5 minute read

BOCUSE D'OR DAVY TISSOT

Next Article
LIRE & OFFRIR

LIRE & OFFRIR

© nicolas villion

Food Mental JACKET!

Advertisement

calme, posé, le sourire à plein temps, Davy choisit ses mots comme on trie sur le volet, sans les mâcher non plus, faut pas pousser ! Des avis tranchés, il en a, de l’énergie à perdre, pas vraiment. Quand je le rejoins au centre d’entraînement de la team Bocuse, à Ecully, je comprends vite que le chef lyonnais ne s’encombre pas de blabla, rester focus sur ses objectifs explosifs est bien moins futile. Baskets aux pieds, sportwear’s touch, s’il n’avait pas ce geste gracieux qui dépose à la pince les moindres détails d’une assiette parfaite, je jurerais qu’il est athlète ! Il me fait penser à un boxeur, ceux

« Je ne veux pas être chef. Je veux être MOF ! » Rien que ça ? Déjà en 1989, il savait ce qu’il voulait. Challenge quand tu nous tiens, si le col bleu blanc rouge est maintenant à son cou, le voilà dans la dernière ligne droite du Bocuse d’Or, motivé comme jamais. Davy Tissot ou l’homme qui ne lâche jamais le morceau ! Go, go, go !

PAR MAGALI BUY

qui montent sur le ring avec le «  même pas peur », l’excitation d’aller au défi coûte que coûte. Et là où Mohamed Ali disait “vole comme le papillon, pique comme l’abeille, et vas-y, cogne mon gars, cogne !”, Davy tape dans le mille et va au charbon avec sa devise bien à lui : “j’ai toujours plus appris dans la défaite que dans la victoire. En puisant au fond de soi, on trouve des ressources qu’on n’imagine même pas.” Et c’est dans cet état d’esprit qu’il m’accueille, en pleine réflexion sur les erreurs passées, comprendre pour avancer, avec humour, parce que c’est meilleur.

DANS LES VESTIAIRES…

Davy n’aime pas vivre avec des regrets, et il part loin dans ses retranchements pour les éviter : “J’adore m’auto-flageller ! Je m’enferme dans mon monde, je descends pour remonter, c’est essentiel d’aller se chercher, même physiquement, il faut se mettre des coups de colliers.” Dépassement de soi, détermination, politique de l’excès, on peut trouver mille façons de résumer, mais son histoire est efficace. Il est lyonnais, originaire du bassin méditerranéen, une arrière-grand-mère sicilienne immigrée à Tunis, des grands-parents débarqués en France dans les années 60 et lui, enfant des Minguettes, à Vénissieux. “Je voulais être sportif de haut niveau. Je pratiquais l’athlétisme, la natation, mais j’ai eu un accident. Blessé, j’ai dû changer de cap.” Coup dur, mais challenge dans les veines, il ne lâche rien et relève la tête : “Je n’étais pas bon à l’école, il me restait l’ébénisterie ou la cuisine. Et je voulais surtout être MOF, le drapeau bleu blanc rouge, la médaille… Et le plus beau des modèles  : Monsieur Paul !” A 13 ans, il intègre l’école hôtelière de Vénissieux, tape aux portes pour son apprentissage, elles se ferment, l’objectif se corse. Mais qui ne saute pas n’est pas lyonnais, non ?!

SUR LE RING

Il finit par atterrir chez Jean-Claude Pignol, traiteur MOF, puis tout s’enchaîne. En 1991, il est commis de cuisine à l’Auberge de Collonges

aux côtés de Roger Jaloux, puis chef de partie à la Rotonde près de Jacques Maximin, à l'Auberge des Cimes chez Régis Marcon et Jean Brouilly à Tarare… Il a la bougeotte et revient finalement à la Rotonde en 2001, second du chef Philippe Gauvreau, si ce n’est pas de la détermination, ça y ressemble. Mais Davy est compétiteur, il a la gagne, il veut du frisson et c’est avec le MOF qu’il va trembler. En 2004, épaulé par Roger Jaloux, il décroche le titre, le col et la médaille, “comme quoi avec les rêves, on peut arriver à bien des choses.” Mais il ne veut pas être chef, alors après… Qu’est-ce qu’on fait ? “Ce mot me dérangeait, ça fait petit coq. Je voyais l’autorité, le respect unilatéral. Mais en regardant différemment, on peut changer ça. Pour moi, un chef emmène ses équipes, pas forcément dans le juste, mais avec un recul qui fait avancer tout le monde… Je préfère chef de file !”

AU COMBAT !

Et c’est ce qu’il va devenir, un chef du partage, passionné par la transmission, le travail en équipe et le plaisir dans l’assiette, loin du miroir aux alouettes. Il prend un poste de chef aux Terrasses de Lyon, restaurant de la Villa Florentine, décroche une première étoile en 2005, plutôt pas mal, non ? “J’ai relevé le challenge d’être chef, j’ai beaucoup appris et j’en suis parti pour le restaurant Saisons à l’Institut Paul Bocuse (établissement d’enseignement supérieur en management de l’hôtellerie, de la restauration et des arts culinaires, ndlr) dans le but d’avoir une étoile  !” Et viser un macaron dans un resto d’application, sacré level ! “C’est au travers d’une école, c’est vrai. Mais on doit arrêter de mentir aux étudiants, notre métier, ce n’est pas 8

Team France

heures par jour. C’est de la pression, de la présence, un client en face, je voulais être transparent. D’ailleurs, je ne les appelle pas étudiants, ils ne sont pas sur une chaise, mais acteurs. Si on les considère comme des élèves, ils vont agir comme tels. Si on les voit comme des professionnels, ça change tout”. Et si je vous dis que le millésime 2020 a brillé… Vous me croyez ?

GOOD GAME

Parce qu’ils l’ont eue leur étoile, tous ensemble  ! Et en dehors de cet héritage combatif et déterminé qu’il porte, ce sont toutes ces rencontres professionnelles et ces instants de vie qui ont construit Davy. “A un moment donné, ils m’ont tous aidé, guidé et apporté quelque chose. J’avais un chef qui disait : “dans la vie, n’oublie pas le côté positif et le négatif, le négatif pour ne pas reproduire et le positif pour avancer.” C’est mon moteur. “Savoir s’en servir, c’est un équilibre.” Aujourd’hui, Davy a raccroché sa veste dans les cuisines de Saisons pour se consacrer à son dernier défi, remporter le Bocuse d’Or. Entouré par la Team France, il met toute sa philosophie au service de l’équipe et de la victoire, le regard tourné vers l’humain, dans le plaisir et la même dynamique, pour gagner, à leur façon. “C’est moi qui suis au-devant de la scène, mais je me bats pour représenter un pays et défendre ses couleurs et j’en suis fier. Mais j’aimerais que ce ne soit plus un concours avec une personne qui gagne à travers un nom, mais un drapeau et une équipe, qui suscite des vocations. En attendant, il reste la finale, la fleur au fusil, on y va, là !!!”

This article is from: