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SY LV IA H O E KS C H RI S C O LL S É TI E N N E DAH O G É R ALD I N E NAK AC H E LE Ï L A B E K HTI C É D RI C V I LL AN I C O N S TAN C E D E B RÉ Y VAN AT TAL V I N C E NT L AC O S TE

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*"Dans ma prochaine vie je veux ĂŞtre une rock star."

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FAIRE « GENRE » Parler à son ombre • Se laisser triturer à pleine pâte • Se composer de nombreux visages • Devenir une guerre civile à soi tout seul • La quintessence du sexe opposé • Une femme hors d’elle • Un homme hors de lui • Ne viser personne en particulier • Un missile aveugle • Une machine à faire jouir tout ce qui bouge • Porter en soi de redoutables mutineries • Le grain de folie qui tue la norme de la middle-class bien tranquille • Un rugbyman au cœur de stripteaseuse • Une infirmière aux manières de serial killer • Un(e) nymphomane du sentiment • Afficher un désir sans limites • Jouer sur le triple registre des bonobos, des dauphins et de La Vie des douze Césars de Suétone • Fluidifier ses relations • Se faire épiler intégralement sans gémir de douleur • Ouvrir grand sa chemise • Enfiler une fourrure • Humecter plus souvent ses lèvres • Gonfler sa poitrine • Lancer des regards rapides pour vérifier les réactions • Bouleverser les terrasses, les sensibilités, les routines • Créer le scandale • Choquer les parangons de la vertu • Leur faire sortir les yeux de la tête • Dépenser sa sauvagerie première • Épouser toutes les causes • Pousser la libido à ses extrêmes • Se libérer de toute idée de punition • Rétablir le règne de l’innocence • Demeurer inassouvi • Lire Lui.

PAR FRÉDÉRIC TADDEÏ


PRÉSIDENT DIRECTEUR DE L A PUBLICATION

Jean-Yves Le Fur DIRECTEUR DE L A RÉDACTION

Frédéric Taddeï RÉDACTEUR EN CHEF

Bruno Godard DIRECTEUR DE CRÉ ATION

Éric Beckman RÉDACTEUR EN CHEF MODE

Dan Sablon DIRECTION ARTISTIQUE

Élodie Mercier DIRECTRICE DE CASTING

Corinne Liscia RESPONSABLE DE L A PRODUCTION

Aline Gauthier SECRÉTAIRE GÉNÉRALE DE L A RÉDACTION

Caroline Izoret-About ICONOGRAPHE

Simon Lambert

ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO

Aslan, Laurent Binet, Keda Black, Antoine Buéno, Alexis Chenu, Éric Dumatin, Clovis Goux, Catherine Jazdzewski, Thomas Legrand, Juliette Morgan, Hector Obalk, Lionel Paillès, Joséphine Simon-Michel, Nicolas Valeano PHOTOGRAPHES

Chris Colls, Bilal El Kadhi, David Alexander Flinn, Philippe Frisée, Jacques Gavard, Emmanuel Giraud, Marin Laborne, Arno Lam, Paul Lepreux, Serge Paulet, Denis Rouvre, Michel Sedan SITE LUI.FR RÉDACTEUR EN CHEF

Bruno Godard

RÉDACTION 174, BOULEVARD SAINT- GERMAIN, 75006 PARIS POUR ENVOYER UN E- MAIL À VOTRE CORRESPONDANT, TAPEZ SUIVANT LE MODÈLE : PRÉNOM.NOM@LUIMAGA ZINE.FR PUBLICITÉ LUI MAGA ZINE – SERVICE PUBLICITÉ – 174, BOULEVARD SAINT- GERMAIN, 75006 PARIS SERVICE MARKETING & COMMERCIAL :

Fiona Ferrier FIONA.FERRIER@LUIMAGA ZINE.FR

JB MEDIA MIL AN CORRESPONDANT ITALIEN

Jeffrey Byrnes, +39 02 29 01 34 27 JEFFREY@JBMEDIA.COM PHOTOGRAVURE ET IMPRESSION

PHOTOGRAVURE : POINT 11, 60, RUE DE WAT TIGNIES, 75012 PARIS. IMPRESSION : GROUPE PRENANT, 70 À 82 RUE AUBER, 94400 VITRY-SUR-SEINE. LIGNE DIRECTE POUR JOINDRE LE SERVICE ABONNEMENT : 03 44 62 52 33 (HORAIRES D’OUVERTURE : DE 9 HEURES À 18 HEURES) ADRESSE E- MAIL POUR ÉCRIRE AU SERVICE ABONNEMENT : ABO.LUI@EDIIS.FR SERVICE DES VENTES ABOMARQUE AMANDINE FEST, 06 81 09 44 57, AMANDINE@ABOMARQUE.FR LUI EST ÉDITÉ PAR LES ÉDITIONS SAINT GERMAIN (SAS AU CAPITAL DE 10 000 €) SIÈGE : 174, BOULEVARD SAINT- GERMAIN, 75006 PARIS 793 734 526 RCS PARIS ­– DURÉE DE L A SOCIÉTÉ : 99 ANS CPPAP 1023K91981 – ISSN 2269 - 5699 – DÉPÔT LÉGAL À PARUTION TOUS DROITS DE REPRODUCTION RÉSERVÉS – IMPRIMÉ EN FRANCE



S O M M A I R E

TRIMESTRIEL • NUMÉRO 10 • SEPT/OCT/NOV 2019

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L'ENTREVUE POLITIQUE CÉDRIC VILL ANI

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E NQUÊTE JEFFRE Y EPSTEIN, UN MONSTRE À PARIS

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T ÉMOIGNAGES LE CYCLOPE AUX PIEDS D'ARGILE

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I L ÉTAIT UNE FOIS… VICKI MORGAN

EN COUVERTURE : SYLVIA HOEKS (COPPER EN CO) PORTE UNE VESTE DE SMOKING, DES COLLANTS PLUMETIS ET DES ESCARPINS SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACARELLO, AINSI QUE DES LUNETTES DE SOLEIL JACQUES MARIE MAGE. PHOTOGRAPHE : CHRIS COLLS CHEZ SERLIN ASSOCIATES, ASSISTÉ DE DANIIL ZAIKIN. STYLISME : DAN SABLON, ASSISTÉ D’AISHA DEMORSELLA. PRODUCTION : CATHERINE SANS CHEZ SERLIN ASSOCIATES. COIFFURE : WARD STEGERHOEK CHEZ THE WALL GROUP, ASSISTÉ DE BRIAN CASEY. MAQUILLAGE : FRANK B. CHEZ THE WALL GROUP, ASSISTÉ D’ELLE KIM. CI-CONTRE : SYLVIA HOEKS PORTE UN MANTEAU BOTTEGA VENETA, DE LA LINGERIE ERES, DES ESCARPINS GIANVITO ROSSI, UNE EARCUFF MY TWIN MULTIFORME ET LE COLLIER LUCKY MOVE ÉCROU DE MESSIKA.

SYLVIA HOEKS PAR CHRIS COLLS

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S O M M A I R E

TRIMESTRIEL • NUMÉRO 10 • SEPT/OCT/NOV 2019

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L A FILLE E N C OU V E RT U RE SY LVIA HOEKS PAR C HRI S C OLLS

10 4 M ONA PAR DAVID ALE X ANDER FLINN 11 8 L E S PIN - U P DE L U I PAR ASL AN 1 28 M ON BE AU C O ST U M E PAR BIL AL EL KHADI 142 L OV E STORY PAR EMMANUEL GIR AUD Art s de vivre 156 T IC -TAC IC ÔNES D'AUTOMNE 162 L U I D’OR LE C LUB DES 5 16 8 P SCHIT T LES FLEURS DU MÂLE 176 V IE C ONJUG ALE QUELQUE C HO SE À SE FAIRE PARDONNER ? 178 B IL AN DE SANTÉ VINC ENT L AC O STE 1 82 A LC OOLIQU E S ANON Y M E S QUILLES D'AUTOMNE 1 86 G RO S SE S CAS SE ROLE S L A BANLIEUE S'ANNONCE INTERDIT DE NE PAS FUMER MATHIEU PACAUD, ARTISTE TOTAL 1 94 A DRE S SE S

CI - C ONTRE : MATHEA LUCHINI (IMG) PORTE UN MANTEAU EN SHEARLING MIU MIU. RAFAEL MILLER (NEXT) PORTE UN DÉBARDEUR HANES. PHOTOGRAPHE : EMMANUEL GIRAUD CHEZ ARTSPHERE, ASSISTÉ DE KADER BENNACER. FASHION DIRECTOR : DAN SABLON ASSISTÉ DE TINE KOZJAK. COIFFURE : QUENTIN GUYEN CHEZ BRYANT. MAQUILLAGE : DAVID LENHARDT CHEZ THE ARTBOARD.

LOVE STORY PAR EMMANUEL GIRAUD



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G R A N D

E N T R E T I E N

« J’AI UNE VIE MERVEILLEUSE » IL A 60 ANS, MAIS N’A PAS PRIS UNE RIDE. LE PAPE DE LA POP FRANÇAISE S’EST RÉCONCILIÉ AVEC LUI-MÊME ET A LAISSÉ SON PASSÉ DE FÊTARD DERRIÈRE LUI POUR SE CONSACRER ENTIÈREMENT À LA MUSIQUE. LA SIENNE ET CELLE DES AUTRES. L’ÉTERNEL AMOUREUX NE S’ESSOUFFLE PAS, BIEN AU CONTRAIRE : L’EDENDAHOTOUR, SA PROCHAINE TOURNÉE DANS TOUTE LA FRANCE, DÉMARRE LE 25 OCTOBRE, JUSQU’À LA FIN DE L’ANNÉE.

Lui  : Vous rééditez Eden, un album écrit en 1996… Pourquoi le ressortir plus de 20 ans après ? Étienne Daho  : Cet album fait partie d’une collection de tous mes albums qui ressortent en version remastérisée, avec une trentaine de bonus et de raretés pour chaque volume. Eden était le dernier de cette collection. C’est un album de fusion entre tous les grooves et sons électroniques de l’époque, mais c’est aussi un album très orchestral. Je l’ai réalisé à Londres, avec Arnold Turboust. L’album a reçu des critiques fantastiques, de très mauvaises aussi, il a surtout beaucoup clivé… Je sortais d’un énorme succès avec Paris Ailleurs, un album assez rock et acoustique. Le public s’attendait peut-être à un Paris Ailleurs numéro 2 et l’a perçu comme une rupture de style. De toute façon, quelle qu’ait été la qualité de l’album, le climat autour de moi n’était pas bon : la stupide rumeur de ma mort a mis un voile sombre sur la sortie du disque, pourtant très solaire. J’étais très fier de ce disque, alors cela me rendait fort et m’immunisait contre l’adversité. Avec le temps, beaucoup considèrent Eden comme étant mon meilleur album. Lui  : Vous avez passé votre vie à transformer des moments d’émotion en chansons. Est-ce une forme de catharsis ? ED  : Écrire des chansons, c’est l’art de la transformation de ce qui vous taraude et que vous essayez de rendre beau. Toutes mes chansons sont autobiographiques. Elles parlent de la relation à l’autre, de mon entourage, de voyages, de ma perception du monde et surtout de liberté. Je serais incapable d’écrire une chanson de fiction. Par manque d’imagination, probablement ! Ces chansons me permettent d’exprimer des émotions et aussi de les partager avec les autres.

Par exemple, le titre Le Premier jour est un texte personnel qui devient universel : après l’annonce de ma mort, je réalisais avec euphorie que j’étais vivant et qu’il était possible de tout recommencer. Et aussi que dorénavant je n’aurais que des succès posthumes de mon vivant. Quel luxe ! (Rires) Lui  : Dans Boulevard des Capucines, vous évoquez aussi la mort, celle de votre père en 1990… ED  : On m’a remis des lettres que mon père m’avait adressées et que je n’avais jamais lues. Je m’en suis inspiré pour écrire cette chanson, qui évoque la réparation de la relation inexistante d’un fils avec son père. Je porte le même prénom que lui. Cette chanson me permettait aussi de devenir mon propre père. Je fais partie de cette génération d’hommes qui ne communiquent pas trop leurs émotions et je ne pensais pas la publier, mais lorsque mon entourage, mon manager et ma maison de disques l’ont entendue, ils m’ont incité à l’inclure dans L’Invitation, album que j’étais en train de finaliser. À sa sortie, j’ai regretté de l’avoir publiée, car elle a été perçue comme une chanson larmoyante sur l’abandon, alors qu’elle est au contraire une chanson positive de libération et de pardon. Puis, avec le temps et les témoignages, j’ai réalisé qu’elle était universelle et qu’elle touchait des femmes et des hommes qui avaient raté leur relation avec leur père. Lui  : Vous sentez-vous toujours aussi pop à 60 ans ? ED  : La pop a toujours été une commodité pour moi. C’est une zone libre où l’on peut emprunter et mélanger tous les styles musicaux. Quand j’ai débuté, j’étais coincé entre le rock hyper strict et très codé, et le monde de la variété avec lequel je n’avais pas d’affinités. Je me suis autoproclamé chanteur pop, comme une blague, mais aussi pour

PAR JOSÉPHINE SIMON-MICHEL - PHOTOS BILAL EL KADHI

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« CE QUI M’A SAUVÉ, C’EST QUE J’AI TOUJOURS MIS LA MUSIQUE AU CENTRE DE MON EXISTENCE »

me créer mon petit espace. Ensuite, ce sont les autres qui m’ont accordé une place en me désignant chef de file de la pop française au milieu des années 1980. J’avoue que c’était un habit un peu trop grand pour un débutant. Les artistes dont je m’inspirais étaient tellement extraordinaires que je mesurais le chemin à parcourir en maturité et en qualité. Je n’ai jamais écouté le chant des sirènes. Tout ce qui comptait pour moi, c’était de devenir meilleur. Lui  : Comment arrive l’envie d’écrire de nouveau ? ED  : Entre chaque album, je me laisse envahir par les événements et je les laisse infuser, mûrir. Les voyages, les amitiés, les passions, les deuils… Un jour, ça s’impose à moi et je me mets à écrire, tout arrive sans effort, de manière très fluide. Lui  : N’avez-vous jamais connu le syndrome de la page blanche ? ED  : Dans les années 1990, j’ai eu ce blocage, avec la sensation que le meilleur était derrière moi. C’était une sensation de vide, liée au fait que j’étais arrivé au bout d’un cycle trépidant et exponentiel, de 1979 à 1993. Je suis parti m’isoler à Londres pendant trois ans et, peu à peu, l’inspiration est revenue, différente et meilleure à mon goût. Lui  : Vous n’avez pas aimé la “dahomania” ? ED  : C’était grisant au début, forcément… C’est tellement dément d’avoir autant de succès ! J’étais embarqué dans un tourbillon d’excès qui m’a plu, un temps. J’adorais sortir, avaler tout ce qu’on me proposait et dormir trois secondes par nuit. Ma vie était une telle cavalcade de studios, tournées, promos incessantes, de fêtes… Ce qui m’a sauvé c’est que, quoi qu’il arrive, j’ai toujours mis la musique au centre de mon existence. Lui  : Comment avez-vous fait pour arrêter ça ? ED  : J’ai sauté du train en marche. Comme j’ai une excellente santé et vitalité, je ne me rends pas compte que je vais trop loin et j’ai payé l’addition au prix fort. J’ai décidé de m’isoler

un temps à Londres et de couper mes liens avec Paris. Le hasard fait bien les choses : j’ai rencontré le groupe anglais Saint Etienne et nous avons enregistré un projet court et récréatif sous le nom de Saint Etienne Daho. Dans cet album, ils ont repris ma chanson Week-end à Rome en anglais, sous le titre He’s On The Phone. Cette chanson est devenue numéro 2 en Angleterre et un gros succès en Europe. C’était une belle surprise pour moi, qui ai toujours été fasciné par la pop anglaise. On me disait mort en France alors que j’étais numéro 2 en Angleterre… C’était surréaliste ! Lui  : On sent que cette rumeur de mort vous a beaucoup affecté… ED  : Affecté n’est pas le mot. Au début, j’ai pris cela comme une blague qui durerait trois secondes. Je dirais plutôt encombré, car je venais de faire un très beau disque, mais la seule chose qui intéressait les médias était cette affaire, qui ne me concernait pas. Après cela, pendant un temps, je me suis renfermé dans ma coquille. Lui  : Et si c’était à refaire ? ED  : Je ne changerais rien. J’ai une vie merveilleuse. Bien meilleure que celle dont j’avais rêvé. Je fais un métier que j’aime et cela dure depuis presque 40 ans. C’est fantastique de pouvoir durer. Lui  : L’industrie du disque a énormément évolué depuis vos débuts. En êtes-vous nostalgique ? ED  : Je ne suis pas nostalgique, mais effectivement tout a drastiquement changé. Le point négatif est la croyance délirante que la musique doit être gratuite. Il va de soi qu’enregistrer un album et développer des carrières coûte beaucoup d’argent et que cela a forcément un impact sur la qualité et la diversité musicale. Le point positif est que les jeunes artistes savent davantage se défendre. La technologie leur a apporté une indépendance pour créer et l’accès à la musique est devenu simple. Du vinyle au streaming, il y a aujourd’hui plein de façons d’écouter de la musique. →


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« JE SERAI UN GRAND AMOUREUX JUSQU’À MON DERNIER SOUFFLE »

Lui  : Que

représente la musique pour vous ? musique est la première passion de ma vie. Ce qui me fait respirer. Sans cette passion, je n’aurais pas donné cher de ma peau. Lui  : Écrivez-vous une chanson d’amour à 60 ans comme vous le faisiez à 30 ans ? ED  : Impossible. J’ai beaucoup écrit sur la relation à deux jusqu’à l’album L’Invitation, en 2007, puis j’ai cessé d’être obsessionnel. La maturité m’a appris à aimer mieux. Ça ne m’empêche pas de tomber amoureux toutes les 14 secondes ! Je suis un grand amoureux et je le serai jusqu’à mon dernier souffle. Mon grand sujet, c’est le désir. Lorsque j’ai enregistré Le Condamné à mort de Jean Genet avec Jeanne Moreau, texte qui ne parle que du désir, nous avons beaucoup échangé là-dessus. Mon désir est intact et je me demandais ce que ça devient, si ça disparaît, si ça se transforme. C’était une grande amoureuse et notre discussion a été très instructive. Lui  : Écrivez-vous pour vous ou pour votre public ? ED  : J’avoue ne pas y penser du tout lorsque j’écris. Chercher à reproduire ce que les autres attendent de vous est la meilleure façon de se planter. J’écris pour moi en espérant partager cela avec les autres. Lui  : Pensez-vous déjà au prochain album ? ED  : Pas encore. Jane Birkin m’a demandé de produire son nouvel album. Jane a beaucoup de choses fortes à évoquer et ses textes sont très beaux et puissants. Lorsque je réalise un album, l’artiste que je produis devient mon obsession. J’y mets autant de temps et d’attention que si c’était pour moi. Je viens aussi de terminer la réalisation d’un livre disque pour enfants. Le Vilain Petit Canard, d’après le conte d’Andersen. Arnaud Valois en est le narrateur, Olivier Tallec l’illustrateur et j’en suis le compositeur. Lui  : Vous êtes très tourné vers les autres artistes… ED  : Lorsque je tombe amoureux d’un disque, je m’emballe très vite et j’ai envie de le faire savoir.

J’aime beaucoup cette nouvelle génération, Flavien Berger, Moïse Turizer, Lune Apache, Malik Djoudi, Calypso Valois, le groupe Catastrophe… Je me sens parfois plus à l’aise artistiquement avec cette génération qu’avec la mienne ! Et j’aime aussi beaucoup produire les albums d’autres artistes. Lui  : Contrairement à d’autres, on ne vous entend jamais dire du mal des autres ! ED  : Lorsque l’on médit, c’est souvent parce que l’on se sent menacé ou que l’on est jaloux. Cela peut paraître prétentieux, mais je ne me suis jamais senti menacé ou en compétition avec les autres. Dire du mal des autres ne fait finalement de mal qu’à soi-même. Lui  : Songez-vous à tout arrêter un jour ? ED  : J’y songerai si mon inspiration se fait la malle. C’est un cliché, mais je mourrai probablement en pleine écriture d’un futur album. Lui  : Êtes-vous encore en guerre avec vous-même ? ED  : Non, vraiment, tout va bien de ce côté-là. Je suis devenu mon meilleur ami. (Rires) Lui  : Vous aimez-vous toujours physiquement ? ED  : Je n’ai jamais considéré que mon physique était un atout. Maintenant, quand je tombe sur des photos d’il y a 20 ans, je ne me trouve pas trop mal finalement ! Évidemment, aujourd’hui je n’ai plus la même tronche, mais vieillir ne me préoccupe pas, car ma vitalité et ma santé sont très bonnes et c’est vraiment cela l’essentiel. Mon métier me contraint à avoir une vie saine et j’y ai pris goût. J’ai du plaisir à me coucher tôt, à me sentir en forme. Avant, je me faisais plaisir en avalant n’importe quoi. Le mythe romantique de la destruction est un truc de ma génération. Si j’avais continué cette vie, mon cerveau aurait grillé et je ne serai plus là. Ça ne m’empêche pas d’avoir un grain. Pour faire un métier où l’on s’expose autant, franchement, il faut vraiment avoir un grain… Non ? •

ED  : La

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© B I LA L EL K A D H I . V ESTE EN C U I R C ELI N E PA R H ED I S LI M A N E, T- S H I RT P ERS O N N EL D ’ ÉTI EN N E D A H O . FA S H I O N D I R ECTO R : D A N S A B LO N . C O I FFU R E & M A Q U I LLA G E : M A LO U C H EZ B A C K STA G E A G EN CY.


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DEUX TOMASO

DE TOMASO P72 PAR NICOLAS VALEANO

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© D E TO M A S O

TOMBÉE DANS L’OUBLI PENDANT DES DÉCENNIES, LA MARQUE DE TOMASO CONFIRME SON GRAND RETOUR. APRÈS LE REVIVAL DE LA PANTERA, VOICI L’INCROYABLE INTERPRÉTATION D’UN PROTO CLASSIQUE SIGNÉ DES ALLEMANDS D’APOLLO AUTOMOBIL. DE TOMASO APPARTIENT TOUTEFOIS À UN GROUPE HONGKONGAIS, QUI EST DERRIÈRE CETTE RÉALISATION OFFICIELLE, PRÉSENTÉE AU PRESTIGIEUX FESTIVAL OF SPEED DE GOODWOOD POUR LES 60 ANS DE LA MARQUE.


MY THIQUE CÔTÉ COSMÉTIQUE, ON LA JOUE VINTAGE, EN HOMMAGE AUX HEURES DE GLOIRE DE LA MARQUE. TOUCHES CUIVRÉES DEDANS ET DEHORS, RÉTROS OBUS DÉLICIEUX, BOÎTE MANUELLE VIRILE ET ÉLÉGANTE… LA P72 N’A RIEN À ENVIER AUX SPORTIVES DES SIXTIES. LE CHÂSSIS, LUI, S’INSCRIT DANS SON ÉPOQUE, ENTIÈREMENT RÉALISÉ EN CARBONE.

LA MALÉDICTION LA RÉFÉRENCE ? LE FLAMBOYANT PROTOTYPE P70, RÉALISÉ DANS LES ANNÉES 1960 PAR ALEJANDRO DE TOMASO HIMSELF POUR LE PILOTE, PRÉPARATEUR ET CONSTRUCTEUR MYTHIQUE CARROLL SHELBY. LE PROJET N’A JAMAIS ABOUTI, RAPPORT AUX GROS EGO DES DEUX HOMMES. POUR LA P72, LE STUDIO BRITANNIQUE WYN DESIGN SIGNE UN DESSIN ASSEZ HALLUCINANT, TRÈS ITALIEN. VOIRE TROP : CERTAINS LUI REPROCHENT DES INSPIRATIONS TRÈS PROCHES DE FERRARI ET DE PAGANI. ON NE PEUT PAS TOUT RÉUSSIR.


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plus doués que les autres pour les affaires humaines. Son usage impacte tout le monde et c’est donc au chef de famille de décider ce qu’il faut en faire et donc, nous n’avons pas voix au chapitre.” Le rabbin écoute et dit : “Oui, tu as raison.” Et sa femme dit au rabbin : “Mais enfin, tu ne peux pas dire aux deux qu’ils ont raison, leurs positions sont contraires !” Et alors le Rabbin réfléchit et lui dit : “Toi aussi, tu as raison.” TL  : Lequel des deux enfants êtes-vous ? CV  : J’ambitionne d’être les deux à la fois. Avec la légitimité du scientifique, de l’expert, et la légitimité du politique qui découle du scrutin, de la délibération collective et donc de l’élection. TL  : Votre légitimité scientifique ne risque-t-elle pas de devenir une “expertocratie”, où votre légitimité politique ne viendrait que de votre expertise ? CV  : Elle ne viendra pas seulement de ça et d’ailleurs c’est déjà le cas. J’ai appris les codes du travail parlementaire, le fonctionnement législatif, je me suis véritablement immergé dans l’institution. Je suis allé trimer au Parlement, je me suis entièrement plongé dans des missions. Et, à l’occasion de mes différents travaux, j’ai parlé en direct à des milliers et des milliers de citoyens, sans compter des heures d’auditions pour les missions gouvernementales sur l’intelligence artificielle et l’enseignement des mathématiques. TL  : Vous vous êtes donc déjà un peu débarrassé de vos oripeaux de scientifiques ? Vous avez découvert autre chose ? CV  : Ce travail avait déjà commencé, même si peu de gens en ont conscience, quand je suis devenu directeur de l’institut Henri-Poincaré. Cela

Thomas Legrand  : Vous

étiez un scientifique, vous êtes maintenant un homme politique. Ces deux activités ont une grande responsabilité dans la marche du monde… En 2015, j’ai sorti Les Rêveurs lunaires, un roman graphique où je parle de quatre scientifiques, Werner Heisenberg, Leó Szilárd, Hugh Dowding et Alan Turing durant la Seconde Guerre mondiale. Pour expliquer la responsabilité du scientifique, j’ai adapté une blague juive, l’une des préférées de Leó Szilárd, le physicien hongrois qui a œuvré pour le programme Manhattan avant de devenir un militant pacifiste antinucléaire convaincu. Dans le dessin, il y a deux enfants, Leó, et Edward, qui sont les doubles de Szilárd le pacifiste et de Edward Teller, un autre physicien très va-t-en-guerre, l’un des pères du programme « Guerre des étoiles ». Les deux enfants arrivent avec une petite bombe atomique fabriquée de leurs mains au domicile d’un rabbin qui est en train de dîner avec sa femme. Ils lui disent : “Rabbin, nous avons un grand différend, aide-nous à nous mettre d’accord. Nous avons construit cette bombe atomique, elle sera utile pour effrayer les ennemis, mais nous ne sommes pas d’accord sur qui va décider ce qu’on en fait.” Le rabbin les écoute et le premier dit : “Nous connaissons cette bombe mieux que personne, c’est nous qui l’avons faite, elle impacte tout le monde. Selon l’usage que l’on en fait, on peut ressentir une part de responsabilité et de culpabilité, donc il est normal que nous décidions de son usage.” Le rabbin écoute et dit : “Oui, tu as raison.” Et le deuxième enfant dit : “Rabbin, nous avons construit cette bombe plus par curiosité que pour son usage. Nous ne sommes pas

PAR THOMAS LEGRAND - PHOTOS PHILIPPE FRISÉE

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V I L L A N I

a beau être un institut de recherche, le quotidien de son dirigeant n’est pas de lire des ouvrages scientifiques. C’est surtout de la politique et je dirais même que c’est du terre à terre. Diriger cet institut, c’est démêler des conflits internes, c’est réorganiser des nouveaux départements, lancer des projets. TL  : Tout cet aspect pratique, concret, quand on vous voit au premier abord, ne saute pas aux yeux. On connaît votre intelligence, vos prix mathématiques et on se dit : “Est-ce qu’il n’est pas le professeur Tournesol ? Va-t-il pouvoir être suffisamment concret pour être un bon maire ?” Car ce poste, c’est de la haute politique mais aussi des petites histoires de poubelles et de trottoirs… CV  : Effectivement et, plus que pour n’importe quel autre mandat, être maire est une légitimité immanente qui vient directement des citoyens et pas des étiquettes. Quand on m’interroge sur ma capacité à gérer des structures, je parle de mon expérience à l’institut Henri-Poincaré. J’explique que j’ai été amené à travailler sur des choses aussi concrètes que d’arbitrer la taille à laquelle chaque association hébergée à l’institut aurait droit sur un espace d’affichage. J’explique que j’ai passé beaucoup de temps à monter et expliquer les projets, à tenter d’obtenir des subventions, à consoler certains, à les remotiver. En public, c’est compliqué de parler de cette expérience car l’image du mathématicien gomme tous les autres messages. À tort, on prend souvent

le mathématicien comme un être dans ses équations, mais il y a eu de grands mathématiciens engagés. TL  : En tant que profane des maths, on peut se demander si vous n’êtes pas resté perché dans cet univers qui nous échappe. Vous cultivez un look à part et on se demande comment vous allez pouvoir atterrir et rassurer les électeurs. CV  : Pour le look, c’est le mien, j’y suis toujours resté fidèle. Je l’avais à 20 ans, avant même de me lancer dans une carrière mathématique. À l’ENS, j’étais connu comme un hyper social. Enfant, j’étais pourtant hyper timide, je n’ouvrais pas la bouche, je me cachais pour ne pas être interrogé en classe. Mais je n’ai pas pris de revanche. Le petit garçon hyper timide est devenu hyper sociable, mais c’est la même personne. Je suis quelqu’un pour qui les rapports humains ont toujours été très intenses. TL  : Revenons aux mathématiques. Dans votre déclaration de candidature, vous dites que la modélisation peut vous aider en tant que futur maire. Expliquez-nous en quoi les sciences peuvent être utiles dans une ville ? CV  : Il est très clair que les sciences ont un impact majeur sur la marche du monde, avec par exemple le développement de l’informatique algorithmique ou de l’intelligence artificielle. Mais aussi dans la nouvelle façon de planifier et de réorganiser une cité. Par exemple, beaucoup d’administrations sont en retard car elles utilisent des systèmes de transmissions de données obsolètes. Dans le privé, la concurrence pousse presque

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naturellement à évoluer ; dans le public, non. Je prends souvent l’exemple de la ville de Moscou où j’ai discuté avec certains élus, dont un ingénieur de formation qui s’est chargé de ce dossier. Ils partaient de très loin mais, en quelques années, ils ont transformé la ville en améliorant les transmissions de données, qui améliorent la planification. Une ville, c’est un système complexe. Il y a, par exemple, le mouvement des véhicules qui implique des mouvements de chaleur, de pollution. Tout cela peut se modéliser. Il faut se tourner vers les meilleurs experts pour pouvoir prendre les bonnes décisions, tout en gardant constamment à l’esprit qu’à la fin, c’est au politique d’arbitrer à partir du souhaitable pour le citoyen. Pour ma campagne, je vais faire appel aux meilleurs scientifiques dans tous les domaines. À une époque, on pouvait se dire que l’informatique allait permettre de fluidifier la circulation avec les feux de signalisation qui allaient communiquer avec la chaussée. Aujourd’hui, l’approche est dans la modélisation. On va représenter la ville sous une forme numérique abstraite et faire des prédictions. Avec le modèle, on peut observer comment, par exemple, se reporte la circulation si on coupe telle ou telle grande artère… TL  : C’est de la mécanique des fluides… CV  : Exactement. Et, aujourd’hui, cela doit faire partie du processus de décision. On doit commencer par ces simulations pour observer

ce que telle ou telle décision va impliquer. C’est le travail de l’équipe technique du maire. Mais tout cela est si complexe que si, lorsque vous êtes au sommet de la pyramide, vous n’avez pas la conscience aiguë de ce besoin, rien ne se fait. TL  : Le monde est donc devenu si complexe que l’on doit tomber dans l’épistocratie ? CV  : Non ! J’insiste, ce n’est pas à l’expert de décider, son rôle est de conseiller. La responsabilité en incombe au politique. Mais au politique éclairé… Comme je le disais dans ma déclaration de candidature, si je me suis engagé en politique, c’est pour remettre la technique, les sciences et le savoir au service des femmes et des hommes, pour reprendre nos destins en mains. Je suis candidat pour mettre le développement économique et technique de Paris au service du quotidien et de l’avenir des Parisiens. TL  : Dans vos discours et vos écrits, il y a beaucoup de références politiques du XIXe siècle. Quel politique êtes-vous ? Quelles sont vos références, vos racines, votre lignée politique ? CV  : Je me sens proche d’un pacificateur comme Mendès France. Je suis fédéraliste, donc je me sens une filiation avec Jean Monnet, Simone Veil ou Jacques Delors. Le libéralisme égalitaire est un courant dans lequel je me reconnais : on laisse de la liberté et tout ce qu’on peut corriger en amont est mieux que tout ce qu’on doit corriger en aval, par un travail sur l’éducation autant que sur la redistribution. →


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« LA POLITIQUE MUNICIPALE EST MOINS QUE D’AUTRES DÉPENDANTE DES ÉTIQUETTES »

TL  : Et

le macronisme s’inscrit aussi dans votre ligne idéologique et politique ? CV  : Je ne me réclame jamais de son exemple. Mon envie de me lancer est une démarche en liberté. Je reste fidèle à mes engagements. Je me suis tourné vers Emmanuel Macron car il voulait remettre en marche la France tout en étant proeuropéen, dépasser les clivages et accompagner la société dans les grandes transitions écologiques et technologiques du futur. Ce sont des principes que je défends depuis très longtemps, avant de connaître Emmanuel Macron. Dans mon livre Immersion, j’ai retenu du politologue américain George Lakoff qu’un bon mouvement politique doit pouvoir se définir en dix mots et pas plus. Donc dans cet ouvrage, j’ai tenté de définir le macronisme en dix mots ! TL  : Bel exploit ! Et du coup, c’est quoi ? CV  : Fierté française, souveraineté européenne, conscience du monde, libéralisme égalitaire, progressisme éclairé. La France est là pour inventer une nouvelle façon de voir le monde. Mais certaines décisions doivent être transférées à l’Europe pour avoir plus d’impact, ce qui ne doit pas empêcher la fierté et la voix française d’exister. Dans un monde aussi complexe que le nôtre, on doit aussi prendre garde à ce qui se passe ailleurs. Au niveau économique, on laisse les choses se faire, en installant des garde-fous, mais surtout en donnant les mêmes chances de réussir aux uns et aux autres, avec un gros travail sur l’éducation. Enfin, on accompagne les évolutions avec l’apport de la science… Dans le projet parisien, j’ai mis cette idée selon laquelle il y aurait un conseiller écologique attaché au maire, qui donnerait son avis sur chaque décision pour irriguer toutes les politiques publiques. TL  : Pour mieux comprendre, décrivez-nous votre Paris idéal dans 20 ans… CV  : C’est un Paris qui a été apaisé. Le bruit des voitures a disparu car on est passé à du 100 %

silencieux. Les pots d’échappement ont disparu et, pour l’essentiel, ce sont des voitures collectives qui sont utilisées en partage dans la ville et qui tournent à l’hydrogène ou à l’électrique. Les voitures en stationnement ont quasiment disparu et donc la chaussée s’est agrandie. Elle est devenue la capitale internationale du zéro déchet. Les circulations douces sont la norme et la végétalisation a considérablement augmenté. Dans mon Paris idéal, la ville est bien plus grande, plus ouverte. Une ville comme Montreuil est par exemple devenue un quartier de la capitale. Il y a encore un périphérique mais revu et aménagé, davantage couvert. Les bois de Boulogne et de Vincennes sont maintenant à l’intérieur de Paris. Et il n’y a pas que des riches dans la ville, mais une belle mixité, meilleure que celle de 2019. La pression des prix du logement a pu diminuer car on voit les choses à une échelle plus large. TL  : Ce Paris-là ne peut pas se faire avec les partis traditionnels ? CV  : La politique municipale est moins que d’autres dépendante des étiquettes et c’est pour cela qu’elle est celle où l’on se retrouve le plus, même entre bords opposés idéologiquement, pour construire ensemble les choses. Ce qui se passe à Paris est encore plus intense au niveau de la recomposition politique. Dans le monde post 2017, où Emmanuel Macron a renversé la table, on sent que le temps est venu de travailler ensemble, en mettant de côté ce qui a pu se passer dans le passé. Moi, j’arrive en politique neuf, sans histoires ni rancœurs accumulées. Je vais réussir, si les Parisiens me font confiance, car à Paris nous avons tous les moyens de réussir. Nous avons donc une très belle carte à jouer ! •

Retrouvez Thomas Legrand sur France Inter, du lundi au vendredi à 7 h 45.

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DES GENS QUI FONT DES TRUCS À LA RÉDACTION DE VOTRE MAGAZINE PRÉFÉRÉ, ON PENSE QU’IL N’EST PAS NÉCESSAIRE D’ÊTRE ULTRACÉLÈBRE POUR ÊTRE DIGNE D’INTÉRÊT. ALORS ON VOUS PARLE DE CES GENS QUI FONT DES CHOSES, QU’ELLES SOIENT ORDINAIRES OU EXTRAORDINAIRES.

consensuel. On évite l’ennui et le total look. Quand les autres opteront pour une grande porte, nous, on posera une petite porte. Comme une dissonance. » Son prochain challenge ? S’attaquer un jour à la construction ou à la rénovation d’un édifice religieux, de contemplation ou de méditation. « Je suis passionné par les églises. Non pas pour le caractère religieux mais pour l’ordre sacré qui y règne, comment le traitement de la lumière naturelle est géré pour atteindre le sacré. » En design, Paul Kuseni reconnaît le travail des frères Bouroullec, de Mathieu Lehanneur ou d’Ingo Maurer : « Je ne suis pas dans la prouesse technologique. Je travaille avec des matériaux élémentaires comme la pierre, le verre et le bois massif. Nous dessinons tout de A à Z et sommes à l’écoute des artisans dans une forme de collaboration art-artisan pour la réalisation de chaque pièce de mobilier. » Chacune de ses expositions à la galerie Cédric Bacqueville de Lille est un succès. Comme celle d’une série de quinze colonnes identiques. « Chaque colonne est à voir comme un témoin de vie, comme un curseur d’humeur, d’état d’âme. On se réveille dans le noir, et on se motive à atteindre le blanc. L’idée est de réunir les quinze colonnes, dix ans après leur acquisition, et d’en exposer le vécu. » Ou bien cette série de dix cercles dessinés à main levée, qui ont l’air parfaits, mais ne le sont pas. « On recherche tous l’idéal mais nous sommes en réalité tous cabossés. » Actuellement, il attise les curiosités avec son exposition Peu Importe. Paul Kuseni s’est délesté de 20 objets personnels qui une valeur affective plus que pécuniaire. S’inspirant des anciennes tirelires sans fond, l’artiste a conçu 20 urnes en bois phosphorescent dans lesquelles se cache un objet, pris au hasard. Les intéressés en choisiront une et ignoreront ce qui se trouve à l’intérieur : « Ces urnes jouent sur le secret, la frustration de ne jamais savoir ce qu’il y a l’intérieur car une fois cassée, elles n’ont plus de valeur… » Mystère, minimalisme et anticonformisme, à l’image de ce créateur hors norme. • →

PAU L K U S E N I ÂGE : 57 ANS SITUATION : CÉLIBATAIRE PÈRE SPIRITUEL : LE CORBUSIER NATIONALITÉ : FRANÇAISE

Il aime transgresser les règles en architecture et déteste suivre les tendances. Paul Kuseni ne veut ressembler à personne et n’a jamais été comme tout le monde. Enfant, déjà, il affirme qu’il se sentait « visionnaire » et son grand pouvoir créatif a entraîné chez lui un sentiment de différence. Ce fils d’ouvrier immigré russe aurait pu devenir fonctionnaire, comme ses six frères et sœurs, mais il a choisi l’architecture, à l’âge de 17 ans, après avoir réussi le concours d’entrée de l’école supérieure d’arts appliqués de Roubaix. Ce chti ne quittera jamais sa région natale et il est repéré par ses professeurs pendant son BTS d’architecture d’intérieur : « J’ai travaillé dans leur agence d’archi et, en parallèle, je suivais des cours à l’école supérieure d’architecture et de paysage de Lille. » D’abord étudiant, puis enseignant et architecte, il n’a jamais quitté cette école. Depuis 27 ans, il y dispense des cours d’arts plastiques et est aujourd’hui en charge de son réaménagement. La boucle est bouclée. Pollux, son agence d’architecture et de design, fondée avec Kristel Martin en 2004, est une valeur sûre pour les anticonformistes : « On revendique une position anti-tendance et on évite tous les clichés. Il n’y a pas deux projets pareils. » Ses clients en raffolent et le bouche-à-oreille s’étend jusqu’à Nice, Nantes ou Aix-En-Provence. Des projets à foison et de nombreux chefs étoilés de la région tels que Benoît Bernard, Nicolas Pourcheresse, Florent Ladeyn, Camille Pailleau ou Diego Delbecq ont fait appel aux talents de l’agence : « Nous avons acquis une notoriété sur Lille. On est sérieux, même si on s’appelle Pollux ! Ce qui m’anime dans mon métier d’archi, c’est de ne pas être

PAR JOSÉPHINE SIMON‑MICHEL ‑ PHOTOS PHILIPPE FRISÉE

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ENCHANTÉE JULIA

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les petits boulots, vend des pianos et travaille dans la mode, chez Chloé. À 20 ans, l’innocence et la spontanéité de son jeune âge l’aident à ne jamais baisser les bras. « J’ai toujours eu la foi. En revanche, aujourd’hui, je suis beaucoup plus lucide. Peut-être plus mûre ? Il y a pas mal de paramètres qui rentrent en jeu pour y arriver, notamment le bon timing, le bon entourage, pas mal de chance. Et du talent, ça peut aider ! » Julia participe à différentes tournées en tant que choriste pour Tal, Vitaa ou encore Sinclair. De riches expériences scéniques, très loin de son univers de prédilection. Elle prête sa voix pour des publicités pour Chanel et la bande originale du film Raoul Taburin. Récemment, elle a collaboré avec les rappeurs Prince Waly, Tengo John ou Luidji sur leurs albums et se fait remarquer rapidement par le public. En trois clips, sa voix et ses visuels séduisent les professionnels de la musique. Elle s’entoure d’un tourneur puis d’un distributeur. Les concessions, hors de question : « Je n’ai pas envie d’être quelqu’un d’autre. Mes chansons sont le reflet de moi, je n’invente rien. » Julia avoue avoir mis du temps avant de savoir se raconter et se mettre sur le devant de la scène. Ses rencontres artistiques lors des jams qu’elle organisait au China Club et à la Favela Chic lui ont permis d’affirmer sa vraie personnalité de chanteuse et de musicienne. Une détermination qui, affirme-t-elle, lui permettra très certainement de réaliser un jour son rêve : enregistrer un album avec un gros budget. Pour le moment, la jeune artiste vient de réaliser son EP, Boucle, depuis son salon, sans label et sans éditeur, mais en s’entourant de ses amis et artistes prometteurs, Fils Cara et Terrenoire. Julia ne court pas après les soirées parisiennes et préfère cocooner avec son amoureux, Prince Waly, et leur chat nommé Tommy : « Je suis très casanière et légèrement usée de Paris et de tout son brouhaha. J’espère qu’un jour, je pourrai exercer mon métier de chanteuse depuis ma Provence natale. » • →

ÂGE : 30 ANS PÈRE SPIRITUEL : CLAUDE NOUGARO SITUATION : AMOUREUSE NATIONALITÉ : FRANÇAISE

Pour beaucoup, elle est un enchantement pour les yeux et pour les oreilles. Enchantée Julia révolutionne un nouveau RnB made in France, plutôt galvaudé dans nos contrées. « Contrairement aux États-Unis, les références ici sont peu nombreuses. Et les quelques artistes qui se lancent ne sont pas forcément bien compris… Ma musique, c’est une sorte de pop groovante, “back to the future”. » Dans ses textes, la tout juste trentenaire évoque son enfance bucolique dans son paisible village natal d’Oppède-le-Vieux, dans le Luberon. L’amour et le romantisme sont aussi ses thèmes de prédilection. Des sujets universels, certes, mais avant tout personnels : « La langue française est tellement belle ! Mes textes sont remplis d’images et chacun peut y trouver sa propre interprétation. Mon univers est, je crois, très féminin, presque cotonneux. » Sa passion pour la musique, elle l’a reçue en héritage. Ses parents mélomanes sont les créateurs des Musicales du Luberon, un festival de musique classique et baroque. Enfant, elle passe ses vacances avec un ami de la famille, Claude Nougaro, et traîne davantage dans les loges des artistes que dans les couloirs de l’école. « Je n’étais vraiment pas douée en classe car je n’ai jamais su trouver ma place. J’étais dans un autre monde. » Et son monde à elle, c’est celui de la fin des années 1990, début 2000, avec les musiques d’Erykah Badu, d’Aaliyah ou de Missy Elliott. Ses parents lui martèlent le fameux « Passe ton bac d’abord ! » et, à 18 ans, elle quitte sa chambre de jeune bachelière dans laquelle elle chantait toute la journée pour rejoindre sa sœur à Paris, elle aussi passionnée de hip-hop et de soul. Son rêve d’enfant se concrétise lorsqu’elle s’inscrit dans une école de musique. Elle enchaîne

PAR JOSÉPHINE SIMON-MICHEL ‑ PHOTOS PHILIPPE FRISÉE

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CHEMISE, DSQUARED.


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le besoin de solitude est trop fort. « Dans Postaal, j’étais seulement à la production, et les chansons étaient en anglais. J’ai vite ressenti le besoin de faire quelque chose qui me ressemble plus. Là, en plus d’être producteur, j’écris, je chante, je compose, je suis seul sur scène. » Entre-temps, il a quitté le 78 et s’est installé avec sa copine et son chat dans un studio de la Contrescarpe, le seul quartier parisien qui a échappé à la fureur des boutiques fashion et qui est resté figé dans le passé : « Mais il y a autant de bars qu’à Oberkampf. » C’est là qu’il fait son introspection créative, qu’il mélange les drops et la chanson française avec, en tête, celle qu’écoutait sa mère et qui est sa référence absolue, Bashung. Sans oublier Higelin, qu’il avait été écouté à 10 ans à la Fête de l’huma avec son père. Par respect pour ses parents, il a décroché son nom de famille et impose son prénom sur la scène artistique. Sur scène justement, comme à la Gaité Lyrique récemment, Hervé impressionne. S’il a gardé la boule quasi à zéro des footeux (et des rappeurs), il s’attaque au piano comme un boxeur. Ken Loach et les frères Dardenne ne le renieraient pas. Hervé a autant une tête qu’il en a dedans. Quand il entame Va Piano, il commence par chuchoter les mots comme on le fait dans l’intimité, puis son phrasé devient percutant et fusionne avec la techno dont les sons finissent par prendre le dessus. Son rapport à la musique, comme à la scène, est instinctif, animal, mais jamais provocateur ou violent. Quand il évoque Booba, c’est plutôt Baudelaire qu’on entend. Hervé a passé l’été dans un trou du fin fond du Morbihan – il est d’origine bretonne – à travailler ses prochaines chansons. À croire qu’il aime vraiment fort les champs flippants de cette agriculture intensive qui a autant ravagé les paysages que formé les regards et les sensibilités à la monotonie. L’introspection se poursuit donc, toujours plus profonde. En attendant d’en entendre les interprétations, on ira le 4 novembre prochain l’écouter et le voir aux Étoiles, à Paris. •

HERVÉ ÂGE : 26 ANS PÈRE SPIRITUEL : ALAIN BASHUNG SITUATION : EN COUPLE, UN CHAT NATIONALITÉ : FRANÇAISE

Un dimanche, on se réveille (tôt), on allume la radio, et on entend une voix douce, rugueuse et saccadée, très entêtante, qui parle de foot et de mélancolie. Reviennent alors en mémoire ces dimanches d’adolescence où l’on tournait en rond dans sa chambre. Il ne se passait rien. On ne faisait rien, à part se laisser noyer dans la musique. Même si quelques années les séparent, toutes les adolescences banlieusardes partagent le même envoûtant ennui. On comprend alors à mi-mot celle que ce jeune chanteur de 26 ans raconte, coincée à Fontenay-le-Fleury entre des champs de maïs et l’autoroute A13. Sa seule échappatoire, c’était le ballon : « J’ai joué au foot pendant dix ans et, comme tout le monde, vers 16, 17 ans, je me suis demandé ce que j’allais faire de ma vie. C’est le moment où l’on voit ses rêves partir en fumée et où l’on finit conducteur de bus. Avec Mélancolie F.C., j’ai voulu parler de ces années », dit-il. « À tous les supporteurs qui supportent plus les hors-jeu/les horreurs, les horaires/À tous les bancals sur le banc/les vacants le sourire forcé », slame-t-il plus qu’il ne chante. Le spleen est juste, mais lui, Hervé, il n’a pas laissé filer les siens. S’il quitte l’école, il passe son bac en candidat libre. S’il enchaîne les petits boulots dans les bars et les restos, c’est pour s’acheter du matos. Fan de hip-hop, il se met à bricoler tout seul des morceaux dans sa chambre : « J’ai cracké un logiciel de musique et je me suis mis à produire des boucles. » Il découvre à Versailles le night-clubbing et s’initie à la French Touch : Daft Punk, Cassius, Justice. De nuit en nuit, il se constitue un réseau. De sa rencontre avec le DJ anglais Dennis Brown, il forme le groupe Postaal. Ensemble, ils réalisent un premier disque et partent en tournée, mais

PAR CATHERINE JAZDZEWSKI ‑ PHOTOS PHILIPPE FRISÉE

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POLO, FRED PERRY. SNEAKERS, ADIDAS.


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« OÙ EST LE SEXY ? » ATTENTION, LES RÉPONSES DONNÉES PAR CES TROIS ÉCRIVAINS SONT TIRÉES DE FAITS RÉELS. PHOTO À L’APPUI.

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ADIEU, À PLUS TARD

©  H ECTO R O B A LK

LETTRE À UNE FEMME RENCONTRÉE UNE SEULE FOIS, LE 20 DÉCEMBRE 2009 À LA PINACOTHÈQUE DE PARIS. ELLE PARTAIT QUELQUES JOURS PLUS TARD POUR LES INDES.

Nous sommes le 11 janvier 2010. Je ne sais pas si tu passes devant un café internet des Indes pour voir mon message. Je pourrais te parler de mes progrès dans ma compréhension de Bach ou de Bacon, de mon séjour à l’hôpital pour cause de colique néphrétique, de mon soudain intérêt pour La Vie de Jésus ou pour Les Discrètes vertus de la corruption – qui agitent en ce moment ma pensée quand elle n’est pas accaparée par quelques interrogations nous concernant. Je ne sais pas ce que tu as compris de notre dernière soirée à deux, qui fut également la première, après avoir assisté à mon tournage des peintures de Jan Steen. Au restaurant, j’ai préféré ne pas m’approcher de ton oreille grande ouverte, et peut-être as-tu imaginé que tu ne m’intéressais déjà plus ? Tu m’avais suivi parmi mes proches et mes objets, et peut-être as-tu décidé que ma personne ne t’intéressait finalement pas davantage ? Mais tu en sais désormais assez : tu vois en moi un type passionnant bien que je ne sois pas ton genre, et tu n’as plus de doutes sur la sincérité de ma prévenance. Tu devines donc qu’il ne dépend que de toi de ne plus me croiser, car tu te doutes qu’on ne pourra se revoir que si, lors du prochain rendez-vous, on commence d’abord par faire l’amour. On dîne mieux, on parle mieux et on voit beaucoup plus loin après avoir fait l’amour qu’avant. Je ne profiterai pas d’une soirée arrosée pour te mettre au pied du mur contre lequel j’aurai envie de te plaquer. Tu viendras chez moi à la nuit tombée car elle tombe fort tôt en hiver. Tu te retrouveras rapidement collée contre la poutre de mon salon, afin que je m’occupe d’ouvrir ta veste, défaire ta ceinture, écarter ton chemisier et que mes mains voient ta poitrine, tes hanches, ton bas-ventre mais pas encore ton sexe. Tes pieds auront lâché le sol car j’aurai soulevé tes cuisses autour de ma taille. Encore tout habillée mais toute déboutonnée, tu regretteras peut-être d’avoir si vite accepté de suivre

le scénario de ce futur rendez-vous. Moi, je ne t’aurai toujours pas adressé la parole avant de te demander : tu veux partir ? Il fait trop froid pour partir, penseras-tu quand, étendue sur mon grand lit, mes mains commenceront à caresser l’intérieur de tes cuisses. Je n’aurai toujours pas touché ton sexe sinon par un coup de langue qui te surprendra. Puis, accroupi sur ton corps, j’enlèverai mon pouce de ta bouche pour enfourner ma bite dedans. Il est possible que tu la trouves trop grosse la première fois, parce que ça arrive. Il est également possible que, sous le coup de l’émotion, je bande insuffisamment, auquel cas je continuerai de me branler entre tes jambes soulevées, genoux contre poitrine, laissant à découvert ta fente que je continuerai de balayer jusqu’à ce qu’elle pleure. Pour la première fois, je t’embrasserai sur la bouche quand je m’introduirai doucement et peu profondément en toi, en clouant tes coudes sur le lit. C’est toi qui me diras de m’enfoncer davantage, car j’ai intérêt à en faire moins que plus si je ne veux pas éjaculer trop tôt, et rien n’est plus beau que d’attendre le moment où tu en réclames davantage : « Fais ce que tu veux maintenant. » Je te passe les détails de notre rodéo au ralenti jusqu’au moment où tu voudras me toucher l’entre-couilles pour sentir, au départ de la verge, comme on met le doigt sur la gorge, quelques reliefs terminaux traverser furtivement le canal de l’amour. Cette première aventure nous aura laissés en nage. Le moment tant redouté par toi des hommes décevants aura fait place au début d’une douce romance où l’on pourra enfin se parler vraiment, car on a tout à gagner à ne plus jouer au chat et à la souris. Je ne sais pas si rien de tout cela va arriver. Je te laisse donc choisir le mot de la fin, ou du début. Adieu, à plus tard. • Ceci n’est pas un extrait du spectacle Toute l’histoire de la peinture en moins de deux heures d’Hector Obalk, au Théâtre de l’Atelier, à Paris (renseignements sur grand-art.online). Hector Obalk est critique d’art et auteur de la série Grand-Art sur Arte.

PAR HECTOR OBALK


L I T T É R A T U R E

Ou plutôt un skate volant comme dans Retour vers le futur. Et il n’était pas loin d’aboutir. J’ai reproduit sur la photo l’un de ses prototypes. Mais le dernier était bien plus élaboré. Ses parents tenant une boutique de petit électroménager, Benjamin avait accès aux sèche-cheveux les plus performants. Il en avait fixé tout autour de la planche. Et il avait allégé l’ensemble avec des ballons gonflés à l’hélium (malin). Quand nous nous sommes perdus de vue (en 5e), Benjamin n’avait plus que quatre problèmes techniques à régler pour que son Flyboard soit au point. 1/ Les sèche-cheveux ne tenaient pas à la planche. 2/ Ils étaient filaires, donc l’auraient maintenue arrimée à la prise. 3/ Leur poussée était largement insuffisante pour la faire décoller. 4/ Il n’y avait plus de place dessus pour y poser les pieds. Benjamin était tenace. De la même manière que, dans l’une des nouvelles de Borges, un certain Pierre Ménard a l’absolue conviction d’être le véritable auteur du Quichotte, j’ai l’absolue conviction que Benjamin est le véritable concepteur du Flyboard. Se sont-ils rencontrés avec Zapata ? Ont-ils collaboré ? Zapata lui aurait-il volé ses plans, comme dans un Tintin ? Il faudrait enquêter pour le savoir. J’imagine que l’armée s’en chargera. En attendant, ma femme n’a pas déscotché. La dernière fois, je l’ai surprise à mater en loucedé la vidéo de Zapata traversant la Manche (le mec se prend pour Blériot). Clairement, le Flyboard, c’est sexy… •

Le 14 juillet dernier, Évelyne, une voisine (salut Évelyne !), débarque chez moi et s’écrie : « Vous avez vu le type avec sa planche qui vole ? » Ni une ni deux, avec ma femme, nous regardons sur la tablette (nous sommes assez connectés avec ma femme). Et, comme des millions de gogos avant nous, nous sommes ébahis : « Wahou ! » C’est vrai que c’est impressionnant de voir ce mec s’envoler sur sa petite plateforme qui fait un bruit d’avion. Le Flyboard, c’est sexy, puisque c’est ça le sujet. Ça donne envie de voir et revoir. Pourquoi pas d’essayer. Ça fait rêver. Ça donne l’impression de vivre dans le futur. Alors on se renseigne. On apprend que le Flyboard intéresse l’armée. Ah bon ? On sait que les militaires raffolent des gadgets technologiques, mais on voit mal à quoi celui-là pourra bien servir. Pour un assaut aérien, les drones ne sont-ils pas plus indiqués ? Mettre des gars dessus, ça ne deviendrait pas du tir aux pigeons ? On se demande pourquoi ça n’est pas plutôt le ministère des Transports qui est intéressé. Ça décongestionnerait les villes et donnerait lieu à quelques accidents rigolos. On se demande aussi s’il y aura demain un permis de flyboarder et si le Flyboard ne deviendra pas une discipline olympique. Enfin, on apprend que le Flyboard a été conçu par un certain Franckie Zapata qu’on imaginerait plutôt méchant dans Tintin. Franckie Zapata, c’est énorme. Trop peut-être. C’est là que j’ai flairé l’arnaque et que je me suis souvenu de Benjamin. Benjamin était un copain de 6e (salut Benjamin !). Quand je l’ai connu, en 1993, il essayait déjà de construire un Flyboard.

Ceci n’est pas un extrait de Permis de procréer, d’Antoine Buéno, paru aux éditions Albin Michel, 224 p., 17 €.

PAR ANTOINE BUÉNO

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©  A NTO I N E B U ÉN O

LE FLYBOARD


CHEVALIER

Ce que j’ai trouvé de sexy récemment est un film de 1985. Le 19 juillet dernier, jour de mon anniversaire, Rutger Hauer est mort. Pour tout le monde et moi-même, cet acteur hollandais était Roy, le réplicant de Blade Runner (1982), qui, après avoir épargné Harrison Ford, tenait ce monologue fulgurant (dont je me souviens par cœur encore aujourd’hui) : « J’ai vu tant de choses que vous, humains, ne pourriez pas croire… De grands navires en feu surgissant de l’épaule d’Orion… J’ai vu des rayons fabuleux, des rayons C briller dans l’ombre de la porte de Tannhaüser… Tous ces moments se perdront dans l’oubli comme les larmes dans la pluie. Il est temps de mourir, maintenant. » (Je ne sais toujours pas ce qu’est un « rayon C ».) Mais, pour moi, Rutger Hauer était aussi quelqu’un d’autre : le mercenaire Martin dans La Chair et Le Sang, de Paul Verhoeven, qui retrouvait à cette occasion l’acteur fétiche de ses débuts, celui de Turkish Delight et du Choix du destin.

©  LA U R ENT B I N ET

Au début du XVIe, sans doute en Italie, une bande de mercenaires, trahis par le seigneur qui les employait, se vengent en kidnappant Jennifer Jason Leigh, promise au fils du seigneur en question. Ils prennent possession d’un château qui se retrouve bientôt assiégé par les troupes du fils, bien décidé à récupérer sa fiancée. Je me souviens de la scène du bain et de mon émoi d’adolescent, quand, de sous l’eau trouble du grand baquet en bois, jaillissaient les corps nus comme une scène de Moby Dick, et Rutger Hauer profitant de la situation pour arracher des serments à sa captive : « Tu peux

penser à un autre, mais seulement si tu t’ennuies avec moi. Tu t’ennuies ? » Le gémissement étranglé de Jennifer Jason Leigh s’était gravé dans ma mémoire. Mais, aujourd’hui que j’ai grandi, mûri et vieilli, ce n’est plus exactement cet érotisme de série B (certes, de bonne facture : sept ans plus tard, Verhoeven fera Basic Instinct) qui m’excite. Les troupes du seigneur, pour venir à bout des mercenaires retranchés dans leur château, catapultent une carcasse de chien contaminée par la peste. Le fils, entre-temps retenu en otage, parvient à jeter la carcasse dans le puits du château. Tous les mercenaires boivent, sauf Martin, qui est sauvé au dernier moment par Jennifer Jason Leigh. Les mercenaires se retournent alors contre lui et, avant de succomber à la maladie, le jettent dans le puits, dont il parviendra à sortir, ni noyé ni contaminé (Cette forme d’immunité du héros m’impressionnait beaucoup à l’époque). Le film s’achève sur la silhouette de Rutger Hauer, qui parvient à s’échapper du château en flammes, après l’assaut des troupes du seigneur et la restauration de l’ordre initial. La rébellion a été matée ; Jennifer Jason Leigh épousera son fiancé comme prévu. Mais ce qui m’excitait aussi à l’époque et m’excite encore aujourd’hui, c’est qu’un petit groupe de va-nu-pieds avait réussi à faire trembler le pouvoir en place, et que Rutger Hauer, des ruines du château en flammes, semblait adresser ce message silencieux : partie remise. • Ceci n’est pas un extrait de Civilizations, de Laurent Binet, paru aux éditions Grasset, 384 p., 22 €.

PAR LAURENT BINET


L E

G R A N D

C H A M B A R D E M E N T

« L’AVENTURE EST AILLEURS » TOUT FOUTRE EN L’AIR, TROUVER LE BONHEUR DANS LA RADICALITÉ, LA LIBERTÉ PURE EN LIGNE DE MIRE. CONSTANCE DEBRÉ, L’ÉCRIVAIN (NON, ELLE NE FÉMINISE PAS), EMBRASSE CES PRÉCEPTES DE TOUT SON CORPS, DE TOUTES SES TRIPES ET DE TOUTE SA VIE. AVEC SON PREMIER LIVRE, PLAY BOY, ELLE A ENVOYÉ VALDINGUER FAMILLE – AUTANT LA DYNASTIE QUI LA PRÉCÈDE QUE CELLE QU’ELLE A CONSTRUITE –, BOULOT, APPART ET VIE BOURGEOISE. SANS REGRET. PARCE QUE C’EST LE PRIX À PAYER, POUR ELLE, POUR DEVENIR ELLE. ET PARCE QUE POURQUOI PAS ?

si j’avais fait ce move à 20 ans. Je vois ça comme une chance : à l’âge où beaucoup commencent à avoir le sentiment que quelque chose se réduit, j’ai, de mon côté, le sentiment d’une ouverture totale au monde. Au moment où les autres commencent à penser à la mort ou à la vieillesse, à tout ce qui n’est plus possible, je me sens au top de mes facultés vitales, de création, de plaisir, d’apprentissage, de curiosité et même de séduction. J’ai une deuxième vie qui a commencé à 45 ans et j’ai la sensation que je ne vais pas mourir – ou que je peux mourir, mais que ce ne sera pas grave. Avant, j’avais un beau costume, mais je ne savais pas comment bouger dedans. Maintenant, je suis en jeans et en t-shirt, et tout tombe nickel. Je suis tellement bien que même mes emmerdes, et je peux dire que j’en ai un container rempli, m’intéressent. C’est ma vie et ça me passionne. Alors qu’avant, même mes plaisirs me faisaient vaguement chier… Lui  : Même avant le mariage et la vie “bourgeoise” ? CD  : Je suis passée à côté de ma jeunesse. À 20 ans, j’étais sérieuse et l’essentiel de ma vie était intérieur. En fait, je n’ai pas su être jeune quand j’étais jeune. Je n’ai aucune nostalgie de cette époque, en rien. Je venais de m’arracher d’un contexte familial plutôt lourd. Je me suis sans doute mise à l’abri des bombes et les bunkers, ce n’est pas la grosse fête. Quant à l’enfance… L’enfance, c’est terrible, non ? Lui  : Comment votre famille a réagi à la sortie de Play boy, dans lequel vous égratignez certains de ses membres ? CD  : Au départ, je ne voulais pas parler de ma famille dans le livre. Mais comme je porte un nom connu, je savais qu’on allait me ramener à ça, alors j’ai préféré régler la question en deux pages dans Play boy pour qu’on n’en parle plus… Ce que j’ai →

Lui  : Il y a un peu plus de deux ans, vous avez décidé de changer de vie… Constance Debré  : Dans la même semaine, j’ai couché avec une fille, j’ai commencé à écrire, et je me suis mise à nager tous les jours. Voilà. C’était assez simple, finalement. Lui  : Vous avez tout de même complètement bouleversé votre existence ! CD  : Cela n’a pas de sens de devenir homosexuelle, comme je l’ai fait, à l’âge de 45 ans, tout en conservant la même vie. La différence entre l’hétérosexualité et l’homosexualité ne se résume pas seulement à une question de sexualité. C’est autre chose. L’hétérosexualité emporte un certain nombre d’injonctions qui dépassent la sexualité ou le genre. En l’abandonnant, il fallait que tout change. Je sortais de 20 ans de couple, j’étais avocat, j’avais une vie simple mais confortable, un deux-pièces dans le 6e, mais cela ne me correspondait pas. Aujourd’hui, je vis seule, je suis écrivain, j’habite une chambre de bonne et je me sens là où je dois être. Lui  : Votre métier d’avocat ne vous manque pas ? CD  : C’est une des rares choses que j’ai aimées dans ma vie d’avant. Mais je préférerais que l’on me coupe un bras plutôt que d’y retourner. C’est un métier très frustrant. On croit défendre la liberté mais on s’aperçoit vite, quand on est pénaliste, que l’on est un instrument, voire la caution, d’un système un peu dégueulasse contre lequel on ne peut rien. Je me sens plus propre en dehors. Et plus puissante en écrivant qu’en plaidant. Lui  : Alors pourquoi avoir attendu si longtemps ? Vous avez la sensation d’avoir perdu du temps ? CD  : Ce que j’ai vécu avant n’est pas une vie pour rien, il s’y est passé des choses très importantes. Je ne serais pas celle que je suis aujourd’hui, je n’écrirais pas les livres que j’essaie d’écrire

PAR BRUNO GODARD - PHOTOS MICHEL SEDAN

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D E B R É

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écrit sur elle n’est pas très grave. Si certains Debré ne peuvent pas se remettre d’une vanne, je suis désolée pour eux. Ma famille n’est pas l’essentiel du livre. Je les aime bien, mais je ne les vois pas. Et puis, je m’en fous un peu. J’assume mon égoïsme. Je ne crois pas à une autre morale. Ni surtout à une autre réalité. Il y a moi, ma carcasse, mon expérience des choses et rien d’autre. C’est pareil pour tout le monde. Lui  : Comment travaillez-vous ? CD  : Je prends des notes, j’attrape la matière, ensuite je cherche la forme, le sens. C’est le temps de l’écriture proprement dite, monomaniaque et obsessionnelle. Le seul moment où je coupe, c’est quand je nage, car je ne pense à rien. J’aurais préféré la drogue, mais je n’y arrive pas. Je pense que le “capital drogue” a été bouffé sur plusieurs générations par mes parents. À chaque fois que j’ai essayé, c’était dramatique. Je peux faire un bad avec une taffe d’herbe. Je ne le dis pas à mon père, je lui ferais honte. Alors je nage. Lui  : De quoi parlera Love me, tender, votre prochain livre ? CD  : C’est l’acte 2 de ma nouvelle vie. Dans Play boy, je prenais la parole, c’était une rupture avec le silence où je posais un nouveau Je. Prendre la parole a quelque chose de flamboyant et d’entraînant. Ensuite, il faut continuer à parler. C’est la même chose que dans la vie. Une fois qu’on a dit “merde”, qu’on a dit “moi je”, il se passe quoi ? L’acte 2 est toujours plus intéressant. C’est le réel dans sa complexité. Lui  : Avez-vous eu peur de n’avoir plus rien à dire ? CD  : Je doute beaucoup, mais pas de ça. Le risque était de m’autocaricaturer, de faire encore du Play boy et je pense l’avoir évité. Assez naturellement, je me suis dépouillée d’un certain nombre de choses, j’ai pris de l’épaisseur, reçu des coups et mon écriture s’en est nourrie. Les deux ans entre Play boy et la fin de ce manuscrit, pour moi, se comptent en “années chien”. Un an de vie = sept ans d’expérience. Voilà, maintenant je vis en “années chien”, c’est super. Lui  : Qu’est-ce qui vous rend heureuse dans votre vie d’écrivain ? CD  : Être lue est formidable. Quand j’écris, je suis dans un genre de folie dans laquelle je m’enferme, seule. Et puis, quelques mois plus tard, en rencontrant quelqu’un qui a aimé ce livre, je retrouve un lien avec l’extérieur. Je suis dans le monde, je ne fais pas de l’art pour l’art, je veux avoir un lien avec les autres. Et puis, écrire, c’est du travail qui ressemble à des vacances.

Je déteste le travail, je déteste les vacances. Là, c’est juste entre les deux, c’est parfait pour moi. Lui  : C’est la liberté, en fait… CD  : Exactement. C’est ma seule obsession. Je vis pour l’explorer. J’étais avocat pour la défendre. J’écris pour lui donner un contour, une couleur. Aujourd’hui, je me sens plus libre qu’avant. Je viens de commencer une psychanalyse, sans doute pour l’être encore davantage. C’est l’enjeu, sans fin. Lui  : Pourquoi commencer maintenant ? CD  : J’ai 47 ans, j’ai dynamité ma vie, il faut que j’évolue encore. Alors, je fais quoi ? Du SM ? Je me came ? Ça a été les grandes expériences de ceux qui m’ont précédée. Ça a déjà été fait et ça s’est terminé avec le XXe siècle. Regardez l’histoire de la littérature, du rock ou du punk. Je crois qu’aujourd’hui, l’aventure est ailleurs. Au niveau individuel des choses, ce qu’il reste à explorer, à inventer, avec les questions d’identité, ce sont les relations. Déconstruire, reconstruire, le sexe, l’amour, la famille. Je suis le véhicule de l’expérience, je suis ma “bagnole”. Si je vais chez un psy, c’est pour savoir s’il n’y a pas deux ou trois pièces à changer pour aller plus loin. J’ai toujours eu le sentiment qu’on manquait d’imagination. Lui  : Écrivain, c’est cool pour draguer ? CD  : J’étais coincée dans mon 6e hétéronormé. Pour choper une meuf, c’était l’enfer. Il fallait que je fasse un braquage ; j’ai fait un livre. Play boy a été une petite annonce assez efficace. Je me suis calmée, mais j’ai eu une période, disons, d’exploration. Là, je suis dans autre chose. Je viens de me faire larguer. C’est mon actu. C’est un truc que je conseille pour l’été, plus intéressant que la plage. À Paris, dans la torpeur, les rues et les piscines désertes, c’est presque beau les émotions que ça donne. Lui  : Vous ne regrettez donc pas d’avoir dynamité votre vie ? CD  : Si c’était à refaire, je ne changerais rien. Il y a un prix à payer, c’est certain, mais j’ai surtout la sensation d’être un gagnant du loto. Je ne vais pas au bureau, je suis à un niveau de réduction de la contrainte et de l’injonction assez haut, j’écris des choses sur un doc Word qui se transforme en livre et des lecteurs me disent merci. Oui, c’est du travail, oui c’est sérieux, mais en termes de vie, c’est quand même idéal… Pour moi, qui m’en fous un peu de l’argent, des apparts, des frigos remplis et des fringues, écrivain, c’est le meilleur plan de la terre. • Love me, tender, de Constance Debré, à paraître en janvier 2020 aux éditions Flammarion.


R É T R O P R O J E C T E U R

SUPER-VILAINS ET SUPERSTARS LES SUPER-HÉROS TREMBLENT SOUS LEURS CAPES : LONGTEMPS RELÉGUÉS AU SECOND PLAN MALGRÉ LE PLÉBISCITE DU PUBLIC, LES MÉCHANTS SONT AUJOURD’HUI LES HÉROS DE LEURS PROPRES FILMS.

« Les films sur les vilains sont de formidables échappatoires, selon Fiona Murden, professeure de psychologie et auteur du livre Batman and Psychology: A Dark and Stormy Knight. Ils nous font oublier pendant quelques heures nos soucis et la monotonie quotidienne. » Les premiers à l’avoir saisi sont les showrunners des séries américaines. Breaking Bad, Dexter, Bates Motel ou Les Sopranos nous donnaient ainsi des êtres condamnables à aimer, bien avant que l’industrie du cinéma ne décide de les porter à son tour aux nues. « Depuis dix ou quinze ans, le mode de narration dans les séries a évolué. Il ne s’agit plus de créer une histoire par épisode mais de suivre des personnages et leur évolution sur plusieurs saisons », analyse le Dr Keith Johnston, maître de conférences sur les médias à l’université d’East Anglia. Il devenait nécessaire de créer des personnages psychologiquement complexes, de ne plus se contenter du psychopathe clamant sa haine du monde, rire sardonique à l’appui. À une époque où les supports se multiplient, il fallait dépoussiérer, réinventer, surprendre le public. Le tout en limitant les risques. La solution était toute trouvée pour les studios, déjà propriétaires des franchises : il suffisait de déplacer le curseur, de braquer les projecteurs sur des personnages secondaires, déjà identifiés (Joker, Maléfique…), appréciés, mais jamais pleinement exploités. « Nous commencions à être lassés du gentil qui gagne à tous les coups. C’était devenu trop prévisible. Nous sommes aujourd’hui en attente de twist, de perversité, d’excitation dans

« Meilleur est le méchant, meilleur est le film », disait Alfred Hitchcock. Le Festival de Venise l’a bien

compris : lors de la dernière édition, Joker, production Warner consacrée à l’ennemi juré de Batman, décrochait le Lion d’or, la récompense suprême. Une façon de rendre justice à un personnage effrayant et cinglé que le public cite toujours comme ennemi de référence, avec Dark Vador et Hannibal Lecter. Aujourd’hui, plus que jamais, les vilains ont la cote. Outre le film de Todd Phillips, nombreux sont les projets à hisser le mal en haut de l’affiche : Loki, le frère sournois de Thor, aura bientôt sa propre série, Venom 2 est en écriture et Harley Quinn, l’Arlequin psychotique de Suicide Squad, sera l’anti-héroïne de Birds of Prey le 19 février. Même Disney, studio familial ayant pourtant construit son empire sur les princesses et les gentils héros, consacre des blockbusters à la Maléfique de La belle au bois dormant, de retour dans les salles le 16 octobre. « Les méchants sont moins lisses. Prenez par exemple celui de L’inconnu du Nord-Express : il éclipse sans aucun mal son acolyte bien falot. On préférera aussi toujours le capitaine Haddock et son sale caractère à Tintin qui, trop parfait, ennuie et empêche l’identification, commente Caroline Vié, journaliste cinéma à 20 minutes. Les bad guys sont plus flamboyants, dans leurs accoutrements mais aussi en tempérament. » Ils transgressent les codes, dépassent la ligne rouge, défient le système sans se soucier des conséquences.

PAR JULIETTE MORGAN

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POURQUOI EST-IL SI MÉCHANT ? RÉPONSE AVEC JOAQUIN PHOENIX DANS JOKER, DE TODD PHILLIPS.


ANGELINA JOLIE JOUE LES MARÂTRES ENSORCELANTES DANS MALÉFIQUE (2014).

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R É T R O P R O J E C T E U R


« LES LONGUES HEURES PASSÉES DEVANT LES SÉRIES ACTIVENT LES MÊMES MÉCANISMES QUE L’AMITIÉ. DANS LA VRAIE VIE, NOUS FERMONS LES YEUX SUR LES DÉFAUTS DE NOS AMIS. C’EST UN PEU LA MÊME CHOSE AVEC LES HÉROS DE FICTION QUE NOUS SUIVONS »

la fiction. C’est d’autant plus jouissif que nous nous plongeons dans cette noirceur sans culpabiliser car nous savons que tout est faux », analyse Fiona Murden. Les méchants nous permettent en effet d’explorer les tréfonds de l’âme humaine, de nous rassurer sur notre stabilité mentale ou, dans une certaine mesure, de vivre ce que nous nous interdisons. Une dimension cathartique qui accroît notre curiosité au même titre que l’intensité avec laquelle ils sont aujourd’hui écrits et incarnés. Souvent réduits aux répliques expéditives et aux physiques ingrats par le passé, les bad guys ont davantage de contours et de nuances dans les productions actuelles. Gru dans Moi, moche et méchant a finalement le cœur tendre. Dans Breaking Bad, Walter White, atteint d’un cancer, devient dealer de méthamphétamine pour subvenir aux besoins de sa famille après sa mort. Quant à Cersei de Game of Thrones, sa cruauté s’accentue après l’assassinat de ses enfants et son humiliation en place publique. « Ils font tous des mauvais choix, immoraux et illégaux, mais leurs motivations sont difficilement condamnables. Elles sont du moins compréhensibles et peuvent inciter à l’empathie. D’ailleurs, plus vous apprenez à les connaître, plus vous les aimez », conclut Fiona Murden. Margrethe Bruun Vaage, maître de conférences à l’université de Kent, acquiesce : « Les longues heures passées devant les séries activent les mêmes mécanismes que l’amitié. Dans la vraie vie, nous fermons les yeux sur les défauts de nos amis

car nous partageons beaucoup avec eux. C’est un peu la même chose avec les héros de fiction que nous suivons. Bien sûr, nous ne pardonnons pas leurs actes mais nous sommes malgré tout avec eux. Par ailleurs, nous avons tous quelque chose à nous reprocher et il peut être rassurant de voir quelqu’un de plus condamnable que nous à l’écran. » Plus l’ennemi sera complexe, retors, intelligent, plus le héros en tirera par ailleurs profit. Apothéose totale quand, par exemple, le lieutenant Aldo Raine finit par manipuler le nazi sadique Hans Landa au terme d’une partie d’échecs des plus tendues dans Inglourious Basterds. « De tout temps, dans les mythes, les légendes et les contes, nous avons besoin de héros qui s’élèvent, surmontent de grands dangers et viennent à bout de géants. Sans supercriminels, les plus grands héros apparaissent comme des brutes surpuissantes qui pincent des voyous de bas étage, indignes de leurs pouvoirs. » En d’autres termes : l’image du héros est d’autant plus flatteuse que le combat est acharné. Si tant est qu’il existe. Batman n’est pas plus présent dans Joker qu’il n’affrontera Harley Quinn dans Birds of Prey. Longtemps tapis dans l’ombre, les super-vilains auraient-ils fini par évincer les défenseurs du bien ? Réponse lors de la prochaine cérémonie des Oscars où le film événement avec Joaquin Phoenix part déjà grand favori. • Joker, de Todd Phillips, en salles le 9 octobre. Birds of Prey, de Cathy Yan, en salles le 19 février 2020. Maléfique : le pouvoir du mal, en salles le 16 octobre.


L E S

C O P A I N S

D ’ A B O R D

« JE SUIS CONTENT DE VIEILLIR » YVAN ATTAL EST COMME NOUS TOUS : PASSÉ LA CINQUANTAINE, IL REMET EN QUESTION SES CHOIX DE VIE, SA CARRIÈRE, SON COUPLE, SA PERSONNE MÊME. ÇA TOMBE BIEN, LA CRISE DE LA CINQUANTAINE EST LE THÈME DE SON NOUVEAU FILM, MON CHIEN STUPIDE, ADAPTÉ D’UN ROMAN DE JOHN FANTE. LA BONNE NOUVELLE, C’EST QUE LORSQUE NOUS L’AVONS RENCONTRÉ, IL ÉTAIT DE BONNE HUMEUR. IL A DONC PLUTÔT BIEN PRIS CETTE CONVERSATION AUTOUR DE L’ÂGE, DU TEMPS QUI PASSE, DE LA VIE QUI CHANGE. ET C’EST TANT MIEUX.

Lui  : Que

raconte votre nouveau film ? l’histoire d’un homme qui a eu du succès dans sa vie d’écrivain et qui, aujourd’hui, est un peu looser. Il attribue toutes ses fautes à sa famille, parce qu’il a l’impression de lui avoir tout donné. Il y a 20 ans, Claude Berri m’avait proposé d’en faire un film mais j’étais passé à côté du livre de John Fante, My Dog Stupid. Je ne pouvais pas le comprendre, car pas assez vieux à l’époque ! Il y a deux ans, le producteur Vincent Roget m’a proposé de le lire à nouveau. Et cette fois-ci, j’ai tout compris ! Lui  : Ce film est donc une sorte d’autobiographie ? YA  : J’avais envie de parler de moi à travers ce film… Mon personnage a la cinquantaine, vit avec la même femme depuis 25 ans, avec qui il a trois enfants. Comment ne pas m’identifier à ce mec ? C’est difficile de vivre avec les gens, même avec ses propres enfants que l’on aime par-dessus tout. Parfois, on n’en peut plus… Et quand les enfants sont ados, on peut les détester plus que tout. Ils ont les cheveux gras, ils puent, fument des pétards et ne sont plus aussi mignons que quand ils étaient enfants. Mais il faut attendre. J’ai déjà l’expérience de mon aîné, qui en est sorti. Il est redevenu beau, mais il m’a tellement fait chier à l’adolescence ! Lui  : Vous aussi, vous avez eu envie de tout plaquer à l’approche de la cinquantaine ? YA  : 1 000 fois ! J’ai basculé dans un autre monde, auquel que je n’étais pas préparé et c’est là qu’arrive le bilan. Qu’ai-je fait de ma vie ? Étaient-ce les bons choix ? Ai-je encore le temps pour faire des choses futiles mais qui me rendront vivant ? Lui  : Qu’est-ce qui vous “rend vivant” à 50 ans ? YA  : Faire des films. Un film, c’est deux ans d’une vie. Combien m’en reste-t-il à réaliser ? C’est un peu comme quand on compte les étés qu’il nous reste… Je remarque que cette envie de bosser est

assez nouvelle pour moi. Quand je pense aux films que j’ai refusés tels que Taxi ou La Vérité si je mens, je réalise que j’ai mené ma carrière en dilettante. Et je le regrette un peu aujourd’hui. Le cinéma est un métier de jeune, je m’en rends compte quand ma scénariste me sort des mots incompréhensibles. Le monde avance et je ne suis plus forcément connecté avec cette nouvelle génération. Lui  : Le passage de la cinquantaine a-t-il été difficile ? YA  : En réalité, non. J’ai plus d’expérience, je me connais mieux. Je m’emmerde avec moins de choses qu’avant et je gueule beaucoup moins. Je fais beaucoup plus attention à moi, sûrement parce que j’aime davantage l’homme que je suis maintenant qu’à 30 ans. Je suis content de vieillir. En revanche, si on me proposait de tout changer physiquement, je le ferais. Lui  : Et les points négatifs ? YA  : Les gens autour de moi tombent malades, j’ai du mal à récupérer après une nuit trop arrosée et le regard des jeunes femmes me rappelle que je n’ai plus 20 ans, même si je les ai dans ma tête. Mais, même pour tout l’or du monde, je ne retournerais pas à mes 20 ans. Je suis moins effrayé par plein de choses. Lui  : Par quoi étiez-vous effrayé ? YA  : Je me suis toujours senti coupable. J’ai suivi des cours de théâtre avec des gens talentueux et qui n’ont pas eu ma chance. Pourquoi ai-je réussi à en faire mon métier et pas eux ? Cette culpabilité a entraîné de l’hypocondrie : comme j’étais coupable, je devais payer par la maladie. Aujourd’hui, je vais mieux ! J’ai arrêté les prises de sang chaque semaine, les IRM tous les mois et je ne m’endors plus en prenant mon pouls ! Lui  : Alors tout va bien ! YA  : Ah non ! J’ai repris la cigarette comme chaque été, je bois trop de vin et j’ai grossi ! Je suis un bon →

Yvan Attal  : C’est

PAR JOSÉPHINE SIMON-MICHEL - PHOTOS MARIN LABORNE

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vivant mais boire tous les jours, ce n’est pas vraiment ce qui me fait du bien… Lui  : Menez-vous une vie plus saine à New York ? YA  : Qu’est-ce que c’est chiant l’Amérique ! J’étouffe à cause des échafaudages à chaque coin de rue, je n’ai pas le droit de fumer en terrasse et les Américains ont des principes sur tout. L’Amérique, c’est bien quand on a 20 ans. Pas pour un vieux monsieur comme moi, qui aime le calme… Ma ville, c’est Paris. Lui  : Votre personnage rêve d’une Porsche, alors que l’on vous a vu arriver à trottinette… YA  : Moi qui ai toujours rêvé d’être Steve McQueen en Porsche, je me retrouve à trottinette électrique dans Paris. Je roule sans casque et sur les trottoirs ! Les piétons m’engueulent… Je m’en fous. Quand je vois mes potes coincés dans les embouteillages, je réalise que je m’encombre moins dans la vie. Lui  : Dans le film, votre femme Charlotte Gainsbourg mélange les antidépresseurs au vin blanc… C’est un mélange que vous connaissez ? YA  : Je connais beaucoup de gens qui mélangent les deux ! J’ai eu la force de sortir de mes soucis sans avoir eu recours aux antidépresseurs. Et pourtant, ils étaient à côté de mon lit ! Mais en lisant la liste des effets secondaires, j’ai pris peur… J’ai une nature solide, mais j’ai surtout eu la chance d’avoir des parents qui m’ont bien structuré, contrairement à moi avec mes enfants. Mon enfance a été bien plus cadrée que la leur. Lui  : Vous regrettez de ne pas avoir été assez présent pour eux ? YA  : J’ai souvent été absent pour les besoins de mes films et, depuis que Charlotte est partie vivre à New York, je vois beaucoup moins souvent mes filles. Lorsque l’on vit avec la même femme depuis 28 ans, on pourrait penser que l’éloignement a du bon. Le quotidien ne m’a jamais fait peur, ça soude. En revanche, je vis beaucoup moins bien l’éloignement. Loin des yeux, loin du cœur… Lui  : Il n’y a pas beaucoup de couples qui peuvent revendiquer 28 ans de vie commune ! YA  : Vous pensez que je mérite une médaille ? (Rires) Entre Charlotte et moi, il y a forcément de l’amour inconditionnel. Mais ce n’est pas cet amour que l’on remet en question. Lui  : Votre fils aîné joue dans votre film. Comment ça s’est passé ? YA  : Tourner avec Ben a été une expérience extraordinaire. Je l’ai découvert sérieux, responsable et sans problème pour se réveiller le matin ! Quelle fierté. Je l’ai trouvé très beau devant ma caméra et j’ai réalisé à quel point

je l’aimais. Il veut devenir cuisinier mais je ne serais pas étonné qu’il continue le cinéma. Quant à Charlotte, je n’ai jamais réellement écrit spécialement pour elle. Mais un jour, je le ferai. Lui  : Pourquoi avez-vous arrêté de doubler la voix de Tom Cruise ? YA  : C’est sympa de regarder travailler l’acteur que l’on double mais, pour être honnête, c’était surtout intéressant financièrement. À la fin, je demandais trop d’argent dans l’espoir que la production arrête notre collaboration ! J’ai découvert un monde schizophrène. À la machine à café, je reconnaissais Sylvester Stallone, Bruce Willis… Quand on prête sa voix à quelqu’un, il y a forcément une identification à cette personne. J’ai doublé une scène dans laquelle Tom Cruise était torse nu sur un lit avec Nicole Kidman et, pendant une seconde, j’ai vraiment cru que j’étais hyper bien foutu ! (Rires) Lui  : Vous avez des potes dans le cinéma ? YA  : J’entretiens une belle amitié avec certains mais les vrais amis, ceux que je connais depuis 40 ans, sont avocats, médecins, commerçants, artistes, voire glandeurs ! Lui  : Quel genre de cinéma aimez-vous ? YA  : Il n’y a pas mieux que le cinéma américain des années 1970-1980. C’était des films qui racontaient des histoires sans aucune prétention. Je déteste cette appellation contrôlée de cinéma d’auteur. Je ne sais pas ce que c’est qu’un auteur au cinéma. Pourquoi certains considèrent qu’ils le sont et d’autres non ? Il faudrait que l’on m’explique… Certes, il y a des metteurs en scène plus sérieux que d’autres, mais je trouve que cette appellation est assez sectaire et ça empêche de voir des films de manière sincère et spontanée. Les comédies sont souvent dépréciées alors que c’est le genre le plus difficile à réaliser ! Il n’y a rien de méprisant à vouloir faire rire les gens. D’ailleurs, les grands films sont ceux qui réconcilient les cinéphiles et le public. Lui  : Le cinéma a-t-il toujours eu la même place dans votre vie ? YA  : Pendant quelques années, le cinéma ne m’intéressait plus du tout. Un vrai burn-out, sans en connaître réellement les raisons. Pendant cette période, j’ai continué à tourner dans des films, juste pour alimenter mon compte en banque. Je rêvais de trouver un autre métier ! Et puis on a fini par se réconcilier. •

Mon chien stupide, d’Yvan Attal, en salles le 30 octobre.


 M E S

S Œ U R S

« ON PEUT AIMER CÉLINE DION » DIFFICILE DE PENSER AU DUO BEKHTI-NAKACHE SANS LES ENTENDRE CHANTER VÉRONIQUE SANSON À TUE-TÊTE DANS LES COULOIRS DU MÉTRO. DIX ANS APRÈS TOUT CE QUI BRILLE, LES DEUX FEMMES NOUS METTENT CETTE FOIS CÉLINE DION DANS LA TÊTE AVEC J’IRAI OÙ TU IRAS, RÉALISÉ PAR GÉRALDINE NAKACHE, DANS LEQUEL ELLES INCARNENT DES SŒURS QUE TOUT SÉPARE. DES RÔLES DE COMPOSITION, ÉVIDEMMENT, QUI DONNENT POURTANT CORPS AU LIEN BIEN RÉEL QUI LES UNIT DANS LA VRAIE VIE.

Dans J’irai où tu iras, Géraldine Nakache a imaginé son personnage et celui de Leïla Bekhti liés par le sang. Par rien d’autre. L’actrice et réalisatrice, qui signe son troisième film, après Tout ce qui brille et Nous York, enfile les robes à paillettes de Vali, une chanteuse de bal et de mariage qui rêve de devenir choriste pour Céline Dion. Leïla Bekhti est Mina, thérapeute un brin bouledogue, qui a verrouillé tous les accès pour ne pas souffrir. Elles devront faire route ensemble, sous la contrainte. Rien à voir avec leurs interprètes qui, elles, se sont bel et bien choisies depuis leur rencontre il y a treize ans sur le plateau de La Grosse émission.

GN  : Et

moi, je suis carrément ravie de la crèche ! la première lecture, je pensais d’ailleurs qu’elle me voulait pour l’autre rôle… Et là, Twitter va se déchaîner en pensant que j’insinue que Géraldine est antipathique dans la vie. GN  : Non mais je suis plus sauvage, moins entourante, plus solitaire. Leïla est dans la parole, très tactile, chaleureuse. Mais, justement, l’idée était d’aller où on ne nous attendait pas, de faire ce qu’on ne nous propose pas forcément ailleurs. Lui  : Géraldine, dans le film, vous jouez une chanteuse fan de Céline Dion. On se souvient de la reprise de Véronique Sanson dans Tout ce qui brille… Une passion commune pour la variété française semble vous unir. LB  : Pour les play-back dans les salles de bains, surtout ! (Rires) GN  : Ma mère m’a dit que quand j’étais petite, j’étais toujours collée à la scène pendant les bar mitsvah. J’admirais ces chanteurs et ces chanteuses qui croient à fond en ce qu’ils font et je voulais leur rendre hommage. Je vois la même croyance chez eux que chez Céline Dion qui, partie de son bled paumé au Québec, est devenue une star internationale. Et puis, je ne supporte pas le mépris pour la variété. Pourquoi serait-elle moins honorable que le reste si elle rend les gens heureux ? On peut aimer Céline Dion mais aussi les Strokes et Camille, comme c’est mon cas. LB  : Ou X-Men, Larusso et Diam’s. Nous sommes de la génération Charlie et Lulu après tout ! Moi, toutes les musiques peuvent me mettre en transe. Quand j’étais petite et que j’écoutais des chansons hyper tristes, j’étais tellement transportée que j’espérais vivre les histoires qu’elles racontaient. LB  : À

Lui  : Géraldine, c’est votre premier film réalisé en solo. Avoir Leïla à vos côtés vous rassurait ? Géraldine Nakache  : Tellement ! Il y avait un endroit extrêmement fragile pour moi sur ce tournage, à cause du spectre de Tout ce qui brille et parce que je n’avais pas réalisé depuis Nous York, en 2012. Les yeux de Leïla m’ont permis de me surpasser. Elle a tellement foi en moi que ça me jette en l’air à chaque fois ! Quand je doutais, je me disais : “Si tu ne le fais pas pour toi, fais-le pour elle.” J’ai écrit et pensé ce film pour elle. J’irai où tu iras est né d’une volonté de la diriger à nouveau, de lui donner la réplique. L’idée de la sororité s’est imposée naturellement : Leïla est la sœur que je n’ai jamais eue, celle que je me suis choisie. Il s’est passé quelque chose de quasi chimique entre nous, de rare, d’inexplicable. Lui  : À quel point votre relation et ce que vous êtes dans la vie ont-ils nourri le scénario ? Leïla Bekhti  : Assez peu, j’espère. Je suis très en colère, limite antipathique dans le film !

PAR JULIETTE MORGAN - PHOTOS ARNO LAM

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« J’ESPÈRE UN JOUR OFFRIR UN RÔLE À GÉRALDINE, C’EST UNE GRANDE ACTRICE »

GN  : J’adore

la liesse que provoque la musique, la façon dont elle fédère des gens si différents, un peu comme le foot. J’envie presque ce truc qui n’arrivera jamais avec un film ou une peinture… Je vois mal les gens scander “Picasso ! Picasso !” au musée. Lui  : On parle souvent de concurrence entre les actrices. Existe-t-elle vraiment et, si oui, comment la gère-t-on entre amies ? LB  : Je ne l’ai jamais ressentie. Avec Géraldine, on se consulte, on s’échange des scénarios… Et si un jour nous devions participer au même casting, je plains le réalisateur, car nous inciterions chacune de notre côté à prendre l’autre ! GN  : La rivalité entre actrices est à mon sens une vieille légende. Je ne la ressens pas du tout avec les femmes de ma génération. Pas mal d’entre nous produisent, réalisent, écrivent : être à l’initiative de projets change sans doute la donne. Et puis, quand tu aimes le cinéma, tu aimes les personnages et les actrices qui les incarnent. Je reste spectatrice avant d’être actrice. Quand j’ai vu Adèle [Exarchopoulos, ndlr] dans Sibyl, j’étais scotchée. Ce qu’elle y fait, personne d’autre n’aurait pu le faire. J’étais tellement fière que cette grande actrice soit notre amie. Je ne veux pas ses rôles, je veux jouer avec elle ! LB  : Nous avons beaucoup d’amies actrices et jamais il n’est question de jalousie. Peut-être parce que nous sommes aussi liées par la vie. Ou parce que j’ai l’admiration facile. J’écris en ce moment et, si Géraldine n’était pas mon amie, j’aimerais qu’elle soit consultante sur mes scénarios. Elle est l’une de mes auteurs de comédie préférés. Elle ne rit pas des autres et s’autorise aussi le droit d’émouvoir, de ne pas chercher l’efficacité à tout prix. C’est très rare au cinéma et c’est aussi la raison pour laquelle j’ai adoré faire Le Grand Bain avec Gilles Lellouche, pour cet équilibre entre le rire et l’émotion. GN  : Je t’ai tellement kiffée dans ce film ! Tu n’étais

plus Leïla ! Elle a conservé cette faculté à puer la vérité, son instinct de malade, mais elle a aussi plus d’expérience, de technique. Je n’en ai d’ailleurs pas fini avec elle. Elle est ma Diane Keaton… Non que je me prenne pour Woody Allen ! Lui  : Osez-vous tout vous dire ? Même quand l’autre est dans un mauvais film ? LB  : Nous sommes très différentes, mais ni elle ni moi ne sommes susceptibles dans le travail. Il m’est arrivé de trouver qu’un film avec Géraldine n’était pas génial et je ne lui ai pas menti. Je ne sais pas faire de toute façon ! Et inversement : elle me dit quand je me plante, quand je tombe dans des écueils. Tu ne peux te permettre cela qu’avec tes très proches. Souvent, les gens nous demandent si nous nous disputons. Eh bien, non : on n’est pas des bisounours, mais on se dit les choses très franchement sans qu’elles ne fâchent. Notre relation est saine et n’a rien d’exclusif. Géraldine a ses amis, j’ai les miens, on se connaît tous, mais on ne traîne pas tant que ça l’une avec l’autre. Cet été, nous sommes parties en vacances ensemble, en famille. Mais il n’y a aucune obligation de le faire chaque année. GN  : Comme entre frangines ! Lui  : Leïla, vous écrivez. Est-ce pour Géraldine ? Et seriez-vous également prête à réaliser ? LB  : Prête, c’est un grand mot… Mais j’espère un jour offrir un rôle à Géraldine. Non que je me sente redevable ou contrainte par notre amitié. J’écris pour elle parce que c’est une grande actrice. Quant à réaliser ce film, je ne sais pas. Je consulterais d’abord mes “bienveillants” pour qu’ils me disent si ça vaut le coup. GN  : Elle doute beaucoup… LB  : De toute façon, ce n’est pas pour tout de suite. Je tourne la série de Damien Chazelle, The Eddy, et j’ai encore besoin d’aller à l’école Géraldine Nakache pour apprendre. • J’irai où tu iras, de Géraldine Nakache, en salles le 2 octobre 2019.


E N Q U Ê T E

UN MONSTRE À PARIS LA MORT DU MILLIARDAIRE AMÉRICAIN JEFFREY EPSTEIN, LE 10 AOÛT DERNIER, A PRIVÉ SES NOMBREUSES VICTIMES D’UNE JUSTICE DÉJÀ BIEN LENTE À VENIR. EN PLUS, DE NOUVEAUX ÉLÉMENTS DE L’ENQUÊTE LIENT L’HOMME D’AFFAIRES AUX PUISSANTS ET… À LA FRANCE. QUE FAISAIT-IL À PARIS ? QUI ÉTAIT-IL ? QUELS ÉTAIENT SES RÉSEAUX ? L’ENQUÊTE DE LUI RÉVÈLE SURTOUT L’OMERTA QUI RÈGNE SUR LE MILIEU DES PERVERS AUX POCHES BOURRÉES DE BILLETS. PAR BRUNO GODARD

sociale et salariale. Et puis, pour eux, la France est une destination exotique, où ils ont envie de bien manger, bien boire et rien de plus. » Selon nos informations, Jeffrey Epstein n’avait qu’une seule société immatriculée en France. Dénommée JEP et inscrite au Registre du commerce et des sociétés le 10 avril 2002, cette société civile immobilière gérait la demeure parisienne du multimillionnaire, située au 22 de l’avenue Foch, à deux pas de l’Arc de Triomphe. Un appartement qui, depuis que l’affaire a éclaté, est l’objet de tous les fantasmes. On a d’abord parlé d’un ensemble de 2 200 m2, puis de 1 000 et enfin de 800 m2. Mais, d’après les agents immobiliers que nous avons interrogés, l’appartement ne ferait « que » 550 m2 et vaudrait entre 8,5 et 10 millions d’euros. Avant cet achat, effectué en avril 2002, le financier aurait eu l’habitude de descendre le plus souvent au Bristol. Comme il venait de plus en plus régulièrement à Paris, il aurait décidé de s’y offrir cette résidence dont il a confié l’intérieur au décorateur Alberto Pinto. L’homme, connu pour avoir redécoré les appartements privés de l’Élysée sous la présidence de Jacques Chirac, est décédé en novembre 2012. Il a aussi rénové de nombreuses résidences appartenant aux plus grandes fortunes du monde, qui faisaient appel à lui pour sa fameuse « Pinto Touch », faite de luxe et de raffinement à la française.

Personne ne l’a jamais vu. Depuis que le nom de Jeffrey Epstein est devenu le symbole de l’ignominie absolue, le Tout-Paris est devenu totalement amnésique.

Au fil de notre enquête, nous avons téléphoné à tous les lieux chics que compte la capitale. Entre le classique « Nous ne communiquons jamais sur le nom de nos clients », l’agacé « Je ne sais pas de qui vous parlez » ou le fleuri « Arrêtez de nous emmerder avec ça, c’est le troisième coup de fil aujourd’hui », aucun restaurant chic, palace ou boîte de nuit n’a jamais vu Jeffrey Epstein. À croire que le financier américain ne mettait jamais le nez dehors quand il venait à Paris. Un ancien directeur d’un club de strip-tease haut de gamme situé dans le 17e arrondissement se souvient tout de même l’avoir eu comme client régulier entre 2015 et 2017 : « Il venait seul, souvent tard, vers 3 h 30 du matin. Je ne connaissais pas son nom, mais je me souviens de lui car je le trouvais triste et déprimé. Il buvait deux coupes de champagne et repartait, sans avoir parlé à personne. Son chauffeur l’attendait devant la porte et il repartait au bout d’une demi-heure. » Côté business, rien de concret non plus. « Il faut comprendre que, pour un businessman américain comme Epstein, la France est presque considérée comme un pays communiste, explique un banquier d’affaires qui a travaillé dans la branche française d’une prestigieuse banque américaine. Ils ont peur d’y investir car ils ne comprennent pas notre politique

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©  FRA N Ç O I S M O R I /A P P H OTO S . ©   N EW YO R K STATE S EX O FFEN D ER R EG I STERY.


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« LES FILLES ÉTAIENT AMADOUÉES, DORLOTÉES, VALORISÉES, DROGUÉES OU SAOULÉES AVANT D’ÊTRE VIOLÉES. ALORS ELLES CULPABILISENT ET ONT DU MAL À PARLER »

tableaux ou des éléments de décoration pouvaient permettre de valider certains témoignages, ils n’étaient déjà plus là. » Et comme, d’après de nombreux témoignages recueillis par la justice, c’est le plus souvent quand il était seul que les jeunes filles qu’il avait attirées dans ses filets faisaient l’objet d’agressions sexuelles, les preuves seront difficiles à établir. Comme souvent dans les affaires de viols ou d’agressions sexuelles, c’est bien ce qui rendra difficile l’enquête ouverte en France : pas de témoin, pas de certificat médical à la suite des viols ; ce sera la parole des victimes contre un coupable mort. « Dans ce type d’affaire, les victimes ont du mal à parler, explique un policier. Car on n’est pas dans un viol classique, avec un crime clairement identifié. Là, c’est plus pervers. Les filles étaient amadouées, d’abord dorlotées, valorisées, droguées ou saoulées avant d’être violées, sans coups. Alors elles culpabilisent de ne pas être parties avant et ont du mal à parler. » Avec la mort du financier, il ne pourra pas y avoir de débat contradictoire et il faudra alors se tourner vers les éventuels complices de Jeffrey Epstein, au premier rang desquels figure la sulfureuse Ghislaine Maxwell. La fille du magnat Robert Maxwell – décédé en 1991 à la suite d’une chute de son yacht – a rencontré le financier en 1993. Elle en serait tombée folle amoureuse et l’aurait, selon de nombreux témoignages, accompagné dans sa perversion, lui fournissant des jeunes filles, n’hésitant pas à participer aux orgies sexuelles. Ghislaine Maxwell aurait aussi introduit son compagnon dans son milieu mondain, en échange d’un train de vie fastueux. À New York, à Londres mais aussi à Paris, où, dans les années 1990, elle était connue comme le loup blanc dans le milieu de la nuit. « De la fin des années 1990 à 2005, elle s’incrustait dans les soirées de charité parisiennes, poursuit le banquier d’affaires que nous avons interrogé. Des soirées où l’on pouvait croiser de jeunes

Au 22, avenue Foch, Jeffrey Epstein recevait du beau monde : selon les propos du majordome parisien de l’homme d’affaires, recueillis par France Info le 30 août dernier, des hommes d’affaires internationaux, des puissants du monde entier, mais aussi des ministres français auraient été conviés à des déjeuners ou à des dîners. Jack Lang, le prince Andrew, l’ancien Premier ministre d’Israël Ehud Barak… la liste brille de 1 000 feux. Plus récemment, Steve Bannon, l’ancien conseiller de Donald Trump, aurait été invité à plusieurs reprises lors de son séjour parisien, en octobre 2018. Mais, d’après l’employé de Jeffrey Epstein, ces agapes n’avaient rien d’orgiaques et, lorsque des jeunes femmes étaient présentes dans l’appartement, elles restaient discrètes, enfermées dans la cuisine dès que les invités arrivaient. Le multimillionnaire cloisonnait ses deux vies : d’un côté l’homme d’affaires respectable, de l’autre le pervers polymorphe, qui affirmait avoir besoin de trois orgasmes par jour pour se sentir bien. Une organisation qui arrange bien tous ceux qui ont fréquenté la résidence parisienne de l’Américain. Selon nos informations, Jeffrey Epstein passait le plus clair de ses séjours parisiens enfermé dans son bureau, où il gérait ses affaires à distance. Deux jours avant sa mort, le multimillionnaire aurait transféré tous ses avoirs au sein du Trust 1953, une entité juridique censée protéger sa fortune et surtout, pour l’instant, le nom de ses héritiers. Jeffrey Epstein avait un frère, Mark, mais celui-ci a complètement disparu des radars. L’appartement de l’avenue Foch est toujours gardé par le personnel de Jeffrey Epstein et la police ne l’a perquisitionné que le 23 septembre, pendant près de 13 heures, mais plus de deux mois après l’arrestation du milliardaire. « Il est à craindre que, si des éléments existaient, ils ont pu être nettoyés avant la perquisition, explique une source policière proche du dossier. Et si des

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mannequins, majeures, mais tout de même assez jeunes. Et elle n’hésitait pas à leur proposer de partir finir la soirée ailleurs. Pour faire quoi, je l’ignore… » Virginia Roberts Giuffre, la principale accusatrice d’Epstein aux États-Unis, a précisé aux enquêteurs américains qu’elle a été abordée en 1999 (elle était âgée de 16 ans, ndlr) par Ghislaine Maxwell, alors qu’elle était employée à Mar-a-Largo, le club très select de Floride qui appartient à Donald Trump. Elle serait très vite devenue, pour trois longues années d’horreur, « l’esclave sexuelle du couple Einstein/Maxwell », selon sa propre expression. Quand Jeffrey Epstein est arrêté en 2008, Ghislaine Maxwell s’éloigne progressivement de son ancien amant. En 2015, elle aurait vendu sa maison de Manhattan pour près de 12 millions d’euros (une maison offerte par Jeffrey Epstein dans les années 1990, ndlr). À Paris, personne ne se souvient de l’avoir vue au cours des cinq dernières années, alors qu’une de ses sœurs vit toujours en banlieue. Décidément, dans ce dossier, beaucoup ont la mémoire qui flanche. Depuis l’arrestation et la mort d’Epstein, elle a été filmée dans un fast-food de Los Angeles, le 16 août dernier. Depuis, plus rien. Encore une disparue. En France, les enquêteurs pourraient s’intéresser surtout à Jean-Luc Brunel. En cette fin septembre, l’homme, âgé de 74 ans, semble introuvable. Et, pour l’instant, aucune convocation officielle de la police ne lui a été adressée. Ce fêtard invétéré n’est pas un inconnu dans le petit milieu de la mode, loin de là. Cofondateur de l’agence Karin Models en 1976 – une agence qu’il a revendue il y a plus de 25 ans –, il a déjà fait l’objet de soupçons d’agressions sexuelles au début des années 1980, accusé par de jeunes mannequins qu’il recrutait pour son agence. L’homme, noctambule frénétique, connaît bien le monde

des nuits parisiennes et rencontre Jeffrey Epstein en 2000. Quatre ans plus tard, en 2004, il monte, avec l’aide financière du millionnaire américain, l’agence MC2. Selon plusieurs jeunes femmes qui ont témoigné devant la justice américaine lors d’une première enquête ouverte en 2006 aux États-Unis, cette société aurait servi de vitrine pour attirer des filles, qui étaient ensuite présentées à Epstein. Ce que Jean-Luc Brunel a toujours réfuté. Pendant les quelques mois de son incarcération, en 2008 (une peine très aménagée puisque Jeffrey Epstein pouvait se rendre à son bureau six jours sur sept, ndlr), le millionnaire aurait reçu la visite du Français à plusieurs reprises. Mais, au fil des années, leurs relations se seraient détériorées. Selon Mediapart, Jean-Luc Brunel aurait même porté plainte contre Jeffrey Epstein en 2014, arguant que la réputation de ce dernier aurait fait perdre plusieurs millions de dollars à son agence. Depuis cette date, on ne sait pas vraiment ce qu’est devenu Jean-Luc Brunel. Les journalistes du monde entier sont à ses trousses : on l’a dit au Brésil, caché dans la propriété d’un de ses riches amis. Selon nos informations, il aurait été aperçu à Paris, à la Coupole – une célèbre brasserie de Montparnasse –, autour du 15 août. En France, une enquête sur les crimes que Jeffrey Epstein aurait pu commettre dans le pays a été ouverte le 23 août dernier pour viols, viols sur mineurs, agressions sexuelles sur mineurs et associations de malfaiteurs. Selon une source proche du dossier, les policiers ont entendu plusieurs femmes qui affirment avoir été victimes. Dans ces témoignages très circonstanciés, d’après cette même source, le nom de Jean-Luc Brunel apparaît plusieurs fois : « Epstein mort, il sera l’une des clés pour découvrir les ramifications de cette sordide affaire dans notre pays », précise un policier. •


T É M O I G N A G E S

LE CYCLOPE AUX PIEDS D’ARGILE LA PÉNOPLASTIE EST UNE INTERVENTION QUI MODIFIE L’APPARENCE DU SEXE MASCULIN. ELLE EST DE PLUS EN PLUS FRÉQUENTE ET TOUT AUSSI TABOUE. NOUS AVONS MENÉ NOTRE ENQUÊTE AUPRÈS DES CHIRURGIENS ESTHÉTIQUES QUI LA PRATIQUENT ET DES HOMMES QUI ONT EU LE COURAGE DE PARLER DE LEUR OPÉRATION, QU’ILS L’AIENT FAITE POUR LE FUN OU POUR CHANGER DE VIE. CAR L’HOMME EST AINSI FAIT QU’IL LUI SUFFIT PARFOIS DE QUELQUES CENTIMÈTRES EN PLUS ENTRE LES JAMBES POUR GUÉRIR SON CERVEAU.

ou de loin à la piscine. Ne tournons pas autour du pot : il faut en avoir dans le slip. Une seule réflexion, un rire ou un regard moqueur et c’est un coup de machette pour l’ego. Surtout s’ils viennent de femmes. C’est ce qui est arrivé à ce sexagénaire, venu consulter le docteur Seknadje. Son complexe remonte à ses 20 ans : en pleine séance au cinéma, sa petite amie lui a touché le sexe et s’est moquée de lui. Depuis, l’homme n’a jamais pu avoir de relation sexuelle. Et pourtant, selon le docteur, son sexe est de taille « normale ». Et qu’en pensent les femmes, d’ailleurs ? Une verge opérée est-elle esthétiquement belle ? Le plaisir est-il vraiment plus intense ? Pour Geneviève, l’excitation de la découverte du nouveau pénis de son compagnon est retombée comme un soufflé : « Pendant deux mois, son sexe a ressemblé à un rouleau de printemps. Quel fou rire ! Je n’arrivais même pas à poser ma main dessus. En revanche, une fois l’œdème résorbé, la largeur gagnée par la graisse n’est pas négligeable. Après, je reste persuadée qu’un homme qui a envie de donner du plaisir à sa partenaire, peu importe la taille, est un meilleur coup qu’un narcissique avec un sexe de Rocco Siffredi. » C’est noté. Pierre a été opéré il y a onze ans et, depuis, ce quinquagénaire d’1,82 m et 83 kg, père de trois enfants, se sent plus fort. « Voilà, j’ai un truc en plus que les autres hommes. Quand je pense à ce que j’ai maintenant entre les jambes,

Pourquoi la pénoplastie est-elle encore si honteuse ? Pour le docteur Rausky, nous avons 30 ans de retard sur la chirurgie esthétique des organes génitaux :

« Dans nos esprits, la taille de la verge est malheureusement encore liée à la performance ou au plaisir donné à son partenaire. Et pourtant, ce n’est pas le cas. » Faut-il le répéter ? Quand un homme a-t-il eu pour la première fois l’idée saugrenue de mesurer son sexe et de le comparer à la moyenne nationale, d’environ 14 cm en érection ? Le développement du porno a biaisé les rapports humains et la société veut nous imposer une conception standardisée des corps. C’est un état de fait, dans la tête de beaucoup : la virilité d’un homme est proportionnelle à la taille de son sexe. Plus il est gros, plus il se sent fort, gonflé à bloc par l’afflux de sa testostérone. Alors, quand la taille n’est pas au rendez-vous, la vie quotidienne peut devenir compliquée. L’un des patients du docteur Paul Seknadje, chirurgien esthétique et plasticien, était un soldat des Forces spéciales : « Il partait en stage commando et savait qu’il allait se retrouver nu devant son équipe. Son sexe était déjà très conséquent mais il a voulu l’augmenter pour avoir encore plus d’autorité auprès de son équipe. » Une plus grosse verge inspirerait donc plus de respect ? Même s’il est difficile de parler de catégorie sociologique des patients, le docteur confie recevoir un certain nombre de sportifs, de policiers et tous ceux qui vont de près

PAR JOSÉPHINE SIMON-MICHEL - PHOTOS SERGE PAULET

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À LA DEMANDE DU PATIENT, UN PETIT LIFTING DU SCROTUM EST ENVISAGEABLE, POUR RETENDRE L’ENVELOPPE CONTENANT LES TESTICULES

j’en souris de contentement. » Il dit s’être fait opérer « juste pour le fun », sans en avoir parlé en amont à son épouse : « J’avais envie de plus de sensations pour nous deux. Je suis très porté sur la chose et avec ma femme, nous adorons faire l’amour avec des accessoires qui, parfois, me faisaient un peu honte… » Son opération est même devenue, selon lui, un remède contre l’adultère : « Depuis, je suis très fier de mon sexe et ma femme en est pleinement satisfaite. Notre couple est intact. C’est juste une histoire d’ego. Je reste persuadé que les femmes préfèrent les hommes bien équipés. » Après cette opération, il se sent plus viril et s’affirme – car l’enjeu est aussi là – prêt à affronter les standards du porno : « Le plus probant, c’est le diamètre. Je ne fais plus le tour avec l’index et le pouce. » Au point que sa femme ressente quelques craintes : « Au début, je n’arrivais pas à lui faire l’amour. Ça faisait un peu trompe d’éléphant tellement c’était gonflé et violacé. Mais, au bout de deux mois, la graisse accumulée suite à l’opération s’est résorbée. Et maintenant tout va bien, j’ai des érections comme si j’avais 20 ans et ma compagne est aux anges. » D’accord. Mais la pénoplastie, concrètement, c’est quoi ? Il existe différents modes opératoires : si le frein est trop court, le médecin le sectionne et entreprend une circoncision, ce qui permet de gagner quelques centimètres en donnant plus de liberté au prépuce. C’est la célèbre opération subie par Louis XVI, qui lui a permis d’avoir une descendance. Mais, dans la plupart des cas, une intervention

au niveau du pubis est envisagée : en sectionnant le ligament suspenseur, qui retient le sexe en haut du pubis, on gagne de la longueur. On rend visible ce qui est non visible. En revanche, si on fragilise trop le ligament, on perd en verticalité et l’érection est moins probante : « Attention aux charlatans qui vont sectionner tout le ligament. Vous risquez de vous retrouver avec un sexe ballant », met en garde le docteur Paul Seknadje, chirurgien esthétique et plasticien. Selon lui, l’allongement seul ne fonctionne pas : il est nécessaire de coupler l’intervention avec un minimum d’augmentation de la largeur. Depuis 2013, le prélèvement de sa propre graisse, le lipofilling, est autorisé dans les opérations de pénoplastie. Même chez les hommes les plus secs, du gras se planque toujours sur les côtés du torse. Le docteur Seknadje peut ainsi prélever jusqu’à 200 cm3 de graisse dans le ventre ou les cuisses des patients, pour les réinjecter dans le sexe. « Ça ne marche pas toujours comme on voudrait, mais on anticipe une résorption d’environ 30 %. On met quelque chose d’énorme, tout en prévenant le patient que ça va diminuer… » Cette graisse va jouer sur quelques centimètres et le patient sera satisfait. Les trois premières semaines post-opération ne sont pas douloureuses, mais l’œdème est colossal : le sexe ressemble à une patate, voire à une aubergine. Puis, tout rentre dans l’ordre au bout d’un mois. À la demande du patient, un petit lifting du scrotum est aussi envisageable : il s’agit simplement d’enlever une partie de la peau

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pour retendre l’enveloppe contenant les testicules. Attention en revanche aux ventes illégales d’acide hyaluronique sur internet. Les médecins plasticiens « sérieux » ne préconisent pas ces injections dans la verge et évoquent de sérieux risques de formation de nodules. La pénoplastie, dorénavant ambulatoire, coûte entre 2 000 et 6 000 euros et n’a pas d’incidence sur la fertilité. La cicatrice dans le pli du sexe est indétectable et les résultats sont assez probants. Mais, selon le docteur Jonathan Rausky, chirurgien plasticien, une opération est réussie seulement si le résultat est subtil : « Je me fixe des limites esthétiques. Je prends le temps de parler en amont avec mon patient. Si son délire est d’avoir la plus grosse verge du monde, je ne l’opère pas. » Dans son cabinet du 16e arrondissement, le docteur Seknadje reçoit aussi de nombreux quinquagénaires, récemment séparés ou divorcés. « Ces hommes se retrouvent seuls après une relation longue avec leur partenaire. Ils ont une vraie crainte de retourner au combat et ont besoin d’être “regonflés”. » Mais gare aux excès de gonflette ! Si la graisse injectée est trop importante, l’opération devient alors contre-productive… Le docteur Seknadje se souvient de ce patient, client régulier des Eros Center à la frontière franco-belge : « La graisse a tellement bien pris que les jeunes femmes ne voulaient plus de lui ! J’ai dû lui en enlever pour retrouver un diamètre correct. » Le chirurgien plasticien reçoit aussi de jeunes papas, sur lesquels il intervient très rarement : « Après un accouchement, c’est souvent la panique

à bord. L’homme se sent “au large” et la femme ne ressent plus rien. Je demande d’abord à la jeune maman de faire sa rééducation périnéale avec un kiné. » Et l’affaire est dans le sac. Cependant, la pénoplastie peut aussi être indispensable. Elle peut sauver ou donner naissance à la vie sexuelle de porteurs de micropénis (moins de 4 cm au repos) : « Un micropénis est un sexe qui peut être trop petit pour permettre de pratiquer une pénétration. Il est souvent dû à une malformation. Dans ces cas-là, on ne parle plus d’esthétisme ou de plaisir », explique le docteur Rausky. Et une demande de prise en charge pour un remboursement intégral par la sécurité sociale est automatiquement faite. Dans ces cas pathologiques, chaque millimètre compte et les résultats peuvent être vertigineux. Derrière chaque pubis masculin se cache en effet une partie de l’iceberg… Jusqu’à 8 cm enfouis ! « J’ai opéré un quinqua d’1,85 m pour 95 kg. Avec son sexe quasi inexistant, il n’avait jamais connu de fille. Plus le pubis est gras, important et tombant, plus le sexe est à l’intérieur. En sectionnant le ligament derrière le pubis, il a gagné 10 cm… », raconte Paul Seknadje. Richard, un des patients qui avait un micropénis, a eu le courage de témoigner par téléphone. À 30 ans, sa vie a été bouleversée le jour où il a pu pratiquer une pénétration. Dix ans auparavant, il s’était senti contraint d’arrêter le basket, pourtant une passion, par honte de son petit sexe : « Dans les vestiaires, je ne me déshabillais même plus. Je subissais le regard moqueur de mes coéquipiers et j’en pleurais


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APRÈS 1 500 OPÉRATIONS DU PÉNIS EFFECTUÉES, LE DOCTEUR PAUL SEKNADJE CONSTATE QUE LE RETOUR EST TRÈS POSITIF

après chaque séance. Comment voulez-vous séduire une fille avec un sexe quasi invisible et avec un flux illimité de vidéos d’acteurs porno où tout passe par la taille et la performance ? » Richard ne cache pas ces nombreuses fois où il a eu envie de mettre fin à ses souffrances : « Pendant les entraînements, même si nos shorts sont assez amples, il m’est arrivé de remplir mon boxer de coton. Comme pour ressentir la sensation qu’a un homme avec un pénis de taille normale. » Grâce à son intervention, en 2013, Richard use dorénavant de ses nouvelles compétences et sa vie a été complètement bouleversée : « Depuis six ans, je peux avoir une érection, une pénétration et je connais même l’orgasme. Je suis marié et papa d’une petite fille d’un an. Cette opération m’a sauvé la vie, tout simplement. » Ce sujet est encore tellement tabou que le cas de Richard n’est pas isolé. Nombre d’ados s’interdisent de pratiquer le sport par peur de se confronter aux autres. On parle alors de vraie exclusion sociale. Soit par un micropénis, soit par un frein trop court qui empêche toute érection. Mais dans la plupart des cas, on parle du « syndrome des vestiaires ». Selon le docteur Seknadje, les hommes voient le sexe des autres deux fois plus gros que le leur. Leur cerveau, qui fonctionne comme un appareil photo, est déformé. Résultat, l’image qu’ils voient n’est pas la bonne. « En revanche, si le jeune homme se regarde dans le miroir à côté du copain, comme il voit les deux sexes côte à côte, il n’y aura pas de différence. » Le problème se niche ici : une mauvaise perception de l’image que l’on a de son propre sexe. La dysmorphophobie, c’est-à-dire l’incapacité

à se voir comme les autres nous voient, est un trouble psychique qui affecte de nombreuses personnes et peut provoquer des troubles obsessionnels du comportement, des phobies sociales, voire des psychoses pouvant mener à la schizophrénie. Le docteur Seknadje travaille donc main dans la main avec une sexologue, qui partage son cabinet médical et joue un rôle de garde-fou. « Avec ce genre d’opération, on peut être confronté à des hommes qui ont des troubles psychiques importants. En modifiant leur apparence physique, ils pensent qu’ils vont régler le problème. » Or, si le patient présente un trouble de l’érection pour des raisons psychologiques ou vasculaires, l’opération sera inutile. Voire peut aggraver les troubles psychologiques : « Je m’occupe de la carrosserie. Si le moteur ne marche pas, ça ne sert à rien », résume avec humour le docteur Seknadje. D’où l’importance d’avoir l’aval de sa sexologue avant chaque intervention, ce qui peut éviter quelques ennuis : « Avant son arrivée, j’ai eu le malheur d’opérer un patient qui m’avait caché sa schizophrénie. Avec lui, j’ai eu des tas de soucis postopératoires alors que l’acte en lui-même s’était très bien passé. » Depuis sa collaboration avec la sexologue, le docteur n’opère environ que trois hommes sur dix : « Souvent, quand je leur dis qu’ils doivent parler à une sexologue, je ne les revois plus ! » Mais, pour ceux qui passent l’épreuve, tout va bien. Après 1 500 opérations effectuées, le docteur Seknadje constate que le retour est toujours très positif : « Un centimètre à cet endroit, c’est un kilomètre dans la tête. » •

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IL ÉTAIT UNE FOIS À HOLLYWOOD

Los Angeles, 7 juillet 1983. Il est 3 h 20 du matin lorsqu’un moustachu au visage grêlé pénètre dans le commissariat de North Hollywood. D’une voix blanche, l’homme s’adresse au policier de service afin de signaler un homicide. « Vous avez été témoin d’un crime ? », interroge le policier. « Non, je viens de tuer quelqu’un, répond l’individu. Une femme. Elle se trouve au 4171 Colfax Avenue, appartement D. J’ai laissé la porte ouverte, mais méfiez-vous du doberman. » L’homme est aussitôt menotté et, quelques minutes plus tard, une patrouille pénètre dans l’appartement indiqué. La lumière est éteinte et le faisceau de la lampe torche des policiers balaie un séjour encombré de caisses et de cartons. Un escalier les mène à une chambre à coucher. Sur le lit, il y a une femme allongée. Inerte, elle porte un t‑shirt, une culotte et ses ongles de pieds sont peints en rouge vif. Au bas du lit, un doberman assoupi ne réagit pas à l’approche des agents, qui notent aussitôt une batte de baseball maculée de sang jetée sur le corps de sa maîtresse. Le pouls de la victime ne bat plus. Son visage est tuméfié. Son crâne explosé. Sur le mur au-dessus du lit, il y a des traces de sang. L’équipe médicale prononce aussitôt la mort de Vicki Morgan.

À 5 h 10, Marvin Pancoast passe aux aveux dans la salle d’interrogatoire du commissariat. Il a 33 ans et connaît la victime depuis octobre 1979. Il a fait sa connaissance lors d’une cure de désintoxication où elle tentait, à 27 ans, de soigner son addiction à la cocaïne, au Valium et à l’alcool. Elle était apprentie mannequin, prostituée occasionnelle, mais aussi la maîtresse d’Alfred Bloomingdale depuis une dizaine d’années. Leur relation orageuse avait culminé en un retentissant procès où la belle Vicki réclamait des millions de dollars à son amant milliardaire. Depuis trois semaines, Marvin avait emménagé chez Vicki, dans cet appartement anonyme de Studio City, loin des fastes de Beverly Hills. Homosexuel, il n’était pas son amant mais son confident et son homme à tout faire. Un véritable serviteur prêt à assouvir tous les caprices de cette beauté à la dérive, perdue dans le chaos d’une existence qui, entre violences sexuelles, alcool et drogues, lui filait entre les doigts. Cette nuit du 7 juillet, Vicki l’a passée à harceler Marvin au sujet de leur déménagement à venir, tandis qu’il cherchait désespérément à trouver le sommeil. Alors, pour la faire taire, Marvin a frappé sa tête à coups de batte de baseball jusqu’à ce que plus →

PAR CLOVIS GOUX

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© N I C K UT/A P P H OTO

LES TIROIRS HOLLYWOODIENS REGORGENT D’HISTOIRES SEMBLABLES : UNE BELLE JEUNE FEMME DÉBARQUE À LOS ANGELES, SE RÊVE ICÔNE DU CINÉMA, S’ACOQUINE AVEC DES HOMMES DE POUVOIR OU D’ARGENT, ASSOUVIT LEURS FANTASMES SEXUELS LES PLUS DÉPRAVÉS, ESPÈRE QUE ÇA L’AIDERA À « RÉUSSIR », ET FINIT ASSASSINÉE. DANS LE CAS DE VICKI MORGAN, MANNEQUIN, PROSTITUÉE ET MAÎTRESSE PROFESSIONNELLE, LE CRÂNE ÉCLATÉ À COUPS DE BATTES DE BASEBALL PAR SON COLOCATAIRE GAY.



ENCINO, CALIFORNIE, LE 28 JUILLET 1983. MARVIN PANCOAST EST PENSIF PENDANT SON AUDITION PRÉLIMINAIRE.


©  A P P H OTO

VICKI EMMÉNAGE À 17 ANS SUR SUNSET BOULEVARD, CONDUIT SA PROPRE DÉCAPOTABLE ET CLAQUE L’ARGENT D’EARLE LAMM SUR MELROSE AVENUE

aucun son ne sorte de sa bouche. Alors, le silence s’est abattu sur l’appartement de Colfax Avenue, tandis que le sang s’écoulait du crâne de Vicki Morgan. Dès le lendemain, son meurtre fait la Une de tous les journaux, où l’on peut lire les grandes lignes d’une tragédie annoncée, d’un destin fracassé. Née dans le Colorado en 1952, Vicki Morgan est élevée avec sa sœur Barbara par leur mère Connie, une modeste ouvrière d’origine anglaise, divorcée d’un vétéran de l’Air Force. Connie se remarie, mais le beau-père de Vicki meurt l’année des 9 ans de la fillette. La mère et ses filles embarquent alors pour la Californie, terre de toutes les promesses. Quelques années plus tard, la nymphette aux cheveux blonds comme les blés s’est transformée en véritable arme fatale : à 15 ans, Vicki mesure 1,77 m. Ses lèvres boudeuses, son regard indolent, son visage émacié et son corps sculptural font se retourner tous les hommes sur son passage. Alors qu’elle est encore au lycée, elle intègre une école de mannequinat et commence à flirter sérieusement avec ses soupirants. Enceinte à 16 ans, elle refuse d’avorter et confie son fils Todd à sa mère pour prendre la route de Los Angeles. À Hollywood, elle fait le tour des agences et des castings, mais la concurrence est rude sur le Walk Of Fame et la nature introvertie de Vicki est un véritable handicap. Pour la libérer d’une anxiété qui la paralyse, une postulante lui offre une petite pilule bleue. Le Valium devient dès lors son pire allié, celui qui transforme le moindre tracas en douce torpeur. Plutôt que de finir serveuse, elle préfère la compagnie des hommes, de préférence riches.

Parmi ses nombreux admirateurs, il y a un certain Earle Lamm. Il est grossiste dans le prêt-à-porter, arbore des chaînes en or et une moumoute. Il lui promet de l’entretenir si elle veut bien l’épouser. Banco, Vicki emménage à 17 ans sur Sunset Boulevard, conduit sa propre décapotable et claque l’argent d’Earle dans les boutiques de Melrose Avenue. Un beau jour, alors qu’elle se promène sur Sunset, un homme d’un certain âge surgit du restaurant Old World et l’arrête. La peau cuivrée, les cheveux blancs parfaitement ordonnés, le sourire radieux et les yeux bleus rieurs, Alfred Bloomingdale porte beau dans son costume sur mesure. En 54 ans, la vie a toujours souri à l’héritier des grands magasins Bloomingdale’s. Après avoir été l’agent de Frank Sinatra et de Judy Garland, il était devenu cadre à la Columbia Pictures, avant de lancer la Dine and Sign, la première carte de crédit indépendante, qui fit sa fortune personnelle. En 1946, il épousait Betty Lee Newling, qui allait devenir l’une des mondaines les plus fameuses du pays, une socialite connue pour son style unique, sa collection de robes haute couture et son carnet d’adresses (ses meilleures amies s’appellent Nancy Reagan, Joan Collins et Lauren Bacall). Trois enfants naissent de cette union entre l’argent et le prestige. Mais Alfred est un séducteur invétéré. Il parvient à soutirer le numéro de la Vénus apparue sur le trottoir de Sunset Boulevard. À leur troisième rendez-vous, Alfred propose à Vicki que deux « amies » se joignent à eux dans une maison perchée sur les collines d’Hollywood. Avant de l’entraîner dans la chambre à coucher, Alfred déclare à la jeune


V I C K I

M O R G A N

SI ELLE SE SOUMET AUX VICES DE BLOOMINGDALE, IL FERA D’ELLE LA MAÎTRESSE LA PLUS RICHE DES ÉTATS‑UNIS. VICKI ACQUIESCE : BIENTÔT, ELLE RECEVRA DES COUPS DE CEINTURE

fille : « Je promets de ne rien vous demander que vous n’ayez envie de faire. Si vous voulez vous arrêter, vous n’aurez qu’à le dire. » Assises sur le lit, il y a une blonde décolorée aux traits marqués et une jolie brune au regard trouble. « Prépare l’appareillage », ordonne Alfred en se déshabillant. Sous les yeux de Vicki, la blonde sort alors du tiroir de la table de nuit un vibromasseur et un jeu de cravates avec lesquelles elle lie les mains de sa compagne à la poignée de la porte. Puis, c’est à son tour d’être attachée par Alfred, qui s’empare aussitôt de sa ceinture de cuir pour frapper de toutes ses forces les fesses des deux prostituées. La brune et la blonde crient et supplient tandis qu’Alfred s’acharne sur leur postérieur. Réfugiée dans un coin de la pièce, Vicki regarde la scène, tétanisée : elle voit le visage congestionné d’Alfred, son poing crispé sur la ceinture, son sexe en érection, les marques rose vif sur la peau des putes… avant de réaliser que leurs hurlements sonnent un peu faux et que tout cela n’est au final qu’un jeu brutal. Mais c’est à son tour de subir les sévices d’Alfred, qui la déshabille et l’allonge sur ses genoux pour lui administrer une sévère fessée avant de la posséder. Sous la douche, ensuite, Alfred promet la lune à Vicki en savonnant son fessier. Si elle se soumet à ses vices, il fera d’elle la maîtresse la plus riche des États‑Unis. Vicki acquiesce : bientôt, elle recevra des coups de ceinture. Mais la perversité d’Alfred ne s’arrête pas à leurs rituels nocturnes. Loin des regards de Betsy, Alfred installe Vicki dans l’un de ses appartements à Fort Lauderdale. Puis il téléphone à Earle pour lui proposer

de racheter son épouse. Le mari raccroche, offusqué, avant de prendre les conseils d’un avocat : selon ce dernier, il vaut mieux négocier avec Alfred que de s’attaquer à lui. Les deux hommes seraient parvenus à un accord. Vicki est libre, mais ne se contentera pas d’être une femme de l’ombre : elle veut une bague au doigt et une maison à son propre nom. Alfred la fait patienter en lui louant une villa sur Sierra Mar Drive, en lui versant une pension de 5 000 dollars par mois et en lui faisant miroiter une carrière d’actrice grâce à ses nombreux contacts à Hollywood. Dans le bureau du réalisateur Mervyn LeRoy, Vicki rencontre un très bel homme aux tempes argentées. L’intensité de ses yeux bruns et la fossette sur son menton ne lui sont pas inconnues. Ce jour-là, Vicki Morgan ne décroche aucun rôle mais finit bel et bien dans les bras de Cary Grant. À défaut de tenir ses promesses, Alfred couvre dès lors Vicki de somptueux cadeaux telle une enfant volage qu’on tente de tenir en laisse. En 1971, Betsy découvre l’existence de Vicki. Pour anticiper la tempête à venir, Alfred envoie sa maîtresse en Europe. Elle retrouve une amie en France, dans le château de son amant, le financier Bernie Cornfeld. Figure truculente de la jet-set internationale et amateur de partouzes, le barbu bedonnant met immédiatement Vicki dans son lit au milieu d’une meute. De retour aux États‑Unis, Vicki gravite dans le milieu du cinéma où l’on se défonce à tout va et devient rapidement accro à la coke. Pour fuir ses démons, elle rentre chez sa mère où elle retrouve son fils de 8 ans. Sentant sa proie lui échapper, Alfred harcèle Vicki de coups

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©  LO S A N G ELES EX A M I N ER/ U S C LI B RA R I ES /C O R B I S V I A G ETTY I M A G ES

4 MARS 1960. ALFRED BLOOMINGDALE, SA FEMME BETTY LEE ET LEURS ENFANTS LISA, GEOFFREY ET ROBERT RUSSEL QUITTENT LEUR DOMICILE DE LOS ANGELES POUR SE RENDRE À UN BRUNCH PASCAL.

de fil et finit par accepter les conditions d’une réconciliation : Todd vivra avec Vicki et Alfred ira voir un psy pour résoudre ses pulsions sadomasos. Mais la jeune femme veut toujours plus : contre un million de dollars, elle accepte de ne pas épouser un certain Bob Schulman, qui vient de demander sa main. Alfred accepte et Vicki annule la cérémonie. Mais elle ne voit jamais la couleur de l’argent et finit par épouser Schulman en 1978. Un mariage éclair qui finit dans la poudre. L’année suivante, une Vicki en perdition entre en cure de désintoxication à Beverly Hills. Parmi les autres patients, un certain Marvin Pancoast, qui devient son meilleur ami. Suicidaire et schizophrène, cet homme tourmenté alterne alors séjours en hôpitaux psychiatriques et cures de désintoxication. Au début des années 1980, Alfred Bloomingdale, fumeur invétéré, est diagnostiqué en phase terminale d’un cancer de la gorge. Il n’a plus que quelques mois à vivre. Pour Vicki, le compte à rebours est enclenché : son vieil amant doit tenir ses promesses avant de mourir et protéger son avenir et celui de son fils. Pour faire valoir ses droits en tant

que maîtresse depuis dix ans, elle engage l’avocat Marvin Mitchelson afin d’obtenir une compensation financière de 11 millions de dollars. C’est un scandale national : du jour au lendemain, les détails les plus crus de sa relation avec Alfred sont étalés dans les médias. Vicki découvre alors que son avocat vient de dîner avec Nancy et Ronald Reagan, des proches de Betty Lee Bloomingdale, et le renvoie immédiatement. Pour payer les frais de son successeur, elle vend sa voiture, ses bijoux et se retrouve rapidement dans la dèche. Alfred meurt le 23 août 1982 sans lui avoir laissé le moindre centime. Vicki plonge et emménage avec Marvin Pancoast, qui met un terme à son existence le 7 juillet 1983 à coups de batte de baseball. Vicki Morgan ne fêtera jamais ses 31 ans. La rumeur court aussitôt à Washington : la défunte aurait filmé ses ébats avec des politiciens notoires et l’on aurait dérobé ses sextapes après sa mort. Mais, malgré une récompense d’1 million de dollars promise par Larry Flint dans son magazine Hustler, aucune cassette n’est jamais apparue. Condamné à 26 années de prison, Marvin Pancoast est mort du sida en 1991. •


SYLVIA HOEKS PAR CHRIS COLLS

New York Navy Yard. Les anciens docks situés à Brooklyn, où étaient construits les navires de l’US Navy jusqu’à leur fermeture en 1966, n’avaient plus vu de machine de guerre depuis bien longtemps. Alors, quand Sylvia Hoeks est apparue dans ce décor de fin du monde, le chantier naval a cru enfin renaître de ses cendres. Sublime, acérée, différente, incroyablement différente, presque inquiétante, la beauté froide de l’actrice hollandaise s’est fondue immédiatement dans ce paysage minéral et sombre, sous l’œil de Chris Colls. Repérée très jeune par l’agence Elite, la cover girl de Lui entame en 1997 une carrière de mannequin aux quatre coins de la planète, mais la passion de la comédie l’habite depuis toujours. Diplômée de l’Académie de théâtre de Maastricht, elle a débuté au cinéma en 2007, dans Duska, un film pour lequel elle remportera un Gouden Kalf, l’équivalent des César aux Pays-Bas. Depuis, elle a marqué de son empreinte onze longs-métrages, dont Millénium : ce qui ne me tue pas. En 2017, elle a obtenu la consécration internationale grâce à son rôle dans Blade Runner 2049. Elle y incarne Luv, une réplicante aux courbes parfaites qui tue sans plaisir affiché, mais avec application. Pourchassant Ryan Gosling et Harrison Ford, elle illumine les scènes de combats où son visage d’humanoïde né pour détruire ne trahit aucune émotion. Sombre, altière, fière, glaciale comme l’acier, Sylvia Hoeks est dans Lui pour réchauffer votre automne.


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PIN-UP PAR ASLAN

Le mythe du magazine Lui s’est toujours construit grâce aux images réalisées par les plus grands photographes du monde, avec un seul but : sublimer les femmes. Mais, de 1964 à 1982, les lecteurs ont également nourri leurs fantasmes avec de divines créatures faites de gouache, les fameuses pin-up d’Aslan, un peintre et sculpteur entré au Panthéon de l’érotisme à la française en dévoilant ses toiles sur papier glacé. Pourtant, la voie du glamour et de la sensualité n’était pas toute tracée pour ce diplômé des Beaux-Arts de Paris, qui a été nommé, après son service militaire en 1952, peintre et sculpteur officiel de l’armée française. Il réalise des bustes de Charles de Gaulle ou de Georges Pompidou, mais son œuvre la plus célèbre est bien entendu le buste de Brigitte Bardot, créé en 1969. Plus de 20 000 reproductions ont été vendues à ce jour et, dans certaines mairies, les citoyens ont encore la chance de s’émouvoir devant BB, alors au sommet de sa beauté. Car heureusement, dans la vie d’Aslan, il n’y avait pas que les beaux militaires. Il y avait aussi les femmes, celles qui font vibrer les corps et les cœurs. Des femmes solaires, sublimées dans sa tête et par son pinceau. « Mes pin-up, je les vois en sculpteur. Je les modèle avec patience, je libère le corps mais je ne veux pas le galvauder. Ma pin-up n’est pas une putain, c’est une libertine, elle est volatile, un peu irréelle, faite pour l’amour », disait-il. Aslan avouait une passion immodérée pour la femme, au sens générique du terme. Le magazine Lui était donc fait pour lui… •

Les pin-up d’Aslan, l’intégrale des pin-up de Lui, chez Dynamite, 272 pages en couleurs, 34,90 €. Sortie le 17 octobre.











VESTIAIRE PAR BILAL EL KADHI

ZAYD : COSTUME, CHEMISE ET CHAUSSURES, COLLECTION HOMME DIOR. CRAVATE, CHARVET. TOUTES LES CHAUSSETTES, FALKE.


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RUBEN : ROBE DE CHAMBRE ET CHEMISE, CHARVET. PANTALON EN VELOURS, CARHARTT WIP. CEINTURE, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO. MOCASSINS, CHURCH’S.


GABRIEL : MANTEAU, STELLA MCCARTNEY. PULL EN LAINE ET PANTALON, BRUNELLO CUCINELLI. CHEMISE, BROOKS BROTHERS. BOOTS, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO. ZAYD : COSTUME, ANTONY MORATO. CHEMISE ET CHAUSSURES, FENDI. CRAVATE, CHARVET. RUBEN : CHEMISE, DRIES VAN NOTEN. PANTALON, ZADIG & VOLTAIRE. CHAUSSURES, COLLECTION HOMME DIOR. CRAVATE, CHARVET.


GABRIEL : POLO RUGBY, DE FURSAC. CHEMISE, CHARVET. JEAN, AMI. MOCASSINS, CHURCH’S. ZAYD : COSTUME, MARNI. CHEMISE ET CRAVATE, CHARVET. MOCASSINS, CELINE PAR HEDI SLIMANE. RUBEN : COSTUME, CHEMISE, ÉCHARPE EN SATIN ET CHAUSSURES, COLLECTION HOMME DIOR. CRAVATE, CHARVET.


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MODÈLES : RUBEN BOA CHEZ SUCCESS MODELS, ZAYD CHEZ ROCK MEN, GABRIEL BESNARD CHEZ PREMIUM. PHOTOGRAPHE : BILAL EL KADHI CHEZ THE ARTBOARD, ASSISTÉ DE THÉO GUILLEMOT. FASHION DIRECTOR : DAN SABLON, ASSISTÉ D’ALINE MIA KAESTLI. COIFFURE : ANDRE CUETO SAAVEDRA CHEZ OPEN TALENT. MAQUILLAGE : DAVID LENHARDT CHEZ THE ARTBOARD.


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RAFAEL : BLOUSON EN LAINE ET HOODIE, AMI. JEAN IMPRIMÉ, HOLIDAY BOILEAU. BOOTS, DANNER. MATHEA : BLOUSON EN CUIR, APC. JUPE PLISSÉE, CELINE PAR HEDI SLIMANE. SOUTIENGORGE, ERES. BASKETS, ADIDAS.


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MODÈLES : MATHEA LUCHINI CHEZ IMG, ET RAFAEL MILLER CHEZ NEXT. PHOTOGRAPHE : EMMANUEL GIRAUD CHEZ ARTSPHERE, ASSISTÉ DE KADER BENNACER. FASHION DIRECTOR : DAN SABLON ASSISTÉ DE TINE KOZJAK. OPÉRATEUR DIGITAL : HUGO LUBIN CHEZ LA PLATEFORM. COIFFURE : QUENTIN GUYEN CHEZ BRYANT. MAQUILLAGE : DAVID LENHARDT CHEZ THE ARTBOARD. MERCI AU GRAND REX.

BLOUSON, CARHARTT WIP.


T I C - T A C

ICÔNES D’AUTOMNE À LA CROISÉE DES SAISONS, LES MONTRES SE FONT PLUS SOBRES. L’EXUBÉRANCE DES BRACELETS COLORÉS DE LA PÉRIODE ESTIVALE LAISSE PROGRESSIVEMENT PLACE À UN CLASSICISME INTEMPOREL. LES CUIRS FONCÉS, NOIRS, CHOCOLATS, GRIS OU OCRES SONT DE RETOUR, ET JOUENT AVEC LES COULEURS AUTOMNALES. REFLET D’UN CERTAIN LIFESTYLE, LA MONTRE PEUT ÊTRE ASSORTIE AUX ACCESSOIRES OU AUX VÊTEMENTS. AVEC LA SUBTILITÉ QUI VOUS CARACTÉRISE.

Sportif le jour (sportif toujours) et dandy la nuit, pourquoi l’homme moderne serait-il l’homme d’une seule montre ? Les montres sport-chic de luxe peuvent couvrir cette ambivalence à la fois élégante, robuste et raffinée, reflétant votre personnalité aussi bien lors d’une balade en forêt qu’au cours d’un meeting professionnel. Les maisons horlogères ont bien compris cette nécessité et répondent de plus en plus à ces utilisations.

par les officiers de marine. Surtout au siècle dernier. La maison met cet héritage militaire à l’honneur en enrichissant sa ligne Marine Torpilleur d’un modèle noir et kaki à la fois urbain, chic et décontracté. Le chronographe, de son côté, reflète bien cet esprit sport-chic et polyvalent dans son porté. Hublot, à travers sa ligne Classic Fusion et son Chronograph Blue démontre ainsi ses talents et sa capacité à jouer tout à la fois dans les registres de la sobriété, de la sportivité et de l’élégance. Louis Vuitton a également investi ce créneau avec le modèle Tambour All Black chronographe : son boîtier revêtu de PVD noir en fait un incontournable de la maison. La montre Santos de Cartier, dont le premier modèle a été créé par Louis Cartier himself pour son ami Alberto Santos-Dumont, pionnier de la conquête des airs, fait elle aussi partie de ces légendes. Pour les amateurs de conduite automobile, Frederique Constant dévoile une série limitée destinée aux amateurs de belle mécanique : la Vintage Rally Healey Chronographe est une véritable invitation à la conduite des célèbres automobiles britanniques des années 1960. Aussi à l’aise à la ville qu’à la campagne, les montres sport-chic affirment votre personnalité. Dandy ou sportif ? Avancez sans peur, faites preuve d’audace et soyez les deux à la fois ! •

Vous vous sentez aventurier urbain ? Les montres d’inspiration militaire sont faites pour vous. Préférez celles de Panerai, Blancpain ou Ulysse Nardin. Ce choix est aussi le symbole d’une histoire légendaire, ce qui ne gâte rien. Vous êtes plus casual branchouille que sportif ? Les chronographes sont faits pour vous, à la ville ou sur les routes de l’exploit. Rolex et son emblématique Cosmograph Daytona, TAG Heuer ou Hublot sauront, entre autres, répondre à vos attentes… Businessman ou startupper de haut vol ? Jouez l’intemporel avec les valeurs sûres, chic et de bon goût que sont Cartier, Jaeger-LeCoultre ou Louis Vuitton. JOUEZ SUR TOUS LES TABLEAUX

Toujours fidèles à leur ADN, les montres Ulysse Nardin ont longtemps été convoitées

PAR ÉRIC DUMATIN - PHOTOS PAUL LEPREUX

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BRUTE LA MONTRE SANTOS DE CARTIER EST UN DES MODÈLES LES PLUS MYTHIQUES DE LA MAISON. CETTE NOUVELLE VERSION REDESSINÉE OFFRE LE SYSTÈME BREVETÉ QUICKSWITCH, PERMETTANT PAR PRESSION SOUS LE BRACELET DE PASSER DU CUIR AU MÉTAL FACILEMENT. CARTIER, 6 850 €.


NOIR ET BLEU LE MARIAGE DU BOÎTIER EN CÉRAMIQUE NOIRE ET DE SON CADRAN BLEU « RAYON DE SOLEIL » FONT DU MODÈLE CLASSIC FUSION CHRONOGRAPH BLUE UNE GRANDE RÉUSSITE. SON DIAMÈTRE DE 45 MM LUI DONNE D’AILLEURS UNE BELLE VISIBILITÉ. MOUVEMENT CHRONOGRAPHE AUTOMATIQUE HUB1143, 42 HEURES DE RÉSERVE DE MARCHE ET ÉTANCHÉITÉ DE 50 MÈTRES. HUBLOT, 11 700 €.


ALL BLACK SON DIAMÈTRE DE 46 MM POUR UN BOÎTIER EN ACIER REVÊTU DE PVD NOIR FONT DE LA MONTRE TAMBOUR CHRONOGRAPHE ALL BLACK UN MODÈLE AU CARACTÈRE AFFIRMÉ. MOUVEMENT AUTOMATIQUE AVEC FONCTIONS CHRONOGRAPHE, HEURES, MINUTES, SECONDES, DATE. ÉTANCHÉITÉ 100 M. LOUIS VUITTON, 5 850 €.


VROUM ÉQUIPÉ DU MOUVEMENT AUTOMATIQUE CHRONOGRAPH FC-397, CE MODÈLE RALLY HEALEY CHRONOGRAPHE EST UN NOUVEL HOMMAGE AU DESIGN EMBLÉMATIQUE DES AUTOMOBILES BRITANNIQUES DES ANNÉES 1960. ÉTANCHE À 50 M, CETTE ÉDITION EST LIMITÉE À 2 888 EXEMPLAIRES NUMÉROTÉS INDIVIDUELLEMENT. FREDERIQUE CONSTANT, 2 595 €.


SOUS L’OCÉAN ÉTANCHE JUSQU’À 50 MÈTRES ET ESTAMPILLÉE DE L’EMBLÉMATIQUE TORPILLEUR SUR LE FOND, LA MARINE TORPILLEUR MILITARY EST HABILLÉE D’UNE MAJESTUEUSE COURONNE ET D’UN BOÎTIER 44 MM. MUNI DU MOUVEMENT MANUFACTURE UN-118, ÉQUIPÉ D’UN ÉCHAPPEMENT À ANCRE EN SILICIUM, LE MODÈLE EST CERTIFIÉ COSC. ULYSSE NARDIN, 7 900 €.


L U I

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LE CLUB DES CINQ OBJETS HAUTEMENT RECOMMANDÉS PAR LUI.

PHOTOS SERGE PAULET

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P S C H I T T

LES FLEURS DU MÂLE SI L’HOMME DES BOIS TIENT ENCORE LE HAUT DU PAVÉ, CERTAINS AUDACIEUX UN PEU FLEUR BLEUE OSENT TUTOYER LE PÉTALE ET LE PISTIL, ET MARQUER AINSI LEUR DIFFÉRENCE.

Il faut voir les images du dernier défilé Louis Vuitton : tournesols et lilas poussent un peu partout sur les silhouettes masculines, chapeaux de paille garnis de fleurs séchées, bouquets graphiques et imprimés pétalés “bleus de Delft” qui fleurissent sur les cabas et les vestes. Le créateur star Vigil Abloh, oracle de la mode, est affirmatif : « À une époque saturée en images, s’arrêter pour respirer le parfum des roses déprogramme l’esprit et fait de la place pour la liberté de penser. » La nouvelle vague des fleuristes les plus en vue du moment ? Rien que des mecs ! Pierre Banchereau, Thierry Féret, Baptiste Pitou et Louis-Géraud Castor. Et je vous passe l’allusion aux hibiscus d’Andy Warhol, aux tournesols de Van Gogh et au Narcisse d’Ovide… Les hommes aiment les fleurs ; encore fallait-il qu’ils se l’avouent une bonne fois pour toutes. Il n’est donc pas illogique de voir les notes florales de toutes sortes (géranium, osmanthus, fleur d’oranger, iris) bourgeonner dans les flacons masculins de la rentrée. Non, la fleur n’est pas l’ennemi de la virilité ! Qu’on se le dise. D’ailleurs, Dior n’a pas attendu le troisième millénaire pour s’en rendre compte et parsemer de pétales ses compositions dédiées aux garçons : Eau Sauvage (1966, l’hédione et ses notes jasminées fraîches et transparentes), Fahrenheit (1988, la violette) et Dior Homme (2005, l’iris), hits de la parfumerie masculine, ont cultivé les notes florales à une époque où ces effluves-là étaient encore tabous, excepté dans les jus de dames.

U N H Y M N E À L’ O R I G I N A L I T É

La fleur, c’est d’abord un gage de qualité et de naturalité rassurant en ces temps de Slow Flower movement ; c’est aussi un marqueur d’originalité et de différenciation, un attribut du bon goût. J’aime l’œillet = je suis un esthète. Après, chaque marque s’inscrit sur son propre territoire en plaçant le curseur où bon lui semble et plus la note florale est poussée, plus le sentiment et l’émotion sont assumés. Voyez la douceur abricotée de la fleur d’osmanthus d’Alien Man - Fusion de Mugler et le néroli lumineux de l’Homme idéal - Cool de Guerlain. Plus aventureux encore, le premier parfum masculin de la marque italienne Moschino, baptisé Tom Boy, ose carrément un cœur de magnolia et de rose issu tout droit de la parfumerie féminine la plus classique, qui célèbre la virilité tout en cassant le mythe de l’homme fort et sans faille. Au fond, porter un parfum floral, c’est comme un hymne magnifique et clandestin à la sensibilité, une façon de sortir du lot sans prendre trop de risques, sans trop se dévoiler, en évitant les épanchements ostensibles. « Un homme qui met une jupe, ça se voit ; un homme qui porte un parfum à la rose, ça ne se voit pas ! », explique Nicolas Olczyk, expert parfum. Du côté des femmes, la réponse en forme de provocation n’a pas tardé : Kenzo World Power affiche fièrement sa formule exempte de toute note florale. Et toc ! •

PAR LIONEL PAILLÈS - PHOTOS SERGE PAULET

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CHARISMATIQUE LA TOUTE-PUISSANCE D’UN PATCHOULI HYPER FRAIS CONFRONTÉE AU RAFFINEMENT DE LA RACINE IRIS, ÇA DONNE UN BOISÉ SEXY EN DIABLE QUI ÉVOQUE À MERVEILLE LA TERRE MOUILLÉE APRÈS LA PLUIE. PARFUM « ORAGE », LOUIS VUITTON, 210 € LES 100 ML.


NOCTAMBULE UN DUO APHRODISIAQUE DE CANNELLE ET DE GINGEMBRE, ET PUIS, SOUDAIN, CE SOUFFLE DE FLEUR D’OSMANTHUS ABRICOTÉE. VOILÀ LE PROGRAMME DE CE MANIFESTE DÉSINHIBÉ DE SÉDUCTION. EAU DE TOILETTE « ALIEN MAN - FUSION », MUGLER, 58,90 € LES 50 ML.


FRAÎCHEUR TORRIDE UN BOIS DE CÈDRE LUMINEUX QUI BAIGNE DANS UNE FLEUR D’ORANGER CHAUDE ET SOLAIRE, BEL HOMMAGE UN PEU RÉTRO À LA MÉDITERRANÉE ANTIQUE RENDU PAR LE PARFUMEUR ALBERTO MORILLAS. EAU DE PARFUM « WOOD NÉROLI », BVLGARI MAN, 80 € LES 60 ML.


DUEL AU SOLEIL UNE DRÔLE DE JOUTE OLFACTIVE ENTRE UNE POUSSÉE D’ADRÉNALINE FRAÎCHE (UN GÉRANIUM AUX ACCENTS MÉTALLISÉS) ET UNE TORNADE DE BOIS DE GAÏAC CHAUD ET SENSUEL. EAU DE PARFUM « INVICTUS LEGEND », PACO RABANNE, 67,90 € LES 50 ML.


NÉO-COLOGNE GIVENCHY RÉINVENTE LA COLOGNE GRÂCE À UN IRIS INCISIF, ÉLECTRISÉ D’UNE OVERDOSE VIVIFIANTE DE BERGAMOTE, PETITGRAIN ET CITRON DE SICILE QU’ELLE POURRAIT BIEN APPRÉCIER AUTANT QUE VOUS. EAU DE TOILETTE « GENTLEMAN COLOGNE », GIVENCHY, 58 € LES 50 ML.


LEÇON DE CHIC CE BOISÉ SUBTIL FLIRTE AVEC DÉLICE AVEC L’UNIVERS DE LA FÉMINITÉ EN S’AVENTURANT À LA FOIS DU CÔTÉ DE LA GOURMANDISE (DÉLICIEUSE, L’AMANDE !) ET DE CELUI DE LA FLORALITÉ (LE NÉROLI). EAU DE TOILETTE « L’HOMME IDÉAL - COOL », GUERLAIN, 70 € LES 50 ML.


NÉO-DANDYSME CETTE VIOLETTE VERY GENTLEMAN, UN PEU CUL SERRÉ SUR LES BORDS, BAISSE LA GARDE AU MOMENT MÊME OÙ ELLE SE GOURMANDISE DE VANILLE, DE CARAMEL AU BEURRE ET DE FÈVE TONKA. EAU DE PARFUM « STRONGER WITH YOU - INTENSELY », EMPORIO ARMANI, 64,90 € LES 50 ML.


V I E

C O N J U G A L E

QUELQUE CHOSE À SE FAIRE PARDONNER ? IL Y A DES DÉRAPAGES QU’UN CADEAU BIEN CHOISI PEUT AIDER À FAIRE OUBLIER… PAR DAN SABLON - PHOTOS SERGE PAULET

AM INA MUADDI : MULE « GILDA » EN VE AU, VELOURS LÉOPARD E T C RI STAUX , TALON 95 MM , 750 €. S ANDALE « GILDA » MINIGLIT TER ARGENT, TALON S 95 MM , 795 €. ESCARPIN « MARYJANE » EN TARTAN E T C RI STAUX , TALON 95 MM , 785 €. S ANDALE « BELGUM » EN S ATIN, TALON 95 MM , 750 €. S ABOT « DUA » EN VE AU E T VELOURS LÉOPARD, TALON 140 MM , 790 €.

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S AC « FOLC O » EN TOILE IMPRIMÉE TRIOMPHE, CE LINE PA R H E DI SLIMA N E , 980 €. BES AC E À R ABAT ARRONDI BEIGE « MONO GR AM ALL OVER », SAINT L AU RE NT PAR ANTHON Y VAC CARE LLO, 1 290 €. S AC « THE PADDED CAS SE T TE » EN C UIR DE VE AU, BOT TEG A V E N E TA , 1 950 €. S AC « CANNES » EN C UIR E T TOILE MONO GR AMMÉE, LOU I S V U IT T ON , 1 980 €. S AC « K ATE WILD » EN C UIR DE C HÈ VRE, K ATE MO S S x Z ADIG & VOLTAIRE , 595 €. S AC « L ADY DIOR » EN VE AU VERNI CANNAGE ROUGE, DIOR, 2 850 €. S AC « EDEN » EN VELOURS CAMEL , GI V E NCH Y, 2 450 €. S AC « L A Z ZO » EN AGNE AU E T LIN, LOE WE , 1 70 0 €.


B I L A N

D E

S A N T É

VINCENT LACOSTE APRÈS L’AVOIR IMAGINÉ DERNIER AMOUR DE PIERRE DELADONCHAMPS DANS PLAIRE, AIMER ET COURIR VITE, CHRISTOPHE HONORÉ LE JETTE DANS LES BRAS DE LA DIVINE CHIARA MASTROIANNI DANS CHAMBRE 212. DE QUOI FAIRE MONTER LA TENSION ET AFFOLER LE PALPITANT.

Taille ?

1,78 m, mais je devrais aller chez le médecin pour vérifier. Mon beau-frère me dit qu’il fait 1,80 m, mais il est plus petit que moi. Peut-être qu’il triche ou qu’on m’a mal mesuré. Poids ?

68 kilos. Constant. Tension ?

11.6. Et je sais la prendre : on m’a appris pour Hippocrate. Ceci dit, ma tension peut vite monter : je suis assez anxieux. Rythme cardiaque ?

Normal, j’espère. À 26 ans, le contraire m’inquiéterait un peu. La dernière fois que vous avez consulté un médecin ? Pourquoi ?

Combien de cigarettes par jour ? Depuis quand ?

Quel sport pratiquez-vous ? À quel rythme ?

J’ai commencé à 15 ans, sur Les Beaux Gosses. L’effet groupe et l’adolescence. Aujourd’hui, je suis à une dizaine par jour. Je n’aime pas trop fumer au soleil ou quand il y a du vent : ça limite, même si le chiffre monte quand je sors. Le verre appelle la clope.

Le fitness, sous la contrainte. Il me faut un impératif, car je n’ai aucune discipline et je n’aime pas le sport. Ceci dit, j’avais fait pas mal de salle pour Plaire, aimer et courir vite : Christophe Honoré ne me voulait pas tout maigrichon pour ce film, ni pour Chambre 212, d’ailleurs. Et, pour être honnête, on se sent quand même mieux après une bonne séance. Je vais m’y mettre sérieusement… Enfin, je vais essayer.

Combien de verres d’alcool par semaine ?

La question piège… Trop ! Même quand je ne fais pas la fête, j’aime bien une bière à l’apéro et du bon vin à table. Et puis, je dîne beaucoup au restaurant. De l’eau avec une bonne bouffe, c’est triste.

Pour un torticolis. J’ai appelé un ami allergologue qui m’a filé l’adresse d’un ostéo. J’ai pas mal de copains dans la médecine : les docteurs me rassurent. Peut-être l’une des raisons inconscientes pour lesquelles j’ai fait Hippocrate et Première année. Je ne suis pas hypocondriaque, je ne m’invente pas de maladies. Mais je somatise beaucoup.

Combien de dents encore à vous ?

À jour dans vos vaccins ?

Si on compte les restos, la majeure partie des soirs. Et deux, si on ne compte que la fête, la vraie.

Je ne sais pas mais a priori pas. Je ne me souviens pas de la dernière fois où j’en ai eu un.

Toutes sauf les quatre dents de sagesse. J’ai souffert comme un chien quand on m’a enlevé celles du bas. D’ailleurs, c’était trois jours avant que je ne reçoive le prix Patrick Dewaere en 2016, pour Saint-Amour. Si vous regardez bien les photos, j’ai les joues encore gonflées. Combien de sorties par semaine ?

La première chose que vous avalez en vous levant ?

De l’eau. J’ai toujours l’impression d’être desséché. J’en bois tellement que je transpire aussi beaucoup quand la température grimpe. La dernière chose que vous faites avant de dormir ?

Facile : j’éteins la lumière. Combien d’heures de sommeil en moyenne ?

En comptant la sieste ? Cet été, je me réveillais à 15 heures tous les jours… Bon, je me couchais à 6 heures, comme un ado. Sinon, huit heures environ. Ou six quand je tourne.

PAR JULIETTE MORGAN ET LIONEL PAILLÈS - PHOTO DENIS ROUVRE

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V I N C E N T

L A C O S T E

« SE VOIR VIEILLIR, C’EST CHAUD, SURTOUT POUR LES ACTEURS QUI SONT CONFRONTÉS À LEUR IMAGE EN PERMANENCE »

Déjà eu recours à la chirurgie plastique ? Médecine esthétique ?

Je suis un fan de pâtes. J’ai passé pas mal de temps en Italie l’an dernier et je pense que j’en ai mangé à chaque repas pendant deux mois. C’est indispensable, comme le pain. Rien n’égale la bonne pasta. J’ai mangé les meilleures pâtes à la poutargue de ma vie chez Paserini et j’adore la cuisine de Simone Tondo chez Racines, à Paris.

Pas encore et jamais à mon avis. Sauf peut-être si j’ai un énorme goitre un jour. Se voir vieillir, c’est chaud, surtout pour les acteurs qui sont confrontés à leur image en permanence, mais franchement, j’ai l’impression que je le vivrai bien.

Pratiques à risque ?

Routine de soins ?

Des sports extrêmes tu veux dire ? Très peu pour moi. Je suis très peu casse-cou car il en faut peu pour que je me fasse mal. Je peux jouer au ping-pong et me tordre la cheville. Quand j’étais plus jeune, à chaque fois que je faisais du foot, ça finissait en entorse. D’où l’absence de sport aujourd’hui. Et puis le sport collectif m’emmerde. Je n’aime pas la compétition.

Sérieusement ? Un coup d’eau sur la tronche, je me rase, et un peu de crème hydratante anti-rougeurs. J’ai tendance à virer naturellement rougeaud. En ce moment, j’ajoute l’entretien de rouflaquettes pour un film d’époque.

Nombre de partenaires depuis votre première fois ?

Un certain nombre. Pas tant que ça. Je ne sais pas. Prenez-vous des psychotropes ?

Je ne suis pas très branché psychotropes. Un petit joint à l’occase, mais peu. Ça me déprime trop. Je suis plus Français à l’ancienne : du vin rouge !

Principal atout séduction ?

Aucune idée. Mon humour je pense. Enfin, j’espère.

Prenez-vous des compléments alimentaires ? Pour quoi ?

J’ai pris du zinc pour l’acné pendant longtemps, plutôt après l’adolescence d’ailleurs. Il m’arrive encore d’avoir des mastodontes sur la tronche. J’ai une peau à tendance variable. Des allergies ?

À l’eau de mer, depuis deux ans. Dès que je me baigne, j’ai des grosses plaques sur le visage. C’est assez chiant… Surtout si on me propose un jour de jouer Cousteau ou Le Grand bleu.

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Des cicatrices ?

Sur l’arcade sourcilière droite. Je me suis pris un verre dans le visage sur le tournage de Mes jours de gloire, une comédie qui sortira en janvier. L’actrice Noée Abita était censée me jeter du jus de tomate à la figure. C’est le verre qui est parti. Ça me fera des histoires de vieil acteur à raconter… J’ai une autre cicatrice sur l’avant-bras droit, minuscule : une rencontre avec un grillage quand j’étais petit. Des problèmes de cheveux ?

Pas pour l’instant. J’en ai même parfois trop, et j’espère que ça durera. Une tonsure à moins de 30 ans, je le vivrais mal. La partie du corps qui vous fait le plus souffrir ?

J’ai des petits complexes mais rien d’invivable. Mes douleurs sont plutôt physiques. J’ai souvent mal à la jambe gauche : une double luxation du genou juste avant le tournage des Beaux gosses l’a fragilisée. Celle qui vous fait le plus de bien ?

La bouche pour ses plaisirs variés : embrasser, manger, boire, fumer, parler, jouer la comédie. •

Chambre 212, de Christophe Honoré, en salles le 9 octobre.

N ATU R ES M O RTES  : STU D I O S ÉG U R .

L’aliment dont vous ne pourriez pas vous passer ?


LE DIAGNOSTIC DE VINCENT LACOSTE CE FLOW LENT ET GRAVE ET CETTE NONCHALANCE AMUSÉE LUI DONNENT UN CHARME FOU. BIEN QU’IL AIT QUITTÉ L’ADOLESCENCE DANS LES ANNÉES FRANÇOIS HOLLANDE, IL TRAÎNE ENCORE CETTE ALLURE JUVÉNILE QUI AURAIT PU LE CONDAMNER AU RÔLE DE JEUNE PREMIER À PERPÉTUITÉ. CELUI QUI A DÉCLARÉ « L’ACTEUR BEAU N’A AUCUN INTÉRÊT ! » A SU GAGNER EN SÉDUCTION ET TRACER SA ROUTE AUTOUR D’UNE EXIGENCE : VIEILLIR SANS ÊTRE ADULTE. PLUS NOUVELLE VAGUE QUE MINIVAGUE – BIEN QU’IL ARBORE CE CHEVEU REBELLE QU’IL TAILLE DÈS QUE ÇA LUI EMPOISONNE LA VIE –, ON IMAGINE MAL CE MAÎTRE ÈS COOL ENFERMÉ DANS SA SALLE DE BAINS PENDANT DES HEURES POUR SE FAIRE UN MASQUE CAPILLAIRE À L’HUILE DE JOJOBA. S’IL FAIT ATTENTION À LUI, C’EST À LA MARGE. NOTRE PRESCRIPTION : QUELQUES PRODUITS FACILES D’UTILISATION, RIEN DE TRÈS VIOLENT NI DE TROP ARTIFICIEL. UNE SORTE DE GROOMING COOL, QUOI !

1. COUP DE BLUFF

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A L C O O L I Q U E S

A N O N Y M E S

QUILLES D’AUTOMNE EN SEPTEMBRE, NOUS AVONS DEMANDÉ À AURÉLIEN MASSÉ, CAVISTE ET SOMMELIER DE LA RUE DU NIL, DE NOUS CONCOCTER UNE SÉLECTION DÉDIÉE AUX CHARMES DE L’AUTOMNE : DE QUOI OPÉRER LA TRANSITION DE L’ÉTÉ FINISSANT VERS LES ILLUMINATIONS FESTIVES DE FIN D’ANNÉE. AU PROGRAMME, QUATORZE BOUTEILLES INTÉRESSANTES, DÉLICIEUSES ET SE TENANT BIEN DROITES, TOUTES ISSUES DE TRÈS BONNES FAMILLES DE VIGNERONS TRAVAILLANT AVEC AMOUR ET SAVOIR-FAIRE.

CHAMPIGNONS DES BOIS

VAC A N C E S É T E R N E L L E S

Ce vin de voile du Jura (élevé quatre ans sous un voile naturel de levures se formant à sa surface, dans des fûts non pleins), moitié savagnin moitié chardonnay, reste assez sec, pas sucré et affiche un caractère oxydatif qui n’est pas toujours très bien compris. Il ne révèle les plus belles facettes de sa personnalité que bien accompagné : avec des volailles crémées aux champignons ou un vieux fromage à pâte pressée, comme un Cheddar de chez Neal’s Yard Dairy.

Ce rosé de presse (les peaux des raisins noirs ne macèrent que le temps du pressurage) assez clair, léger (11°) et digeste (on le boirait presque comme une bière, en beaucoup plus chic), offre – grâce à une récolte précoce – une belle acidité, tout en équilibre, comme une évocation du Sud mâtinée de fraîcheur septentrionale. Si vous êtes séduit, repartez en vacances à 400 m d’altitude, à Bélesta dans les Pyrénées, où l’ancienne coop a été transformée par les vignerons du domaine en hôtel-spa-restaurant étoilé.

ARBOIS, 2012, DOMAINE ROLET, 24 €

ROSÉ, CÔTES CATALANES 2018, DOMAINE DE RIBERACH, 11 €

ÉTÉ INDIEN

Mariant sylvaner, riesling et muscat dans une formule biodynamique, ce vin d’Alsace (non, tout n’y est pas sucré), floral mais vif, gourmand mais acidulé, apporte le réconfort indispensable aux apéros de fin septembre, début octobre, lorsqu’on se laisse glisser vers la mélancolie de l’automne…

Aidons le bourgogne aligoté à retrouver ses lettres de noblesse, après avoir subi les outrages d’une trop grande acidité noyée en kir dans le sucre d’une crème de cassis. À condition de bien le choisir, comme celui-ci, vinifié à partir d’aligoté doré, une variété peu productive et très aromatique plantée dans une parcelle de ce domaine des côtes châlonnaises et donnant un vin frais mais aussi tout en rondeur séduisante. Paraît-il encore un peu cher ? C’est que, la vigne étant plantée dans des sols enherbés, le ramassage des grains à la main a réclamé beaucoup de travail et de main-d’œuvre.

VOYOU DE KATZ 2017, VIN D’ALSACE BIO, CLÉMENT KLUR, 17,50 €

CRÉMAILLÈRES DE RENTRÉE

La mode en Champagne est à la transparence, surtout chez les vignerons indépendants. Année de base (2014), date de dégorgement (novembre 2018), dosage (1,8 g par litre) et bien sûr cépages et terroir (ici sur la Montagne de Reims) : ces informations pas obligatoires figurent de plus en plus fréquemment sur les contre-étiquettes pour faire comprendre en quoi le vin sera bon. Ici, le joli terroir fournit une très belle base, l’élevage long (quatre ans sur lattes), lui permet de passer de l’apéro au dîner, tandis que le dosage très léger promet un gracieux tranchant.

BOURGOGNE ALIGOTÉ 2017, EN RÂTEAUX, GOUFFIER, 13 €

COINGS

Sébastien Bobinet cultive la vigne et sa femme Émeline Calvez fait des vins illustrant bien les mots de l’œnologue philosophe Jacques Puisais : « Des vins qui ont la gueule de l’endroit où ils sont nés. » Grandi à Saumur, ce Chenin de Loire ouvre sur une base de fruits blancs (coings, pommes granny), passe sur une rondeur briochée et conclut sur une

LES PARCELLES, BOUZY GRAND CRU XIV, PIERRE PAILLARD, 37,50 €

PAR KEDA BLACK - PHOTOS PAUL LEPREUX

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L’A B U S D ’A LC O O L EST D A N G ER EU X P O U R LA S A NTÉ. À C O N S O M M ER AV EC M O D ÉRATI O N .

LUMIÈRES DORÉES




fin tranchante et vive. Il est parfait sur des poissons (blancs) au beurre (blanc), coquillages, gougères… POIL DE LIÈVRE, SAUMUR 2018, 20 €

CHASSE

Cornas, c’est un petit bijou d’appellation en rouge, pas très bien connue, et pourtant une belle représentation de ce que peuvent être les vins du Rhône. La Syrah, son unique cépage, un peu austère, y donne des vins à la structure tannique marquée, assez animale. Matthieu Barret en faisait jusque vers 2010 des vins qu’on aurait pu qualifier de déviants. Aujourd’hui, son travail est droit, précis. Déjà bien tout de suite, ce Brise cailloux aux notes poivrées, de violette et d’olive Kalamata pourra aussi se garder six ou sept ans avec profit. CORNAS, BRISE CAILLOUX 2017, MATTHIEU BARRET, 46,50 €

U LT I M E B A R B E C U E

Une dernière petite côte de bœuf grillée sur les braises, avant l’hiver ? On mettra un pull et on s’égaiera avec ce rouge clair de Provence, énergique et ludique, dont l’assemblage décalé de merlot, grenache, pinot noir et roussane mettra dans les verres le soleil qui commence à faire défaut. Très fruit, très framboise, très gourmand croquant, avec une étiquette affichant la transparence d’un pedigree nature (teneur faible en sulfites, levures naturelles, cuves inox), il reste pourtant très propre, et donne son sens à l’expression « vin de copains ». BOB SINGLAR, DOMAINE DE LA MONGESTINE, 2018, 11 €

©  PA U L LEP R EU X . L’A B U S D ’A LC O O L EST D A N G ER EU X P O U R LA S A NTÉ. À C O N S O M M ER AV EC M O D ÉRATI O N .

PLUIE

Aux premières gouttes, on se réfugiera contre l’épaule puissante (mais sans excès) de ce rouge épicé du Rhône issu de l’appellation Lirac. Moins connue que Gigondas ou Châteauneuf du Pape (où officie d’ailleurs également le vigneron, Pierre Usseglio), elle donne par son terroir (des galets, de l’argile) un vin très généreux qui peut aussi nous attendre encore quelques années. LIRAC, 2016, DOMAINE PIERRE USSEGLIO ET FILS, 23 €

W E E K - E N D À L A C A M PAG N E

Le village de Marsanney touche Gevrey Chambertin, on est en bonne compagnie. Le charme particulier de ce bourgogne villages ? Il est vinifié à partir de pinot blanc : parfait pour ceux qui sont saoulés du chardonnay. L’effet est fruité et bien bourguignon. C’est parfait pour adoucir les soirées qui s’allongent vers l’hiver. BOURGOGNE CÔTE D’OR ORIGINES 2017, JEAN FOURNIER, 22 €

CHANGEMENT DE ST YLE

Bénédicte et Grégoire Hubau bousculent les codes à Bordeaux : pas l’endroit le plus facile pour changer les méthodes de production chargées en chimie (vu le climat et l’histoire) et, pourtant, ils y arrivent. Comme ils l’expliquent, tout est dans la vigne, dans un raisin de qualité qui leur permet de faire un vin, certes, sans soufre mais attention, vraiment droit ! Une combinaison de merlot, cabernet Franc et cabernet sauvignon qui possède une vraie structure tannique (mais pas le côté boisé du fût de chênes puisqu’il est élevé en caves inox) et en même temps beaucoup d’énergie et beaucoup de fruit – gueule de bois non incluse. FRONSAC, CHÂTEAU MOULIN CUVÉE « PIVERTS », 2015, 17,50 €

HERBE MOUILLÉE

La petite macération pelliculaire et l’absence de filtration apportent à un blanc de Provence comme celui-ci un côté tactile et des arômes qui permettent des accords extraordinaires, notamment avec des produits aux goûts herbacés, verts. Ça marchera sur tous les plats préparés avec les beaux légumes des étals : tarte aux blettes et à la tomme de chèvre, filet mignon aux légumes racine rôtis et persil frais, salade de courge au four à la Trévise… GEORGETTE, DOMAINE DE MONGESTINE, BLANC 2017, 26,50 €

BAIES ROUGES

On est en Loire, sur la côte roannaise, pas loin de la Bourgogne. Le terroir ? Le clos du Puy, un peu en altitude. Le cépage ? Du gamay Saint-Romain, aux baies plus petites, un peu poivrées. Ça donne un rouge de caractère dans lequel se reflètent l’identité du cépage et l’identité du terroir, toutes deux originales. CÔTE ROANNAISE, 2017, CLOS DU PUY, DOMAINE DES POTHIERS, 18 €

WEEK-END À L A MER

Ce rouge de la côte châlonnaise pourrait très bien marcher sur un mijoté de poissons de roche avec une pointe de safran. Du pinot noir, qui donne de la structure tout en gardant une folle délicatesse, une gamme aromatique délicate, presque un parfum de rose… On est au paradis et on ferait bien d’attendre quelques années avant d’y entrer, ce vin n’en sera que meilleur ! MERCUREY PREMIER CRU, CLOS DU PARADIS, DOMAINE PHILIPPE GARREY 2017, 33 € A D R E S S E S Bouteilles à retrouver chez Frenchie, Frenchie Bar à vins et Frenchie Caviste, rue du Nil, frenchie-restaurant.com et frenchie-caviste.com. Merci à Aurélien Massé.


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LA BANLIEUE S’ANNONCE

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AUTEUIL, NEUILLY, PASSY – OU VERSAILLES, SAINT-CLOUD ET MONTREUIL. LE SOIR VENU, QUITTEZ LA RIVE GAUCHE, AVENTUREZ-VOUS AU-DELÀ DU PÉRIPH’ ET PLONGEZ-VOUS DANS LES DÉLICES OFFERTS PAR NOTRE GRAND PARIS. LA BANLIEUE PAS MOROSE A DES CHOSES À VOUS DIRE. ÉCOUTEZ-LA, VOS PAPILLES ET VOTRE FOIE VOUS REMERCIERONT. ET VOUS AUREZ DES CHOSES À RACONTER AU BUREAU LUNDI MATIN.

PAR BRUNO GODARD

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U N E TA B L E D E R O I Un petit coup de ligne N et, comme le feraient les frères Podalydés, on saute sur le quai à la station Versailles Chantiers. Après une jolie balade dans la ville royale, on pousse la porte de la Table du 11, tenue de main d’orfèvre par Jean-Baptiste Lavergne-Morazzini. Installé dans la ravissante Cour des Senteurs, le jeune chef de 27 ans a été récompensé à juste titre par une étoile au Guide Michelin qui, à coup sûr, fera des petites. Dans cet antre du bon chic bon genre Versaillais, en version moderne et pas du tout ampoulée, les cuissons atteignent un niveau de perfection rarement égalé et la cuisine de marché, qui change au fil des saisons et des inspirations du chef, est toujours étonnante. Travaillant exclusivement des produits d’origine française et bio, des poissons de ligne et des viandes fermières, Jean-Baptiste Lavergne-Morazzini sublime le terroir tricolore. Le midi, le menu entrée-plat-dessert à 45 € est une belle affaire, avec notamment un délicat cabillaud-coquillage-carotte, nacré, fondant et presque bouleversant. Le soir, deux menus (90 et 110 €) assurent une montée en gamme pour faire vibrer les jolies Versaillaises, mais aussi les princesses parisiennes qui savent que l’aventure est parfois au bout du Transilien. Attention toutefois à ne pas trop batifoler autour du Château après le dessert, le dernier train pour un retour vers la commune de Paris est à 23 h 31 ! LA TABLE DU 11, LA COUR DES SENTEURS, 8, RUE DE LA CHANCELLERIE, 78000 VERSAILLES

L’A B U S D ’A LC O O L EST D A N G ER EU X P O U R LA S A NTÉ. À C O N S O M M ER AV EC M O D ÉRATI O N .

S A I N T- C LO U D, Ç A VAU T L’ C O U P Au départ de la Porte de Versailles, la ligne T2 du tramway vous emmène vers le charme désuet de la banlieue ouest. Nous vous conseillons une étape à Saint-Cloud, à la station des Coteaux. Au pied des escaliers de la gare, zou, on file chez Mistinguette. Pascal et Élodie Rigal, déjà propriétaires de La Régie à Boulogne-Billancourt et du célèbre Village d’Auteuil dans le 16e, ont transformé ce bistrot de quartier l’été dernier. C’était un rade sans âme, c’est devenu une adresse pop et bouillonnante, grâce à une déco entièrement nouvelle et surtout à une carte de brasserie bien troussée qui fait la part belle aux produits frais. Saucisse fraîche-aligot, entrecôte de la maison Tribolet avec une délicieuse béarnaise maison, saumon à la plancha et healthy bowl nourrissent la banlieue toute la journée dans une frénésie

toute parisienne. De 17 à 20 h, l’happy hour permet de se faire doucement monter avec des spritz ou des mojitos bien tassés à 6 €, une affaire pour l’Ouest cossu. Mais nous vous conseillons de goûter à la Salers, un alcool de gentiane que, selon la légende, seuls les Aveyronnais et les Cantaliens peuvent avaler sans défaillir. Si vous passez ce cap, vous pourrez alors basculer dans l’ivresse en douceur en piochant dans la carte de vins de copains. Les soiffards du soir se partagent des planches de charcuterie ou de fromages et se ruent sur un Morgon Vieilles Vignes du Petit Pérou à 28,50 € le flacon. Mères de famille en vadrouille, jeunes cadres supérieures prometteuses venues oublier la pression, les filles sont jolies et l’ambiance monte vite, que ce soit en terrasse ou dans la jolie salle à l’esprit de loft new-yorkais. Dernier tramway aux alentours d’1 h 30… MISTINGUETTE, 18 BIS, AVENUE DE LONGCHAMP, 92210 SAINT CLOUD

MONTREUIL FOR EVER Vous ne jurez que par le métro car les trains de banlieue vous angoissent ? Vous aimez les barbus, les hipsters, les bobos ? Montreuil est fait pour vous. Vous aimez les vins gouleyants qui ne mettent pas le casque car ils sont sans sulfite, les plats canailles enlevés et bien ajustés ? La CaVe est faite pour vous. Dans la flopée de bonnes adresses qui fleurissent à Montreuil depuis quelque temps, l’endroit rayonne, à deux pas de la station Croix de Chavaux sur la ligne 9. Ce lieu atypique comprend une épicerie fine, une cave à vin où le bio et le naturel sont mis à l’honneur et une table bistronomique qui régale les bobos de l’est parisien. Nous vous recommandons plus particulièrement l’agneau confit de 8 h 32, le lieu rôti, nage coco et mangue verte et les formidables fromages qui sont fournis par le magasin Un brin d’amour, situé juste en face. Depuis septembre, une fois par mois, la ligne 9 roule toute la nuit. Nous vous conseillons donc de poursuivre les festivités à Montreuil en vous rendant à quelques pas, sur la place du Marché, dépenser vos calories sur le dancefloor du club Le Chinois, où la programmation est pointue et l’ambiance toujours chaude. Avant de prendre la ligne 9, au petit matin, pour replonger en douceur dans la frénésie de la capitale.

LA CAVE, 45, RUE DE PARIS, 93100 MONTREUIL LE CHINOIS, 6, PLACE DU MARCHÉ, 93100 MONTREUIL


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INTERDIT DE NE PAS FUMER FUMER, C’EST TOUT UN ART : DÉVELOPPÉ PAR LES HABITANTS D’ÎLES NORDIQUES POUR PROLONGER LA CONSERVATION D’UNE RESSOURCE ABONDANTE MAIS PÉRISSABLE, IL CRÉE DES SAVEURS EXTRAORDINAIRES, ÉLEVANT LE PLUS HUMBLE DES POISSONS AU RANG DE PRODUIT DE LUXE. ATTENTION, LE GOÛT DU FUMÉ, COMBINÉ À CELUI DE L’IODE, PEUT CRÉER L’ADDICTION ! dans 28 cl de lait tiède, deux jaunes d’œuf, un trait de citron et 150 g de yaourt grec. Laisser lever une heure et incorporer deux blancs en neige. Cuire les blinis avec du beurre. Servir avec un très très bon saumon fumé comme ceux de chez Barthouil : les saumons (de l’Adour, écossais ou norvégiens, sauvages ou d’élevage selon le budget et les goûts) sont salés, séchés, fumés en suspens à température basse (24° C) pendant 20 h au bois d’aulne puis affinés 48 h.

La technique ancestrale du fumage (ou fumaison) consiste à exposer un poisson (entier ou fileté) à une fumée produite par un feu de bois (de hêtre, d’aulne…), à froid (environ 30° C) ou à chaud (environ 60° C) selon le type de poisson et le résultat souhaité : à chaud, la chair s’imprègne des arômes du bois brûlé. Souvent, le fumage s’accompagne d’une étape de salage voire d’affinage qui, tout en favorisant le processus de conservation, complète le résultat organoleptique final. Que le poisson soit bon marché (maquereau, mulet, sardine) ou plus cher (saumon sauvage, thon germon), il faut que le travail reste soigné et artisanal. Le produit final s’accommode de produits austères et de préparations presque rustiques : voici une petite liste d’outils pour le déguster au mieux, en version modestie chic, voire décadente.

UN CULLEN SKINK

Le vrai haddock écossais, le Finnan Haddie, est de l’églefin fumé à froid toute une nuit sur des braises de tourbe et de bois vert. On l’ajoute (préalablement poché dans du lait, pelé, détaché en lamelles) en toute fin de cuisson dans une soupe préparée sur une base d’oignon, poireaux, carottes, pommes de terre en petits morceaux. La finition ? Crème crue et persil haché, et pourquoi pas une cuillerée d’œufs de saumon.

U N E S AU C E Monter une mayo classique. Incorporer un bouquet d’herbes hachées (cerfeuil, aneth, persil plat, un peu d’estragon), des pickles d’oignons rouges (ou des cornichons) hachés, 1 ou 2 cuillerées à soupe de crème ou de fromage blanc lisse et un peu de citron. Parfait avec un assortiment de poissons maigres et gras : lieu, mulet, sardines, thon blanc germon – par exemple ceux des Fumaisons de l’île de Groix –, et œufs de poisson, plus les galettes de pommes de terre ci-dessous.

D E S PÂT E S

Avec un thon germon fumé (ou une poutargue fumée) coupé en lamelles : on les jette (sans les cuire !) dans une casserole de pâtes chaudes égouttées, en liant avec de la crème et un petit peu de citron, jus et soupçon de zeste. DES RILLETTES

Le maquereau fumé, gras et au goût costaud, se calme écrasé en rillettes avec du fromage blanc, du zeste et du jus de citron, de la ciboulette, servi sur du pain avec des tranches de radis noir coupées à la mandoline pour offrir un peu de tranchant.

DES GALET TES DE POMME DE TERRE

Écraser des pommes de terre (bien farineuses, cuites avec la peau puis pelées) avec du beurre et du sel. Ajouter assez de farine pour obtenir une pâte maniable, faire des boules, étaler en rond et cuire sur une poêle en fonte de préférence, 7-8 mn en retournant une fois. Couper en parts et servir avec l’assiette de poisson ci-dessus. DES BLINIS

A D R E S S E S Fumaisons de l’île de Groix : fumaisons-iledegroix.fr et sur culinaries.fr • Saumon Barthouil : vente et lignes et adresses sur barthouil.fr • Petrossian, pour les saumons (notamment la Coupe du Tsar à la betterave) et les noix de Saint-Jacques fumées, petrossian.fr

Faire une pâte avec 110 g de farine de blé et autant de sarrasin, 15 g de levure de boulanger émiettée

PAR KEDA BLACK - PHOTO PAUL LEPREUX

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MATHIEU PACAUD, ARTISTE TOTAL GRANDE GUEULE DE LA GASTRONOMIE FRANÇAISE, MATHIEU PACAUD LÂCHAIT SES RESTOS À ÉTOILES IL Y A UN AN ET DEMI POUR PLANTER SES COUTEAUX CHEZ APICIUS. LA TABLE DONT IL RÊVAIT. L’ADRESSE, PLUS ROCK, PLUS JEUNE, PLUS COOL, RÉUSSIT À DÉCOINCER L’ESPRIT GASTRONOMIQUE. LE CHEF VIENT D’ÊTRE CLASSÉ 4E AU PALMARÈS DES CHEFS FRANÇAIS LES PLUS FORTUNÉS DE FRANCE, JUSTE DERRIÈRE MICHEL GUÉRARD, ALAIN DUCASSE ET THIERRY MARX. RENCONTRE.

Lui  : Être sur le podium des chefs les plus fortunés, ça vous fait de l’effet ? Mathieu Pacaud  : Ça ne veut rien dire ce palmarès. Parle-t-on du chiffre d’affaires ? Quelles sont les règles de calcul ? L’important, c’est de savoir combien il te reste à la fin du mois. Lui  : En tout cas, ça roule pour vous ! MP  : Apicius cartonne depuis son ouverture. Regarde le décor, c’est unique ! Et la clientèle est à 95 % parisienne et française ! Ici on n’attend pas les bus de touristes. Les Français adorent Apicius, les Parisiens encore plus. Lui  : Fauteuils léopard, jardin tropical, cuisine light, vous avez tout dépoussiéré… MP  : On a réussi à baisser l’âge moyen de 20 ans. C’était le troisième âge avant mon arrivée, on s’y faisait chier. La clientèle était exclusivement masculine, il n’y avait pas de musique. Désormais, les clients viennent boire des coups au bar, le jardin est comble l’été. Il y a de bonnes ondes ici. Lui  : Côté cuisine, justement ? MP  : On a allégé la cuisine et on a allégé les sauces. Résultat, on a séduit une clientèle plus jeune et plus féminine. Avant, c’était gras, lourd, dégueulasse comme dans beaucoup de restos gastro. La cuisine technique, ça fait chier tout le monde. Aujourd’hui, les clients veulent le meilleur produit, le bar exceptionnel, le bon homard. Nous leur offrons la maîtrise de la simplicité, la maîtrise de la cuisson sans fioriture. Mais pour en arriver là, il faut de l’expérience. Lui  : Merci papa ? MP  : Je dois à mon père la vie, un métier, un nom. Lui  : Pas toujours été facile avec lui ? MP  : Il ne m’a jamais fait de cadeau. Rien n’a été facile, mais c’était bien comme ça. Quand tu donnes tout à tes enfants sur un plateau d’argent, tu ne leur donnes rien. Je crois qu’il réalise que je ne me démerde pas si mal que ça aujourd’hui.

Lui  : Grande gueule, franc-tireur… On vous allume un peu sur les Internets. Vous vous en fichez ? MP  : Sur les 3 000 articles parus en 2018, j’ai eu quatre mauvais papiers. Je ne m’attache pas au négatif sauf s’il est pensé et réfléchi, et dans ce cas-là ça me pousse à la remise en question. Lui  : Une étoile au Michelin, toujours déçu ? MP  : À une certaine époque, l’étoile du Michelin faisait grimper le chiffre d’affaires de 100 % immédiatement. Aujourd’hui, le Guide Michelin, c’est 20 000 exemplaires vendus dont 20 % achetés par les chefs. Le Michelin répond à ses lecteurs chinois et russes, et il le fait bien. Le vrai client, lui, se fait son opinion avec le bouche-à-oreille ou tout seul. Et si tu fais de la merde, il ne revient pas ! Lui  : Pas de rêve de 3 étoiles alors ? MP  : Économiquement, un restaurant 3 étoiles est difficile à faire tenir à Paris. À part une ou deux exceptions avec Passard, Savoy et l’Ambroisie. Lui  : Prêt à rendre votre étoile un jour ? MP  : Entre Marc Veyrat et Lignac qui renoncent aux étoiles, Bras qui s’en branle… L’étoile n’est pas une nécessité économique pour mes lieux. J’essaie de les garder et d’en ajouter, car j’y vois encore des effets positifs de motivation et de rigueur. Mais pour le reste : pas vraiment d’intérêt. J’espère que le Guide pourra évoluer avec le nouveau directeur, on va lui laisser une chance ! Lui  : Apicius, Anne, Divellec, Murtoli… C’est quoi le trait commun de vos restaurants ? MP  : Que des adresses à taille humaine, super belles. Avec de la verdure, où tu respires ! Lui  : Le prochain step ? MP  : Londres ou New York, why not ! J’attends les effets du Brexit pour décider. Je suis bien à Paris. Je suis heureux, la vie est belle et je réfléchis à comment nous adapter au défi de l’écologie. • Apicius, 20, rue d’Artois, Paris 8. www.mathieu-pacaud.com

PAR ALEXIS CHENU - PHOTO JACQUES GAVARD

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QUOI DE NEUF ? UNE SÉLECTION DE NOUVEAUTÉS À SE PROCURER SANS TARDER.

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