Zineb Interview Charlie Hebdo

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08 / CHARLIE HEBDO N° 995 / 13 juillet 2011

t ENTRETIEN

CEUX QUI ONT FAIT LE PRINTEMPS A

MAROC : LA JEUNESS QUI VEUT DÉCUL Zineb el-Rhazoui (29 ans), membre du Mouvement du 20-Février et journaliste au chômage, depuis que son hebdomadaire a été fermé par le régime. Entretien.

CHARLIE HEBDO : Comment la chute de Ben Ali a-t-elle été reçue au Maroc ? t Zineb el-Rhazoui : Ç’a été quelque chose d’exceptionnel. On a compris que c’était un point de non-retour, ça allait forcément changer l’équilibre de la région. Ce soir-là, j’ai vu des gens qui ne sont pas militants, des gens « normaux », dans les bars à Rabat, qui buvaient, qui disaient que c’était le plus beau jour de leur vie. Nous sommes allés fêter l’événement devant l’ambassade de Tunisie. Et là, on a senti la panique. Contrairement à l’habitude, on ne s’est pas fait virer à coups de pied par les forces auxiliaires, un corps de paramilitaires qu’on appelle « merda », comme merde, à cause de la couleur douteuse de leur uniforme. Ils étaient brusquement devenus beaucoup plus affables… Il n’y a d’ailleurs eu aucune réaction officielle de la part des autorités marocaines sur la chute de Ben Ali. C’est seulement trois ou quatre jours après que les partis ont commencé à s’exprimer. Cela a été votre déclic ? En fait, ça faisait des années qu’avec un petit groupe d’amis je voulais faire quelque chose pour les libertés individuelles. Défendre ceux qui ont choisi d’afficher leur liberté de culte, qui ont fait des choix sexuels différents et que personne ne défend au Maroc. À commencer par les défenseurs des droits de l’homme classiques. Dans un pays où la torture est encore exercée dans ses formes les plus barbares et où la détention arbitraire continue d’avoir cours, ils avaient d’autres chats à fouetter. L’expression même de « liberté individuelle » était d’ailleurs totalement absente de la littérature des droits de l’homme au Maroc. C’était considéré comme une sorte de luxe, l’apanage de l’Occident, un vernis pour enjoliver un projet démocratique déjà abouti. On nous a souvent dit par exemple : mais la question de l’homosexualité, franchement, au Maroc, c’est secondaire ! Non. Il n’est jamais secondaire de se prononcer sur un principe. C’est à ce moment-là que vous avez lancé le MALI, le Mouvement alternatif pour les libertés individuelles ? J’ai lancé le mouvement sur le Net avec une amie, Ibtissam Lachgar. MALI, en dialecte maro-

cain, ça veut dire : « Quoi, qu’est-ce que j’ai de différent ? » Notre première action a eu lieu pendant le ramadan, en 2009. Le 13 septembre, on a décidé de protester contre l’article 222 du Code pénal marocain qui dit : toute personne, notoirement connue pour son appartenance à la religion musulmane, qui rompt le jeûne ostensiblement en période de ramadan est passible d’une peine de prison de un à six mois et d’une amende de 12 à 120 dirhams. On a appelé à un pique-nique dans la forêt de Mohammedia. On voulait jeter un pavé dans la mare et impliquer dans le débat tous ces intellectuels qui enculent les mouches sur la laïcité et préfèrent faire de la théorie plutôt que de se mouiller. À peine arrivés à la gare de Mohammedia, nous avons été accueillis par une armée d’une centaine d’agents, des fourgonnettes, des motards, des inspecteurs en civil et même des cavaliers. On aurait vraiment cru que Ben Laden allait débarquer. En voyant ce déploiement colossal des forces de l’ordre, beaucoup sont repartis et, finalement, ils n’ont pu identifier que six personnes. Et moi, j’ai été cataloguée comme leader. Le lendemain, j’ai été la cible d’une fatwa lancée par le conseil des oulémas de Mohammedia qui m’accusait d’avoir défié les enseignements de Dieu et du Prophète et réclamait une punition exemplaire. C’est-à-dire des années de prison. Ils ont même balancé mon nom à la télé puisque la fatwa a été lue au JT de 20 heures. Le lendemain, les arrestations ont commencé. Les gens étaient embarqués, les uns après les autres, sans mandat. Moi, j’ai eu le temps de disparaître et je suis entrée en clandestinité une dizaine de jours. Je ne voulais pas que nous soyons tous arrêtés et que la chape se referme sur nous. Comme, en plus, le jeudi j’ai eu la surprise d’apprendre dans le journal que j’avais été arrêtée, je n’avais vraiment plus aucune raison d’y aller ! Finalement l’affaire a été médiatisée à l’étranger et nous avons atteint notre but : on a montré à l’opinion internationale que l’État marocain, qui se targue de véhiculer un islam modéré, met des jeunes en prison parce qu’ils mangent un sandwich pendant le ramadan. Chez nous, lorsque nous entreprenons des actions laïques contre le fondamentalisme religieux, la première répression que nous subissons, c’est celle de l’État. Votre action a fait des émules ? C’était la première fois dans l’histoire marocaine qu’un groupe de jeunes, constitué sur Internet, sortait sur le terrain pour faire une action politique concrète. Un mouvement, en plus, fondé par deux filles ! Ibtissam Lachgar et moi, on est devenues les deux salopes nationales. À ce moment-là, nous ne savions pas que nous étions à l’avant-garde d’une tendance qui allait se confirmer par la suite. Le MALI a permis de faire émerger une communauté d’idées à travers le Net, de Tanger à Goulimine, avec des personnes très différentes, des vendeurs ambulants, des chômeurs, des médecins, des artistes, des journalistes, des étudiants, des lycéens, des gens qui parlent français, arabe, amazigh, espagnol… Des personnes qui ne se seraient jamais rencontrées dans la vie réelle, mais qui partageaient le même idéal de société. Et on a compris la puissance de la plate-forme Facebook. Au début de l’année 2011, vous avez participé au Mouvement du 20Février qui appelait au boycott du référendum sur la réforme constitutionnelle…

C’est une Constitution Cocotte-Minute, concoctée en trois mois et soumise à référendum en dix jours. Un peu court pour qu’il puisse y avoir un débat national. Elle a été concoctée dans les arcanes du palais royal et taillée sur mesure pour arranger les prérogatives royales. Le roi reste le chef du sécuritaire, du militaire, du religieux, de l’exécutif, du législatif… Non seulement le texte n’apporte aucun changement — c’est toujours la sainte trinité marocaine : Dieu, la patrie et le roi —, mais il est encore plus rétrograde et plus absolutiste que le précédent. Le roi garde, évidemment, son statut de commandeur des croyants, et en plus il devient une sorte de pape, puisque le Conseil des oulémas entre dans la Constitution. Certains oulémas siégeront même au sein d’autres instances, comme le Conseil national de sécurité ou le Conseil supérieur de la magistrature. Et comme ce Conseil supérieur des oulémas sera l’unique instance autorisée à émettre des fatwas, ça revient à dire que dorénavant, c’est l’État qui émettra des fatwas… Quant à cette histoire de libre exercice des cultes, ç’a toujours été une chimère. De toute façon, comme il n’y a que deux communautés religieuses officielles au Maroc, si on n’est pas juif, on est musulman par défaut, donc on naît, on se marie, on divorce et on meurt en tant que musulman, qu’on le veuille ou pas. Moi, par exemple, en tant que femme marocaine athée, si je veux épouser un Espagnol ou un Français athée, mon futur mari sera forcé de se convertir à l’islam. Et j’hériterai toujours de la moitié de ce qu’héritent les

mecs, alors que je paie mon café et mes impôts au même prix qu’eux. Quand Mohamed VI a présenté la Constitution au peuple, il a effectivement parlé d’égalité hommes-femmes. Mais, dans le cadre des lois islamiques ! S’il y avait une égalité hommes-femmes dans le cadre des lois islamiques, on le saurait depuis treize siècles ! C’est soit l’islam, soit l’égalité. De toute façon, à partir du moment où l’on soumet la question de l’égalité hommes-femmes à une quelconque réserve, ça veut dire qu’il n’y a pas d’égalité, point barre. Quand vous avez lancé le Mouvement du 20Février, vous avez été soutenus par les partis d’opposition ? Malheureusement, au Maroc, on a une scène politique complètement viciée. Les 34 partis politiques représentés au Parlement se rangent tous automatiquement derrière le ministère de l’Intérieur. Nous, en tant que mouvement du 20Février, on n’a eu le soutien d’aucun d’entre eux. On a simplement été soutenus par les partis de la gauche radicale, non représentés au Parlement. Les partis politiques classiques ont condamné notre mouvement, appelé à ne pas descendre lors de la première manif du 20 février. À part quelques individus qui nous ont suivis en précisant qu’ils le faisaient à titre individuel, tous les autres ont participé à la machine colossale de désinformation et de diffamation qui s’est abattue sur nous. On a été qualifiés de ramassis de dépravés, d’homosexuels, de juifs, de chrétiens, d’Espagnols, de gens du Mossad,


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ARABE

SE LOTTER LE ROI du Polisario, de personnes à la solde de la junte militaire algérienne… Vous n’avez donc jamais été tentée de vous impliquer dans la politique marocaine… L’opposition parlementaire est une chimère, c’est une espèce de théâtre qui passe à la télé le mercredi et que personne ne regarde. Ce sont des rentiers de la politique, qui ont des sièges qui leur permettent d’avoir des avantages, une visibilité et des ascenseurs sociaux. Quand on a des législatives, les gens, la plupart du temps, ne savent même pas pour qui ils votent. Les partis ont des symboles, la balance, la lampe, le cheval, le dauphin, le lion, le tracteur, la chèvre… Et les gens votent pour le dauphin ou le lion ! La campagne se fait à coups de tentes caïdales, de méchouis, de fantasia, on invite les électeurs à manger du mouton et on leur dit qu’il faut voter pour le dauphin parce que le dauphin c’est bien. C’est un grand kabuki, et ça, les gens l’ont bien compris. On a accusé la jeunesse marocaine de ne pas s’impliquer dans la vie politique. Mais dans quelle vie politique allait-on s’impliquer ? Face à un système complètement vicié, gangrené par la corruption, on ne peut que se situer en dehors et militer autrement. La preuve : ce que des jeunes ont pu faire en quelques mois, les partis n’ont pas pu le faire pendant des années. Le référendum a néanmoins été un succès pour le roi. Il faut voir comment ça s’est passé. Le 17 juin, quelques heures avant le discours au cours duquel le roi devait présenter la Constitution au peuple, les moqaddem, les agents d’autorité, ont fait le tour des quartiers pour appeler les gens à descendre spontanément manifester leur joie à

la fin de l’allocution royale. Les moqaddem, ce sont des mecs qui font remonter les infos du quartier, repèrent si quelqu’un est en train de construire sans permis et font le tour des maisons quand il y a la fête du Trône, pour demander aux gens d’accrocher le drapeau national… Pendant la campagne, ils se sont particulièrement activés. Dans tous les coins, on a vu fleurir des banderoles : l’association des cafetiers de telle rue appelle à voter oui, l’association des arracheurs de dents de tel souk appelle à voter oui, l’association des marins-pêcheurs, l’association du boulevard machin… Et le ministère de l’Intérieur a

alloué une enveloppe rondelette à huit partis politiques pour qu’ils mènent campagne pour le oui. Pourtant, le jour du scrutin, les bureaux de vote étaient vides ! Mais, dans un pays qui est passé maître dans l’art de la manipulation des scrutins, il y a des techniques bien rodées : déjà, il y a eu une flopée de cartes d’électeur libellées au nom de personnes décédées. Dans certains bureaux, on a amené des cars entiers de gens pour qu’ils votent oui. À la sortie de certains autres, ceux qui ressortaient avec le bulletin « non » prouvant qu’ils avaient bien voté « oui » se voyaient remettre un billet ou une paire de babouches… Ailleurs, c’était encore plus simple, il n’y avait plus de « non » du tout, on ne proposait aux électeurs que des « oui. ». Ou alors, au moment de signer sur le registre après avoir voté, on demandait aux gens d’inscrire simplement une croix. Ce qui permettait aux appariteurs de mettre autant de croix qu’ils voulaient devant les noms des personnes qui n’étaient pas venues voter. À Casa, encore mieux, il n’y avait pas d’isoloirs. Et on a même des vidéos qui montrent des gens en train d’éventrer et fouiller des urnes dans des parkings. D’où, au final, ce score, digne de la Corée du Nord, de 98 % de oui… Quel est le bilan des violences ? On a eu cinq morts à Al-Hoceima, deux autres à Safi et à Séfrou, des centaines de blessés et d’arrestations… Quand l’Union européenne a fait part de son inquiétude, le roi a changé de méthode. Il a eu recours aux baltagia, un terme qui nous vient d’Égypte et qui désigne des voyous de quartier que les moqqadem et la police mobilisent pour jouer les gros bras. Ce sont ces milices qui ont organisé les contre-manifestations de loyalistes. J’ai des photos où on les voit juchés sur des camionnettes avec des portraits du roi, des drapeaux, des machettes… On aurait dit les milices de Charles Blé Goudé, en Côte d’Ivoire. Une vidéo montre Oussama el-Khelifi, l’un des fondateurs du Mouvement du 20-Février, se faire lyncher le soir du discours royal du 17 juin, devant la police, en plein centre-ville de Rabat, par un groupe d’excités qui voulaient le contraindre à faire la profession de foi islamique et crier « Vive le roi ». Quand il a réussi à se réfugier dans l’entrée d’un immeuble, les gens se sont assis sur le trottoir en criant : espèce de sioniste, sale juif, sale pédé, on passera la nuit ici s’il le faut, le peuple veut exécuter les traîtres, dis maintenant à Jésus de venir te sauver… Autant de gens qu’on voit sur des vidéos venir, à la fin de leur boulot, réclamer leur argent aux agents d’autorité… Finalement, vous avez démarré avant les événements en Tunisie, mais de façon éparse ? L’année dernière, bien avant Bouazizi, trois diplômés chômeurs se sont immolés par le feu. Ils ne sont pas morts, heureusement. Et depuis, il y en a eu onze autres. Dont une femme, Fadoua Laroui, qui s’est immolée par le feu le 21 février devant l’hôtel de ville d’un patelin qui s’appelle Souk Sebt, dans le centre du pays. Elle est décédée le 23 février. Elle avait 25 ans et cristallisait à elle seule le drame que vit la femme marocaine. Elle était mère célibataire, habitait dans un bidonville avec son gosse, et les autorités de la ville ont refusé de la faire bénéficier d’un programme de

seules, c’est un vrai mouvement de société. Quand on va dans l’arrière-pays et qu’on demande au citoyen lambda ce qu’il veut, il répond : que celui-là aille à l’école, que celle-là puisse être soignée, je veux l’eau, je ne veux plus être obligé de donner un bakchich à chaque fois que je vais demander un extrait d’acte de naissance, je ne veux plus être humilié par le policier et le gendarme… Il a la même revendication que celui qui parle de séparation des pouvoirs, de bonne gouvernance et de démocratie avec des termes plus politisés.

relogement parce qu’en tant que mère célibataire elle n’avait pas le statut de chef de famille. Et on l’a expulsée de sa cabane, qui a été rasée. Elle s’est retrouvée à la rue et a pété les plombs. On a une vidéo de plus de trois minutes où on la voit s’allumer comme une torche, elle reste debout, et elle crie : « Qu’est-ce que c’est que cette vie ? » Et on la voit brûler. Vous-même, vous avez été inquiétée ? Le 4 juin dernier, à 6 heures du matin, la police a arraché la porte de mon appartement à Casa et quinze agents gradés de la police judiciaire en civil ont débarqué. Il y avait le chef de la police judiciaire le chef de la brigade préfectorale, et la police scientifique. Ils ont commencé à nous pousser, mon mec et moi, pour nous prendre en photo ensemble dans le lit. Le délit de concubinage n’existe pas au Maroc, c’est considéré comme un délit de prostitution et c’est passible de prison. Les experts de la police scientifique ont pris en photo une espèce de petit galet pétillant pour le bain de chez Sephora parce qu’ils ont cru que c’était des capotes, donc une preuve de fornication. Ils ont saisi deux bouteilles de vin vides, signe de mœurs dépravées, ont embarqué mon disque dur et le vieil ordinateur de mon mec qu’ils l’ont accusé d’avoir volé alors qu’il avait la facture. Il faut dire que mon mec est l’ancien fondateur et directeur du Journal hebdomadaire et qu’il a écrit un livre censuré au Maroc qui s’appelle Mohamed VI, le grand malentendu. Au commissariat, pendant l’interrogatoire, je leur disais : « Votre truc de prostitution, moi, j’assume. Mais vous, en tant qu’État marocain, vous n’allez pas pouvoir assumer de mettre deux militants en taule parce qu’ils couchent ensemble ! » Finalement, ils ont abandonné le truc de prostitution, mais ils ont arrêté mon mec pour vol d’ordinateur. Il a été inculpé et a eu trois mois avec sursis parce que l’affaire a fait tellement de bruit que c’était difficile de le mettre en prison. Deux jours après qu’ils nous ont relâchés il a été enlevé rue Patrice-Lumumba à Rabat et a disparu pendant 24 heures… Le Mouvement du 20-Février continue-t-il à prendre de l’ampleur ? Pour la première manifestation du 20 février, il y a eu 270 000 personnes dans 53 villes marocaines, un mois plus tard, après le discours du roi, il y a eu plus de 300 000 personnes dans 71 villes, et maintenant, ça n’a plus aucune commune mesure, le Mouvement du 20-Février a 76 coordinations, dans 76 villes. En fait, les coordinations se créent toute

Il y a des très jeunes parmi vous ? Il y a des jeunes qui ne se rasent même pas encore, des ados qui ont 15 ou 16 ans qui prennent des risques physiques. C’est la génération Internet, des gens qui sont ouverts sur le monde, qui réfléchissent et qui ont expérimenté dans leur vie de tous les jours ce manque de liberté. Le simple fait de vouloir marcher dans la rue main dans la main avec son petit ami, c’est quelque chose qui peut être répréhensible, les flics ou les gendarmes peuvent vous arrêter, vous demander votre lien de parenté, ce que vous faites ensemble et vous emmener au poste. C’est une jeunesse qui ne comprend plus les archaïsmes de l’État féodal marocain où les dignitaires, les élus du peuple font le baisemain, pile et face, au roi et à son fils de sept ans, en se prosternant. Comment peuton prétendre que ce régime est une démocratie, alors que le roi est entouré d’une garde de descendants de Peuls ou de Songhaïs qui ont gardé leur statut d’esclaves jusqu’en 1999 ? Comment peut-on expliquer à une jeunesse ouverte sur l’universel qu’ils sont des sujets du roi, que c’est un roi sacré qui reçoit son pouvoir absolu de Dieu et du Prophète et qui possède l’ensemble des pouvoirs au Maroc ? Il ne faut pas oublier que 65 % de la population marocaine a entre 20 et 25 ans et qu’il n’y a pas de soupape. Avant, sous Hassan II, pendant les années de plomb, il restait encore l’espoir d’émigrer vers l’Europe. Aujourd’hui, c’est un mur qui se dresse face à la jeunesse. Même la frontière algérienne est fermée. Vous n’avez pas peur de retourner au Maroc ? Depuis que j’ai donné une interview à El-Watan, j’ai reçu des menaces de mort sur ma boîte privée, des articles diffamatoires ont été publiés sur des pseudo-sites d’information barbouzes, dans lesquels on m’insulte en français, en anglais et en arabe. À la suite de ces articles, j’ai eu droit à plus de 600 commentaires, dont certains appellent au viol et au meurtre: balancez-nous l’adresse de cette pute, on va lui faire son affaire, on lui arrachera les cheveux un à un, on va lui péter sa chatte à cette connasse…, des trucs indescriptibles. Idem dans deux journaux marocains aux ordres. Propos recueillis par Sylvie Coma


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