roure sylvaine mémoire de fin d'études Master Architecture Bois et Construction

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Concevoir et construire avec la filière locale bois

Mémoire de fin d’étude Septembre 2013

Sylvaine Roure

Ecole Nationle Supérieure d’Architecture de Nancy


Concevoir et construire avec la filière locale bois MFE

En préambule à ce mémoire, je souhaite adresser ici tous mes remerciements aux personnes qui m'ont apporté leur aide et qui ont ainsi contribué à l'élaboration de ce mémoire. Je tiens tout d’abords à remercier Jean-Claude BIGNON, et Franck BESANCON, professeurs encadrant ce mémoire de fin d’étude, pour leurs conseils avisés lors de l’élaboration de mon sujet, ainsi que pour ce travail. Je remercie également les entreprises, les architectes, les élus et toutes autres personnes qui ont eut la gentillesse de répondre à mes questionnements, qui m’ont apporté leur aide et qui ont ainsi contribué à l’élaboration de ce mémoire. Enfin, j’adresse mes plus sincères remerciements à tous mes proches et amis, qui m’ont toujours soutenue et encouragée au cours de la réalisation de ce mémoire.

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INTRODUCTION

En France, la forêt couvre 15,7 millions d'hectares, soit 28,6% du territoire. Depuis plusieurs années, l’évolution du marché de la construction de maisons individuelles en bois en France stagne. La construction bois, premier débouché de la sylviculture, est le secteur clé d’une lutte contre l’effet de serre. Les forêts françaises sont à l'image du pays: extrêmement diverses, et soumises à des facteurs géographiques, géologiques, climatiques, historiques ou socio-économiques. La forêt française est essentiellement feuillue et comporte des résineux pour un tiers des surfaces boisées environ. Cette diversité de forêt est un atout mais aussi un inconvénient car le bois de feuillus ne correspond pas toujours aux besoins actuels du marché de la construction. Malgré l’abondance de la ressource bois, en France, le matériau est peu utilisé (moins que le béton par exemple) dans le cadre des projets de construction. De plus, s’il l'est, le bois est importé le plus souvent de pays européens voisins : Allemagne, Autriche... Les entreprises françaises de la filière restent donc fragiles, certaines même disparaissent. Ce constat mérite d’être confirmé. Un des premiers objectifs de ce mémoire va donc être de s’interroger sur un territoire donné : la filière bois en Lorraine. L’analyse des ressources disponibles de cette filière, tant naturelles qu’économiques, l’activité qu’elle engendre, l’adéquation des ressources au marché bois-construction, l’étude de l’impact de celle-ci en matière de développement local nous permettront de mieux le comprendre. Pourquoi construire à partir des filières bois locales ? L’emploi de bois local permet de valoriser le savoir-faire, les ressources humaines et matérielles locales, d’éviter les transports des matériaux et de réduire ainsi l’impact sur l’environnement. Cet emploi permet ainsi de développer les filières courtes. C’est donc un atout écologique et économique. Cependant, elles sont aujourd’hui peu présentes dans la plupart des régions françaises et représentent que quelques 3


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exemples disparates car l’industrialisation de la construction bois n’encourage pas cette démarche. Par ailleurs, depuis quelques années, des expériences se sont développées dans la région visant à valoriser localement la ressource. Le groupement périscolaire de Tendon (HAHA architecture) dont la structure caissons et le revêtement intérieur sont en hêtre local et la halle couverte de la Bresse (Lausecker) dont la structure et la charpente sont en sapin et épicéa vosgiens en sont deux exemples. Ces exemples visent à démontrer que l’emploi des ces essences locales peu employées jusqu’alors, conviennent dans la construction de bâtiments. Ainsi, le second objectif de ce mémoire s’appuiera sur l’étude de plusieurs de ces exemples afin de dégager des pistes d’actions, d’en déduire les avantages et inconvénients de l’emploi de cette filière, d’analyser les moyens et outils employés visant à relocaliser et conforter l'ensemble de la filière sur le territoire, et à faire bénéficier les acteurs locaux de la plusvalue économique et sociale liée à celle-ci.

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SOMMAIRE INTRODUCTION .................................................................................................................................................. 3 SOMMAIRE.......................................................................................................................................................... 5 PARTIE 1 : LE CONTEXTE GENERAL DE L’ETUDE ............................................................................................. 8 1 - LA FILIERE BOIS: une ressource abondante et variée .......................................................................... 8 1-1. La forêt Lorraine .......................................................................................................................... 9 1-2. Une forêt majoritairement publique .....................................................................................11 1-3. La ressource forestière disponible .........................................................................................12 1-4. Des prix du bois des forêts Lorraines élevés ........................................................................14 1.5 La qualité des bois du massif vosgien ....................................................................................14 2. LE CONTEXTE ECONOMIQUE .................................................................................................................... 15 2-2. Les activités de la première transformation du bois .........................................................16 2-2-1 Les scieries lorraines : un maillon très atomisé...............................................................16 2-2-2 Le secteur de l’emballage bois .......................................................................................19 2-2-3. Les industries des panneaux à base de bois ...............................................................20 2-2-4. L’industrie papetière .........................................................................................................21 2-3 Les activités de la deuxième transformation .......................................................................22 2-3-1.La menuiserie bois .............................................................................................................. 23 2-3-2 Le secteur de la charpente Bois......................................................................................24 2-3-3. La construction Bois .......................................................................................................... 25 2-3-4. Le secteur de l’ameublement ........................................................................................26 2-4. Le commerce du bois .............................................................................................................. 26 2-5. Le marché du bois énergie en Lorraine ...............................................................................27 PARTIE 2 : CONSTRUIRE AVEC LA FILIERE LOCALE BOIS ............................................................................ 28 1 QU’EST-CE QUE LE BOIS LOCAL ?.............................................................................................................. 28 2 POURQUOI CONSTRUIRE AVEC LE BOIS LOCAL ? .................................................................................. 29

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2-1 Un atout écologique ................................................................................................................ 29 2-2 Une stratégie pour favoriser la filière courte ........................................................................ 29 2-3 Maintenir une activité et une économie locale ................................................................. 30 2-4 Pour contribuer au développement local ........................................................................... 31 2-5 Pour la « haute qualité sociale » du produit......................................................................... 31 2-6 Un patrimoine existant.............................................................................................................. 32 2-7 Une action proche de son territoire ...................................................................................... 33 2-8 Un emploi de matériaux délaissés ......................................................................................... 33 2-9 Un partage de connaissances ............................................................................................... 34 2-10 Tirer partie de la singularité du bois ..................................................................................... 35 3 COMMENT CONSTRUIRE AVEC LE BOIS LOCAL ? ................................................................................... 36 3.1 Recourir au bois local dans un marché public de construction...................................... 36 3-1-1 Cas des collectivités détentrices de bois ..................................................................... 36 3-1-2 Cas d’intercommunalités souhaitant utiliser le bois de l’une de leurs communes membres ....................................................................................................................................... 38 3-1-3 Cas de collectivités non détentrices de bois ............................................................... 38 3-1-4 La définition des besoins ................................................................................................. 38 3-1-5 La concertation avec les acteurs locaux en amont ................................................. 39 3-1-6 Chantier pilote .................................................................................................................. 40 3.2 Valoriser la ressource et faciliter son accès ......................................................................... 41 3-2-1 Certification PEFC Lorraine .............................................................................................. 42 3-2-2 Hêtre des Vosges ............................................................................................................... 43 3-2-3 Parc naturel régional de Lorraine ................................................................................... 44 3.3 Des stratégies collectives valorisant la filière bois construction à l’échelle locale ...... 45 3-3-1 Favoriser les échanges entre les acteurs de la filière ................................................. 45 3-3-2 Travailler au regroupement des entreprises ................................................................. 46 3-3-3 Centre de séchage et fabrication de produits aboutés ........................................... 47 3-3-4 Développer un argumentaire bois local ....................................................................... 49 3.4 Recherche architecturale et technique favorisant le bois local ..................................... 49 3-4-1 Une architecture adaptée aux moyens de constructions locaux .......................... 49 3-4-2 Un retour à des savoirs faire et des compétences locales ....................................... 50 3-4-3 Utilisation de bois ronds : le jeu du meccano .............................................................. 52 3-4-4 Les planchers en bois lamellé cloué .............................................................................. 54 3-4-5 Poutre treillis et ferme industrialisée en bois local ....................................................... 55 3-4-6 Charpente Zollinger en bois local .................................................................................. 56 3-4-7 L’utilisation de bois local en parement et revêtement intérieur .............................. 57

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3-4-8 Adaptation et utilisation d’un mono produit ................................................................59 3-4- 9 La recherche de nouveaux produits .............................................................................61 L’entreprise Schiliger .................................................................................................................... 61 Développer l’utilisation des feuillus dans la construction : le hêtre ....................................62 4. QUELQUES FREINS A LA CONSTRUCTION EN BOIS LOCAL … .............................................................. 68 4-1 Les bureaux de contrôle........................................................................................................... 68 4-2 Les assurances ............................................................................................................................ 68 4-3 Les entreprises ............................................................................................................................. 68 4-4 La question du temps................................................................................................................ 69 4-5 La traçabilité du bois ................................................................................................................. 69 CONCLUSION .................................................................................................................................................. 70 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................................................ 72 ANNEXES : entretiens réalisés ........................................................................................................................ 74 1 Scierie Vicente, Antonio Vicente ...............................................................................................74 2 Gipeblor, Aude Barlier .................................................................................................................. 76 3 Lorraine Industrie Bois, Delphine Léonard.................................................................................78 4 Ecole maternelle et primaire d’Haréville, Lucette Votano ...................................................80 5 Le périscolaire de Tendon, Julien Mussier, Claude Valentin ................................................82 6 Chambre des Métiers et de l’Artisanat des Vosges, Isabelle Molin ....................................86 7 Création d’un abri en forêt, Studiolada ...................................................................................88 8 La halle de la Bresse, bâtiments des services techniques de Bussang, François Lausecker ........................................................................................................................................... 90 9 FCBA, Jacques Boulay ................................................................................................................. 93 10 Réseau rural régional de Franche-Comté .............................................................................96

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PARTIE 1 : LE CONTEXTE GENERAL DE L’ETUDE 1 - LA FILIERE BOIS: une ressource abondante et variée

Organisation de la filière bois: les différentes étapes de la transformation du bois

La filière bois désigne un ensemble d’activités allant de la forêt, aux industries de transformation et à la mise sur le marché de composants bois. Toutes ces activités sont marquées par l’usage commun du matériau bois issue de la ressource forestière. La filière bois regroupe les activités : 8


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• • •

De l’agriculture : forêts, exploitation forestière, scierie… De l’industrie : fabrication de pâte à papier, panneaux à base de bois, charpentes, menuiserie, construction bois, ameublement... Du commerce : commercialisation de produits bois et dérivés (composants, meubles, maisons...)

Très différentes les unes des autres, mais étroitement imbriquées entre elles, ces activités composent un ensemble complémentaire, car les produits des uns constituent la matière première des autres. 1-1. La forêt Lorraine La forêt lorraine couvre une superficie de 869 000 hectares. Son taux de boisement est de 37%, ce qui est supérieur à la moyenne nationale (29,2%). Le département des Vosges est le département le plus boisé de Lorraine (49%), et la Moselle celui le moins boisé (29%). Cette superficie représente environ 5,3 % de la surface nationale de la forêt. La forêt Lorraine est destinée à la production de bois d'œuvre, de bois d’industrie et de bois pour l’énergie, tout en étant dans une gestion durable de celle-ci.

Taux de boisement en Lorraine

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La région Lorraine est divisée en deux zones naturelles : Les plateaux calcaires, plaines et plateaux argileux où on retrouve essentiellement des peuplements de feuillus (chênes, hêtres, charmes), • La montagne vosgienne, région où dominent les peuplements de résineux (sapin, épicéa). Ainsi, la forêt possède une grande richesse d'essences. Diversité, qualité et forte production définissent parfaitement les caractéristiques de la forêt lorraine, dont le volume sur pied est estimé à 168 millions de m3 de bois. •

Cette forêt est principalement constituée de peuplements feuillus, (75%) dont le chêne, le hêtre, et le charme (86 millions de m3 sur pied) sont les principales essences. Ils représentent ainsi un gros volume de gros bois. Les 25% restants de la forêt correspondent aux peuplements résineux, majoritairement représentés par le sapin et l'épicéa (22 millions de m3 de bois sur pied chacun) et le pin sylvestre (7 millions de m3 de bois sur pied). Les moins représentés, mais tout de même présents, sont le douglas (5 millions de m3 de bois sur pied) le pin noir (2 millions de m3 de bois sur pied). Répartition des peuplements de résineux et de feuillus en Lorraine

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1-2. Une forêt majoritairement publique À l’inverse du reste de la France, les forêts lorraines sont majoritairement publiques : 346000 hectares de forêts communales et 210 000 hectares de forêts domaniales (gérées par l’Office National des Forêts). Elles contribuent à la concentration de l'offre dont elles stabilisent le volume. Les forêts privées, qui s’étendent sur 313 000 hectares, soit 36% de la forêt Lorraine, assurent l'élasticité de l'offre en s'adaptant aux besoins fluctuants du marché des produits bois.

Répartition de la surface des forêts lorraines par type de propriété

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1-3. La ressource forestière disponible La forêt produit près de 6,3 millions de m3 de bois, dont près de 3,2 millions de m3 sont récoltés par an (grumes feuillues: 612 985 m3, grumes résineuses: 999 620 m3). Le taux de prélèvement est de 61%. Les études actuellement en cours estiment que l’on pourrait prélever un maximum de 700 000 m3 de bois supplémentaire/an en forêt privée alors que le prélèvement supplémentaire en forêt publique est estimé à 10% de la récolte actuelle, ce qui correspond à 100 000 m3 de bois supplémentaire. Cependant, il est nécessaire, en forêt privée, de mettre en place des actions d’animation visant la mobilisation des bois de petites parcelles forestières, afin d’endiguer la capitalisation.

Récolte de bois d'œuvre en Lorraine de 2000 à 2009

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Evolution de la récolte des bois d’oeuvre en Lorraine de 2000 à 2010

Evolution de la récolte des bois d’oeuvre de résineux et de feuillus en Lorraine de 2000 à 2010

Suite à la tempête de 1999, les récoltes forestières ont été intensifiées, permettant par la suite leur maintien au-dessus du seuil de 1,6 millions de m3 chaque année. La Lorraine est la première région française pour la récolte des bois feuillus et la quatrième pour celle des bois résineux. Le poids de la région Lorraine dans la récolte nationale est de 8,5 %, il était de plus de 10 % en 1999. La région Lorraine se place en première position pour la récolte de hêtre et en troisième position pour la récolte de sapin/épicéa.

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1-4. Des prix du bois des forêts Lorraines élevés La forte demande en grumes, notamment résineuses, des scieries lorraines (et surtout celle de la scierie SIAT implantée sur le versant alsacien du massif, doté de fortes capacités de production) a engendré une augmentation des prix des grumes. En ce qui concerne le bois d’œuvre feuillu, la demande est soutenue pour le chêne pour le marché de la tonnellerie, et par la demande du marché asiatique. Elle l’est également pour le hêtre qui a vu son cours se redresser par la demande intérieure du marché chinois. La Chine joue un rôle important sur le marché mondial des sciages feuillus, étant un grand marché à l’export pour les grumes de hêtre, masquant la perte progressive du marché du meuble. Mais la tempête de 1999 avait mis sur le marché des volumes très importants de hêtre, dévalorisant l’essence sur ce marché. Depuis 2011, il y’a de nouveau une demande en hêtre en Chine. Les forêts lorraines, étant diversifiées en bois, la récolte des bois est morcelée, ce qui augmente donc son prix. Ainsi, pour le bois de trituration, les entreprises de panneaux et de pâte ont augmenté leur rayon d’approvisionnement du fait d’une diminution des disponibilités dans les zones de proximité des usines. Certaines usines de panneaux consommant habituellement des résineux commencent à intégrer des bois feuillus dans leur process de fabrication. 1.5 La qualité des bois du massif vosgien L'Interprofession Bois de Lorraine, GIPEBLOR, a réalisé une caractérisation des épicéas et sapins du massif des Vosges. Cette étude montre ainsi des résultats probants. En effet, 89% des sciages de sapin/épicéa ont une résistance mécanique au test à la rupture correspondant à la classe de résistance C30. Pour rappel, la classe C18 est adaptée aux utilisations en charpente traditionnelle. La classe C24 convient essentiellement aux bois d’ossature, à la charpente industrielle (fermettes) et au lamellé-collé. La classe C30 est quant à elle préconisée pour la charpente lamellé-collé à hautes performances. 14


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En un mot, les sapins et épicéas du massif Vosgien ont des caractéristiques à haute voire très haute performance. 7% des bois testés sont C24 et seulement 4% sont rejetés. Le sapin et l’épicéa ont des performances mécaniques équivalentes bien que l’épicéa possède plus de nœuds, dont le diamètre de ces derniers est en outre plus élevé. Ainsi, le massif vosgien est capable de fournir des bois d’excellente qualité pour la construction.

2. LE CONTEXTE ECONOMIQUE 2-1 Les entreprises La filière bois est un pilier pour l’emploi en Lorraine, composée de plus de 2400 entreprises pour 24 000 emplois en Lorraine, et avec un chiffre d’affaires s’élevant à environ 1,5 milliards d’euros. Elle est essentiellement constituée de petites entreprises à capitaux familiaux souvent sous capitalisées et surtout des petits entrepreneurs individuels (bûcherons). Ces entreprises ne sont pas forcément moins rentables, mais une majorité d’entre elles rencontrent des difficultés à faire face à l’évolution des marchés. Leur faible taille est un obstacle pour financer les investissements de modernisation de capacité de production. En effet, le bûcheronnage, le débardage 15


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et les autres activités de ces petits entrepreneurs individuels demandent du matériel coûteux qui reste donc un frein à leur développement bien que la revente du matériel usagé reste à un prix élevé. Il s’agit d’une activité rurale, comme le prouvent la localisation de l’activité : elle représente en effet près de 28 % de l’emploi industriel dans les Vosges, et 25 % en Meuse. En revanche, en Meurthe-et-Moselle et en Moselle, départements plus urbanisés du fait des villes étudiantes, elle ne dépasse pas respectivement 10 % et 7 %. 2-2. Les activités de la première transformation du bois La première transformation du bois regroupe les activités du sciage, de l’emballage, du tranchage, du déroulage, les industries produisant des panneaux à base de bois et de la pâte à papier. L'industrie du sciage est un pilier de la filière forêtbois : elle transforme les produits agricoles forestiers (grumes) en produits semi-finis destinés aux marchés du bois. Il s’agit du principal débouché des produits de la forêt. La première transformation du bois est marquée par la faible valorisation des bois issus des scieries locales. L’outil industriel local est plus adapté au sciage de gros bois résineux et peu adapté aux demandes actuelles. Pour s’adapter aux demandes de la seconde transformation, certaines scieries commencent à réaliser des produits semi finis et intègrent des étapes supplémentaires de transformation (rabotage, séchage). Ils s’intéressent aux techniques de collage et d’aboutage. Le marché régional du sciage est très déséquilibré en raison d’une difficulté de valorisation de ses produits, et donc ce retard dans l’industrialisation de la matière première est aussi marqué par des importations et la concurrence des pays comme l’Allemagne, la Pologne ou la Chine. 2-2-1 Les scieries lorraines : un maillon très atomisé

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Le secteur de la scierie emploie près de 1667 salariés et compte près de 179 entreprises. La Lorraine est la première région française de production de sciages de feuillus et la cinquième région de production de sciages résineux. Le secteur de la scierie lorraine est constitué de 83 scieries feuillues, 78 scieries résineuses et 18 scieries mixtes. La scierie lorraine a produit en 2010 (chiffres DRAAF Lorraine) 694 103 m3 de sciages dont 508 647 m3 de sciages résineux, et 176 463 m3 de sciages feuillus. Scierie Mathieu à Xonrupt

Evolution de la production des sciages feuillus en Lorraine de 2000 à 2010

Evolution de la production des sciages feuillus en Lorraine de 2000 à 2010

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Cependant, la production de sciages des feuillus est en baisse (réduction de 50%) depuis 2000 et se redresse légèrement depuis 2010. La demande en bois de hêtre reste faible et le chêne est affecté notamment par l’évolution du secteur du parquet. Les raisons de la baisse de la production de sciages feuillus sont multiples : manque de spécifications techniques des produits feuillus, faiblesse du secteur de l’ameublement affecté par des fermetures et des délocalisations, substitution des bois massifs par des produits aboutés et reconstitué en menuiserie, et développement des emplois du panneau dans l’ameublement. En effet, les meubles proposés aux consommateurs aujourd’hui ne sont non plus en bois massif, mais le plus souvent constitués à partir de panneaux, correspondant mieux à la grande majorité de la société de consommation. On note depuis 25 ans une diminution de la production de sciages feuillus d’environ 30 %, et a contrario une augmentation de celle des sciages résineux de 50% (due à la forte demande des secteurs de la construction et de l’emballage).

Evolution de la production des sciages résineux en Lorraine de 2000 à 2010

Après la baisse de l’année 2009, la production des sciages de résineux est repartie à la hausse, soutenue par les marchés du bâtiment (charpente, ossature, coffrage. Des campagnes de promotion et les retombées du Grenelle de l’environnement ont favorisé l’emploi des bois résineux dans la construction, aux dépens des autres matériaux. Mais l’activité est aujourd’hui freinée par la hausse du prix d’achat des grumes.

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L’augmentation du coût de la matière première participe également à la perte de compétitivité du secteur. Les entreprises peinent à s’approvisionner en bois résineux notamment pour les scieries du massif Vosgien. 2-2-2 Le secteur de l’emballage bois Ce secteur rassemble les activités de fabrication de palettes, d’emballage léger, la tonnellerie et l’emballage industriel. Il regroupe en Lorraine 50 entreprises et employait 683 personnes en 2010. Certaines entreprises intègrent une activité de scierie. Ce secteur subit une concurrence très forte sur le segment de la palette par l’Allemagne. L’essentiel de la production régionale est écoulée sur le marché de l’hexagone, une faible partie de la production est exportée. Comme pour le secteur du sciage, les fabricants d’emballage en bois doivent continuer à investir dans des lignes d’assemblage à commande numérique pour limiter leurs coûts de production. Ils doivent aussi pouvoir se diversifier vers la valorisation de leurs sous-produits notamment dans la fabrication des granulés de bois.

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2-2-3. Les industries des panneaux à base de bois Les entreprises implantées en Lorraine sont de grande taille et évoluent dans un contexte économique très concurrentiel. Ces entreprises sont au nombre de quatre mais leur poids économique dans la filière régionale est important. Leur développement dans l’avenir dépendra des capacités de la forêt et des industries du sciage à les approvisionner de manière compétitive et régulière. Étant donné que la matière première utilisée par cette industrie est la même que celle du secteur du bois énergie, cela engendre des tensions sur les quantités de bois disponibles. Les produits fabriqués en Lorraine sont : les panneaux de particules, les panneaux mélaminés ou stratifiés, les panneaux de fibres, les placages… Les panneaux à base de bois sont destinés à hauteur de 50% au secteur du bâtiment, de 35% au secteur de l’ameublement, de 10% au secteur de l’emballage et de 5% aux autres secteurs comme le bricolage. Ces industries consomment 757 000 tonnes de produits bois prélevés en Lorraine (402 000 tonnes de résineux et 355 000 de feuillus) sur une consommation totale de 1 133 000 tonnes. Les entreprises du secteur produisent près de 750 000 m² de panneaux.

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2-2-4. L’industrie papetière

Répartition de la production en 2010

La Région Lorraine avec treize papeteries, est la première région papetière de France avec 1 246 000 tonnes en 2010 (chiffres COPACEL). Le département des Vosges avec dix papeteries est le premier département papetier de France en raison de la proximité des forêts de résineux, matière première essentielle pour la fabrication de la pâte à papier. Le bois utilisé provient essentiellement des coupes d’éclaircies pratiquées en forêt (70 à 80%) ainsi que des produits connexes de scieries. Le nombre de salariés travaillant dans le secteur des industries papetière en Lorraine s’élève à 4 470 en 2010, dont 3 280 dans les Vosges.

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2-3 Les activités de la deuxième transformation

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2-3-1.La menuiserie bois LA FENETRE Le secteur de la menuiserie bois en Lorraine rassemble 933 entreprises pour 4 228 personnes, (INSEE Lorraine/ GIPEBLOR), soit 18% des effectifs de la filière bois, et 55% des effectifs du secteur du bâtiment bois. C’est le deuxième secteur d’emploi de la filière bois après le secteur de l’industrie papetière. L’artisanat y est très présent et les entreprises de menuiserie constituent un secteur très hétérogène, tant la gamme des produits fabriqués et mis en œuvre est vaste. Le secteur de la menuiserie bois est fortement dépendant du marché du bâtiment. En effet, près de 80% des entreprises du secteur fabriquent et posent leur produits, le marché est essentiellement régional, voir Nord Est. Le marché à l’export est peu développé, l’exportation se fait principalement vers le Luxembourg et la Belgique pour des produits souvent de haut de gamme. Le marché de la menuiserie extérieure bois se développe grâce à la rénovation, compte tenu de l’existence d’un important parc de fenêtres dans des logements construits avant 1980. Néanmoins, le secteur est concurrencé notamment par le PVC et dans une moindre mesure l’aluminium. Les fenêtres bois-aluminium restent peu présentes sur le marché, compte tenu de leur prix. Le secteur évolue avec l’arrivée des profilés en contrecollés et des profilés reconstitués de 3 plis massifs, permettant de valoriser des bois et des essences de qualités (esthétiques, durabilité, technique,..) inférieures pour le pli intérieur en particulier. Pour les menuiseries intérieures, les résineux dominent le marché. Cependant, le hêtre prend des parts de marché grâce à son prix compétitif. 23


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LE PARQUET Le marché du parquet se répartit entre le parquet contrecollé, et le parquet massif. L’essence la plus utilisée reste le hêtre. En revanche, l’utilisation du hêtre diminue à cause de la disparition de la mode des bois clairs, et son manque de stabilité dimensionnelle. La production régionale est aujourd’hui très concurrencée par celle de la Chine et de la Pologne, pays où les coûts de main d’œuvre sont plus faibles. Cependant, l’emploi de bois de proximité est un argument de vente pour une clientèle de plus en plus sensible au « made in France ».

2-3-2 Le secteur de la charpente Bois Le secteur de la charpente bois en Lorraine compte trois types d’activités de fabrication et/ou de mise en œuvre de charpente traditionnelle, industrielle (fermette) et lamellée collée. Depuis quelques années, le secteur de la charpente bois est en pleine évolution en Lorraine : les entreprises du secteur s’équipent de machines de taille à commande numérique qui ont apporté des changements profonds dans l’organisation des entreprises. Ce secteur représente 245 entreprises qui emploient 1 577 personnes. 42 de ces entreprises de charpente développent une activité construction bois. L’engouement 24


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actuel pour la construction à ossature bois a accentué le développement de l’activité des entreprises de charpente qui se sont bien implantées en Lorraine. Elles utilisent de plus en plus des bois massifs secs, des bois lamellé collé... Cette demande en composants bois est souvent incompatible avec la production des entreprises locales, ce qui a pour conséquence, une forte importation de ces produits. 2-3-3. La construction Bois

Bâtiment de logements collectifs Les Héliades, François Lausecker

Le marché de la maison bois progresse très fortement depuis 2001. La région Lorraine dispose d’une offre d’entreprises qui font de la région l’une des premières régions françaises en nombre de constructions bois, avec près de 1300 logements à structure bois chaque année soit 13 % du marché de la construction.

Mais les entreprises de cette filière se sont fortement organisées en atteignant un niveau d’équipements automatisés, en développant la préfabrication des composants de la construction bois, en ramenant la majorité des tâches en atelier, et en améliorant les conditions de travail des ouvriers et la qualité de mise en œuvre.

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2-3-4. Le secteur de l’ameublement La Lorraine est la troisième région française de production de meubles avec près de 565 entreprises pour plus de 3500 emplois. L’industrie du meuble est très importante pour l’économie lorraine. Dans certains bassins ruraux d'emploi comme l'Ouest Vosgien et le Sud Est Meusien, le secteur de l’ameublement se retrouve en situation de monoindustrie. Cependant, le marché est concurrencé par des grandes chaines de fabricants et de distribution qui tendent à banaliser l’offre et à tirer les prix vers le bas grâce à une main d’œuvre moins élevée (Conforama, Fly, Ikea, Alinéa, But…). Ainsi, le secteur connait de nombreuses fermetures d’entreprises. Les entreprises lorraines du secteur sont parfaitement capables de répondre à cette concurrence par des productions diversifiées, du fait de leur matériel de production adapté à la petite série. 2-4. Le commerce du bois L’économie du bois de la région Lorraine fait face à des flux de matière bois. Bien que la Lorraine soit une région importante de production de bois, elle importe malgré tout des produits bois et dérivés pour répondre aux besoins des différents secteurs de la filière bois. L’Allemagne est le principal fournisseur de bois sciés et rabotés en Lorraine. En effet, les importations en provenance d’Allemagne sont passées de 9 à 14 millions d’€ entre 2009 et 2010 alors que les exportations stagnent à 3 millions d’euros.

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Concevoir et construire avec la filière locale bois MFE En 2010 : les échanges des produits bois entre la Lorraine et l’extérieur sont répertoriés dans le tableau suivant (chiffres en valeur millions d’€).

Libellé des produits

Exportations

Importations Solde

Taux de couverture

Productions forestières

25

3

+22

833%

Bois sciés et rabotés

19

23

-4

83%

131

75

+56

175%

137

292

-155

-47%

Pâtes à papier

00

271

-271

0%

Produits des industries papetières

907

296

+611

+306

Total Lorraine

1219

960

+259

+127%

Produits des industries du travail du bois Produits de l’ameublement

2-5. Le marché du bois énergie en Lorraine Les besoins en matière première pour le bois énergie progressent depuis quelques années. Cette filière se place en troisième position de la filière du bois en Lorraine. Le nombre de chaufferies bois en fonctionnement ou en cours de construction est significatif. 96 chaufferies sont actuellement en fonctionnement et 15 chaufferies sont en cours de construction (en 2010/2011), ce qui représente une puissance installée de 61 MW (hors chaufferies en cours de construction). Ces installations consomment près de 90 000 tonnes de plaquettes forestières, alimentées par différents prestataires. 27


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PARTIE 2 : CONSTRUIRE AVEC LA FILIERE LOCALE BOIS La première partie de cette étude nous a permis de prendre connaissance des ressources naturelles et des activités économiques liées à la filière bois sur le territoire. Ce diagnostic nous a permis de constater une sous utilisation de la ressource bois dans les projets locaux, et une plus value liée à la transformation du bois qui échappe au territoire. A présent cette partie proposera des solutions pour construire avec la filière locale bois.

1 QU’EST-CE QUE LE BOIS LOCAL ? Le terme bois local n'a aucune signification officielle, quantitative ou réglementaire. C’est une démarche qui consiste à mettre en valeur les ressources de bois d'une région, à rationaliser l'approvisionnement en matériau de construction en limitant le transport de celui-ci et en privilégiant au maximum la ressource disponible localement. En effet, beaucoup de communes disposent de bois pour lesquels elles n’ont peu de projets mis à part la vente en bois énergie. Ce sont des bois souvent en forte quantité, pour un prix relativement faible. Et ainsi, celles-ci cherchent à l'heure actuelle un moyen de mieux valoriser ces biens. Cependant, la forêt française étant très diversifiée, cela implique d'avoir une certaine connaissance des essences présentes localement, des ressources disponibles et de disposer de professionnels adaptés pour une conception adaptée.

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2 POURQUOI CONSTRUIRE AVEC LE BOIS LOCAL ? 2-1 Un atout écologique

Bilan carbone du bois

La valorisation du bois local s’inscrit intégralement dans le cadre d’un développement durable des territoires, et fait partie des défis majeurs de ces décennies. Rappelons que dans la production de matériaux de construction, le bois est celui qui consomme le moins d’énergies fossiles non renouvelables: 4 fois moins que le béton, 60 fois moins que l’acier, 130 fois moins que l’aluminium. La transformation du bois mobilise peu de matière et d’énergie. La pollution de l’eau, de l’air et du sol pour sa transformation est très faible. Le bilan carbone est en effet un argument de poids.

2-2 Une stratégie pour favoriser la filière courte Favoriser la filière courte est un des enjeux de la conception en bois local. Du fait de la hausse constante du prix du carburant, le bilan carbone est d'autant plus à prendre en compte lors de la conception d'un ouvrage. L’emploi du bois local permet au bois de ne pas voyager sur de longues distances et permet, ainsi, des économies de transport, de carburant, de gaz à effet de serre, non négligeables. De même pour les entreprises, il est préférable de les choisir si possible proche du chantier. Construire au moyen de bois local est donc une réflexion autour de la filière courte. La mise en place d'une filière courte a ainsi été respectée dans le projet du périscolaire de Tendon. Les grumes ont été sciées et séchées dans l'entreprise Vincente à Rambervillers, à 30 km de la forêt. Les planches ont été délignées à Saint-Dié par la société Mandray, avant d'être transportées dans l'entreprise de charpente d’Yves Sertelet à Provenchères-sur-Favre à 55 km du chantier.

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Schéma d’organisation de la filière courte pour le projet du périscolaire de Tendon

2-3 Maintenir une activité et une économie locale Favoriser la filière courte est un des enjeux de la conception bois local car elle favorise l'échange, l'activité et le commerce au sein d'un territoire. Le développement d’une filière forêt-bois locale permet de doper la production forestière du territoire du fait que l'exploitation et la transformation du bois sont locales, tout en confortant l'activité des entreprises de la région, voire en favorisant l’implantation de nouvelles 30


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activités. La plupart des scieries locales ont beaucoup de savoir-faire mais peu d'équipement, peu d'effectifs, un matériel et des investissements limités. Développer de nouveaux produits autour du bois local permet d'offrir de nouveaux débouchés et une augmentation de la productivité des scieries artisanales impliquées dans l’action «filière courte ». Cela donne aussi aux TPE (très petites entreprises), de la deuxième transformation, les moyens de s'adapter aux évolutions des marchés, des technologies, des normes et des réglementations qui touchent l'activité de la construction bois, de diversifier leurs offres et d'améliorer leur compétitivité. Ainsi, la construction en bois, envisagée dans ce sens, permet de dynamiser le tissu artisanal de la filière économique. 2-4 Pour contribuer au développement local Selon les professionnels de la filière bois, 40% du potentiel forestier français reste inexploité. Ce potentiel permettrait la création de nouveaux emplois. De nos jours, un bois importé de l’autre bout du monde a parfois un coût plus faible que certains bois locaux. Par conséquent, des métiers traditionnels comme le bûcheronnage manuel ou les artisans menuisiers sont menacés. 2-5 Pour la « haute qualité sociale » du produit En France, le code du travail est plus strict que dans d’autres pays. Il impose aux salariés une couverture sociale et des conditions de travail pouvant donner lieu à des contrôles des organismes sociaux, notamment en matière de sécurité et d’hygiène. Ces exigences législatives françaises entraînent un surcoût pour les employeurs mais constituent la « haute qualité sociale » dont jouissent les salariés. Acheter du bois transformé localement est une condition sine qua non pour pouvoir consommer un produit réalisé dans de bonnes conditions de travail pour le salarié.

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2-6 Un patrimoine existant Concevoir à partir de bois local est aussi une réflexion architecturale à l'échelle du territoire, à partir des ressources qu'il offre : ressources matérielles et humaines. C’est conférer au bâtiment une double valeur : urbaine et artisanale par son programme et les savoir-faire employés. Ainsi, c’est une façon de rendre le territoire plus attractif et de réhabiliter un secteur plutôt délaissé. Cela répond également à une volonté de revendiquer l’identité forestière du territoire dans sa dynamique de développement. L'image actuelle de la filière bois est industrielle alors que celle liée au bois local est plus artisanale. La construction en bois local n’est pas chose nouvelle. On redécouvre quelque chose que l’on faisait déjà avant, localement. C’est une réflexion sur le bonsens. Elle tient compte de la construction manuelle, de l'objet. Si la dimension traditionnelle est aux origines de la démarche, l’innovation et l’aide par les nouvelles technologies sont également à valoriser.

Chapelle du Rudlin en Lorraine : façades couvertes de tavaillons, un savoir-faire local

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2-7 Une action proche de son territoire Construire avec le bois local, c'est entretenir la pérennité des paysages, car le bois d’une région est souvent lié une typologie d'architecture ou des savoir-faire et ainsi cela favorise aussi la mémoire et la diversité des lieux (diversité architecturale, d’utilisation de matériaux, de formes, de mise en œuvre) L’utilisation de bois local permet de perpétuer une culture vivante des régions.

Chalot à Fougerolles, Vosges

Scierie à Saulxure, Vosges

2-8 Un emploi de matériaux délaissés La forêt française présente une grande variété d’essences Toutefois, les possibilités qu’offrent les feuillus, notamment dans le secteur de la construction, sont méconnues, en raison de préjugés autour de ces produits. Ainsi, la conception d'ouvrages en bois local implique une connaissance de ceux-ci et de trouver un système constructif s'adaptant aux potentialités de chaque type de bois. Il est important aussi de réfléchir à une déclinaison de l'emploi d'une même essence dans le bâtiment (mobilier, structure, menuiseries) quand cela est possible. De plus, du fait des diversités des essences dans les forêts, l'emploi d'une variété de bois est possible, 33


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d'autant plus que chaque essence a ses caractéristiques propres et donc un emploi privilégié.

Forêt du massif des Hautes Vosges et vue sur le Tholy

2-9 Un partage de connaissances La création de groupes de travail autour du sujet de la filière bois local permet un réseau de partage de connaissances et d'expériences au sein du territoire. La dimension humaine y est très présente. Les projets en bois local sont valorisants, car ils font partie d'une réflexion intellectuelle autour d'un sujet où chacun apporte des savoirfaire; cela permet de faire connaître tous les acteurs du bois (scieur, bureau d'étude bois, architecte, charpentier...) Chacun est acteur dans le processus et pas seulement membre dans un projet de construction. Cette mise en réseau doit valoriser l’action individuelle dans un cadre plus collectif.

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2-10 Tirer partie de la singularité du bois L’utilisation de bois local peut permettre de limiter les transformations qui lui sont apportées dans la construction bois actuelle. Elle permet ainsi de retrouver le sens du singulier de ce matériau et d’accepter la non régularité de celui-ci.

Parquet Bolefloor, Danemark

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3 COMMENT CONSTRUIRE AVEC LE BOIS LOCAL ? 3.1 Recourir au bois local dans un marché public de construction 3-1-1 Cas des collectivités détentrices de bois Si une commune veut construire avec les bois de sa commune, comment peutelle faire ? Il est impossible d’exiger que le bois provienne d’une zone géographique donnée car cela serait une entrave au principe fondamental de non-discrimination des candidats potentiels. Une solution existe : la commune fournit le bois. Dans un premier temps, la commune devra s’assurer en amont que la ressource forestière communale est exploitable à des coûts raisonnables, en quantité suffisante et correspond aux qualités requises (bois non criblés, résistance mécanique, longueur, section…). Afin d’utiliser les bois de la commune pour la réalisation d’un bâtiment, la solution consiste à dissocier la fourniture du matériau bois du marché de la construction. Des prestations complémentaires seront requises : le bois devra être coupé, transporté, transformé avant son utilisation par les entreprises de construction. La dissociation du marché de fourniture de bois permet de favoriser indirectement les entreprises locales de transformation. Les entreprises plus importantes et extérieures au territoire, qui ne pourront pas négocier des prix plus bas que les entreprises locales pour la fourniture de matière première, n’auront plus leur avantage concurrentiel et seront moins disposées à répondre à l’offre. •

Marchés pilotés par la collectivité La collectivité coordonne en régie l'ensemble des opérations (bucheronnage, débardage, transport, sciage...) en faisant appel à des prestataires. Le marché peut se faire de gré à gré ou la commune choisie une procédure adaptée (MAPA) Dans ces deux solutions les entreprises locales devraient répondre.

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Passage par un prestataire unique pour la transformation du bois. Le prestataire aura à charge de coordonner l'ensemble des sous-opérations nécessaires à la transformation du matériau brut en matériau de construction. Les types de marchés sont les mêmes.

Transformation du bois coordonnée par le constructeur. Disposition directe du bois brut au constructeur qui aura pour mission de coordonner les différentes opérations, directement ou en les sous-traitant. Cette solution est plus simple pour la commune, sous réserve de vérifier que l'entreprise dispose bien des compétences nécessaires. Intégration à un lot, par exemple le lot charpente.

L’exemple du Périscolaire de Tendon, HAHA Architectures Ainsi, dans l’exemple du périscolaire de Tendon, le bois de hêtre s’est imposé car la commune disposait d’une grande quantité de bois dont ils ne savent que faire. La commune a mis à disposition ses propres biens. La commune est restée toujours propriétaire de ses bois. Elle a payé à la scierie une prestation de sciage et de rabotage. Contrairement au déroulement d’une construction bois classique, ce n’est pas la scierie qui achète le bois, le transforme et le revend. De même, une prestation de découpe a été demandée, en fonction des débits demandés. Choix des arbres dans la forêt communale de Tendon Mr Clément - Maire, Mr Toussaint - ONF, C. Valentin - architecte, J. Boulay - CMA

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3-1-2 Cas d’intercommunalités souhaitant utiliser le bois de l’une de leurs communes membres Certains projets peuvent être menés par un groupement intercommunal (EPCI ou syndicat mixte) alors que le bois local appartient à une commune membre. Dans ce cas, soit l’intercommunalité achète du bois à l’une de ses communes membres sans recourir à un marché public, soit la commune met à disposition ses bois au groupement intercommunal. Dans cette deuxième solution, il risque d’y avoir un conflit de propriété dans la mesure où le bois reste la propriété de la commune et est incorporé dans un bâtiment qui lui est la propriété de l’intercommunalité. 3-1-3 Cas de collectivités non détentrices de bois L’achat peut se faire à une collectivité non-liée détentrice de biens forestiers, à des propriétaires privés, ou auprès de l’ONF. Deux procédures sont possibles : l’appel à candidature, l’appel d'offre de marché de fourniture bois. 3-1-4 La définition des besoins Lorsqu’un maître d’ouvrage souhaite mettre en avant la construction bois (bois apparent et/ou bois de structure) issue des ressources forestières et des entreprises locales, il doit dans un premier temps prendre en compte les contraintes liées aux caractéristiques des bois locaux et à la capacité d’intervention des entreprises locales. Cette décision de privilégier les ressources et entreprises locales doit être clairement indiquée par la collectivité dans le cahier des charges du marché de conception. Les cabinets d’architecte seront ainsi en mesure d’identifier les choix constructifs à privilégier et à éviter. Le maître d’ouvrage disposera ainsi des spécifications techniques concernant entre autres les caractéristiques requises du matériau bois (longueurs, sections, résistance mécanique, couleur et aspect du rendu pour les bois visibles…).

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3-1-5 La concertation avec les acteurs locaux en amont La rédaction du cahier des charges par la collectivité locale maître d’ouvrage, en partenariat avec les professionnels du secteur, permet de prendre en compte au préalable les contraintes techniques liées aux capacités de production des entreprises locales à fournir du bois d’œuvre issu des forêts locales. Afin que ce partenariat ne favorise pas les professionnels dans l’attribution du marché, comité de pilotage avec les instances représentatives de la profession est impératif. Cette concertation a pour avantage pour la collectivité d’inciter les entreprises locales à moderniser leurs équipements, diversifier leur savoir-faire, développer les collaborations et ainsi conquérir de nouveaux marchés locaux ou extérieurs. Ce dialogue avec tous les acteurs locaux (du propriétaire forestier au constructeur) a également pour objectif d’identifier les manques et écueils dans l’organisation de la filière locale, et d’élaborer des solutions : soutien à des équipements pour le séchage du bois, mise en place de plateforme de stockage de bois usinés…

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3-1-6 Chantier pilote Comment accompagner le développement de la filière bois construction locale ? Dans le département des Vosges, les collectivités locales ont rapidement réalisé l’atout que représente la construction en bois local. Afin de promouvoir le bois local et de marquer les esprits en démontrant les vertus constructives et esthétiques de ce matériau, le Conseil général a été l’instigateur d’opérations architecturales exemplaires. Au vu du développement du marché de la construction bois, les collectivités (les communes forestières, les Parcs naturels régionaux ...) s’investissent pour relocaliser l’ensemble des activités liées au bois : sylviculture, exploitation, 1ère et 2nde transformation, maîtrise d’œuvre..., alors que la tendance est à l’exportation du bois français sans qu’il ne subisse de transformation et donc sans plus value sur le territoire français. Leur engagement sur cette problématique se traduit souvent par la construction de bâtiments exemplaires, démonstratifs, parfois expérimentaux quant à la démarche. C’est dans cette lignée qu’ont vu le jour les chantiers pilote de Saint Jean d’Arvey en Savoie qui a construit un pôle multifonctionnel en bois local et le chantier du périscolaire de Tendon dans les Vosges.

Bâtiment multifonctionnel de St Jean d’Arvey

Bâtiment du périscolaire de Tendon

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3.2 Valoriser la ressource et faciliter son accès Faire reconnaître la qualité de la ressource bois et des savoir faire du territoire c’est chercher à être identifié comme un territoire particulier au regard d’une production, et pouvoir ainsi valoriser économiquement cette spécificité auprès de clients potentiels... En effet, les particularités liées au relief, aux contraintes climatiques, au mode de gestion de la forêt, à la croissance lente des bois, aux savoir faire mis en œuvre lors de l’exploitation et de la transformation sont autant de spécificités qui peuvent pénaliser les bois du massif Vosgien lors de leur mise en commercialisation, si l’on se situe dans un marché européen. Elles peuvent en revanche les avantager, dans la mesure où elles sont reconnues comme des facteurs garantissant la qualité d’un produit final. Cette reconnaissance peut se faire par l’attribution d’une marque collective de certification, d’une Appellation d’Origine Contrôlée, d’un label... De nombreux territoires entreprennent donc ces démarches d’identification de leurs ressources forestières, en élaborant notamment des marques collectives de certification comme Bois des Alpes, hêtre des Vosges. En se basant sur un référentiel technique détaillé, ces démarches collectives visant à l’attribution d’une marque ont pour ambition de : - renforcer la notoriété et le positionnement des produits sur les marchés, en apportant une garantie de la qualité de ces produits, - rassembler les acteurs de la filière forêt-bois du territoire autour de valeurs, de principes et d’engagements communs, - renforcer l’utilisation des bois locaux dans les marchés publics, en s’appuyant sur le référentiel. L’application dans les entreprises est supervisée par un organisme certificateur. - affirmer la spécificité de leur produit tant du point de vue de ses caractéristiques naturelles (notion de terroir) qu’humaines au travers des savoir faire mis en œuvre au cours de la transformation. De nombreuses démarches existent déjà. 41


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3-2-1 Certification PEFC Lorraine Une des certifications dont on parle souvent dans le domaine de la forêt est la certification PEFC (Pan European Forest Certification). Elle a été créée en 1999 suite au dialogue des propriétaires forestiers de six pays européens, des professionnels de la filière bois, les associations de protection de la nature et de consommateurs, et les pouvoirs publics. C’est l’association PEFC France qui gère la marque, garantissant que le matériau bois est issu de forêts qui sont gérées durablement en fonction de règles définies précisément région par région. Conformément au référentiel PEFC l’entité régionale procède chaque année à une série de contrôles permettant de garantir le respect des engagements par ses adhérents : • •

Des contrôles de propriétaires : pour vérifier le respect du cahier des charges du propriétaire forestier. Des contrôles des exploitants forestiers : pour vérifier le respect du cahier des charges national d'exploitation forestière.

En Lorraine 100% des forêts domaniales sont certifiées PEFC, ainsi que 70% des forêts collectives et 25% des forêts privées. Cependant, ce label ne donne pas d’information pour ce qui concerne la qualité du bois et des savoirs faire mis en œuvre en aval de la forêt et de son exploitation. De plus, la certification européenne ne s’attache pas à reconnaître un terroir et à tenir compte de spécificités propres à ce terroir, lors de la gestion ou de l’exploitation de la forêt. Ainsi des forêts labellisées PEFC aux caractéristiques très différentes sont en concurrence entre elles : type de peuplement régulier ou pas, forêts en terrain difficile d’accès ou pas, coût de main d’œuvre différente...

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3-2-2 Hêtre des Vosges Cette marque collective a été créée par le Syndicat Mixte du Pays d'Épinal, Cœur des Vosges, et déposée à l'INPI (Institut National de la Propriété Intellectuelle). Les professionnels de la filière bois et les collectivités locales s’inscrivent ainsi dans une démarche de valorisation d'un produit local provenant d'un patrimoine forestier géré de façon durable. Ce pôle est un outil de développement économique qui a pour buts de redynamiser la filière feuillue dans son ensemble, et particulièrement celle du hêtre par le développement de la marque commerciale "Hêtre des Vosges", mais aussi de favoriser le développement des entreprises locales de première et seconde transformation du hêtre. De cette manière, tous les acteurs de la filière passent d'une organisation traditionnelle unitaire, à une organisation en réseau, où les différents partenaires ont leur place, où la mutualisation des compétences et des savoirs facilite le développement des nouveaux produits. Les communes favorisent le contrat d’approvisionnement comme mode de vente du bois de hêtre, et l'utilisation du hêtre « local » dans les travaux mis en œuvre par la commune. Les entreprises privilégient l’utilisation de bois local, les circuits courts, ainsi que la gestion durable des forêts. En s’associant dans leur travail, communes et entreprises privilégient l'activité et les emplois localement, et participent à la protection de l'environnement grâce à une nette amélioration du bilan carbone.

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3-2-3 Parc naturel régional de Lorraine La certification « Hêtre des Vosges » s’inscrit dans la continuité d’autres démarches de labels, marques... à l’échelle de plus petits territoires. La marque que les Parcs naturels régionaux peuvent attribuer est la propriété du Ministère de l’Écologie et du Développement Durable.

Elle est accordée aux produits et services issus de territoire de Parc sous réserve du respect d’un cahier des charges spécifique et de la défense de trois valeurs essentielles : - le territoire : les matières premières sont issues du territoire, - l’environnement préservé et valorisé : les produits proposés et les procédés de fabrication doivent respecter l’environnement, - la dimension humaine : l’homme doit rester le principal acteur de la production et du service, la technologie ne peut être qu’une aide et non un substitut. Toutes ces démarches de reconnaissance par l’attribution d’une marque, d’un label sont intéressantes dans la mesure où elles permettent : - d’améliorer la visibilité et le positionnement des produits sur le marché, en apportant des garanties sur la qualité de ces produits, - de mettre en réseau et de fédérer l’ensemble des acteurs de la filière bois dans une démarche de reconnaissance commune, et sur des principes et valeurs partagés. La référence à tel ou tel label doit se faire en fonction du référentiel propre à la démarche, celui-ci peut être plus ou moins exigeant, et plus ou moins adapté. Enfin, certaines marques sont commerciales, le fait que l’organisme certificateur soit indépendant est un gage de qualité (démarche AOC par exemple). 44


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Cependant, faire référence à une marque en procédure de marché public reste délicat car le Code des Marchés Publics ne permet le recours à des labels que dans la mesure où ceux-ci ne sont pas discriminants pour les entreprises. Quand un acheteur souhaite bénéficier d’un label ou d’une certification, il doit clairement indiquer dans son cahier des charges « label X (ou certification Y) ou équivalents », la notion d’équivalent renvoyant aux caractéristiques techniques intégrées au référentiel. Une offre ne peut donc pas être refusée pour non respect du label ou de la certification souhaitée dans le cas où les produits utilisés ne bénéficient pas du label, mais que le candidat prouve que les produits ou solutions qu’il suggère dans son offre ont les mêmes spécifications techniques constituant dès lors un équivalent.

locale

3.3 Des stratégies collectives valorisant la filière bois construction à l’échelle 3-3-1 Favoriser les échanges entre les acteurs de la filière

Le frein principal du développement des échanges entre les acteurs de la filière bois est le manque de lien entre l’offre et la demande. Une fois encore, un bon enchaînement entre les différentes étapes des activités de première et de deuxième transformation est nécessaire : les acteurs doivent travailler ensemble. Dans certains départements comme les Vosges, des pistes de recherche vont dans ce sens. En effet, la Chambre des Métiers et de l’Artisanat s’implique en accompagnant les scieries artisanales dans leur développement, développement qui passe par la fabrication de produits adaptés aux marchés de la deuxième transformation, mais aussi par la promotion de leurs savoir-faire.

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3-3-2 Travailler au regroupement des entreprises Face à une profession aussi atomisée, la standardisation de la production doit être un prélude au regroupement de scieries, notamment pour des investissements communs (séchage, rabotage, traitement des bois à haute température,…) ou pour la fonction commerciale. Dans ce domaine, les scieurs de résineux ont pris des initiatives en créant des marques commerciales comme Sélection Vosges ou Jura Supérieur. Ces regroupements permettent de gagner en efficacité dans la démarche commerciale en proposant des volumes de production plus importants, et de toucher des marchés plus importants, tant au niveau des négoces que de l’exportation. Cela permet aussi de répondre à de nouvelles demandes, d’élargir leur marché et d’apporter des services supplémentaires. Sélection Vosges Pour mieux promouvoir les sciages de bois Vosgiens, et véhiculer une image de qualité de ces bois, un groupe d’entreprises du secteur se sont rassemblés en créant la marque de sciages résineux « sélection Vosges ». « Sélection Vosges » est une marque collective de sciages de résineux qui se compose de onze scieries installées dans le massif Vosgien. La production de ces entreprises est celle de bois bruts non séchés destinés à la construction, aux travaux publics et au marché de l’emballage. La marque regroupe des scieries qui mènent un programme de développement couvrant les activités de promotion des sciages et de la marque, d’amélioration de la qualité, de développement des outils de production. « Sélection Vosges » est la première marque collective française de sciage de résineux, leader national avec 350 000 m3 de sciage/an, correspondant à 62% de la production régionale des sciages de sapin et d’épicéa. 46


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3-3-3 Centre de séchage et fabrication de produits aboutés Un des freins de la construction bois avec la filière bois locale est la proposition de produits la proposition de produits peu adaptés aux attentes des entreprises de charpente, de la menuiserie. Cela peut concerner le séchage des bois, les produits contrecollés, aboutés... Aujourd'hui sur le territoire, la plupart des scieries, en fonction de leur taille, tentent de trouver leurs propres réponses. Des réponses collectives existent et sont sans doute intéressantes à explorer. Les premières études menées ont conclu notamment à l'intérêt de proposer localement des bois secs, rabotés. C’est pourquoi, en Lorraine, à titre d’exemple, Lorraine Industrie Bois s’est installée à La Bresse depuis trois ans (18 janvier 2010). Cette société est spécialisée dans la fourniture de bois de charpente, d’ossature et madriers.

La société dispose d’une chaudière biomasse de 4MWH ; le combustible est donc de l’écorce, ce qui permet de valoriser les déchets de scierie. Il y a huit cellules de séchage d’une capacité de 430m3 au total (soit 8 camions). Le bois est séché à 12, 18 et 25% (pré-séchage) selon la demande. Le temps de séchage varie de 4 à 10 jours selon l’essence de bois. Le bois utilisé est exclusivement du bois de résineux, sec provenant des scieries alentour (dans un rayon de 30km). La scierie Mathieu à Xonrupt est le principal fournisseur Vosgien en bois de la société (deux camions par semaine en moyenne). Mais la scierie SIAT en Alsace est quant à elle le plus grand fournisseur de l’Est de la France soit 50% du bois utilisé par LIB ; 20% pour la scierie Mathieu, 20% pour ORIEL à Corcieux. Il existe un contrat triparties entre l’ONF, la scierie Mathieu et LIB. En effet, L’ONF sélectionne les bois et a un contrat d’approvisionnement avec la scierie Mathieu qui doit elle-même approvisionner LIB.

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Cellule de séchage de l’entreprise

Bois abouté

Bois profilé

Les transformations du bois réalisées au sein de l’entreprise sont : - le séchage du bois - l’aboutage qui se réalise grâce à une colle polyuréthane. La longueur de bois abouté varie selon la demande : 12 m en moyenne, sinon de 6 à 16 m. Cette technique permet de valoriser des courtes pièces qui sont reliées entre elles par les entures. - l’entaillage qui permet de réaliser différentes coupes ou assemblages (queue d’aronde, mi-bois…) par des entailleuses 5 axes à commande numérique. - le profilage permet de réaliser des profils de madriers pour une habitation, ou du bardage. Les copeaux et chutes de bois de la société sont transformés en granulés pour poêles et chaudières qui sont vendus aux particuliers ou utilisés en combustible pour la chaudière.

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3-3-4 Développer un argumentaire bois local Il est important de construire un argumentaire bois local avec tous les acteurs de la filière bois pour se donner les moyens de communiquer sur les atouts de la ressource locale et des entreprises du territoire, c’est fédérer les acteurs autour d’un projet et les conduire à s’entendre sur des valeurs communes. Cet argumentaire peut permettre aussi de travailler sur la traçabilité des bois, élément à maîtriser pour garantir au client final la provenance des produits utilisés. L’argument bois local peut s’entendre du côté des collectivités, mais également du côté de la clientèle privée, et notamment de la maison individuelle. Il existe un surcoût lors de la construction à partir de bois local. Le particulier peut accepter cette plus value sous réserve de la garantie de la traçabilité. Des dossiers de presse peuvent ainsi être créés déclinant les atouts du bois local autour notamment des thèmes suivants : une offre collective, un matériau économe en CO2, des bois réputés, des résistances mécaniques confirmées, une forêt bien gérée, des bois disponibles, des professionnels compétents et structurés...

3.4 Recherche architecturale et technique favorisant le bois local 3-4-1 Une architecture adaptée aux moyens de constructions locaux La conception avec les bois locaux se décide par les choix structurels de l'architecte. Concevoir à partir du bois local, c'est donc aussi s'adapter aux moyens et aux compétences des entreprises locales et leur permettre de perdurer car pour la plupart ce sont de petites entreprises aux outils et aux investissements limités, en majorité artisanales, fragiles et peu adaptées pour ce qui concerne la transformation en produits élaborés (contrecollés, aboutés...). La conception en bois local combine alors savoir artisanal et technologies industrielles. Ainsi, une des solutions pour privilégier l’emploi de bois local est l’utilisation de bois massif dans la construction, en minimisant les transformations par des machines techniques. 49


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L’exemple de l’INRA à Champenoux, agence Tectoniques Le site Champenoux dans la région Lorraine est l'un des cinq sites d’Institut national de la recherche agronomique en France. L’utilisation du bois est rendue systématique pour la structure, les planchers, les murs de refends et les façades. Le parti constructif consiste à utiliser du bois massif avec des petites portées et un rythme dense sur une trame de 1,20 m x 6 m. C’est un projet qui utilise un grand volume de bois, des bois locaux (provenant de St Dié), peu transformés et choisis dans la forêt voisine. Ainsi, 250 m3 de douglas et de sapin ont été employés dans ce chantier, uniquement sous forme de bois massif. Il s’agit d’une illustration du potentiel de la filière forêt-bois régionale à répondre à des demandes pointues. Le sciage a été réalisé à quelques kilomètres des parcelles, et la filière a fonctionné sur le modèle du contrat d’approvisionnement mis en place ces dernières années par l’Office national des forêts (ONF). En résumé, ce chantier a permis de valoriser du sapin des Vosges mais aussi l’ensemble de la filière bois locale.

© Tectoniques

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3-4-2 Un retour à des savoirs faire et des compétences locales La construction en bois local induit un retour d'intérêt pour les savoir-faire locaux, les techniques traditionnelles propres à chaque région tout en les modernisant (tavaillons, charpente en bois ronds empilés...). Elle apporte de nombreux avantages concrets tels que des prestations d’exécution de grande qualité grâce aux savoir-faire des entreprises de charpente ou de menuiseries locales, des performances techniques de pointe, des caractéristiques de confort attendues par les usagers. L’emploi des essis est une technique ancestrale. Le tavaillon est un matériau que l'on retrouve sur de nombreux pignons de fermes vosgiennes. Les essis sont des planchettes de bois résineux (épicéa, mélèze, chêne, aulne) fendues dans le fil du bois d’une longueur d’environ 30 cm. Ce matériau a surtout été employé jusqu’au début du siècle (puis petit à petit supplanté par les tuiles mécaniques et les tôles ondulées). Il s’utilisait en bardage ou en toiture. Autrefois, par souci d’économie, on utilisait uniquement des dosses comme support des essis. Le tavaillon est durable, léger, étanche, respirant, résistant mécaniquement, insensible au gel, à la grêle et à la pluie. Ils sont également prétextes à un jeu décoratif des façades et des pignons. L’exemple du périscolaire de Tendon, HAHA Architectures

© HAHA Architectures

Le projet du périscolaire a ainsi cherché à mettre en valeur les entreprises locales qui ont pu exprimer leurs savoir-faire, leurs compétences et innover dans leurs compétences. L'enveloppe extérieure en tavaillons fendus relève d'un vocabulaire ancien interprété ici au travers d'une géométrie contemporaine. Au départ, les tavaillons devaient être faits en pin Weymouth de la commune, mais par manque de maind’œuvre et de savoir-faire locaux, ceux-ci sont en mélèze de Sibérie. 51


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Le bardage extérieur en bois est très présent dans l’architecture rurale vosgienne. Ces bardages constituent pour les fermes une peau vivante parfaitement adaptée au climat vosgien. Ils représentent une solution technique parfaite pour assurer la respiration des volumes destinés à conserver le foin l’hiver. Le bardage est composé de planches disposées verticalement. Depuis, le bardage s’est modernisé et est très employé dans la construction bois traditionnelle. Il est généralement en bois mais on le trouve aussi en PVC ou en tôles métalliques. Il a un double rôle, à la fois décoratif mais aussi de protection et d'isolant. L’exemple de la « Mauselaine » station de ski à la Bresse, Pierre Baumann architecte Le bâtiment d'accueil de la station de ski des Vosges a été réalisé avec du bois local. Un bois qui a été exploité, séché, abouté et calibré sur place, fruit d'une collaboration étroite entre le département, l'ONF et les acteurs de la filière bois, du traitement à la mise en œuvre. Le bâtiment est recouvert par 915 m2 de bardage en lames de bois de douglas (dont 2/3 à l'extérieur). L’exemple du bâtiment des services techniques de Bussang, François Lausecker architecte Le projet est celui de la construction de bâtiments (abris à sel et engins, bureaux) pour les services techniques, en bois 100% local. La toiture des bureaux de 190m² est une toiture végétalisée, les autres sont en inox. L’utilisation des bois des forêts vosgiennes est déclinée. Le bardage extérieur est composé de planches brutes de sciage d’épicéa, de même que les revêtements intérieurs. © François Lausecker

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3-4-3 Utilisation de bois ronds : le jeu du meccano En utilisant le bois tel quel, rond, juste écorcé, cela favorise l’emploi de bois local, ainsi que le développement local avec la sélection des scieurs vosgiens et de leurs savoir-faire spécifique. Cette stratégie correspond à une suite logique de l'utilisation du bois produit en forêt locale. Elle est adaptable pour une utilisation à des fins de génie civil ou biologique. Enfin, elle s'inscrit pleinement dans une politique de développement durable. L’exemple de la patinoire à la Bresse, François Lausecker architecte Le projet est celui d’une halle couverte de 1800 m² à la Bresse permettant d’abriter une patinoire, démontable, en hiver et accueillant des animations et expositions en toutes saisons. Le souhait était de créer un ouvrage permettant de valoriser le patrimoine local naturel et d’ajouter une valeur ajoutée au bois vosgien. Au lieu de grandes pièces en lamellé-collé à section variable, l’ensemble de la structure est constitué de poutres treillis, en bois ronds de faible diamètre (16, 18 et 20 cm afin de valoriser toute la grume) et de petites longueurs. Ce sont des bois issus d’éclaircies, sapin et épicéa. La structure a ainsi une portée de 22 m. La charpente se compose de 11 portiques, de pannes et de deux couches de voliges. Les portiques se composent d’une poutre triangulée, et de poteaux. La poutre treillis est réalisée à partir de 14 éléments de bois différents assemblés ensemble comme un jeu de meccano. Les pièces sont assemblées en âme entres elles par des connecteurs métalliques. Cette technique permet de changer des éléments de la structure en cas d’usure. Les bois sont utilisés en temps que tels, bruts, simplement écorcés, tournés et séchés, permettant de réduire les chutes. Les pointes des arbres ont été valorisées pour faire la deuxième couche de volige. Les poteaux des portiques sont constitués eux-mêmes de quatre poteaux de bois de 20 cm de diamètre. Le bilan carbone est également très satisfaisant sur cette opération. En effet, ce projet a été conçu à partir du bois disponible au niveau local, qui a coûté très peu en transformation. Habituellement, on compte un tiers de chutes sur une grume classique. 53


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Ici, il y a eu beaucoup moins de gâchis puisque les bois ont été simplement fraisés. Au titre du transport également, ce projet a montré que les filières courtes étaient viables. L’approvisionnement local a ainsi permis d'économiser de l'énergie grise.

© François Lausecker

3-4-4 Les planchers en bois lamellé cloué Les planchers en bois lamellé sont constitués de planches posées sur chant et jointives. L’assemblage peut-être réalisé par clouage, par vissage ou par collage. Ce type de plancher est autoportant, isolant phonique et résistant au feu car il est très épais (au minimum de 16 cm d'épaisseur) et ne renferme pas d'air. La rigidité du système permet de franchir des portées supérieures à celles des plancher à solivages (3 à 8 m). Les essences de bois les plus utilisées pour leur bon rapport coût-résistancepoids sont les résineux (Sapin, Épicéa, Douglas, Pins). La massivité du système permet d’utiliser des bois de faibles qualités (classement structure : C18). Ainsi, ce dispositif présente l’intérêt de valoriser une ressource locale disponible dans de nombreuses régions en utilisant des débits de bois de faible section, de faible qualité et de renouer avec l’idée d’une qualification du travail de chantier. Outre son intérêt technique (répartition des charges entre les planches), le clouage permet d’éviter l’utilisation de colles pouvant dégager des émissions toxiques. 54


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L’exemple du périscolaire de Tendon, HAHA Architectures

Ainsi, cette technique a été employée dans le projet du périscolaire à Tendon. Les planchers en bois lamellé cloués sont en planches de pin sylvestre. © HAHA Architectures

L’exemple du bâtiment multifonctionnel de St Jean d’Arvey en Savoie, Vincent Rocques

Les planchers en bois lamellés cloués ont été mis en place dans ce projet, réalisés en sapin et en mélèze, tous deux locaux (bois des alpes).

3-4-5 Poutre treillis et ferme industrialisée en bois local Les fermes industrialisées sont constituées par des éléments de bois triangulés de faibles sections. Les assemblages des pièces de bois sont généralement réalisés par des connecteurs en acier galvanisé. Par leurs principes constructifs, elles s'inscrivent dans une logique de fabrication industrielle. Les fermettes constituent des éléments de charpente légère et capable de franchir des portées jusqu'à 20 mètres. 55


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Comme les fermes industrialisées, les poutres en treillis bois sont généralement utilisées pour des portées supérieures à 20 mètres, à la place de poutres en bois massif qui auraient des sections trop importantes. Les poutres treillis sont composées de deux membrures horizontales de bois et sont triangulées par des éléments de bois disposés en diagonale qui sont successivement soumises à des efforts de traction et de compression. Les assemblages sont réalisés au moyen de connecteurs métalliques disposés en âme.

L’exemple du bâtiment des services techniques de Bussang, François Lausecker La charpente est constituée de fermes industrielles réalisées à partir de bois massif d’épicéa. Au lieu d’assemblages réalisés par des connecteurs métalliques un système moisant a été choisi. Le bois provient des forêts vosgiennes, des biens de la commune. © François Lausecker

L’exemple de la réhabilitation d’une salle polyvalente Lezennes (59) Architecte Laurent Baillet et François Lacoste Autrefois le peuplier était très utilisé en charpente et en volige, il était considéré comme la charpente du pauvre, en opposition au chêne. Dans ce projet l’idée a été d’utiliser une essence locale, le peuplier, pour construire une charpente. Des poutres treillis aboutées à partir de petites sections de bois ont été réalisées 56


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3-4-6 Charpente Zollinger en bois local Ces charpentes en en résille, en plein cintre, ont l’avantage d’être légères et rapides à monter. Elle a été brevetée par Friedrich Zollinger en 1923. Celle a été largement utilisée pour la construction d'habitations, de hangars, de halls industriels car elle permet de dégager complètement le volume sous toit. Ainsi, avec peu de moyens, et peu de transformations du bois, il est possible de réaliser des charpentes non seulement esthétique, mais qui a surtout l’avantage de pouvoir utiliser des bois locaux et de se rapproché des savoirs artisanaux. Les pièces de bois utilisées sont des éléments courts, de faible section. Les plus longues font environ 1 m 50. L’assemblage des éléments de la résille se fait par mortaises et boulons. Cette technique permet l’utilisation de tout type de bois, de faible section et de faibles longueurs. Ainsi le bois local pourrait très bien s’y adapter. L’exemple de la scierie des neuf moulins à Brouvelieures, Vosges Cette scierie est un des exemples emblématiques de cette technique dans la région, utilisant des bois courts pour la réalisation de la charpente.

© Jean Claude Bignon

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3-4-7 L’utilisation de bois local en parement et revêtement intérieur Le bardage intérieur qu'il soit en bois brut ou en bois revêtu, apporte de la chaleur et un caractère naturel à un espace. La forêt française présente une grande variété d’essences et notamment une grande variété de feuillus. Certaines essences dont le hêtre s’adaptent parfaitement à leur utilisation en lambris. Ce constat est le même pour la réalisation de parquet en bois local massif. Le hêtre, bois local très abondant, s’adapte parfaitement à une utilisation en parquet ou même pour la réalisation d’escalier. L’exemple de l’école maternelle et primaire d’Haréville, Lucette Votano L’école est de plain-pied, entièrement conçue en ossature bois. La volumétrie générale décrit quatre bandes parallèles orientées plein Sud et couvertes par un pan de toiture unique. Elles sont séparées par les espaces abritant les circulations (personnes et distribution de flux) couvertes par une toiture végétale. Le bois local (de la commune) a été utilisé uniquement pour le bardage intérieur. Les essences sont le frêne, le hêtre, le tilleul, le saule blanc et l’aulne provenant de la commune. Des planches de bois ont été coupées selon trois largeurs : 8, 12 et 15 cm afin d’optimiser la matière. Ainsi, une gamme variée d’essences de feuillues locales a été mise en valeur en intérieur.

© Lucette Votano

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L’exemple du périscolaire de Tendon, HAHA architectures Dans ce projet le hêtre de la commune a été aussi utilisé en intérieur. Les revêtements intérieurs (murs et plafonds) sont composés de voliges en hêtre d'épaisseur 30 mm, bruts de sciage. Placé devant le frein vapeur, l'assemblage se fait par feuillure avec une contre-isolation (60mm), un lattage et couvre joint. De même, le parquet, l’escalier, et les portes ont été réalisées en bois de hêtre brut.

© HAHA Architectures

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3-4-8 Adaptation et utilisation d’un mono produit Afin de favoriser l’emploi de bois local dans la construction, il est nécessaire de savoir s’adapter aux stocks des communes disposant de bois issus de la tempête de 1999. Ces bois, afin d’être stockés facilement, ont été débités tous selon un type de produit. Les projets doivent alors s’adapter à ce bois et au volume offert. L’exemple d’un abri en forêt, Studiolada Le projet est celui d’un abri couvert de 81m². La structure est réalisée en planches de bois, pour un volume de bois d’environ 11m3. Elles sont issues, au départ, des stocks des ateliers municipaux (bois de la tempête de 1999 : sapin, épicéa). Afin d’avoir une meilleure durabilité des bois susceptibles d’être au contact de l’eau, pour les poteaux par exemple, du pin sylvestre de la forêt de la commune a alors été scié. Les planches sont toutes de 27 mm mais de largeurs (12 à 18 cm) et de longueurs différentes. L’objet réalisé s’adapte au matériau : la planche, et ainsi le système constructif a été réfléchi en fonction de celui-ci. Modélisation de l’abri © Studiolada

S’adapter à la planche permet de rentabiliser les pertes car le sciage de planches crée le moins de pertes dans une grume. La structure étant dense, cela permet d’accepter des bois ayant des faiblesses ponctuelles (nœuds…). Les essences sont utilisées dans la structure selon leur classe d’emploi. La structure est composée d’une succession de portiques, très serrés. Les arbalétriers sont identiques et fixes, les entraits eux varient selon un décalage régulier et progressif. Le réseau de planches crée un maillage dense qui s’auto-contrevente car tout se tient ensemble. Ainsi, en toiture, ce décalage crée une triangulation, sur la face longitudinale il crée des voûtes et de face les portiques sont eux même triangulés. De cette façon, toutes les poussées sont toutes ramenées au sol. Enfin, ce décalage crée des ondulations sur toute la structure. 60


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3-4- 9 La recherche de nouveaux produits La recherche de nouveaux produits peut permettre d’utiliser mieux la ressource locale, en tenant compte des contraintes de l’ensemble de la filière. L’entreprise Schilliger

L’entreprise Schilliger est une société Suisse installée en Alsace. Ce projet industriel s’inscrit dans une logique de développement durable s’appuyant également sur la filière courte : Schilliger s’approvisionne exclusivement dans les massifs des Vosges, de la Forêt-Noire et du Jura.

Ecole de musique, Londres© entreprise Schilliger

L’entreprise conçoit des produits divers : des planches et des poutres à partir des grumes, des caisses pour les machines, des panneaux d’isolant, des poutres de bois massif abouté, d’une longueur de plus de 5 m jusqu’à 13 m mais aussi des panneaux en bois massif contre collés concurrençant les panneaux KLH. La récolte et la scierie sont locales mais la transformation en panneaux se fait en Suisse. De plus, l’usine alsacienne mise sur des capacités de séchage sans équivalent en France : avec son séchoir de 3800 m3, ajouté à un bâtiment de 1200 m3 pour le pré-séchage, l’industriel parie sur la croissance de la demande de bois sec, parmi les professionnels de la construction soucieux de qualité et de pérennité.

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Développer l’utilisation des feuillus dans la construction : le hêtre Actuellement, le bois massif est très utilisé en Europe dans le domaine de la construction. C’est pourquoi, Dans une situation comme aujourd’hui, tournée vers l’environnement et particulièrement favorable au bois, il est primordial d’investir dans le marché de la construction bois et dans l’utilisation des feuillus. Les forêts françaises disposent d’une grande variété de bois de feuillus. Rappelons que traditionnellement les feuillus comme le chêne, le châtaignier, le peuplier étaient utilisés dans le domaine de la construction bois, en structure et en charpente. De plus, il est nécessaire de palier au manque de résineux qui sont très utilisés en France et en Europe dans la construction bois traditionnel et qui peinent à satisfaire les besoins. La recherche de nouveaux produits peut permettre de mieux utiliser la ressource locale, en tenant compte des contraintes de l’ensemble de la filière, et en utilisant des bois de courte longueur dans un processus de conception-construction. Concevoir à partir de bois local, c'est renverser les logiques habituelles du secteur de la construction industrielle, les méthodes de travail, réinventer la construction en fonction des richesses matérielles de la forêt et ainsi pousser la recherche de nouveaux systèmes constructifs, dans un objectif de reproductibilité et de commercialisation par les scieries. Néanmoins, pour les produits basiques de la construction bois tels que les madriers ou les fermettes, les résineux restent l’essence de prédilection. Par contre, on peut réfléchir à développer l’utilisation des feuillus pour des produits plus élaborés comme par exemple la poutre caisson, les bois massifs reconstitués (duo ou trio), les bois lamellés collés ou les bois lamifiés.

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L’exemple du périscolaire de Tendon, HAHA Architectures La poutre-caisson, telle qu'elle a été conçue dans le projet de Tendon, peut être considérée comme un composant constructif du bâtiment, issu d'une réflexion globale autour du projet: allant de l'objet lui même, sa fabrication, sa mise en œuvre et son usage. Une caractérisation du hêtre a été nécessaire à la réalisation de la structure du périscolaire car le hêtre est un bois dense, nerveux, de qualité secondaire, aux performances mécaniques élevées, avec une tendance à la torsion quand il sèche ou travaille, difficile à coller et à assembler mécaniquement. Celui de Tendon a la particularité d'être un bois de montagne, plus nerveux et difficile à sécher que le hêtre de plaine. Des tests en ont été réalisés par le CRITT Bois pour déterminer les caractéristiques mécaniques du hêtre de Tendon. L’enveloppe porteuse extérieure de l’édifice est formée par des poutres-caissons en hêtre et remplissage en bottes de paille (Matériau bio-sourcé) préfabriquées pour atteindre une performance d’isolation thermique d'un bâtiment passif. La solution des poutres-caissons recomposées est conçue sur les contraintes liées au matériau utilisant ainsi des éléments courts de hêtre. Les assemblages vis et clous sont préconisés pour s'adapter aux équipements des entreprises artisanales. Les poutres-caissons sont préfabriquées en atelier, dimensionnées en fonction des bottes de paille, et assemblées par la suite sur site. Leur hauteur est de 350 mm pour une épaisseur de 75 mm pour celles utilisées pour les murs. Elles sont constituées de deux montants d'ossature en hêtre coffrés par deux panneaux d'OSB3 de 15 mm, vissés, assurant leur liaison. Ces montants sont chacun constitués de la superposition de deux sections de hêtre (15x135 mm pour l'une et 30x 135 mm pour l'autre), qui permettent de composer de grandes longueurs à partir de bois de faible longueur. Ces poutres-caissons, pouvant être réalisées par les scieurs locaux, permettent d'ouvrir le marché des produits constructifs bois vers des composants nécessitant peu de transformation du bois et de favoriser un nouveau débouché au hêtre de qualité moyenne.

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Le hêtre est aussi utilisé dans la constitution des murs de refend. Ils sont constitués de murs à ossature bois, composés de lisses hautes et basses et de montants en épicéa (de section 45x 140 mm), et de cadres de remplissage en hêtre (de section 30x120 mm). Ces cadres sont réalisés à partir d'éléments de faible longueur, pour éviter les déformations du hêtre. Cette ossature, est dans la plupart des cas laissée visible, servant ainsi de bancs et d'étagères.

© HAHA Architectures

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Le hêtre pour la fabrication en BMR, BLC et LVL Le hêtre pourrait parfaitement être utilisé en Bois Massif Reconstitué ou en Bois Lamellé Collé. En effet, il est moins coûteux que le chêne, et n’est pas difficile à coller. Par contre, un des inconvénients du hêtre est son manque de stabilité dans la mesure où, lors du séchage, il a tendance à se voiler, gercer ou fendre. Les chercheurs de l’université de Munich ont montré que les colles de type Mélanine Urée Formol (MUF) donnaient de bons résultats pour le collage du hêtre. D’un point de vue économique, même si le coût de la matière première (le hêtre) est faible, la transformation du hêtre est coûteuse et le rendement ne serait pas intéressant pour le marché du BMR qui est aujourd’hui très concurrentiel. Cependant, il serait intéressant de mener une étude plus poussée sur la base d’un coût de sciage qui correspondrait à une unité industrielle, ce qui en France est jusqu’à présent inexistant. Du fait, du faible coût du bois de hêtre, les chercheurs allemands sont en train de développer des BMR mixtes : l’âme est en épicéa (résineux) et les lames extérieures sont en hêtre (feuillu). Le hêtre trouve sa place dans cet assemblage étant donné que sa résistance mécanique est un atout de poids : elle optimise la résistance mécanique globale et les sections. Le lamellé collé en hêtre a d’ailleurs obtenu en octobre 2009 en Allemagne un agrément technique pour des usages en intérieur. En France, si l’on veut développer l’utilisation du hêtre en BMR ou BLC, il faudra au préalable définir les caractéristiques techniques de cette essence pour un usage en structure. Étant donné le manque de stabilité du hêtre, il convient de mener une étude sur le collage et la stabilité des sciages de celui-ci. Un premier travail de réflexion consisterait à trier les colles compatibles avec le hêtre en privilégiant les colles à faible impact environnemental, dans un souci d’innovation de la construction bois et de respect de l’environnement. Après cette mise au point, une définition des paramètres de mise en œuvre des colles (durée et pression de serrage) pour une utilisation en BMR, BLC, et en panneautage serait nécessaire. Dans un deuxième temps, des études pourraient être réalisées afin de rendre le hêtre plus stable, grâce à divers moyens techniques tels que le traitement thermique, le greffage, … Enfin, si le LVL, produit très technique, venait à prendre de l’ampleur en France, le hêtre pourrait parfaitement être utilisé en LVL étant donné qu’il se déroule 65


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facilement. Il est par ailleurs une essence très abondante en Lorraine, peu utilisée, dont les coûts d’approvisionnement sont réduits, et par conséquent concurrentielle par rapport aux résineux. Toutes ces recherches demandent un investissement important, les entreprises doivent, en interne, disposer d’un bureau d’études. À l’échelle du territoire, il conviendrait de mutualiser les moyens humains et financiers, sachant que les chaînes de fabrication sont ensuite industrielles et nécessitent aussi un investissement conséquent. Ces recherches peuvent également s’appuyer sur des partenariats avec les universités, entreprises locales, collectivités... c’est le cas par exemple du Pôle de Compétitivité « Fibres » à Epinal dans les Vosges qui développe aujourd’hui des recherches liées à toutes les utilisations possibles des fibres végétales, dont le bois, dans divers secteurs d’activité, dont le bâtiment. Il serait possible, toutefois, d'imaginer à une échelle plus petite, avec un artisan charpentier, des réalisations de plancher en planches assemblées par exemple. Cependant, aujourd’hui ce procédé n’est pas reconnu en France (absence de DTU), et ce sont les entreprises qui définissent les règles de mise en œuvre et les font breveter (cf. Thoma, CBS...).

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4. QUELQUES FREINS A LA CONSTRUCTION EN BOIS LOCAL … 4-1 Les bureaux de contrôle Les référentiels utilisés dans les bureaux de contrôles dans leur mission de base ne semblent pas adaptés ou sont un peu ouverts pour permettre une souplesse de conception en bois local. Les contrôleurs techniques ne sont pas formés à la construction bois et sont généralement issus «du monde du béton». Ce type de projet est une démarche en dehors de leurs habitudes. Ceux-ci préconisent systématiquement la solution reconnue et approuvée. Il est à l'heure actuelle parfois difficile de quantifier les performances mécaniques des bois locaux par manque de référentiels. Cependant, certains bureaux d'études bois, ou laboratoires de recherche (CRITT Bois) s'intéressent à ce sujet, et aident les groupes travaillant sur ce genre de projets en bois local, afin d'établir les référentiels manquants. 4-2 Les assurances Les difficultés des maîtres d'ouvrage pour avoir une assurance dommage ouvrage sur un bâtiment innovant sont très importantes et dépendent du rapport final du bureau de contrôle, comprenant les remarques faites sur les détails de conception hors référentiel. Mais à partir du moment où ce genre de projets en bois local ne sera plus considéré comme «non-standards», et que les référentiels seront présents, ces soucis disparaîtront. De même, le soutien de bureaux d'étude bois et de laboratoires de recherches permet de minimiser ces soucis. 4-3 Les entreprises Peu d'entreprises répondent aux appels d'offres sur des projets innovants, sortant de la construction bois «classique», par peur de l'inconnu. S'ils répondent, les prix sont parfois établis avec une marge de sécurité importante qui peut ainsi pénaliser l'économie de ce genre de projet sur la construction en bois local. Ce surcoût est cependant légitime du fait de l'implication plus importante de ceux-ci dans le projet et de la mise en place d'un système pas encore totalement établi. Malgré tout, ce surcoût est compensé par un coût de matière faible. 68


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De plus, se pose aussi le problème de trouver des entreprises locales compétentes, ou qui ont encore un savoir-faire local. Même si elles sont peu nombreuses, ces entreprises existent, et c'est le développement de ce genre de projets qui leur permettra à leur tour de développer leur activité. 4-4 La question du temps Ce genre de projet étant «non-standard», la question du temps est très importante. En effet, l'innovation autour de ce thème de la construction en bois local demande du temps supplémentaire de discussions, de recherches de solutions, de tests, de validations. Le manque de connaissances autour de ce domaine à l'heure actuelle, demande un travail de recherches et mobilise chaque acteur d'autant plus. De plus, la réflexion constructive étant différente, chacun (maitre d’ouvrage, scieur, architecte, entreprises) doit anticiper son action selon la destination du bois. Même si du temps supplémentaire est nécessaire lors de la conception du projet, le chantier est quant à lui rapide. Enfin, le temps passé aujourd'hui, pour des solutions constructives, des essais mécaniques, sera du temps gagné pour un futur projet similaire dans la même région. 4-5 La traçabilité du bois La diversité des essences des forêts françaises (hêtre, peuplier, chêne, châtaignier, pin douglas …) s'oppose à l'uniformité des normes constructives européennes. Se pose ainsi le problème de la traçabilité des bois locaux. La certification d'origine des bois peut favoriser les débouchés des bois locaux, permet une reconquête du marché de proximité et soutient les entreprises de transformation de petite ou moyenne taille. La certification est un outil pour garantir la qualité des produits et du service pour plus de valeur ajoutée. Elle contribue aussi et surtout au maintien et au développement de l'emploi local. Il est donc important de développer ces certifications pour tous les bois (telle que la démarche «Bois des Alpes», «Hêtre des Vosges» et l'«AOC bois de Chartreuse»).

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CONCLUSION

Construire avec la filière locale bois reste difficile aujourd’hui. Comme nous l’avons vu au cours de ce mémoire le système actuel n’est pas adapté. La filière bois étant fragile en Lorraine, les professionnels ne peuvent investir des sommes importantes dans du matériel pour se développer. Pourtant le développement de leur activité, notamment autour de la construction en bois local, leurs permettraient d’être bien plus compétitifs sur le monde du marché. Chercher à développer l’activité de l’ensemble des acteurs de la filière bois leur redonnerait de l’ampleur dans une région au potentiel forestier important, et permettrait à moyen et long terme de créer de l’emploi, ce dont on a bien besoin en Lorraine notamment. La réflexion sur la construction en bois local, doit être en lien avec son territoire, son économique afin de redynamiser la région. De plus, la filière bois concerne un ensemble d’acteurs, qui doivent chacun jouer un rôle dans leur développement, afin de faire profiter l’ensemble d’un territoire des retombées économiques d’une ressource. L’enrichissement mutuel permettrait la création de nouvelles synergies favorisant le développement individuel de chaque entité. Pour cela les solutions doivent s’envisager collectivement, où certains auront un rôle de précurseur et entraîneront les autres, mais la réussite viendra de l’engagement et la volonté de tous.

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BIBLIOGRAPHIE - études et rapport • L'avenir de la filière bois française des opportunités, Haut conseil de la coopération agricole 01/09/2009 • Mise en valeur de la forêt française et développement de la filière bois, Jean Puech 1/05/2009 • Etude PIPAME : Marché actuel des nouveaux produits issus du bois et évolutions à échéance 2020, février 2012 • Le bois en chiffres, 2008 • L'avenir de la filière bois française des opportunités, septembre 2008 • la valorisation du bois local dans un projet de construction, Jean Marc Pauget, Architecte, CNDB Rhône-Alpes • Le bois local dans l'urbanisme et la construction - Pistes d'actions pour développer l'économie des territoires ruraux , février 2012 • Analyse de bâtiment, Le bâtiment multifonctionnel de st Jean d’Arvey, master ABC, Bailly maxime • Brochure éditée par la Commune de Saint-Jean-d'Arvey • la filière bois en Lorraine par Christian KIBAMBA • la résistance mécanique des sciages de sapin/épicéa du massif vosgien à l’épreuve, GIPEBLOR 2012 • situation actuelle des activités bois-foret en lorraine, GIPEBLOR 2012 • Le bois des Vosges dans la construction, démarche de valorisation des résineux dans la filière courte », GIPEBLOR 2012 • Recourir au bois local dans la commande publique, guide de recommandations, Réseau Rural Français, octobre 2010, 18 p. • Le bois local dans l’urbanisme et la construction, pistes d’actions pour développer l’économie des territoires ruraux, Réseau Rural Français, octobre 2010, 30 p. • perspectives de valorisation de la ressource de bois d’œuvre feuillus en France, 2011/02/01 FCBA • La valorisation de la forêt française, 10 octobre 2012, avis du CESE (Conseil économique, social et environnemental)

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- revues et périodiques • Inter & bois, n°7 01/07/2011 Article : « valoriser les essences locales » • Le sillage du bois , n°4, 01/07/2011 Article : Chantier démonstrateur « Cœur de Tendon » • EcologiK, N°4 aout 2008 - recueil d’expériences • Capitalisation expériences sur l’articulation 1ère / 2e transformation du bois dans le réseau, Chambres de Métiers et de l’Artisanat Chambres de Métiers et de l’Artisanat - sites internet • http://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Fiches/2012/FI18_foret_francaise.pdf • www.gipeblor.com • www.projetdeterritoire.com • http://www.franceboisforet.fr/les-metiers-du-bois/quelques-chiffres-cles: marché du bois français et mondial 2008 et Marché du bois résineux en France • http://www.100constructionsbois.com/ • http://www.reseaurural.fr/files/programme_vosges.pdf • http://professionnels.bois.com/realisations/sport-loisirs/halle-couverte-bois-local • http://deso-architecture.com/2012/01/20/salle-polyvalente-de-800-places-amazan-84/

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ANNEXES : entretiens réalisés 1 Scierie Vicente, Antonio Vicente Entretien du 11/12/2012 + visite de la scierie Projet : périscolaire de Tendon La scierie se compose de 5 personnes, et embauche rarement des intérimaires. C’est une petite scierie familiale installée depuis 1989. Elle se situe à Rambervillers à 30 km, de la forêt et du chantier du périscolaire de Tendon. Les bois sciés sont le hêtre, le chêne et le frêne. Lors de la création de sa scierie Mr Vicente s’est spécialisé dans le sciage du bois de feuillus en raison de la qualité de ceux-ci pour l’ameublement. Aujourd’hui, les bois sciés sont destinés à l’ameublement, à l’emballage (surtout), parfois à la construction et en bois énergie pour les particuliers. Cependant, dans le cas de la construction, la demande locale n’est pas suffisante. L’entreprise scie des plateaux, des lattes, des sections de bois de charpente. Elle produit 30m3 de bois fini/jour. La scierie sous-traite pour le délignage ou le rabotage du bois. Elle peut scier des troncs d’un diamètre maximum de 1,30 m mais ceci est rare. Avec du bois de hêtre, la scierie peut produire des bois de construction d’une longueur allant jusqu’à 2 mètres. Selon les années, le bois provient principalement des forêts Vosgiennes, mais aussi jusqu’à 200km autour de la scierie. La scierie a sa plus forte activité d’octobre à avril car après, les feuillus ne peuvent être coupés à cause de la montée de la sève. Dans certains cas, Mr Vicente fait lui-même la sélection des arbres en forêt. Le bois scié est vendu environ 200euros/m3. Les chutes de la scierie sont vendues à l’entreprise de panneaux en bois EGGER qui se trouve dans la même zone industrielle. Du fait de la demande locale insuffisante en bois de feuillus, 70% du bois est exporté, en Espagne principalement (du aux origines de Mr Vicente), en Italie, Belgique, Allemagne, et les pays du Maghreb. Suite à la chute du marché du bois d’ameublement en 2008, la scierie a diminué de 30% sa production. Cependant, depuis environ 3 ans la scierie s’est dotée de cellules de séchage, la demande a augmentée surtout depuis 2011, apportant aussi de nouveaux clients. Le bois sèche 3 semaines à l’air libre, puis encore 3 semaines dans les cellules de séchage. Ainsi, la 74


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scierie exporte beaucoup de bois séché ou non. Selon Mr Vicente, en France, 70% des résineux destinés à la construction sont importés à cause des normes de séchage et du fait que les scieries françaises sont en retard par rapport aux pays voisins et ainsi peu des scieries françaises sont équipées en cellules de séchage. Le projet de Tendon est le seul projet de construction pour lequel la scierie a travaillée. Le hêtre (de montagne) de la commune de Tendon a été utilisé pour la structure en caissons du bâtiment. Mais pour l’escalier, le parquet Mr Vicente a préféré utilisé du hêtre de plaine (de Neufchâteau) qu’il possédait en stock, car le hêtre de plaine se déforme moins qu’un hêtre de montagne. La différenciation entre le cœur rouge (le duramen) et le bois blanc du hêtre ne pose pas de problème d’un point de vue mécanique s’est selon lui qu’un souci esthétique. La coupe et le débardage ont été réalisés par un bucheron débardeur de Tendon. Le mitraillage des bois a causé des problèmes lors du sciage des bois : plusieurs lames ont été cassées, ce qui a causé du retard. Le sciage du bois de hêtre de Tendon a eu un rendement de 50% du fait que le bois était très nerveux alors qu’en général le rendement est de 70%. Le bois a été ensuite séché dans la cellule de séchage de la scierie. Si le marché de la construction locale en hêtre notamment se développait, Mr Vicente serait prêt à développer sa scierie en y installant un atelier de 2ème transformation.

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2 Gipeblor, Aude Barlier Entretien du 17/12/2012 Documents transmis : - « la filière bois en Lorraine » par Christian KIBAMBA - conjoncture bois construction, tableau de bord région lorraine - la résistance mécanique des sciages de sapin/épicéa du massif vosgien à l’épreuve - situation actuelle des activités bois-foret en lorraine La filière locale bois est un marché porteur sur la construction notamment pour les résineux. La filière bois est la première filière stratégique en Lorraine, autant que l’activité automobile et bien plus que l’activité de l’acier. Le bois scié part en grosse partie pour le marché de la papeterie, du panneau et de l’emballage mais aussi pour la menuiserie, la construction et l’ameublement. Les papeteries en Lorraine ont perdues 60% de leur activité du fait que l’on imprime de moins en moins. Le marché du panneau est le plus gros actuellement. L’équilibre entre le bois destiné aux plaquettes, les bois ronds est fragile, s’il y a de moins en moins de scieries cet équilibre peut être déstabilisé, ce qui aura des incidences sur les marchés du panneau et du papier. LIB (lorraine industrie bois) est le seul fournisseur dans le domaine de la seconde transformation du bois et spécialisé dans le séchage, l’aboutage et le contre-collage de bois local. Le hêtre est l’essence majoritaire en Lorraine, mais il est de qualité moyenne (D), il ne convient pas pour la construction, il est préférable de l’utiliser en intérieur. Il est important de trouver un marché pour ce bois. Il n’y a pas à l’heure actuelle de marché ou de demande du bois de feuillus (hêtre) dans le domaine de la construction. Et donc, les scieries et entreprises n’ont aucun intérêt d’investir dans des machines s’il n’y a pas de marché. Le hêtre malgré qui soit abondant est un bois contraignant. On rencontre des difficultés à le sécher, le stabiliser malgré une bonne résistance au poinçonnement. Le marché de l’escalier est plus propice au hêtre que le marché de la construction. Construire avec du hêtre, même local, a un coût plus élevé que de construire en bois de résineux. 76


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Il y a 123 scieries en Lorraine dont 3 assez importantes ; deux de celles-ci se situent en dans les Vosges. Des organismes tel que le GIPEBLOR donnent des financements à certaines scieries pour les aider à se développer, à investir dans de nouvelles technologies. Les scieries de Lorraines sont des TPE (très petites entreprises) qui comportent environ 5 personnes. Ce sont des entreprises familiales qui n’ont pas pour la plupart les moyens de ses développer. Des essais de mutualisation de moyens ont été fait. Par exemple, il y avait un centre de séchage à proximité de plusieurs scieries. Mais cette expérience n’a pas marché. Dans le domaine de la construction, chaque composante est très individualiste et les scieries ne sont plus du tout compétitives sur le marché du bois séché par ce système. Les scieries Lorraine sont en concurrence avec les pays européens voisins dont l’Allemagne. Elles ont environ 40 ans de retard sur les scieries allemandes. Par exemple, LIB est le plus gros fournisseur de boit aboutés en Lorraine, mais par rapport à une entreprise d’aboutage en Allemagne, la qualité de finition est moindre. Les techniques des scieries en Allemagne sont plus développées que les nôtres. Il y a aussi un gros problème de prix. Le prix du bois de résineux en Lorraine est le plus cher en France. Le prix du bois vert Lorrain est égal au prix du bois sec allemand (en y ajoutant les frais de transports). Cependant, une étude montre la filière lorraine peut produire des bois de résineux (épicéa, sapin) d’excellente qualité et de haute résistance mécanique pour la construction, de même qualité et résistance que les bois importés d’Allemagne. La notion de développement durable, et de bilan carbone est la principale raison qui peut inciter un maitre d’ouvrage à employer du bois local. Les normes CE sont un moyen pour forcé les scieries à se développer et de forcer l’innovation si elles veulent rester dans le marché. Les scieries fragiles ferment les portes au profit de scieries plus importantes qui elles se développent technologiquement.

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3 Lorraine Industrie Bois, Delphine Léonard Entretien du 18/12/2012 + visite de LIB Documents transmis : - « Lib Lorraine Industrie Bois, Bois de construction, CATALOGUE » - « Le bois des Vosges dans la construction, démarche de valorisation des résineux dans la filière courte » Lorraine Industrie Bois est installé à La Bresse seulement depuis trois ans (18 janvier 2010). C’est une société spécialisée dans la fourniture de bois de charpente, d’ossature et madriers. C’est le chainon entre les scieurs et les professionnels. 10 000m3 sortent chaque année de chez LIB pour un chiffre d’affaire de 3 millions d’euros pour une société de 12 personnes. La société dispose d’une chaudière biomasse de 4MWH ; le combustible est donc de l’écorce ce qui permet de valoriser les déchets de scierie. Le coût de ce séchoir est très élevé, cependant le prix de la matière (écorce) est faible. Le rendement pour ce type d’équipement se fait sur plusieurs années. L’énergie produite par la chaudière est cinq fois plus petite que celle produite par la scierie SIAT Braun en Alsace mais permet d’alimenter les séchoirs, et de produire de l’eau chaude pour chauffer tous les bâtiments du site. Il y a huit cellules de séchage d’une capacité de 430m3 au total (soit 8 camions). Le bois est séché à 12, 18 et 25% (pré-séchage) selon la demande. Le temps de séchage varie de 4 à 10 jours selon l’essence de bois. Le bois utilisé est exclusivement du bois de résineux, sec provenant des scieries alentour (dans un rayon de 30km). La scierie Mathieu à Xonrupt est le principal fournisseur Vosgien en bois de la société (deux camions par semaine en moyenne). Mais la scierie SIAT en Alsace est le plus grand fournisseur de l’Est de la France soit 50% du bois utilisé par LIB ; 20% pour la scierie Mathieu, 20% pour ORIEL à Corcieux. Il existe un contrat triparties entre l’ONF, la scierie Mathieu et LIB. En effet, L’ONF sélectionne les bois et a un contrat d’approvisionnement avec la scierie Mathieu qui doit elle-même approvisionner LIB. Ainsi, 95% du bois provient du massif vosgien jusqu’à la scierie SIAT en Alsace. Les essences de bois sont : le sapin, l’épicéa, le mélèze, le pin sylvestre. Les feuillus de sont 78


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pas utilisés à cause du classement mécanique de ceux-ci, du coût plus élevé de ces bois, mais aussi car il n’y a pas à l’heure actuelle de marché (de demande) pour le bois de feuillus dans la construction. L’entreprise n’envisage pas pour le moment d’intégré les bois de feuillus à leur marché. Les transformations du bois réalisées au sein de l’entreprise sont : - le séchage du bois - l’aboutage qui se réalise grâce à une colle polyuréthane. La longueur de bois abouté varie selon la demande : 12 m en moyenne, sinon de 6 à 16m. Cette technique permet de valoriser des courtes pièces qui sont reliées entre elles par les entures. - l’entaillage qui permet de réaliser différentes coupes ou assemblages (queue d’aronde, mi-bois…) par des entailleuses 5 axes à commande numérique. - le profilage permet de réaliser des profils de madriers pour une habitation, ou du bardage. Les copeaux et chutes de bois de la société sont transformés en granulés pour poêles et chaudières qui sont vendus aux particuliers ou utilisés en combustible pour la chaudière. Les produits réalisés par la société sont vendus soit à des constructeurs ou à des négociants (fibre Premium, POINT P, GEDIMAT). Les principaux clients sont : POIROT constructions (La Bresse), SOCOPA (Vagney), Charpentes HOUOT (Gérardmer, Sainte Marguerite), charpentes Cénomane (dans la Sarthe),GARDAVAUD Habitations (dans le Doubs) et chalets CLAUDET (dans le Doubs). Ainsi, le marché de la société LIB s’étend sur la moitié Nord-est de la France. La société travail à flux tiré mais il y a toutefois un stock sécurité si besoin. Il faut en moyenne 10 jours à la société pour réaliser l’ensemble de la commande. A l’heure actuelle, la société n’est pas encore rentable même si son chiffre d’affaire ne cesse d’augmenter chaque année. Cette année, 10 000m3 de bois sont sortis de la société alors qu’elle pourrait en produire 40 000. Pour augmenter, ce chiffre il faudrait davantage de contrats avec plus de scieries.

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4 Ecole maternelle et primaire d’Haréville, Lucette Votano Entretien du 19/12/2012 + visite de l’école Documents transmis : - document Word : description de l’école d’Haréville - photos de chantier - plans, façades, coupes, détails, charpente - « présentation bois local Haréville » L’école est de plain-pied, entièrement conçue en ossature bois. C’est un projet BBC, qui a reçu le prix LQE 2012, et lauréat PREBAT en 2009. La volumétrie générale décrit quatre bandes parallèles orientées plein Sud et couvertes par un pan de toiture unique, pouvant recevoir des panneaux photovoltaïques. Elles sont séparées par les espaces abritant les circulations (personnes et distribution de flux) couvertes par une toiture végétale. Les matériaux apparents en façade seront le bardage mélèze, le bardage métallique et la terre cuite. Le bardage en mélèze est présent sur les façades Est et en partie Sud, il est couvert et protégé des intempéries par un large débordement de toiture. Le maître d’ouvrage n’aimant pas le « bois gris », ceci a donc été le compromis. Le bois local (de la commune) a été utilisé que pour le bardage intérieur. Les essences sont le frêne, le hêtre, le tilleul, le saule blanc et Aulne. Dans ce projet l’implication des architectes et de chacun est très importante. Tout d’abord il a fallu convaincre le maître d’ouvrage. Puis, lors du choix des entreprises le souhait a été de choisir des entreprises locales, proches du chantier afin de réduire le bilan carbone. Les architectes, élus et les membres de L’ONF ont été choisir les bois sur pied en forêt. Le choix s’est porté sur des bois de faible valeur marchande, délaissés par la menuiserie car le bois parfait de certains arbres est différencié (rouge pour le hêtre et le frêne).Cette différenciation du bois était le rendu souhaité par les architectes. La première difficulté a été d’évaluer le cubage de bois nécessaire pour recouvrir la surface des murs des couloirs. 80


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La seconde difficulté a été de trouver une scierie dispose du matériel et accepte de couper du feuillus. Les bois ont été ensuite transportés à la scierie Mathieu à Xonrupt. Ils ont du être coupé en weekend, en dehors de la production habituelle de la scierie, car les lames utilisées sont différentes. Les bois ont été coupés selon trois largeurs : 8, 12 et 15 cm afin d’optimiser la matière. L’étape de séchage a rencontré elle aussi quelques soucis, le frêne a été séché sur des tasseaux en chêne qui a taché, par son tanin, le bois de frêne. Le souhait était de garder les bois bruts en bardage, pour le frêne il a donc fallu le peindre pour qu’on ne voie plus les tâches. De plus, suite au séchage, des problèmes de déformations des lames de bardage ont été rencontrées car le bois de feuillus est beaucoup moins stable que du bois de résineux. Ainsi, 450 m² de bois ont été livrés sur le chantier. Il y a eu un rendement de 50% sur le bois. La pose du bardage a été faite par le lot charpente afin de faire 30% d’économie. Mais la pose n’est pas aussi propre que si elle avait été faite par le lot menuiserie car des pointes sont parfois visibles sur le bardage. Enfin, le bureau de contrôle a imposé de mettre une résine intumescente sur le bardage qui devait rester à l’origine brut. Les problèmes de tâches, et l’application de la résine n’ont pas eut beaucoup de répercutions sur le projet, si ce n’est qu’esthétique, sauf pour une salle qui n’est pas utilisée par les enseignants. Car la peinture sur le bardage bois des murs et la résine sur celui du plafond ont causés des problèmes acoustiques. En effet, les surfaces étant devenues presque lisses, les fibres du bois n’absorbent pas assez le son, ainsi la pose de pièges à sons est envisagée mais qui n’était pas prévu lors de la conception du projet car tout le bois devait rester brut. Selon Lucette Votano, l’utilisation du bois local est une opportunité pour construire autrement mais qui a un coût supplémentaire, qui demande davantage d’implication de la part de tous les membres du projet. De plus, pour ce genre de projet, sortant « du cadre » des réglementations et de la construction bois standard en résineux, les bureaux de contrôle ont du mal d’approuver les choix des architectes. 81


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5 Le périscolaire de Tendon, Julien Mussier, Claude Valentin Entretien du 09/01/2013 Construire avec les ressources locales, c'est redonner du sens à un projet. La construction en hêtre n'est pas une fin en soi. Dans ce genre de projet, chacun devient acteur dans le processus et pas seulement membre dans un projet de construction, et cette mise en réseau valorise l’action individuelle dans une politique de développement. Cela à amélioré des relations entre les acteurs car ces partenaires sont impliqués à la valorisation d'une ressource et d'un lieu. L'acte de construire est valorisé, ainsi que tous les gestes des parties prenantes de loin ou de près. Chacun y retrouve son investissement, sa contribution dans la valorisation d'un lieu. Le projet a été initié par la Chambre des Métiers et de l'Artisanat des Vosges Vosges et a proposé d'étudier la faisabilité de solutions concrètes pour valoriser des savoirs faire de la 1° transformation. Il s'agissait de penser et concevoir un système constructif pouvant apporter une valeur ajoutée et des réponses nouvelles aux petites scieries. Un comité de pilotage est créé constitué de représentants du CRITT Bois, du CAUE, de l'ENSAN-CRAI, du GIPEBLOR, de l'ENSTIB, et de l'Architecte des Bâtiments de France, etc, qui doit permette de guider le projet pour répondre à la problématique. La CMA 88, animatrice, crée le groupe de travail et permet la mise en place d'un réseau de partage de connaissances et d'expériences au sein du territoire. La concertation élargie permettra de faire connaître mutuellement les besoins de tous les acteurs de la filière (scieur, bureau d'étude bois, architecte, charpentier...). Le périscolaire de Tendon est le premier bâtiment français intégrant du hêtre local en structure. Le développement d’une filière «forêt-bois local» avec exploitation et transformation du bois, peut avoir un effet dopant sur la production forestière du territoire, conforter l'activité des entreprises de la région, et favoriser l’implantation de nouvelles activités. La plupart des scieries locales ont d'immenses savoirs-faire, une faible masse salariale, un matériel et des investissements limités. Développer de nouveaux produits autour du bois local permet d'offrir de nouveaux débouchés et une augmentation de la productivité des scieries artisanales impliquées dans la filière 82


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construction bois. Ces entreprises auront ainsi la possibilité de diversifier leurs offres et d’améliorer leur compétitivité. La construction bois, envisagée dans ce sens, permet ainsi de dynamiser le tissu artisanal de la filière forêt-bois. La mise en place d'une filière courte a été respectée. Les grumes ont été sciées et séchées dans l'entreprise Vincente à Rambervillers, à 30 km de la forêt. Les planches ont été délignées à Saint-Dié par la société Mandray, avant d'être transportées à Provenchères-sur-Favre à 55 km du chantier. La commune de Tendon souhaitait valoriser ses ressources en bois et soutenir les scieries locales à travers le projet de construction d'un périscolaire de 300 m². Au fur et à mesure de la réflexion, l'idée d'utiliser le hêtre prélevé sur place s'est imposée. Le bâtiment a fait l'objet d'une véritable expérience de conception, c’était un chantier pilote. La commune a ainsi fourni 65 m3 de hêtre. On retrouve le hêtre en structure comme élément porteur (poutres caissons), pour les cloisonnements (murs de refend), en revêtement mural intérieur et plafond, ainsi que pour les menuiseries intérieures (huisserie, parquet, escalier). Le bâtiment de Tendon a été construit en conjuguant des préoccupations liées à une valorisation architecturale des ressources locales, à l'intégration et l'interprétation d'une histoire des techniques, et à l'identité publique de ce lieu dans son paysage. Le périscolaire est un volume de caractère. Le bâtiment est pensé comme un refuge organisé sur un plan, centré autour d'un poêle et d'un escalier. La structure était pensé initialement arborescente. L'enveloppe vient recouvrir le lieu. Le souhait d’une isolation en botte de paille a posé la question de comment réaliser cette enveloppe épaisse. L’enveloppe porteuse extérieure de l’édifice est constituée par des poutrescaissons en hêtre et remplissage en bottes de paille préfabriquées en atelier. La solution des poutres-caissons recomposées est conçue sur les contraintes liées au matériau utilisant ainsi des éléments courts de hêtre. Les assemblages vis et clous sont préconisés pour s'adapter aux équipements des entreprises artisanales. Les poutrescaissons sont préfabriquées en atelier, dimensionnées en fonction des bottes de paille constituant les éléments de mur, et assemblées par la suite sur site. Leur hauteur est de 83


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350mm pour une épaisseur de 75mm. Elles sont constituées de deux montants d'ossature en hêtre coffrés par deux panneaux d'OSB3 de 15mm, vissés, assurant leur liaison. Ces montants sont chacun constitués de la superposition de deux sections de hêtre (15x135mm pour l'une et 30x 135mm pour l'autre), qui permettent de composer de grandes longueurs à partir de bois de faible longueur. Ces poutres-caissons, pouvant être réalisées par les scieurs locaux, permettent d'ouvrir le marché des produits constructifs bois vers des composants nécessitant peu de transformation du bois et de favoriser un nouveau débouché au hêtre de qualité moyenne. Le hêtre est aussi utilisé dans la constitution des murs de refend. Ils sont composés de lisses hautes et basses, de montants en épicéa (de section 45x 140mm), et de cadres de remplissage en hêtre (de section 30x120mm). Ces cadres sont réalisés à partir d'éléments de faible longueur, pour éviter les déformations du hêtre. Les planchers intérieurs sont en planches clouées en pin sylvestre, réalisés en atelier, composés de planches mises côte à côte et décalées pour créer un rythme dans les plafonds et améliorer l'acoustique des salles. Les revêtements intérieurs (murs et plafonds) sont composés de voliges en hêtre d'épaisseur 30mm, bruts de sciage. Placé devant le frein vapeur, l'assemblage se fait par feuillure. L'isolation est réalisée par des bottes de paille (1000x450x350mm). L'enveloppe extérieure en tavaillons fendus relève d'un vocabulaire ancien interprété au travers d'une géométrie contemporaine. Le tavaillon est un matériau que l'on retrouve sur de nombreux pignons de fermes vosgiennes. Au départ, les tavaillons devaient être faits en pin Weymouth de la commune, mais par manque de main-d’œuvre et de savoir-faire locaux, ceux-ci sont en mélèze de Sibérie. Les réglementations européennes et les référentiels utilisés par les bureaux de contrôles dans leur mission ne sont pas ouverts à la conception de systèmes constructifs non conventionnels ou alternatifs. A l'heure actuelle, rien n'autorise l'emploi du hêtre en construction parce qu'il fait l'objet de préjugés contestables. En revanche, depuis 2012 la paille bénéficie d'une reconnaissance officielle et de la caution des Règles Professionnelles. Beaucoup d'autres matériaux comme des pares-pluie, la laine de bois, la mousse de verre, ou encore des matériaux bio-sourcés n'ont pas encore d'Avis Technique français, alors qu'ils répondent aux exigences dans d'autres pays comme l'Allemagne ou l'Autriche. Ainsi, en cas de détails d'exécution «hors référentiel», le 84


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contrôle technique répondra par un « avis défavorable » ou proposera la procédure ATEX1. A cette échelle de projets, le coût prohibitif de ces moyens stoppe immédiatement la démarche d’innovation. Réaliser un projet autour du bois local mobilise un temps de préparation supplémentaire, une anticipation très en amont de l'opération. Il nécessite une stratégie qui associe autant le calendrier biologique de la ressource forestière que les délais impératifs du montage financier. L'innovation autour de ce thème de la construction en bois local demande du temps supplémentaire de discussions, de recherches de solutions, de tests, de validations. Le manque de connaissances autour de ce domaine à l'heure actuelle, demande un travail de recherches et mobilise chaque acteur d'autant plus

1 Procédure ATEX :

Créée à l'initiative du CSTB , l'ATEx est une procédure rapide d'évaluation technique formulée par un groupe d'experts sur tout produit, procédé ou équipement ne faisant pas encore l'objet d'un Avis technique, afin de faciliter la prise en compte de l’innovation dans la construction.

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6 Chambre des Métiers et de l’Artisanat des Vosges, Isabelle Molin Entretien du 14/03/2013 La Chambre de Métiers et de l’Artisanat des Vosges, a pour objectif d’accompagner les artisans de la filière bois sur les nouveaux marchés de la valorisation du bois dans la construction, d’apporter un appui technique aux scieurs pour qu’ils produisent une offre en matériaux et en produits bois adaptée aux besoins de la construction, à partir de la ressource forestière existante ; renforcer leur compétitivité, favoriser le développement des artisans de la deuxième transformation sur les nouveaux marchés de la construction et rénovation bois, rapprocher 1Ere et 2ème transformation sur l’approche « filière courte » initiée par différents territoires. Le but du projet « cœur de Tendon » initié par la CMA des Vosges était de proposer une alternative à la construction bois industrielle et de promouvoir les bois locaux tout en mettant en valeur les acteurs de la filière bois locale. En effet, les scieries et les entreprises locales sont de petites structures qui ne bénéficient de peu des retombées économiques du marché de la construction bois. Elles souffrent de la disparition de débouchés (concurrence du bois étranger, baisse des commandes due à la disparition d’activité en aval). Les constructions bois actuelles sont faites à partir de produits industrialisés (murs à ossature bois) et sont de plus en plus « high tech », respectant des normes de construction de plus en plus exigeantes. D’un autre côté, les scieurs soufrent d’une réputation de production de produits approximatifs en inadéquation avec les exigences actuelles. Le but de ce projet était d’obliger l’architecte à faire avec le matériau dont dispose les scieries locales afin d’inverser le schéma, d’avoir une réflexion transverse et d’apporter une meilleure connaissance de l’amont de la filière aux architectes, tout en offrant aux scieries un système constructifs qu’elles puissent fabriquer et vendre à partir des bois locaux. Pourquoi construire avec les bois locaux ? La forêt française est composée que d’1/3 de résineux, bois utilisés dans la construction bois aujourd’hui. C’est ainsi, l’opportunité de valoriser les autres bois, essentiellement des feuillus qui composent les deux autres tiers de nos ressources. De plus, le déficit de la balance commerciale du bois est de 600 000€, et cela permet d’apporter de la plus value à ces essences en les valorisant dans la construction. La forêt lorraine est ainsi très variée, ce qui est à la fois un atout et 86


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une faiblesse. Cette biodiversité permet peu de faire des produits industrialisés car seule une partie de la forêt serait exploitée. Nos forêts coutent cher à entretenir, la récolte des bois est parasite. Ainsi, les bois sont chers, plus chers que ceux de nos pays voisins. Les scieries françaises subissent donc une forte concurrence mais, malgré leur petites tailles, elles sont adaptées aux bois que l’on dispose : de petites, moyennes et grosses sections. Alors les scieries allemandes coupent des bois moyens, et la diversité des bois est oins importante. La construction bois peut s’adapter aux ressources que nous disposons en faisant preuve de bon–sens, en réemployant des savoirs-faires locaux et dans un travail de coopération afin d’offrir aux scieurs la possibilité d’étendre leur marché, tout en les accompagnants. Le projet du périscolaire de Tendon est une réponse de la mairie à un appel à projets de la chambre de métiers et de l’artisanat des Vosges. Elle a été retenue parmi 12 candidats. Un comité de pilotage a été mis en place et a contribué à la sélection du projet de Tendon. Puis un appel à candidature à la maîtrise d’œuvre a été lancé auquel il y a eu peu de réponses dont celle de HAHA Atelier d’architecture. La maitrise d’œuvre devait ainsi acceptée de relever le défi de la conception et la mise en œuvre d’un produit bois innovant à partir du bois de la commune tout en travaillant avec un comité technique. La maitrise d’œuvre a du faire un travail de recherche et de valorisation des bois courts dans la construction. Il n’existait pas d’avis technique sur la poutre-caisson avec du hêtre et des bois courts. De plus, il n’existe aucun référentiel sur le hêtre (résistance mécanique), ni de normes. Ainsi, le CRITT bois a réalisé les essais, et la caractérisation du hêtre. Grâce au CRITT bois cela a permis d’apporter la preuve que le hêtre pouvait être utilisé en structure. Le hêtre est à l’heure d’aujourd’hui en cours de caractérisation au FCBA, afin de pouvoir reproduire l’expérience. Le projet de Tendon était un projet pilote dont le but était de montrer que la filière courte est non seulement possible mais constitue une réponse pour valoriser la construction bois, du scieur au constructeur. La chambre de métiers a apporté un financement dans le cadre du pôle innovation. Ainsi toute l’innovation de ce projet (communication, CRITT Bois, Architecte sur le volet recherche) a été financée par celle-ci. Il est important d’intégrer les bureaux de contrôle dans la démarche et de montrer aux artisans qu’en travaillant avec les centres de connaissance ont pouvait trouver des solutions nouvelles. De même, un groupe de pilotes est nécessaire dans ce genre de projet afin de développer les pôles d’innovation, et ces projets. Il existe cependant un frein qui est mis par les organisateurs professionnels du bâtiment. 87


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7 Création d’un abri en forêt, Studiolada Entretien du 11/04/2013 Documents transmis : - doc présentation ESQUISSE - doc présentation APS - plans Barthes 06/03/23 - photos des arbres coupés pour le futur abri Le projet est celui d’un abri couvert de 81m², installé à proximité d’une tourbière, et de circuits de promenades, pour l’accueil de promeneurs, marcheurs, de classes vertes. Il a été initié par le Conseil Général. La structure est réalisée en planches de bois, pour un volume de bois d’environ 11m3. Elles sont issues, au départ, uniquement des stocks des ateliers municipaux (bois de la tempête de 1999 : sapin, épicéa). Afin, d’avoir une meilleur durabilité des bois susceptibles d’être au contact de l’eau, pour les poteaux par exemple, du pin sylvestre de la forêt de la commune a alors été scié. Les planches sont toutes de 27mm mais de largeurs (12 à 18 cm) et de longueurs différentes. Le projet étant réalisé en extérieur, l’utilisation de planches est possible. La structure est ainsi toujours ventilée. Pour tout autre bâtiment cette structure n’aurait pas été possible du fait de la faible épaisseur de ce bois, il brûle très vite et n’a donc pas une longue tenue au feu. La toiture est plane, recouverte d’une onduline permettant à la lumière de traverser la charpente et de créer des jeux d’ombres et de lumière. La structure en dessous crée du volume. Elle est composée d’une succession de portiques, très serrés. Les arbalétriers sont identiques et fixes, les entraits eux varient selon un décalage régulier et progressif. Le réseau de planche crée un maillage dense qui s’auto-contrevente car tout se tient ensemble. Ainsi, en toiture ce décalage crée une triangulation, sur la face longitudinale il crée des voûtes et de face les portiques sont eux même triangulés. Ainsi toutes les poussées sont toutes ramenées au sol. Enfin, ce décalage crée des ondulations sur toute la structure. 12 éléments de la structure seront réalisés au sol, puis 88


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assemblés entre eux grâce à un gabarit de montage. Ils se composent de 12 demiportiques, sur lesquels sont fixées des lisses permettant d’assembler les éléments de façon symétrique. La structure reposera sur 6 massifs de béton. L’objet s’adapte au matériau : la planche, et ainsi le système constructif a été réfléchi en fonction de celui-ci. S’adapter à la planche permet de rentabiliser les pertes car le sciage de planches crée le moins de pertes dans une grume. La structure étant dense cela permet d’accepter des bois ayant des faiblesses ponctuelles (nœuds…). Les essences sont utilisées dans la structure selon leur classe d’emploi. Le projet est un projet d’auto-construction participative. Ainsi, les « charpentiers » seront des bénévoles et des agents techniques de la ville.

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8 La halle de la Bresse, bâtiments des services techniques de Bussang, François Lausecker Entretien du 11/04/2013 Projet : HALLE COUVERTE DE LA BRESSE Documents transmis : - plans masse, coupe d’ensemble, façades, plans et coupes 1/50°, détails, vue extérieure/intérieure, - plans Houot - photos Le projet est celui d’une halle couverte de 1800 m² à la Bresse permettant d’abriter une patinoire, démontable, en hiver et accueillant des animations et expositions en toutes saisons. Le projet a été initié par la commune de La Bresse. Le souhait était aussi de créer un ouvrage permettant de valoriser le patrimoine local naturel et d’ajouter une valeur ajoutée au bois Vosgien. La structure a une portée de 22m. Des bois ronds sont utilisés. Ce sont de bois issus d’éclaircies, de faibles diamètres. En collaboration avec les techniciens et ingénieurs des eaux et forêt, ils ont été soigneusement choisis en privilégiant d’abord l’utilisation de bois provenant de la tempête de 1999. Ces bois ont été coupés en altitude, à 800 900m, sur une face Nord, ayant une conicité inférieure à 5cm/m. Ainsi, ces bois ont un accroissement plus serré du fait de leur poussée en altitude. De plus, ces arbres ayant été au Nord, ils ont peu subit le vent et sont donc les cernes c’accroissement sont mieux centrées. La charpente se compose de 11 portiques, de pannes et de deux couches de voliges. Sapins et Epicéa constituent l'ossature et la charpente de cette structure. La couverture est en acier inoxydable. Le bâtiment d'accueil est en panneaux ossature et bardage bois pour les murs extérieurs et les refends, et en panneaux bois reconstitués pour la sous-toiture. Les portiques se composent d’une poutre triangulée, et de poteaux. La poutre est réalisée à partir de 14 éléments de bois différents assemblés ensemble comme un jeu de mécano. Les pièces sont assemblées en âme entres elles par des connecteurs métalliques. Cette technique permet de changer des éléments de la structure en cas d’usure. Des pièces courtes de 16, 18 et 20 cm de diamètre sont utilisés afin de valoriser toute la grume de bois. Les bois est utilisé en temps que tel et 90


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sont bruts simplement écorcés, tournés et séchés, permettant de réduire les chutes. Les pointes des arbres ont été valorisées pour faire la deuxième couche de volige. Les deux couches de voliges apportent un effet « coque » sur la structure, apportant une meilleure résistance de la toiture. Les poteaux des portiques sont constitués eux-mêmes de 4 poteaux de bois de 20cm de diamètre. Aucun logiciel n’a permit de calculer la répartition des charges sur ces 4 poteaux ainsi ceux-ci sont assemblés ensembles par un fer de 4m de haut. Ainsi, ce genre de projet en bois local sont très tributaires des logiciels de calcul et des bureaux de contrôle. Afin d’imposer le bois local pour la construction de la halle, il a fallu préciser que le bois était fournit par la commune. Le projet a connu des difficultés lors de sont lancement car de grands industriels de lamellé-collé ce sont opposés au projet, voyant d’un mauvais œil que la structure d’une grande portée soit réalisée à partir de bois ronds. Le montage de la structure a été difficile. Les portiques ont été manipulés avec deux élévateurs, une machine à chaque extrémité afin d'éviter toute déformation de la structure au levage. La communication autour de ce genre de projet est très importante et fait parler du bois local, tout en faisant avancer l’innovation. Le bilan carbone est également très satisfaisant sur cette opération. En effet, ce projet a été conçu à partir du bois disponible au niveau local, qui a coûté très peu en transformation. Habituellement, on compte un tiers de chutes sur une grume classique. Ici, il y a eu beaucoup moins de gâchis puisque les bois ont été simplement fraisés.Au titre du transport également, ce projet a montré que les filières courtes étaient viables. L’approvisionnement local a ainsi permis d'économiser de l'énergie grise. De plus, par leur ancienneté ( leur gros diamètre) et leur altitude, certains bois du pays Vosgien présentent une qualité équivalente à ceux de la Scandinavie.

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Projet : SERVICES TECHNIQUES DE BUSSANG Documents transmis : - plans masse, coupe d’ensemble, façades, plans et coupes 1/50°, détails, vue extérieure/intérieure, - plans Act Bois - photos Le projet est celui de la construction de bâtiments (abri à sel et engins, bureaux) pour les services techniques, en bois 100% local. La toiture des bureaux de 190m² est une toiture végétalisée, les autres sont en inox. L’utilisation des bois des forêts Vosgiennes est déclinée. Le bardage extérieur est composé de planches brutes de sciage d’épicéa, de même que les revêtements intérieurs. La charpente est constituée de fermes industrielles réalisées à partir de bois massif d’épicéa par un système moisant. Les murs sont des en ossature bois (60x200mm) d’épicéa. De même que le projet de la halle de la Bresse, lors de l’appel d’offres il a été précisé que le bois utilisé était celui de la commune. Le but du projet était aussi de faire travailler tous les acteurs de la filière locale bois. La filière bois française est en retard, mal organisée par rapport à ses pays voisins, et les bois ne sont pas toujours séchés ; c’est pourquoi il est nécessaire de s’adapter aux produits et aux acteurs de cette filière lors de la conception, et d’accompagner ceux-ci afin de les aider à se diversifier et se développer. De plus, dans ce genre de projet les rapports humains sont très présents et enrichissants. Il y a une forte implication des élus, et des acteurs locaux, des échanges importants rapprochant tous ces acteurs.

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9 FCBA, Jacques Boulay Entretien du 12/04/2013 Dans le projet du périscolaire de Tendon, la CMA est à l’origine du projet. Elle est intervenue dans le choix du maitre d’ouvrage, du maitre d’œuvre et a créé un cahier des charges précis pour les choisir. Le but de ce projet était de concevoir un produit constructif en valorisant le bois local et apporter une valeur ajoutée aux petites scieries. Le produit constructif devait être facilement réalisable par les scieries artisanales, tout en intégrant du feuillu en structure. La CMA a gérée toute l’animation et la communication autour du projet. Le souhait était de réunir autour de la table les scieurs, charpentiers, architectes, agent ONF afin de mesurer les attentes sur le projet, les potentialités. Le bois de hêtre s’est imposé car la commune disposait d’une grande quantité de bois dont ils ne savent que faire. Dans le marché public on ne peut imposer le bois local. Et ainsi, la commune mettait à disposition ses propres biens. De même, la question de la traçabilité est importante. Comment prouver que le bois utilisé est du bois local ? La commune est restée toujours propriétaire de ses bois. Elle a payée à la scierie une prestation de sciage et de rabotage. Contrairement au déroulement d’une construction bois classique, ce n’est pas la scierie qui achète le bois, le transforme et le revend. De même, une prestation de découpe a été demandée, en fonction des débits demandés. L’engagement humain est très présent dans ce type de projet, et il est à l’origine de sa réussite. On a renouveler la vraie place des protagonistes entre-eux, leur rôle fédérateur, ses responsabilités. Chacun a retrouvé sa place, naturelle et légitime, dans un groupe où chacun est acteur dans le projet. Le CRITT Bois a été important dans le déroulement du projet, il a été un soutient et a permis la validation de système constructif afin que la conception soit validée par le bureau de contrôle se basant ainsi sur les notes de calculs et les essais à la rupture. La caractérisation du hêtre est en cours au FCBA.

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Le projet du périscolaire de Tendon est une vraie réflexion sur le bois local, permettant de trouver des alternatives et des débouchées pour des essences peu ou mal valorisées. Le FCBA est un outil au service des entreprises du secteur de la filière bois. La recherche, l'innovation, le développement des entreprises, l'information, la consultance, la formation, la normalisation et la certification sont ses principaux métiers. Sa mission est de promouvoir le progrès technique, de participer à l'amélioration du rendement et à la garantie de la qualité dans l'industrie. La caractérisation du hêtre et du bouleau sont en cours. La ressource étant très variée, la construction en bois local permet de faire connaitre des essences locales, des styles architecturaux dépendant du système constructif. Le sapin vosgien est un bois de très bonne qualité (C32), ce sont des gros bois. Il est important de trouver des projets qui vont savoir l’utiliser à sa juste mesure. La construction en bois local doit amener à réfléchir sur les caractéristiques du bois qui s’est adapté aux conditions locales. Pour les architectes, il est important de faire un travail des connaissances des essences, et des limites du matériau. Cependant, la construction en bois local crée une micro-économie, apporte une activité locale. Mais si les scieurs répondent qu’à des marchés en bois local, il va avoir un appauvrissement des grands flux de marché. Le bois est un marché national et international, il faut donc lui apporter le maximum de plus value, et donc transformer le bois plutôt que de le vendre en grumes. La construction en bois local doit rester une alternative à la construction en bois classique, et doit être créateur de richesses. Le but est d’innover avec la connaissance artisanale. Pour le projet du périscolaire de Tendon, le but final était de voir s’il était possible de développer le système constructif, par des certifications, des validations et voir si économiquement ce système est valable, si les scieries peuvent développer ce produit. Attention à ne pas vouloir trouver à un bois local une débouchée qui n’est pas adaptée à l’essence, il faut une juste utilisation du matériau. La construction en bois 94


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local permet ainsi un nouveau tri du bois. L’utilisation du bois local est souvent faite pour le bardage, qui représente un volume de bois non négligeable. La construction en bois local n’est pas chose nouvelle. On redécouvre quelque chose que l’on faisait déjà avant, localement. C’est une réflexion sur le bon-sens. De nombreux bâtiments ont utilisés des ressources locales dans leur charpente. D’un point de vue économique la construction en bois local est relativement chère due au côté expérimental de la démarche. Ce surcoût est du au travail de recherches, de calculs, d’essais fait. Ces projets seront économiquement viables par la suite lorsque ces nouveaux systèmes seront validés. De nouveaux produits en bois local : - Schilliger : panneaux en bois massifs contre collés. Installés en Alsace, la société Suisse produit des panneaux concurrents au KLH à partir de bois provenant des forêts Vosgienne. La récolte et la scierie sont locales mais la transformation en panneaux se fait en Suisse. - LINEAZEN : c’est jeune société française innovante dans le domaine de la construction qui conçoit et fabrique des panneaux lamellés croisés de hêtre ou de bambou.

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10 Réseau rural régional de Franche-Comté Réunion du 16/04/2013 Réunion organisée par le réseau rural régional de Franche-Comté, Val de Semouse Elus de la commune Lydie BOISSE Christine WENGER BIDOYEN CAUE Haute Saône Mickael POISSONNET chargé de mission des communes forestières Johann ASS ADIB Claude VALENTIN architecte M PELTIER constructeur …. Valorisation des bois des massifs comtois dans la construction publique Intégrer du bois local dans une construction publique s’envisage dès la définition du programme et se confirme lors des études d’esquisse et d’avant-projet et donc très en amont du projet. Cette volonté en s’exprimant très tôt facilite la recherche de solutions par le maître d’œuvre et son équipe. Mickael POISSONNET Cette action consiste à rapprocher les communes qui ont une fonction de producteur de bois et une fonction de maître d’ouvrage public, des acteurs de la construction et les concepteurs de bâtiments (architecte, ingénieur) pour intégrer les bois issus de leur forêt dans leurs propres projets. Cette méthode qui se veut expérimentale vise à définir les méthodes, les outils et les préconisations pour valoriser, en circuit court, les essences des massifs forestiers de la région dans les constructions publiques en bois. La ressource forestière est un levier de développement. L’objectif de cette action est de générer des dynamiques de valeur ajoutée, de décloisonner les différents compartiments de la filière de l’amont à l’aval. En Franche-Comté, 97% des communes sont propriétaires de forêts d’une surface moyenne de 200ha. Ces forêts produisent du bois d’œuvre de qualité. Sur le Val de Semouse, il est possible de développer un circuit court. Le Jura possède beaucoup de sapin et d’épicéa et la réflexion porte sur ces bois. 96


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Johann ASS La construction bois représente 3% des permis de construire déposés aujourd’hui. La construction bois en Franche-Comté représente 20% des constructions réalisées. La construction à ossature bois représente 66% du marché, 16% pour le bois empilé, 15% pour le poteau poutre et 3% pour la construction en panneaux massifs de bois. La construction à ossature bois utilise des bois de petites sections, séchés et rabotés et pourrait employer des bois locaux. La filière bois française connait quelque difficulté car elle est cloisonnée, mal organisée. La qualité des bois transformés finis sont de meilleur qualité en Allemagne par exemple qu’en France. La longévité des constructions en bois pose le problème d’utiliser les bois locaux sans traitement. Quel avenir pour ces bois ? La mise en œuvre du bois est plus importante que la longévité du bois car si le matériau est bien mis en œuvre il dure plus longtemps. Le vieillissement du bois est différent selon l’orientation des façades. Les bois locaux peuvent être utilisés en structure, pour les parements intérieurs et extérieurs, pour les aménagements intérieurs et extérieurs, pour le mobilier. L’utilisation multiple des bois locaux dans le bâtiment est un grand pas dans la construction actuelle. On constate une forte implication, investissement, appropriation des acteurs de la filière dans ce genre de projets, un fort intérêt pour la culture locale. La conception doit répondre à des normes de construction, il faut donc trouver des systèmes constructifs en bois local pour respecter ces normes. Le travail en collaboration avec des centres de recherches, des bureaux d’étude permet un appui, et de trouver des solutions et des validations. Le choix du bureau de contrôle est aussi déterminant. Il faut qu’il ait une connaissance de la construction bois. Les bureaux de contrôle sont aujourd’hui un frein à l’innovation car ils respectent des habitudes et des conventions. La réglementation a engendrée des catalogues pour construire et a établie des solutions constructives. La logique des ces bureaux de contrôle est calquée sur la construction en béton. Le FCBA et le CRITT Bois sont des organismes qui peuvent compenser, contourner les exigences du bureau de contrôle et apporter les preuves et les solutions. 97


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La construction en bois local génère beaucoup de transversabilité entre les acteurs de la filière. Christine WENGER BIDOYEN La construction en bois local n’est pas chose nouvelle. Elle occupe une place importante dans la construction traditionnelle à des degrés divers selon les « pays » de la Franche-Comté. L’architecture à pans de bois en est un exemple et est très répandue en Franche-Comté depuis le Moyen-âge. Certaines fermes comtoises sont couvertes de planches fabriquées par les paysans eux-mêmes clouées sur des poteaux et traverses de la charpente. Dans ces maisons les cloisons intérieures sont en sapin, solidement fixées aux piliers du même bois qui s’élèvent jusqu’au faîte et qui soutiennent la charpente et le toit. Les tavaillons sont un autre exemple très répandu. Cette technique caractéristique de l’architecture rurale existe toujours et peu s’adapter à des formes très complexes, plus modernes. Les tavaillons étaient souvent fabriqués par les agriculteurs eux-mêmes. Le bois est un matériau de construction qui existe partout. Sa proximité en fait un matériau facile à transporter, relativement léger et de faible coût. Ses qualités d’isolant thermique sont réputées depuis longtemps. Le bâti en bois reste souple et sa résistance aux séismes est bien connue. Des travaux de recherche renouvellent actuellement radicalement les formes architecturales de la construction bois. Lydie BOISSE 100 constructions publiques en bois local L’objectif est de montrer que l’on peut construire des bâtiments en bois local, tout en accompagnant le maître d’ouvrage pour trouver des solutions pour construire en bois local. Pour cela ils vérifient l’adéquation entre la ressource disponible, le projet, les acteurs, aident dans le choix du maître d’œuvre qui intègre les compétences nécessaires pour mener à bien le projet en bois local. Exemples : St Jean d’Arvey Le projet est né de la volonté du conseil municipal de valoriser le sapin de la commune avec les entreprises locales. 280 m3 de sciage de sapin de bois valorisé. IL a 98


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cependant été difficile de trouver des entreprises qui jouent le jeu de la construction en bois local. La commande passée à l’architecte, retenu à l’issue d’un concours, a été formulée en ce sens : concevoir un bâtiment valorisant les bois de la forêt communale de Saint-Jean d’Arvey et ne consommant pas plus de 45 kWh/m²/an. La réponse architecturale est constituée d’une structure sur 3 niveaux distincts, accessibles de plein pied et séparés en 2 parties : un noyau central longitudinal en béton qui regroupe l’ensemble des pièces humides, techniques et les gaines des réseaux divers. Ce noyau assure le contreventement et la tenue au séisme de la structure bois massif. Et la seconde partie est la structure en bois massif qui vient entourer le noyau central en béton pour former les planchers et les façades des 4 entités du programme. Le sapin est présent dans les dalles bois béton, les panneaux d’ossature et les résilles. Le bardage est en mélèze, les menuiseries en pin sylvestre (bois des Alpes). C’est un des premiers bâtiments en bois local, le but était de montrer l’exemple. La commune est restée propriétaire des bois et a payé une prestation de sciage. La Boiserie, salle polyvalente de Mazan Le projet est une proposition du couple architecte/bureau d’étude bois de construire en bois local. Du cèdre est utilisé pour les brise-soleils, du pin noir pur la structure. Plateforme bois énergie à la Mouille Réflexion portée sur les bois du Haut Jura et d’une optimisation de ceux-ci. La structure est réalisée à partir de grumes écorcées. Une scierie, et les entreprises locales ont travaillés sur le projet. Les coûts pour ce projet de hangar sont maitrisés. Atelier communal à Barrème Le maître d’ouvrage souhaitait valoriser les ressources locales : pin et mélèze. 315m3 de grumes ont été utilisées dont 280m3 de pin sylvestre. Maison de la forêt et du bois, plateforme Ecosite forest à la Salvetat sur Agout Module prêt à habiter en douglas, destiné à du logement social. La ressource et le système constructifs sont adaptés aux savoirs-faire des entreprises locales et le système est reproductible.

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Claude VALENTIN M PELTIER Le périscolaire de Tendon a pour but de mettre en valeur les scieries locales et de les soutenir car les scieries lorraines sont fragiles et beaucoup fermes chaque année. Le but a été de repenser les techniques de construction bois. La forme du bâtiment est complexe, non standard et ne favorise pas les systèmes répétitifs de l’industrie. Grâce a un dispositif technique, la caractérisation du hêtre a pu être faite ainsi que des essais. Le hêtre a ainsi été utilisé pour l’ossature des caissons, du mur de refend, en parement intérieur, en parquet traditionnel. Le parement est composé de planches de hêtre épaisses d’une certaine épaisseur permettant de répondre aux normes incendie vis-à-vis de la combustion du bois. Ces planches sont des bois de second choix et cela permet de valoriser l’ensemble de la ressource quelle que soit la qualité. Le parement extérieur est composé de tavaillons de mélèze. Il n’a pas été possible dans le temps voulu de trouver ou de faire faire des tavaillons en bois local. Le hêtre a ainsi eut divers emplois afin de renforcer l’économie de l’essence. Les bois employés sont des bois courts à cause de la nervosité du bois. Le matériau a été pris en compte très tôt dans le projet car il conditionne le projet et sa faisabilité. . Le projet a pris en compte la faisabilité économique. La conception du bâtiment s’est transformée en un véritable laboratoire de recherches. Le projet a eut un surcoût du fait des tests réalisés. Ce surcoût est ainsi du à la recherche de développement tout au long de la phase de conception. Il est donc important de capitaliser les acquis de ce projet à un autre. La construction en bois local est aussi l’occasion d’élargir la réflexion à l’échelle du territoire, dans une démarche globale. Le but est de retisser des liens avec le territoire et les acteurs de la filière bois. Elle permet de recréer des habitudes de travail et de décloisonner la filière bois. Le projet a demandé de l’anticipation, notamment pour la coupe des arbres avant la montée de sève. La motivation de tous est motrice du projet. L’architecte a un rôle de pilotage assez important. Le projet a développé un système constructif et surtout une démarche qui est reproductible. La construction en bois local, c’est construire à partir de savoir-faire universels mais avec une ressource locale. 100


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