TA M MAATT C e n t r e d ’ a r t c o n t e m p Coernatirne ddu’ a tr et xctoinl et e m p o r a i n d u t01 extile
Les collections
Tamat, Les collections du TAMAT sont le reflet des Centre d’art contemporain mutations stylistiques qui se sont produites en du textile de la Fédération Europe depuis la fin du Moyen-Âge jusqu’à nos jours. Plus de trois cent pièces résument ainsi six siècles Wallonie-Bruxelles 03 de textile. Recherches 14 Olivier Reman Soul K. Cyril Bihain Sahar Saâdaoui Nathalie Van de Walle Caroline Gilleman Olivia Mortier Céline Prestavoine
Art ancien La ville de Tournai possède neuf tapisseries admirables témoignant du savoir-faire des lissiers tournaisiens des xve et xvie siècles. Celles-ci se complètent par une tapisserie appartenant à la Fédération Wallonie-Bruxelles relatant l’histoire d’Abraham.
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Art moderne Le groupe “Forces Murales” est particulièrement bien représenté au TAMAT. Les tapisseries de Roger Somville, Louis Deltour et Edmond Dubrunfaut révèlent le souffle nouveau qui fut présent dans notre pays dès l’immédiate après-guerre. Le TAMAT présente également des œuvres d’artistes qui n’ont jamais été membres des “Forces Murales” mais qui, stylistiquement, s’apparentent aux mouvements de la seconde moitié du xxe siècle (Gustave Camus, Robert Degenève, Jules Lismonde, Michel Holyman, Liliane Badin, José Crunelle, Zéphir Busine, Joseph Lacasse, Pierre Caille, etc).
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Art contemporain Les œuvres textiles des artistes contemporains permettent de découvrir la diversité des langages et des approches (Wierusz Kowalski Tapta, Yves Primault, Juliette Roussef, Martine Dolly, Marie-Jo Lafontaine, Edith Dekindt, Diane Didier, Patrice Hugues, Carole Simard Laflamme, Christine Hamoir, Monica Droste, etc).
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TAMAT CENTRE d’art CONTEMPORAIN Du TEXTILE DE LA FÉDÉRATION WALLONIE-BRUXELLES — RECHERCHES 14
Les collections
Le Centre d’art contemporain du textile TAMAT, accueille une année durant au sein de ses ateliers des artistes qui poursuivent un projet artistique en lien avec l’art textile. Celui-ci s’agence bien au delà de la frontière des pratiques et des styles. Bien plus que le matériau stricto sensu, c’est « l’esprit textile » de l’artiste sélectionné qui détermine son adéquation au Centre de Recherches et d’Expérimentations du TAMAT. Vidéastes, céramistes, performeurs, sculpteurs, photographes, textile designer, stylistes, peintres, dessinateurs, etc ont ainsi pu entreprendre des démarches jusqu’alors inédites dans leur production artistique.
Art ancien La ville de Tournai possède neuf tapisseries admirables témoignant du savoir-faire des lissiers tournaisiens des xve et xvie siècles. Celles-ci se complètent par une tapisserie appartenant à la Fédération WallonieBruxelles relatant l’histoire d’Abraham.
Certains, restés fidèles aux techniques ancestrales de la tapisserie et du tissage s’étonneront de l’embardée proposée. En guise de réponse succinte, ceux-ci se souviendront des incontournables Biennales de Lausanne qui révèlèrent l’art textile sous des jours totalement neufs. Dans la lignée de l’évolution des codes de l’art contemporain, l’art textile n’a pas manqué de transgresser des concepts fondamentaux et fut, à cet égard, démantelé pour être reformulé maintes fois grâce aux caractères mouvants de la créativité des artistes. Notre époque affranchie de toutes les étroitesses d’esprit souffle un vent de liberté et ne permet plus de cloisonner les pratiques comme on a pu le faire jadis. Que du contraire, les alchimies s’organisent tant et si bien que de plus en plus nombreux sont les plasticiens qui puisent dans le textile pour parfaire leur démarche. Et réciproquement ! Les trois département Structure / Tapisserie / Textile créés par les membres fondateurs du Centre de Recherches et d’Expérimen-tations ne sont pas des clivages mais des passerelles. Cette année d’exploration est vécue par l’artiste comme une opportunité temporelle de se consacrer pleinement à son travail. Il peut dès lors se décharger de certains tracas et approfondir des pistes de réflexion hors de son sentier battu. À ce jour, un tel Centre de Recherches et d’Expérimentations reste unique en Fédération Wallonie-Bruxelles. Valérie Bacart, directrice
Les collections du TAMAT sont le reflet des mutations stylistiques qui se sont produites en Europe depuis la fin du Moyen Âge jusqu’à nos jours. Plus de trois cents pièces résument ainsi six siècles de textile.
Art moderne Le groupe “Forces Murales” est particulièrement bien représenté au TAMAT. Les tapisseries de Roger Somville, Louis Deltour et Edmond Dubrunfaut révèlent le souffle nouveau qui fut présent dans notre pays dès l’immédiate après-guerre. Le TAMAT présente également des œuvres d’artistes qui n’ont jamais été membres des “Forces Murales” mais qui, stylistiquement, s’apparentent aux mouvements de la seconde moitié du xxe siècle (Gustave Camus, Robert Degenève, Jules Lismonde, Michel Holyman, Liliane Badin, José Crunelle, Zéphir Busine, Joseph Lacasse, Pierre Caille, etc). Art contemporain Les œuvres textiles des artistes contemporains permettent de découvrir la diversité des langages et des approches (Wierusz Kowalski Tapta, Yves Primault, Juliette Rousseff, Martine Dolly, Marie-Jo Lafontaine, Edith Dekyndt, Diane Didier, Patrice Hugues, Carole Simard Laflamme, Christine Hamoir, Monica Droste, etc).
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L’atelier de conservation – restauration
Le centre de documentation et d’études
Le travail du conservateur-restaurateur, au-delà de la patience face à une pièce dont il faut préserver la fibre, est de transmettre à chacun passant la porte de l’atelier, les techniques existantes mais aussi le respect de l’œuvre.
Le centre de documentation et d’études est spécialisé dans les domaines de la tapisserie, des arts du tissu, des arts muraux et de l’art textile contemporain en général. Il met à la disposition du public catalogues d’expositions, livres d’art, périodiques et dossiers d’artistes.
Ouvert depuis 1986, l’atelier du TAMAT conserve et restaure des tapisseries et des textiles anciens et contemporains. Respectant les normes établies dans le domaine de la conservation textile, l’atelier gère les collections présentes au TAMAT ainsi que les œuvres mises en dépôt dans d’autres institutions. Il a acquis au fil du temps une excellente renommée dans le traitement des textiles, au niveau de la conservation et de la restauration proprement dite. Visite Loin d’être un lieu hermétique et clos, l’atelier est accessible aux visiteurs. Les restaurateurs vous y accueillent et vous expliqueront les différentes étapes de restauration d’une tapisserie. Devis L’atelier de conservation-restauration accepte les commandes privées et publiques. Un devis gratuit est établi sur simple demande. — Yves Dupont, conservateur-restaurateur — Fabienne Misson, conservatrice-restauratrice Pour toute question concernant les devis ou les visites : restauration@tamat.be
Il se veut un pôle de recherches et de consultations spécifique et incontournable pour tout lecteur, étudiant, chercheur ou amateur, intéressé aussi bien par l’art du passé que par les tendances les plus contemporaines. Une recherche documentaire est possible par thème, noms d’artistes ou ateliers liciers. Des études historiques, biographiques sur des artistes, cartonniers, tapisseries anciennes… peuvent être réalisées sur demande. La consultation des ouvrages se fait sur place, et sur rendez-vous préalable les lundi, mardi, jeudi et vendredi. Contact Béatrice Pennant, historienne de l’art et responsable du centre de documentation et d’études. bpennant@tamat.be
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Pierre Caille Six personnages déguisés Broderie, ASBL Pierre Caille, © Fabienne Misson
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Nathalie Pochet L’Anarchiste Collection de la Fédération Wallonie-Bruxelles, © Fabienne Misson
Les visites thématiques La visite commentée permet d’aborder l’ensemble des collections exposées en un parcours menant des tapisseries anciennes de Tournai du xve et xvie siècle aux œuvres modernes et à l’art textile contemporain. Des visites spécifiques aux approches thématiques ciblées dévoilent certains aspects méconnus des œuvres présentées. Une manière de découvrir autrement les collections. — La mode vestimentaire aux xve et xvie siècles — 60 ans de tapisseries et de créations textiles — Matériaux et techniques innovantes — Entre histoire et mythe, politique et société, expérimentations et recherches techniques…
Diane Didier Autoportrait Collection de l’artiste, © Fabienne Misson
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Les ateliers de recherches et d’expérimentations La recherche et l’aide aux créateurs sont des axes de travail essentiels au sein du TAMAT. Huit artistes viennent y travailler durant une année dans des ateliers mis à leur disposition. Les bourses de recherches, subventionnées par la Fédération Wallonie-Bruxelles et la province de Hainaut, sont pour les artistes sélectionnés l’occasion de travailler dans un environnement propice. Outre la bourse, ils sont accompagnés par des directeurs artistiques et des chefs d’atelier qui portent un regard réflexif sur leurs expérimentations. Une année de recherches au TAMAT offre l’opportunité de produire un travail au sein d’une structure dynamique, en phase avec une vision contemporaine de l’art textile. Pour le TAMAT, c’est, à long terme, la chance d’être générateur de talents et d’acquérir une reconnaissance internationale du savoir-faire de nos artistes.
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Comment postuler Une bourse mensuelle est accordée pour une période de douze mois, du 1er novembre au 31 octobre. Les dossiers de candidature sont remis au TAMAT au plus tard le 17 mai par mail au format pdf et par voie postale au format papier A4. Le dossier de candidature, de maximum dix pages, devra contenir : — Un programme de recherche motivé dont l’intérêt est lié au textile, dans sa plus large interprétation (deux pages). — Une documentation sur les œuvres et/ou le travail réalisés. — Un curriculum vitae qui précise les cycles d’études terminées ou en cours (TAMAT reste ouvert à l’examen de candidatures d’autodidactes) Chaque année, les ateliers de recherches et d’expérimentations ouvrent leurs portes au public le 1er mardi du mois d’avril.
Au terme de l’année de bourse, une exposition est organisée afin de présenter au public les pistes explorées par les artistes et marquer l’aboutissement de cette expérience. Un catalogue largement illustré est édité à cette occasion. Il ne s’agit toutefois pas d’une résidence, le logement des boursiers n’étant pas pris en charge.
Jill Vandenberghe Recherches 13 © Fabienne Misson
Stephan Goldrajch Recherches 13 © Fabienne Misson — Ci-contre Ata Callori Recherches 05 © Fabienne Misson
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Liste des boursiers depuis 1981 Yolande Devaux Joëlle Lemaire Magdelaine Avignon Françoise Colpé Chantal de Jaeger Marguerite Everaerts Chantal Hainaut Colombe Roulin Martine Dolly Michel François Fabienne Collet Anne-véronica Janssens Monika Droste Marie-Odile Salmon Candas Myriam Hick Marie-Christine Jorgensen Francine Claeys Philippe De Tender Brigitte Elias Monique Huntzinger Anne Lobet Herman Luyckfasseel Nathalie Mortier Christine Wilmes Yves Primault Violaine Vande Pitte Brigitte Thelen Janine Wesel-Posschelle Anne Gourdin Evelyne Dubuc Eva Korczak-Tomaszewska Catherine Pleyers Brigitte Leclercq Joanne Allen Danièle Cochard Isabelle Glansdorff Dominique Licoppe Marion Muller-Purnode Veerle Pinckers Salvatore Silitti Gladys Zalazar Edith Dekyndt Anne Delnoij Laurence Dervaux Jef Dubois Dominique Pelgrims Marie-Thérèse Prégardien Véronique de Barquin Abdellah Benmerienne Michel Cleempoel Daniela Corradini Marie-Line Debliquy Yolande Pistone Patricia Urfels Angel Vergara Karin Deknop Dani Tambour Emilio Lopez-Menchero Emile Desmedt Catherine Balthazar Chantal Reiter Chris Straetling Eric Müller
C e n t r e d ’ a r t c o n t e m p o r a i n d u t e x t i l e Victoire Dagadou Emmanuelle Debras Caroline Fallon Patrick Guaffi Patrick Guns Pascale Loiseau Muriel Loth Sophie Pirson Francis Capes Krystyna Celej Amalia de Lorenzi Corinne Delsaux Pierre-Henry Leman Anne Mortiaux Isabelle Ravet Véronique Sabban Ariane Van Dyck Thomas Beckers Valérie Chuffart Luc Druez Gérard Larock France Marichal Woon-Sun Pasteels Annick Schotte Nathalie Vanlippevelde Amina Boujeddaïne Didier Mouton Caty Gilissen Cathy Péraux Francis Linden Marie-Dominique Ponette Valérie Vancampenhout Pascale Flock Christiane Namèche Cathy Philippe Didier Pické Valérie Pollet Tom Decanter Juan Paparella Joël Wilmotte Leslie Deconinck Monique Houtart M’Hammed Nouara Sandra d’Addazio Bénédicte Branquart Véronique Carlier Boris Grégoire Jean-Marc Liben-Steyns Sylvie Ronflette Jean-Pierre Cogels Michal Gilboa Isabelle Lebeau Pénélope Garnier Maureen Ginion Déborah Paris Bénédicte Henderick Lara Olchanetzky Orly Quirico Dottin Marc Bourgeois Valérie Hardenne Charlyne Misplon Dorothée Catry Tony Delcampe Cécile Poblon Jacques André Sabine De Coninck Valérie Travers Isabel Almeida Nicolas Bollinger
Gudny-Rosa Ingimarsdottir Virginie Leclercq Yves Lecomte Sylvie Pichrist Christèle Simonard Véronique Van Mol Claude Yernaux Catherine Amathéü Stéphane Balleux Pelussa Salazar Sandrine Rombaux Laetitia Marien Laurette Atrux-Tallau Frédéric Gaillard Nadia Corazzini Anne Orban Maya Tell-Nohet Tony Di Napoli Billie Mertens Emmanuel Grenard Véronique Grauls Fanny Glineur Edurne Rubio Elodie Moreau Reiko Takizawa Pierre de Cafmeyer Vincent Batens Delphine Jenicot Gauthier Hubert Béatrice Coppieters’t Walant Katell Plisnier Anne Crousse Delphine Ferin Caroline Dhenry Sandra Przyczynski Barbara Kabot Jack Keguenne Olivier Gilson Françoise Dury Gille Delhaye Yeung-Fun Yuen Yasmina Laazaoui Vincent Beeckman Alain Bornain Anne-Sophie Georges Tamara Louis Hye-Young Oh Olivier Pitot Benoit Platéus Brigitte Ribaucourt Roxana Stoleru Marie Collard Olivier Devos Hugues Dubuisson Nadia Kever Valérie Lemal Capucine Levie Géraldine Miesse Roberta Miss Godelieve Vandamme Aya Callori Didier Decoux Pauline Grilliat Anne Liebhaberg Eirene Mavodones Valéria Nagy Piotr Osuszkiewicz Léopoldine Roux
08 Thérèse Dartois Ulla Hase Stéphane Martello Amélie Vancoppenolle Anne-Sophie Feyers Ludovic Ledent Nathalie Canivet Elodie Antoine Lysiane Bourdon Aurore Vandember Tessy Bauer Macrus Bering Emmanuelle Flandre Isabelle Francis Jie Chang Sandra Laouadi Marta Mo Gomila Roger Remacle Aurélie Sombret Evelyne De Behr Manuel Perez Canteria Idiko Hetesi Tatiana Bohm Saiko Ashida Antonin Bachet Inger Elisabeth Gleditsch Caroline Léger Myriam Hequet Maria Fernanda Guzman Maren Dubnick Sandra Biwer Julie Menuge Niki Kokkinos Hélène Machin Jêrome Giller Audrey Finet Samuel Coisne Mathieu Boxho Pauline Cornu Nolwenn De Couesnongle Hélène de Gottal Nicolas Grimaud Mira Podmanicka Romina Remmo Azilys Romane Cathy Alvarez Valle Benoît Carpentier Nicolas Clément Frédéric Denis Pierre-Alexis Deschamps Nathalie Guilmot Anna Katharina Tretter Vanessa Vollmar Anne Bertinchamps Stéphanie Croibien Dany Danino Antonine Gougeau Julie Krakowski Alice Pilastre Ada Rajszys Erika Vancouver Vincent Chenut Olivia Clément Frédéric Degand Stephan Goldrajch Eric « Willy » Meunier Jill Vandenberghe Valérie Vaubourg Kathleen Vossen
T A M A T Vincent Chenut Recherches 13 — Frédéric Degand Recherches 13 © Fabienne Misson
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A t e l i e r T a pSi os us el irriae K e r r i
Olivier REMAN Quelques vieilles cités déclinantes et seules, De qui les clochers sont de moroses aïeules, Ont tout autour une ceinture de remparts. Ceinture de tristesse et de monotonie, Ceinture de fossés taris, d’herbe jaunie Où sonnent des clairons comme pour des départs, Vibrations de cuivre incessamment décrues ; Tandis qu’au loin, sur les talus, quelques recrues Vont et viennent dans la même ombre au battement Monotone d’un seul tambour mélancolique… Remparts désormais nuls ! Citadelle qui ment ! Glacis démantelés, (ah ! ce nom symbolique !) Car c’est vraiment glacé, c’est vraiment glacial Ces manoeuvres sur les glacis des villes vieilles, Au rythme d’un tambour à peine martial Et qui semble une ruche où meurent des abeilles ! Georges Rodenbach Le Règne du silence, 1891 VIII
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S o u l i r aT AKMe rArTi
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Olivier Reman nous met dans la situation d’un voyageur, d’un pèlerin arrivant aux portes d’une illustre cité du Nord avec ses remparts, ses tours, ses clochers effilés. Ce sont ces paysages magiques et léthargiques qui l’inspirent et qu’il retranscrit telles des miniatures, des « cartes postales » d’une époque révolue. En mélangeant matières nobles et ordinaires, il crée des paysages empreints de magie et de mystère ; là, il invite notre regard à s’attarder sur le reflet de l’or dans un ciel gris, sur l’ombre d’un beffroi, d’une cathédrale dans la brume matinale. Olivier Reman nous parle de sa ville, Tournai, du Symbolisme, de sa fascination pour l’œuvre de Georges Rodenbach, de la sacralisation d’un lieu : « Bruges-La-Morte ». Dualité entre allégorie et onirisme, osmose entre naturalisme et vision idéalisée, sa ville se développe en quartiers de maisons mouvantes, presque organiques. La ficelle anime cette petite ville précieuse ; Les bâtiments s’érigent à l’infini, telle une écriture crochetée qui nous conte son histoire, ses mystères. Fragment de rêve, fantasme inaccessible, vision illusoire… Entrons donc dans cette cité ; qu’y voyons-nous, qu’y entendons-nous ? La maquette Utopia fait appel à nos sens, à notre mémoire, à nos souvenirs les plus enfouis : la nostalgie d’une visite, d’un lieu. Entre rêve et réalité, chacun imaginera sa propre histoire, qu’elle soit fabuleuse ou tragique. Dans les dédales de ruelles et d’impasses, Olivier Reman se plaît à imaginer des rois, des reines errant, telles des idoles pleurant leur gloire évanouie. Leur couronne en dentelles d’or garnies de pierres précieuses, symbole de leur magnificence est désormais Série "Gueules" (extraits), devenue incertaine et fragile : « vanitas vanitatum et omnia dessin vanitas ». L'allusion aux fables et aux mythes nourrissant la peinture flamande n'est pas anodine. Toute « exégèse » peut être permise. Marjorie Van Den Hauwe
— Olivier Reman Vit et travaille à Tournai oliv_reman@hotmail.com
Recherche paysage textile (détail) Mousseline, drap de laine, tulle, brocart 22 × 11cm Ci-contre Recherche paysage textile Mousseline, plastique/couture 7 × 19,5 cm
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Page de gauche Plan de Tournai 1 Impression numérique / ficelle bicolore crochetée, 29,7 × 42 cm — Plan de Tournai 2 Impression numérique/tissu vinyl, 29,7 × 42 cm
Vanités Vanité 1, Vanité 2 Impression digitale, 100 × 70 cm, © Barthélemy Decobecq
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Vanités Vanité 3, Vanité 4 Impression digitale, 100 × 70 cm, © Barthélemy Decobecq
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Soul K. Au fil du conte Il était une fois une enfant vêtue de rouge. Ce jour, elle devint adulte. Avant que la nuit ne tombe, avant même que les oiseaux cessent de piailler, elle dut oublier l’insouciance du rêve et des jeux. Décider, douter, chercher, travailler, souffrir. Perdue dans l’obscurité des bois elle n’avait plus de choix que des incertitudes. Fallait-il suivre le chemin des aiguilles, croire le loup et boire le sang de sa grand-mère ? Fallait-il vraiment, ce jour, abandonner son dernier sourire d’enfant ? À travers les versions populaires du Chaperon rouge, la recherche se divise en trois thèmes : l’attraction des aiguilles, la relation mère, fille, grand-mère, et le loup. Cependant, si la lecture du conte semble évidente, ses interprétations sont ambigües ; fines et pointues comme une aiguille qui se faufile dans l’espace et les souvenirs, effroyables comme la gueule du loup ou le bruit du tissu qui se déchire. Effroi, cris, mères… Méduse. La seule des trois Gorgones à être mortelle, la première à transmettre le cri de douleur de l’enfantement, selon les origines antiques. Si on déroule encore le fil dans le temps, Méduse est Médée qui tue de ses mains, ses enfants. Dans les versions populaires du Chaperon rouge, c’est la fille qui mange sa grand-mère, parfois, sa mère. Le loup donne l’alerte, tue, venge : celles qui ont voulu sacrifier leur fille, celle qui a mangé ses mères. À ce stade de la recherche, il est difficile d’établir la somme des relations entre le conte, l’intime, l’évidence et les non-dits. Pour bien faire, il faut réinterpréter ce qui fut dit à aujourd’hui ; tisser des liens entre l’universel et le personnel, s’affranchir des limites d’un conte déjà bien connu sans glisser dans les excès ni l’illustration.
Utopia Maquette textile, ficelle bicolore crochetée
Utopia Maquette papier, impression digitale, pliage
Le Tamat, l’espace du musée et ses œuvres prennent également de l’importance ; les nier serait mentir sur les fragments d’une recherche qui auraient été différents, ailleurs. La présence des tapisseries anciennes et les ré-interprétations des mythes qu’elles recèlent, légitiment les digressions du conte et le choix des matières. Alors pourquoi ne pas explorer le musée comme un bois où l’aiguille aurait d’autres visées (mère, extraits) que celle du conte ? Là, encore, toutSérie est Strates à repenser et Papier, impression, broderie se perdre… Facile ! 21 × 21 cm
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C e n t r eT dA’M a rAtT c o n t e m p o r a i n d u t e x t i l e S o u l K .
— Soulira Kerri Vit et travaille à Namur soulira@gmail.com http://art.bang-bangdesign.com/
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Série Strates (grand-mère, extraits) Papier, papier peint, impression, collage, broderie, 21 × 21 cm
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Série Gueules (extraits) Dessins, papier, encre de chine, encre acrylique 18 × 21 cm
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Méduse (premier état) Impression, feuille de plexiglas, aiguilles, fils 75 × 110 cm
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Méduse (deuxième état) Feuille de plexiglas, aiguilles, fils 75 × 110 cm
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CYRIL BIHAIN Deux temps, trois mouvements Dans l’économie artistique de Cyril Bihain rien ne se perd car tout se récupère : l’artiste perçoit instinctivement le potentiel des éléments délaissés. Il sait que la création ne demande qu’à en faire son ferment. S’il a cette connaissance voulant que rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme pour reprendre les mots de Lavoisier, elle est plus largement le témoignage du vif intérêt qu’il porte aux processus de création et aux objets que l’homme et la nature ont produit par adaptations successives. Cyril Bihain agit à ce titre à la façon d’un enquêteur d’abord, d’un apprenti ensuite. S’agissant de l’homme, il se met par exemple sur la piste des savoirs que l’artisanat a élaboré au fil du temps. Ceux-ci sont parfois tombés dans l’oubli. Dans d’autres cas, il n’y a tout simplement pas de maître aux alentours pour qu’ils soient enseignés de sorte qu’il ne reste plus qu’à se plonger soi-même dans l’intimité d’une pratique pour tenter de retrouver ses chemins. Partant de ses terrains d’investigation de prédilection que sont la gravure et le dessin, Cyril Bihain s’intéresse à la céramique et aux textiles, aux arts dits « appliqués », histoire d’en retrouver et d’en assimiler les gestes, d’en découvrir les logiques intrinsèques. Si cette enquête a chez lui une dimension méthodique (explorer par exemple une à une plusieurs techniques de couture ou de crochets), elle sait se faire simultanément fantaisiste. Il peut s’agir soudain d’imaginer un raccourci pour aller d’un point A à un point B, en opérant d’une façon buissonnière à rebours cette fois de toute tradition : la structure pouvant servir tantôt d’appui, tantôt de contrepoint. S’agissant de la nature ensuite, ce sont cette fois non plus les tours de mains du potier ou de la couturière qui le retiennent mais bien les fines nervures des plantes, les concrétions des pierres, le fil noueux du bois qu’il suit avec une curiosité égale, tâchant de deviner en somme quel artisan, quel artiste, se cache derrière l’œuvre de la nature, à savoir pas tant une divinité qu’une multiplicité de forces diverses faisant la fascinante complexité de la vie.
Formulette ( Que mon conte soit beau et se déroule comme un long fil, formulette des contes kabyles.) Bobine, fil, aiguilles
D’une manière générale, le jeu consiste toujours pour Cyril Bihain à s’immiscer dans une structure pour en faire son terrain d’exploration, d’expérimentation, de jeu.
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En étant ainsi aux prises avec les réseaux sous-jacents du monde l’artiste ne cesse de transiter dans ce qui fait tantôt le chaos de la matière, tantôt sa subite et toujours surprenante distinction. C’est bien la raison pour laquelle ses œuvres oscillent entre figuration et abstraction. De cette manière, une forme textile méconnaissable finit par ressembler brusquement à un masque, à une cloche de vache ou à un sexe masculin. Ou encore dans un dessin une étendue noire se révèle être un corps en tension à mesure que l’œil de l’observateur s’accoutume à sa silhouette. Yoann Van Parys
— Cyril Bihain Vit et travaille à Bruxelles cyrilbihain@hotmail.com
L'adoration du phallus Textile, latex / couture, crochet tunisien, H 135 cm
L'adoration du phallus (détail) Textile, latex / couture, crochet tunisien, H 135 cm
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Trompe de phallope Textile / couture, crochet tunisien, broderie ajourée, H 140 cm
Du plan au volume Papier / collage, H 46 cm
Ancre et méduse Textile / nœud, H 110 cm
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Cyril Bihain
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Trompe de phallope (détail) Textile / couture, crochet tunisien, H 140 cm
Bouquet Textile / nœud, H 150 cm
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Oblong (détail) Textile et sable / couture, H 37 cm
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La première fois (détail) Textile et cuir / couture, crochet tunisien, 131 cm × 51 cm
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SAHAR SAâDAOUI Voyage au centre de la terre L’histoire de Sahar Saâdaoui a quelque chose de surprenant dans la manière dont sa formation et ses origines viennent nourrir le travail artistique qu’elle développe. Au sortir de ses études secondaires, elle s’inscrit à l’Académie Royale des Beaux-arts de Bruxelles dans la section « Design textile ». Dans ce contexte, elle se familiarise avec la diversité des tissus et se consacre à la conception de motifs. Une telle formation vous destine aux milieux de la mode ou de l’architecture d’intérieur. Les perspectives sont concrètes. Toutefois, l’idée de suivre un tel parcours professionnel ne semble pas évidente pour Sahar Saâdaoui. Ce qui vient sous ses doigts semble vouloir exprimer quelque chose de plus indicible.
Punition Textile et cuir / assemblage, H 15 cm
Impossible avec soi-même Cuir synthétique / couture, H 47 cm
Partant de ce qu’elle a acquis dans sa discipline d’origine, elle entreprend alors d’en sonder et d’en extrapoler les codes aux fins de formuler un langage visuel qui lui serait propre. Comme pour accompagner cette réflexion, son premier travail prend la forme d’un alphabet. Dans un grand cahier aux feuilles quadrillées tenu à l’horizontal, elle trace des suites de carrés dans lesquels elle inscrit chacune des vingt-six lettres de l’alphabet latin, d’une manière stylisée. Elle marque ensuite d’un point noir les rencontres des segments constituant les lettres et leurs extrémités, là où les lettres touchent les parois des carrés qui les enserrent. Il en découle l’énoncé d’une sorte de litanie secrète, telle celle qu’on se murmurerait à soi-même : le A compte cinq points, le O compte huit points, le V compte trois points… Au fil de la recherche, le cahier se remplit de variations graphiques autour des nombres, des lettres, de la scansion. Le quadrillage du papier lui-même donne le rythme, le ton : il est une dérivation de la trame textile que Sahar a précédemment si souvent arpentée. C’est le processus de la création textile lui-même, supposé être essentiellement technique, que l’artiste fait peu à peu résonner, comme si on faisait soudain de la musique avec les cordes d’un métier à tisser. La surprise est de voir qu’elle rejoint dans cette opération l’imaginaire arabe, avec lequel elle a des accointances somme toute lointaine, elle qui est d’origine tunisienne mais qui a vécu toute sa vie en Belgique. En témoignent l’omniprésence
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Sahar Saâdaoui
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Sahar Saâdaoui
des chiffres, une gamme chromatique dominée par le blanc rehaussé de pointes de couleurs et les invocations de l’univers des mathématiques, de l’astronomie et de l’ornement abstrait. Il s’ensuit des dessins faits de pastilles chiffrées, de traits, de flèches, d’incrustations de pièces de tissus qui sont autant de cartes des mondes qui s’ouvrent à elle. Où les chiffres et les lettres sont emmenés aux frontières de leur dimension logique. Où les traits et les flèches tracent des fleuves dans le lit desquels il n’y a plus qu’à s’abandonner. Yoann Van Parys
— Sahar Saâdaoui Vit et travaille à Bruxelles saadaouisahar@gmail.com
Alphabet 07 Crayon sur papier, 42 × 59 cm
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Sahar Saâdaoui
Alphabet 01 Crayon, découpe sur papier, 29 × 42 cm
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Sahar Saâdaoui
AB2 Technique mixte, 21× 29,5 cm — AB6 Technique mixte, 21× 29,5 cm
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Sahar Saâdaoui
AB12 Technique mixte, 21× 29,5 cm — AB14 Technique mixte, 21× 29,5 cm
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P15 Technique mixte, 29 × 42 cm
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A t e l i e r T e xStai lhea r S a a d a o u i
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NATHALIE VAN DE WALLE De la conjugaison des contraires Le monde de Nathalie van de Walle est le théâtre d’une opposition entre l’ordre et le chaos. Ce type d’opposition est particulièrement effectif dans la rencontre (brutale) entre le monde des hommes, orthonormé, et le monde de la nature plus spontanément anarchique. Nathalie nourrit de longue date une fascination pour ce principe d’antinomie. Les titres mêmes de ses séries nous en informent : au début de sa carrière, il est question de « Calliture » et de « Peintigraphie », soit de la conjonction de la fougue échevelée de la peinture et de l’ordre impérieux de l’écriture. La ville de Bruxelles tient également une place d’élection dans ses premiers travaux en ce qu’elle est un exemple de cohérence et d’incohérence architecturale et urbanistique. Elle s’intéresse aux ruines, où il faut deviner les lignes de force d’un bâtiment sous ses décombres et aux chantiers avec leurs échafaudages où un bâtiment dans son parfait dessin va bientôt se dresser par-delà le gouffre indécis d’une fondation. Dans ses travaux plus récents, Nathalie s’attache à ces scènes apocalyptiques qui résultent des catastrophes dites naturelles (souvent incidemment causées par l’homme). L’artiste représente en une longue séquence de gravures sur bois les panoramas dévastés que produisent les tsunamis et autres tempêtes tropicales, où tout se retrouve absolument enchevêtré : plantes, fragments de maisons détruites, fils électriques et arbres.
Carnet 04 35 × 45 cm
De polarisation entre des contraires, il est aussi question dans le processus de travail que suit Nathalie et dans ses choix techniques. L’essentiel de sa production tourne autour de la rencontre entre le noir et le blanc : deux opposés qui s’affrontent/se concilient à l’occasion dans des gris. Sur le plan du processus de travail, Nathalie est sans cesse dans une logique voulant qu’une œuvre en engendre une autre, surgissant en une forte intrication avec la précédente. Elle évolue dans le registre positif/négatif de la gravure et du moulage. On a évoqué plus haut des gravures sur bois, ce sont parfois des gravures qui se transforment en matrices pour des travaux en plâtre, sortes de bas-reliefs sortis d’un autre temps.
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S a h a r STaAaMd A a oTu i
Na t h a l i e v a n d e Wa l l e
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Sortir d’un autre temps : voilà qui introduit à ce qui fait la filiation historique du travail de l’artiste. Filiation pouvant relever d’époques lointaines par le jeu d’une transmission inconsciente d’imaginaires parfois éloignés dans le temps et l’espace. L’univers que l’on peut retrouver ici n’est nul autre que celui de la Grèce antique. En effet, il y a quelque chose de présocratique dans la réflexion que l’artiste amorce autour de l’Un fait de contraires en mouvement. Son œuvre est également antique dans les formes avec cette présence du blanc, du plâtre et de la forme du « temple ». Nathalie van de Walle a toujours manifesté un intérêt pour un déploiement spatial de ses surfaces si minutieusement ouvragées : on voit bientôt se dresser des parois, des façades et presque un péristyle. Yoann Van Parys
— Nathalie van de Walle Vit et travaille à Rhode St-Genèse nathalie.vandewalle5@telenet.be www.nathalie.vandewalle.be
Cocon Toile
Décombres Papier découpé
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Chute Maquette
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Quartier Toile, fils
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Na t h a l i e v a n d e Wa l l e
Chantier Pl창tre
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Constructions Maquette en papier
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Vestige Moulage
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CAROLINE GILLEMAN PROJET : RETENIR SON SOUFFLE L’intention initiale de Caroline Gilleman est de mettre à profit sa résidence à Tournai pour porter un regard d’ensemble sur ce qui fait sa pratique, non sans continuer à l’étendre par le jeu de l’expérimentation. Qu’est ce qui fait le cœur du travail ? Autour de quoi ne cesse-t-elle de tourner ? Une matière a jusqu’ici joué un rôle de choix : pendant plusieurs années, l’artiste a réalisé de grandes installations au moyen de fines bâches de plastique soudées au fer. Emplis d’air, ces grands volumes interagissent avec l’espace d’exposition en se mouvant imperceptiblement. Ils sont semblables à des grands organes qui seraient animés d’une palpitation. Le spectateur n’y reste pas indifférent. Ses déplacements font circuler de l’air aux alentours de la sculpture et celle-ci se déporte en conséquence. Il a sa place dans la scène qui a été instaurée. Tout comme dans l’art minimal, son corps est partie prenante de cette sculpture, de cette installation, même au travers d’une présence fugace. À présent l’intention de Caroline Gilleman est de laisser cette matière plastique de côté, ne serait-ce que pour un temps, afin de développer ses recherches entamées avant la résidence au sein d’autres substances, avec d’autres outils. Elle retourne donc au papier, au latex, au caoutchouc, mais aussi à des fragments de textile et à de la mousse industrielle. Elle décide d’accompagner son approche de ces nouveaux matériaux d’une autoréflexion passant par l’énonciation simultanée des actions qu’elle est en train de mener. Elle revient pour ce faire à une liste précédemment amorcée où sont énoncés ces actions ou projets d’actions. Cela s’apparente à une partition chorégraphique, musicale, théâtrale. Dans l’acte de déclamation qui est posé au fil de cette liste, il est question d’inspiration et d’expiration. Est prononcée comme une incantation, une incitation à l’action, une remémoration : « (…) colorer le latex en vert / couler le latex vert / découper une bande de deux centimètres de latex vert (…) caresser la carrosserie transparente / prendre tout son corps dans le mouvement de l’air / sortir de l’espace préalablement établi / revenir en resserrant l’entièreté des muscles / enregistrer ce qui est dit dans le cerveau (…) » Ce condensé d’intentions est mis en œuvre tout au long de la résidence à Tournai et des objets et images s’ensuivent.
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N a t h a l iTeAVMaAnT d e Wa l l e
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Caroline Gilleman
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Caroline Gilleman
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Un instrument joue un rôle décisif lors du travail : l’aérographe. Il se pratique en suspension ; on ne touche pas la surface qu’on traite, on l’effleure. Est engagé tout un ballet de gestes à différentes hauteurs du support. Parmi les supports choisis par l’artiste, il y a notamment une pièce de tissu de couleur rouge dont elle se sert à la manière d’un pochoir pour atteindre une feuille de papier. La peinture acrylique matte est projetée par la buse de l’aérographe sur le textile qui se recroqueville sous l’effet de l’humidité. L’œuvre qui en résulte est autant dans le pochoir, devenu sculpture, que sur la feuille qui a recueilli l’empreinte de l’acte pictural. Pour être en deux dimensions, la feuille de papier n’en recueille pas moins le fantôme d’un volume en trois dimensions. Le papier est ici semblable à une membrane paraissant avoir vibré au gré de plusieurs forces, comme si elle avait été étreinte tant au verso qu’au recto. La membrane agit tel un filet saisissant momentanément un volume en transit. L’œuvre est une brève estampe d’un volume qui aurait pris de l’ampleur puis qui se serait contracté. Elle est la radiographie d’un corps, d’un spectre. La peinture laissée sur le papier par l’aérographe suscite du reste de troublants effets de trompe-l’œil. Sommes-nous dans une image imprimée ou dans une image manufacturée, dans une image qu’une machine a produite mécaniquement ou dans une image sur laquelle la main s’est posée ? Toutes interrogations qui sont posées avec acuité en notre ère numérique où la synthèse abstraite de la matière est poussée à son paroxysme. Le travail de Caroline Gilleman advient intimement à l’intersection de ce qui est céleste et charnel, de ce qui est plat et de ce qui a du corps, de ce qui est graphique, pictural et sculptural. Il relève d’un minimalisme anthropomorphique, animiste, où l’on valorise le souffle de vie qui est susceptible de traverser toute matière, même si elle semble inerte. Il n’est pas tant question de mort que de naissance. Il n’est pas tant question de la figure que du corps, dans ces travaux. Le motif, rendu abstrait, du poumon, du cerveau revient régulièrement. Il peut similairement s’agir d’une matrice, d’un fœtus. Chaque nouvelle œuvre est l’occasion de tester les limites/résistances d’un espace, par acte d’extension élastique, par acte de respiration absolue. Yoann Van Parys — Caroline Gilleman Vit et travaille à Ramillies caroline.gilleman@hotmail.com
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66, 57, 54, 64 Tissu - acrylique
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2 Tissu - acrylique
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103 RĂŠsine acrylique
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93 Silicone
92 Silicone
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35 (dĂŠtail) Acrylique sur papier
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t e l i e r S t rOulci tvui ra e M o r t i e r A
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olivia mortier Deux choses m’apparaissent. D’une part une image (icône / signe) d’autre part un matériau (porcelaine). Qu’est ce que l’un vient dire de l’autre ? Il se passe dans cette rencontre comme un échange d’idée. Dans un premier temps, deux entités s’entremêlent dans un geste qui se veut spontané et ignorant (pourrait-on dire aveugle ?). D’un côté nous avons un matériau fragile (la porcelaine), qui dans sa transformation, dans sa finalisation devient un support aux formes non maîtriseés. D’un autre coté, une image venue d’une information quelconque, n’échappant pas aux milliers d’images ressassées dans les médias, ne voulant pas être une de plus ou une à coté mais simplement l’une d’entre elles. Cette image apparaît plus ou moins. Elle se trouve grignotée, tranchée, pliée au contact du support qui la reçoit. Au final, nous sommes face à une « série d’objets ». « Série » implique l’idée de processus, de suite, d’ensemble, de recherches successives. « Objet » implique l’idée d’une chose, d’une possible fin, d’un contour autour duquel le regard circule. Pourrions-nous parler de fragment ? Recherche / fragment / processus. En limite avec un discours / point de vue possible. Geste simple qui rapproche l’image de son support, qui tente peut-être de la rendre supportable ou d’en définir l’ambiguïté. Parlons donc du chaos aussi. Une image parmi d’autres, un fragment parmi d’autres. L’image fait écho au matériau qui fait écho à l’image. La délicatesse du matériau, la délicatesse du sujet sont rendues « banales » par leur engloutissement au sein d’une production, rendues confuses voir incompréhensibles, comme une inconnue, un reste de signe qui aurait perdu tout sujet, un ornement tel qu’on en trouverait accroché aux murs de nos salles de bains. C’est dans cette torsion qui lie l’image au support, qui est productrice d’un objet chaotique à la limite informe, que l’on échappe à l’illustration du propos. L’artiste ne se veut pas porteur d’un message ou d’un point de vue particulier, il subit comme nous tous, l’incroyable trouble et mélange que crée la rencontre entre langage et perception. 31 Graphite sur papier
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C a r o l i nTeAGMi Al lTe man
Olivia Mortier
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laisse parler la matière la frontière, en marge / distance la limite un objet de la recherche / processus / pensée se déploie / chaotique support qui fripe, gondole, vie. image disparue Roch Barbieux
— Olivia Mortier Vit et travaille à Rebecq olivia.mortier@gmail.com
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céline prestavoine À plusieurs reprises il m’est arrivé d’entendre de personnes qui me sont proches que j’aurais pu être un acteur dans un film de Bresson. Ou bien que je leur faisais penser à un acteur comme Anthony Perkins dans le procès d’Orson Welles. Céline Prestavoine, quant à elle me fait penser à la peinture d’Edouard Manet. Non pas à un portrait en particulier mais à l’une de ces figures féminines peintes par Manet, à sa peinture. Le travail de Céline Prestavoine est doué d’une approche littérale de la surface/matière et d’une préoccupation sur les couleurs. Elle s’y passionne et s’y intéresse. Ce qu’elles peuvent être, comment elle les voit ou les pense. Son travail consiste en une surface de pigment déposé en monocouche sur un film adhérant. Avant sa bourse au TAMAT, elle tendait des tissus de taffetas aux couleurs changeantes sur de petites plaques en inox. L’idée aussi qu’elle souhaitait développer, ici pendant sa résidence, était de fabriquer de nouvelles surfaces qui lui conviendraient avec des fils qu’elle aurait choisis. Une peinture ready made ne lui convenant peut-être pas tout à fait ? Mais le plus important c’est cette inversion qu’elle a opérée pendant cette année : déposer des pigments sur une surface découpée en lieu et place d’un projet textile. L’air de rien elle ferait illusion, jouerait de la surface. Un travail clairement pictural en somme, mais qui frôle, effleure l’art du textile, du tissu, du vêtement. Une surface de tissu et sa peinture. Son approche implique des gestes. Qui sans volonté délibérée évoquent ceux de la teinture (verser, imprégner, étendre, attendre), celle de coupe de tissus (toucher, couper, disposer). Elle me disait que pour ces dernières réalisations elle raclait la surface, l’essuyait m’ajouta-t-elle quelques temps après. Sans en avoir vu encore le résultat ce qui m’est venu à l’esprit ce sont des gestes (geste de femme, non dans un sens restreint), là encore plus de l’ordre d’une teinture que de la peinture. Ses peintures de tissu de taffetas sur plaque d’inox se substituaient déjà à (de) la peinture. Céline Prestavoine avec ce nouveau travail pose un doute et nous pose une incertitude, une chose pour une autre. Nous demanderait-elle de se rapprocher de la surface/matière pour en avoir le coeur net ? Et de ne plus très bien savoir, oublier la question, être ravi de la finesse visuelle peinte qu’elle a obtenue. T. P. Mai 2014
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Olivia M T Ao rMtAi eTr
Céline Prestavoine
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Céline Prestavoine
La première couche, celle que je ne produis pas mais que je mets à disposition de, ne s’imprègne pas ; elle capte le pigment. Il s’agit bien d’énergie, de transmission d’énergie. C’est là que se porte mon intérêt aux matériaux, aux couleurs. Des corps plus ou moins inertes, plus ou moins réceptifs. Maintenant qu’il y ait, alors que l’on regarde, confusion ou analogie me semble constructif et moteur puisqu’elles mettent en évidence le parcours du regard qui analyse, sent et acquiert une matière. Ou bien encore s’en défait. Céline Prestavoine
— Céline Prestavoine Vit et travaille à Bruxelles celine.prestavoine@yahoo.fr https://sites.google.com/site/prestavoine
Vue d'atelier Double face à porteurs minces en polyester, pigment terre de Cassel Grand côté : 70 cm, épaisseur 34 µ
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Ci-contre, en haut Échantillon maille en jersey, laine et nylon — En bas Vue d'atelier éléments en polyester
Céline Prestavoine
Vue d'atelier Double face à porteurs minces en polyester, pigment rouge de cadmium moyen frotté Grand côté : 70 cm, épaisseur 34 µ
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Vue d'atelier Double face à porteurs minces en polyester, pigment rouge de cadmium moyen frotté Grand côté : 70 cm, épaisseur 34 µ
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Céline Prestavoine
Double face à porteurs minces en polyester, pigment noir de carbone 70 × 100 cm Pigment rouge de cadmium Grand côté : 50 cm Film polyester
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CĂŠline Prestavoine
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C é l i n e TPAr eMsAt aT v oine
Informations pratiques
Organigramme Anne Garnier Présidente du Conseil d’Administration Jean-Pierre Vlasselaer Président du Conseil Culturel Valérie Bacart Direction générale Denise Biernaux Direction artistique Département Tapisserie Jean-François Diord Direction artistique Département Structure Arlette Vermeiren-Zucoli Direction artistique Département Textile Tatiana Bohm Chef d’atelier Département Tapisserie Maureen Ginion Chef d’atelier Département Structure Anne Germe Chef d’atelier Département Textile Béatrice Pennant Responsable du Centre de documentation et d’études Yves Dupont Responsable de l’atelier de conservation-restauration Fabienne Misson Assistante à la conservation-restauration Nathan Baunier Chargé de communication Christine Dubrunfaut Secrétaire Dominique Barbieux et Alain Renier Service technique Christelle Leleux Accueil Pascal Vigneron Accueil (Ville de Tournai)
001E / CP échantillon maille, en jersey, fils nylon
Informations pratiques Tamat Centre d’art contemporain du textile de la Fédération Wallonie-Bruxelles 9 Place Reine-Astrid 7500 Tournai – Belgique T +32 (0)69 23 42 85 F +32 (0)69 84 31 51 www.tamat.be www.facebook.com/tamattournai Horaires d’ouverture Hiver 1er novembre — 31 mars 10h — 12h / 14h — 17h Fermeture hebdomadaire les mardi et dimanche matin Été 1er avril — 31 octobre 10h — 12h30 / 13h30 — 17h30 Fermeture hebdomadaire le mardi Catalogue Éditeur responsable Valérie Bacart, 9 place Reine Astrid B-7500 Tournai N° ISSN : ISSN20348215 Photographies Dimitri Toebat – Groogbag Sauf mention spéciale Design graphique Sébastien Lordez Textes © Les auteurs 2014 Prix 10 Euros
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