actualité Le Métaphone à Oignies (Pas-de-Calais), Hérault-Arnod arch. Ph. © André Morin. Cf. p. 18.
Réhabilitation du cinéma Le Louxor (Paris 10e), Philippe Pumain et Fabre & Speller arch. associés. Ph. © Luc Boegly. Cf. p. 20.
Hall d’entrée de la Cité de refuge de l’Armée du salut en 2005 (1930-1933, Le Corbusier arch. et al., Paris 13e). Ph. © Olivier Martin-Gambier Flc / Adagp, Paris, 2013. Cf. p. 23.
M a r s e il l e , d u V i e u x - P o r t à l’ H ô t e l - d i e u
Réduire
les grands travaux de Marseille Provence 2013, capitale européenne de la culture, au duel architectural et institutionnel que le Mucem et le Cerem1 se livrent sur la Joliette, avec le fort Saint-Jean et la Major pour témoins médusés, serait un grossier raccourci de l’action engagée. Le spectacle donné sur la mer ne doit pas faire oublier que la ville bouge sur d’autres fronts. Ne serait-ce qu’avec les réserves du Mucem2 - pour s’en tenir à ce projet phare -, construites entretemps à proximité de la Belle de mai, friche en pleine effervescence qui contribue à rééquilibrer Marseille en direction des quartiers nord. Mais c’est sur le Vieux-Port, lieu de convergence naturelle et historique de la cité phocéenne, que tout se passe encore. Et il faudra attendre la fin de son réaménagement pour que la ville passe définitivement le cap du fort Saint-Jean pour gagner la Joliette où les deux nouvelles institutions rivalisent, en dépit de la passerelle lancée par le combattant du Mucem3 entre le musée, le fort et le quartier du Panier. Constamment embouteillé, le Vieux-Port appelait un réaménagement complet pour sauvegarder son attractivité sans avoir à subir les affres de la circulation automobile. La consécration européenne et la perspective des festivités afférentes auront servi de prétexte pour engager l’opération, autant dire la révolution dans l’esprit des gens. Programmés en deux phases, les travaux menés par l’agence Tangram sous la conduite du paysagiste Michel Desvigne, mandataire
de l’équipe constituée pour l’occasion, ont été livrés dans les temps au grand soulagement des Marseillais confrontés aux palissades de chantier et contrariés dans leurs habitudes. Inauguré le 2 mars dernier, le nouvel espace public correspondant à la première phase de travaux délivre une agora immédiatement plébiscitée au creux du Vieux-Port et au départ des quais, jusqu’à l’hôtel de ville côté nord, le long des “Arcenaulx” côté sud. L’inextricable carrefour a cédé la place à un vaste plateau minéral sans décalage de niveaux entre les espaces dévolus à la promenade et ceux conservés à la circulation, abstraction faite des bornes installées à titre dissuasif. Cette reconquête de l’espace public s’est traduite par une inversion des emprises consacrées aux pié-
Grues et “boîtes” des clubs nautiques (Foster & Partners / Tangram arch.) disposées le long du quai. Ph. © Leslie Verdet.
tons et à la voiture (respectivement 30 % et 70 % à l’origine), induisant une réduction de moitié de la circulation automobile et sa possible suppression à terme, laquelle reste à confirmer. Dans l’immédiat, les embarras de la circulation sont rejetés sur les abords en attendant que les pratiques et les mentalités changent comme espéré. Un même granit gris venu d’Espagne pave l’esplanade sous deux formes : dalles à joint contrarié pour la promenade, pavés en éventail pour les circulations. Ce traitement strictement minéral affirme la nature portuaire du lieu et en accroît la polyvalence. Il restitue d’au-
17 ACTUALITÉ
tant mieux l’espace et le contour des quais que les clubs nautiques qui en occupaient le linéaire ont été déplacés sur l’eau avec la réorganisation des pontons pour un nombre équivalent d’anneaux. Chaque club dispose ainsi d’une aire de carénage de 200 m2, avec grue et système de récupération des eaux, et d’un local de 20 m2 équipé de sanitaires et douche. L’architecture en a été confiée à Foster & Partners qui a conçu des boîtes tramées en plateaux de chêne brut dont certains panneaux s’ouvrent, se rabattent ou pivotent en brise-soleil au gré des fonctions abritées. Également signée Foster et exécutée par Tangram, l’ombrière implantée au fond du Vieux-Port, devant la sortie du métro, est la grande attraction de cette agora retrouvée. Un attroupement permanent en signale la présence plus sûrement que l’ouvrage qui se fait furtif sous bien des angles, de jour comme de nuit. Cet immense dais horizontal (46 x 22 m) qui repose sur huit poteaux en tube d’inox poli présente une sous-face parfaitement plane dont les panneaux courants d’inox poli miroir (6 x 1,50 m et 300 kg) sont quasiment indécelables tant les joints sont bien réglés. La scène du port s’y reflète de manière déconcertante, doublant la hauteur réelle de l’ouvrage qui n’est que de six mètres. Ses bords effilés ne laissent rien deviner de l’épaisseur de la poutraison en acier galvanisé qui renferme un vide ventilé et atteint un mètre au centre de la couverture, laquelle est réalisée en panneaux d’inox micro-billé dans le cadre délimité par les chéneaux. L’ouvrage a littéralement disparu à la pose des panneaux, comme “gommé” par la surface réfléchissante selon le mot d’un riverain. Le dispositif se révèle d’une grande efficacité, scotchant les foules sous son miroir et son ombre propice comme un piège à mouches. Si l’ensemble du mobilier urbain dessiné par Foster (bancs, rack 2 roues…) est encore à venir, l’éclairage public conçu par Yann Kersalé est en place sous la forme de mâts enguirlandés de spots et creusés en pied d’une écorce lumineuse. Sept mâts de 24 mètres de haut flanquent le quai (rebaptisé de la Fraternité) au fond du port quand de plus petits, hauts de 16 mètres, en balisent les quais latéraux. L’espace reconquis conduit ainsi jusqu’à l’hôtel de ville où la jonction se fait avec l’aménagement antérieur de Franck Hammoutène (2006) qui monte vers l’hôtel-Dieu en incluant sous son pavé (de granit chinois ocre) les extensions neuves de la mairie, dont la salle du conseil municipal et son foyer magistral4. Le passage public qui tangente l’hémicycle enfoui au niveau des vestiges
1
2
1. Les aménagements du Vieux-Port (Michel Desvigne pays.) avec, dans l’angle sud-est, l’ombrière (Foster & Partners conception / Tangram réalisation), presqu’invisible de loin. 2. L’ombrière, dais formé de panneaux d’inox poli, est devenue une attraction. Ph. © GwQ.
antiques, et qui n’a pratiquement jamais été ouvert, est miraculeusement accessible en cette année 2013, doublé en surface par un baraquement d’exposition temporaire des plus incongrus. Un piège cette fois à éviter ! Ainsi momentanément défigurée, la montée Hammoutène met en perspective l’hôtel-Dieu posté en vigie sur le travers du Vieux-Port avec la Bonne-Mère (NotreDame-de-la-Garde) en ligne de mire.
Pièce majeure du patrimoine marseillais, l’hôtel-Dieu jouit d’une présence quasi millénaire en ce lieu. Reconstruit à l’emplacement de l’hôpital du Saint-Esprit, l’ensemble monumental amorcé au milieu du xviiie siècle par Jacques Hardouin-Mansart de Sagonne, intendant des bâtiments du roi, est complété un siècle plus tard (1860) par l’architecte Félix Blanchet pour constituer un ensemble cohérent étoffé de deux ailes avancées dans la pente et dotées d’escaliers monumentaux en symétrie. L’activité hospitalière ayant cessé en 2006, la municipalité en envisage aussitôt la reconversion-valorisation en hôtel de luxe, ainsi que la rénovation des îlots attenants raccordés au quartier du Panier. Dès 2007, le projet présenté par Anthony Béchu, architecte du patrimoine, associé à l’agence marseillaise Tangram, et
ACTUALITÉ
18
Au nord du Vieux-Port, l’ancien hôtel-Dieu transformé en hôtel 5* (Anthony Béchu arch. / Tangram). Ph. © Gwenaël Querrien.
porté par Axa - avec Cogédim pour opérateur et Intercontinental pour exploitant hôtelier -, est retenu à l’issue d’une large consultation. Études et travaux rondement menés en étroite collaboration avec la mairie et les services du patrimoine ont permis la livraison de cette opération complexe au printemps 2013, en contrepoint de l’aménagement du Vieux-Port qui trouve là son phare. Au propre comme au figuré tant la mise en lumière est intempestive (réglages à venir). Sur le plan urbain, cette reconquête est incontestable. Le monument trône dans l’axe de l’hôtel de ville et fait la charnière avec le quartier du Panier, épaulé dans cette tâche par les logements neufs disposés sur l’arrière selon le système de cours hérité du plan hospitalier. Sur le plan patrimonial, le travail conduit sur les façades force l’admiration mais fait espérer la patine du temps. La juxtaposition des ouvrages se lit dans la pierre restaurée à neuf : roche rose de La Couronne pour la partie du xviiie siècle, pierre de Fonvieille, plus jaune, pour les extensions du xixe… Pédagogique. Les deux escaliers monumentaux ouverts sur la terrasse émerveillent par leurs voûtes et leurs ferronneries heureusement préservées. Mais les marches et les sols de pierre n’ont pas résisté à la mise aux normes (salubrité, sécurité, etc.) et ont été refaits, tout comme les immenses châssis menuisés. Les abords sont en revanche d’un kitsch ordinaire, cumulant une desserte rou-
tière en lacets, des volées droites d’escalier en granit rose, des parterres fleuris et des jets d’eau à l’arrivée. Pour le reste, la reconversion en hôtel de luxe s’avère pertinente au regard du plan et des proportions offertes par ce bâti totalement reconstruit derrière sa façade monumentale. On peut toutefois regretter que l’univers normatif de l’hôtellerie internationale n’ait pas permis de mieux exploiter le caractère historique de ce vaste vaisseau de pierre tant l’intérieur est standardisé. Mais le passé hospitalier ne devait surtout pas ressurgir dans l’hôtel 5*, au risque d’effaroucher le client… François Lamarre
– Réaménagement du Vieux-Port à Marseille. Programme : semi-piétonisation du VieuxPort avec ombrière et clubs nautiques, aménagement du centre-ville attenant. Maîtrise d’ouvrage : communauté urbaine Marseille Provence Métropole. Maîtrise d’œuvre : équipe Michel Desvigne paysagiste mandataire / Foster & Partners / Tangram Architectes / Ingérop / Yann Kersalé, concepteur lumière. Aire concernée : 400 ha. Calendrier : concours 2010, 1 re phase (fond du Vieux-Port, de l’hôtel de ville à la place aux Huiles et plan d’eau correspondant) livraison 2013, 2 e phase (prolongation de l’aménagement des quais jusqu’aux forts, reliant les espaces verts du bassin de carénage jusqu’à la plage des Catalans en passant par le palais du Pharo et le Cercle des nageurs : la chaîne des parcs) livraison 2015-2017. Entreprises : Gtm, Campenon Bernard, Eurovia, Santerne (travaux terrestres), Bouygues TP (travaux maritimes), Eiffage construction métallique (ombrière).
– Rénovation îlot hôtel-Dieu. Programme : reconversion de l’hôtel-Dieu en hôtel 5* de 194 chambres et construction de 85 logements locatifs attenants sur parking 260 places. Maîtrise d’ouvrage : Altarea Cogedim, promoteur, pour Axa Reim, investisseur, et Intercontinental, exploitant hôtelier. Maîtrise d’œuvre : équipe Agence Anthony Béchu, architecte mandataire / Tangram Architectes. Bet et maîtrise d’œuvre d’exécution : Egis. Architecture intérieure : Tangram Architectes. Décoration : Ocre Bleu / Volume Abc. Surfaces : 23 000 m2 (hôtel-Dieu) + 9 000 m2 (logements sur parking en infra). Coûts des travaux : 72 ME HT (hôtel-Dieu) + 12 ME HT (logements). Montants investis arrondis : 100 ME (hôtel-Dieu) + 25 ME (logements). Calendrier : dépôt de permis de construire septembre 2007, obtention octobre 2008, permis modificatif 2012, livraison avril 2013. 1 – Mucem : musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Rudy Ricciotti arch.), cf. Archiscopie, n° 122, mai 2013 ; Cerem : Centre régional de la Méditerranée (Stefano Boeri arch.), cf. Archiscopie, n° 114, été 2012. 2 – Le Centre de conservation et de ressources (Ccr), Corinne Vezzoni arch., cf. Archiscopie, n° 115, oct. 2012. 3 – Rudy Ricciotti, L’Architecture est un sport de combat, Paris, Textuel, 2013, 15 E. 4 – Cf. Archiscopie, n° 65, fév. 2007.
Le Métaphone, un instrument de musique urbain à Oignies
Au cœur du bassin minier Nord - Pas-deCalais, inscrit en 2012 sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco au titre de “paysage culturel vivant”, le duo d’architectes Hérault-Arnod conduit la reconversion de l’ancienne fosse minière 9-9bis d’Oignies, la dernière à avoir fermé, en 1990. Cet ensemble de bâtiments en béton et en brique, rehaussés de blanc sur la modénature et dominés par deux chevalements, fait partie des “109 biens individuels classés” sur l’ensemble de ce gigantesque site1. Il se situe aussi dans le périmètre d’Euralens, projet d’aménagement du territoire visant à tirer parti de l’implantation du Louvre à Lens. Le programme imaginé par Hérault-Arnod est de “reconvertir le site autour du thème de la musique et du son contemporain”, en mixant préservation de l’existant et constructions neuves. Il a été choisi en 2005 par la communauté d’agglomération d’Hénin-Carvin au terme d’un marché de définition qui comprenait la formalisation architecturale.