Villain, l'homme qui tua Jaurès

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VILLAIN,

l’homme qui tua Jaurès

VILLAIN

Combien d’entre nous connaissent Raoul Villain (1885-1936) ? Une personne sur cent, sur mille ? Et quand bien même il y en aurait moins, ce ne serait pas grave. Illustre méconnu, peut-être doit-il le rester, tant son manque de charisme, de personnalité, et plus encore son incapacité à affronter la réalité le rendent inintéressant. Oui, mais voilà, il a tué Jaurès ! Faut-il pour autant s’attarder sur ce figurant de l’Histoire, cet assassin, rouvrir le dossier qui l’accable ?

Daniel Casanave • Frédéric Chef

Daniel Casanave • Frédéric Chef • préface de Bruno Fuligni

www.altercomics.com ISBN 9782820700285 PVP : 20 euros

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« Citoyens, je veux vous dire ce soir que jamais nous n’avons été, que jamais depuis quarante ans l’Europe n’a été dans une situation plus menaçante et plus tragique que celle où nous sommes à l’heure où j’ai la responsabilité de vous adresser la parole (…) » Lors de son dernier discours, le 25 juillet 1914, 6 jours avant son assassinat, Jean Jaurès exprime son angoisse devant la guerre qui s’avance inéluctablement. Il est le dernier rempart contre elle, contre le désastre et la folie des hommes, folie qui réduira Reims à l’état de cendres, Reims, joyau de la chrétienté et ville natale de Raoul Villain.

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© Daniel Casanave & Frédéric Chef © de cette édition : Altercomics, 2011 Tous droits réservés pour tous pays Daniel Casanave a bénéficié, pour la rédaction de cet ouvrage, du soutien du Centre National du Livre. Les auteurs remercient le Conseil Régional de Champagne-Ardenne pour son aide. isbn : 97 8 2820700285 depôt légal : deuxième semestre 2011 imprimé à Singapour sur les presses de Tien Wah Press


RAOUL VILLAIN



Il a tué Jaurès par Bruno Fuligni

1914, nous ne nous en sommes toujours pas remis. Ce que nos arrière-grands-parents avaient dans la tête, nous peinons même à l’imaginer. Dans la jeunesse de Raoul Villain, quand Jaurès dit « Croquebourgeois » fait trembler de son verbe la colonnade du PalaisBourbon, la France contrôle un dixième des terres émergées. Les Français ont conquis, semble-t-il durablement, la liberté de la presse, la liberté religieuse, la liberté de se colleter virilement d’affaire Dreyfus en affaire des Fiches, entre une partie de chasse et une virée au claque. Utopie bien réglée, la République a son enfer, le bagne, et son paradis, le Chabanais. L’apache qui rôde aux barrières a les mêmes peurs et les mêmes rêves que l’honorable parlementaire à lorgnons, capable de citer Cicéron dans le texte à la tribune de la Chambre. Le franc est convertible en or, le tsar emprunte à des taux rémunérateurs, les femmes de chambre tiennent des journaux libertins, la vie est douce. Et si les choses tournent mal, on peut toujours se refaire aux colonies. Certes, reprenons-nous, il ne faut pas idéaliser les années 1900 : on meurt tôt, on travaille dur et tout le monde n’a pas accès aux bordels de luxe qui font la réputation du Paris coquin… Mais le pays est jeune, riche, puissant et surtout animé d’une forme d’optimisme pour nous déconcertante.


L’aviation, par exemple, soulève des mouvements d’enthousiasme : il est du dernier chic de se fiancer à bord d’un aéroplane, comme le montre à sa « une » le supplément illustré du Petit Journal, et les plus euphoriques discernent, avec la possibilité de survoler ainsi les frontières, des perspectives merveilleuses de paix et d’entente entre les peuples. Nul n’envisage que ces grandes libellules de bois et de toile s’envoleront un jour chargées de bombes, pour porter la guerre dans ces paisibles sous-préfectures où d’aimables rad-socs à la moustache cirée planchent avec application dans leur loge, pendant que madame étouffe quelques soupirs entre les bras du jardinier. Cette France des espoirs naïfs et des cocus heureux, Raoul Villain ne l’aime pas. Ce n’est pas lui qu’on verra en loge, pauvre grenouille de bénitier qui maudit la loi de 1905. Pas lui non plus qui tentera la bourgeoise corsetée : ni assez replet, ni assez canaille. En définitive, Raoul Villain ne comprend rien à son siècle et c’est pourquoi il ne comprendra rien à son geste. Il croit tuer, en Jaurès, la subversion ; il croit servir la France éternelle. Il ne fait pourtant que donner le signal du grand chambardement. Jaurès l’avait annoncé lui-même, d’ailleurs : ce sont les conservateurs qui devraient s’opposer à la guerre, car un conflit moderne, avec la puissance de destruction des sociétés industrielles, ne peut qu’amener la destruction de la civilisation elle-même. Le 31 juillet 1914, Jaurès a cessé d’avertir et de philosopher. Au gardien de la paix Marty qui le conduit au poste, Villain déclare qu’il a châtié un traître. « De la belle ouvrage », commentera la vieille dame Gyp. Barrès, lui, viendra saluer la dépouille de son adversaire admiré. « Je détestais les idées de Jaurès, j’aimais sa personne », écrira-t-il dans ses Cahiers, non sans pester contre « les imbéciles » qui lui reprochent cette élégance. Le nationalisme esthético-délirant d’un Barrès a sans doute contaminé Villain, mais Villain


n’a pas compris non plus que les bastions de l’Est, les collines inspirées, tout cela n’était que littérature – et qu’un homme du monde ne tue pas pour si peu. Bref, il n’a rien compris, Villain, traversant dans son hébétude les dernières années de conscience heureuse. Il a dû être un brin surpris, après l’armistice, quand on a commencé à parler de son avant-guerre en évoquant la « Belle Époque ». Il serait encore surpris, aujourd’hui, de découvrir avec quelle gourmandise nostalgique Daniel Casanave et Frédéric Chef se sont ingéniés à représenter ce continent disparu, dont les autochtones lisaient Anatole France et ne sortaient pas sans chapeau. Bécasson du temps de Bécassine, voici Villain devenu personnage de bande dessinée. Ce rôle, finalement, lui convient mieux que celui, auquel il prétendit, de personnage historique. Comme les veuves de guerre spirites des années 1920, qui invoquaient les mânes de leurs bons cocus disparus à Verdun, Chef et Casanave ont convoqué le bizarre ectoplasme de Villain pour nous raconter, avec sa verve hallucinée, l’étrange histoire d’une République prospère qui choisit de se suicider. Pour s’orienter dans l’incompréhensible, quel meilleur guide qu’un égaré ?



























à suivre...


VILLAIN,

l’homme qui tua Jaurès

VILLAIN

Combien d’entre nous connaissent Raoul Villain (1885-1936) ? Une personne sur cent, sur mille ? Et quand bien même il y en aurait moins, ce ne serait pas grave. Illustre méconnu, peut-être doit-il le rester, tant son manque de charisme, de personnalité, et plus encore son incapacité à affronter la réalité le rendent inintéressant. Oui, mais voilà, il a tué Jaurès ! Faut-il pour autant s’attarder sur ce figurant de l’Histoire, cet assassin, rouvrir le dossier qui l’accable ?

Daniel Casanave • Frédéric Chef

Daniel Casanave • Frédéric Chef • préface de Bruno Fuligni

www.altercomics.com ISBN 9782820700285 PVP : 20 euros

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« Citoyens, je veux vous dire ce soir que jamais nous n’avons été, que jamais depuis quarante ans l’Europe n’a été dans une situation plus menaçante et plus tragique que celle où nous sommes à l’heure où j’ai la responsabilité de vous adresser la parole (…) » Lors de son dernier discours, le 25 juillet 1914, 6 jours avant son assassinat, Jean Jaurès exprime son angoisse devant la guerre qui s’avance inéluctablement. Il est le dernier rempart contre elle, contre le désastre et la folie des hommes, folie qui réduira Reims à l’état de cendres, Reims, joyau de la chrétienté et ville natale de Raoul Villain.

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