écran ? Une vue du ciel des Maldives, où je suis partie en va cances le printemps dernier. En principe, je choisis toujours un paysage où il fait chaud, vu que je suis tout le temps au froid, au moins, ça réchauffe un peu le coeur. Votre réseau social de prédilection ? Instagram parce qu’il est très riche en divertissement et puis c’est chouette de pouvoir partager son quotidien à travers des photos, des vidéos, tout en restant informée de l’actu des autres. Mais j’aime aussi bien Tiktok avec les vidéos d’animaux, c’est marrant ! On va dire que je jongle entre les deux... Et Twitter pour rester connectée à l’info ! L’appli dont vous ne pourriez pas vous passer ? Yuka ! Une application qui scanne le code barre des aliments qu’on peut manger. Ça nous donne le nutriscore et ça nous oriente sur ce qui est bon ou pas. Et si je fais attention à mon alimentation, les produits de beauté, c’est pareil. Contre les apparences, on se rend compte qu’il y a plein de mauvaises choses à l’intérieur. L’appli suggère des produits meilleurs pour nous et pour l’environnement et c’est très bien.

Perrine Laffont, 22 ans CHAMPIONNE OLYMPIQUE DE SKI ACROBATIQUE

Mickael Marin, 45 ans DIRECTEUR DE CITIA

©-Gilles-Piel Votre fond d’écran? Mes enfants. Votre réseau social de prédilection? Twitter. Parce que ça me permet, au sein de mon réseau de m’informer sur l’actualité, et plus spécifiquement dans mon secteur d’activité.

L’appli dont vous ne pourriez pas vous passer?

Podcast Addict, parce que j’en écoute de plus en plus sur différents sujets, sur l’actu, le ciné, l’économie, l’histoire, je retrouve tout un tas d’émissions de France Inter, France culture, ou autres… et c’est là qu’on voit l’importance considérable de la voix.

Julie et Camille Berthollet, 22 et 21 ans MUSICIENNES

Votre fond d’écran?

Julie : Ça change tout le temps : à un moment, j’ai mis une photo sur scène, parce que ça faisait longtemps qu’on n’y était pas retournées et que ça me manquait. Puis j’ai remis une photo d’une robe que j’aime bien, donc vraiment aucune profondeur psychologique ou philosophique ! Camille : Toujours ma famille, en tout cas sur l’écran que tout le monde voit...

Votre réseau social de prédilection?

En chœur : Instagram ! Camille : Facebook sélectionne ceux qu’ils veulent nous montrer, qui ne sont pas forcément ceux dont on a envie de voir tous les posts. Et il y a de plus en plus de pubs. Au moins, sur Instagram, je vois de belles photos, je m’abonne à des comptes que j’aime bien, donc artistiquement, je trouve ça plus intéressant. Julie : Instagram, parce que les stories, je trouve ça très addictif et assez divertissant à regarder, et puis on voit beaucoup moins les fautes d’orthographe qui font mal aux yeux, parce qu’il y a la photo en1 er . Ça nous évite aussi les coups de gueule dont on n’a rien à faire… c’est moins négatif !

L’appli dont vous ne pourriez pas vous passer?

Camille : Whatsapp, je communique beaucoup avec ça. Julie : Moi, c’est l’inverse, je déteste envoyer des messages ou en recevoir, mis à part si c’est vraiment ma famille très proche. Je suis vraiment phobique de tout ça, donc je dirais Youtube, c’est là que je perds une bonne partie de ma vie, mais c’est une perte qui n’est pas trop désagréable... Votre fond d’écran? Ma compagne et moi en vacances, tout simplement. Votre réseau social de prédilection? J’étais beaucoup sur Facebook, mais j’ai migré sur Insta, je préfère le côté visuel, et c’est uniquement sur Insta que je communique d’ailleurs, je poste des photos.

L’appli dont vous ne pourriez pas vous passer?

Whatsapp, parce que j’ai plein de groupes de message, autant d’amis et que de famille, et que c’est plus pratique que les i-messages pour envoyer des photos, de l’audio ou de la vidéo.

Alexandre Fillon – 25 ans MILIEU DE TERRAIN FC ANNECY

Rebecka Coutaz, 50 ans DIRECTRICE DU STUDIO UBISOFT

Votre fond d’écran ?

Mes enfants.

Votre réseau social de

prédilection ? J’adore Instagram pour pouvoir partager des moments de vie quotidienne avec mes proches.

L’appli dont vous ne pourriez pas vous pas

ser ? Je ne pourrais plus me passer de Whatsapp car cette appli me per mets de communiquer vite avec tous !

FLASH INFO !

FILS D’ACTU CONTINUE, NOTIFICATIONS EN RAFALE ET SURENCHÈRE DE VÉRITÉS MOYENNEMENT VÉRIFIÉES… LES Z SONT

DPLUS BOMBARDÉS D’INFOS QUE NE L’ONT ans la famille Todesco, je deJAMAIS ÉTÉ LES GÉNÉRATIONS PRÉCÉde plus en plus de fake news sur les réseaux et on ne fait mande le père, DENTES. AVEC, POUR EFFET PERVERS, pas forcément la différence. Emmanuel, 51 UNE DÉFIANCE CROISSANTE ENVERS LES J’ai tendance à croire ce qui ans, directeur des services techniques d’une MÉDIAS. ON REMET LES CHOSES À PLAT? me semble logique, et ce que je vois ensuite à la télé… Mais, commune du nord de la HautePAR MÉLANIE MARULLAZ même si je sais qu’il est imporSavoie. Abonné à la presse rétant de se tenir au courant, je gionale, “pour se tenir au coufais très bien ma vie sans, on rant des prises de décisions locales”, aîné de 21 ans, regarde parfois le JT le est tellement abruti par les infos que il l’est aussi à la version numérique du soir. Lui n’est pas accro aux infos. “Je je n’ai plus envie de les regarder.” Monde, écoute quotidiennement la réagis aux titres aguicheurs de Brut radio et se branche tous les matins sur ou autres, quand ils apparaissent TROP D’INFOS TUE L’INFO BFM TV. Emmanuel aime se tenir infordans mon fil Snapchat, je regarde ce Alors? « X» sur-informés et « Z » démé, et c’est avec lui que Romuald, son que les gens commentent, mais il y a sintéressés? Ne nous fions pas aux

apparences: d’après une étude de l’Observatoire du Webjournalisme, publiée en 2017, 89 % des 18-24 ans estiment essentiel ou assez important d’être au courant de l’actualité du monde. Mais baignée dans un flot permanent d’informations, la génération née en même temps que Google a du mal à faire le tri. “Elle a tendance non seulement à s’informer prioritairement sur les réseaux sociaux (74 % des 18-24 ans, dans la même étude)”, décortique l’anthropologue Elisabeth Soulié, “mais aussi à donner spontanément plus de crédits à des médias comme Twitter et Facebook qui réagissent aux évènements du monde ou simplement les relaient et donnent une information attractive ou insolite, plus qu’à des médias traditionnels qui proposent des informations plus sérieuses et font un travail de fond, en tentant de recouper et d’analyser les sources, avant de restituer l’information 1 .” Ce n’est pas le cas de Margaux. Il y a quelques mois, cette étudiante à HEC Paris, aux racines annéciennes et à l’ancrage chamoniard, a réalisé qu’elle restait en surface de l’info. “C’est une prise de conscience à avoir, un effort à faire, de lire un article en entier, et pas juste la notification. On en discute pas mal avec mes amis, et on a des opinions très divergentes : je pense que c’est bien de s’informer sur différents médias, pour une question de fiabilité et d’ouverture d’esprit ; eux lisent les articles sur Facebook et les commentaires, prennent l’avis de M. et Mme tout le monde.”

RETOUR AUX SOURCES ?

Comme métier, Margaux voulait faire « Claire Chazal » quand elle

Aujourd’hui, tout le monde peut être témoin de quelque chose, le filmer et le partager. Info ou intox, nos étudiants le prennent au même niveau, ils n’ont pas d’esprit critique.

était petite. Elle a donc une certaine sensibilité au sujet. Mais même parmi les jeunes qui ont choisi de faire de l’actualité leur profession, le recul n’est pas toujours inné. “Nous, on allait chercher les infos dans des canaux stables et identifiés, dont la déontologie et l’éthique étaient portés par une rédaction”, explique Julie Joly, 46 ans, ancienne journaliste pour l’Express, directrice de l’école W à Paris, qui propose notamment une préparation aux concours des écoles de journalisme. “Mais aujourd’hui, tout le monde peut être témoin de quelque chose, le filmer et le partager. Info ou intox, nos étudiants le prennent au même niveau, ils n’ont pas d’esprit critique, c’est ce qu’on essaie de travailler, ainsi que leur curiosité. Parce que le fait qu’ils n’achètent pas les journaux et ne regardent pas les JT ne veut pas dire qu’ils ne sont pas bien informés, ils suivent d’autres canaux, mais ils ne sont plus soumis à des séquences « complètes » d’information, au-delà de leurs centres d’intérêt. Leur champ de sujets d’infos se réduit à leurs goûts personnels, en fonction de leur communauté ou leurs engagements, à des choses qu’ils partagent ou qu’on leur suggère.”

CONTE DE FAITS

Pour ramener ces Z submergés et égarés dans le droit chemin de l’info vérifiée, ou même tout simplement les y intéresser, peut-être faut-il donc repenser la manière de raconter l’information? En 2015, Hugo Travers a 17 ans quand il lance sa chaîne YouTube « Hugo Décrypte », un média qui se veut ouvert aux jeunes et informatif avec « un traitement journalistique de l’actualité » dans de courtes vidéos. Montage cut, infographies, musique, le format plaît: 5 ans plus tard, ce drôle de Z approche doucement le million d’abonnés, il a interviewé Emmanuel Macron en tête à tête, et s’est retrouvé face à Marine Le Pen dans l’émission politique de France Télévisions. Encore une fois, quand les Z parlent aux Z, ça marche. “Je suis convaincue que c’est aux journalistes de réinventer le traitement de l’actualité”, conclut Juliette Joly. “Il faut creuser de nouvelles formes d’écriture, en série, avec des infographies, des insertions sonores… remettre le réel au centre du récit, et c’est au cœur de ce qu’on fait à l’école  W. Parce qu’on ne peut pas laisser au divertissement et aux fake news la propriété de la créativité en termes de récit. Bien maîtriser la narration n’est pas réservé aux bateleurs et aux vendeurs de soupe !”

1 « La génération Z aux rayons X » Elisabeth Soulié – Ed. du Cerf - 2020

Vert BALISE !

DANS LES TRACES DE GRETA (OU PAS), ILS MULTIPLIENT LES (DÉ)MARCHES POUR LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT. ENTRE ENGAGEMENT ET PARADOXES, LES « Z » S’INSCRIVENT EN DÉCALE-ÂGE PLUS OU MOINS MARQUÉ AVEC LEURS AINÉS.

PAR BÉATRICE MEYNIER

Morgane, 27 ans

Violène, 41 ans

Consternés et concernés, les «Z » considèrent l’écologie comme une vraie priorité. Une étude réalisée par le CRÉDOC pour l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie en atteste. Publiée en décembre 2019, elle confirme que: “L’environnement est devenu un enjeu majeur qui, en 2019, se classe chez les jeunes adultes (18-30 ans) en tête des préoccupations (32 % des réponses) devant l’immigration (19 %) et le chômage (17 %). Depuis quarante ans (…), la proportion n’a jamais été aussi forte.” Ainsi, pour cette population, le réchauffement climatique (41 %) et la disparition d’espèces végétales ou animales (39 %) figurent au premier rang des problématiques environnementales. Et la pandémie qui bouleverse le monde ne masque en rien cette réalité toujours d’actualité.

BÊTES NOIRES

Installée depuis sept ans dans les montagnes de Savoie, Morgane, 27 ans, est végétarienne et affirme, plus que jamais, sa sensibilité à la cause animale. “Je ne supporte pas l’élevage intensif par rapport au bien-être animal et à l’impact que ça a sur l’environnement. Je ne comprends

pas qu’en 2020 on utilise des milliers d’hectares juste pour produire des hamburgers, alors qu’avec les céréales nécessaires à la nourriture des animaux, on pourrait quasiment éradiquer la faim dans le monde !! Je n’ai rien contre les gens qui mangent de la viande à partir du moment où c’est raisonné. Mais il faut arrêter les lobbies qui poussent à la consommation des produits laitiers et de la viande. On ne consomme plus aujourd’hui comme la nature le voudrait.” Si elle est particulièrement sensible à la question du “plastique dans les océans et à la gestion des déchets qu’on balance n’importe où et n’importe comment”, Violène, 41 ans, ne se sent pas impactée au quotidien par le changement climatique. Chef d’entreprise et mère de famille, cette Savoyarde d’origine entend surtout agir avec bon sens: “J’essaye de bannir le gaspillage. Je ne prends plus de bain et incite mes enfants à ne pas manger à outrance. Par contre, il est impensable pour moi de faire du covoiturage. Je suis au maximum de ce que je peux faire en termes de protection de l’environnement.”

CONSOMMATION ET CONTRADICTION

L’engagement en faveur de l’écologie serait plus limité pour les générations antérieures que pour les «Z » ? Pas vraiment. Car “Les travaux menés par le CRÉDOC pour l’ADEME révèlent une réalité plus nuancée. Si les jeunes sont réellement inquiets et pénétrés de la catastrophe écologique annoncée, leurs comportements au quotidien ne sont pas bien différents de ceux des générations plus âgées. En particulier, les jeunes montrent un goût certain pour le shopping, les équipements et pratiques numériques, les voyages en avion et une alimentation peu durable. Ils ont des habitudes plus écologiques que leurs aînés dans deux domaines seulement : au quotidien, ils privilégient la marche, la bicyclette, les transports en commun, le covoiturage. Et ils montrent un intérêt fort pour les alternatives à l’achat neuf   : achat d’occasion, location, emprunt, revente, troc, etc..” Adepte du tri, du compost et des produits de saison, Morgane paraît davantage impliquée, mais reconnaît toutefois ne pas pouvoir se passer de voyager. Comme 28 % des 18-24 ans interrogés dans l’étude du CRÉDOC, elle admet continuer à prendre l’avion régulièrement. “Mais je limite mes déplacements en prenant des vacances plus longues une seule fois par an. Ceci étant, il est vrai que j’aimerais arriver à consommer encore mieux…”.

Les «Z» ont des habitudes plus écologiques que leurs aînés dans 2 domaines seulement : ils privilégient la marche, la bicyclette, les transports en commun, le covoiturage. Et boudent l’achat neuf pour l’occasion, la location, l’emprunt, la revente, le troc...

VERT DUR(E) ?

Un bon premier pas, mais au-delà des modifications individuelles de comportements au quotidien, comment tendre vers un monde plus écologique? Certains jeunes manifestent. D’autres prennent des initiatives ayant vocation à s’inscrire davantage dans la durée, comme la Suissesse de 24 ans Marie-Claire Graf, à l’origine d’un important mouvement d’action étudiant international en faveur du développement durable. Chez les « Z », on note également une tendance de plus en plus marquée à l’engagement dans le bénévolat dédié aux causes environnementales. D’après le CRÉDOC, 3 % des 18- 30 ans s’impliquaient de cette manière en 2016. Trois ans plus tard, le chiffre est multiplié par quatre! Un autre levier serait de compter sur l’action des politiques. La question fait débat et laisse apparaître quelques différences de points de vue entre les « Z » et leurs aînés, les « X » en l’occurrence.

EN VERT ET CONTRE TOUT ?

Pour Morgane: “Ce n’est pas une coïncidence si lors des dernières élections municipales, les candidats des Verts ont eu beaucoup de succès. Ma génération ne s’y retrouve plus au niveau politique, ça ne nous intéresse plus. Les discours écologistes permettent de toucher tout le monde. L’écologie n’est pas forcément liée à un parti marqué politiquement, mais c’est quand même de la politique ! Aujourd’hui, les gouvernements font des beaux discours, mais ne mettent pas assez d’actions concrètes en place.” Violène, quant à elle, “n’aime pas « charger » les politiques. Je pense qu’il est difficile de doser les mesures à prendre et de pouvoir les mettre en application. Mais j’ai quand même une interrogation par rapport à leur volonté de changer les choses. Quand je vois à quelle vitesse on a pu prendre et imposer des mesures lors de la crise liée au Covid, je me demande pourquoi on ne le ferait pas avec d’autres sujets comme l’écologie…”

Alors à chacun sans doute de retrousser ses manches, jeunes en tête de cortège. Car comme le rappelle le sociologue Rémy Oudghiri : “Il y eut des générations dont la mission était de transformer ou de développer le monde. Celle-ci, face aux crises climatiques, au déclin de la biodiversité, aux ressources qui vont manquer dans de nombreux pays, aura la mission de le réparer…”

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