Habitat Participatif, une Fabrique de la Soutenabilité - Mémoire Architecture

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HABITAT PARTICIPATIF Une fabrique de la soutenabilité

Rapport d’études 2017/2018 Sylvain CHAMPY Dirigé par Emmanuel BRETON



Sylvain CHAMPY Dirigé par Emmanuel BRETON

Habitat participatif Une fabrique de la soutenabilité

Rapport d’études 2017/2018


Avant-propos :

Ma prise de conscience face aux enjeux du XXIème siècle tel que

l’adaptation au réchauffement climatique et la raréfaction des ressources m’a poussé à réfléchir à des moyens alternatifs pour penser l’architecture. A travers l’habitat participatif, j’ai voulu comprendre ce qui poussait de plus en plus de personnes à essayer de nouvelles formes de vies, différentes d’une certaine uniformisation du logement en France. C’était également l’occasion de réfléchir à d’autres modes de conception en architecture, d’aller voir d’autres façons de construire, pour constituer une base de mes futures expériences professionnelles.

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Sommaire Introduction

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1. LES PROCESSUS DE L’HABITAT GROUPE : ORIGINE ET DÉVELOPPEMENT

2. Anticiper en participant pour une architecture plus soutenable 18

3. LA CONCEPTION PARTICIPATIVE, CRÉATION DE DURABILITÉ

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1.1 LES PARTICIPATIONS DANS L’habitat 8 1.2 LE DÉVELOPPEMENT DURABLE 11 1.3 LES VALEURS DE L’HABITAT PARTICIPATIF 13

2.1 La formation du groupe, enjeu durable 18 2.2 Requestionner la commande 21 2.3 Une programmation co-générative 24 29

3.1 UNE CONCEPTION A CHOIX MULTIPLES 29 3.2 LA PERMANENCE ARCHITECTURALE 32 3.3 LA MONTÉE EN COMPÉTENCE DE L’HABITANT 35

Conclusion

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Bibliographie raisonnée

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Table des illustrations

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Liste des annexes

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INtroduction

Depuis plusieurs années, l’habitat participatif trouve un regain d’intérêt dans un contexte

économique, politique et social en transition favorisant l’action des citoyens. La participation, à toutes ces échelles, permet de redonner aux habitants un réel engagement face à leur habitat, leur quartier et leur ville. Quant à l’architecte, en tant que maître d’œuvre, il se doit aussi d’être un observateur assidu de la société pour laquelle il est a appelé à construire. « L’architecture est une expression de la culture. La création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels ou urbains ainsi que du patrimoine sont d’intérêt public. »1 En posant le fondement de ce que l’architecture tend à être, il est intéressant de requestionner à travers le prisme de l’habitant, les enjeux actuels et futurs de cette discipline. L’acte de construire est en soi, une transformation forte et durable du paysage et des usages, et l’architecte dans l’exercice de sa profession, bien qu’il dialogue avec les usagers n’a pas souvent l’occasion de connaitre l’usage réel des (futurs) habitants. Cette mise à distance, bien qu’elle soit souvent nécessaire pour les architectes dans leurs phases de conception, peut être source d’incompréhension d’usage pour les habitants.

Habiter est une compétence qui est donnée à tous et possède autant de significations qu’il y a d’individus. Dans un monde de plus en plus interconnecté, l’habitat participatif permet à travers la création d’un groupe, de rendre collectif l’acte de construire et d’habiter, où chaque initiative peut être écoutée. Ce terme englobe plusieurs types d’habitats alternatifs qui se différencient en fonction du statut du groupe d’habitants, de son engagement et de ses valeurs. En 2014, la loi ALUR (Accès au Logement et un Urbanisme Rénové) permet la création de deux statuts juridiques, la coopérative d’habitat qui permet de gérer collectivement l’immeuble où chaque associé possède des parts de la coopérative ; et la société d’auto promotion qui permet à celle-ci de construire ou acheter un bien immobilier selon des aspirations communes2. Bien que ces deux types d’habitats soient les plus communs, il existe une myriade d’autres habitats alternatifs tels que les écoquartiers.

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Art 1, Loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture, Disponible sur https://www.legifrance.gouv.fr/ Loi ALUR n° 2014-366 du 24 mars 2014, Disponible sur https://www.legifrance.gouv.fr/

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Les groupes d’habitats participatifs portent des valeurs autour de la soutenabilité tels que : favoriser les liens sociaux et la mixité, répondre au manque de logement, offrir des logements de qualité à prix abordable, dynamiser le territoire à travers l’engagement citoyen, et produire un habitat durable3. C’est cette dernière notion de durabilité, et plus largement, celle de soutenabilité qui fait l’objet de ce mémoire. En effet, la notion de participation interroge non seulement le lien social, mais est aussi intrinsèquement celle de la durabilité dans le sens où il y a une durabilité de l’action. Dans l’habitat participatif, que ce soit la co-conception, la co-construction ou la co-gestion, la participation intervient au niveau d’échelles d’actions et de temps différents tout en étant le moteur de la longévité de l’aventure partagée par les habitants.

En ce sens, la participation entre aussi en jeu dans le travail de l’architecte, où le processus de

conception généralement vertical est ici «retourné» pour devenir horizontal. L’architecte dès le début de sa mission instaure un échange direct avec les futurs habitants. Cette modification dans le processus de conception n’impacte-t-elle pas la programmation même de la commande ? L’architecte, dans le cas de l’habitat participatif, trouve un moyen qui est la participation pour définir collectivement le programme. Cette dimension étant atypique dans le projet, ne redéfinit-elle pas le rôle de l’architecte ? L’interconnexion entre durabilité et participation pose une question assez simple : pour qui construisonsnous ? L’allongement de la durée de conception des études pour permettre l’implication des futurs habitants conditionne le caractère soutenable de ces logements.

Peut-on dès lors établir une relation de cause à effet entre participation et soutenabilité ?

Après avoir défini dans le contexte de l’habitat et de notre époque les notions principales

de ce mémoire que sont la participation et la soutenabilité, en les confrontant ensuite aux valeurs des habitants, l’étude de la participation dans plusieurs situations sera mise en place. La soutenabilité sera d’abord questionnée à travers une participation anticipée le plus en amont du projet, puis sera abordée à travers la longévité de la conception participative. Ce mémoire s’appuiera sur des réflexions de différents auteurs, qu’ils soient architectes, sociologues ou habitants, en les reliant à des exemples concrets d’habitats participatifs, argumentés par des visites et des interviews d’architectes.

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Livre blanc de l’habitat participatif, ouvrage collectif, Strasbourg, 2011

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1. LES PROCESSUS DE L’HABITAT GROUPE : ORIGINE ET DÉVELOPPEMENT

1.1 Les participations dans l’habitat

Les projets d’habitat participatif sont le résultat d’un groupe de citoyens voulant, par leur

initiative, construire ou faire construire leur propre habitat pour redevenir acteur dans leur action d’habiter. Pour ce faire, la participation du collectif, impliquant la collaboration entre ses membres et les différents acteurs professionnels de l’immobilier, est constamment utilisé. Comment la participation prend-t-elle place dans la conception d’un habitat participatif ? Quelles sont ses limites/ses avantages dans le cadre de l’habitat ? Pour réponde à ces questions, il est essentiel de définir ce qu’est la participation et comment elle influe sur la société. Définition de participation : [Par l’action, par la présence directe] Action de participer à quelque chose; résultat de cette action. [En dynamique de groupe] Engagement personnel en tant que membre du groupe pour coopérer et faire progresser d’une part le fonctionnement du groupe comme tel, d’autre part la réalisation de sa tâche et de ses objectifs (Mucch. Sc. soc. 1969).4

La participation est donc un processus, une façon d’interagir avec l’autre, où l’individu contribue à l’effort collectif pour arriver réaliser une tâche. Ce concept est utilisé plus communément dans la société sous la forme de démocratie participative qui est une forme de partage et d’exercice du pouvoir, fondée sur le renforcement de la participation des citoyens à la prise de décision politique. Celle-ci peut prendre plusieurs formes et est utilisée notamment dans l’aménagement urbain où le code de l’urbanisme favorise ces démarches. «I - Le conseil municipal ou l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale délibère sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d’une concertation associant, pendant toute la durée de l’élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées dont les représentants de la profession agricole, avant : a) Toute élaboration ou révision du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d’urbanisme ; b) Toute création, à son initiative, d’une zone d’aménagement concerté ; c) Toute opération d’aménagement réalisée par la commune ou pour son compte lorsque, par son importance ou sa nature, cette opération modifie de façon substantielle le cadre de vie ou l’activité économique de la commune et qu’elle n’est pas située dans un secteur qui a déjà fait l’objet de cette délibération au titre du a) ou du b) ci-dessus.»5

4 5

Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, Disponible sur http://www.cnrtl.fr/ Code de l’urbanisme, Article L300-2 Disponible sur http://www.legifrance.gouv.fr/

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Le cadre juridique de la participation fait donc émerger un phénomène démocratique où

chacun peut s’exprimer sur une question qui le concerne. Qu’en est-il de ce processus de participation dans l’habitat où les acteurs et la taille des groupes d’habitants ne sont pas les mêmes ? Du côté de la juridiction dans l’habitat, la loi ALUR de 2014 incite à intégrer de plus en plus la participation comme outil de travail. Patrick Bouchain, dans son livre Construire autrement6, souhaite «entrainer tout le monde», il considère l’habitant comme un acteur à part entière dans la réalisation d’un projet participatif. Il fait également la distinction entre la participation et la concertation. Cette dernière s’apparente plus à une discussion sans vraiment intégrer les acteurs de la construction et leur donner un rôle. Il est dès lors important de bien définir les termes connexes à la participation pour en saisir toutes les nuances. Nous étudierons les termes les plus utilisés dans le vocabulaire de l’habitat participatif soit la concertation, la coopération et la collaboration.

Fig. 1 : Guillaume Ramillien - illustration

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BOUCHAIN Patrick, Construire autrement : comment faire ?, Arles, Actes Sud, L’impense, 2006.

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Se concerter c’est projeter de concert avec un ou plusieurs. S’entendre pour agir de concert.7

On note ici l’importance du collectif et de la prise de parole, pour arriver à une entente. La participation semble plus impactante dans l’action, dans le sens où l’acteur doit prendre part et se positionner de manière forte. Dans l’habitat participatif, la qualité des interactions est primordiale et en saisir toutes les nuances permettrait de rendre la conception plus efficace. La démarche participative consiste à convier les futurs usagers comme consultants ou conseillers à propos de leur espace à vivre. Pour l’habitat participatif, ce sont les habitants qui demandent aux autres acteurs de venir participer à leur projet. La coopération en conception est une activité plus complexe. Plusieurs concepteurs peuvent interagir sur un même projet architectural, indépendamment des usagers. Un coordinateur désigné met en commun les tâches individuelles de chacun et vérifie leur cohérence par rapport aux principes du projet et aux choix du maître d’ouvrage. Dans le cas de l’habitat participatif, des groupes de personnes travailleraient sur des thèmes particuliers et l’architecte validerait ou non ces besoins. Le concept de collaboration implique, lui, la poursuite d’un même but par différents acteurs, qui deviennent par conséquent solidaires. La conception collaborative est donc basée sur l’unité, où les acteurs s’autogèrent en permanence. On pourrait parler de co-conception où les habitants ont autant de prise de décisions que les acteurs du bâtiment.8

Acteurs

Conception

C. Collaborative

C. Coopérative

Fonction

Architecte

Architectes, Experts

Architectes, Experts

Rôle

Le concepteur

Un groupe de concepteur(s)

Validation

Le concepteur

Un groupe de concepteur(s)

Plusieurs concepteur(s), un coordinateur Le coordinateur

C. Participative Architectes, Experts, utilisateurs Le concepteur Les utilisateurs

Fig. 2 : Tableaux des processus collaboratif, coopératif et participatif

Que les interactions dans les projets d’habitat participatif soient par moment de la participation, de la concertation, de la coopération ou de la collaboration, la question centrale lors de la conception porte sur l’intégration des choix et des points de vue de chacun. La cohérence des informations et de la compréhension favorisera non seulement la soutenabilité du projet, mais aussi la cohésion du groupe d’habitants. La participation rentre dans une logique de durabilité sociale et est une solution à la prise de décision. Elle a besoin d’être associée à une logique plus grande qui est le développent durable. 7 8

Dictionnaire de la langue française, par É. Littré, Disponible sur http://www.littre.org/ Salia Ben Rajeb, DNArchi, collaboration, coopération ou participation, Décembre 2011

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1.2 Le développement durable

Qu’est-ce que le développement durable ou la soutenabilité ? « C’est le développement

qui répond aux besoins du présent sans compromettre la possibilité, pour les générations à venir, de pouvoir répondre à leurs propres besoins. C’est un processus de changement dans lequel l’exploitation des ressources, le choix des investissements, l’orientation du développement technique ainsi que le changement institutionnel sont déterminés en fonction des besoins tant actuels qu’à venir. »9 Il n’est pas à confondre avec le concept de durabilité qui est «l’espace de temps durant lequel un bien est apte à satisfaire un besoin auquel il correspond»10. Le développement durable s’appuie sur trois piliers : social, économique et environnemental. L’efficacité économique consiste en une gestion saine et durable, sans préjudice pour l’environnement et pour l’Homme. L’équité sociale tend à satisfaire les besoins essentiels de l’humanité en logement, alimentation, santé et éducation, en réduisant les inégalités entre les individus, dans le respect de leurs cultures. La qualité environnementale quant à elle préserve les ressources naturelles à long terme, en maintenant les grands équilibres écologiques et en limitant des impacts environnementaux. Ces trois piliers ont besoin pour exister que l’on respecte quatre principes fondamentaux que sont la solidarité, la précaution, la responsabilité et la participation. C’est cette dernière que nous analysons dans le cadre de l’habitat participatif. Il est donc important de définir le cadre de la participation dans l’habitat comme nous l’avons vu précédemment, et de comprendre comment l’acte de participer peu ou non, favoriser la soutenabilité d’un habitat groupé.

Social Insertion, exclusion Santé des populations

Vivable Santé Environnement

Equitable Inégalités Solidarités

Durable Viable

Environnement

Economique Capacités productives Innovation et recherches

Modes de production et de consommation

Changement climatique Ressources environnementales

Fig. 3 : Schéma développement durable

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Notre avenir à tous, Rapport Brundtland, 1987 Larousse, Disponible sur http://www.larousse.fr/

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Devant tant de complexité, c’est l’ensemble de nos modes de vies qu’il faut rendre plus

soutenables pour limiter notamment le réchauffement climatique. De ce fait, la question de soutenabilité en architecture doit s’intégrer à la définition même de cette discipline. L’architecture se doit dès lors de prendre position par rapport à cette nouvelle intention, l’architecte se doit de traduire dans le projet le paradigme majeur de son temps.11 Or, pour que cette intégration soit réellement pertinente, il ne suffit pas de juxtaposer des technologies à un projet conçu sans cette question. La dimension environnementale devrait devenir un moteur de conception et devrait nourrir la discipline architecturale elle-même par une traduction pertinente de l’objectif de soutenabilité.

Fig. 4 : Une maison bioclimatique, Earthshipglobal, Michael Reynolds

Quelles sont donc les intentions actuelles liées au développement durable, et qu’est-il pertinent de remettre en cause ? Cela suppose dans un premier temps de changer les intentions concernant les dimensions environnementales pour transformer en «autre chose» l’architecture et la société. Ce changement de paradigme nécessite d’être accompagné par une évolution des mœurs dans la société. Si l’architecture se définit en partie par sa pertinence culturelle, la soutenabilité se traduit par l’adéquation entre l’architecture et le paradigme de son temps.

VAN MOESEKE Geoffrey, La complexité comme inspiration, De notions complexes à un discours sur la soutenabilité en l’architecture, 8ème congrès du systémique, Bruxelles, 2011 11

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Fig. 5 : Photo de chantier du Village Vertical Système constructif Bois/Béton - Arbor&Sens

Actuellement, ce paradigme est en cours de changement, le caractère soutenable peut être critiqué, car il n’est pas identique dans toutes les parties de la société. Pour l’habitat participatif, on pourrait traduire cet entre-deux par la volonté d’innover en proposant des habitats alternatifs, mais qui seraient limités par les pratiques «classiques» des personnes. Un autre questionnement de soutenabilité en architecture serait de comprendre les liens entre matériaux et bâtiments durables par rapport aux comportements de ces occupants. L’énergie et les ressources locales sont à intégrer dans le caractère durable du bâtiment tout autant que les systèmes mis en place dans un habitat participatif tels que la ventilation ou le chauffage. «Les premiers retours qu’on a eus, c’est très intéressant pour nous, c’est que les habitants du Village Vertical, qui ont participé à la conception, nous annoncent des consommations de chauffage, qui sont les mêmes que ceux qui ont été acheté sur plans. C’est à dire nous on s’était fait une règle, on conçoit pour le bailleur social exactement de la même façon que ce que l’on conçoit pour les villageois.»12

Il s’agit dès lors de prendre compte des usages réels des habitants pour les intégrer en même temps que les calculs thermiques par exemple. Le contexte intérieur et extérieur au bâtiment est aussi important pour garder une logique de soutenabilité. 12

Entretien avec Marine Morain, architecte du Village Vertical, p.2

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1.3 Les valeurs de l’habitat participatif

Les projets d’habitat participatif s’inscrivent donc pour la plupart, dans une logique

de développement durable. Le groupe, pour se former à besoin de s’identifier à des valeurs, qui détermineront en partie la conception de l’habitat et des relations entre les membres du collectif. Les valeurs sont fondamentales pour expliquer l’organisation et le changement, au niveau de la société comme celui des individus. C’est une norme morale qui permet de faire adopter à des individus un comportement ne prenant son sens que si tout le monde l’adopte. Dix valeurs de bases ont été identifiées qui permettent les nécessités suivantes : satisfaire les besoins biologiques des individus, permettre l’interaction sociale, et assurer le bon fonctionnement et la survie des groupes13.

Fig. 6 : Parole d’habitant : valeurs, éco habitat groupé (Dessinateur : Ström)

Shalom H. schwartz, Les valeurs de base de la personne : théorie, mesures et applications, Revue française de Sociologie, 2006 13

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Les valeurs évoluent avec le temps et peuvent revêtir plus ou moins d’importances selon

l’âge, le cycle de vie, le sexe, le niveau d’éducation et le revenu. Dans l’habitat participatif, la pluralité des profils individuels fait que les valeurs peuvent être un obstacle à la constitution du groupe au moment de sa formation. On étudiera les valeurs les plus exprimées dans l’habitat participatif soit : l’universalisme, la bienveillance, la conformité, la stimulation et l’autonomie. Comment ces valeurs universelles sont-elles intégrées dans le projet d’habitat participatif et sous quelles formes ? Chaque valeur est plus ou moins importante selon les collectifs, et elle est toujours contextualisée, contrairement à l’idéal qui se réfère à des idées, indépendamment de tout contexte.14 L’universalisme dans les collectifs d’habitat participatif s’apparente plutôt à un mode de vie éco-responsable, où le développement durable y tient une place forte. En générant des liens sociaux, de l’entraide et de la mixité, cela leur donne une dimension d’utilité sociale. La bienveillance se manifeste dans la vie de tous les jours où la communauté de part ces différentes générations, sa coopération et son entraide aide le groupe à avancer. La conformité quant à elle est utile aux interactions sociales surtout pendant la formation du groupe où les valeurs de chacun doivent se hiérarchiser pour arriver à une certaine soutenabilité. La stimulation représente le fait de redevenir acteur de son désir d’habiter, de créer un autre groupe social fort que la famille ou le travail. Enfin, l’autonomie se définit dans la possibilité de concevoir son propre logement, de l’auto construire, et par la même occasion de maîtriser son loyer et choisir son cadre de vie, ce qui est plus difficile lorsque l’on fait une opération de logement classique.

Ces valeurs comme nous l’avons vu plus haut ont un cycle de vie, et l’importance se trouve dans le choix des valeurs qui vont faire fonctionner le nouveau collectif qui est en train d’être fondé. Pour cela, une charte est nécessaire pour faire évoluer ces valeurs. Elle a pour objectif dans un premier temps de lancer des discussions pour fonder la démarche du groupe, puis lors de la réalisation du bâtiment, elle constitue un fil directeur pour l’action. Une fois le groupe installé, la charte est un texte fondateur de l’identité du groupe et qui représente son état d’esprit. L’identification des valeurs est donc une étape indispensable à la création et la vie du groupe et permet à celui-ci de garder sa cohésion dans la durée.

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Les ateliers de regain, Les valeurs dans un projet d’habitat groupé.

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En prenant comme exemple la charte du Village Vertical15, on s’aperçoit que ce document

fondateur d’une seule page expose les différentes valeurs du groupe sans rentrer dans le détail. La participation à la création de ce document n’engage pas seulement ces auteurs, mais aussi les personnes côtoyant le bâtiment et ses habitants, et résonne comme un acte militant et social pour une plus grande soutenabilité.

Charte du Village Vertical

Fig. 7 : Charte du Village Vertical

Le Village Vertical est une coopérative d’habitants, basé à Villeurbanne. Premier habitat coopératif de France, j’ai pu visiter les locaux et discuter avec les habitants de leur démarche. 15

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La participation amène à une réorganisation des modes de pensée et

de conception dans l’habitat. Il existe plusieurs niveaux de relations telles que la participation, la collaboration ou la coopération. Les acteurs qui interviennent dans un projet d’habitat participatif utilisent tel ou tel mode d’action suivant les situations. La soutenabilité déployée dans l’habitat et l’architecture, pose une question sur la redéfinition non seulement de la pratique d’habiter, mais aussi sur la conception même de l’architecture. Le développement durable appliqué à l’habitat participatif est directement lié aux valeurs des habitants. En effet, c’est le degré d’implication des valeurs qui donnera la cohérence du groupe et de la démarche soutenable de l’habitat. Si la participation amorce une réflexion sur les valeurs et la soutenabilité, il faut maintenant comprendre de quelle manière la participation influe sur le caractère soutenable du groupe. Pour cela, on questionnera la formation d’un collectif d’habitants, et le rôle de la participation dans la commande puis dans la programmation d’un habitat participatif.

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2. Anticiper en participant pour une architecture plus soutenable

2.1 La formation du groupe, enjeu durable

Commencer un projet d’habitat participatif est un acte collectif et social qui demande une

réflexion et un temps de mise en place assez long, il est le socle de tout le processus qui va se mettre en place par la suite. Que ce soit par des liens d’amitié, ou de valeurs communes, la constitution d’un collectif et le recrutement de nouveaux membres sont les étapes fondatrices d’un tel projet. La participation dès le début du recrutement est en soi un élément important pour la longévité du groupe. Plusieurs questions se posent concernant la soutenabilité du groupe de par son fonctionnement et l’interaction entre les membres. Les relations personnelles entre les membres du groupe, et les liens qui se tissent entre eux conditionnent aussi la bonne création du groupe. La vie du groupe dépend aussi de l’attitude et du rôle de chacun, plusieurs profils peuvent alors être identifiés. Le militant est la personne la plus engagée avec des valeurs fortes, contrairement au soliste qui est plus en retrait de la vie du groupe, mais cherche quand même à participer à certains actes collectifs. Le fédérateur, lui, cherche à trouver des compromis entre chacun des membres pour rendre les relations plus agréables. Enfin, le médiateur intervient pour faciliter les communications, qu’elles soient internes ou externes. La diversité de caractère dans le groupe rend les débats intéressants, toutefois, les valeurs sont là pour donner une vision d’avenir au collectif d’habitants. Les valeurs prises en compte par les groupes d’habitats participatifs sont diverses et sont au sein même du groupe, sources de cohésion comme de conflit. Comme nous l’avons vu précédemment, la pluralité des valeurs portées par chacun doit, pour le maintien du groupe dans la durée, faire sinon consensus, du moins l’objet d’une négociation et l’acceptation d’une certaine souplesse, dont le degré qui doit faire l’objet d’un accord pour que le groupe soit viable. La matérialisation de ces valeurs se fait dans la plupart des cas par la mise en place d’une charte. Elle fonde en quelque sorte, les bases du projet, et sera la référence lors des différents stades d’avancement du projet.

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De plus, les conditions de la création du groupe sont à prendre en compte. De nombreuses initiations aux habitats participatifs fleurissent en France, et la diversité de ceux-ci pour s’adapter au plus grand nombre de groupes peut conditionner leurs soutenabilités. Nous nous intéresserons aux cas suivants, sachant qu’il y a autant de types de groupe qu’il y a de situations :

_ Les collectifs initiés par des citoyens engagés ou des associations :

Cette forme de collectif est la plus militante, elle naît des citoyens eux-mêmes et la volonté sociale et idéologique est forte. Compte tenu du faible nombre d’acteurs au départ, ce groupe nécessite une bonne communication et des documents clairs pour expliquer sa démarche. Cela conditionne la bonne mise en œuvre du projet et de sa durabilité.

_ Les collectifs bénéficiant d’un soutien des pouvoirs publics :

De plus en plus courants, ces groupes peuvent avoir des soutiens logistiques pour recruter de nouveaux membres, ou bien les pouvoirs publics peuvent faciliter la mise en place d’une assistance à maitrise d’ouvrage du groupe.

Fig. 8 : Appel à candidatures - Méricourt, Territoire 62 Habitat participatif, une fabrique de la soutenabilité

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Fig. 9 : Collectif Nout - Habitat participatif à la Réunion

_ Les collectifs répondants à des appels à candidature pour des terrains :

Dans ce cas-là, les groupes sont déjà formés et présentent un projet plutôt aboutit où la mise en concurrence par la ville permettra l’attribution d’un terrain. Cette démarche vise à normaliser l’autopromotion et anticiper la demande sociale, mais peut aussi fragiliser la cohésion des groupes.

_ Les collectifs créés par des pouvoirs publics dans le cadre de projet urbain16 :

Encore peu développé en France, ce type de montage permet une participation citoyenne à plus grande échelle. En plus de leur habitat, les collectifs peuvent co-concevoir l’espace public et favoriser de nouveaux usages à l’échelle de la ville comme en témoignent les écoquartiers. Les collectifs aussi différents les uns des autres pour continuer à exister, doivent respecter des étapes essentielles. Parmi celles-ci, les valeurs communes et les conditions de mise en place du groupe sont importantes, mais l’aspect juridique et financier conditionne tout autant sa longévité. Toutefois, la participation de chacun des membres aux différentes tâches ainsi qu’un temps de dialogue adapté permet la durabilité du groupe.

PARASOTE Bruno, Autopromotion, habitat groupé, écologie et liens sociaux : comment construire collectivement un immeuble en ville ?, Gap, Ed. Yves Michel, 2011, Propos d’habitant.) 16

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2.2 Requestionner la commande

Une fois le groupe constitué et sa vision amorcée, la commande arrive très vite dans les

discussions. Dans un projet « classique » la commande est proposée par un client, le plus souvent un bailleur social ou bien un organisme privé. Les projets d’habitat participatif sont innovants dans l’intervention de l’usager le plus en amont de la commande. Usagers, aménageurs et bailleurs sociaux se trouvent en quelque sorte, reconnectés dans le processus de la commande. De ce fait, comment la participation de chacun dès cette étape de projet influence t-elle le caractère durable de l’habitat participatif ? D’un côté, l’habitat participatif a un caractère inédit dans ce rapport entre usagers et collectivités locales, et celui-ci tend à créer plus de dialogue entre ces acteurs. La participation est de plus en plus utilisée dans d’autres situations telles que l’urbanisme participatif. La comparaison entre ces échelles peut permettre de comprendre dans quelles mesures celle-ci est efficace sur le long terme. Etienne Ballan, sociologue et anthropologue, anime des concertations citoyennes à partir de la participation et veut favoriser le citoyen dans la prise de décision notamment dans le cadre juridique : « Article 7. Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. »17

Dans l’urbanisme participatif, la participation et la concertation des habitants dès la commande du projet permettent d’anticiper d’éventuels écueils si aucune phase de concertation citoyenne n’avait eu lieu. Il y a une reconnaissance de plus en plus forte de la capacité d’aménager par tous, la prise de décision plus horizontale enrichit la résilience d’un futur projet. Que ce soit pour des projets d’urbanisme ou d’habitat, la participation des usagers aux réunions pendant la commande répond mieux aux futurs besoins de ceux-ci.

LOI constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l’environnement (JORF n°0051 du 2 mars 2005 page 3697) 17

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La commande ne peut pas être questionnée sans l’aspect financier, réglementaire et

juridique. Les projets d’habitat groupé, comme toute opération de construction, ont besoin de statuts clairs pour être développés à grande échelle et dialoguer avec les collectivités publiques. Récemment depuis la loi ALUR, des statuts ont été mis en place pour favoriser la mise en place des groupes et des projets18. Pour présenter une collaboration possible entre tous ces acteurs, le cas de la coopérative d’habitat du Village Vertical à Villeurbanne est intéressant à étudier.

Le Village Vertical, SAS coopérative à capital variable est créé en 2005. Il est vite accompagné

de Habicoop19, la fédération française des coopératives d’habitants. Elle travaille sur un montage juridique et financier susceptible d’être largement reproduit, dans l’objectif de faire émerger ces coopératives, ce qui a été réalisé avec la loi ALUR. En 2007, le Village Vertical s’inscrit dans un projet d’aménagement de ZAC et obtient un terrain avec la ville de Villeurbanne. Cette collaboration avec les collectivités publiques va se compléter avec le soutien du Grand Lyon et de la région Rhône Alpes ce qui témoigne de leur intérêt pour la réalisation d’habitat alternatif. Le Village Vertical est co-maitre d’ouvrage avec le bailleur social Rhône Saône Habitat, qui assure le montage financier grâce à un bail à construction qui permettra d’avoir accès à des emprunts PLAI (Prêt Locatif Aidé d’Intégration). La coopération entre ces deux maîtres d’ouvrage permet de pérenniser l’aspect financier, mais aussi d’avoir le poids nécessaire face aux collectivités. C’est donc tout un système d’acteurs qui assure la réalisation d’un habitat participatif, et interviennent souvent dès la commande. La démarche participative entre les collectifs d’habitants, les bailleurs sociaux et les collectivités locales démontrent une envie, une vision à long terme d’améliorer, ou du moins, de diversifier le cadre de vie des habitants. C’est le nombre et la diversité des liens et des échelles qui semble rendre soutenable, non seulement les habitats participatifs, mais aussi les ZAC et les quartiers qui y sont associés.

18 19

Loi ALUR n° 2014-366 du 24 mars 2014, Disponible sur https://www.legifrance.gouv.fr/ Fédération française des coopératives d’habitants, Disponible sur http:/ www.habicoop.fr/

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Loi ALUR Réseaux coopératif Aide Juridique

SAS à capital variable

Maître d’œuvre et AMO

Maitrise d’ouvrage Emprunts PLAI sur 50 ans

Aide Financière et Technique

Promoteur en accession sociale

Aide Financière et Administrative

Offre de terrain Aménagement

Accès au foncier Médiatisation

Aide Financière

Fig. 10 : Schéma des différents acteurs dans la réalisation du Village Vertical Habitat participatif, une fabrique de la soutenabilité

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2.3 Une programmation co-générative

À mi-chemin entre la commande et la conception, la programmation est pourtant une des

phases cruciales dans la réussite d’un projet. Elle a pour objectif de permettre au maître d’ouvrage d’exprimer les objectifs et les contraintes du projet, en l’occurrence ici les futurs habitants. Dans notre cadre, les habitants n’ayant pas la plupart du temps les compétences nécessaires, ils font appel à un programmiste ou plutôt une AMO (Assistance à Maitrise d’Ouvrage). Celui-ci joue le rôle d’intermédiaire entre les demandes/besoins des habitants et le maître d’œuvre. L’architecte peut très bien endosser ce double rôle et intervenir plus en amont du projet. Pour définir ce à quoi sert la programmation, voici les grandes étapes généralement suivies : les études de site et des bâtiments, la définition des besoins et le fonctionnement général des entités fonctionnelles, les études de faisabilité et la rédaction du PTD (Programme Technique Détaillé). La participation à l’élaboration du programme le plus tôt possible entre l’architecte et le collectif permet d’enrichir le projet.

Directeur de l’équipe de sciences humaines du Centre Scientifique et technique du bâtiment,

Michel Conan, a initié et dirigé, dans les années soixante-dix, la recherche dans les domaines de l’architecture et de l’urbanisme. Il publie, en 1987 un rapport de recherche qui s’intitule « Vers une programmation pragmatique de l’architecture » qui vise à promouvoir la « programmation générative » dont l’objet est d’enrichir le projet architectural par la consultation de ses futurs usagers. « La programmation générative » se base sur des principes trouvant leur fondement dans une approche systémique du processus de projet, inspirée de la sociologie des organisations, qui se réalise de la manière suivante : A. la décomposition des problèmes posés par un travail collectif, ponctué de choix et d’arbitrages par la maîtrise d’ouvrage ; B. la prise en considération simultanée des dimensions techniques, d’usages, de gestion, dans leurs implications Professional tout au long du processus ; C. l’organisation précise d’un processus de concertation autour de trois instances, décisionnelles, opérationnelles et d’usage ; D.la production d’un document programmatique, ni normatif ni purement prescriptif, rédigé sous la forme d’un « mémento des problèmes à résoudre avec des intentions de solutions architecturales, s’élaborant de manière itérative, à chaque phase du processus de concertation (Conan et al., 1989) ; E. une approche de l’espace architectural en espaces partiels qualifiés « d’espaces de transaction , identifiant les différents acteurs concernés par leur usage et leur gestion.20

Jodelle Audition-Léger, Invention et réinvention de la « programmation générative » des projets : une opportunité de collaboration entre architecture et sciences humaines et sociales pour des modes d’habiter « durables », 2009 20

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Les trois niveaux de projet Axe du projet d’organisation (ou de gestion)

Axe du projet de vie

Axe du projet architectural

Projet de vie a priori

M.O. M.E. Elus

1er cercle

Intentions sociales

2e cercle

Esquisses

3e cercle

APS

4e cercle

Projet de vie régulé Scénarios de fonctionnement

Cahiers des charges et réglement intérieur

Projet de vie validé

Ajustement du projet de vie Mises au point Adaptation Formation

Habitat habité

Mises au point techniques, économiques Projet final

Opportunités et contraintes

Opportunités et contraintes

Problème à traiter Intentions sociales

5e cercle 6e cercle

Modes d’habiter réels

Fig. 11 : Le processus génératif, Séchet, 1989

La programmation générative répond à un déficit d’usage, en plaçant l’usager ou l’habitant

comme un acteur central, dont la compétence est justement liée à sa familiarité d’usage avec le bâtiment en projet. C’est justement ce à quoi tend l’habitat participatif, où l’habitant à travers le processus de participation remet l’usage au cœur des débats. « L’arrivée de l’usager réagence les contenus et les relations entre les deux phases habituellement hermétiques que sont la programmation (élaboration de la demande) et la conception (proposition architecturale). Elle introduit le temps et la souplesse nécessaire à la quête d’un objet collectif complexe. Elle permet au projet de se créer une unité sans renoncer aux logiques contradictoires et aux complexités qu’expriment « les gens ».21

Il semble que les phases de programmation et de conception forment une suite logique, où dans l’habitat participatif, les futurs usagers expriment leurs besoins. L’auditeur-conseil permet d’analyser ces demandes pour pouvoir par la suite les réinjecter dans la phase de conception. Cette phase programmatique est aujourd’hui implicitement réalisée par l’AMO ou l’architecte avec les habitants.

Rainier HODDE, Les cahiers de LAUA, 1995, Dialoguer le projet : de la participation des habitants à la programmation générative, page 53. 21

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Pour le Village Vertical, Marine Morain de l’agence Arbor&sens a organisé des réunions

thématiques avec différents membres de chaque famille pour discuter des besoins. Voici une partie de leur démarche : «On a commencé à travailler avec eux, sur la méthode comment on va faire pour travailler avec les habitants. Cela a été le début du travail avec les habitants, et après ça on a défini qu’on allait travailler avec trois niveaux de décisions. On a commencé par les réunions plénières (quatre ou cinq au total) où il y a tous les habitants en famille. C’était le samedi, des journées complètes, il fallait louer une salle, organiser des repas. C’est là où on a commencé à travailler sur le projet en termes d’implantation urbaine, toutes ces séances ont servi à initier le projet. On est arrivé à ses réunions en ayant nous, préparés les supports pour travailler, comme on préparerait un cours en école d’archi, et on a travaillé avec eux et ils ont bossé. On a initié le projet, c’est le principe du participatif pour nous. Ce n’est pas de l’information, c’est de la concertation, c’est de la participation. Dans la participation, les gens mettent la main à la pâte.»22

Avec trois niveaux de décisions et plusieurs réunions par mois, la participation ou la collaboration des habitants ont permis de définir les grands enjeux nécessaires à la suite de la conception. La programmation est une discussion permanente où chacun donne son avis, la multiplicité d’ateliers et de façons de concevoir permet d’innover sur de nombreux domaines grâce à la participation. Les périodes de validations sont également très importantes et liées à la conception, mais cela entraine un allongement du temps général de conception.

Fig. 12 : Perspective du Village Vertical, Arbor&Sens 22

Entretien avec Marine Morain, architecte du Village Vertical, p.2

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Instance d’orientation et de décision

Instance de l’action

Instance de l’usage

Auditeur Conseil Groupe de pilotage

Maître d’ouvrage

Architecte

Groupes de Transaction (usagers)

Gestionnaire Groupe opérationnel

Fig. 13 : Organisation du système d’acteurs dans la méthode de programmation générative : Séchet et AL. 1992

La prise en compte de l’usage et de la participation des habitants change radicalement le

système d’acteurs et la dynamique des interactions. C’est une autre façon de voir et d’écouter pour concevoir un projet. La confrontation au terrain engendre un regard professionnel, mais aussi familier. Le dialogue et les interrogations permettent de relativiser les certitudes professionnelles en diversifiant les sources et les méthodes professionnelles.23 Là où la participation procède de façon non linéaire, avec des outils principalement oraux, la programmation générative va plus loin. En créant des groupes de pilotage problématisés, elle est plus apte à anticiper les interactions qui se dérouleront dans le bâtiment. De plus, les pièces de travail étant souvent écrites et dessinées, mettent en corrélation les productions réalisées et la dynamique du processus général. La collaboration des différents acteurs, en problématisant leur recherche tout en les synthétisant, permet une programmation plus précise et moins chronophage que des réunions/ débats.

Rainier HODDE, Les cahiers de LAUA, 1995, Dialoguer le projet : de la participation des habitants à la programmation générative, page 59. 23

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La soutenabilité du groupe d’habitants, qui doit être capable de

résister au passage des années, doit être pensée comme un socle solide, fait de nombreux paramètres. Parmi ceux-ci, la création du groupe à travers le choix des valeurs partagées est primordiale. À travers la charte, l’achat du terrain et le choix financier de l’opération, le collectif possède les cartes pour bien préparer la commande. Celle-ci dans le cadre de l’habitat participatif est inversée par rapport à l’habitat classique. L’habitant n’est plus seulement consommateur, mais devient acteur. La participation des futurs usagers dans la commande modifie les dialogues entre les acteurs du bâtiment. Ils sont amenés alors à requestionner leurs rôles face à cette évolution d’acteurs, et notamment l’architecte qui doit se repositionner face à la participation dans la programmation. Comme nous l’avons vu, elle permet aux habitants et au maître d’œuvre de placer l’usage au cœur de la réflexion et d’anticiper les besoins des usagers tout en préparant l’évolution du bâtiment. L’architecte peut donc s’emparer de cette forme de réflexion participative et amorcer une maîtrise d’usage. Celle-ci doit être continue dans l’accompagnement du groupe d’habitants et être une aide dans le passage de la programmation à la conception. Cela pose des questions quant à la formation de ce type d’acteur et la compréhension de l’usage dans l’habitat. La longévité de ces processus a-t-elle un lien avec la durabilité du bâtiment et la résilience du collectif d’habitants ?

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3. La conception durabilité

participative,

création

de

3.1 Une conception à choix multiples

«Les démarches courantes restent majoritairement pensées comme linéaires, c’est-à-dire instaurant d’abord une programmation, puis un temps de conception sans développement d’une confrontation raisonnée avec la demande du maître d’ouvrage et enfin une réalisation que les destinataires effectifs découvrent à ce stade, rendant aléatoire ou inexistante sa pertinence d’usage et son potentiel d’appropriation.»24

L’habitat participatif, porté par l’entraide et la participation, implique un changement de

paradigme dans la conception architecturale. La collaboration, entre tous les acteurs impliqués dans la construction classique, oblige ceux-ci à repenser leur façon de travailler avec l’autre. Comme nous l’avons vu avec la programmation générative, le nouvel acteur qui est l’usager, créer de nouvelles attentes, des besoins que les professionnels du bâtiment doivent gérer tout au long de la réalisation du projet. C’est pourquoi la phase de programmation ne peut être dissociée de la phase de conception. La participation s’impose alors comme un processus indispensable au bon déroulement de la transition, entre ces deux phases. Le travail de conception architecturale se définit par conséquent avant tout comme un travail d’écriture, d’exposition et de mise en évidence artistique d’un ensemble d’éléments relevant pour les uns de l’ordre constructif, pour les autres de l’ordre de l’usage. Un allerretour permanent de ces travaux entre les habitants et l’architecte permet de valider, faire évoluer la conception. Avant de rentrer dans le processus de participation de conception dans l’habitat groupé, il est important de redéfinir un enjeu souvent essentiel, et un élément important en architecture de nos jours : le développement durable. Dans ces trois composantes sociale, économique et écologique, il constitue l’indéniable défi des prochaines décennies pour l’ensemble des acteurs de l’architecture et de l’urbanisme. Face à ce défi, les compétences individuelles qui façonnent se monde ne peuvent que devenir collective pour répondre à ces trois composantes. La maitrise d’œuvre étant en première ligne face aux enjeux de société que sous-entendent les questions de durabilité, elle doit maîtriser et comprendre certaines compétences.

Les cahiers de LAUA, Revue annuelle du Laboratoire « Architecture, Usage, Altérité » issue de son séminaire. Projet Architectural et coopération des acteurs, Philippe BATAILLE, 1994 24

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Tel un écosystème, il y a celle qui formule les exigences (savoir), celle qui l’autorise ou

pas (pouvoir) et celle qui propose des modèles qui répondent aux deux autres (concevoir). Chaque compétence ne doit pas prendre le pas sur l’autre, la communication et donc, la participation de chaque acteur permet cette symbiose. Aborder la conception sous l’aspect de durabilité et du cycle de vie implique d’être capable de prendre en compte les exigences des futurs utilisateurs. Mettre l’usage au centre de la conception est donc un bon moyen d’anticiper ceux-ci. Mais cela implique des connaissances et un savoir-faire pouvant n’être appliqué que par une équipe pluridisciplinaire et collaborant ensemble, en facilitant le partage d’information et les décisions du maître d’ouvrage, ici les habitants.25

Concevoir modèle

Standardisation

Utopies

Savoir social

Pouvoir technique Normalisation Fig. 14 : Schéma des relations entre Savoir, Pouvoir et Concevoir

En élaborant le projet comme un espace de collaboration et d’innovation, le maître d’œuvre a un rôle pivot. Il a une compétence de créateur, d’inventeur au service d’une conception collaborative et d’anticipation du cycle de vie du bâtiment à travers un espace de co-conception et de partage de savoir et d’expériences interdisciplinaires. Dans l’habitat participatif, cela peut se présenter sous la forme d’ateliers thématiques où une partie des habitants travaille sur l’implantation du bâtiment, une autre sur les dimensions techniques ou bien la relation entre les parties communes et le voisinage.

TERRIN Jean-Jacques, Conception collaborative pour innover en architecture, Processus, méthodes, outils, 2009, page 142. 25

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Repenser le projet et la conception implique naturellement de nouvelles méthodes et de

nouveaux outils collaboratifs. Pour répondre aux exigences des enjeux de développement durable, il faut gérer le projet avec définition, suivi et évaluation pendant la conception, la réalisation et la mise en usage du bâtiment. «Ces méthodes sont en évolutions constantes et demandent à être améliorées. La mise en œuvre de nouveaux outils collaboratifs est nécessaire pour être adaptée à chaque projet. Des plates formes participatives, facilitant la mise en cohérence d’une méthodologie de gestion par projet au service du processus de conception, sont à créer.»26 La conception pourrait se réaliser par la maquette numérique, la gestion par le projet, l’apprentissage par le faire. Une question se pose quant à la représentation de ces outils dans la conception participative. En effet chaque acteur, possède son propre système de référence pour dialoguer et travailler. L’habitant utilise principalement sa compétence d’usage pour dialoguer avec l’architecte, celui-ci doit donc modifier son mode de représentation conventionnel pour représenter l’espace qui évolue en permanence, du fait du dialogue constant avec les habitants.

Fig. 15 : Réunion de conception - Vilogia, bien dans ma ville

26

Op. Cit. , supra, p 148

Note : Des travaux de recherches sont surement à réaliser pour penser l’interaction entre les différents acteurs et les potentiels conflits qui pourraient se dessiner. Le cadre juridique et technique est aussi à améliorer en termes d’adaptabilité, la diffusion de la participation et de ces outils dans l’enseignement pourrait favoriser son développement. Habitat participatif, une fabrique de la soutenabilité

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3.2 La permanence architecturale

La permanence architecturale c’est construire en habitant et habiter en construisant.

De cette ligne du manifeste de la permanence architecturale27, coécrit par Patrick Bouchain et Loic Julienne, ressort l’idée que l’acte d’habiter, que cela soit en tant qu’architecte ou citoyen, et l’acte de construire sont inséparables. C’est redonner du sens au Faire, par ce que c’est de cela qu’il s’agit, l’action amène à la réflexion, au dialogue à une durabilité. La permanence architecturale consiste à résider sur le lieu d’étude du projet ou du quartier en habitant avec la population. C’est être là avant le projet, apprendre à connaître les habitants, faire démocratie dans un lieu, amener vers un éventuel projet sans en connaitre le programme. Dans une conception classique le temps accordé à l’étude du lieu est assez court, ici l’architecte ou le futur habitant ralenti le temps du projet pour mieux comprendre l’histoire du lieu, ses habitants. Ensuite, le chantier est le moment matériel où l’architecture passe à l’échelle1. C’est le moment où elle prend forme. Être là, c’est assister à la rencontre de la main qui dessine avec la main qui réalise. Être là, c’est assister à la rencontre puissante des matières qui s’unissent et voir le désir de construire s’accomplir d’après Patrick Bouchain. Avant de faire le lien avec l’habitat participatif, il est important de comprendre que la permanence architecturale est un acte éminemment politique. C’est tout simplement « la mise en œuvre d’un État démocratique dans lequel on devrait être.»28 On peut comparer cet acte à un retour aux sources de l’architecte au cœur de la cité où il devient un garant de l’intérêt général, une personne morale qui fait le lien entre politique, culture, technique et société.

27 28

BOUCHAIN Patrick et JULIENNE Loïc, Manifeste de la permanence architecturale, 16 octobre 2015 Op. Cit. , supra, p 8

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la

La permanence architecturaLe voit un-e ou pLusieurs architecte-s occuper Le Lieu même du projet. La permanence architecturaLe, c’est construire en habitant et habiter en construisant. La permanence architecturaLe, c’est La Leçon de simone et Lucien KroLL : ne pLus faire La viLLe pour des habitants, ni même avec, mais en tant qu’habitant. La permanence c’est faire advenir Le programme par Le fait de vivre Le projet. La permanence c’est faire que Le chantier soit un Lieu de vie. La permanence avance L’idée qu’une présence continue sur pLace construit Actes de la rencontre un diaLogue et une confiance rares entre tous Les acteurs, garants d’une certaine quaLité architecturaLe. au point hˆut, La permanence est pLus qu’une phase ou un outiL : 16 octobre 2015 c’est un état d’esprit qui considère tout ce qui advient comme potentieLLement constructif. La permanence c’est donc se rendre disponibLe à L’évoLution impensée du projet. La permanence est à La fois Le temps Long de L’écoute et L’instant d’intense réactivité. La permanence c’est servir Le café et faire visiter Le chantier à tout moment. La permanence c’est pLus avec un trousseau de cLés que devant L’ordinateur. La permanence n’est certainement pas uniforme et prend voLontiers Le pLurieL. La permanence remet toujours Les objectifs en question. La permanence perturbe Les rôLes, Les métiers et Les cahiers des charges préétabLis. La permanence est surtout guidée par Le bon sens. La permanence fait pourtant face à des freins et des obstacLes. La permanence est peut-être compLexe à mettre en œuvre. La permanence est sûrement parfois difficiLe à vivre. La permanence n’est peut-être pas vraiment une résidence. La permanence n’est pas tout-à-fait un worKshop. La permanence induit peut-être une pLasticité particuLière. La permanence n’est pas vraiment un modèLe, et n’a probabLement pas intérêt à Le devenir. La permanence a sûrement des équivaLents dans d’autres champs. La permanence n’est sûrement pas une idée tout-à-fait nouveLLe. La permanence architecturaLe est ce dont nous parLerons Le 16 octobre au point hˆut, autour d’une dizaine d’expériences à travers La france, menées par différents architectes de L’agence construire sous La direction de patricK bouchain et Loïc juLienne.

ence p erman ar ch itect ur al e

Manifeste de la permanence architecturale, 16 octobre 2015.

Fig. 16 : Manifeste de la permanence architecturale, 16 octobre 2015

Ce qui rend difficilement perceptible la permanence architecturale comme un acte

d’architecture c’est la place de l’architecte, où celui-ci n’a pas une vision et une conception verticale, mais horizontale. Le projet se fait au fur et à mesure, il n’y a presque pas de différences entre les temps de conception et d’usage du lieu. Enfin, une autre dimension, essentielle et originelle de l’idée de permanence, est la critique du programme établi. Qui élabore la commande publique, comment, et en combien de temps ? Ces attitudes considèrent qu’habiter — expérimenter ce qui fait l’essence mobile de la vie — un lieu dans le temps long est la meilleure manière d’en comprendre les spécificités, déceler les besoins, de la façon la plus commune qu’il soit.

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Rappelons que la permanence architecturale n’a rien de nouveau, et existe sous des

formes très diverses. Déjà en 1887, Patrick Geddes, biologiste et sociologue britannique, impliqué dans la rénovation urbaine, s’installaient avec sa famille dans l’un des « super taudis » de la banlieue d’Édimbourg pour lancer une opération de réparation urbaine in situ.23 On pourrait étendre cette permanence au phénomène de squatte où les habitants s’approprient au fur et à mesure les édifices abandonnés comme en témoigne la tour David à Caracas. La participation permanente où bien la dissolution de l’expertise dans le temps long d’habiter, est donc multiple, et ne doit pas rentrer dans un cadre défini. On pourrait alors se demander en quoi l’autopromotion peut-elle être de la permanence architecturale ? La limite semble floue entre construction spontanée et vernaculaire à l’initiative d’un groupe d’habitants et l’auto construction plus ou moins encadrée par des institutions. Dans le projet d’autopromotion Brutopia à Bruxelles, la permanence architecturale se fait aussi bien par les habitants que par les architectes. En effet, François Stekke et Serge Fraas sont co-maîtres d’œuvre et habitants, le groupe a opté pour des groupes de travail diversifiés et participants à une conception démocratique du projet. Que ce soit le groupe juridique, architecture, finance ou bien jardin cela permet une participation de tous les habitants selon leurs préférences. La permanence architecturale se prolonge aussi pendant la construction, où le second œuvre est fini par les habitants eux-mêmes et permet une réduction globale des coûts par famille.

Fig. 17 : Photographie Brutopia, Tim Van de Velde

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3.3 La montée en compétence de l’habitant

Constituer un collectif pour créer un habitat participatif nécessite un temps d’adaptation pour

la réalisation du montage immobilier, et se déroule selon des séquences précises. Des compétences sont à acquérir pour mener à bien une telle opération. C’est cette montée en compétence de l’habitant tout au long du processus de participation qui est intéressante à décrypter, et voir également si les compétences d’usage sont améliorées. Dans un premier temps, le collectif doit apprendre à fonctionner ensemble. Après la compétence d’habiter, c’est la participation et l’organisation du groupe qui rendra soutenable non seulement celuici, mais aussi tout le bâtiment. Cette capacité d’entraide et d’écoute de l’autre est le socle de tout projet d’habitat participatif. C’est bien souvent un moment clé de la formation du groupe et plusieurs membres peuvent quitter l’aventure si les valeurs partagées et le projet n’ont pas été assez précis. Un maître d’ouvrage doit intervenir avec une réelle capacité opérationnelle d’agir tout en respectant la multitude des personnes qui compose le groupe. L’organisation de cette personne morale est certainement l’un des facteurs décisifs majeurs pour la réussite de la démarche. L’organisation de cette action collective se construit sur des règles et des procédures, que chacun doit respecter pour la longévité du groupe. C’est un vrai travail de démocratie collective qui, dans l’habitat participatif et au sein du groupe va permettre la soutenabilité de l’opération.

Fig. 18 : Réunion de concertation Eco-logis, Strasbourg

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Bien que le vivre ensemble soit primordial, les compétences juridiques, financières et économiques doivent être maîtrisées par l’ensemble du groupe. En effet, comme les décisions doivent être prises par tout le monde et aboutir à un consensus, chaque membre doit maîtriser à minima les différents sujets. C’est pourquoi au Village Vertical chaque membre d’un foyer participe à des réunions thématiques qui sont organisées tous les mois. Que cela soit du travail administratif, technique, financier ou de gestion de groupe, chacun est amené à un moment donné à s’investir pour chaque réunion. Ainsi, la montée en compétence est générale et permet une bonne organisation.

Fig. 19 : Parole d’habitant - Collectif, éco habitat groupé (Dessinateur : Ström)

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Fig. 20 : Installation du jardin, Village Vertical (capture d’écran de vidéo)

Une autre donnée de la montée en compétence de l’habitant est sa capacité à s’adapter, à de

nouvelles personnes arrivant dans le groupe, et vice-versa. En effet, pour qu’un habitat participatif soit soutenable, il faut que le collectif d’habitants reste cohérent à travers les générations. Nous ne sommes pas encore à ce stade en France, contrairement à l’Allemagne ou la Suisse où ce type d’habitat est plus répandu. Il est donc important de penser l’évolution du groupe sur le long terme, que cela passe par le critère de sélection pour les nouveaux arrivants ou la réécriture de la charte. L’évolution peut également être anticipée par la mise en place d’une cagnotte liée aux rénovations futures. Le changement des valeurs partagées par les habitants dix ou quinze ans après la conception de l’édifice permettrait aussi de garder une certaine résilience. Elle serait adaptée non seulement aux interactions du groupe, mais aussi dans la réversibilité de chaque appartement. Adapter ces logements à soi tout en anticipant le possible changement d’espace par les futurs usagers est une possibilité à prendre en compte pour ce genre d’opération.

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Comme toute organisation collaborative, la conception et la gestion

d’un habitat participatif demandent un investissement de temps important. Si la plupart des agences d’architectures ayant co-construit ne refont pas de projets d’habitat participatif, c’est parce que la mise en place de ces projets est assez chronophage et non rentable à long terme. En revanche, la qualité de la conception des logements est en général plus aboutie avec une conception participative. Cette longue durée permet de bien saisir les besoins des habitants. Les allers-retours constants entre programmation, conception et réalisation précisent les attentes en matière d’usage, de coûts et d’architecture. La proximité avec les habitants pour un architecte peut également aller plus loin avec la permanence architecturale. La participation est induite dans le fait de vivre sur le lieu du projet ou de futures réalisations. La soutenabilité d’un habitat participatif peut alors être favorisée par la compréhension non seulement du contexte, mais aussi du mode de vie des habitants. Enfin, la participation des habitants tout au long de la création et la gestion du groupe permet leur montée en compétence. Elle est nécessaire pour chaque membre du groupe puisque ceux-ci doivent avoir une connaissance suffisante dans de nombreux domaines pour participer aux décisions. En plus d’être acteur de leurs façons d’habiter, les habitants créent une microsociété où le caractère soutenable du groupe permettra de transmettre un bien qui est le bâtiment.

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conclusion

Ce mémoire, à travers l’habitat participatif a porté une attention particulière à la participation

dans le logement. Le questionnement central a été de montrer quels sont les liens de cause à effet entre la participation et la soutenabilité. La recherche s’est portée sur l’identification et l’approfondissement de ces notions, avant de questionner leurs liens plus précisément, dans l’habitat participatif. Le principe de participation amène à une réorganisation des modes de pensée et de conception dans l’habitat. L’architecte doit alors trouver de nouveaux outils pour dialoguer avec tous les acteurs de l’habitat participatif. La conception architecturale pensée de manière horizontale nécessite un temps plus long, où le dialogue avec les habitants constitue un élément clé dans la soutenabilité de l’habitat. Les architectes semblent ne pas forcément être formés pour ce genre de conception. Là, Si la participation des différents acteurs est correctement coordonnée pour aboutir à une opération cohérente et durable, alors là réside le caractère soutenable d’une opération Une autre clé de la soutenabilité dans l’habitat participatif semble être la bonne constitution du groupe et sa longévité par la définition de ces valeurs. Les transcrire dans le bâtiment nécessite donc un accompagnement constant, à travers la participation. La commande, la programmation, la conception et l’utilisation forment un tout où chaque phase est questionnée par rapport aux autres. La résilience de l’ensemble tire son origine de la question de l’usage, qui devient un langage commun aux différents acteurs. Mais cet usage n’est pas l’élément unique qui assurerait le caractère soutenable de telles opérations, de nombreux projets d’habitat participatif n’ont pas vu le jour malgré la participation. Que ce soit des problèmes financiers, des valeurs peu partagées ou un mauvais accompagnement, la participation peut être vue comme un outil, mais nécessite un cadre, d’où le fait que les mentalités doivent évoluer pour favoriser la participation. L’allongement du temps, qu’il soit dédié à la conception ou à la connaissance de l’autre, joue un rôle important entre participation et soutenabilité. Pour l’architecte, cela peut se traduire par une maîtrise d’usage, qui consiste à placer l’usage au centre de la conception. Le temps de collaboration entre professionnels du bâtiment et habitants est allongé, ce qui peut redéfinir certains rôles comme celui de l’architecte. La permanence architecturale implique à celui-ci de s’inscrire dans un temps long et de diriger ou comprendre les besoins des habitants. La participation sera ainsi facilitée et pourra être plus à même de favoriser un groupe durable, donc un habitat participatif plus soutenable. L’habitat participatif est un «vecteur» de mise en œuvre de valeurs durables, sociables, économiques selon les cas.

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Ce mémoire de recherche a mis en évidence des liens entre participation et soutenabilité à

travers un travail théorique croisé avec des interviews et des visites d’habitat participatif. Les limites de ce travail résident, à mon sens, dans le manque d’expérience directe avec les habitants et les architectes. Avec plus de temps, participer concrètement à la réalisation d’un projet d’habitat groupé permettrait de saisir mieux des aspects sur le terrain. Ceux-ci peuvent être ignorés ou mal compris d’un point de vue plutôt extérieur. La participation directe pourrait ainsi être l’occasion de tester certaines méthodes de génération programmatique ou de permanence architecturale dans plusieurs opérations. Ce travail serait alors alimenté d’un exercice réel et constituerait une base de données importante pour comprendre toutes les complexités de la participation. En tant que premier travail de recherche, ce mémoire a créé nombre de questionnements qu’ils soient en rapport avec le sujet ou le rôle de l’architecte aujourd’hui. En effet, la participation a été étudiée dans le cadre de l’habitat, qui est particulier dans le sens où il touche toute la population et est compris par chacun. Qu’en est-il de la participation à l’échelle du quartier, de la ville, et quels sont les dispositifs pouvant les connecter et les rendre plus cohérents ? L’architecte dont son rôle en tant que maître d’œuvre a tendance à « s’affaiblir » et évoluer du fait du nombre grandissant d’acteurs et des lois telles que la loi ELAN. Peut-il voir dans la participation une nouvelle approche de pratiquer l’architecture ?

L’habitat participatif est une alternative au logement classique qui par bien des aspects est

plus soutenable que ce dernier. Malgré cela, le temps long de la formation du groupe et de la conception pourrait aussi être un frein à sa démocratisation. Faut-il que ce type d’habitat reste marginal ou doitil se développer ? La récupération de ce procédé par des bailleurs sociaux est aussi problématique. En effet, consulter un groupe d’habitants après avoir commencé de concevoir le futur bâtiment ne constitue-t’il pas un contresens, où les valeurs partagées par les habitants forment un terreau pour la conception ? La longévité de l’habitat participatif passe aussi par le fonctionnement du groupe lors des changements de propriétaire. Comment l’héritage de ce bien sera-t-il utilisé par les générations futures qui n’ont pas participé à l’élaboration du bâtiment ?

Une prise de conscience personnelle sur l’avenir de notre société, et des réflexions sur les

thèmes abordés dans ce mémoire me pousse à choisir le département Soutenabilité et architecture pour la poursuite de mes études. La quatrième année que je passerai à Madrid à l’Université San Pablo me permettra d’acquérir des compétences complémentaires pour l’intégration dans ce département et sera l’occasion d’approfondir mes connaissances sur l’Europe et le monde en général. Que ce soit mon stage de première pratique à l’Agence Arbor&Sens, l’option Matériaux Soutenables ou mes activités personnelles, j’ai une vision beaucoup plus claire de ce que je voudrais apporter en tant que futur architecte. Ce travail de recherche m’a fait comprendre que le rôle de l’architecte n’était pas cloisonné, bien au contraire, et que la participation est un principe qui peut être porté par les architectes.

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Remerciements

Ce premier travail de recherche a été une formidable occasion de

découvrir un type d’habitat alternatif, où les personnes ayant tenté l’aventure de l’habitat participatif redécouvrent des façons de vivre avec la participation au centre de la vie du groupe. Je remercie tout particulièrement Marine MORAIN, de l’Agence Arbor&Sens, qui m’a fait découvrir la vie en agence d’architecture et l’habitat participatif. La discussion sur le Village Vertical a été très enrichissante et m’a permis de comprendre certaines problématiques liées à l’habitat. Un grand merci pour l’accueil aux habitants du Village Vertical. Le moment de question/réponse était très intéressant, surtout les échanges entre les différents groupes en constitution et le parcours humain de la coopérative. L’aprèsmidi passé sur place était riche en informations et en rapport humain. J’ai particulièrement ressenti la coopération au sein du bâtiment entre les enfants, les parents et les voisins. Je tiens à remercier Emmanuel BRETON, pour ses conseils pertinents aussi bien sur la forme que sur le fond. Il a su, pour mes collègues et moi, apporter beaucoup de connaissances et rendre ces échanges passionnants et motivants. Enfin, merci à ma famille, mes parents et ma tante pour leur relecture, leur soutien tout au long de l’élaboration du mémoire et de mes études.

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Bibliographie raisonnée

2006.

Livres

- BOUCHAIN Patrick, Construire autrement : comment faire ?, Arles, Actes Sud, L’impense,

- PARASOTE Bruno, Autopromotion, habitat groupé, écologie et liens sociaux : comment construire collectivement un immeuble en ville ?, Gap, Ed. Yves Michel, 2011, Propos d’habitant.) - TERRIN Jean-Jacques, Conception collaborative pour innover en architecture, Processus, méthodes, outils, 2009, page 142.

Rapports et mémoires

- Notre avenir à tous, Rapport Brundtland, 1987 - Les ateliers de regain, Les valeurs dans un projet d’habitat groupé. - Jodelle Audition-Léger, Invention et réinvention de la « programmation générative » des projets : une opportunité de collaboration entre architecture et sciences humaines et sociales pour des modes d’habiter « durables », 2009 - Philippe BATAILLE, Les cahiers de LAUA, Revue annuelle du Laboratoire « Architecture, Usage, Altérité » issue de son séminaire. Projet Architectural et coopération des acteurs, 1994. - Rainier HODDE, Les cahiers de LAUA, Revue annuelle du Laboratoire « Architecture, Usage, Altérité » issue de son séminaire. Dialoguer le projet : de la participation des habitants à la programmation générative, 1995.

Lettres d’informations,dossiers et articles de presse

- Livre blanc de l’habitat participatif, ouvrage collectif, Strasbourg, 2011 - Shalom H. schwartz, Les valeurs de base de la personne : théorie, mesures et applications,

- BOUCHAIN Patrick et JULIENNE Loïc, Manifeste de la permanence architecturale, 16 octobre 2015

Revue française de Sociologie, 2006 - Salia Ben Rajeb, DNArchi, collaboration, coopération ou participation, Décembre 2011 - VAN MOESEKE Geoffrey, La complexité comme inspiration, De notions complexes à un discours sur la soutenabilité en l’architecture, 8ème congrès du systémique, Bruxelles, 2011

Sites internet

- Art 1, Loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture, Disponible sur https://www.legifrance. gouv.fr/ - Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, Disponible sur http://www.cnrtl.fr/ - Code de l’urbanisme, Article L300-2 Disponible sur http://www.legifrance.gouv.fr/ - Dictionnaire de la langue française, par É. Littré, Disponible sur http://www.littre.org/ - Larousse, Disponible sur http://www.larousse.fr/ - Fédération française des coopératives d’habitants, Disponible sur http:/ www.habicoop.fr/ - Loi ALUR n° 2014-366 du 24 mars 2014, Disponible sur https://www.legifrance.gouv.fr/ - LOI constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l’environnement (JORF n°0051 du 2 mars 2005 page 3697)

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Table des illustrations

- Illustration de couverture : Le Village Vertical © Éléonore Henry de Frahan

- Fig. 2 : Tableaux des processus collaboratif, coopératif et participatif

- Fig. 3 : Schéma développement durable

- Fig. 4 : Une maison bioclimatique, Earthshipglobal, Michael Reynolds

- Fig. 5 : Photo de chantier du Village Vertical Système constructif Bois/Béton © Arbor&Sens

- Fig. 6 : Parole d’habitant : valeurs, éco habitat groupé (Dessinateur © Ström)

- Fig. 7 : Charte du Village Vertical

- Fig. 8 : Appel à candidatures - Méricourt, Territoire 62

- Fig. 9 : Collectif Nout - Habitat participatif à la Réunion

- Fig. 10 : Schéma des différents acteurs dans la réalisation du Village Vertical

- Fig. 11 : Le processus génératif, Séchet, 1989

- Fig. 12 : Perspective du Village Vertical, Arbor&Sens

- Fig. 1 : Illustration © Guillaume Ramillien

- Fig. 13 : Organisation du système d’acteurs dans la méthode de programmation générative : Séchet et AL. 1992 - Fig. 14 : Schéma des relations entre Savoir, Pouvoir et Concevoir

- Fig. 15 : Réunion de conception - Vilogia, bien dans ma ville

- Fig. 16 : Manifeste de la permanence architecturale, 16 octobre 2015

- Fig. 17 : Photographie Brutopia, Tim Van de Velde

- Fig. 18 : Réunion de concertation Eco-logis, Strasbourg (capture d’écran de vidéo) https://www.youtube.com/watch?v=mNOJSi6gZg4

- Fig. 19 : Parole d’habitant - Collectif, éco habitat groupé (Dessinateur © Ström)

- Fig. 20 : Installation du jardin, Village Vertical (capture d’écran de vidéo) https://www.youtube.com/ watch?v=xhhW0ONkDVI

Liste des annexes

- Entretien avec Marine Morain, d’Arbor&sens sur le Village Vertical et l’agence.

- Fiche de présentation du Village Vertical par © Arbor&Sens.

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Entretien avec Marine Morain d’Arbor&sens le 02/03/2018 Quelles sont les grandes lignes du projet : La commande s’était, construire du logement social le plus écologique possible de la part du groupe. On a rencontré le groupe avant d’avoir un terrain. Une fois que nous avons eu le terrain, il s’est avéré que le terrain était trop grand pour les villageois. Ils ont pris contact avec un bailleur social qui s’appelle Rhône Saône habitat et on a répondu pour le village vertical 14 logements et le village Rhône Saône Habitat, 24 logements. Au total 38 logements commandités par 2 maitres d’ouvrages Rhône Saône coopérative HLM (et le village vertical qui est une coopérative d’habitants. Ce n’est pas du tout la même chose. Le premier est un Client professionnel et a porté le projet financièrement pour l’ensemble. Les villageois ne sont pas des personnes du bâtiment ni construction et étaient constitués en association à l’époque. La commande 38 logements à 1350 € / m2 et l’exigence est le plus écologique possible. Le terrain à Villeurbanne est environ à un quart d’heure de La pardieu, assez central, c’était une des conditions pour eux, très bien orienté terrain bande nord-sud avec une grande façade sud et sur un parc planté, sans vis-à-vis, sans ombre portée assez idéale pour faire du bio climatisme dans une ZAC nouvelle ou on va être les premiers à construire, où il y avait une volonté de la part de la ville d’avoir une exemplarité environnementale. Ça a été plutôt facile.

Sylvain : « La ville de Villeurbanne portait les projets habitat participatif et c’est ce qui est nouveau ». Oui, c’est la première sur la région en habitat participatif coopératif, c’est encore autre chose et en plus en propriété collective. Ce n’est pas tout à fait anodin. Ils ont effectivement mis à disposition le terrain pas gratuitement, au prix normal, mais ils ont permis au groupe d’avoir ce terrain-là et ensuite comment on a travaillé, car le projet en grande ligne s’est fait avec les habitants, on ne l’a pas fait tout seul. Donc la première chose qu’on a mise en place c’est un groupe de travail. Nous pour voir comment on allait travailler avec les habitants, et on s’est fait aider pour ça d’un architecte, qui a travaillé beaucoup sur l’habitat participatif en Allemagne et en Suisse qui s’appelle Michael Gies, qui a travaillé sur Fribourg sur le quartier Vauban. On a commencé à travailler avec eux, sur la méthode comment on va faire pour travailler avec les habitants. Ça a été le début du travail avec les habitants et après ça on a défini qu’on allait travailler avec 3 niveaux de décisions. Les réunions plénières où il y a tous les habitants en famille, ça on en a fait 4 ou 5 au total, je ne sais plus. C’était le samedi, des journées complètes, il fallait louer une salle, organiser des repas. C’est eux qui s’occupaient de la partie logistique, et ça, c’est les ateliers plénières, c’est là où on a commencé à travailler sur le projet en termes d’implantation urbaine, toutes ces séances ont servi à initier le projet. On est arrivée à ses réunions en ayant nous préparé les supports pour travailler, comme on préparerait un cours en école d’archi et on travaillé avec eux et ils ont bossés. On a initié le projet, c’est le principe du participatif pour nous. Ce n’est pas de l’information, c’est de la concertation, c’est de la participation. Dans la participation, les gens mettent la main à la pâte. Donc le plan masse par exemple, qui fait qu’aujourd’hui on a 3 plots, reliés par des coursives au nord et séparés par des pontons, qui sont des grands paliers larges, qui font 4 mètres, c’est-à-dire des circulations surdimensionnées. Ca ça découle de la première réunion, premier atelier collectif, ou a travaillé avec tout le monde et on a expliqué les enjeux de compacité, d’orientation, d’implantation par rapport aux voies au parc, car on est quand même a un angle de rue, on a des enjeux en termes d’urbanisme et de visibilité est importante. On a travaillé sur les proportions, sur beaucoup de choses avec eux à ce moment-là et de cet atelier-là a résulté les premières maquettes principe, après évidemment on les retravaille. Sylvain : « mais ça s’est fait au tout début », oui au tout début Le deuxième atelier, qui est arrivé quelques mois après, on a travaillé non pas sur chacun son logement, mais sur les typologies en général. Qu’est ce que c’est un T1, un T2, un T3, un T4 et un T5 ? Cela a permis de poser la question du logement de façon générale puis on a travaillé dans un autre atelier sur « Qu’estce que c’est les espaces communs », qu’est-ce qu’on peut mettre en commun, qu’est-ce qu’on ne peut pas mettre en commun. Donc on a commencé à travailler sur un atelier, des garages, une salle de danse, ou de bals, un endroit pou faire la fête, quand on veut recevoir, puis une buanderie, un potager, ça s’est étendu, on a tout balayé, et

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puis il y a eu un travail collectif fait avec eux sur ces questions d’espaces communs, qui après se déclinent, on n’a pas pu tout faire, mais on a exploré avec eux l’ensemble et après on a avancé dans le projet, et on fait des points ou on a pu acter les choix. Mais globalement ça s’est travaillé ces grands enjeux-là sur les ateliers en plénière. Ensuite toutes les semaines, il y avait des réunions de travail avec un petit groupe, qui était le comité de pilotage chez eux, l’archi, ils étaient trois. Et ces trois-là, toutes les semaines, on se voyait et faisait le compte rendu au reste du groupe. Donc là c’est vraiment un travail ou quand on présente ce qu’on fait toutes les semaines, c’est vraiment récurrent. Ça, c’était le groupe de projet chez eux et ensuite il y avait une taille intermédiaire qui s’est réunie quand il y avait besoin, il n’y avait pas de rythme spécifique établit. C’est quand il y a besoin on réunit une personne par foyer donc 14 personnes. Ça permettait de faire cela chez nous à l’agence, alors que quand il y avait toutes les familles, on ne pouvait pas, et ça permettait d’avoir un représentant de chaque foyer, c’était vraiment le truc intermédiaire. Là on n’était pas sûr de la conception, c’était des réunions de validation, c’est des moments ou on avait avancé, à partir des ateliers en plénière, on avait avancé ace le petit groupe de trois, on arrivait à quelque chose ou on avait besoin de valider pour pouvoir continuer. Cette validation se faisait avec un représentant de chaque famille. Il y a des familles, ou se n’était jamais le même. Une fois Monsieur, une fois Madame… et il ya des familles ou s’était toujours le même. Le fonctionnement s’était ça ces 3 niveaux. Du coup le projet il a avancé à tâtons, comme ça.

Sylvain : Quand est ce qu’il y avait le plus de blocage, c’est quand il y avait le plus de personnes, j’imagine ? Non, car les séances où il y avait le plus de personnes, ce sont les séances de travail, ce ne sont pas les séances de décision. Ce sont des séances ou on produits des idées, où on en produit plein, à charge à nous de les tester, de voir si cela marchait ou pas, d’arriver au moment ou cela ne fonctionne plus, pour en tester une autre, mais ce n’étaient pas des séances ou on actait des choses, des séances de production. Les séances d’avancement à trois, c’est vraiment on travaille, on va aboutir des solutions, on vous montre ce qu’on a testé, ce que ça donne… et les pointes de blocage ont plutôt eu lieu lors de ces réunions là, car chaque semaine ils nous faisaient le retour de ce que les autres avaient compris de la semaine d’avant et c’est la qu’il y avait non pas des blocages, mais des questions. Il n’y a jamais eu vraiment de blocage. Il y a eu beaucoup, beaucoup de questions. Dés qu’on avançait sur un point, il y avait une nouvelle question qui arrivait, qui faisait que soit on pouvait continuer à avancer, soit on revenait en arrière, et parfois on est revenu en arrière pour refaire un même chemin dans l’autre sens plusieurs fois, mais en expliquant toujours pourquoi si, pourquoi ça. Les gens ont besoin de tout comprendre, comme c’est leur logement, jusqu’au système technique, au moindre choix de système technique, ou on a en face des gens pourtant, qui ne sont pas forcément en capacité de comprendre, parce qu’on est sur des sujets complexes, et/ou il faut emmener à comprendre. On a fait des cours de physique, sur le chauffage, la ventilation. On a fait plus de cours de physique, que de cours d’archi ! Il a eu plus de questions de physiques que de questions sur l’architecture. C’est comme ça, en même temps la physique, c’est plus facile à questionner, c’est plus palpable. C’est difficile d’interroger l’architecture. Ils ont énormément questionné les usages, et la technique. Et ils ont un peu questionné les coûts. Mais ils ont très peu interrogé l’architecture. C’est même un moment ils nous on dit, c’est la vôtre travail, ça, ce n’est pas nous, c’est vous qui savez. À part la question de l’usage, est-ce que cela va être pratique, est ce que je vais pouvoir faire si, le seul truc qui les inquiétait c’était ça. Sylvain : Et maintenant ça fait 4 ou 5 ans qu’ils ont emménagé… »2013, ça fait 4 ans, bientôt 5 ». Et qu’est ce que tu as eu comme retour : Alors on les a rencontrés plusieurs fois depuis, on est allé les voir plusieurs fois depuis, le retour c’est que ces logements sont très confortables, en termes de températures, ils n’ont pas trop chaud, ni trop froid, c’est quand même important, c’était un souci récurrent, on en a parlé beaucoup, d’autant qu’on est sur un système technique particulier en mixte bois béton. On a construit un immeuble avec des dalles en béton, mais des façades en bois, donc ça les a pas mal interrogés. C’était important pour la partie écolo, mais ça leur a posé quand même plein de questions. C’était la première fois que le système se faisait sur 5 niveaux, des craintes que ça fuie, que ça n’aille pas. Il se trouve qu’au final, au confort, ça marche très bien, les espaces communs fonctionnent bien. Ils s’en servent effectivement. L’organisation, l’auto gestion fonctionne aussi ; c’est eux qui gèrent, qui entretiennent, qui se débrouillent pour tout ; ils font tout eux-mêmes. Ça, ça fonctionne aussi. La vie avec la copropriété, avec les voisins qui sont propriétaires ça n’a pas toujours été facile, mais globalement maintenant ça ne va pas trop mal. Il y a eu quelques petits soucis avec la chaufferie bois, en termes de maintenance, la il y a une entreprise extérieure, qui fait la maintenance, soucis au démarrage, mais maintenant s’est réglée. Les premiers retours qu’on a eus, c’est très intéressant pour nous, c’est que les habitants du village vertical, qui ont Habitat participatif, une fabrique de la soutenabilité

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participé à la conception, nous annoncent des consommations de chauffage, qui sont les mêmes que ceux qui ont acheté sur plans. C’est à dire nous on s’était fait une règle, on conçoit pour le bailleur social exactement de la même façon que ce que l’on conçoit pour les villageois. Parce que si on est capable dans le budget de faire l’écolo pour les villageois, il n’y a pas de raison qu’on ne le fasse pas pour les autres. Donc on a fait exactement le même niveau de performance et les mêmes solutions techniques pour les deux. Et on se rend compte que les consommations ne sont pas plus importantes pour les gens qui n’ont pas participé, ils n’ont pas été sensibilisés. Pour nous c’est super important, car ça veut dire que le bâtiment est intuitif, qu’il n’y avait pas besoin d’avoir absolument compris tous les systèmes pour que ça fonctionne. Et c’est très important, car on ne peut pas avoir dans tous les cas des gens qu’on va « former » au bâtiment, à comment cela va fonctionner. C’est illusoire de croire que l’on va pouvoir tout le temps former les habitants. Ça, c’était une satisfaction. La deuxième satisfaction c’est que cela ne consomme presque rien. Ça marche, on est sur un bâtiment qui est réellement mieux que passif. 4kw heure/ m2/an, on est sur des consos très faibles on a un toit photo-volcanique. Et au niveau du coût 1340 euro/m2 en dessous de l’objectif. L’objectif s’était 1350 €/m2 on est dans les prix standard avec un bâtiment écolo, mais architecturalement pas standard, ça nous a été reproché d’ailleurs et c’est un reproche qu’on entend tout à fait et qu’on assume complètement. On nous a dit qu’on faisait une architecture ordinaire, c’est complètement assumé, on fait un bâtiment écologique au prix du logement social, on ne peut pas avoir des portes à faux incroyables ou des matières façades incroyables. On a fait ce choix la et assumé et on est assez contents de ce résultat, car on a réussi à sortir cette performance-là dans un coût incroyable, et/ou les gens sont bien et disent qu’ils sont vraiment très bien. Pour nous le contrat est tenu et l’ambition qu’on a eue est tenue. Après architecture ordinaire pour moi cela ne veut rien dire, c’est une question de références, elle n’est pas ordinaire en France cette architecture. On a une architecture ordinaire, si on va se balader en Suisse ou en Allemagne. En France, ce n’est pas du tout une architecture ordinaire au sens ou on la voit partout. On est sur un bâtiment qui au niveau des matériaux et des mises en œuvre n’est pas du tout ordinaire, on est sur un système mixte bois béton, c’est loin d’être ordinaire, c’est 3 % de la construction seulement. S’il voulait dire que c’est une morphologie ou une volumétrie ordinaire, je veux bien l’entendre, on en voit d’autres plus ordinaires. Pour moi l’ordinaire ne veut pas dire que ce n’est pas élégant. Ce sont deux choses différentes l’élégance et l’ordinaire… on est sur des logements. On ne voulait pas que ce soir un signal, pourquoi, parce que c’est déjà hyper connu autour, tout le monde sait que c’est une coopérative d’habitants qui habite là, il n’y avait pas besoin en plus que ce soit une boite rouge, verte ou orange pour simplifier et montrer que c’est une coopérative d’habitants qui habite, c’était même souhaitable l’ordinaire pour ne pas être démonstratifs et d’attirer l’attention. On est assez contents du résultat. Et avec le nouveau projet qui arrive à « Bardi » c’est quoi le contexte, ce n’est pas du tout la même chose c’est un concours, qui est lancé par une commune qui a un terrain et qui dessine ce terrain à de l’habitat participatif. C’est la mairie qui a décidé qu’à cet endroit-là, il y aurait un groupe d’habitants, qui viendrait habiter. Il lance un concours d’archi avant d’avoir un groupe d’habitants. C’est une situation un peu bizarre, car nous on s’est dit, qu’ils prennent le problème à l’envers, qu’ils n’ont rien compris. Comment ils veulent qu’on fasse une image, alors qu’on n’a pas le groupe pour commencer à dessiner ? Par rapport au village vertical ou on a dessiné les premiers volumes avec le groupe, la on arrive, on n’a pas de groupe et il faut faire un rendu de concours c’est-à-dire une belle perse ? On est super embêtés. Alors déjà, on s’est posé la question est-ce qu’on répond et comment. On s’est dit oui, on va répondre et on va montrer qu’on peut produire une architecture évolutive, même esthétiquement, qui répondra à des demandes de variation de l’habitat par les habitants, en termes de programmes, organisation des logements… mais qui va produire du coup une architecture, qui n’est pas figée à l’image du concours, mais qui va être dans l’esprit de ce qu’on montre au concours et on sait garantir qu’on sera dans cet esprit-là., en expliquant ou sont les marges de manœuvre. On a rendu ça en se demandant si on fait une belle perspective, une belle image, qui leur montre une photo, ou ils vont avoir l’impression d’une photo-finish à regarder avant après, et c’est la même chose entre la Perse et la photo réalisée et non on a décidé de faire un rendu tout à la main. C’est la première fois qu’on fait un rendu de concours ou il n’y a pas une ligne à l’ordinateur. On a rendu à la main en expliquant que pour nous c’était encore à l’état d’un trait sur une feuille non figé et que ça va évidemment bouger. Alors même quand on était étudiants on ne faisait pas de rendu à la main, mais ça nous a demandé beaucoup de travail, mais ce rendu on l’a fait à la main, on a gagné sur le concept, du logement qui s’adapte, avec un jeu un peu complexe sur les cellules qu’on pouvait inverser, une gaine technique centralisée, vraiment au centre du logement, qui fait qu’on peut inverser tous les plans, que dans le volume dans l’enveloppe donnée, on peut organise le logement de plein de façons différentes avec des principes de plus. La base ce et cette typologie-là et si c’est un T4, il y a une boite en plus, si c’est un T5 il y a deux boites en plus. On a présenté cette idée-là, l’idée a plu mail ils nous ont demandé et c’est assez drôle, pour communiquer les résultats du concours aux publiques de reprendre les planches à l’ordi. En disant vous avez gagné le concours, mais Habitat participatif, une fabrique de la soutenabilité

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pour présenter cela par rapport aux autres au public, il faut que vous ayez les mêmes genres d’images que les autres, on ne peut pas rendre un document uniquement à la main. Ça ne sera pas compris par le public. Donc on a retravaillé notre rendu pour avoir un rendu ordinaire, c’est le cas de le dire, c’est comme ça. C’est la où la mairie a organisé une AMO, une licence à maitrise d’ouvrage, spécialisée, qui accompagne les groupes d’habitants, nous on a fait 3 réunions avec le groupe d’habitants, le groupe d’habitants on voit qu’il a changé beaucoup et au final ce n’est pas du tout la même chose, finalement pour nous c’est un projet normal, avec de temps en temps une demande programmatique spécifique qui arrive. C’est-à-dire que parfois, cette accompagnatrice nous fait remonter… là il faut rajouter un local vélo qui au lieu de faire 30 min 2 s va faire 70 m2. Ca se limite à cela les échanges qu’on a avec les habitants est nulle. Tout est filtré. Je pense que c’est un souhait pour que les architectes n’aient pas à passer 10 fois le temps qu’il faut sur le dossier c’est-à-dire qu’en fait, ils ont encadré les choses pour qu’un, on tient un délai de conception raisonnable, c’est vrai quand on voit les habitants toutes les semaines et qu’on remet en cause, il y a un moment, cela dure longtemps et là vis-à-vis de la mairie, c’était compliqué de dire on gagne un concours et deux après on n’a pas encore posé le permis. Il fallait qu’on pose le permis dans l’année. Ils se sont fait accompagner, cela fait un filtre et nous on reçoit un programme, qui a été discuté avec les habitants en fait. Donc on est dans du participatif, pas du tout dans le même niveau que pour le village vertical, et à la limite le projet va sortir et ne sait même pas si les habitants du groupe qui ont fait le programme vont habiter dedans, parce que les groupes changent… là on ne les voit pas. Le groupe d’habitants eux ils se réunissent, mais pas avec l’archi, mais c’est de plus en plus souvent. Les groupes ou on voit que le travail se fait comme ça avec un « entremetteur ». Il se fait avec un acteur, même avec un professionnel du bâtiment, en fait il est là pour leur expliquer, vous ne pouvez pas demander à l’architecte ça parce que ce n’est pas aux normes, car il y a des normes et on ne peut pas déroger aux normes, donc ils filtrent beaucoup de questions. Nous ça nous facilite la vie, après je pense que du coup cette personne qui est là pour les accompagner, elle va quand même les orienter, donc ça va nous éviter de perdre du temps, mais en même temps ça peut aussi empêcher qu’une idée, qui vendrait du groupe, nous remonte, en fait et que nous on s’en saisisse pour la transformer. Quand ils nous on dit on veut le bâtiment le plus écologique possible, on a balancé des trucs, ils ont balancé des trucs et on a tout testé. Je me souviens que dans le village vertical ils ont dit ils voulaient des w.c. secs, je me suis dit w.c. secs dans un immeuble collectif qu’est ce que c’est. On a saisi l’idée, on a rencontré des professionnels des w.c. secs, on leur a demandé comment on fait sur 5 étages au lieu d’un cabanon au fond du jardin et ils ont travaillé et réfléchi et on a trouvé une solution. On a emmené une solution technique, qui emmenait des conséquences, qui n’étaient pas gérables pour le groupe, donc on a renoncé, mais on l‘a testé. Cela faisait des gaines de w.c. qui faisaient 1 min 2 s par exemple, parce qu’il fallait les descendre. Cela faisait un volume de compost à retraiter, qui était beaucoup trop important pour la taille du jardin, donc on ne savait pas quoi faire de la matière qu’on récupérait, cela faisait beaucoup trop de choses au final pour qu’on le fasse. Mais n’empêche, on la tester on a été jusqu’au bout. Je sais que s’il y a un habitant qui avait dit je veux des w.c. secs sur « Barbi », l’AMO leur aurait duit non ce n’est pas possible, ce n’est pas réglementaire, on n’y va pas. On s’est permis nous de tester des trucs qui ne sont pas réglementaires. Donc effectivement la présente de l’entremetteur cela bride un peu l’innovation, cela filtre évidemment beaucoup, beaucoup, et l’émulation qu’il peut y avoir pour l’archi, vis-à-vis des motivations d’un groupe. Parce que la du coup, la motivation du groupe, on ne la connait pas. On ne sait pas si ce sont tous des musiciens qui veulent faire de la musique ensemble ou si c’est des écolos qui ne veulent pas consommer, on ne sait pas. On sait qu’il y a des personnes âgées, des jeunes, un kiné. O Sait qu’ils ont des vélos et des voitures, mais on ne connait pas leurs envies, on ne sait pas qui c’est, parce qu’on les croise en deux fois, 3 heures, mais on les connait pas, c’est moins intéressant pour nous. L’avantage d’avoir une maitrise d’ouvrage qui n’est pas professionnelle, c’est qu’il n’y a rien d’interdit à priori, il n’y a rien d’impossible. Dés qu’on est avec un professionnel, cela nous simplifie la tâche sur les décisions, le temps de travail, sur pleins d’aspects, mais dés qu’on dit on a envie de faire ça, on dit on n’a jamais fait, donc on ne fait pas, ou on l’a déjà fait ailleurs et ça ne marche pas. On ne sait pas si ce sera exactement la même chose, mais on l’a déjà fait ailleurs, ça ne marche pas… La ils ont jamais fait ailleurs, ils veulent bien tout à priori, et même au contraire tant qu’on n’a pas tout testé » on ne choisit pas. Par contre c’est long, la ventilation, on a mis deux mois à choisir en se voyant toutes les semaines. La conception a duré deux ans, normalement en 6 mois on pose un permis. Ça a été un peu plus long.

Il faut trouver un compromis entre cela et l’habitat. Je pars du principe que ce qui me motive moi dans l’habitat participatif, ce n’est pas participer pour participer c’est d’aller voir jusqu’où ça nous permettait d’aller dans notre façon de repenser notre métier, ça c’est la première chose. Habitat participatif, une fabrique de la soutenabilité

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Et la deuxième chose qui m’intéressait comment ça produisait du logement différemment d’un logement traditionnel. Par ce que je pense que l’on gagne à avoir une diversité de produit en termes de logement c’est à dire qu’aujourd’hui on a la commande qu’on a par les promoteurs ou par les bailleurs sociaux est une commande extrêmement similaire, immuable, très codée. Et finalement ce qui m’intéressait c’était de voir dans quelle mesure le fait de travailler directement les habitants cela allait casser ces codes-là. Et ça nous permettait d’aller vers autres choses ; mais finalement pas tant que ça. C’est cela qui m’a surpris, mais vraiment beaucoup. Dans le cas de l’habitat participatif, où on a un entremetteur, on a des programmes, un T2 est un T2, un T3 ressemble à un T3. Dans la tête des gens, un T3 ça fait entre 60 et 65 m², avec un coin nuit et un coin jour. Pour le groupe du village vertical ou on s’était dit, en les voyant tous indépendamment, qu’on allait dessiner les logements indépendamment les uns des autres. Et il y a eu cette phase ou on travaillait famille après famille. On s’est réparti la tâche, un archi qui a fait tous les T2 avec les familles correspondantes, et la même chose pour les T3. On s’est dit qu’on allait s’amuser et à avoir des T3 complètement différents d’une famille à l’autre, mais ce n’est pas ce qu’il s’est passé. Ils sont extrêmement similaires, avec des variations minimes.

Est ce que cela est dû au fait qu’ils ont été conditionnés par leur pratique d’habiter ou l’offre du marché ? Pourtant on a pris le temps de leur montrer autre chose, ça tient à deux choses. La première c’est interrogation de la succession, le jour où je m’en vais, il faut que j’arrive à le vendre, ou il faut que quelqu’un veule bien y habiter dedans. Il ne faut pas que je fasse un truc trop personnalisé ou irrévocable. Il y a cette crainte de faire quelque chose de trop personnel, ce qui est plutôt une décision louable. Après on a eut quelques familles qui nous ont fait des demandes surprenantes, mais même trop atypiques où l’on a dû leur montrer des choses plus ordinaires pour leur faire changer d’avis. Et je considère que notre travail c’était, pas de leur faire changer d’avis par ce que c’est ce qu’ils voulaient. On leur a fait des 3D, des visites de chantier en leur expliquant ce qui pourrait être modifié, ils nous ont confirmé que c’est ce qu’ils voulaient. Une fois le logement livré ils étaient contents. On a fait en sorte que ce ne soit pas irréversible et que si quelqu’un voulait le modifier, il le pouvait. Ne pas mettre des files et des prises électriques dans les cloisons que l’on pourrait modifier, pour qu’une autre personne puisse abattre la cloison et le faire facilement. On s’est limité à cela, en se disant de toute façon l’intérieur du logement c’est la question d’usage des habitants qui ont participé à l’élaboration de leur logement, et que si, deux mois après ils détruisent une cloison c’est qu’on a mal fait notre travail. Donc mettre une cloison alors que les habitants ne veulent pas le faire, ne marchera pas. Par ce que la première chose que l’on fait en achetant un appartement, c’est abattre la cloison qui gêne entre la cloison et la cuisine, ou la remonter par ce qu’elle manque ça dépend des gens, et typiquement on met à son gout le logement sur la question du cloisonnement, et qu’on ne peut pas gérer cette question. Il fallait qu’on accepte les cloisonnements aberrants à notre sens. Il y a certains choix que l’on a compris plus tard, malgré le fait que les gens nous ont vu toutes les semaines pendant des années, ils ne nous ont pas tout dit. Par exemple, on avait un séjour de 10 mètres de large sur 3 mètres de long, ce qui nous a paru complètement disproportionné et on a voulu leur faire changer d’avis 150 fois. Ils nous ont aussi fait déplacer une fenêtre, on leur a dit qu’en termes de réparation lumineuse, c’est moins bien que ce que l’on avait proposé, on avait prévu la place pour le canapé et le mobilier. Finalement ils ne nous avaient pas tout dit, en visitant l’appartement, on a vu qu’ils avaient un lit clôt. C’est un meuble qui fait 2 mètres 50 de large sur toute la hauteur, et 1 mètre 40 de profondeur. Ils avaient fait un trou dans le lit et la fenêtre tombait pile dedans, c’est un moyen qu’ils ont trouvé pour avoir une chambre en plus. Ils avaient 4 enfants avec 4 chambres, au lieu de mettre deux enfants par chambre, ils ont mis un enfant par chambre et eux avaient un lit clôt dans le salon. Ce salon qui nous semblait disproportionné n’avait plus qu’une proportion de 8 min 50 s, et d’un coup ça marche ! Mais ils ne nous ont jamais parlé du lit clôt auparavant, on avait pas tous les paramètres pour les comprendre.

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Est ce que cette expérience vous a inspiré pour faire les recherches sur les espaces de répits ? Pas exactement, je dirais que les espaces de répits découlent de cela, quand on a parlé avec les villageois de la question de l’habité, ils n’ont fait référence qu’à la question du vivre ensemble. On a énormément entendu parler de ce qu’on met en commun, et c’est ça qui m’a alerté, a un moment pour nous optimiser les coûts, on met en commun la buanderie, la salle commune, les chambres d’amis, une salle de bain avec une baignoire, alors que les autres ont seulement des douches. On met tout ça en commun par ce qu’on va partager l’investissement que cela représente, sachant qu’une chambre d’ami est utilisée que deux fois dans l’année, quatre chambres dans le bâtiment suffisent. On a toujours cherché ce que l’on pouvait mettre en commun, ce qu’on pouvait enlever au logement pour le mettre en commun. On avait enlevé les balcons privatifs sachant que l’on avait ces grands pontons, qui étaient enfaîte ? des circulations extérieures de quatre mètres. On s’est dit que c’est appropriable comme un balcon, donc on peut enlever celui-ci. Quasiment tous les villageois voulaient le garder ; alors que pour nous c’était contradictoire, on faisait l’effort de surdimensionner les pontons mais on se paye quand même le balcon privatif. Cela nous a heurté au début. C’est en m’interrogeant là-dessus et en discutant avec les gens que je me suis aperçu que c’était pour eux, leur espace secret. Du coup, cette question de mettre en commun le maximum, mais de vouloir garder un espace un peu atypique, m’a interrogé sur la question des limites de la mise en commun. Ainsi, on a réinterrogé ça à l’échelle des projets ordinaires, en se disant que lorsque l’on fait de la promotion classique, dans le programme de logement ordinaire qu’on nous donne aujourd’hui, il n’y a pas la question du collectif, mais pas non plus la question de l’espace individuel. Ce qui est arrivé naturellement sur le Village Vertical par ce que la réflexion sur les espaces en commun à fait naître le besoin d’avoir un balcon. Dans l’habitat classique on ne se pose pas la question. On produit du logement sans espace communs ou on pourrait faire certaines activités, et où il n’y a pas d’espace d’intimité.

Tout à fait, dans le logement bourgeois du XXème siècle, on retrouvait ces différents types d’espaces que l’on ne retrouve plus aujourd’hui. Les surfaces des logements en accessions standards ont diminué notamment à cause des coûts. Il y a une perte de cette qualité de diversité de façon d’habiter. Oui le prix du mètre carré fait qu’on met deux enfants dans la même chambre, et deux personnes adultes dans une autre, un séjour avec la cuisine qui est dans le séjour, une salle de bain, un wc a part, qui est une particularité française. Donc l’espace de répit c’est le WC ou la salle de bain, par ce qu’on peut s’enfermer à clé, tout seul. Aujourd’hui, la conception de plan de logement est assez limitée, notamment à cause du nombre de plus en plus restreint de la surface des logements. La question de l’espace de répit est plus venue de tout le temps qu’on a passé sur le collectif que pour le peu de temps qu’on a passé à réfléchir sur l’individu. En faisant de l’habitat participatif, la question de l’individu est passé complètement sous silence. Ça ne nous a pas servie, mais déclenché. C’est par ce qu’on a beaucoup réfléchit aux espaces collectifs qu’on a quand même eu le besoin d’avoir à réfléchir sur les espaces de répits.

Quels sont les principes structurels du Village Vertical ? Quels ont été les techniques utilisées pour l’association Bois/Béton ? On a trois plots qui sont des dalles bétons, avec des refends en béton, séparatrice entre logement, mais par contre toute l’enveloppe est en ossature bois. Entre ces plots il y a des pontons, au Nord des plots il y a des coursives et au sud des plots, des balcons. Ils sont faits en lamellé-collé et en bois massif. Les pontions c’est du béton et du caillebotis métallique pour laisser la lumière passer. Le principe c’était que sur ces pontons de quatre mètres de large, largement dimensionnés, on puisse avoir les usages communs tel qu’étendre son linge, faire un barbecue, inviter du monde. On a également les circulations verticales tels que l’ascenseur, les escaliers, et une surlargeur coté logement pour s’installer confortablement.

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Le village vertical s’étant implanté dans un quartier récent, est ce que ce type de programme et ces habitants ont créé des usages au niveau du quartier ? Oui, ça on le sait parce qu’ils se sont inscrits dans plein d’associations très tôt, même en amont du projet. Il y a aussi une chose c’est que la grande salle collective, dans le bâtiment, c’est un ERP qui est mis à la disposition du quartier. Ils voulaient que cette salle puisse servir à des associations locales. Il y a quand même des choses qui se sont fédérées autour de ce bâtiment-là, aussi parce que c’est des gens qui sont très impliqués dans la vie associative, ca c’est fait par le biais des associations. Au niveau du quartier lui-même, il y a beaucoup de logements qui se sont construit tout autour, donc il y a plein d’autres habitants qui sont arrivés. Je sais qu’il y a eu une certaine diffusion de certaines pratiques auprès des autres copropriétaires à côté. Par exemple, ils ont mis en place un composte pour eux, et les gens aux alentours ont par la suite contribué à ce composte. Il y a quand même des pratiques qu’ils installent, qui influence également les voisins. Mais c’est lié et aux personnes, je ne pense pas que ça soit lié à l’habitat participatif en tant que tel.

Qu’est-ce que cette expérience vous a apporté dans la pratique architecturale de l’agence ? On nous a fait nous rendre compte qu’il fallait que la technique soit simple dans le logement. On a commencé à concevoir des logements dans les années 2005, quand c’était la mode du bâtiment basse consommation et de la HQE. Et les réponses techniques pour ce genre de projet étaient parfois complexes. En discutant avec les habitants, pour des soucis quotidiens d’entretien d’une part, mais aussi d’utilisation de tous les jours, ils ne souhaitaient pas de choses compliquées. Ils ne veulent pas avoir à gérer des choses à l’heure, tel que les stores, c’est n’est pas possible. Les gens ne se voient pas chez eux, être obligé de gérer tout le temps leur confort, il faut que cela soit un peu automatique. A l’inverse, ils ont absolument refusé tout ce qui était domotique, ils veulent garder l’autonomie de fermer leur volet quand il le souhaite, « je veux bien qu’on me facilite la tâche, mais je ne veux pas qu’on le fasse pour moi ». Ce n’est pas quelque chose dont on n’avait totalement conscience. On ne peut pas savoir si dans quatre ou cinq ans, les usagers vont bien se servir des locaux, s’ils n’ont pas tout débranché. La complexité du bâtiment a été très tôt abordée avec les habitants, par exemple la circulation double flux a été sujet à de longs débats. Actuellement ils n’en ont pas, tout marche sans problème et entretien, ils ne se posent pas de question, il y a un côté rassurant à cela. La première chose, c’est qu’on a intégré dans notre pratique, c’est que l’on se pose beaucoup plus la question de l’usage, de façon centrale. La deuxième chose, c’est qu’on s’est permit d’innover sur pleins de sujets, de tester des hypothèses et montrer qu’on arrive à les tenir. Ça nous a donné une grande confiance par rapport au maître

Pour faire de l’habitat participatif, est-ce qu’on pourrait se passer de l’architecte ? Je pense que c’est la meilleure question qu’on ne met jamais posée sur ce sujet là. Personne n’a jamais osée me la poser jusqu’à maintenant. Je pense que tu vas sur une question qu’on s’est posée, du coup on se la pose sans arrêt maintenant set ce qu’on peut se passer de l’architecte lorsqu’on a les bons ingénieurs Un bon bureau d’étude, est ce que cela ne suffit pas. Alors on peut construire sans architecte, ca j’en étais déjà convaincue avant. Je ne pense pas qu’on puisse construire durable sans architecte, parce que nous le fait d’avoir ait travaillé avec les usagés ça nous a montré une chose qu’il y avait justement bien autre chose que la question technique, dans l’habitat, que même dans la programmation, il y a bien autre chose que ce que l’on voit d’habitude, qui est une approche fonctionnaliste avec des surfaces, des fonctions, des chambres, il y a je ne sais combien de chambres qui ne sont pas des chambres dans ce projet là, et dés qu’on va voir n’importe quel habitat social, on se rend compte que sur 3 chambres ce ne sont pas 3 chambres, et que 3 chambres ce ne sont pas 4 personnes mais 6, 9 ou 12 personnes, et cette expertise d’usage, l’architecte il ne l’a pas. Le seul qui a l’expertise d’usage c’est l’usager. Par contre on est tous usager de quelque chose, on est tous habitant quelque part, mais il y a autant d’expertises que de foyer, de familles.

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Donc je pense que l’architecte il n’a pas cette expertise-là, par contre je pense que l’architecte est le seul acteur dans le processus de maitrise d’œuvre, qui a une vision globale de la complexité de l’acte de construire. Les ingénieurs qui travaillent sur les projets n’ont pas la vision la contrainte de leur voisin de bureau. L’ingénieur structure, son souci c’est la structure, l’ingénieur fluide, son souci c’est chauffé et ventiler, éventuellement savoir comment l’usager va se servir du chauffage et de la ventilation. L’ingénieur structure, l’usager il ne connait pas, il ne sait pas qui s’est. Le programmiste il va nous mettre des fonctions, des usages, une fois qu’il a fait cela, il pense qu’il a terminé. Donc je pense que si on ne met pas d’architecte, on ne met plus d’innovation, et s’il n’y a pas d’architecte, il n’y a pas de culture au sens la culture c’est un retour d’expériences, l’expérience c’est quelque chose qui se construit sur une succession d’apprentissage, sur l’observation de ce qui a été fait avant, aussi l’apprentissage d’une vie projet après projet et que ça ça ne se construit pas avec une équipe d’ingénierie, parce que les équipes d’ingénierie ne sont jamais les mêmes, évoluent et qu’une équipe d’ingénierie s’est de reproduire un principe qui marche, ce n’est pas d’interroger et de questionner. Le seul qui interroge et qui questionne c’est l’architecte dans une équipe. Je suis convaincue qu’on a besoin des architectes. La question de produire de l’architecture est encore une autre question. Je pense que 90 % du temps les architectes ne produisent pas de l’architecture, et ce n’est pas pour ça qu’ils sont inutiles. Ils ont utiles à autre chose. Je ne suis pas sure que l’architecture soit le souci de tous les architectes.

C’est quelque chose que l’on voit à l’école. C’est un choix, on a toujours la possibilité de faire de l’architecture, mais il y a un moment ou il a une sorte de routine et de facilité qui s’installe. La volonté de l’architecture c’est une vraie rigueur qu’il faut avoir tout le temps, si vraiment on l’a, il faut savoir ce que cela veut dire, pour soi, c’est aussi quelque chose qui n’est pas forcément reconnu tout de suite par ses confrères, parce qu’il faut du temps pour l’installer. Un discours architectural, ce n’est pas avec un bâtiment, une fois. Après on peut avoir une exigence de rigueur architecturale sur tous les projets qu’on a, mais ça c’est quelque chose dont on s’est rendu compte à postériori sur le village vertical, finalement on a voulu une architecture qui correspondait beaucoup au projet, qui correspondait aux enjeux environnementaux, écologiques… à des questions de confort, de contraintes économiques et techniques et qui commence chez nous à initier chez nous un discours architectural, qu’on va reproduire. On en est au tout début, c’est une de nos premières œuvres. Et nous c’est une chose qu’on revendique aujourd’hui, que je pense que l’architecture qu’on va produire chez Arbor & Sens c’est une architecture qui accepte d’être modifiée. On ne considère pas que l’immeuble terminé est une œuvre, qu’il ne faut plus toucher. Au contraire, plus ça va, plus on travaille dans le sens de faire une architecture ou l’usage va modifier l’esthétique, va intervenir pour l’esthétique. Ce n’est pas quelque chose d’absolument admis par nos confrères, pas tous. Ça c’est une posture qu’on a, parce qu’on essaye aujourd’hui de produire une architecture qui prend en compte l’usage, et que le bâtiment une fois qu’on le livre, ce n’est que le début de sa vie, ce n’est pas la fin du projet. Pour nous c’est la fin du projet, mais pour le bâtiment c’est le début de sa vie. Donc normalement dans 30 ans, il a vécu. Et si on ne veut pas dans trente ans qu’il soit « has been » et qu’on le démolisse, ou dans cinquante ans, il faut qu’on lui permette d’évoluer, de vieillir bien. Si on dit c’est comme ça et on le fige, dans cinquante ans, il ne sera plus à l’ordre du jour et l’issu sera de le démolir. On aimerait mieux nous que le bâtiment qu’on livre aujourd’hui, il soit transformé et qu’il soit toujours là dans cinquante ans. Mais ça c’est quelque chose qu’on initie au début, qu’on va renforcer et qu’on essaye de travailler maintenant sur chaque projet, ce n’est pas pareil si on est sur du logement ou sur une école, ce n’est pas la même réflexion, mais c’est une architecture qui autorise des évolutions, une appropriation tout de suite, et les évolutions dans le temps. C’est l’usage qui doit être pris en compte, oui il doit être intégré comme une contrainte, au même titre que le budget ou la norme, car on ne peut savoir comment cela va évoluer. Justement parce qu’on ne peut pas savoir, il faut accepter qu’on ne sache pas aujourd’hui l’usage de demain. On ne sait pas l’usage aujourd’hui et ce n’est pas parce qu’on a un programme, que ça va se passer comme c’est prévu dans le programme. Donc aujourd’hui on essaye de travailler en se disant on travaille sur des projets ou si ce n’est pas comme prévu, ça marche quand même.

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Il faut que ça réponde à ce qu’il y a dans le programme, mais il faut permettre qu’il puisse y avoir autre chose, qu’on fera un jour autre chose. Et ce n’est pas toujours quelque chose de très évident, mais c’est quelque chose qu’il faut intégrer tout de suite, tout au début d’une démarche de conception, sinon cela ne peut pas fonctionner. On travaille actuellement sur lu logement convertible en bureau ou du bureau convertible en logement. C’est finalement extrêmement compliqué d’expliquer à un maitre d’ouvrage, qu’on a une contrainte de gamme technique, qui est théorique, car peut être qu’un jour ça deviendra du bureau et que du coup il ne faut pas la bouger, alors que si on la décalait du coup ce serait beaucoup plus pratique pour le logement et lui il est promoteur il paye du logement. Ils ont une vision du court terme et ce n’est pas toujours évident de travailler là-dessus. On a travaillé sur un projet sur Lyon, ou on est dans un quartier mixte, bureaux logements et on a travaillé sur un bâtiment de logement et entouré de bâtiments de bureaux. Alors on nous a dit l’immeuble que vous faite ne ressemble pas à un immeuble de logements, et c’était tout à fait volontaire, cela ne ressemblait n’y a du logement ni à du bureau, c’était un truc entre les deux c’était volontaire c’est parce qu’à un moment on est dans un quartier de bureau avec cet ilot-là de logements, qu’est-ce qui nous que dans quinze ans ce sera encore du logement. Si ça se trouve dans vingt ans ce sera du bureau pour moitié et on ne sait pas dans vingt ans si la moitié des gens ne travailleront pas chez eux, peut être que la moitié des logements seront des bureaux. CA aujourd’hui quand on a présenté le projet, on nous a dit ce n’est pas du logement, ça ne ressemble pas a du logement. Il y aurait une architecture du logement et une architecture des bureaux. On est dans les réflexions du temps, mais on est aussi face à des façons de faire, qui sont encrées depuis un petit moment et qui font qu’il y a des choses qui évoluent, mais qui n’évoluent pas aussi vite que ça. Le changement n’est pas brutal, il ne peut pas être brutal, il faut y aller doucement.

Ça me fait penser aux volumes capables à Bordeaux, oui, c’est bien une idée ça. Ce n’est pas Nicholas Michelin qui a fait ça à Strasbourg ? Qui a produit du logement calculé en volumes et non plus en surfaces, il y avait un permis et l’enveloppe était faite et puis c’étaient des grandes hauteurs cela permettait d’aménager un niveau et demi, deux niveaux un peu comme on voulait. C’est intéressant le travail qu’il a fait et avec un promoteur classique. C’est la ou c’est intéressant il y a un moment il y a un promoteur qui a tenté le coup. Dans le village vertical, il y a Rhône Saône Habitat qui a rendu ça possible. Sans Rhône Saône Habitat l’opération on ne l’aurait pas fait comme ça. Ils ont emmené des garanties aux élus, aux banques, à tout le monde, en disant si ça capoter, ne vous inquiétez pas l’opération se fera quand même et on ne lâchera pas la ville, on prendra le terrain quand même, le groupe on vous lâchera pas on porte financièrement tant que vous n’avez pas les sous du banquier, c’est un maître d’ouvrage courageux, qui a pris des risques pour l’innovation et par conviction. Mais moi j’y crois vraiment, j’ai cette conviction qu’on peut produire du logement d’une façon différente et qu’il y a besoin de produire du logement de plein de façons aujourd’hui pour répondre à la demande, qui est diverse, multiple, et que c’est intéressant de contribuer à produire du logement différemment, de ce qui se fait de façon ordinaire. Ça ne veut pas dire qu’on va arriver sur une architecture extraordinaire, mais au moins sur le mode de production du logement sur quelque chose de différent.

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HABITAT COOPERATIF, LE VILLAGE VERTICAL - 38 LOGEMENTS BBC - VIL RHÔNE SAÔNE HABITAT VILLAGE VERTICAL ARBOR&SENS mandataire Detry-Lévy ACR (fluides) - SYNER (structure) - REZ’ON (acoustique)

Maîtrise d’ouvrage : Architecte : Bureaux d’études : Concepteur HQE :

ARBOR&SENS

Lieu de construction :

Villeurbanne (69)

Programme :

38 logements

SHON :

3 445 m²

Montant de l’opération :

3 950 k€

Performance :

BBC - effinergie MISSION

Architectes de conception/réalisation - BASE + EXE + HQE REALISATION Avancement :

Livré en 2013 DESCRIPTION

Ce projet porte sur la construction d’un habitat écologique et coopératif à Villeurbanne. Les principes architecturaux pour les deux programmes sont identiques et confèrent à l’ensemble une grande homogénéité. Le bâtiment est animé par les balcons, deux failles, les coursives, les matériaux et l’aménagement paysager de ses abords.

Détail coursive

Le bâtiment s’inscrit dans une démarche à faible impact environnemental : matériaux, toiture solaire, enveloppe et équipement techniques performants.

APPROCHE ENVIRONNEMENTALE Le projet est inscrit dans une démarche environnementale sous différents aspects : - Insertion dans son environnement : le jeux de volume rythmé par deux failles, les coursives desservant les logements, effets de matières (zinc, béton , bois...) et aménagement paysager des abords et du coeur d’îlot (jardins privatifs et collectif) -Gestion des énergies et confort : optimisation des apports solaires, renforcement de l’isolation sur l’ensemble des façades (isolation par l’extérieur + remplissage en panneaux d’ossature bois). Installation d’une couverture solaire pour la production d’électricité et d’eau chaude, complétée par une chaufferie bois pour l’eau chaude, ventilation double flux. - Gestion des éclairages : optimisation des besoins en lumière naturelle dans chacun des logements, l’éclairage des communs est sur détection et temporisation. Protections solaires des menuiseries. - Gestion des eaux de pluie : récupération des EP pour l’alimentation de la zone de nettoyage et l’arrosage des espaces extérieurs - Système constructif et matériaux: ossature bois et béton. Utilisation de matériaux sains (peinture, sol), chantier propre et à faible nuisance.

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ARBOR&SENS

LLEURBANNE

Détail constructif

Plan R+2

Façade Sud

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Habitat participatif, une fabrique de la soutenabilité Rapport d’études 2017/2018 58121 caractères


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