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BOCUSE D'OR SERGE VIEIRA
by Sopreda 2
TU VIEIRA…Ah, tu verras,
© Pierre Soissons
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Président de la team France, Bocuse d’Or 2005, le chef** Serge Vieira ne fait pas de blabla ! En octobre dernier, la France se classait 6e en demi-finale européenne du Bocuse d’Or à Tallinn (Estonie), décrochant à l’arrache, sa place pour la finale à Lyon. On a eu chaud ! Ce n’est pas que ça grince, mais quand même…
PAR MAGALI BUY
l' Estonie n’est pourtant qu’à 1 heure de jetlag de Megève, mais les cernes sont pesants et les mots assortis à la lassitude générale. Parce qu’au-delà de l’in extremis qui qualifie le chef Davy Tissot, porte-drapeau français, c’est le coup de massue. Une histoire de points mystères digne d’une compet’ de patinage artistique, perdus dans les hautes sphères du jury, un sentiment d’incompréhension face au monopole des pays scandinaves et surtout, un an de boulot dans l’assiette, jugé et balayé en quelques minutes, d’un coup de cuillère à pot. Et si Serge Vieira, toutes tripes dehors, est remonté comme un coucou, il calme son palpitant et prend quelques minutes avant le dîner de soutien à la team, ici, à Toquicimes, pour répondre à mes questions à chaud. Parce que les choses ne sont pas toujours rose bonbon comme dans le dicton, il y a forcément une raison. On débriefe...
Activmag : Pour la bonne humeur, chef, quels souvenirs de votre Bocuse d’Or en 2005 ?
Serge Vieira : Je travaillais chez Régis Marcon, on courait après la 3e étoile et on était dans le jus ! Il fallait que je me prépare, que je tienne mon poste en cuisine, et tout confondu, ce n’était pas du gâteau ! Mais j’ai grandi et appris à décider, surtout du moment où il faut trancher et se consacrer à l’idée qui mène au Bocuse d’Or. Régis me disait : “quand tu sentiras que c’est la bonne, c’est à toi de choisir, pas à nous.” Alors on fait des croquis, on s’entraîne et on finalise. Et pour Jacques Decoret, Éric Pras, Régis Marcon et Davy Tissot, les chefs à mes côtés, il fallait cette ligne de conduite, l’histoire à raconter et comment le faire, avant même de cuisiner. Sinon, c’est comme partir demain sans savoir où : un peu bête de rester à l’aéroport et d’attendre la destination ! Une fois donnée, il est plus simple de faire des recherches historiques, gastronomiques et culturelles. Au final, c’était top et je n’en garde que des bons souvenirs !
Un candidat au Bocuse, c’est toute la gastronomie française qu’il doit représenter ?
La gastronomie et l’histoire de France avant tout ! Il ne faut pas perdre son identité pour copier-coller certains pays, ce serait une erreur.
© Bocuse d'or Europe
Justement, 15 ans plus tard et encore en demi-finale, les Scandinaves squattent les podiums. Comment ne pas copier-coller ?
Ils sont majoritaires et c’est compliqué quand la diversité européenne n’est pas respectée. Certains vont finir devant, c’est logique. Depuis de nombreuses années, ils ont imposé un style. Mais je crois qu'il arrive en fin de vie, ils vont rigoler en me lisant, mais il va falloir se reprendre, ils font tous un peu pareil ! Après, en 6e place, même si Davy gagne le prix du meilleur plateau, il peut être critiqué. La team France a fait des erreurs et mérite ce résultat, soyons honnêtes. Il y a une assiette et un plateau à sortir en 5h35 et c’était irrégulier. Et tous vous le diront, il faut être bon sur les deux. Après, ce qui rassure, c’est qu’on partait avec 200 points de retard, comblés à 8 points près. J’aimerais savoir où le jury les a retirés d’ailleurs…
On se croirait au patinage !
Comme au patinage, on a les mêmes dérives, les mêmes incompréhensions et déceptions. Comment est-ce possible, sur un même plateau, avec 12 jurés différents, d’avoir des deltas de 20 points ? On ne peut pas changer le concours, mais un candidat qui se prépare pendant 2 ans et qui ne peut pas comprendre les écarts de notation, ça a un vrai impact. Il y a des progrès à faire. Des jurés séparés, briefés et débriefés après leur notation, pour expliquer chaque point susceptible de poser question, prolonger le temps de dégustation aussi. 5 minutes pour goûter une assiette qui prend 2 ans de travail, c’est un peu juste ! C’est aux organisateurs d’encadrer ça. On a fait des propositions, on verra…
Quel est votre rôle en tant que Président ?
Comprendre les défaites du passé, essayer de structurer plus la team, travailler pour l’avenir. On réfléchit à créer un vrai Clairfontaine du Bocuse d’Or, construit sur la région Auvergne-RhôneAlpes, un stade d’entraînement dans lequel on pourrait faire de l’évènementiel, accueillir d’autres équipes, organiser des sélections de commis aussi. Trouver des fonds est essentiel, le budget sur les 2 ans est de 500 000 €, ce n’est pas rien...
L’Etat vous aide ?
Jusqu’à aujourd’hui, non. Et pour arrêter d’attacher des bouts de ficelles et faire des podiums, il faut des moyens humains et économiques. On a une aide de la région AURA qui est notre plus gros partenaire, mais pas de l’Etat. On ne demande pas la lune, mais une prise en charge du centre d’entraînement serait idéale pour nous. On reste encore des saltimbanques ! La team France est une association loi 1901, on est tous bénévoles et on travaille dans la même direction : faire grandir cette équipe qui porte et défend la gastronomie française. On fait ce qu’on peut mais je ne me vois pas aller toquer à la porte du gouvernement réclamer un petit bout de pain…
Les chefs soutiennent Davy ?
C’est primordial pour nous ! On a besoin qu’ils soient là, pour nous apporter leur regard. Mais il y a encore du boulot, même si Davy les représente tous. Quand Zidane était en équipe de France, on ne s’est jamais demandé s’il était marseillais ou lyonnais ? Il était français et c’est tout ! Nous, c’est pareil ! Reste à gagner…