Le mystérieux docteur martin

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« Le mystérieux docteur Martin, 1895-1969 », Pierre Péan, Editions fayard, 1993 Henri Martin naît à Paris en 1895, dans une famille bourgeoise dont il est le fils unique ; son père est le fils d’un grainetier de l’Allier, lui-même pharmacien, avant de travailler dans les laboratoires Comar ; il épouse en 1893 Jeanne Quiserme, fille de pharmacien. Le père est libre penseur. Dans l’appartement parental, le petit Henri Martin découvre à 5 ans le portrait de l’arrière-grand-père de son père, Claude-Lazare Petitjean, né le 13 mars 1748 à Bourbon-L’Archambault dans l’Allier, fils de notaire qui reprend à son compte cette charge royale de son père. En 1792, il est élu à la Convention, et vote la décapitation de Louis n°16, puis pourchasse les hobereaux et prêtres réfractaires contre-révolutionnaires dans la Creuse. Henri commence à vouer à son père « régicide » une haine parricide ! Il découvre aussi que sa mère Jeanne descend de Philippe Egalité (le duc d’Orléans) et de la fille du marquis de Chabusset ; l’enfant de ces deux aïeux est placé sous un faux nom, « Quiserme » (qui me sert ?), dans une famille de Montargis qui n’est pas oubliée par la famille d’Orléans : en 1846, une descendante directe de la fille cachée du duc d’Orléans est nommée fleuriste du roi Louis-Philippe et fournisseur de la duchesse d’Orléans. Cet aïeul royal est lui aussi un régicide. Henri se rêve donc également matricide, et lutte toute sa vie contre les ascendances de ses parents. Voilà pour le petit « portrait psychologique ». un jour de 1909, les parents d’Henri Martin se rendent au cinéma, où sont diffusées les actualités Pathé ; là ils croient s’étrangler, en voyant leur fils porter l’oriflamme en tête du défilé de la fête royaliste de Jeanne d’Arc ! Ils découvrent ainsi que leur fils s’est engagé dans les rangs de l’Action Française à 14 ans ; son père lui éclate sa canne sur le dos… C’est qu’en classe de 3° en 1908-1909, Henri Martin fait la connaissance d’un nouveau camarade, Henri Lagrange, camelot du roy, une organisation qui vient juste d’être créée. Martin y adhère également aussitôt. Lagrange devient ensuite rapidement secrétaire des Etudiants d’AF ; mort en 1915, il est admiré par ses aînés, comme Maurras, et par ses cadets, comme Henri Martin ; Lagrange avait des « crises de violence et de férocité », était intellectuellement « brillant », autant que peut l’être un royaliste à la fin du 19°…Il est en tête de toutes les batailles de rue. En 1915, il écrit à sa mère que « les obus et les balles sont physiquement moins difficiles à affronter que les coups de canne ». Lagrange est aussi membre du Cercle Proudhon… En 1923, après la guerre, qui lui a presque fait oublier ses engagements passés, le docteur Martin s’engage dans l’AF. Le 31 mai 1923, le dirigeant royaliste Maxime Real del Sarte convoque le docteur Martin pour une opération de sabotage d’une réunion de la LDH contre l’occupation de l’Allemagne. Toute sa vie le docteur Martin est fasciné par les histoires de chouans, par « les chouans » de Balzac. Dès 1926, Martin est un des meneurs des camelots du roy, qui leur donne des ordres pour les « exercices d’alerte ». son ascension rapide dans l‘organisation suscite cependant des jalousies, quoiqu’il soit très apprécié de la « base ». Les dossiers « Action française » des archives nationales montrent que la police dispose de plusieurs mouchards au sein de l’AF, dans des positions stratégiques, au vu des informations fournies. En 1924, Maxime Real del Sarte déclare lors du 12° Congrès d’AF que « la police politique entretient chez nous quelques malheureux salariés, mais que ses chefs sachent bien que nous en avons aussi chez elle ». Une véritable paranoïa s’empare des membres d’AF. Déjà, la police pratique les écoutes téléphoniques. A l’AF, Martin ne fait pas partie de ceux qui sont les plus favorables aux coups de main contre la gauche ; son truc à lui, déjà, c’est le renseignement ; il en collecte, on lui envoie des dossiers. Quant aux camelots, il aimerait qu’ils soient moins tapageurs, mieux organisés pour un coup de force. Martin est apprécié par les royalistes parisiens, mais ses adversaires au sein de l’AF passent par la province pour le discréditer, et les militants d’AF de province sont le réceptacle de campagnes de calomnie à son égard. Lors d’un déjeuner des camelots du roy, Maxime real Del Sarte menace Henri Martin, après avoir tendu une oreille attentive sur des ragots concernant Martin. Ces menaces, qui se répètent toute la soirée, vont jusqu’aux menaces de mort…[tient ? et pourquoi lui ferait-on des menaces de mort ? On le prend peut-être pour un indic ?]. En 1929, Lecoeur et Martin se disputent la présidence des camelots du roy ; or l’un et l’autre s’accusent d’être à la solde de la police au sein de l’AF. Les preuves semblent assez accablante concernant Lecoeur. Mais Martin est le plus ancien des deux à avoir cette réputation. Cela aboutit en 1930, après que Martin ait refusé de renoncer à ses accusations contre Lecoeur, à sa radiation du comité directeur de l’AF ; cette décision provoque le mécontentement des partisans de Martin et adversaires de Lecoeur. Baston interne, dans laquelle est impliqué Maxime Real Del Sarte. Martin quitte donc l’AF en 1930 ; ses fidèles, parmi lesquels Guérin, de Vésins, François de la Motte, Maurice Dardelle, Galli et Hervé Le Grand lui emboîtent le pas. Ils se retrouvent tous à l’Union des Corporations Françaises (UCF), alors que les étudiants dissidents qui les suivent fondent de leur côté la FER (Fédération des Etudiants Royalistes), dirigée par Félicien Maudet et Gabriel Jeantet. En mars 1930, Martin et Guérin vont à Bruxelles rendre visite au duc de Guise, qui approuve leur attitude. Martin et Guérin font alors campagne contre l’AF. Guérin créé une section dissidente de l’AF, le « Lys Montmartrois » dont le docteur martin est membre d’honneur. Puis en juillet 1930, Martin, ses amis et quelques chefs de l’Union des Corporations Françaises créent la fédération Royaliste de la Seine. Martin est également au comité directeur de l’UCF, et essaie d’y entraîner les membres d’AF. Le départ de l’AF de Martin contribue en tout cas à faire fondre les effectifs de celle-ci de 35 à 40% !!! Durant son passage à l’AF, le Docteur Martin avait fait la connaissance du colonel Elie de Froidefond ; cet ancien officier de cavalerie, royaliste, ancien précepteur du prince Henri, proche du duc de Guise, membre du 2° Bureau après la première guerre mondiale, confie en 1930 à Martin avoir été l’officier traitant d’un informateur autrichien, un certain Adolphe Hitler…Chaque été, le docteur Martin et sa femme sont invités à séjourner à la Bergelière, gentilhommière du colonel en Vendée. C’est pendant ce début des années 1930 que le Docteur Martin noue des relations intenses avec « Madame », la duchesse de Guise, mère du Comte de Paris. Il l’avait connue dans ses années passées à l’AF. Elle avait recours à lui pour ses talents d’homme de renseignement. Elle lui demande des renseignements sur toutes les personnes qui lui demandent une entrevue avant de les rencontrer. C’est pour le compte des d’Orléans que Martin créé pour la première fois un véritable petit service de renseignement autonome. Mais l’AF s’y opposera, « Madame » étant une « chasse gardée ». De son passage à l’AF, le docteur Martin a gardé non seulement un copieux carnet d’adresse, mais aussi le contact avec un groupe de jeunes étudiants qui lui sont tout acquis, et lui rendent visite tous les jeudis soirs, apportant des nouvelles (sans évoquer l’AF) : Hélion de Charrette (descendant du général de Charrette, chef chouan qu’admirait le docteur Martin), Emile Girard (qui se mariera avec la nièce du maréchal Pétain et devint plus tard l’avocat du docteur), Jean Basdevant (futur diplomate), François de Gourcez, Ozon, Chuzelles et Henri d’Astier de La Vigerie (admirateur déçu de Maurras, futur membre du « groupe des cinq » qui soutient et prépare de l’intérieur le débarquement en Afrique du nord des américain en 1942, et frère d’un résistant gaulliste de la première heure). Hélion de Charrette passa des années au domicile parisien des Martin. Lors de la tentative de coup d’Etat d’extrême-droite du 6 février 1934, Maxime Real Del Sarte avait préparé une « opération Chiappe », suivie de près par Léon Daudet. Il y avait parallèlement une autre intrigue menée par Maurras avec Frot. Marie de Roux participe à Paris à cette journée du 6 février 1934, et à celles qui précèdent. Léon Daudet accouru à Paris trouve au local de l’AF Marie de Roux en compagnie de Maurras, Pierre Lecoeur et quelques journalistes. Toute la soirée, Daudet veut tenter quelque chose avec les Camelots, mais Maurras l’en dissuade ; les plus jeunes sont furieux (parmi eux, Guillain de Bénouville) et meurent d’envie d’en découdre avec les policiers autour du pont de la Concorde. Suite à l’incapacité de leur dirigeants à mener à bien un coup d’Etat, beaucoup de membres de l’AF quittent la « maison mère ». Martin participe aux côtés de Dorgères à la création du Front National qui a pour objectif de coordonner l’action de tous les mouvements, ligues nationales, et organisations anticommunistes. Une liste de ces mouvements membres du Front national est retrouvée en mars 1938 chez le docteur Martin par la police : l’Alerte, centre de défense et d’action contre l’école maçonnique ; alliance


nationale de l’ouest ; association des membres de la légion d’honneur décorés au péril de leur vie ; association nationale des officiers combattants (ANOC) ; association des travailleurs anti-collectivistes (ATAC) ; centre d’action et de documentation contre le marxisme agraire ; centre d’action et de résistance nationale ; club de l’effort ; fédération des contribuables de la Seine ; forces nouvelles (Strasbourg) ; jeunesses patriotes ; ligue de l’appel au peuple ; ligue des chefs de section ; ordre et bon sens ; phalanges universitaires de france ; solidarité française ; société des officiers de complément ; groupement du 6 février… » Dans la Cagoule, Loustaunau-Lacau amène des éléments du PPF, tandis que Groussard rabat ceux de l’Action française. Le service tricolore : c’est le nom dans l’armée d’une sorte de cagoule militaire qui a précédé la cagoule civile, ou s’est développée parallèlement à elle dans un premier temps, sans contact ; elle est divisée en 3 branches : la branche bleue ne comprend quasiment que des officiers du 2° Bureau et reste dans l’ombre, dont Jean Joba ; la branche blanche est composé de « dignitaires », officiers de réserve en contact avec les civils « nationaux », jouissant d’un prestige social ou d’une influence quelconque sur la société, ils font du renseignement pour la branche bleue et sont chargé des fonctions de représentation et d’autodéfense ; la branche rouge est constituée es financiers ; ce service tricolore a pour objectif d’amener Pétain au pouvoir, Pétain n’appartenant pas directement à la branche bleue mais couvrant ses activités. Les chefs de la branche bleue passèrent un accord avec la cagoule civile, tout en étant convaincus de la manipuler, puis se seraient brouillés avec elle…le noyau de l’organisation est la branche bleue, située dans l’entourage immédiat du maréchal Pétain (dont André Brouillard, du 2° Bureau). Pour tous ces gens, la guerre était inévitable et ils la situaient aux alentours de 1940. Loustaunau-Lacau aurait été particulièrement brillant dans les analyses à ce sujet. Il avait créé un petit groupe de gens qui s’appelaient entre eux les « sioux », qui avaient pour signe distinctif commun une sorte de pin’s. Dans ce club militaire de « sioux », il y avait Groussard, Loustaunau, Schlesser (directeur du service central de renseignement), le colonel Rivet (patron du 2° Bureau), Charles de Cossé-Brissac (un homme du SR), etc. le raisonnement des « sioux » était que l’extrême-droite et la gauche préparaient chacune un coup d’Etat, et qu’il fallait « donc » préparer un contre coup-d’Etat amenant Pétain au pouvoir. Les « Sioux » manipulaient les réseaux « Corvignolles », lequel est en réalité leur bras armé ; c’est eux qui désignaient les cibles des Corvignolles, notamment Cot, Labarthe et Jean Moulin, identifiés comme des « agents du komintern ». pendant la guerre d’Espagne, leur principal hobby est la détection des soutiens aux républicains espagnols. Les « sioux » traitent avec Deloncle et ses amis cagoulards, avec la certitude de les manipuler pour au moment voulu, récupérer leur coup d’Etat et placer Pétain au pouvoir. Pétain était au courant et partie prenante. En revanche, ils auraient envisagé ce coup d’Etat avant et non après la guerre. Pourtant, il a effectivement marché après la guerre… Le CSAR, créé en réaction à la perquisition du 10 juin 1936 au siège du PNRS (organisation des dissidents de la 17° équipe de l’AF, qui avait établi des plans de Paris et des principales institutions ne laissant aucun doute sur ses intentions) regroupe une nébuleuse de groupuscules comme le Centre d’information et de coopération, le cercle d’études nationales, l’office de documentation nationale et sociale, l’union des enfants d’Auvergne, les chevaliers du glaive…Un des financiers du CSAR est Lemaigre-Dubreuil, patron des huiles Lesieur. Jean-Marie Bouvyer, né en 1917 à Loches (Indre-et-Loire). Il a rencontré pour la première fois Jacques Fauran en 1922 ou 1923 au lycée d’Angers. Il existait une cellule OAS à Toulouse

Camelots du Roy : les camelots ont été créés au cours de l’automne 1908. les camelots sont en quelques sorte le « service action » de l’AF. Action Française : pendant la première guerre mondiale, l’AF a eu droit à toute la reconnaissance des ve,ntrus de gouvernement, parce qu’elle faisait de virulentes campagnes de propagande patriotique. Même des députés de « gauche » louent son action. D’autres au contraire soulignent l’emprise de l’AF sur la police, le ministère de la guerre et les services de renseignement. Elu député de Paris en 1919, Léon Daudet est devenu une figure de la droite nationale. Stigmatisant la « menace bolchevique », les royalistes attirent vers eux et vers des « unions civiques » les bourgeois apeurés. Lors de la grève générale de 1920, c’est à l’instigation des royalistes que les syndicalistes sont massivement arrêtés. Daudet se fait par ailleurs « tombeur de ministères ». Par ailleurs, l’AF fit école à l’étranger : ainsi, c’est du nationalisme intégral de l’AF que s’inspire à cette même période le fascisme italien ; de leur côté, les royalistes français suivent avec enthousiasme la marche sur Rome, et se voient déjà marchant sur l’Assemblée… En 1923, le gouvernement Poincaré applique certaines idées de l’AF, notamment avec la funeste occupation de la Ruhr… et l’arrestation de dirigeants communistes en france. Mais le 22 janvier 1923, une anarchiste, Germaine Berton, va briser cette entente cordiale des bourgeois conservateurs de tous bords avec les royalistes d’AF, en assassinant le chef des camelots du roy, Marius Plateau. En effet, l’AF furieuse saccage bureaux et imprimeries de journaux qu’elle déteste suite à cet assassinat, ce qui retourne contre elle l’opinion. Croix-de-Feu : créées en 1927, elles s’imposent brutalement à partir de 1933. Le parfumeur Coty qui les finance est également propriétaire du « Figaro » et de « l’Ami du peuple » ; les croix de feu sont aussi financés par l’industriel Ernest Mercier. Le colonel de la Rocque est aussi le Comte François de la Rocque. A l’origine, le mouvement est dirigé par Maurice Genay qui regrette d’avoir donné la succession à De la Rocque, peu aimé de ses hommes, plutôt qu’au Duc Pozzo di Borgo, qui a décliné l’offre à cause de sa qualité de duc, qu’il trouvait lui-même peu populaire.

« 4 ans à l’Action française », Charlotte Montard, Editions Lori, 1931


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