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Annerösli Zryd

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Jonas Baumann

Jonas Baumann

ANNERÖSLI

ZRYD LA PREMIÈRE LÉGENDE DU SKI DES TEMPS MODERNES

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Revenons 50 ans en arrière. Le 11 février 1970 doit être marqué d’une pierre blanche dans les annales de la fédération suisse de ski, car c’est une date mémorable. Ce jour-là, Annerösli Zryd, sortie pratiquement de nulle part, a remporté la descente des Championnats du monde de Val Gardena, marquant ainsi un tournant dans le ski suisse après une très longue traversée du désert. Et les prémices de cette victoire furent mouvementées.

Lors des grands événements, les résultats n’étaient pas au rendez-vous. Swiss-Ski – à l’époque encore FSS – est revenue bredouille des Championnats du monde de 1962 à Cha- monix. Puis a suivi la débâcle olympique de 1964 à Innsbruck. Et aux Championnats du monde de ski alpin de 1966 à Portillo (Chili), qui se sont tenus en été, les skieurs et skieuses suisses n’ont pas remporté la moindre médaille. C’est seulement en 1968, aux Jeux olympiques de Grenoble, que nous avons pu fêter trois médailles.

D’abord une mésaventure ... Mais ce sont à nouveau nos adversaires qui avaient fait main basse sur les titres. Annerösli Zryd, la seule skieuse qui pouvait aller chercher l’or olympique, a chuté environ 100 m avant la ligne d’arrivée. Alors qu'elle avait réalisé le meilleur temps intermédiaire, la skieuse d’Adelboden âgée de 18 ans a subi une mésaventure dans le schuss final. «Pendant la nuit, les préparateurs avaient été sur la piste avec des Ratrac, et des blocs de glace se s'étaient

30 SNOWACTIVE FÉVRIER 2020 formés. L’un de ces blocs a coupé mon ski en deux, et j’ai volé la tête la première dans l’aire d’arrivée pour arriver directement dans un poteau.» Résultat: 11 e place au lieu de la 1 re , tandis que le titre olympique est revenu à Olga Pall (AUT) devant Isabelle Mir (FRA). Annerösli Zryd a fait son entrée dans le cirque blanc en 1966 à 16 ans, une année avant la création de la Coupe du monde. Déjà lors de la première saison de Coupe du monde, elle a créé la surprise à Sestrières en obtenant trois 4 e rangs en descente, en slalom et en combiné. Une autre de ses 4 e places est marquée par une particularité. À Franconia (USA), elle a été évincée du podium par une certaine Erika Schinegger. Comme on l’a découvert plus tard, Schinegger, championne du monde de descente en 1966, n’était pas une femme, puisque l’athlète souffrait du phénomène biologique appelé le pseu

dohermaphrodisme. Par la suite, Erika a pris le départ des courses chez les hommes en tant qu’Erik Schinegger.

... puis des blessures ... À l’époque, seules quelques courses appelées FIS-1/A comptaient pour la Coupe du monde. Il y avait aussi une différence entre les disciplines de vitesse et les disciplines techniques. Souvent, seules quatre ou cinq descentes étaient au calendrier contre une vingtaine de slaloms et de slaloms géants. Bien qu’Annerösli Zryd ait obtenu des top 10 également dans les courses techniques, la descente était sa discipline de prédilection. Elle a été souvent écartée des pistes par des blessures, comme ce fut le cas avant les Championnats du monde de ski alpin de Val Gardena: «Pendant l’été, je faisais des exercices aux anneaux et j’ai chuté sur le sol sans tapis. Depuis, j’avais des douleurs constantes dans le dos.» La fédération ne voulait même pas la sélectionner et ne souhaitait envoyer à Val Gardena aucune représentante de l’équipe féminine en crise. Un ultimatum lui a été posé: si tu n’obtiens pas un top 10 à Garmisch, tu restes à la maison! Annerösli Zryd a terminé 9 e . Pour ne pas qu’elle soit seule, elle a été accompagnée par Edith Sprecher-Hildbrand.

... et finalement le grand bonheur à Val Gardena «Je voulais absolument aller à Val Gardena», dit aujourd’hui Annerösli Zryd: «Le parcours était tracé pour moi, j’y avais remporté la répétition générale des CM une année auparavant. Je voulais à nouveau remporter cette course, j'avais pleine confiance en moi.» Mais comme toujours, elle avait des douleurs dans le dos. Au niveau mental, Annerösli Zryd était au top, ce qui n’était pas le cas au niveau physique. Le médecin de l’équipe lui a construit un lit orthopédique improvisé car, à l’époque, on ne connaissait pas la physiothérapie dans le ski. Il manquait encore quelque chose à Annerösli Zryd: «J’avais encore besoin de quelqu’un à mes côtés: mon frère.» Bruno Zryd a fait le voyage vers Val Gardena pour soutenir sa sœur, accompagné de Fred Rubi, directeur du tourisme à Adelboden, fondateur des courses et figure respectée dans le monde du ski. Comme le dit Annerösli Zryd, «c’était un peu e début de l’encadrement personnel tel qu'on le connaît aujourd’hui». Annerösli Zryd s’est aussi occupée d’autres aspects comme la préparation des skis ou l’aérodynamique, ce qui ne va pas de soi pour une fille d’à peine 20 ans. Sous ses airs de garçon manqué, elle savait exactement ce qu’elle voulait. Tandis que l’histoire du fart que Bernhard Russi a enlevé de ses skis avant son départ aux CM faisait déjà partie de l’histoire du ski suisse, il a fallu presque 50 ans pour que l’action se

crète du fart d’Annerösli Zryd, encore plus spectaculaire, soit rendue publique. «Je ne peux pas tout raconter», hésite-t-elle un moment avant de changer d’avis. «La veille de la course, il faisait mauvais temps, il neigeait. À l’époque, on fartait les skis toujours le soir précédent la course. Un expert en fartage d’une entreprise spécialisée préparait le fart. On a ensuite appris que les températures allaient baisser et que le ciel allait se dégager.»

L’histoire du fart Elle est devenue super nerveuse. «Le matin à 6h, mon frère a été sur la piste avec l’entraîneur. C’était l’époque où on commençait à mesurer la température de la neige. Avec trois mesures dans des endroits différents, ils ont déterminé que la neige était devenue plus froide. Ils avaient un contact radio avec le chef entraîneur des hommes Paul Berlinger qui, après avoir reçu ces informations, a gratté le fart de mes skis préparés «comme il le fera ultérieurement sur les skis de Russi». Berlinger, qui avait obtenu le titre de gourou spécialiste en fartage a enlevé le fart, puis a fermé les portes du dépôt de ski. Un peu plus tard, lorsqu’il est arrivé, le responsable du fartage n’a pas pu rentrer. «Celui-ci avait tendance à piquer des crises de rage, il a réussi à ouvrir les portes par la force et à entrer dans le local de ski. Et je faisais les cent pas sur la terrasse, j'étais de plus en plus nerveuse.»

Avec le numéro 5 (cousu) Pendant ce temps, les températures chutaient, et Annerösli Zryd s’est rendue au départ. Elle avait coupé en deux son numéro de départ 5 et l’avait cousu sur sa combinaison de course à gauche et à droite de la fermeture éclair. «J’ai retiré ma veste seulement 30 secondes avant le départ, pour que cela ne se remarque pas.» Annerösli Zryd a réalisé le meilleur temps, avec une demi-seconde d’avance sur la grande favorite Isabelle Mir et deux secondes sur l’ambitieuse Autrichienne Annemarie Moser, qui a ensuite remporté 62 courses de Coupe du monde. «Aujourd’hui encore, les souvenirs de cette journée m’émeuvent, révèle Annerösli Zryd. J’ai encore chaque courbe en tête et je pourrais pratiquement refaire la course à l’aveugle.» Elle est retournée trois ou quatre fois en tant que touriste sur la piste «Cir» au-dessus de Wolkenstein. Deux courses y ont eu lieu, et les deux furent remportées par Zryd. Cela est et reste «son» parcours, son «salon», comme on peut le dire depuis l’expression lancée par Boris Becker. La partie supérieure a désormais été ensevelie par un éboulement. En décembre dernier, lorsque le CO de Val Gardena a fêté le 50 e anniversaire de ces CM, elle a renoncé à visiter son salon. Depuis son opération aux deux hanches il y a trois ans, elle ne fait plus de ski: «Je n’ai maintenant au moins plus de douleur, mais je ne veux rien risquer.»

Le grand rendez-vous Presque tous les 70 médaillés des CM sont venus à Val Gardena de Schranz à Russi, Thöni, Cordin, Bleiner en passant par presque toutes les Françaises qui étaient alors au sommet comme Florence Steurer, Michèle Jacot, Ingrid Lafforgue, etc. Seule une manquait à l’appel: Isabelle Mir, qui avait pris la 2 e place derrière Zryd. «Je l’ai appelée», explique Annerösli Zryd en secouant la tête avec irritation. «Elle ne voulait pas venir parce qu’elle n’a toujours pas digéré que je l’aie battue.» Après 50 ans!? Peu après les Championnats du monde de ski alpin à Val Gardena, Annerösli Zryd a mis un terme à sa carrière, alors qu’elle n’avait pas encore 21 ans. Son dos ne lui permettait plus de pratiquer un sport d’élite. Même pour des entraînements de condition physique, elle avait besoin d’antidouleurs, et pour les courses encore plus que jamais. Pendant presque 40 ans, elle a travaillé à Adelboden dans un magasin de sport, dont elle a même été la gérante après la retraite du propriétaire. Elle a fêté ses 70 ans en mai dernier «Je profite, je vois mes amis, je savoure la vie». Malgré une carrière incroyablement courte, Annerösli Zryd a laissé des traces durables. Avant elle, la Suisse n’avait pas compté de championne du monde de descente depuis 14 ans (Madeleine Berthod en 1956). Et après elle, il a aussi fallu compter entre 15 et 20 ans avec respectivement Michela Figini et Maria Walliser pour que la Suisse remporte à nouveau l’or en descente. Et ce furent les dernières Suissesses. Depuis Val Gardena en 1970, le ski suisse va vers les sommets. Il n’y a pas que Bernhard Russi qui y a remporté des victoires. On l’oublie de temps en temps. Annerösli Zryd a été victorieuse quatre jours plus tôt. En vérité, c’est elle qui a lancé la première étincelle. Aussi à Adelboden. Depuis lors, il y avait toujours un skieur ou une skieuse d’Adelboden dans l’équipe nationale jusqu’à Marlies Oester. Et Marlies Oester est encore la dernière slalomeuse suisse à avoir remporté une épreuve de Coupe du monde. RICHARD HEGGLIN

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