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Dans ce parcours artistique à ciel ouvert, ponctué par d’ingénieux pavillons d’architectes de renommée internationale (Frank Gehry, Oscar Niemeyer1, Sanaa à venir…), le public savoure l’esprit du lieu tout en découvrant des sculptures d’artistes contemporains (Multipled Resistance Screened (2010) de Liam Gillick). L’aventure commence avec Jean Nouvel, un amoureux du vin, qui élabore un chai nouvelle génération2. Sur le modèle d’autres sites œnotouristiques espagnols (Frank Gehry, Zaha Hadid ou Santiago Calatrava) ou français (Rudy Ricciotti a conçu le centre œnologique de Gabian) récemment inaugurés, le Château La Coste démultiplie le plaisir des sens. La formule semble bien rodée ; faire découvrir dans un cadre décontracté le travail d’architectes et d’artistes appelés à repousser les limites de leur discipline. Mais comment ce lieu encore méconnu du grand public a-t-il séduit autant de grands noms ? Daniel Kennedy, chargé de la coordination des projets art et architecture au Château La Coste, évoque sans aucun doute le rapport d’amitié qui lie nombre d’entre eux à Patrick McKillen. Autre atout majeur : les possibilités infinies offertes par cette structure privée pour laquelle « il n’est pas seulement question d’argent, mais avant tout de radicalité ».
Le Château La Coste,
une adresse pour esthètes et épicuriens
1/ Malgré leur calendrier chargé et quelques contraintes (Oscar Niemeyer ne se déplace plus en avion depuis les années 1970 et envoie à sa place son équipe arpenter le lieu, choisir l’emplacement du pavillon), tous répondent présents. 2/ Le bâtiment est séparé en deux structures incurvées, connectées de manière souterraine, et abritant une technologie de vinification des plus moderne. Dans le bâtiment de plain-pied, les grappes sont pressées et le vin mis en bouteille ; au sous-sol, un réseau de tuyaux en acier inoxydable sert de stockage.
« Autre atout majeur : les possibilités infinies offertes par cette structure privée pour laquelle “il n’est pas seulement question d’argent, mais avant tout de radicalité”.»
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En 2002, Patrick McKillen inaugure un lieu d’exception à une vingtaine de kilomètres d’Aix-enProvence. Non content de ce que la nature a de mieux à offrir, cet homme d’affaires imagine un concept complet associant la culture du vin, l’art et l’architecture sur un site chargé d’histoire avec, en arrière-plan, la montagne Sainte-Victoire. Une expérience unique à vivre, à laquelle s’est associé le Frac Paca durant Marseille-Provence 2013*. Alexandra Fau
1- Jean Nouvel, Cuverie, 2008 © ADAGP Paris, 2012
*Le Château La Coste programme de mai à juillet 2013 le film de Wang Bing L’Homme sans nom en collaboration avec le Frac Paca pour son exposition « Ulysse » 2013.
2- Frank O. Gehry, Pavillon de Musique (Intérieur), 2008 © Gehry Partners, 2012
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Le public est convié à faire l’expérience du paysage, à le parcourir, le humer, à venir se lover au cœur de l’Oak Room (2009) d’Andy Goldsworthy (né en 1965), un entrelacs de branches de chêne terré sous un coteau. D’ici deux ans, l’expérience sensitive et olfactive sera complète avec l’ouverture d’un restaurant approvisionné par le potager de Louis Benech. La création de l’hôtel spa (cabinet Tangram Architects) permettra de prolonger ce moment unique en admirant à la nuit tombée l’installation LED Wild Flowers de Tatsuo Miyajima (né en 1957) en haut d’un petit vallon. Ces lumières s’animent suivant un décompte très précis de 1 à 9 et reproduisent ainsi le cycle de la vie et sa fragilité. Tadao Ando, qui a placé l’ancienne chapelle du xvie siècle sous un caisson de verre et d’acier, vient à son tour éveiller cette conscience de l’environnement avec l’installation minimaliste Four Cubes to Contemplate Our Environment (2008). L’étendue d’eau imaginée autour du centre d’art par l’architecte japonais, adepte de ce genre d’invitation3, se révèle très stimulante pour les artistes comme Louise Bourgeois (1911-2010) sollicitée peu de temps avant sa mort, y a fait installer Crouching spider 6695 (2003). Contrairement à ses toutes premières araignées, imposantes, l’artiste revisite cette figure de la mère à la fois réconfortante et prédatrice. La sculpture en inox présente sur le domaine vient danser au raz de l’eau. Non loin, la sculpture mobile Small Crinkly (1976) d’Alexander Calder (1898-1976) joue avec le vent. Cette œuvre historique ainsi que les deux rares pavillons préfabriqués – un de 6 x 6 m et l’autre de 6 x 9 m – que
Jean Prouvé avait conçus pour la région de Lorraine en 1945, bien avant son départ pour les colonies françaises d’Afrique avec les maisons tropicales (1951), appartiennent à la collection personnelle de Patrick McKillen. La présence des bâtiments de Prouvé offre une référence historique aux ambitieux projets architecturaux mis en place au Château La Coste. Le chai de Jean Nouvel (né en 1945), avec son toit en aluminium incurvé, trouve en effet l’inspiration dans ses œuvres de jeunesse. Le choix du matériau réfléchissant s’est aussi imposé à Tom Shannon (né en 1947) pour Drop, une goutte d’eau ou de vin tombée du ciel. Vue de loin, la sculpture en acier inoxydable ressemble à un objet volant non identifié, qui peut même se mettre à tourner sur lui-même. L’œuvre de Hiroshi Sugimoto (né en 1948) n’est pas moins troublante. Comme la plupart des invités, l’artiste japonais profite de cette opportunité pour expérimenter. Aussi ne présente-t-il pas le travail photographique qui a fait son succès. Son installation posée sur l’eau, Mathematical Model 012 Surface of Revolution with Constant Negative Curvature, reflète ses récentes recherches sculpturales de transcription de modèles mathématiques en objets réels. Enfin, Richard Serra, fidèle à son matériau de prédilection, plante de manière arbitraire d’immenses plaques de métal à flanc de colline (Aix, 2008). Évoquant les commandes publiques de l’artiste américain en France pour le cloître du musée de Brou à Bourgen-Bresse en 1985, Octagon pour Saint-Éloi en 1991 ou Threats of Hell au Centre d’arts plastiques contemporains de Bordeaux, le Château La Coste se positionne désormais comme un acteur 3/ Au Japon, sur l’île de Naoshima, Tadao Ando a imaginé dans un pre- majeur de la commande privée faite aux artistes et architectes. mier temps l’hôtel-musée Benesse House Museum en 1989-92, suivi du Chichu Art Museum inauguré en 2004 et du Lee Ufan Museum en 2010.
3- Alexander Calder, Small Crinkly, 1976 © Alexander Calder
4- Andy Goldsworthy, Oak Room, 2009
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© Andy Goldsworthy Photo : Andrew Pattman
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« L’œuvre de Hiroshi Sugimoto (né en 1948) n’est pas moins troublante. Comme la plupart des invités, l’artiste japonais profite de cette opportunité pour expérimenter. » 3
5- Tom Shannon, Drop, 2009 © Tom Shannon, 2012
6- Tadao Ando, Pavillon, Four Cubes to Contemplate our Environment, 2008-2011 © Tadao Ando, 2012
7- Hiroshi Sugimoto, Infinity, 2009 © Château La Coste and Hiroshi Sugimoto. Photo : Larry Neufeld
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Château La Coste 2750, route de la Cride 13610 Le-Puy-Sainte-Réparade Tel. 04 42 61 92 90 www.chateau-la-coste.com
8- Frank O. Gehry, Pavillon de Musique, 2008
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© Gehry Partners, 2012
9- Tadao Ando, Art Center, 2011 © Tadao Ando, 2012
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