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ARCHISCOPIE N°116 / Novembre 2012
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Local pompe à chaleur
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1. L’auditorium. 2. L’accueil situé sous l’auditorium. Ph. © Luc Boegly.
Direction
L’art, l’architecture et le vin au Château La Coste Piano Accueil Batterie
Percussion
Formation instrumentale Formation instrumentale
Jazz
Bras de rivière l’Épervier
Formation instrumentale Formation instrumentale
Plan du Rdc
Mais globalement, cette irruption de modernité ménage les vieilles pierres et la magie du lieu opère toujours, entre cadre romantique et nymphéas impressionnistes. François Lamarre
École municipale de musique Maurice-Duruflé, couvent des Pénitents, Louviers (Eure). Programme : accueil, bureaux, partothèque, 24 salles d’étude et deux salles d’orchestre dont un auditorium de 50 places. Maîtrise d’ouvrage : Ville de Louviers. Maîtrise d’œuvre :
Opus 5 architectes (Bruno Decaris, Agnès Pontremoli, Pierre Tisserand). Bet structures : Batiserf. Bet fluides : Choulet. Acousticien : Impédance. Économiste : Votruba. Opc : Isba. Surface : 2 000 m2. Coût des travaux : 4,5 ME Ht. Calendrier : concours 2006, études 2007-2009, chantier 2010-2012. Entreprises en lots séparés dont De Biaso (gros œuvre, Vrd), Jousselin (préfabricateur béton), Jouannet (charpentes acier et bois, métallerie), Mge (façade verre).
Au sud, il y a Aix, au nord la Durance et les contreforts du Luberon. Autour, les noms sonnent la belle Provence : Le Puy-SainteRéparade, Rognes, Fonscolombe. Sur l’ubac de la chaîne de la Trévaresse, le Château La Coste élève rouges et rosés, et des blancs aussi. Une propriété solide de 191 ha dont 125 de vignes, avec des bois, de la lavande, des oliviers, presque une image d’Épinal. Mais sans richesse fastueuse. Le calcaire affleure un peu partout. L’eau est précieuse. Ici ou là, l’œil exercé repère d’antiques systèmes d’irrigation. Un paysage modelé par l’homme depuis des lustres. D’ailleurs sur place on trouve des traces d’occupation gallo-romaine, en particulier des sentiers pavés, des débris d’amphores. C’est ce vaste domaine que Patrick McKillen achète en 2003. Homme d’affaires irlandais ayant bâti sa fortune dans l’immobilier, les centres commerciaux et l’hôtellerie 1, il est conquis comme tant d’autres par la lumière, la beauté de cette campagne, la vieille bastide du xviie siècle, aimable, bien plantée au milieu des terres. Mais pas seulement. Il mesure aussi le potentiel de l’exploitation. À condition d’en renouveler les pratiques viticoles, d’arracher une partie des vignes pour replanter et faire monter en grade la
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1. Le site avec en second plan l’Art Center (T. Ando arch.) et les cuveries en demi-cylindres (J. Nouvel arch.). Ph. © Gwenaël Querrien. 2. Rue en herbe et tancat (barrage de pierre) restauré, Tangram arch. Ph. © Gabrielle Voinot - Tangram Architectes. 3. Restaurant de l’Art Center avec au centre du bassin la sculpture Infinity d’Hiroshi Sugimoto. Ph. © Gwenaël Querrien.
production en s’appuyant sur les principes de l’agriculture biodynamique 2. En 2006, le maître de chai Matthieu Cosse est recruté et en 2009, les vins Château La Coste sont labellisés “Agriculture biologique”. Savoir-faire ne va pas sans “faire savoir”. Pour promouvoir sa production et pour son bon plaisir, P. McKillen décide d’ajouter à sa propriété d’autres séductions : celles de l’art et de l’architecture. Et d’aussitôt prendre contact avec des architectes et des artistes de renom. Des Pritzker Prize en particulier : Tadao Ando, Jean Nouvel, Renzo Piano, Frank Gehry, Norman Foster. Chacun est invité à prendre le pouls des lieux et à y aller de sa proposition. Heureux hasard, P. McKillen rencontre Christopher Green, un autre amoureux de la Provence, anglo-saxon comme lui, architecte installé à Marseille. Partenaire de l’Atelier Alain Amédéo - Jacek Padlewski et associés, il fonde en 2009 avec Emmanuel Dujardin, l’un des associés de l’agence, Tangram Architectes 3. C’est à cette structure que P. McKillen confie le montage et la réalisation des projets de ses confrères, avant de l’étendre à une mission de conseil pour le choix des
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œuvres, à la définition du plan masse de leur implantation, au projet paysager, puis à la réalisation d’un hôtel 5 étoiles avec spa dont la construction s’annonce. La relative rareté de telles entreprises associant culture et nature ne doit pas faire oublier qu’elles ponctuent l’histoire des parcs et des jardins. Il suffit d’évoquer ceux de Bomarzo conçus par Pirro Ligorio (c. 15101583) pour Vicino Orsini, le Yuanming Yuan au début du xviie siècle aménagé pour le futur empereur Yongzheng au nord-ouest de Pékin, le Désert de Retz que fait réaliser dans
les années 1770, François-Nicolas-Henri Racine de Monville. Parcs à thèmes, parcs à programmes aussi variés qu’uniques que l’on retrouve bien évidemment au xixe siècle (Gaudí pour Eusebi Güell à Barcelone). Au xxe siècle, difficile de ne pas mentionner le jardin des Tarots de Niki de Saint Phalle à Capalbio en Toscane, la Fondation Cartier à ses débuts à Jouy-en-Josas, le parc de la Villette de Bernard Tschumi à Paris et plus encore l’extraordinaire aventure commencée dans les années 1990 sur l’île de Naoshima et une poussière d’îlots autour, à l’initiative
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1. Drop de Tom Shannon avec en second plan le pavillon de musique (F. Gehry arch.). Ph. © Jean-François Pousse. 2. Chapelle (T. Ando arch.). Ph. © Gwenaël Querrien. 3. En bas le plan du site avec : A. La bastide • B. Hôtel-spa (en chantier) • C. Art Center, T. Ando • D. Le pavillon Four cubes to contemplate our environment, T. Ando • E. Chapelle, T. Ando • F. Chai et cuveries, J. Nouvel • G. Pavillon de musique, F. Gehry • H. Oak Room, A. Goldsworthy • I. Drop, T. Shannon.
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Plan du site © Tangram architectes 3
de Soichiro Fukutake, collectionneur d’art et patron de Benesse Holdings Inc. 4. Points communs du Château La Coste et de Naoshima : des maîtres d’ouvrage privés, des commandes d’art et d’architecture, le premier pour renforcer la réputation de son entreprise, le second pour revitaliser en mécène désintéressé l’île de Naoshima, mais aussi des artistes et des architectes communs et en premier lieu Tadao Ando. Il est un peu le maître souve-
rain du Château, concepteur de l’entrée du domaine, de l’Art Center (expositions, restaurant, librairie), du remarquable pavillon Four cubes to contemplate our environment et de la reconstruction-extension de la chapelle. À chaque fois, c’est une même maîtrise de la litote, ce goût des matières brutes, cette relation d’essence shintoïste à la nature, au sol, à l’horizon, au ciel. C’est lui qui sent la mesure des lieux, sait s’y glisser, s’immerger et, en
retour, recevoir. Rien à voir avec le parti fort en gueule de Jean Nouvel pour les cuveries : deux demi-cylindres de métal brillant, certes puissants pour signaler le cœur de l’élevage du raisin, mais trop massifs, trop lourds, insensibles à la subtilité du petit hameau de bâtiments agricoles et à la charmante demeure xviie. Idem pour Frank Gehry. Son pavillon de musique, d’abord imaginé pour la manifestation annuelle de la Serpentine Gallery sur les terrains des Kensington Gardens de Londres (en 2008), a ensuite été démonté puis reconstruit tel quel. Sa figure perturbée, auto-centrée, manque cruellement de finesse, malgré son ouverture tous azimuts sur le paysage qui n’a que faire de tant d’agitation. Parmi les œuvres toujours plus nombreuses installées au milieu des vignes et des bois, quelques-unes sont marquantes, en particulier l’Oak Room d’Andy Goldsworthy, une sorte de tholos recouverte de terre, fraîche et sombre comme un puits, tapie derrière un gros mur de pierres sèches, bâtie d’un enchevêtrement de grosses branches équarries ; la Drop de Tom Shannon, goutte ventrue d’acier inox pivotant sur elle-même, miroir du paysage ; l’impressionnante Crouching Spider 6695 de Louise Bourgeois flottant au-dessus
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d’un plan d’eau (conçu par Ando), comme Infinity, une sculpture d’Hiroshi Sugimoto ou Small Crinkly d’Alexander Calder. Pour chacune, Tangram et / ou l’artiste sont conviés à choisir le lieu, à concevoir en résonnance avec les alentours ou même les créations des alter ego. Dispersées dans la nature, les œuvres (une vingtaine pour le moment) ponctuent la promenade. Ici elles se cachent presque. Là, dans la colline, la vue plongeante permet d’en associer quelques-unes. Mais pas de liens véritables entre elles et encore moins avec l’architecture (sauf pour la Croix de Jean-Michel Othoniel avec la chapelle, l’Art Center et les plans d’eau d’Ando avec les sculptures), pas de programme symbolique, voire ésotérique, plutôt un territoire qui s’offre aux compositions, une belle générosité qui rejoint celle du paysage. On aimerait moins de grands noms et plus de recherche de jeunes talents, de créateurs contemporains encore inconnus que le goût de McKillen saurait repérer. Mais ce n’est pas l’objet. Les grands noms sont aussi là pour servir la réputation du Château La Coste. Et pourquoi bouder son plaisir, bouder ce cocktail réconfortant d’architecture, d’art et de vins ? D’autant que s’annonce toute une série de réalisations nouvelles : Kengo Kuma, Amanda Levete, Oscar Niemeyer, Sanaa, Toyo Ito, encore Piano et Nouvel, Per Kirkeby, Tony Berlant, James Turrell. Belles vendanges !
deux autres commandes sur le site du Château La Coste. Parmi ses projets en cours, la Fondation Luma en Arles, l’hôtel Le Relais de la Marquise à Saint-Dalmas-de-Tende. L’agence conduit aussi à Marseille la restructuration en hôtel 5 étoiles de l’Hôtel-Dieu, la transformation du Vieux-Port avec Norman Foster et Michel Desvigne, la réhabilitation du palais de justice place Monthyon. 4 – Groupe d’édition scolaire et d’enseignement par correspondance.
Oullins, une médiathèque e n cœur de ville
“Aujourd’hui, les programmes de médiathèques diffèrent peu d’un projet à l’autre. Ce qui fait la particularité de chacune est bien plutôt la surface dont elle dispose au sol, car elle dicte l’organisation, soit tout à rez-de-chaussée, soit avec un ou plu-
sieurs étages. Cela influe grandement sur la volumétrie, donc sur le mode d’insertion urbaine que nous pouvons imaginer.” Ainsi s’exprime Pascal Hendier, architecte associé de l’agence Gautier+Conquet qui en est au quatrième équipement du genre : Lyon 8e en 2004, Oullins en 2010, Saint-Just SaintRambert en 2013 et Chaponost en 2014. La première réalisée dans le 8e arrondissement de Lyon 1 avait retourné à son avantage l’exiguïté de la parcelle : l’édifice se dresse presque jusqu’au dixième étage de la barre de logements contiguë afin d’indiquer avec force l’entrée dans la ville quand on arrive par l’autoroute de Grenoble. Monter aussi haut avait permis des espaces intérieurs généreux 2. À l’inverse, celle qui sera livrée en 2014 à 1. Vue générale de la médiathèque. 2. Façade nord. Ph. © Erick Saillet.
Jean-François Pousse
Château La Coste, 2750 route de la Cride, Le Puy-Sainte-Réparade (Bouches-du-Rhône). Programme : bâtiment d’exposition, masterplan, installation des sculptures et pavillons, aménagement paysager, hôtel-spa 5 étoiles. Maîtrise d’ouvrage : Scea Château La Coste. Maîtrise d’œuvre : Tangram Architectes / FgcAA, Christopher Green et Barbara Blanc, chefs de projet. Domaine : 191 ha ; Art Center (T. Ando arch.) : 886 m2 Shon. Ouvert tous les jours 10h/19h, tarif : 12 / 9 e. <www.chateau-la-coste.com>. 1 – Dès les années 1990, Patrick McKillen acquiert des propriétés à Londres et Paris, puis au Vietnam et aux Usa. Il est actionnaire du Maybourne Hotel Group qui gère le Claridge’s, le Berkeley et le Connaught de Londres. Il est aussi propriétaire, avec le chanteur Bono et le guitariste The Edge, de l’hôtel Clarence à Dublin. 2 – La biodynamie favorise la vie organique, exclut l’utilisation de pesticides, s’attache aux phases de lune, concerne aussi bien les méthodes agricoles que la vinification. Joli symbole de cette reconquête du site par la nature, les papillons sont de retour ! 3 – Outre l’hôtel 5 étoiles, Tangram réalisera
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