Mémoire "Le réemploi : mutation du cerveau de l'architecte ?" Tatiana Amsing

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le réemploi

mutation du cerveau de l’architecte ?

Tatiana Amsing Sous la direction de Jean-Christophe Gérard et Frank Vermandel Ecole nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille Séminaire d’initiation à la recherche Architecture-Contemporanéité-Complexité Mai 2016


“One man's trash is another man's treasure” 2


REMERCIEMENTS Je tiens tout d’abord à remercier particulièrement Jean­Christophe Gérard et Frank Vermandel pour leur suivi, leur retour et leur soutien tout au long du processus de création de ce mémoire. Je tiens également à remercier les interlocuteurs qui ont participé de près ou de loin à mes recherches et à l’élaboration de ce mémoire de recherche, notamment les membres de l’association Bellastock, Julie Benoit, Paul Chantereau et Baptiste Furic. Enfin je remercie Roselyne Amsing, Agnès Bastin, Rémi Bernier, William Beugin, Alhadi Chafi, Benoit Gavrel, Anne­Lise Olivier et Audrey Weber, lecteurs et relecteurs assidus, toujours pleins de bons conseils.

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AVANT­PROPOS :​ ​Naissance d’un questionnement personnel A travers mes études d’architecture, j’ai été régulièrement amenée à faire des maquettes de projet. Budget étudiant l’imposant, j’ai souvent été contrainte à récupérer des matériaux dans les poubelles. C’est au cours de ma seconde année de licence que j’ai commencé à avoir recours au réemploi. Nous devions faire neuf maquettes conceptuelles pour un projet de Café­Concert, réhabilitation d’une école maternelle conçue par Jean Prouvé à Tourcoing. Un soir en me promenant à Rihour, j’ai repéré un panneau publicitaire qui attendait, sur les pavés, d’être ramassé par les éboueurs. J’ai d’abord hésité à le prendre : ce n’était pas (encore) mon habitude de fouiller dans les poubelles ! Finalement, dépassant la peur du regard des autres, je l’ai sauvé, sauvé du froid et de l’humidité de la rue, sauvé de sa destination injustifiée par son état : la poubelle. Le matériau était une sorte de plastique que je n’ai pas su définir par un nom. Ses qualités intrinsèques, découvertes à travers l’expérimentation, sa facilité de découpe, sa capacité technique à se courber avec la chaleur, ont rendu mon imagination fertile, et m’ont permis de développer un processus intéressant pour le projet de réhabilitation. Ce jour­là, j’ai appris par l’expérience que le matériau de réemploi est support de créativité. D’autre part, je me souviens de la maquette à l’échelle 1/20ème que nous avons dû réaliser en troisième année. Certains étudiants de l’année précédente se vantaient d’avoir dépensé 500€ pour celle­ci. Ne pouvant pas me le permettre, j’ai accumulé toute l’année des matériaux de réemploi, sans savoir si un jour ils me seraient utiles. Au final, certains matériaux m’ont servi, d’autres non. J’ai pioché dans ma collection et la réalisation de cette maquette ne m’a coûté que 40€. Par nécessité économique et opportunité, je me suis tournée vers le réemploi. Mais rapidement, la pratique est devenue richesse pour moi. C’est seulement en Master que j’ai commencé à mettre un nom sur le procédé auquel j’avais recours. Ce travail de recherche a été pour moi l’opportunité de l’explorer, d’apprendre à le connaître sous un nouveau jour, scientifique cette fois, mais aussi de me projeter dans le type d’architecte, que je décide d’être, l’architecte “citoyen de la planète”. 6


Remerciements

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Avant­propos : Naissance d’un questionnement personnel

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Sommaire

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Introduction : au coeur d’une mutation complexe 10 Problématique : En quoi le réemploi révolutionne­t­il la conception architecturale ? 14 Structuration du mémoire : 16

I) Redécouverte du réemploi au XXIe siècle 18

1) Contexte

18

a) Réemploi et histoire b) Parenthèse historique : la société industrielle c) Limites du système linéaire (crise de la matière) d) Économie circulaire et décroissance

18 19 20 22

2) Un nouveau regard sur le déchet

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a) Étymologie du mot déchet b) Complexité de la notion “déchet” : le déchet n’existe pas ? c) Point de vue d’un philosophe sur le déchet d) Point de vue d’un juriste sur le déchet

24 26 27 29

3) Définition réemploi

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a) Problème de définition officielle b) Distinction des concepts “recyclage”, “réutilisation” et “réemploi”

30 32

4) Freins au réemploi (analyse de Bellastock) a) Frein esthétique b) Freins économiques c) Freins techniques d) Freins juridiques 7

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II) Le matériau au centre de la conception

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1) Le Bricoleur de Claude Lévi­Strauss

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a) Démarche rétrospective : faire avec les moyens du bord b) Architecte réemployeur : bricoleur savant ?

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2) Superuse Studios :

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a) Approvisionnement et création d’outils b) Échelles des projets de réemploi

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3) Association Bellastock :

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a) Approvisionnement : bâtiment gisement, réemploi in situ b) Architecture expérimentale : Actlab et festival c) Création d’outil : Carte évolutive ­ flux tendu d) Expérimentations liées à la matière e) Conséquences relationnelles f) Ouverture du chantier

61 63 67 70 71 73

III) Mutation du cerveau de l’architecte

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1) Accepter la complexité pour concevoir 2) Une Méthode Heuristique 3) Le projet comme processus 4) Vers un cerveau collectif ?

76 78 81 84

Conclusion : Bibliographie commentée : regard pluridisciplinaire sur la question

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INTRODUCTION : ​au coeur d’une mutation complexe

Les années 70 ont été la scène d’une prise de conscience globale vis­à­vis des limites de notre planète. La crise de la matière première mise brutalement en lumière par le choc pétrolier a éveillé la nécessité d’une mutation. Cette nouvelle perception du monde a entraîné un changement de paradigme. Néanmoins, plus de quarante ans après, il est temps de constater que malgré les volontés ponctuelles d’attitudes alternatives, le système linéaire “extraire ­ produire ­ consommer ­ jeter” reste toujours le plus répandu. Les habitudes industrielles de plus d’un siècle sont dures à changer, la mise en place de nouveaux modes de vie doit venir d’une volonté motrice globale. La diminution des ressources n’est pas la seule limite pour continuer d’appliquer le modèle industriel. Il faut également prendre en considération les effets de ce modèle, la production en masse de déchets qu’il induit. Les conséquences de la société industrielle sur le monde sont dévastatrices et preuves d’un problème qui nous dépasse et que nous n’avons pas su ni anticiper, ni gérer. Comme indicateur pour mesurer cette ​indigestion planétaire1 ​, nous pouvons évoquer le nouveau continent qui a émergé au XXIe siècle, une immense plaque ou “soupe de plastique” de six fois la taille de la France2 , constituée de déchets plastiques regroupés par les courants océaniques, apparue dans l’océan Pacifique 3. Bien que cet élément puisse paraître anecdotique, il est révélateur de la taille du problème et des enjeux d’accélérer la transition.

Expression de DREYFUS, Catherine et PIGEAT, Jean­Paul, ​Les maladies de l'environnement, la France en saccage, ​Ed. Denoël, 1970, 283 p. 2 http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/05/09/le­7e­continent­de­plastique­ces­tourbillons­de­dechets­dans­les­oceans_ 1696072_3244.html​, ​Le 7e continent de plastique : ces tourbillons de déchets dans les océans​, GARRIC Audrey, DR, consultable sur le site ​www.lemonde.fr​, 9 Mai 2012, consulté le 3 octobre 2014. 3 ​http://www.septiemecontinent.com/​, ​expédition 7e continent, ​Collectif, consulté le 20 octobre 2014. 1

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L'architecture est fortement exposée à la gestion de ces déchets, notamment à cause de ses liens avec le secteur du BTP qui produit chaque année en France environ 250 millions de tonnes4 de déchets. Le rapport de l’ADEME5 nous informe qu’une partie de ces déchets est recyclée “comme matériaux de construction de Travaux Publics (remblais, assises de chaussées, etc...)”6. Ce processus de valorisation du déchet est intéressant, mais pose question. Le recyclage implique une dépense énergétique, et les matériaux, liés au phénomène d’entropie ne sont pas recyclables à l’infini. Pourrait­on imaginer réemployer les déchets du monde architectural tels quels, sans transformation et perte d’identité de la matière ? Cette question est induite par une autre question : dans quelle mesure l’architecture peut­elle avoir un rôle à jouer dans la gestion des déchets qu’elle­même produit ? Bien que le mot soit encore peu connu, le réemploi n’est pas une notion datant du XXIe siècle7 . Le réemploi est bien présent dans l’histoire de l’architecture. Pourtant, l’ère industrielle, ainsi que l’invention de la poubelle, ont perverti la relation de l’homme à ses déchets, et ont fait tomber le réemploi dans l’oubli. L’attrait pour le neuf, que les modes de production industrielle ont rendu économique, a placé sur le banc des relégués le déchet, qui est devenu exclusivement la ressource du pauvre et du marginal opportuniste. Grâce au passage du paradigme industriel au paradigme écologique, la question du réemploi n’a pas les mêmes enjeux que dans le passé. Ainsi, les motivations du “réemployeur” ont changé. Historiquement, on réemployait

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​“Les données les plus récentes concernant la production de déchets du BTP sont issues d’une enquête statistique nationale menée par le ministère en charge de l’écologie (chiffres 2008, actualisés pour l’année 2010). Elle montre que le gisement de déchets du BTP s’est élevé à 260 Mt en 2010, dont 221 Mt pour les TP. La répartition des 39,4 Mt entre les 3 catégories de déchets est la suivante : ­ déchets inertes : 28,2 Mt ­ déchets non dangereux : 10,2 Mt ­ déchets dangereux : 0,6 Mt Environ 50% des déchets non dangereux du BTP sont en mélange et donc non triés sur le chantier (distinction B et TP non disponible). Ils peuvent donc l’être ultérieurement soit à l’atelier soit sur une installation spécifique.” www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/fiche­technique­dechets­du­batiment­201412.pdf​, ​Déchets du bâtiment​, ADEME, CHATEAU Laurent, Décembre 2014, p. 4., consulté le 2 Mars 2016. 5 ​Ibid​. 6 ​Ibid​. 7 FOULQUIER Laura, “La carrière de pierres : la récupération de l’antiquité à nos jours” in ​Matière grise – matériaux, réemploi, architecture , éd. Paris: Pavillon de l’Arsenal, 2014, p. 63. à p. 68. ­ chapitre Le réemploi dans l’histoire 11


communément pour des raisons économiques et pragmatiques, soit par nécessité, soit par opportunisme. Mais en 2016, il est encore difficile de prouver qu’un projet utilisant le réemploi est moins cher que construire avec du neuf, bien que ce soit parfois le cas. L’architecte qui réemploie est d’abord motivé par sa posture idéologique, écologique, sociale, voire philosophique. En un mot, le réemploi est devenu une éthique. Nous supposons que réemployer ne se réduit pas à la simple utilisation de matériaux de réemploi dans un projet. Une constante commune que l’on trouve chez l’architecte du réemploi moderne, c’est sa volonté de changer radicalement la pratique de l’architecture actuelle. L’architecte ne réemploie pas que les matériaux, il réemploie les personnes, celles qui n’ont pas de place dans la société, celles qui n’ont pas de voix au sein de l’espace public.

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Problématique : En quoi​ ​le réemploi révolutionne­t­il la conception architecturale ? Révolution dans la conservation de la matière ­ Révolution des relations ­ Révolution des cerveaux Alors que dans les années 70, l’architecte du réemploi était considéré comme un marginal, peut­on considérer qu’il a, en 2016, sa place au sein des villes ? Quels sont les facteurs sociétaux qui ont permis au réemploi d'être à nouveau considéré comme étant essentiel, à prendre en compte ? Pourquoi y a­t­il eu une mutation de la mentalité dans un laps de temps relativement court ? Comment cette mutation a­t­elle entraîné un changement dans le statut du déchet ? L’architecture a­t­elle un rôle à jouer dans la gestion et la prévention des déchets qu’elle­même produit ? En France, le secteur du BTP produit 41% des déchets, alors que les ménages n’en produisent que 3,5%8 . Le recyclage des déchets ménagers est beaucoup plus médiatisé afin d’encourager tout un chacun à y mettre du sien. Pourtant, n’y aurait­il pas une autre alternative plus soutenable que le recyclage quant à l’énorme production de déchets venant du BTP ?

Le réemploi est un scénario de plus en plus considéré par les architectes. La notion de réemploi révolutionne la logique actuelle de conception architecturale : le réemploi positionne le matériau au centre de la réflexion. La matière n’est plus considérée comme abstraite jusqu’à un stade avancé de la conception, comme cela a pu être le cas auparavant.9 Le réemploi implique le passage d’une conception axée sur les résultats à une conception axée sur les ressources. Quels sont les facteurs qui compromettent cette mutation architecturale, mutation des cerveaux et de la façon de penser ? Serait­ce brider la créativité de l’architecte que de considérer systématiquement de faire avec les “moyens du bord” ?

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​http://www.senat.fr/rap/r09­571/r09­5711.html​, ​Traitement des ordures ménagères : quels choix après le Grenelle ?​, Auteur inconnu, consultable sur le site ​www.senat.fr​, date de mise en ligne inconnue, consulté le 10 Avril 2016. 9 GIELEN, Maarten, conférence Formes/Formats à l’ENSAPL, le 26 mars 2015. 14


Comment faire lever les freins de diverses natures, juridiques, esthétiques, techniques et économiques, qui empêchent le réemploi de se démocratiser ? Est­ce que le rôle de l’architecte, pionnier dans la mise en place de la filière du réemploi, va au­delà de la conception et réalisation de projets manifestes de réemploi ? Est­on en marge de voir apparaître une nouvelle figure de l’architecte “citoyen de la planète” qui va être un incitateur, et initiateur du changement ? Quelles sont ses chances d’aboutir à faire naître le désir du réemploi dans le coeur des architectes, des politiques, des citoyens qui l’entourent ? En quoi le réemploi implique­t­il un changement dans les relations entre les différents acteurs du projet architectural ? Implique­t­il un élargissement du nombre et des compétences des acteurs pour pallier à la méconnaissance de l’architecte en termes de savoir­faire lié aux matériaux de réemploi ? L’architecte du réemploi aura­t­il besoin des compétences des artisans ? La volonté de décloisonner les professions serait­elle en train de transformer le métier d’architecte ? La mise en commun des savoirs et des savoir­faire entraîne­t­elle une mutation du cerveau de l’architecte ? Serait­ce l'avènement d’un “cerveau collectif” ? Quelles sont les conséquences du réemploi sur l’enseignement de l’architecture ? Le réemploi peut­il engendrer une métamorphose de l’atelier d’architecture pour accueillir l’expérimentation, nécessaire à la mise en application du matériau de réemploi ? La recherche s’efforcera, du point de vue de l’étudiante en architecture que je suis, d’identifier les principales questions soulevées, les divers enjeux et se demandera dans quelle mesure elles sont liées, et tentera d’évaluer leurs poids et conséquences sur l’architecture.

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Structuration du mémoire : Nous tenterons dans une première partie de remettre en place le contexte de redécouverte du réemploi au XXIe siècle. Pour interroger cette redécouverte, il nous faudra comprendre le moment charnière au sein duquel nous nous trouvons. Cela implique d’un côté une double prise de conscience : de l’épuisement des ressources et de l’accumulation des déchets10. De l’autre le constat d’une nécessité de changement urgent de paradigme du système linéaire de la société industrielle à un système circulaire. Ce sera aussi l’occasion de présenter l’acte philosophique qui réhabilite le déchet au statut noble de “matière”. Nous supposons que le changement dans le regard porté sur le déchet est le catalyseur à l’origine de la pensée du réemploi. Nous tenterons d’apporter des éléments dans le but de définir le réemploi, en mettant en exergue le vide juridique qui en résulte comme étant un frein. Il nous faut distinguer les concepts “recyclage”, “réutilisation” et “réemploi” et mettre en évidence les confusions afin de bien cerner la question. La dernier point que nous aborderons consiste en l’identification des différents freins qui s’opposent au réemploi. Nous observerons que tous ces freins sont directement liés à la question de la matière de réemploi. Après avoir identifié un certain nombre de critères utiles à la compréhension de ce qu’est le réemploi au XXIe siècle, la deuxième partie sera consacrée à deux études de cas concrets montrant comment le réemploi transforme la conception architecturale. Nous formons l’hypothèse que cette révolution est directement liée au fait que dans la pratique du réemploi, le matériau est au centre de la conception. Le projet architectural ne peut plus être pensé sans connaître la disponibilité du matériau.

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Constat mis en lumière par le collectif Encore Heureux, CHOPPIN Julien et DELON Nicola, ​Matière grise – matériaux, réemploi, architecture , éd. Paris: Pavillon de l’Arsenal, 2014, p. 17. ­ chapitre Moins de matières grises 16


Nous tenterons dans une première partie d’analyser le Bricoleur (notion développée par Claude Lévi­Strauss) et de voir comment il peut être assimilable à l’architecte qui réemploie. Ainsi, nous verrons le cas de Superuse Studios et celui de l’association Bellastock, qui tous deux ont des postures bien distinctes dans leur approche au réemploi. L’objectif sera double : d’un côté mettre en lumière comment la phase d’approvisionnement conditionne la conception architecturale ; de l’autre revenir sur la création nécessaire d’outils dans le cadre de la conception architecturale qui considère le réemploi. Nous verrons que le matériau de réemploi rend l’expérimentation, si ce n’est nécessaire, utile. Nous tenterons de lire les conséquences du réemploi sur les relations rhizomiques entre les acteurs du projet, et sur le degré d’ouverture du chantier. La troisième partie sera orientée vers l’analyse du processus de réemploi. Dans quelle mesure peut­on dire que le cerveau de l’architecte mute pour répondre aux contraintes liées au réemploi ? Nous interrogerons la méthode du réemploi et verrons qu’elle correspond à la méthode heuristique, qui apporte innovations, et surprend l’esprit préparé par la sérendipité. Nous tenterons d’expliquer comment le projet réemploi porte son intérêt sur le processus plutôt que le résultat. Ce mémoire s’ouvrira par la dernière partie, la supposition que la conception collective induite par le réemploi, fait naître un cerveau collectif, que l’architecte partagerait avec modestie avec les autres acteurs du projet, en vue de l'exacerbation de l’efficacité au sein du système complexe de la conception collaborative.

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I) Redécouverte du réemploi au XXIe siècle Afin de comprendre où va le réemploi, nous devons savoir d’où il vient. Pourquoi suscite­t­il tout à nouveau un engouement au XXIe siècle ? Quels sont les éléments favorables à sa redécouverte ? Cette première partie nous permettra de mettre en place le contexte nécessaire à sa compréhension, en le légitimant, et de faire l’état des lieux sur la définition du réemploi puis de mettre en lumière les freins auxquels l’architecte doit faire face. 1) Contexte a) Réemploi et histoire Notre but ici n’est pas de recenser tous les exemples de réemploi dans l’histoire, mais plutôt de mettre en exergue le fait que ​l​e réemploi a accompagné l’histoire humaine et celle de l’architecture, s’inscrivant comme une pratique courante et traditionnelle11. Les raisons du recours au réemploi étaient pragmatiques, économiques, et opportunistes. Parfois, suite à des pillages ou des démolitions (par exemple, suite à la Révolution Française), le réemploi point, soit là où les matériaux neufs sont indisponibles, inexistants ou hors de prix, soit là où les circonstances font naître une opportunité. Plus proche de nous, Jean Prouvé et Le Corbusier12 ont tous deux eu recours ponctuellement au réemploi, avec des attitudes distinctes. Il est effectivement intéressant de noter que pour le premier, le réemploi est notable et assumé dans l’architecture produite, alors que pour le second, il n’est pas visible.

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CHOPPIN Julien et DELON Nicola, ​Matière grise – matériaux, réemploi, architecture , éd. Paris: Pavillon de l’Arsenal, 2014, p. 59. ­ chapitre Le réemploi dans l’histoire. 12 ​Ibid​. p. 60. 18


b) Parenthèse historique : la société industrielle A partir du milieu du XXe siècle, le réemploi est tombé dans l’oubli13 , mis à part quelques exemples ponctuels. La société industrielle a participé à cette amnésie. En effet, la facilité d’acquisition de matériau neuf à un prix dérisoire, liée à la production de masse, a entraîné un désintérêt face au réemploi devenu non nécessaire. La matière usagée n’est pas la seule qui ait souffert de cette parenthèse industrielle. Ivan Illich, penseur de l’écologie politique, dénonce que l’homme lui­même est devenu “la matière première que travaille l’outil”14 . L’économiste Serge Latouche va plus loin en affirmant que l’homme “tend lui­même à devenir le déchet d’un système qui vise à le rendre inutile”15​. Les conséquences de la production de masse ont déshumanisé l’homme qui, hyper­spécialisé pour les besoins du système, se retrouve “déraciné, castré dans sa créativité, verrouillé dans sa capsule individuelle”16. Un des effets secondaires est la destruction des liens sociaux entre les humains.

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16

​Ibid​. p. 60.

ILLICH, Ivan. ​La Convivialité . Paris: Éditions Du Seuil, 1973, p. 11. LATOUCHE, Serge. ​Petit traité de la décroissance sereine​. Editions Mille et une nuits, 2007, p. 21. ILLICH, Ivan. ​La Convivialité . Paris: Éditions du Seuil, 1973, p. 11.

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c) Limites du système linéaire (crise de la matière) Les années 70 ont été la scène d’une prise de conscience générale sur les limites des ressources naturelles de la planète. Des évènements majeurs tels que le choc pétrolier en 1971 aux États­Unis, ont plongé l’humanité dans une polycrise17 mais ont permis l’ouverture de débats et d’actions en vue d’un nécessaire changement. Les stigmates de l’industrialisation sont visibles sur l’homme mais surtout sur la nature. Le collectif Encore Heureux, ​exigeant, lucide, optimiste et engagé18 , et surtout pratiquant le réemploi, ​révèle ce ratio étourdissant : 300kg de nature sont

nécessaires pour produire 10kg de produit industriel19 . Le système linéaire “extraire ­ produire ­ consommer ­ jeter” n’est plus viable, d’un côté à cause du manque de ressources naturelles et de la pollution produite, et de l’autre à cause de la quantité de déchets qu’il génère. Ce changement vers un paradigme plus soutenable a entraîné la redécouverte du réemploi, directement lié aux questions de l’économie, de la société, de la culture et des modes de vie. Ainsi celui qui réemploie aujourd’hui n’a pas les mêmes motivations que celui qui réemployait lorsque les ressources de la planète paraissaient encore illimitées, renouvelables. Le réemploi est devenu une éthique au XXIe siècle. Vers la fin des années 60, des collectifs naissent aux Etats­Unis avec la volonté de transformer la profession d’architecte. Orientés vers le réemploi, le recyclage et l’expérimentation, ils se positionnent marginalement dans le paysage architectural, vont à contre­courant de ce qu’il se fait dans le secteur, tout en se heurtant aux normes juridiques. Parmi ces mouvements, nous pouvons mentionner 17

Notion développée par, entre autres, Edgar Morin. CHOPPIN Julien et DELON Nicola, ​Matière grise – matériaux, réemploi, architecture , éd. Paris: Pavillon de l’Arsenal, 2014, p. 37. ­ chapitre La crise de la matière. 18 ​http://encoreheureux.org/introduction/​, introduction du Collectif Encore Heureux, Encore Heureux, consultable sur le site : www.encoreheureux.org​, date de mise en ligne inconnue, consulté le 3 Mai 2016. 19 ​ CHOPPIN Julien et DELON Nicola, ​Matière grise – matériaux, réemploi, architecture , éd. Paris: Pavillon de l’Arsenal, 2014, p. 18. ­ chapitre Les matériaux de construction. 20


l’architecte pionnier Michael Reynolds, qui construit des « earthships », ces habitats écologiques et économiques, énergiquement indépendants dans le désert du Nouveau Mexique. La transmission des savoirs se fait directement sur le chantier20 : il construit, aidé d’une communauté qui pourrait être qualifiée de ‘hippie’. Les personnes aidées pour la construction de leur maison aident à leur tour sur le chantier suivant, et apprennent à leur tour à d’autres. La forme du projet architectural se transforme totalement grâce au réemploi. Prenons l’exemple de Rural Studio21 . Des professeurs et élèves de l’université de Auburn expérimentent à partir de 1993 le réemploi pour des populations défavorisées. L’habitat social étant construit par les élèves, le budget est plus que limité : le réemploi s’impose comme une nécessité. Confronté à des problèmes concrets liés aux matériaux de réemploi, l’étudiant est propulsé dans une dimension bien différente de celle de l’atelier d’architecture : désormais, la débrouillardise, l’expérimentation et les prototypages sont indispensables.

20

Voir le film sur la vie de Michael Reynolds : HODGE, Oliver (2007). Garbage Warrior, Film documentaire, Open Eye Media UK, ITVS International & Sundance Channel, 87 min 40 s. 21 OPPENHEIMER DEAN, Andrea, HURSLEY, Timothy, ​Proceed and Be Bold: Rural Studio After Samuel Mockbee,​ Ed. Princeton Architectural Press, 2005, 176 p. 21


d) Économie circulaire et décroissance L’économie circulaire s’oppose au paradigme de l’économie linéaire : le but étant de limiter le gaspillage des ressources et réduire l’impact environnemental22 . Constituée de trois domaines d’actions, créateurs d’emplois23, l’économie circulaire se divise en sept piliers comme nous pouvons le voir dans le schéma qui suit.

Source : ADEME, ​Les composantes de l’économie circulaire : Les principaux domaines d’action de l’économie circulaire Schéma, issu du site : http://www.ademe.fr/expertises/economie­circulaire (consulté le 5 Avril 2015)

La décroissance se place comme une alternative à la croissance, qualifiée par Serge Latouche de “cancer de l’humanité”24. Elle se résume en 8 objectifs :

​http://www.ademe.fr/expertises/economie­circulaire​, ​Économie circulaire​, ADEME, consultable sur le site www.ademe.fr, date de mise en ligne inconnue, consulté le 5 Mars 2016. 23 “​La ​note d'analyse "L'économie circulaire, combien d'emplois ?​ (France Stratégie ­ Avril 2016) disponible à l’adresse http://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/na46_economie_circulaire_07042016_finale­web.pdf évalue le volume d’emploi aujourd’hui concerné à 800 000 emplois équivalents temps plein.” http://www.ademe.fr/expertises/economie­circulaire, ​Économie circulaire​, ADEME, consultable sur le site www.ademe.fr, date de mise en ligne inconnue, consulté le 5 Mars 2016. 24 BELPOMME, Dominique, ​Avant qu’il ne soit trop tard​, p. 211. 22

22


“réévaluer, reconceptualiser, restructurer, redistribuer, relocaliser, réduire, réutiliser,

recycler.”25 Quant au réemploi, il se place dans le système économique

circulaire, en tant qu’alternative au système linéaire. Il prouve une volonté profonde de compréhension des sphères humaines et territoriales, sur une implantation à l’échelle locale. Dans le réemploi, il n’est pas uniquement question de provenance de matériaux, mais plus largement de “la politique, la culture, le sens de la vie, qui doivent retrouver leur ancrage territorial”26.

25 26

LATOUCHE, Serge, ​Petit traité de la décroissance sereine​. Editions Mille et une nuits, 2007, p. 56. ​Ibid​. p. 63. 23


2) Un nouveau regard sur le déchet a) Étymologie du mot déchet Chez les Romains, le concept le plus proche du mot déchet était le spolium27 : traduisible par le mot dépouille, ce matériau n’était jamais considéré comme perdu, en effet, il était toujours réutilisé28. Il est intéressant de relever comment le spolium génère un collage de styles distincts, anachroniques, unis dans une nouvelle architecture. Les résultats sont intrigants, surprenants et complexes, et traduisent une contradiction, symbole d’évolution, de révolution et d’innovation29 :

Source (gauche) : Falasca (Giovanna), ​Claudius Nero,​ photographie, Fontana Fota, Molise, Italie, prise le 20 janvier 2010, issue du site : ​https://www.flickr.com/photos/33656771@N03/4290471513 (consulté le 22 mai 2015)

Source (droite) : Pio Ferreri (Francesco), ​Martyrium​, photographie, Cimitile (NA). Basilica di S. Felice. Martyrium del santo (V­VI sec. d.C.), prise le 23 mai 2011, issue du site : https://www.flickr.com/photos/10032652@N08/5751786543 (consulté le 22 mai 2015)

27

Définition du mot latin Spolium consultable sur : ​http://www.dicolatin.fr/FR/LAK/0/SPOLIUM/index.htm

28

CADIERGUE, Jules, PADILLA, Mathilde, RULLET, Sophie, TOULGARIDIS, Konstantinos, ​Gestion de Projet 2015 / Le réemploi en architecture​. [video] Disponible à l’adresse : ​https://www.youtube.com/watch?v=50nZF30vu5U​, Consulté le 10 mai 2016. 29 VENTURI, Robert, ​Complexity and Contradiction in Architecture​, New York, Ed. The Museum of Modern Art,1966 ­ 1977 ­ 2002, p. 43. et p. 44. 24


Le mot déchet, du vieux français “déchiets” est apparu au XIVe30 siècle. A l’époque, son sens est distinct du sens actuel : il représente la chute qui provient d’un travail de fabrication, il “tombe dans un état inférieur à celui où l'on était, s'abaisse”31​. Aujourd’hui la définition est plus large et englobe l’“objet désormais brisé et abandonné, ayant perdu sa valeur d’échange, tandis que la valeur d’usage vient de s’éteindre; il quitte donc le cercle commercial” 32. Cette définition est néanmoins discutable : entre deux et six millions de personnes33 sur terre subsistent grâce à l’économie informelle générée par les déchets. Même si le déchet a perdu sa valeur d’échange pour son propriétaire originel, il continue intrinsèquement de contenir une valeur commerciale que les plus pauvres, par nécessité, ont su voir.

30 31

Définition CNRTL du nom Déchet Définition CNRTL du verbe Déchoir

32

DAGOGNET, François, Des détritus, des déchets de l’abject ­ une philosophie écologique , éd. Les empêcheurs de tourner en rond, 1997, p. 74. 33 ​http://kartbydegueldre.com/emmanuelle.php​, ​le projet KART by DEGUELDRE​, KART by DEGUELDRE, consultable sur le site : http://kartbydegueldre.com/, 2014, consulté le 10 Mars 2016. 25


b) Complexité de la notion “déchet” : le déchet n’existe pas ? La complexité de la notion de déchet se fait sentir dès lors que l’on prend en compte cette phrase de Superuse Studios : “dès lors que le déchet prend de la valeur, il ne peut plus être considéré comme un déchet34”. Résultat, l’objet ou le matériau dit ​déchet peut donc changer de statut très rapidement en fonction du regard humain posé sur lui. En poussant cette logique plus loin, certains sont prêts à dire que le déchet n’existe pas. L’économiste et sociologue Gérard Bertolini35 affirme que le déchet “absolu” n’existe pas : dès lors que la “répulsion qui résulte d’un ordre social et mental construit36” est dépassée, la réappropriation est rendue possible, le déchet devient ressource.

34

VAN HINTE, Ed, PEEREN, Césare , and JONGERT, Jan. Superuse: Constructing New Architecture by Shortcutting Material Flows​. Rotterdam: 010, 2007. Print. Cit p. 48. 35 BERTOLINI, Gérard. Le déchet, c'est les autres , éd. Erès, 2006. 36 ​http://www.editions­eres.com/ouvrage/1839/le­dechet­c­est­les­autres​, ​Le déchet, c'est les autres, ​présentation du livre, ERES, consultable sur le site ​www.editions­eres.com​, date de mise en ligne inconnue, consulté le 15 mai 2015. 26


c) Point de vue d’un philosophe sur le déchet Dans notre société contemporaine hygiéniste, les déchets sont vus comme un danger, et méprisés du fait de leur potentielle capacité à contaminer et à polluer. Leur élimination37 est considérée comme une priorité. Le philosophe François Dagognet fait le lien entre cette “fureur éliminatrice”38 avec notre culture imprégnée par la philosophie grecque, notamment le platonisme qui considère la matière comme inessentielle. Ce système de pensée ne dévalorise pas seulement la matière en tant que telle, mais contamine “celui qui touche à la matière ou la manipule (le travailleur manuel, le métèque)39 ”. Ce constat nous fait entrevoir un des enjeux latéraux, lié à la valorisation du déchet, et plus largement au réemploi. Nous émettons l’hypothèse que lorsque l’architecte décide de travailler en revalorisant la matière délaissée, refusant la ségrégation40, cela a pour conséquence indirecte de revaloriser le travailleur manuel et exhausser ses relations avec lui, revaloriser l’humain, l’Autre. François Dagognet nous invite dans sa démarche philosophique et scientifique à mettre de côté les préjugés que nous pouvons avoir sur le délaissé, le sans­emploi, pour s’intéresser à son essence, sa matière. Il propose de porter sur “les moins­êtres”41 un nouveau regard “réhabilitateur” qui nous permettra de découvrir la “variété” et “la richesse de ces êtres, dont la culture n’a cessé de nous séparer42 ”. 37

​“Une hylétique (une science de la matière) (...) a préconisé pour la plupart d’entre eux ou bien l’enfouissement (parfois même une vitrification qui les momifie définitivement) ou bien l’incinération. On a procédé à leur élimination, tant pour des raisons esthétiques (contre ce qui se dégrade et nous incommode) que sanitaires (la sécurité, la lutte contre le sale, les foyers de nuisances, la vermine).” DAGOGNET, François,​ Des détritus, des déchets de l’abject ­ une philosophie écologique​, éd. Les empêcheurs de tourner en rond, 1997, p. 11. 38 Ibid. p. 92. 39 Ibid. p. 66. 40 Ibid. p. 28. 41 Ibid. p. 12. 42 Ibid. p. 11. 27


Le déchet comme document Grâce à leurs traces et altérations, les déchets sont porteurs d’informations et peuvent être assimilés à un document43, ce qui fait d’eux un “incomparable témoignage44 ”. Finalement, ce sont ces traces qui leur donnent une plus­value, une valeur culturelle et patrimoniale. Évidemment, tous les déchets ne se valent pas. Une bouteille en plastique que l’on peut trouver à chaque coin de rue n’aura pas le même intérêt45 pour tous qu’une porte de 1930 qui part à la benne suite à une réhabilitation46. La durée de vie de l’objet avant son état de déchet influence sa signifiance. Le déchet support de créativité et d’ingéniosité Enfin la force du déchet se trouve dans son potentiel comme support de créativité et d’ingéniosité. Comme l’affirme Dagognet, “c’est souvent avec le presque rien, l’abandonné qu’on invente (l’ingéniosité)47.” S’intéresser aux caractéristiques uniques du déchet, ses défauts et altérations propres, engendre une mise en action habile du cerveau qui doit contourner les problèmes qui se présentent, faire avec, passer outre, détourner.

43 44

​Ibid​. p. 226. ​Ibid​. p. 13.

45

L’article “Serions­nous si ignorants ?” de Bellastock dans sa publication, Le grand détournement, prouve que même la banale bouteille de plastique peut devenir poétique lorsque l’architecte par son regard lui donne de l’intérêt. “Observons maintenant cette bouteille de plus près, cet élément construit, qui possède une structure propre, une relative résistance, une forme particulière, des dimensions proches de celles de ses concurrentes. Observons qu’il permet d’emprisonner de l’air, du liquide grâce à son bouchon et ce fameux pas de vis. Observons ce pas de vis, visser c’est fabuleux, dévisser c’est encore mieux, monter, démonter c’est astucieux ! Observons ce bouchon, une quantité de matière nécessaire à la bonne étanchéité du contenant, qui obtient une bonne raideur une fois assemblée au goulot. Observons la collerette du goulot, elle aussi très rigide. Mais que peut­on en faire ? Ces objets possèdent des propriétés fabuleuses et pourraient faire bien plus que s’exposer à table, dans le salon, dans la chambre et partir au bout de si peu de temps à la poubelle !” CORNIQUEL, Florian, “Serions­nous si ignorants ?” , ​Le grand détournement​, publication n°8, 2012, section 1.4. 46 ​http://www.pavilloncirculaire.com/fr/home/10107­le­pavillon­circulaire.html​, ​Le pavillon Circulaire​ : ​construire en matériaux de réemploi​, Encore Heureux, consultable sur le site ​www.pavilloncirculaire.com​, date de mise en ligne inconnue, consulté le 3 avril 2016. 47 DAGOGNET, François,​ Des détritus, des déchets de l’abject ­ une philosophie écologique​, éd. Les empêcheurs de tourner en rond, 1997, p. 22. 28


d) Point de vue d’un juriste sur le déchet Nous avons mis en lumière le potentiel du déchet, intéressons­nous désormais de plus près au terme “déchet” comme on peut le trouver dans les textes juridiques : comment est­il défini ? Le déchet correspond à “toute substance, tout matériau, toute chose dont le producteur ou le détenteur se défait ou a l’obligation de se défaire et dont il est responsable jusqu’à son exutoire final48 ​”. Le matériau devient donc déchet en fonction du regard, de l’intérêt que l’homme lui porte. Le déchet d’une personne peut donc être le trésor de l’autre. Les entreprises du XXIe siècle doivent payer, et sont prêtes à le faire, pour se débarrasser d’un déchet : l’enfouissement ou l’incinération sont ainsi financés. En France le coût de stockage est de 5 à 20€/tonne de déchets inertes et de 55 à 100€/tonne pour les déchets non dangereux49. Imaginons, follement, que cet argent, au lieu de financer une élimination, revienne à l’architecte, qui serait payé pour utiliser des matériaux de réemploi ! Carl Enckell, avocat au barreau de Paris spécialisé en droit de l’environnement, s’insurge du fait que ​“​les ministères de l’industrie et de

l’environnement ne communiquent pas davantage50” sur le réemploi. Le potentiel lié au réemploi n’est pas exploité et cela provient d’après lui du fait que l’administration ne joue pas encore un ​rôle incitateur51​. Il conclut que des clauses juridiques dans les marchés publics sont manquantes pour faciliter et encourager le réemploi. Puisque l’administration ne tient pas encore ce rôle incitateur, serait­ce à l’architecte de le prendre, en plus d’être l’initiateur et le pionnier ?

48

Définition issue de l’article L.541­2 du Code de l’environnement

49

ENCKELL, Carl, «Réemploi, un mot sans définition», in Matière grise ­ matériaux, réemploi, architecture​, p. 49. 50 ​Ibid​. p. 50. 51 ​Ibid​. 29


3) Définition réemploi a) Problème de définition officielle Dans le but d’obtenir une définition complète du terme de réemploi, il est intéressant premièrement de voir ce que dit le droit environnemental. En considérant l’article de Carl Enckell dans le catalogue d’exposition, ​Matière grise ­ matériaux, réemploi, architecture, ​nous observons un manque de considération juridique vis­à­vis du réemploi : l’avocat Enckell fait le constat que “le réemploi n’a pas (encore) de définition officielle précise52 ”​. Ce n’est pas sans conséquence que ce constat est soulevé : ce vide juridique freine la mise en place des initiatives liées au réemploi. Effectivement, pour être rendu applicable plus largement, le réemploi ​“​manque de décrets, d’arrêtés, de

circulaires d’application53 ”​. Sont soulevées notamment des questions de dangerosité. Les matériaux utilisés sont difficilement soumissibles à des normes en termes de résistances techniques déjà existantes. De plus, la vérification des résistances physiques et propriétés d’un matériau de réemploi par un bureau technique entraîne un surcoût parfois difficile à porter dans la gestion de projet d’un chantier, ce qui serait un frein économique supplémentaire au réemploi. Une autre question est soulevée : comment prouver qu’un élément sériel aura les mêmes propriétés qu’un autre élément semblable ? Faudrait­il tester chaque élément ? C’est seulement en novembre 2008, que le mot “réemploi” apparaît dans un texte juridique européen54. Cette tardive entrée fait réagir les protagonistes du réemploi : faut­il attendre un accident pour que le droit des déchets évolue ?

52 53

Ibid. Ibid.

54

“Pour la première fois, le réemploi a fait son apparition dans un texte de droit, dans le cadre de la directive européenne du 19 novembre 2008, transposée par la France dans le Code de l’environnement en 2010. C’est une directive­cadre qui vise à promouvoir “l’économie du recyclage” et établit une hiérarchie des “modes de traitement des déchets”.” ​ ​Ibid​. 30


“Il est urgent que les administrations compétentes s’emparent du sujet : on ne peut pas attendre des tribunaux qu’ils tranchent la question lors d’un éventuel accident sanitaire qui aurait pu être évité. Il reste impossible, pour la filière du réemploi, à l’état embryonnaire, de s’approvisionner en matériaux de seconde main tant que les producteurs ou les détenteurs de déchets ne seront pas rassurés sur les responsabilités a posteriori. Le droit des déchets doit évoluer, bousculer les habitudes et les équilibres du marché pour permettre le réemploi et, plus largement, l’émergence d’une véritable économie circulaire55 .” Carl Enckell Réemploi de déchets uniquement ? Mais le réemploi est­il uniquement du réemploi de déchets ? Notons que la source d’approvisionnement en matériau de réemploi varie d’un projet à un autre. La nature de cet approvisionnement peut être des déchets, mais certains architectes sont allés plus loin pour sauver le potentiel déchet avant qu’il en devienne un. Comme Bellastock le fait en récupérant in situ les matériaux, directement sur une déconstruction. D’ailleurs, cette attitude a des conséquences sur leur définition du réemploi, puisqu’ils considèrent qu’il “se définit comme toute opération par laquelle des substances, matières ou produits ​qui ne sont pas des déchets , sont utilisés de nouveau pour des usages identiques à ceux pour lesquels ils ont été conçus, dans le même lieu, ou du moins, dans un emplacement identique 56.​” “Fondamentalement, la pratique du réemploi, ou de la réutilisation, opère un changement de point de vue sur ce que l'on considère a priori comme déchet, pour l'envisager comme une ressource exploitable en soi, une Matière Première Secondaire. Ainsi, le réemploi ou la réutilisation des déchets du BTP, apparaît comme une pratique alternative, complémentaire au recyclage, qui doit être notamment valorisée par les maîtrises d’œuvre57.” 55

​Ibid​. p. 51.

​BENOIT J, SAUREL G, HALLAIS S​, REPAR : réemploi comme passerelle entre architecture et industrie, Mars 2014, p. 10. 57 ​Ibid​. 56

31


b) Distinction des concepts “recyclage”, “réutilisation” et “réemploi” Le réemploi est traduit en anglais par “re­use” et en espagnol par “réutilizacion”, signifiant littéralement “réutilisation” en français. La langue de Molière est assurément plus précise. Cet exemple anecdotique est un indicateur de la confusion courante entre les différents termes “recyclage”, “réutilisation” et “réemploi”. Il semble donc indispensable de distinguer les concepts avant de développer la suite du mémoire. Pour cela, nous allons nous appuyer sur l’analyse58 de Jean­Marc Huygen dans le livre ​La poubelle et l’architecte. Recyclage : Le recyclage plonge l’objet dans un nouveau cycle de matière, coûteux en énergie et en eau avec quelques effets secondaires comme la pollution de l’air et de l’eau. Il fait perdre toute la culture, l’histoire, la matérialité et la complexité de l’objet au profit d’une transformation avec perte de qualité. La matière qui sort de ce cycle est “comme neuve”, mais la matière qui est entrée dans ce processus a perdu toutes ses qualités chimiques, mécaniques, et sa mémoire 59, qui n’ont pas été perçues comme potentiel à leur état précédent. Réutilisation : La réutilisation conserve le même usage, et prolonge la vie d’un objet en passant par une réparation, un rafraîchissement si nécessaire. L’objet aurait pu être jeté, mais quelqu’un a choisi de prolonger sa vie et son usage premier. 58

​HUYGEN, Jean­Marc, ​La poubelle et l’architecte: vers le réemploi en architecture , éd. Actes Sud, 2008, p. 10, p. 11, p. 12. 59 CHANTEREAU,​ ​Paul, ​Le​ ​grand détournement , éd. Bellastock, 2015, p. 1.1 32


Réemploi : Le réemploi implique un changement d’usage de l’objet tombé en désuétude, qui avait pour destination la poubelle. Pour prendre l’exemple du pavillon circulaire imaginé par le collectif Encore Heureux, une porte peut devenir un élément constitutif d’une façade. Le réemploi “permet une économie et une mise en perspective historique et sociale, donc un supplément de sens et une relation entre les générations60.” ​L’objet devient matériau, tout en conservant les marques, la matérialité, la mémoire, les traces qui reflètent son ancien usage.

SOURCE : Encore Heureux, , ​Pavillon Circulaire​, croquis, disponible sur : http://i.huffpost.com/gen/3572292/thumbs/o­PAVILLON­CIRCULAIRE­570.jpg?6​, DR

En somme, Jean­Marc Huygen commente que ​“​la notion de réemploi contient donc à la fois des notions de réutilisation, de récupération et de recyclage61.” ​Cette distinction entre ces trois concepts permet de mettre en exergue les potentialités signifiantes du réemploi, vis­à­vis du recyclage. Pourtant les

60

61

HUYGEN, Jean­Marc, ​La poubelle et l’architecte: vers le réemploi en architecture , éd. Actes Sud, 2008, p. 11 ​Ibid​. p. 11 33


travaux de recherche et développement actuels sont largement plus orientés sur le recyclage62.

SOURCE : Bellastock, ​Schéma de principe, le réemploi un maillon entre réutilisation et recyclage​, disponible sur : http://www.bellastock.com/wp­content/uploads/2015/10/Portfolio­Bellastock­2015.pdf, DR

Hiérarchisation de la gestion des déchets Néanmoins, une hiérarchie par ordre de priorité dans la gestion des déchets a été établie par la directive européenne63 (art. L. 541­1). Ceci met en lumière l’idéal d’avoir recours au réemploi avant de considérer le recyclage, l’objectif premier étant la réduction de la production de déchet64 . Pourquoi donc privilégier le recyclage sur le réemploi ? Pourquoi le réemploi est­il le plus légitime ? Le rapport REPAR commente du fort lobbying de l’industrie du recyclage, p. 5. ​ ​BENOIT J, SAUREL G, HALLAIS S​, REPAR : réemploi comme passerelle entre architecture et industrie,​ Mars 2014, p. 50 63 ​ Ibid​. p. 10. “La directive européenne établit aussi une hiérarchie en matière de traitement des déchets, applicable dans le cadre de la définition des politiques nationales de gestion des déchets. Elle prévoit les cinq actions suivantes par ordre de priorité (art. L. 541­1) : ­ Prévention des déchets ­ Réemploi ­ Recyclage ­ Valorisation, y compris énergétique ­ Elimination des déchets, en dernier recours” 62

​Ibid​. p. 10 “Nous faisons donc de la prévention, comme le recommande la directive européenne de 2008/98/CE, qui impose aux états membres de l’Union Européenne, selon l’article 11, un objectif de réemploi, recyclage et valorisation de la matière BTP, à hauteur de 70% en poids à l’horizon 2020”. 64

34


L’entropie La raison est expliquée par Jean­Marc Huygen et peut se résumer en un mot : l’entropie. Cette notion mérite explication. L’entropie correspond à une “grandeur thermodynamique exprimant le degré de désordre de la matière65 ”. Plus simplement, l’entropie correspond à l’énergie perdue à jamais, non recyclable, dépensée pour fabriquer quelque chose66​. Le risque lié à cette notion est qu’à terme, toute l’énergie de l’univers serait transformée en entropie.

SOURCE : Huygen, Jean­Marc, ​transformation de l’énergie en entropie​, schéma, disponible p. 2. à l’adresse : ​http://www.grenoble.archi.fr/cours­en­ligne/huygen/060409_Reemploi­Relation.pdf

Le réemploi se trouve comme un compromis équilibré entre l’attitude de celui qui voudrait tout transformer, qui créerait invariablement de l’entropie et de la complexité, et celui qui ne voudrait rien transformer du tout mais qui ne vivrait pas.

SOURCE : Huygen, Jean­Marc, réemployer : optimiser l’énergie disponible dans l’univers​, 65

Définition de «entropie» par le CNRTL

66

HUYGEN, Jean­Marc, ​La poubelle et l’architecte: vers le réemploi en architecture , éd. Actes Sud, 2008, p. 17. 35


schéma, disponible p. 6. à l’adresse : http://www.grenoble.archi.fr/cours­en­ligne/huygen/060409_Reemploi­Relation.pdf

“Plus la flexibilité de l’objet est prévue dès le premier niveau, plus on est efficace et économe en matière et énergie. La flexibilité est une souplesse de la matière organisée et fabriquée pour qu’elle serve le plus longtemps possible et convienne à de nouveaux usages, qu’elle s’y adapte. C’est une projection dans l’avenir avec comme projet la réduction de l’entropie.” 67 Moins on utilise d’énergie pour organiser un matériau, moins il est complexe. Il faudra donc moins d'énergie pour la transformation nécessaire à son recyclage. A l’inverse, plus un objet est complexe, plus il a fallu d’énergie pour l’amener à son état, et plus il faudra d’énergie pour le ramener à un état simplifié. Il vaut donc mieux réemployer car c’est “optimiser l’énergie disponible dans l’univers.68​”. “ C’est la conservation de leurs informations pour gagner du temps, repousser le plus loin possible le moment où toute l’énergie sera irrémédiablement transformée en entropie. Plus le réemploi est direct (sans changement de forme ni d’usage), plus on garde la mémoire et moins on dépense d’énergie nouvelle (...) Le réemploi se situe entre deux extrêmes : soit rien ne change, on ne consomme pas d’énergie, mais on ne vit pas ; soit tout change (au mieux on recycle), mais on consomme tellement d’énergie que, à terme, toute l’énergie sera transformée en entropie (équilibre thermodynamique), il n’y aura plus de vie.”69 A travers la distinction de ces différents concepts que sont le recyclage, la réutilisation et le réemploi, nous venons de démontrer pourquoi l’architecte a la légitimité de s’intéresser aujourd’hui d’abord au réemploi dans notre contexte énergétique et écologique actuel. Désormais, il s’agit d’identifier les différents freins et leurs natures, qui empêchent l’architecte de s’emparer pleinement du réemploi. Quels sont ces freins ? Qui ou qu’est­ce qui les a mis en place ?

67

HUYGEN, Jean­Marc, ​La poubelle et l’architecte: vers le réemploi en architecture , éd. Actes Sud, 2008, p. 40.

​http://www.grenoble.archi.fr/cours­en­ligne/huygen/060409_Reemploi­Relation.pdf​ p. 6.,​ Réemploi et Relation​, HUYGEN, Jean­Marc, cours de l’école d’architecture de Grenoble, DR, consultable sur le site www.grenoble.archi.fr , date de mise en ligne inconnue, consulté le 2 avril 2016. 69 ​Ibid​. p. 22. 68

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Comment peut­on les baisser ? Comment l’architecte peut­il influencer positivement et rendre possible le réemploi ?

37


4) Freins au réemploi (analyse de Bellastock) Bellastock évoque dans les rapports ​REPAR 1 & 2 plusieurs freins liés aux difficultés d’application du réemploi en architecture. Cette liste n’est sans doute pas exhaustive, mais nous nous en contenterons dans le cadre de ce mémoire. ­

le frein esthétique

­

les freins économiques

­

les freins techniques

­

les freins juridiques

a) Frein esthétique Le frein esthétique est lié à la réception du réemploi par le grand public. Malgré les quelques expositions, les articles et les interviews pour essayer de démocratiser le réemploi, il reste des a priori “souvent associés à une esthétique de la “récup”, de l’usure brute et banale70”.

SOURCE : Auteur inconnu, ​Films du 3 mars​, photographie tirée du film «Bidonvilles : architectures de la ville future», 2013, à Bangalore en Inde, disponible à l’adresse : http://www.ledevoir.com/culture/livres/430329/essai­l­arbre­des­possibles

​http://www.bellastock.com/wp­content/uploads/2015/10/resume_repar2_bellastock.pdf​,​ résumé du Repar ​2, consultable sur le site ​www.bellastock.com​, date de mise en ligne inconnue, consulté le 25 mars 2016, p. 5. 70

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Ce frein est d’autant plus marqué dans les pays pauvres : là où la pauvreté est encore formalisée urbainement par les bidonvilles faits avec les moyens du bord, les déchets. Mais ici, ce n’est pas uniquement la réception par le grand public qui est en cause, mais également la réception par les architectes eux­mêmes. Superuse Studios explique qu’en Argentine, l’architecte Jan Jongert de 2012 Architects a été confronté premièrement à une réticence de la part des architectes du pays, mais que les exemples d’architecture de réemploi venant des pays riches les ont convaincus et ont changé leur vision sur le réemploi71. Lors d’un entretien avec Superuse, Taeke de Jong, professeur d’“Ecologie Technique et Méthodes” à l’université de Delft, conseille cette approche aux architectes pour tenter de lever ce frein : “Il faut changer de direction pour commencer à aimer les déchets. D’une façon ou d’une autre, vous devriez essayer de faire du battage médiatique sur quelques­unes de vos réalisations, comme pour devenir un pionnier dans ce secteur. (...) Si vous réussissez à attirer l’oeil des média, aucun doute que d’autres architectes essayeront de vous rattraper et de s’impliquer dans votre genre d’activité. Si vous fournissez un site avec des histoires, l’architecture “Superuse” deviendra en vogue.” 72 Taeke de Jong En organisant chaque année ces festivals qui font naître une collaboration pédagogique et pluridisciplinaire, Bellastock permet la mise en popularité du réemploi et la sensibilisation des différents acteurs du milieu du bâtiment, mais également des futurs architectes.

71

​VAN HINTE, Ed, PEEREN, Césare , and JONGERT, Jan. Superuse: Constructing New Architecture by Shortcutting Material Flows​. Rotterdam: 010, 2007, p. 8. «traduit par nos soins» 72 ​Ibid​. p. 78. «traduit par nos soins» 39


b) Freins économiques Les freins économiques sont liés à plusieurs constats. Premièrement le manque de structure faisant la jonction entre les gisements et l’architecte, entre l’offre et la demande. Déjà, la demande est loin d’être entièrement répertoriée. L’architecte qui veut réemployer a plusieurs options pour trouver les matériaux de son futur projet. La première est de trouver une structure déjà existante qui récupère et revend des matériaux de seconde main (magasin, ressourcerie…). Le problème aujourd’hui est que généralement ces structures sont de petites tailles, et ne conviennent plus pour l’architecte qui aurait besoin d’une grande quantité de matériaux, afin de pouvoir réaliser des projets de taille plus généreuse. De plus, les structures ne sont pas toujours bien répertoriées dans les moteurs de recherche. C’est pourquoi certains architectes ont mis en place des plateformes de recensement de matériaux de seconde main sous la forme de carte interactive sur internet. Parmi ces sites on trouve notamment ​www.oogstkaart.nl de Superuse Studio, et ​www.opalis.be​ de Rotor. L’autre posture de l’architecte, est d’aller se servir directement à la source, en considérant le bâtiment comme un gisement. C’est le cas de l’association Bellastock qui récupère ses matériaux de la démolition des anciens magasins Printemps pour participer à la construction d’un bâtiment d’habitat collectif sur la même friche. L’avantage de ce procédé est que la matière ne voyage pas comme des matériaux neufs pourraient le faire. Un des désavantages se trouve dans le manque de choix, l’architecte doit faire avec ce qui se trouve dans ce gisement, l’ancien bâtiment à proximité du projet. L’autre problème est le surcoût provoqué par la déconstruction et comment il affecte le budget du projet. En effet, si le coût final d’un projet réemploi est supérieur au coût du neuf, comment convaincre efficacement les architectes et les clients d’avoir recours à cela ? 40


“L’absence de synergie entre chantiers se retrouve à plusieurs niveaux : quantitatif, géographique et temporel. Il est intéressant de réaliser une évaluation économique des procédés développés dans la recherche afin de rendre lisible la répartition de la valeur économique générée par le réemploi sur tous les (nouveaux) acteurs de la filière. Ainsi, celle­ci pourra se voir consolider et l’écoulement entre l’offre et la demande facilité.”73

​www.bellastock.com/wp­content/uploads/2015/10/resume_repar2_bellastock.pdf​,​ résumé du Repar ​2, consultable sur le site ​www.bellastock.com​, date de mise en ligne inconnue, consulté le 25 mars 2016, p. 5. 73

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c) Freins techniques Les freins techniques sont liés au matériau en lui­même. Comment déterminer la qualité structurelle quand on manque d’information sur un matériau qui a été fabriqué il y a des dizaines d’années ? Comment peut­on le certifier ? Faut­il systématiquement l’envoyer dans un laboratoire pour tester ses caractéristiques de résistance ? Et si l’on teste un élément sériel, peut­on considérer que le second a les mêmes propriétés ? Comment mettre en oeuvre et assembler ces composants ? Peut­on et doit­on créer un guide de réemploi pour architecte montrant des systèmes constructifs viables que l’on pourra appliquer d’un bâtiment à un autre ? Que le néophyte pourra consulter et s’approprier ? Serait­ce un gain de temps pour ne pas réécrire une science du réemploi à chaque projet, ou serait­ce réduire la créativité de l’architecte à un manuel ? “Actuellement, les démarches de conception et de certification semblent peu fléchées pour la mise en œuvre du réemploi. La question sera de déterminer comment aboutir à des systèmes constructifs caractérisables et reproductibles74.”

74

​Ibid​. p. 5. 42


d) Freins juridiques Les freins juridiques sont liés à la rigidité de la réglementation du bâtiment. Les normes sont extrêmement précises et ne considèrent pas encore le réemploi. Elles sont même un obstacle, le privant de toute légitimité, lui rendant la tâche plus compliquée que prévue. “Il faut le soutien des maîtres d’ouvrage face aux freins juridiques (assurance des acteurs, certifications et autorisation de mise sur le marché des produits, garantie,…) : ce dernier est indispensable au développement de la filière réemploi. (...) il reste nécessaire d’apporter un éclairage sur le volet juridique des projets construits en réemploi pour assurer la faisabilité de l’hypothèse de REPAR (concevoir le projet d’architecture comme un débouché réaliste à la filière réemploi).” 75

75

​Ibid​. p. 6. 43


II) Le matériau au centre de la conception La première partie nous a permis d’explorer la notion de réemploi et le contexte nécessaire à la compréhension de cette pratique au XXIe siècle. L’état de la question a permis de mettre en lumière la nature des freins qui s’opposent à la mise en place du réemploi. Ces freins, qu’ils soient esthétiques, économiques, juridiques et techniques sont liés directement à la question du matériau de réemploi, et soulèvent les enjeux cités précédemment, auxquels l’architecte doit faire face. Le réemploi implique une nouvelle façon de concevoir l’architecture : le matériau devient centre du projet. L’architecte n’est plus prescripteur de matériaux qu’il a souvent considérés comme abstraits jusqu’à un stade avancé de la conception : désormais il doit connaître les “moyens du bord”76 avant même de commencer sa réflexion. Cette démarche rétrospective engendre de nombreux changements sur la pratique architecturale. L’architecte, pionnier dans la mise en place de la filière du réemploi, prend un rôle qui n’était pas le sien en devenant chargé de l’approvisionnement. Sa conduite devient opportuniste et circonstancielle : il se doit d’être toujours “alerte et préparé” 77 . Nous verrons que cet état induit un accroissement des relations de l’architecte qui entraîne une collaboration avec un réseau d’acteurs de plus en plus large. Nous nous intéresserons dans cette deuxième partie à deux attitudes d’approvisionnements, qui engendrent deux manières de concevoir bien distinctes. La première est celle des Rotterdamois de SuperUse Studios ; la seconde sera celle de l’association parisienne Bellastock. Ce sera l’occasion de mettre en exergue les outils de conception créés, leurs usages et usagers.

76

LEVI­STRAUSS, Claude, ​La pensée sauvage​, Paris, Plon, 1962, p. 27.

77

​VAN HINTE, Ed, PEEREN, Césare, and JONGERT, Jan. Superuse: Constructing New Architecture by Shortcutting Material Flows​. Rotterdam: 010, 2007. Print. Cit p. 14.

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1) Le Bricoleur de Claude Lévi­Strauss Dans le livre ​La pensée sauvage78, nous nous intéressons particulièrement au passage79 sur le bricoleur. Le regard de l’auteur Claude Lévi­Strauss est éclairé par sa formation transdisciplinaire, en effet il n’est pas formé en anthropologie, mais il a fait des études de philosophie et de droit. Il développe la notion de bricoleur tel qu’il a pu le voir lors de ses observations, le légitimant alors qu’il pourrait être a priori, et communément vu comme bien inférieur au savant. En effet dans notre société actuelle, le travail manuel lié à la matière est dévalorisé face au monde des idées. Quelqu’un qui n’a pas les capacités pour s’orienter vers une filière générale ira en filière technique, par dépit, la plupart du temps, et non par vocation. En plus d’avoir mauvaise réputation, le travail est mal payé, alors qu’il est plus pénible et souvent plus difficile physiquement. a) Démarche rétrospective : faire avec les moyens du bord Intéressons nous désormais à l’étymologie du mot bricoleur, d’où vient­il et où va­t­il ? En 1778, le “bricoleur” était « chien qui aime à s'écarter de la piste », en 1859, « celui qui vit d'expédients80 », c’est­à­dire des “ressources momentanées pour se tirer d'embarras sans résoudre la difficulté essentielle81 ”. Dès lors, nous voyons que le bricoleur ne fait pas les choses de manière conventionnelle. Faire comme tout le monde n’est pas quelque chose dont il a l’habitude, il ne suit pas de techniques ou de manuel lui disant comment faire, il invente, il improvise. Il travaille souvent pour du provisoire, de l’éphémère, et non du définitif, avec l’espoir de changer plus tard son ouvrage : il ne travaille pas pour obtenir quelque chose de fini, de clos, mais il se donne la possibilité de revenir dessus, de tout transformer, de prendre des bouts d’autres travaux qu’il déconstruit car ils ne lui plaisent plus ou qui ne lui servent plus pour les réutiliser dans sa nouvelle oeuvre.

78

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81

LÉVI­STRAUSS, Claude, ​La pensée sauvage​, Paris, Plon, 1962, 347p. ​Ibid​. p. 26. à p. 49. ​PRIVAT D'ANGLEMONT​, ​Paris − Anecdote​ dans ​LARCH,​ 1872 Définition Larousse 45


Nous pourrions préconcevoir l’idée que le bricoleur n’arrive pas forcément à des résultats médiocres, peu recherchés. Claude Lévi­Strauss parle lui, positivement, de “résultats brillants et imprévus82 ”. Le bricoleur possède cette qualité : même sans savoir où il va, parfois sans même avoir de plan d’action, ou d’attente d’un résultat particulier, il arrive à se surprendre lui­même du résultat qu’il obtient. Être hors d’expectative est une liberté qui lui permet d’affranchir sa créativité. Devant solutionner de nombreux problèmes rencontrés au cours du chemin de sa vie, le bricoleur est à même ”d’exécuter un grand nombre de tâches diversifiées83 ”. Il a une connaissance technique vaste parce qu’il ne délègue jamais. Il apprend au fur et à mesure, au gré des nécessités et des problèmes. La richesse de la diversité de ses savoirs contraste avec l’ingénieur, qui lui sait beaucoup mais de manière très spécifique. “ ​Son univers instrumental est clos, et la règle de son jeu est de toujours s’arranger avec les “moyens du bord”, c’est à dire un ensemble à chaque instant fini d’outils et de matériaux, hétéroclites au surplus, parce que la composition de l’ensemble n’est pas en rapport avec le projet du moment, ni d’ailleurs avec aucun projet en particulier, mais est le résultat contingent de toutes les occasions qui se sont présentées de renouveler ou d’enrichir le stock, ou de l’entretenir avec les résidus de constructions ou de déconstructions antérieures. L’ensemble des moyens du bricoleur n’est donc pas définissable par un projet​.84’’ Claude Lévi­Strauss L’ingénieur pense son projet pendant un temps, le ficelle avant de choisir les matériaux qui lui seront utiles. Ces matériaux répondent à des caractéristiques techniques nécessaires d’après les sollicitations qu’ils vont recevoir selon leur position dans l’oeuvre. Travaillant par accumulation, le bricoleur va lui, au contraire aller se rafraîchir la mémoire, faire un inventaire des objets qu’il a accumulés dans son stock au fur et à mesure de sa vie. C’est en voyant les “moyens du bord”, ce stock plein de choses qu’il avait peut­être déjà oubliées, que les idées de projet vont naître : “sa première démarche pratique est rétrospective”85 . 82

​LÉVI­STRAUSS, Claude, ​La pensée sauvage​, Paris, Plon, 1962, p. 26.

​Ibid​. p. 27. ​Ibid​. p. 27. 85 ​Ibid​. p. 28. 83 84

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Parfois les choses récupérées n’ont pas besoin de passer par le stade stockage : parfois c’est leur trouvaille qui fait naître le nouveau projet ; d’autres fois elles résolvent un problème survenu au cours d’un projet actuel. Le bricoleur est un opportuniste. Il détourne, il réinvente les usages, il aime l’objet pour son potentiel et non pour son sens commun. Il voit au­delà.

47


b) Architecte réemployeur : bricoleur savant ? Les caractéristiques du bricoleur peuvent aisément être mises en parallèle avec celles de l’architecte qui ​réemploie, c’est pourquoi il est intéressant d’observer les outils et les moyens du bricoleur et de voir en quoi et pourquoi ils sont ou non les mêmes que ceux de l’architecte. Claude Lévi­Strauss distingue les notions de bricoleur et de savant, le premier opérant par des signes et le second par des concepts 86

. En se basant sur cela, pourrait­on qualifier de « bricoleur savant » l’architecte qui

pratique le réemploi ? L’architecte réemployeur, défricheur de sa profession ne peut pas se contenter de l’appliquer, c’est­à­dire qu’il ne peut pas utiliser les méthodes de “l’architecte classique”, et simplement remplacer la provenance des matériaux qu’il utilisera, en passant du neuf à du réemploi. D’où viendraient ces matériaux ? La filière du réemploi doit être mise en place et développée. C’est un constat qu’ont fait plusieurs agences ou collectifs d’architectes qui s’intéressent de près au réemploi. L’architecte qui souhaite réemployer doit à la fois créer ses outils, mais également convoquer les méthodes qui vont lui être nécessaires pour mener à bien sa quête. Quels sont les moyens du bord de l’architecte qui réemploie, où va­t­il s’approvisionner ? S’il doit lui­même mettre en place la filière, comment va­t­elle perdurer dans le temps ? L’architecte doit­il prendre une nouvelle casquette qui n’est pas communément la sienne, afin de s’investir au­delà du temps de conception d’un projet ?

86

​Ibid​. p. 30. 48


L’approvisionnement L’approvisionnement en matériau est une des étapes clés du réemploi et peut se faire de différentes façons, à différentes échelles et avec différents outils. Trois paramètres sont à prendre en compte : la distance au projet pour limiter le transport, la temporalité de la disponibilité du matériau et l’opportunité en elle­même. Le glaneur Le glaneur87 n’accumule pas forcément les matériaux en vue d’un projet spécifique, il crée sa réserve, puis il trie, organise, accommode son trésor. Au fil du temps, les idées et les projets naissent, l’ancien se déconstruit et se transforme à nouveau ; certaines choses accumulées depuis longtemps ressortent un beau jour à la lumière grâce à une circonstance qui les a ramenées à la mémoire. Le glaneur est assimilable au bricoleur de Claude Lévi­Strauss.

87

Notion développée dans le livre de HUYGEN, Jean­Marc (2008). ​La poubelle et l’architecte : vers le réemploi des matériaux​. Arles : Actes Sud. p. 110. 49


2) Superuse Studios : Présentation de Superuse Studios Avant de s’atteler à l’analyse des outils et modes de conceptions mis en place par Superuse Studios, il convient de s’intéresser à leur position, leur analyse de la société motrice de leur questionnement architectural. Superuse Studios a vu le jour en 1997, à l’initiative de Césare Peeren et Jan Jongert. L’atelier est devenu pionnier en termes de conception durable. Il est nationalement et internationalement connu pour son approche novatrice et en tant que fournisseur de méthodes et d’outils open source pour le monde architectural, artistique, du design, etc. Tout cela dans le but de permettre une utilisation efficace de l’énergie et des ressources fréquemment gaspillées. Ce sont non pas des architectes, mais cinq ingénieurs qui gèrent l’atelier, tous spécialistes dans un domaine précis : interventions, design, architecture, urbanisme et recherche. Ils font équipe entre eux en différentes combinaisons en fonction des besoins du projet. Cette collaboration transdisciplinaire interne à l’équipe rend leur approche de conception flexible, diverse et facilite l’application à des échelles de conceptions variées : ils s’intéressent à la fois à l’échelle éphémère, temporaire, à l’échelle du design de mobiliers, à l’échelle de l’espace public, et enfin à l’échelle architecturale, toujours avec pour but final de transformer la ville de façon intelligente, en lien avec l’économie circulaire. Superuse Studios relève la préoccupation qui est à l’origine de ses recherches : le contraste entre notre société et la nature. La nature, cyclique, dynamique, diverse, en transformation constante, interconnectée procède par croissances et rétrécissements, pourtant la diversité reste toujours présente88 . A l’inverse, notre société est compréhensible par un système linéaire, caractérisé par son homogénéité. Il en résulte des processus parallèles qui

​http://superuse­studios.com/index.php/about/​, ​About Superuse Studios​, Superuse Studios, DR, consultable sur le site www.superuse­studios.com , date de mise en ligne inconnue, consulté le 10 avril 2016. 88

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grandissent par leur échelle mais la diversité est minimisée. Ceci mène à une grande quantité de déchets et à un gâchis des ressources. Superuse Studios en conclut que les côtés négatifs de notre système actuel (chômage, pile de déchets, et perte d’énergie) ont été acceptés comme tels par notre société, alors qu’il faudrait s’en servir comme atout. Il propose d’interconnecter les systèmes de notre société existants, et d’inclure les systèmes de la nature pour développer des méthodes et des outils permettant de transformer notre société. En regardant les bâtiments, les quartiers, les villes ou les régions comme un système, nous pouvons voir combien de flux de ressource, d’énergie et de main d’oeuvre y entrent et en sortent. Nous faisons le constat que la plupart sortent comme déchet. Connecter les systèmes rend possible l’utilisation efficace des flux de déchets. Ces connexions, c’est ce qu’ils appelent « cyclifiers »89. Cela permet de rendre visible l’offre et la demande, tout en proposant des opportunités commerciales.

89

http://www.cyclifier.org/ 51


a) Approvisionnement et création d’outils La carte de récolte (exemple de Superuse Studios) Superuse Studios a développé une démarche d’approvisionnement opportuniste : plutôt que de se cantonner aux matériaux disponibles dans un seul bâtiment gisement, comme c’est le cas pour Bellastock, ils explorent les possibilités dans la période de recherche précédant le projet. Un outil cartographique est développé en vue d’effectuer un recensement sélectif d’opportunités à proximité du chantier.

SOURCE : Superuse Studios,​ Harvest Map for the Moes Restaurant, ​carte, disponible à l’adresse : https://issuu.com/2012architecten/docs/superuse_studios_in_ashes_with_imag​, DR, (consulté le 3 mai 2016)

Pour le projet de ce restaurant, les matériaux sont récoltés dans un périmètre maximal de 65 km. S’autoriser une distance de récolte non nulle (variable d’un projet à un autre en fonction des circonstances) tout en la maintenant la plus faible possible permet à Superuse Studios de récolter une variété plus intéressante de matériaux et d’objets de réemploi. Une personne de l’équipe travaille à plein temps 52


dans le but de repérer les opportunités et les collecter sur la ​harvest map​, la carte des récoltes. Celles non exploitées dans les projets de Superuse Sudios sont rendues publiques et accessibles sur le site ​www.harvestmap.org : conscient de ne pas pouvoir exploiter toutes les opportunités, Superuse a mis en place ce projet pilote de réseau d’échange de matériaux mis au rebut.90. Effectivement, le matériau de réemploi est disponible dans une temporalité courte et dans un espace limité. N’importe quelle personne, compagnie ou individu peut s’inscrire sur le site faisant office de marché en ligne pour inventorier des suppléments de matériaux, des composants, voire même des bâtiments qui pourraient être utiles aux “Superusers”. Toutes sortes de matériaux, de la petite quantité aux flux continus (par exemple industriel) y sont présentés 91. Au­delà de son côté pragmatique, l’outil permet la mise en relation d’acteurs du projet, qui peut­être auparavant ne connaissaient pas le réemploi ; l’outil permet de faciliter l’approvisionnement en matériaux de réemploi, et donc de le démocratiser : il vient contrer la méconnaissance vis­à­vis de celui­ci.

90

SUPERUSE STUDIOS, « Vers une superutilisation », in ​Matière grise ­ matériaux, réemploi, architecture , op.cit., p. 216. 91 ​http://www.oogstkaart.nl/about/​, ​à propos​, Superuse Studios, DR, consultable sur le site ​http://www.oogstkaart.nl 53


SOURCE : Superuse Studios,​ Harvest Map interactive website, ​capture d’écran site web contenant une carte interactive, disponible à l’adresse : ​http://www.oogstkaart.nl/​, DR, (consulté le 3 mai 2016)

Superuse Studios favorise l’échange des techniques et méthodes autour du réemploi. Pour cela, le groupe a créé plusieurs plateformes de partage en ligne avec des objectifs distincts : ­

INSIDEflows.org est une plateforme ouverte permettant l’échange de connaissances sur les flux pour l’aménagement intérieur. Le site web est partie intégrante du groupe de recherche ‘flux internes’ , une collaboration entre la Royal Academy of Art de La Haye et Superuse Studios. Sont examinés les spécifications et le comportement des flux pour soutenir le développement de méthodes durables en design. INSIDEflows.org présente les concepts, design et projets réalisés qui étaient basés sur ces flux. Les personnes sont invitées à parcourir les exemples mais également à s’inscrire pour contribuer et partager d’autres réalisations remarquables basées sur ces flux de matériaux récupérés.

­

Cyclifier.org : Un cyclifier est un bâtiment ou une entité spatiale qui permet ou facilite une nouvelle connexion entre les flux de matériaux disponibles et les réalisations. La plateforme recense environ 100 exemples provenant du monde entier montrant des réalisations allant de la simple construction à la conception de territoires entiers. Ces cas sont organisés en 15 types d’approvisionnement différents. La plateforme est la concrétisation d’une vaste recherche ayant eu lieu en 2011.

­

Superuse.org est une communauté en ligne de designers, architectes et de personnes intéressées par les techniques inventives de re­cyclage. Superuse.org a été lancé en collaboration avec ​suite75 comme une expérimentation rapide pour accompagner la publication du livre Superuse en 2007 et une version ajournée 2.0. En 2012 l’interface a été restructurée afin de garder plus de 1000 oeuvres originales.

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Ces exemples prouvent la volonté de Superuse Studios de créer une expérience collaborative, d’échange des connaissances pour faire avancer la recherche sur le réemploi. Tous ces sites ont pour objectif de transmettre, faire connaître le réemploi, mettre en relation les acteurs, faire avancer la recherche, créer un support collectif de connaissances liées au réemploi. Le risque est que les contributeurs ne jouent pas le jeu, en ne mettant que très peu d’information sur les projets présentés et finalement se servent des plateformes pour se faire de la publicité.

SOURCE : Superuse Studios,​ The Rotor Blade Story, ​Bande Dessinée, disponible à l’adresse : http://www.dearchitect.nl/nieuws/2015/02/12/wereldwijde­experts­in­windmolenafval.html, DR, (consulté le 8 avril 2016)

En sus des outils développés pour le réemploi, Superuse Studios promeut la pratique de manière surprenante, notamment à travers un outil de communication : la bande dessinée. Par l’humour, il rend sensible ses lecteurs à la cause de la Superutilisation, en mettant en lumière son potentiel.

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b) Échelles des projets de réemploi Le réemploi et la Superutilisation posent la question de l’échelle. L’échelle éphémère, temporaire est plus facilement gérable par les architectes qui ont l’intention d’expérimenter le réemploi et de convaincre. Superuse Studios a commencé à réaliser des prototypes expérimentaux pour des installations artistiques et théâtrales afin d’explorer le potentiel lié aux déchets. Des étudiants se sont joints à cette recherche grâce à des workshops d’investigation. Durant ce temps d’étude de la matière, de ses capacités et de son potentiel, l’opportuniste Superuse Studios a pu travailler avec des objets divers et singuliers : de la couche usagée, au panneau de machine à laver, du pare­brise neuf de 15 ans, jusqu’à l’éolienne, pour ne citer qu’eux.

SOURCE : Superuse Studios,​ MRS Miele Ruimte Station, Photographie issue de la page flickr de Superuse Studios , disponible à l’adresse : https://www.flickr.com/photos/2012architecten/177611646/in/photostream/​, DR (consulté le 3 mai 2016)

“Ce qui pose le plus de défis dans le cadre de la superutilisation est bien sûr le problème de l’échelle. Quand vous dessinez et bâtissez un bâtiment à une échelle modeste, l’effet de la superutilisation est également modeste, mais cela permet de 56


travailler avec une petite équipe de chantier qui sait comment faire des choix qui découlent de la superutilisation. Néanmoins, vous devez commencer petit pour acquérir de l’expérience et pour montrer des exemples convaincants. L’application à grande échelle de la superutilisation peut concerner de grands promoteurs qui ne peuvent se permettre de travailler avec l’incertain qui dérive d’un manque d’expérience, mais il est vrai que l’impact en termes écologique et architectural, serait plus large.” 92 Cela a posé question dans leur démarche de conception. Comment passer de la petite échelle expérimentale, parfois éphémère, à l’échelle d’un bâtiment de plus grande ampleur, du provisoire au durable ?

SOURCE : Superuse Studios,​ Villa Welpeloo, Photographie de Allard van der Hoek, issue de la page flickr de Superuse Studios : disponible à l’adresse : ​https://www.flickr.com/photos/2012architecten/4504735573/in/photostream/​, DR, (consulté le 3 mai 2016)

La villa Welpeloo93 est un bâtiment manifeste du réemploi pour le Studio Superuse. Soixante pour cent des matériaux de celui­ci sont de la superutilisation. La diversité du type de matériaux réquisitionnés pour le réaliser est impressionnante. En effet, les fondations sont faites en coquillages, la structure métallique provient d’une machine industrielle pour la fabrication de textile, le bois d’enrouleurs de 92

​ ​VAN HINTE, Ed, PEEREN, Césare , and JONGERT, Jan. Superuse: Constructing New Architecture by Shortcutting Material Flows​. Rotterdam: 010, 2007. Print. Cit p. 8. 93 ​ SUPERUSE STUDIOS, « Villa Welpeloo », in ​Matière grise ­ matériaux, réemploi, architecture , op.cit., p. 232 57


câbles a été utilisé pour la façade, un monte­charge de récupération, utile au chantier est devenu ascenseur dans le projet, l’atelier est allé jusqu’à récupérer les baleines de parapluies cassés pour les luminaires.

SOURCE : Superuse Studios,​ Villa Welpeloo 047.00.40, Croquis, issu de la page Flickr de Superuse Studios, disponible à l’adresse : ​https://www.flickr.com/photos/2012architecten/4505370788/in/photostream/​, DR, (consulté le 3 mai 2016)

Césare Peeren explique l’importance, dans la conception ayant recours à la superutilisation, d’avoir une grande compréhension des dimensions et propriétés 58


fonctionnelles des matériaux de construction disponibles. La clé étant d’“écouter le matériel et de travailler avec lui, plutôt que contre lui : de nouvelles structures, de nouveaux dessins, et usages émergent alors qu’on ne les aurait pas découverts si l’on avait commencé par dessiner l’idée et essayer de rendre compatible le matériau par la suite94”.

SOURCE : Superuse Studios,​ Villa Welpeloo 047.00.36, Croquis, issu de la page Flickr de Superuse Studios, disponible à l’adresse : ​https://www.flickr.com/photos/2012architecten/4505370610/in/photostream/​, DR (consulté le 3 mai 2016)

94

​https://issuu.com/2012architecten/docs/superuse_studios_in_ashes_with_imag​, ​Ashes Magazine Publication about the projects and design philosophy of Superuse Studios​, FELDMULLER, Mel, consultable sur le site www.issuu.com , mis en ligne en juillet 2015, consulté en mai 2016, “ traduit par nos soins ” p. 3. 59


Réemploi, esthétique et créativité Alors que les détracteurs du réemploi pourraient avoir comme a priori que le réemploi limite la créativité de l’architecte, ne lui permettant pas de “tout faire”, ce qui n’est sans doute pas totalement faux, Superuse Studios prouve que la superutilisation s’accompagne de “sérendipité”. Ce processus permet “de découvrir par hasard et sagacité des choses que l’on ne cherchait pas”95. Ces découvertes inattendues, liées à un concours de circonstances, viennent enrichir le projet. ​“​Vous pouvez vraiment vous amuser en découvrant les manières d’utiliser un matériau dans le but de surprendre les gens. J’apprécie quand ils réalisent soudainement pourquoi quelque chose qu’ils ont utilisé, avait pourtant l’air si familier 96.”

SOURCE : Superuse Studios,​ Villa Welpeloo 047.00.17, Photographie de Allard van der Hoek, issue de la page Flickr de Superuse Studios : disponible à l’adresse : https://www.flickr.com/photos/2012architecten/4504735055/in/album­72157623814516998/​, DR (consulté le 3 mai 2016) VIDARD, Mathieu, émission La tête au carré : ​la sérendipité​, 11 février 2014, France Culture, disponible à l’adresse : http://www.franceinter.fr/player/reecouter?play=834542​, 96 ​https://issuu.com/2012architecten/docs/superuse_studios_in_ashes_with_imag​, ​Ashes Magazine Publication about the projects and design philosophy of Superuse Studios​, FELDMULLER, Mel, consultable sur le site www.issuu.com , mis en ligne en juillet 2015, consulté en mai 2016, “ traduit par nos soins ” p. 3. 95

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La réception du réemploi Cet exemple prouve que l’esthétique du réemploi peut surprendre et convaincre le grand public. En effet Superuse nous informe que “les gens avaient tendance à penser que le bâtiment allait ressembler à un dépotoir. Ils ont semblé véritablement surpris que le résultat soit quelque chose d’aussi beau”97. Les a priori liés au raccourci récupération / bidonville sont vite dépassés par des exemples actuels d’architecture de réemploi. La logique voulant que plus il y aura d’exemple convaincant de réemploi sur lequel il faut communiquer, plus les clients voudront à leur tour une architecture utilisant le réemploi. 3) Association Bellastock : a) Approvisionnement : bâtiment gisement, réemploi in situ L’association Bellastock a, pour sa part, choisi de tester le réemploi ​in situ​. ​Le terrain du nouveau projet contient des bâtiments qui auraient dû être démolis. Le rôle de l’architecte a été de convaincre les politiques de l’intérêt de la déconstruction au lieu de la démolition pour inciter au réemploi des déchets du BTP dans le cadre de la construction d’un éco­quartier à L’Ile Saint­Denis.

SOURCE : Bellastock,​ Illustration de la mise en relation de l'offre (gisement de matière des entrepôts Printemps) et de la demande (construction d'un éco­quartier en lieu et place des entrepôts Printemps). Photographie, issue du REPAR p. 34., DR 97

SUPERUSE STUDIOS, «Villa Welpeloo», in ​Matière grise ­ matériaux, réemploi, architecture , p. 232.

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Considérer le bâtiment comme gisement a pour avantage de minimiser les transports de matériaux. Les coûts diminuent, les gaz à effet de serre sont maîtrisés. Pourtant, cela pose question : limiter les matériaux utilisés pour un projet à ceux trouvés dans la démolition (devenue déconstruction) la plus proche, ne serait­ce pas brider la créativité de l’architecte et produire une certaine infertilité ? La collaboration n’est pas nécessaire pour qu’un architecte puisse réemployer. Mais la mise en place de la nouvelle filière de récupération de matériaux de réemploi implique la mise en relation d’acteurs, de métiers qui avant ne communiquaient pas entre eux. Baptiste, architecte salarié de Bellastock nous explique que, grâce au réemploi, l’architecte communique désormais avec le démolisseur pour permettre de changer les pratiques, de l’un comme de l’autre. En faisant connaître ses besoins, l’architecte réemployeur influence le démolisseur et fait évoluer son métier, en lui demandant de passer de la démolition à la déconstruction afin de préserver l’intégrité de la future matière première de l’architecte réemployeur. Cette communication implique une nouvelle temporalité. Le rôle de l’architecte ne se contient plus dans le temps de la conception du projet. Avant celle­ci, il est responsable de trouver ses propres matériaux. Si les ressourceries, (et autres magasins stockant des matériaux de seconde main), sont déjà en place dans certains pays, et commencent à émerger dans d’autres, elles ne sont pas toujours suffisantes pour que l’architecte s’en serve comme ressource principale. Il doit sortir de son rôle d’architecte et devenir le glaneur, pour trouver ses sources d’approvisionnement. Une des manières les plus efficaces est de considérer les bâtiments qui ont atteint leur fin de vie et que l’on pense démolir, comme nouvelle source d’approvisionnement : un gisement98. Bellastock expérimente sur le terrain du futur éco­quartier de l’Ile Saint­Denis un processus particulier, « in situ » et « in vivo » : celui de collection de la matière d’un hangar qui est dé­construit et non démoli, pour la réinjecter dans le projet neuf. L’intérêt de cette démarche va au­delà de l’économie liée au réemploi (économie de matière première non renouvelable), et du gain en énergie grise, de la diminution du

98

Voir Annexes p. 14. et p. 15. 62


bilan carbone lié au transport de matériaux, et de l’économie dans la gestion des déchets produits par une démolition : les matériaux conservent la trace du lieu, l’essence patrimoniale de celui­ci. b) Architecture expérimentale : Actlab et festival Une charte environnementale a été créée par la maîtrise d’ouvrage du projet. Actlab est un “laboratoire de recherches­actions architecturales construit in situ et géré in vivo par Bellastock pour valoriser le temps de la mutation d’un territoire.”99 ``

SOURCE : Tatiana Amsing, Actlab : le laboratoire de recherches­actions de Bellastock, Avril 2016, Saint­Denis, Photographie, DR

Il répond aux objectifs de cette charte, en promouvant un urbanisme progressif (le chantier ouvert), ouverture culturelle et collective ​du chantier. L’Actlab n’a pas été conçu avec l’objectif d’un processus fixe, mais en mouvement, selon la direction que prend le chantier, il se construit et se déconstruit, il se conforme.

99

COLLECTIF, Micro­Folie, éd. Bellastock, publication n°15, 2012, p. 1.1 63


Démarche d’un projet transversal REEMPLOI ET CULTURE​, BENOIT J, SAUREL G, HALLAIS S​, REPAR : réemploi comme passerelle entre architecture et industrie,​ Mars 2014, p. 56.

La volonté principale du projet de réemploi mené par Bellastock est de penser une nouvelle manière de faire de l’architecture et d’utiliser l’opportunité qu’est le chantier pour tester de nouvelles choses, et inventer de nouveaux procédés. Elle entraîne des alternatives qui se veulent de modifier la pratique actuelle des métiers, de l’architecture, mais également d’autres acteurs orbitaux à l’application du réemploi. Le chantier se veut un lieu d’expérimentations, et de développements innovateurs.

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SOURCE : Alexis Leclercq, ​microfolie2013_­630. Photographie, issue du site Flickr de Bellastock, à l’adresse : https://www.flickr.com/photos/bellastock/11316994283/in/album­72157638549322303/, DR

Dans ce projet­processus, l’association Bellastock, composée d’architectes, prend le rôle d’Assistance Maîtrise d’Ouvrage (AMO). Il va au­delà de son rôle habituel d’architecte afin de mettre en place la filière du réemploi. Bellastock a commencé ses recherches sur le réemploi en 2011, en organisant une série de conférences. Puis l’association s’est plongée au contact de la matière en provoquant des expérimentations à l’échelle 1. Le festival « Le Grand Détournement » est ainsi né en 2012. Ce sont mille étudiants en architecture qui se sont rassemblés pour un temps donné pour créer une ville éphémère, une opportunité de rendre “opérationnel le réemploi ​in situ”100 . ​Pour ce faire, le gisement, la matière venait de la même friche, d’un ancien bâtiment du Printemps, désaffecté depuis 1991, ainsi que de déchetteries de la ville.

100

BENOIT J, SAUREL G, HALLAIS S​, REPAR : réemploi comme passerelle entre architecture et industrie, Mars 2014, p. 10. 65


SOURCE : Bellastock France,​ Bellastock ­ Le Grand Détournement_0698, Saint Denis, prise le 17 mai 2012 Photographie, issue de la page Flickr de Bellastock France : disponible à l’adresse : ​https://www.flickr.com/photos/bellastock/22121579171/in/album­72157659334849679/​, DR (consulté le 3 mai 2016)

Ce projet n’est pas né par hasard, et le festival n’était pas une fin en soi. L’objectif était de collaborer avec les étudiants, et différents acteurs afin de non seulement expérimenter et explorer la recherche sur le réemploi à une échelle plus petite et éphémère, mais également préparer le projet suivant, celui de l’éco­quartier et de la recherche REPAR. Les découvertes des étudiants ont permis de faire avancer les connaissances, les recherches, notamment sur les assemblages à sec, de soulever de nouvelles questions, et de faire se rencontrer les futurs acteurs du projet de réemploi, notamment un ensemble élevé d'acteurs du BTP. C’est cette synergie qui a permis la naissance du projet suivant. Le festival a permis une mise en confiance, et un échange qui n’aurait pas été possible dans le cadre d’un projet dit “classique”. Les étudiants ont pu se pencher sur les questions d'esthétique, d’usage, de résistance des matériaux de réemploi, sur les questions techniques de stockage, de mise en oeuvre, de détail constructif, de cycle de la

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matière, d’outillages nécessaires pour la déconstruction, d’écoulement des stocks de matières, et autres questions économiques … Les résultats du festival “ Le grand Détournement ”, et du workshop “Micro­Folies” ont était compilés dans deux publications101 . Les exemples des prototypages les plus intéressants sont disponibles dans les annexes du mémoire. Toutes ces réflexions connectées par le dialogue avec d’autres corps de métier, ont permis de concrétiser leurs avancées par des prototypages à l’échelle 1, qui ont eux­mêmes donné des séries de mobiliers urbains, et des systèmes constructifs pour l’aménagement des espaces publics. Des “outils de dialogue et d’expertise”102 (inventaire matériaux, fiche de lots de Maîtrise d’œuvre, fiches d'autocontrôles, fiches techniques … ) ​voient le jour, ces connaissances seront partagées avec tous les acteurs du réemploi afin d’améliorer la communication entre les différents corps de métiers et le partage des informations. Le festival s’est présenté comme une vitrine de ce qui peut être fait avec le réemploi, et cela a contribué à la sensibilisation, non seulement des étudiants, qui, ne l’oublions pas, sont de futurs architectes, qui sait, un jour pourront être à leur tour militants du réemploi, mais également aux populations locales curieuses, voisines de la friche. Le rapport REPAR parle de 800 visiteurs habitants, usagers, acteurs du territoire venus visiter la friche pendant les 4 jours du festival. “L’aspect démonstratif et participatif est un moteur important pour la crédibilisation du réemploi. Le réemploi est généreux, de par la taille des gisements qu’il active. Pouvoir déambuler dans un lieu manifeste draine un public qui active les transferts de savoirs et savoir­faire nécessaires au réemploi.”103 Le festival a permis d’appréhender la déconstruction. Pour des raisons d'efficacité économique et temporelle, c’est une “déconstruction sélective” qui est privilégiée, c’est­à­dire qu’une partie des éléments à récupérer avec soin va être

101

CHANTEREAU, Paul, ​Le grand détournement , éd. Bellastock, publication n°8, 2012. Collectif, ​Micro­Folie​, éd. Bellastock, publication n°15, 2012. 102 BENOIT J, SAUREL G, HALLAIS S​, REPAR : réemploi comme passerelle entre architecture et industrie,​ Mars 2014, p. 6. 103 ​Ibid​. p. 50. 67


sélectionnée en fonction des besoins, on parle d’“abattage”. Les matériaux non voulus ou dangereux (amiante, plomb, etc… ) pour le réemploi, rejoindront le processus de recyclage ou de traitement spécifique. Il n’est en effet pas possible, ni souhaitable de tout réemployer ; c’est l’oeil entraîné de l’architecte qui lui permettra de voir les opportunités les plus viables, et les plus intéressantes, et porteuses de projet au sein du gisement de matière. c) Création d’outil : Carte évolutive ­ flux tendu Parallèlement à la déconstruction, un outil de “cartographie évolutive” est mis en place par les architectes de Bellastock. Cette carte permet de suivre en temps réel le flux des matériaux collectés et à collecter lors de la déconstruction. Travaillant en flux tendu entre l’approvisionnement des matériaux de réemploi et la conception des prototypages puis du projet, cette carte est nécessaire pour comprendre et gérer le calendrier du chantier.

SOURCE : Bellastock France,​ Relevé tampon à la date du 04 avril 2013 ; en vue de la cartographie évolutive., Saint Denis, prise le 17 mai 2012 Document graphique, disponible dans REPAR p. 73, lui même téléchargeable à l’adresse : http://www.ademe.fr/repar­reemploi­comme­passerelle­entre­architecture­industrie​, DR (consulté le 30 mars 2016)

Comprendre le passage de la démolition à la déconstruction pour Bellastock et les acteurs de la démolition, a été la clé pour la réflexion sur la mise en place de la filière : 68


“Ce processus de déconstruction constitue le cas d’étude de cette recherche. Bellastock s’est installé au sein du chantier de déconstruction et s’est intégré à son jeu d’acteurs. Cette immersion au sein du chantier est au service de la recherche appliquée et doit permettre d’éprouver nos hypothèses quant à la 104 mise en place d’une filière réemploi.” 105 En effet, il faut que les architectes comprennent la gestion actuelle des déchets, par la communication et le travail commun avec les acteurs de la démolition, afin de penser les changements nécessaires pour envisager le réemploi. L’opportunité qu’est le réemploi implique un changement dans les pratiques du métier de l’architecte, mais pas seulement. Pourtant c’est à l’architecte d’être le coordinateur de ce changement, c’est à lui de convaincre, de comprendre les procédés et mécanismes actuels pour les transformer afin d’écrire le nouveau scénario qui permettra de concrétiser le réemploi. Il doit repenser sa profession, mais aussi celle des autres, afin de faire valoir sa cause. Néanmoins, l’association Bellastock n’a pas pour vision vocationnelle de garder son rôle de coordinateur et d’incitateur à la pratique du réemploi (lié à son statut d’AMO) à l’échelle expérimentale où elle se trouve dans le cadre du projet de l’éco­quartier. Comme ils le disent bien eux­mêmes, “C’est l’engagement de la maîtrise d’ouvrage, associée à l’engouement des architectes, qui permet à une filière réemploi de se développer106 ” Voici une des questions à laquelle elle cherche réponse : ​“​Comment donner les bons outils aux architectes pour rendre viable cette filière réemploi, et comment, dans le même temps, permettre à d’autres acteurs d’être à l’initiative ?107 ” “Un aller­retour permanent entre récupération d’échantillon de matière et dessin d’exécution a permis de préciser les choix en type et quantité de matériaux. C’est à la fois par le processus de démontage des éléments dans leur contexte et par l’expérimentation d’assemblage que nous avons étoffé notre compréhension du fonctionnement et des propriétés de la matière.”108 ​Ibid.​ p. 14. ​Ibid​. 106 ​Ibid. ​p. 36. 107 ​Ibid​. p. 13. 108 ​Ibid​. p. 40. 104 105

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d) Expérimentations liées à la matière Afin de circonvenir aux difficultés naissantes, il convient de façonner un plan d’action. L’expérience du réemploi induite par la participation des futurs usagers, la pluridisciplinarité, et l’implication pédagogique des étudiants est un moyen vertueux pour, à la fois, faire connaître le réemploi et le rendre applicable. L’expérimentation, “éprouver, apprendre, découvrir par une expérience personnelle109” permet de soulever les questions, et par la suite de lever les freins, mais également de sensibiliser, rendre réceptif à la pratique du réemploi. Il n’est pas possible de penser le réemploi sans l’expérimentation. Les matériaux étant parfois maculés d’imperfections, de défauts, de défaillances, de particularités, le standard n’existant plus, c’est directement face à la matière que le combat se joue. Cette prise en main concrète, cette confrontation à l’imparfait, au délaissé, est un contact nécessaire au réemploi pour acquérir et développer une connaissance “sage” découlant de l'épreuve, de la mise en pratique. Le réemploi se veut une architecture expérimentale. “Notre rôle d’architecte­créateur a laissé la place à celui d’architecte­médiateur de la matière, notre projet a accepté le compromis avec la matière, notre mode de projection s’est ouvert pour s’adapter aux contraintes liées aux matériaux en présence.”110 Le travail pluridisciplinaire et collaboratif mis en place autour de l’Actlab a permis de lever les freins liés au réemploi et de faire disparaître de nombreuses questions, tout en apportant une indéniable plus­value dans les interactions. Un manifeste est né. “ La démonstration par l'exemple construit et le savoir­faire qui en découlent sont des plus­values dans les échanges menés avec les différents partenaires. (...)

109

Définition “expérimenter” CNRTL

110

BENOIT J, SAUREL G, HALLAIS S​, REPAR : réemploi comme passerelle entre architecture et industrie, Mars 2014, p. 41. 70


Actlab est une démonstration : à la fois projet­processus, résultat d'un travail collaboratif et pluridisciplinaire, il s’agit d’un manifeste du réemploi111 .” e) Conséquences relationnelles Le rapport REPAR explique comment les architectes de Bellastock ont vu la relation évoluer avec les entreprises de déconstruction : “ ​sensibles au fait que des architectes manipulent et expérimentent sous leurs yeux des matériaux et des mises en œuvre, les ouvriers ont changé de regard, et donc de discours, vis­à­vis de notre travail. Le manifeste du réemploi que constitue Actlab rend la recherche plus tangible et est capable d’impliquer tous les acteurs. Ce côté démonstratif fonctionne aussi bien auprès du public qu’auprès de la maîtrise d’ouvrage et ses assistances. Actlab devient ainsi un lieu d'échanges et de discussions qui permet une meilleure compréhension du travail de chacun112. ” Il est intéressant de constater comment ce retour à la matière, qui normalement n’est pas le rôle de l’architecte, permet de faire tomber les murs dans la relation entre les personnes travaillant de manière manuelle et celles travaillant intellectuellement. Le réemploi n’est pas seulement la revalorisation d’une matière délaissée, d’un déchet ou futur déchet, c’est aussi la revalorisation des relations, la revalorisation des emplois, et surtout celle des personnes. L’architecte construit le pont entre les différents acteurs. Il unifie la “maîtrise d’œuvre multi­voix et hétéroclite”113 et décide des compromis en écoutant la voix de tous. C’est un cercle vertueux, car les personnes qui se sentent écoutées et valorisées ont plus de volonté et de motivation à apporter leur pierre à l’édifice : “Les entreprises de déconstruction ont travaillé conjointement avec l’association. Les ouvriers se sont intéressés à la filière du réemploi et ont participé concrètement à sa mise en place en se pliant à l’exigence de précision formulée par l’association. Un réel échange a été créé entre les membres de l’association et les ouvriers. Ils donnaient volontiers leurs avis sur la mise en œuvre des prototypes mais aussi sur le protocole à suivre pour obtenir des matériaux acceptables face à leur futur réemploi. Finalement ​Ibid​. p. 22. ​Ibid​. p. 36. 113 ​Ibid​. p. 54. 111 112

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tous les acteurs sur les lieux du chantier ont adapté leurs pratiques à la présence et à l’action de Bellastock.”114 Dans le paradis de l’architecte réemployeur, une entreprise de démolition serait mise en contact avec l’architecte dès la phase de conception, afin de travailler en flux tendu entre le bâtiment “gisement” et le nouveau projet, dans un périmètre raisonnable. Les nouveaux bâtiments construits seraient déjà pensés par leur mise en oeuvre et leurs assemblages pour le futur réemploi des matériaux de ceux­ci. Bien que ce paradis n’existe pas encore, l’association est plutôt satisfaite de son expérience sur la friche de l’Ile Saint­Denis. Elle a réussi à faire parler entre eux ceux qui habituellement ne dialoguent pas, et ça c’est déjà le début d’un bel avancement sur le chantier. “Ainsi, notre expérimentation est pour Plaine Commune un facteur de cohésion sociale et territoriale, puisque le protocole développé est reproductible sur son territoire. Son caractère fédérateur interpelle l’ensemble des acteurs d’un projet d’aménagement urbain, en faisant dialoguer des protagonistes, habitants, services techniques, chargés de projet, qui traditionnellement ne dialoguent pas115 .”

114 115

​Ibid​. p. 37. ​Ibid​. p. 56. 72


f)

Ouverture du chantier

L’ouverture physique et intellectuelle du chantier est intéressante dans le but d’amener le débat du réemploi sur la place publique. Considéré comme un laboratoire, le chantier doit pour Bellastock être au centre de l’attention, tel un observatoire et participer, au même titre qu’une activité culturelle de la ville. Il est inconcevable pour eux d’“exclure complètement cette portion de territoire du domaine public116 ​”, surtout pour un chantier qui va durer une quinzaine d’années au total. Pour Bellastock, l’ouverture du chantier doit se matérialiser par la porosité de la limite chantier / ville. Pour cela, des étudiants ont testé une limite de chantier moins opaque. La limite est déformée pour laisser voir de l’extérieur le coeur du chantier. Nous pouvons voir les résultats de l’expérimentation en Annexe. Plus qu’un lieu de travail, le chantier fait office de lieu de vie, où se croisent des personnes de “partout”, qui ont des idées venant “d’ailleurs”. Des personnes qui, peut­être, ne connaissent pas encore leur valeur, mais qui vont apprendre à la connaître en travaillant auprès des militants du réemploi, qui sont porteurs d’une idéologie, avant tout pour une cause, un style de vie. C’est en ouvrant le lieu et le temps du chantier à son extérieur, en profitant des opportunités, et des besoins, que le réemploi influence le lieu à long terme. Le rapport REPAR affirme qu’il faut “organiser des détournements de ce savoir” qui crée les “passerelles de connaissances entre les corps de métiers.” C’est grâce à ce détournement, ce voyage intellectuel, qu’un plombier s’est retrouvé à fabriquer un système luminaire à partir d’un réseau de tuyau “sprinkler” sur le chantier d’Actlab. Détourner, c’est créer de la richesse là où il n’y en avait pas, c’est saisir une opportunité qui est parfois déguisée, et qu’il faut savoir et pouvoir démasquer.

116

BENOIT J, SAUREL G, HALLAIS S​, REPAR : réemploi comme passerelle entre architecture et industrie, Mars 2014, p. 43. 73


SOURCE : Amsing Tatiana,​ Système incendie Sprinkler détourné en luminaire ­ Actlab, Saint Denis, prise le 17 mars 2016 Photographie.

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III) Mutation du cerveau de l’architecte Les études de cas ont permis d’observer et de confronter des exemples concrets de réemploi. La différence d’approvisionnement entre Superuse Studios et Bellastock entraîne une différence dans la conception, qui se matérialise par des processus, méthodologies et outils particuliers, mais également dans la mise en relation des acteurs autour du projet. Ainsi, cette troisième partie va nous permettre de comprendre comment et en quoi le réemploi engendre non seulement une mutation des cerveaux, mais également la redéfinition du jeu des acteurs du duo conception/réalisation. Pourrait­on parler de la mise en place d’un “cerveau collectif” ? Notre analyse sera éclairée par le livre de Jean­Jacques Terrin, ​Conception collaborative pour innover en architecture : Processus, méthodes, outils​.

1) Accepter la complexité pour concevoir Comme le disait à juste titre Tadao Ando, “L’architecture est au coeur du conflit entre le concret et l’abstrait117 .” La conception conventionnelle de l’architecture a souvent considéré le matériau comme une matière abstraite ayant néanmoins des propriétés nécessaires selon sa position dans l'ouvrage. Cependant, le réemploi place le matériau tangible, concret, au centre de la conception. Sa nature, ses caractéristiques propres, individuelles, particulières liées à son état d’usure sont à prendre en compte au plus tôt dans le processus : il n’est pas imaginable de prévoir un projet sans connaître la disponibilité en quantité et temporalité des matériaux. Ainsi, le réemploi implique à la fois une complexité liée à la réalité du matériau, de son approvisionnement, à la temporalité de disponibilité de ce matériau, et une complexité fonction de l’élargissement des acteurs nécessaires pour l’obtention de ce matériau à l’instar de la nouvelle relation entre l’architecte et le démolisseur, ou encore entre l’architecte et l’éboueur. 117

Tadao Ando, octobre 1987, cité dans ​Conception collaborative pour innover en architecture : processus, méthodes, outils​, Jean­Jacques Terrin, éd. L'Harmattan, 2009, p. 11. 76


En somme, l’architecte concepteur qui souhaite réemployer doit “accepter la complexité d’une situation réelle”118 . Dans son cas, c’est à la fois accepter les enjeux liés au matériau de réemploi, mais aussi adhérer aux enjeux du développement durable, comme une éthique personnelle entraînant un engagement et une responsabilité collectifs119 . Les réglementations, les normes120 de plus en plus contraignantes sont notamment un paramètre que l’architecte doit prendre en compte : ne sont­elles pas un frein à sa sa créativité ? Ne sont­elles pas une obstruction au réemploi ? Quel est le rôle de l’architecte dans la sensibilisation et la transformation des lois pour rendre possible le réemploi ? La complexité liée aux conditions du réemploi engendre un processus de conception traduit par un “acte d’intelligence laborieux et collectif, contrairement à l’acte de création, plus individuel et spontané”121 . L’architecte devient médiateur122 de la matière mais également médiateur entre les personnes. Le rôle de convaincre, de sensibiliser au réemploi, d’encourager la transmission de savoir­faire, mais aussi de savoir­être, d’encourager le partage et l’échange, lui revient : en ce sens, il peut être qualifié de fédérateur.

​Ibid​. p. 26. ​Ibid​. p. 49. 120 ​Ibid​. p. 34. 121 ​Ibid​. p. 26. 122 BENOIT J, SAUREL G, HALLAIS S, REPAR : réemploi comme passerelle entre architecture et industrie, Mars 2014, p. 41. 118 119

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2) Une Méthode Heuristique

Lorsqu’il conçoit en partant d’un objet de réemploi dont il détourne l’usage, l’architecte trouve des combinaisons nouvelles qui rendent fertile le projet. L’architecte, lors de la conception, a le choix entre reproduire un modèle normatif123 ou suivre une méthode heuristique124 , plus riche, par laquelle il découvre125 et trace son propre chemin. L’innovation se trouve dans la conjonction “du partage de savoirs et de savoir­faire, et des interactions générées par cette mise en commun”126. Cette notion existe par “le rapprochement de deux mondes qui s’ignoraient”127 . Ceci nous amène à relever ce paradoxe : le réemploi qui peut paraître conservateur à outrance par la pérennisation de la matière qu’il induit, pourrait en fait être considéré comme innovant en sa qualité de détournement des usages et des savoirs et sa capacité à trouver des combinaisons nouvelles128 ? Pour opérer ces détournements de matière, l’architecte a parfois besoin de réquisitionner les savoir­faire spécifiques d’artisans. Le réemploi les rassemble autour de l’expérimentation de la matière. La manipulation de la matière est une des étapes clés : elle permet de valider ou d’invalider des hypothèses que le porteur de projet a déjà en tête. Mais à plus forte raison, le temps d’expérimentation pourrait permettre des découvertes insoupçonnées, en apportant de l’originalité et de l’intérêt. 123

S. Hanrot, in F. Seitz et J­J Terrin (dir.), ​Architecture des systèmes urbains​, Paris, L’Harmattan, 2000, p. 38.

124

TERRIN, Jean­Jacques. ​Conception collaborative pour innover en architecture : processus, méthodes, outils , L'Harmattan, 2009, p. 46. 125 “Qui sert à la découverte”, définition CNRTL du mot Heuristique. 126 Ibid. ​p. 61. 127 Ibid.​ p. 76. 128 “L’économiste Joseph Schumpeter a été le premier en 1954 à définir l’innovation comme l’exécution de combinaisons nouvelles entre les inventions de la science et de la technologie, l’inspiration des créateurs, les stratégies des financiers, les désirs de clients.” J. SCHUMPETER, ​Histoire de l’analyse économique​, 1955, trad. française Paris, Gallimard, 1983 ; cité dans TERRIN, Jean­Jacques. ​Conception collaborative pour innover en architecture : processus, méthodes, outils , L'Harmattan, 2009, p. 68. 78


Cet aller­retour entre la théorie et la pratique, la recherche et l’expérimentation, le savoir et le savoir­faire permet une confrontation entre l’abstrait et le concret auquel l’architecte participe. « Aujourd’hui, l’utilisation des matériaux de réemploi en est aux premiers balbutiements, toujours dans sa période pré­rationnelle. Il s’agit dès lors de développer de nouveaux savoirs et savoir­faire qui soient spécifiques au réemploi et permettent d’élaborer des méthodes scientifiques nouvelles. Cela ne peut passer, dans un premier temps, que par l'expérimentation ou le bricolage129 .» Si l’on se réfère au modèle d’organisation de la construction historique du temps des cathédrales du Moyen­Age, on observe que la création et la construction n’étaient pas séparées comme c’est souvent le cas désormais. Le système de conception traditionnelle est expliqué par J.C. Boutinet ainsi : “Le dessein de la conception doit se matérialiser dans un dessin de la réalisation, lequel va modifier, corriger le dessein initial, le dernier conduisant à une nouvelle concrétisation”130 J.J Terrin traduit cette citation par l’expression “système linéaire et itératif”131 . Nous supposons que ce modèle n’est plus l’unique modèle viable dans le cycle de mutation sociétale132 au sein duquel nous nous trouvons depuis plus de 30 ans. Du temps où le trio plan / coupe / élévation n’était pas encore le support exclusif de projet, des répertoires techniques tels des guides de construction, étaient disponibles pour guider un chantier et transmettre des savoirs. “En effet, si le dessin d’architecte en tant que mode de représentation d’un édifice unique est relativement récent ­ il était encore exceptionnel au XVe siecle ­ en revanche, les documents 129

HUYGEN Jean­Marc, «Réemploi et artisanat», in Matière grise ­ matériaux, réemploi, architecture , p. 156. J.­C. BOUTINET, 1993, cité dans TERRIN, Jean­Jacques. ​Conception collaborative pour innover en architecture : processus, méthodes, outils , L'Harmattan, 2009, p. 65. 131 TERRIN, Jean­Jacques. ​Conception collaborative pour innover en architecture : processus, méthodes, outils , L'Harmattan, 2009, p. 65. 132 ​Ibid​. p. 15. 130

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graphiques ou littéraires qui décrivent des processus constructifs sont plus anciens, comme en témoignent les carnets de Villard de Honnecourt qui datent du XIIIe siècle. Comme l’explique Roland Bechmann, Villard “ne cherche pas à faire un relevé absolument fidèle, mais à composer un recueil didactique, un guide de construction ; il veut se constituer un catalogue de modèles à reproduire (...) Les ouvrages d’architecture qui ont fait suite au De re aedificatoria d’Alberti constituaient également de véritables répertoires techniques.”133 Nous voyons par l’exemple de Bellastock ce retour à des fiches techniques de leurs réalisations qui se veulent être des supports partageables et modifiables. Le but n’est pas de créer des modèles à reproduire, mais de rendre le réemploi abordable techniquement à n’importe quelle personne en partageant les prototypes obtenus par l’expérimentation134 . « Sur les chantiers que nous menons, nous faisons toujours un travail de recherche, très concret, où on apprend en faisant » précise Paul Chantereau, architecte de Bellastock. « Ensuite on partage ce savoir­faire. C’est un peu comme l’idée de l’open source appliquée à l’architecture »135

133

134

Ibid. ​ p. 87 et p.88. Voir les annexes p. 25. à p. 32.

​http://www.acteursduparisdurable.fr/actus/bellastock​, ​Bellastock​, auteur inconnu, consultable sur le site www.acteursduparisdurable.fr​, mis en ligne le 13 janvier 2014, consulté le 22 mai 2016. 135

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3) Le projet comme processus

Jean­Jacques Terrin observe une complexification dans le contexte décisionnel136 lié au projet, due notamment à une prolifération de points de vues137 . Les contraintes et les risques augmentent, ce qui explique la spécialisation138 et l'expertisation139 à outrance. “Le projet est naturellement un espace de conflits potentiels permanents entre des logiques économiques qui s’opposent, des expertises qui divergent, des entreprises et des individus aux cultures différentes. Peut­il devenir “le fruit de compromis permanents, un jeu de négociation et d’intégration”, plutôt que la confrontation ponctuelle de compétences qui s’affrontent en vue d’optimisations localisées.” 140 Ainsi, le rôle de l’architecte a évolué, en même temps que le contexte décisionnel. L’architecte “oriente les choix et les débats”141 , médiateur, son rôle est de confronter les expériences142 des collaborateurs pour faire émerger les compétences tout en précisant les performances attendues. En ce sens, son rôle de médiateur143, coordinateur et de manager144 prend toute son ampleur. “Tout projet est un lieu d’apprentissage auquel E. Rechtin se réfère, en écho au célèbre “doing by learning” de Donald Shein, quand il décrit les activités des architectes avec la formule suivante : Architecturer est un processus continu d’apprentissage quotidien.”145 “Le caractère unique de tout projet et son 136

TERRIN, Jean­Jacques. ​Conception collaborative pour innover en architecture : processus, méthodes, outils , L'Harmattan, 2009, p. 34. 137 Ibid​. p. 54. 138 ​Ibid​. p. 21. 139 Ibid​. p. 33. 140 ​Ibid​. p.67. 141 ​Ibid​. p. 69. 142 ​Ibid​. p. 70. 143 ​Ibid​. p. 101. 144 ​Ibid​. p. 70. 145 E. RECHTIN, p. 11 : “Architecting is a continuing day to day learning process.” 81


imprédictibilité en font un espace exceptionnel, où les métiers confrontent leurs savoirs et leur savoir­faire pour les faire évoluer dans l’action et où l’apprentissage devient une forme de partage de ces savoirs et des ces savoir­faire.”146 En outre, la dialectique du projet dont parle J.C. Boutinet147 entre la conception, la réalisation et la valorisation, rend possible les interactions collaboratrices

dans

une

logique

d’intégration

multidisciplinaire148

et

transdisciplinaire149 . Les acteurs hétérogènes du projet dont la communication avait parfois été détériorée150 se rassemblent à nouveau autour du partage des savoirs mais aussi des savoir­faire. L’expérimentation se trouve ainsi comme liant entre les métiers de la main et ceux de l’intellect. Sa temporalité devient support d’échange, de transfert, de manipulation des savoirs151 , de détournements. Finalement cette nouvelle figure de l’architecte qui travaille à la fois avec les idées, et avec la matière, avec la recherche et l’expérimentation, peut faire penser à une figure de la mythologie grecque. J.­J. Terrin nous dévoile que : “Le talentueux et errant architecte du labyrinthe (le dédale) était habile manuellement, mais aussi concepteur de plans abstraits et inventeur d’outils sophistiqués.”152 Ainsi, l’architecte qui réemploie pourrait être associé à Dédale : par sa nécessité d’expérimenter manuellement, de créer ses propres outils, et d’utiliser des moyens graphiques pour transmettre et rassembler autour du projet. Le croisement des savoir­faire qui pouvaient être trop autonomes fait renaître la convivialité au sein de la société, notion développée par Illich. Pour lui, l’outil moderne153 doit être convivial, c’est­à­dire qu’il est au service de l’homme et non

146

TERRIN, Jean­Jacques. ​Conception collaborative pour innover en architecture : processus, méthodes, outils , L'Harmattan, 2009, p. 76.

​Ibid​. p. 59. ​Ibid​. p. 66. 149 ​Ibid​. p. 41. 150 ​Ibid​. p. 33. 151 ​Ibid​. p. 21. 152 ​Ibid​. p. 19. 153 ILLICH, Ivan (2003 ­ réédition d’un essai de 1973), ​ La Convivialité​. Paris: Edition du Seuil (Coll. Point). p. 13. 147 148

82


l’inverse. L’homme qui emploie cet outil est dit “austère”, non au sens commun de “sévérité, rigueur dans les mœurs et dans les actes”154, ni “d’isolation ou de clôture sur soi” 155, mais dans la signification de Thomas d’Aquin : “elle est ce qui fonde l’amitié. En traitant du jeu ordonné et créateur, Thomas définit l’austérité comme une vertu qui n’exclut pas tous les plaisirs, mais seulement ceux qui dégradent la relation personnelle.”156 Finalement l’austérité replace l’homme au centre de la conception en lui permettant de retrouver les relations communautaires : “Je crois qu’il faut inverser radicalement les institutions industrielles, reconstruire la société de fond en comble. Pour être efficient et rencontrer les besoins humains qu’il détermine aussi, un nouveau système de production doit retrouver la dimension personnelle et communautaire. La personne, la cellule de base conjuguent de façon optimale l’efficacité et l’autonomie : c’est seulement à leur échelle que se déterminera le besoin humain dont la production sociale est réalisable.”157 De la même manière, le réemploi se concentre sur l’échelle humaine et locale que ce soit au niveau de la provenance des matériaux, mais aussi la provenance des acteurs du projet. Il faut s’adapter à ce qu’il y a sur place, améliorer le contexte, refuser la table rase, utiliser l’existant. “Si nous voulons pouvoir dire quelque chose du monde futur, dessiner les contours théoriques d’une société à venir qui ne soit pas hyper­industrielle, il nous faut reconnaître l’existence d’échelles et de limites naturelles. L’équilibre de la vie se déploie dans plusieurs dimensions; fragile et complexe, il ne transgresse pas certaines bornes.”158

154

155

Définition CNRTL d’austérité. ILLICH, Ivan (2003 ­ réédition d’un essai de 1973), ​La Convivialité​. Paris: Edition du Seuil (Coll. Point). p. 13.

​Ibid​. p. 13. Ibid​. p. 27. 158 ​Ibid​. p. 12. 156 157

83


4) Vers un cerveau collectif ?

Le collectif d’architectes apparaît dans les années 90. Comme l’explique la doctorante Elise MACAIRE, cette apparition manifeste une volonté de proposer des “démarches alternatives au processus traditionnel d’élaboration du projet architectural ou urbain”159 tout en promouvant un “changement des valeurs traditionnelles du champ de l’architecture”160 vers une démocratisation et socialisation de l’architecture. L’action de ces collectifs est caractérisée par l’échelle d’interventions, qui reste petite et n’engage pas de sommes importantes. L’idée est de faire ‘le plus avec le moins’, en impliquant au maximum les futurs usagers par la coproduction et en utilisant des “méthodes alliant pédagogie de la création et participation démocratique”161 . Le collectif engage l’architecte dans des interactions d’un nouveau genre, dont il n’a pas l’habitude. Il s’engage au­delà de sa fonction d’architecte, il se veut pédagogue, et se retrouve volontairement à éduquer le peuple, tandis que le peuple l’éduque lui à être un “nouveau type d’architecte”, social, solidaire, humaniste. L’idée n’est pas d’obtenir un projet en tant que fin en soi, mais de voir au­delà en s’impliquant dans ce qui pourrait contribuer à l’amélioration du système social : penser le processus comme finalité, le résultat n’étant qu’une conséquence. L’architecte n’est plus porteur de projet mais porteur de valeurs et de sens. Il devient le cousin des artistes « activistes », et des militants, il agit, combat, lutte pour une cause donnée. Les collectifs promeuvent le développement individuel des personnes, en les impliquant et en étant la voix des personnes qui ne sont pas écoutées, la voix des oubliés, de ceux qui n’osent pas parler de peur d’être jugées inintéressantes, celles qui se sont tues depuis bien longtemps. Humblement, l’architecte apprend à les faire 159

MACAIRE (Elise), “​L’architecture à l’épreuve de nouvelles pratiques : recompositions professionnelles et démocratisation culturelle”, ​Thèse de doctorat en architecture, Dirigée par Jodelle ZETLAOUI­LEGER, Paris, Ecole nationale supérieure d’architecture de Paris La Villette, 2012, p. 5. 160 ​Ibid​. p. 5. 161 ​Ibid​. 84


parler, prend le temps de les écouter, de les revaloriser, de leur faire prendre confiance en elles, il leur montre que leur avis a un poids et qu’il mérite d’être entendu. Le fait que l’architecte s’approprie des compétences dont il n’a pas spécialement besoin pour exercer sa profession, pose question. Pour Elise MACAIRE ces “nouvelles compétences sont construites à partir de déplacements relatifs aux champs de référence des architectes”162 . La translation des attentes vis­à­vis de la pratique architecturale courante, permet la naissance d’une nouvelle conjonction qui vient enrichir le projet, au­delà de sa temporalité classique. Comme le disait Michel Eyquem de Montaigne, “Il faut voyager pour frotter et limer sa cervelle contre celle d'autrui"163 . Ici le voyage n’est pas physique mais intellectuel, disciplinaire. Le collectif cherche à la fois à collaborer de manière pluridisciplinaire, participative et pédagogique afin de convaincre, sensibiliser, mettre en place, inclure, transmettre, rechercher et expérimenter. En conclusion, bien qu’ils ne se font pas toujours appeler “collectifs”, les architectes du réemploi ont bien souvent la même volonté de collaboration, pluridisciplinaire, la même nécessité d’expérimentation, les même motivations pour trouver des manières alternatives de concevoir l’architecture, des manières plus concrètes d’aborder les problèmes sociétaux, à une échelle, certes, parfois embryonnaire, éphémère, mais qui se veut participative et inclusive. L’architecte qui réemploie refuse le piédestal et préfère s’installer au même niveau que les autres, en apprenant à connaître leurs points de vue, en les unissant par la confrontation pour concevoir, avec un cerveau collectif, une oeuvre collective.

162

163

​Ibid​. p. 5. M. MONTAIGNE, ​Les Essais​, Livre 1 85


“Sur tous mes chantiers, je fais appel à d’autres pour enrichir l’oeuvre commune de leurs points de vue et de leur savoir­faire, parce que écrire seul ­ comme construire seul ­ me paraît impossible, et que l’architecture n’est pas qu’affaire de spécialistes ou de techniciens. Ici ce sont des artistes, des architectes, des paysagistes, des chercheurs, des philosophes, des cinéastes… avec lesquels j’ai travaillé ou qui m’ont influencé, qui viennent interroger nos habitudes et porter un regard différent sur l’architecture.”164 Patrick Bouchain

164

BOUCHAIN, Patrick, ​Construire autrement, Comment faire?​, Arles : Actes Sud. p. 7. 86


Conclusion : A travers cette recherche, nous avons pu constater que le réemploi révolutionne la pratique de l’architecte, la conception et réalisation architecturale, le rapport à la matière qu’entretient l’architecte, tout en décloisonnant la profession, redéfinissant les relations, élargissant le nombre d’acteurs et modifiant la temporalité du projet. Par ailleurs, la manière dont le processus de réemploi face à sa complexité implique la création de méthodes et d’outils propres pour son développement a été mise en lumière. Ainsi, les différentes méthodes d’approvisionnement en matériaux de réemploi redéfinissent le métier d’architecte et l’incitent à s’intéresser à la deconstruction, comme c’est le cas pour Bellastock. Il se peut également que ces méthodes le rendent sensible aux opportunités qui ne viennent pas nécessairement du monde de l’architecture, comme c’est le cas de Superuse Studios. L’architecte, pionnier dans le monde du réemploi, initiateur, médiateur et fédérateur, a un rôle d’incitateur. Démocratiser et vulgariser le réemploi sont parmi ses missions, c’est pourquoi Bellastock ouvre le chantier au public, organise des workshops avec d’autres corps de métiers, des festivals avec des étudiants, s’exprime sur le réemploi au travers de publications, il communique, transmet, il donne envie. Le réemploi implique un élargissement d’acteur du projet, et crée une synergie due au partage, à l’expérience. Ainsi, l’intérêt du réemploi ne se trouve pas dans le “produit fini”, mais dans l’élaboration,le processus et les liens créés entre les acteurs pluridisciplinaires du projet, qui donnent naissance à une réflexion collective. Finalement, le réemploi se trouve être une technique conservatrice révolutionnaire. Mais pourtant son potentiel réside dans sa qualité de support d’innovation plus que dans un souci de sauvegarde et de recyclage. Le réemploi permet une méthode de découverte, de recherche heuristique. Il serait d’ailleurs intéressant de pousser cette notion plus loin, pour en comprendre les mécanismes et

87


la richesse. En détournant la matière de son usage premier, l’architecte rassemble des savoirs et des savoir­faire de différents mondes qui auparavant s’ignoraient. Bien que plein de potentialité, le réemploi n’a pas vocation à être la solution unique à l’avenir de l’architecture. Il est rare que le pourcentage de matériau de réemploie avoisine les 100% au sein d’édifices. La complémentarité des solutions fera la richesse de l’architecture. Une des limites du réemploi est à considérer : si le matériau de réemploi prend de la valeur aux yeux des commerçants en tant qu’opportunité commerciale, le risque existe d’en produire davantage dans le but d’avoir plus de matériau de réemploi à revendre. C’est­à­dire de déclarer un bâtiment ou un matériau obsolète plus vite que normal. Les effets économiques sur le réemploi en seraient désastreux165 .

165

​ ​VAN HINTE, Ed, PEEREN, Césare, and JONGERT, Jan. Superuse: Constructing New Architecture by Shortcutting Material Flows​. Rotterdam: 010, 2007. Print. Cit p. 47. 88


Bibliographie commentée : ​regard pluridisciplinaire sur la question Ecrits liés au développement durable et à la critique de la société industrielle : ­

DREYFUS, Catherine et PIGEAT, Jean­Paul, ​Les maladies de l'environnement​, la France en saccage, Ed. Denoël, 1970, 283p.

­

BELPOMME, Dominique, ​Avant qu’il ne soit trop tard​, Ed. Fayard, 2007, 302p.

­

ILLICH, Ivan (2003 ­ réédition d’un essai de 1973). ​La Convivialité​. Paris: Edition du Seuil (Coll. Point). 158p.

“La convivialité” est un essai datant de 1973 du penseur de l'écologie politique Autrichien Ivan Illich. Développant une critique morale de la société industrielle, il fait le constat que nos sociétés occidentales sont “autodestructrices”. Le capitalisme leur a fait perdre le sens, ses outils nous déshumanisent et nous rendent esclaves. Des alternatives sont proposées, Illich mettant l’accent sur le retour à “des outils conviviaux”, par opposition au monde des machines. Il développe la notion “d’austérité joyeuse” nécessaire d’après lui pour surmonter la crise liée à la société industrielle. ­

LATOUCHE, Serge (2007). ​Petit Traité de la décroissance sereine​. Paris : Edition Mille et une nuits (Coll. les Petits Libres n°70). 171p.

L’économiste ​français, Serge Latouche tente de conceptualiser l’après développement en apportant son éclairage sur la définition de la décroissance ou ​" a­croissance "​, qu’il distingue de la “croissance négative”. Il encourage à refuser le modèle économique du progrès et du développement, qui recherche une croissance indéfinie, inconciliable avec la planète finie sur laquelle nous sommes. La nécessité nous pousse aujourd’hui à produire moins et consommer moins, mais c’est encore

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loin d’être la mentalité commune. Changer de logique est indispensable pour ne pas aller droit dans le mur. Ecrit lié à la notion de bricolage : ­

Lévi­Strauss, Claude. La Pensée Sauvage . Paris: Plon, 1962. Print.

Dans ce livre, je m’intéresse particulièrement au passage sur le bricoleur des pages 26 à 49. Le regard de l’auteur Claude Lévi­Strauss est éclairé par sa formation, en effet il n’est pas formé en anthropologie, mais il a fait des études de philosophie et de droit. Il développe la notion de bricoleur tel qu’il a pu le voir lors de ses observations, le légitimant alors qu’il pourrait être a priori vu comme bien inférieur au savant. Les caractéristiques du bricoleur peuvent aisément être mises en parallèle avec celles de l’architecte réemployeur, c’est pourquoi il est intéressant d’observer les outils et les moyens du bricoleur et de voir en quoi et pourquoi ils sont ou non les mêmes que ceux de l’architecte. Claude Lévi­Strauss distingue les notions de bricoleur et de savant, le premier opérant par des signes et le second par des concepts. En se basant sur cela, pourrait­on qualifier l’architecte réemployeur de « bricoleur savant » ? Ecrit lié à la notion de posture idéologique de l’architecte et à la complexité : ­

Bouchain, Patrick (2006). ​Construire autrement : Comment faire ? ​Arles : Actes Sud. 190p.

L’auteur : architecte scénographe, et constructeur issu des Beaux­Arts, Patrick Bouchain est qualifié d’architecte « humaniste, libertaire et anticonformiste » . Le livre ​Construire autrement ​questionne la posture de l’architecte au sein de la conception et la construction des bâtiments, en voulant réintroduire la notion d’humain dans l’architecture. L’architecte ne construit pas seul mais entouré d’un collectif qui vient « interroger nos habitudes »166 et « porter un regard différent ». Il refuse « les lieux fermés, c’est­à­dire terminés »167 . L’architecte n’est plus

166

167

BOUCHAIN, Patrick (2006), ​Construire autrement : Comment faire?​. Arles : Actes Sud. p. 7. ​Ibid​. p. 32. 90


uniquement le responsable de la conception architecturale, mais elle devient affaire de tous, étant utilisée par tous. Avec la promesse que « tout peut servir, se recycler, se transformer »168 . ­

BORRUEZ, René et Collectif. ​Architecture et Modestie : Actes de la rencontre tenue au couvent de La Tourette (Centre Thomas More) les 8 et 9 juin 1996​. Nîmes : Théétète, 1999. Print.

L’auteur de ce livre, René Borruey, est architecte et docteur en histoire, Il est chercheur au laboratoire Inama « Investigation sur l’histoire et l’actualité des mutations architecturales ». A travers l’écriture de ce livre, il pose un constat : les critiques de l’architecture depuis plus d’un siècle prônent dans les oeuvres nouvelles “que ce qu'elles peuvent " exprimer " d'exceptionnel et de génie personnel169 ”. Les lecteurs sont invités à réfléchir sur la question épineuse de l’architecture et la modestie, et plus précisément sur “l’attitude du " savoir se situer " de l'architecte170 ”. ­

VENTURI, Robert, ​Complexity and Contradiction in Architecture, New York, Ed. The Museum of Modern Art, 1966 ­ 1977 ­ 2002, p. 43. et p. 44.

Ecrit lié à la collaboration en architecture : ­

TERRIN, Jean­Jacques. ​Conception collaborative pour innover en architecture : processus, méthodes, outils , L'Harmattan, 2009. 163 p.

Jean­Jacques Terrin est architecte­urbaniste, docteur, professeur et mène des recherches sur les processus de conception, stratégies de l’innovation et démarches collaboratives171 . Le point de départ de sa recherche montre que les nouvelles exigences environnementales, économiques et sociales imposent des demandes de productions plus responsables 172 qui ont impliqué des mutations sur les processus de conception architecturaux. L’évolution des pratiques, l’innovation, liées non seulement à notre métier mais également aux milieux industriels et artistiques,

​Ibid​. p. 56. http://www.decitre.fr/livres/architecture­et­modestie­9782912860125.html 170 ​Ibid​. 171 http://terrin.net/ 172 http://www.editions­harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=28385 168 169

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engendrent une adaptation des méthodes, s’ouvrent à la collaboration, interactive, et accompagnée de la création d’outils adaptés. Ecrits liés à la notion de réemploi et réutilisation en architecture : ­

FERNANDEZ (2012). ​A+T 39­40 ­ Reclaim. Remediate Reuse Recycle​. A+T Ediciones. 320p

Les éditions A+T ont publié ce numéro hors série destiné à aborder la thématique de la réutilisation de lieux, de bâtiments ou de matériaux. Divisé en trois parties, “Remédier”, “Réutiliser” et “Recycler”, le livre expose l’intérêt des processus de réclamations du territoire, des objets, des matériaux et des infrastructures. En réduisant les déchets et en transformant l’existant, le citoyen redonne de la dignité écologique à sa démarche. Un corpus d’exemples analysés est regroupé dans ce livre, le but étant de pouvoir en tirer des connaissances applicables à divers projets. ­

HEILMEYER, Florian (2012). ​Reduce, reuse, recycle rethink architecture. German pavilion 2012​. Hatje Cantz. 272p.

Florian Heilmeyer est un écrivain, éditeur essayant de “rendre visible les processus et forces qui (parfois) mènent à l’architecture”. Ce livre, issu de la 13e exposition de la Biennale de Venise de 2012, est un manifeste pour un passage du déchet à un matériau réutilisable. ­

HUYGEN, Jean­Marc (2008). ​La poubelle et l’architecte : vers le réemploi des matériaux​. Arles : Actes Sud. 183p.

Jean­Marc Huygen est architecte et ingénieur civil, professeur à l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Grenoble, il organise notamment des workshops pour les étudiants. Dans ​La poubelle et l’architecte​, il théorise sur le réemploi. Dans une première partie, il évoque la notion d’éthique de la matière, et milite pour la disparition de la notion de déchet, proclamant que le déchet n’existe pas. Il met ensuite en relation l’architecture et le réemploi, allant de l’art à l’architecture « indisciplinaire ». La troisième partie développée regroupe les techniques du réemploi, du glanage à l’assemblage.

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­

OPPENHEIMER DEAN, Andrea (2005). ​Proceed and Be Bold: Rural Studio After Samuel Mockbee​. Princeton Architectural Press. 176p.

Andrea Oppenheimer Dean est écrivaine et éditrice dans plusieurs domaines, dont l’architecture. Ce livre est un recueil de projets faits conjointement par les étudiants et professeurs du “Rural Studio” de l’école d’architecture de l’université d’Auburn aux USA, après la mort du fondateur Samuel Mockbee. Au sein de cet atelier à la pédagogie très particulière, les étudiants participent non seulement à la conception mais également à la construction d’habitations sociales très peu chères pour des populations pauvres. En vue d’économiser, les matériaux sont soit de réemploi, provenant de dons, de glanage sur le terrain de la future construction ou encore sont récupérés directement par la dé­construction de l’ancien en vue du nouveau projet, selon les opportunités données. ­

VAN HINTE, Ed ; PEEREN Césare ; JONGERT Jan (2013). ​Superuse: Constructing New Architecture by Shortcutting Material Flows​. Nai010 Publishers. 144p.

PEEREN Césare et JONGERT Jan sont deux architectes fondateurs de Superuse Studios en 1997. Ce livre fait l’état des lieux sur diverses méthodes et outils créés autour du réemploi à partir de divers exemples, des Pays­Bas et d’ailleurs. Il oppose divers points de vue sur le réemploi et la réutilisation, des plus sceptiques, aux plus convaincus, exprimant les questions soulevées par le réemploi ainsi que les limites potentielles de celui­ci. Il pose également les questions de la faisabilité du passage d’échelle : de l’éphémère au grand projet. ­

Encore Heureux, architectes. (2014). ​MATIÈRE GRISE : MATÉRIAUX / RÉEMPLOI / ARCHITECTURE.​ Pavillon de l’Arsenal. 368 p.

Ce livre est le catalogue de l’exposition organisée en 2014 par le collectif d’architectes Encore Heureux. Au travers de 4 essais, 13 entretiens et 75 projets, le collectif retrace l’histoire architecturale du réemploi en la mettant en écho avec la nécessité actuelle, urgente de repenser notre usage de la matière dans l’architecture

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contemporaine, afin de ne pas foncer droit dans le mur. L’économie, faire le plus avec le moins, est prônée, le cycle de la matière rendu effectif au maximum. À travers cette exposition, le potentiel et la nécessité du réemploi sont démontrés, tout en voulant repenser notre pratique actuelle de l’architecture. Magazines / Revues : ­

L’Architecture d’Aujourd’hui. n°372 (Sept ­ Oct 2007)

­

CHANTEREAU, Paul, Le grand détournement, éd. Bellastock, publication n°8, 2012.

­

COLLECTIF, Micro­Folie, éd. Bellastock, publication n°15, 2012.

­

Ecologik 07 (Fev ­ Mars 2009). 122p

­

L’esprit des Matériaux ­ Architecture et Philosophie, n°2 : Recyclage et Urbanité, Paris, 2010, Ed. de la Villette (Coll. Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble), 100p.

­

FLORIN, Bénédicte, “ Réforme de la gestion des déchets et reconfiguration des territoires professionnels des chiffonniers du Caire”, Géocarrefour, Vol 85/2 : Services urbains en réforme dans le monde arabe, octobre 2010, pp 109­118, disponible à l’adresse Internet : https://geocarrefour.revues.org/7812​, Consulté le 20 Février 2016

­

“Déchets, les recycleurs et les recyclés”, L’Atlas du monde diplomatique 2006, février 2006. disponible à l’adresse Internet : https://www.monde­diplomatique.fr/cartes/atlas­dechets

Exposition : ­

Matière Grise, Paris, Pavillon de l’Arsenal, 2014.

Emission de radio : ­

CHASLIN, François. L'architecture du réemploi et du détournement. 01.07.2012 ­ 16:00, France Culture

­

VIDARD, Mathieu, émission La tête au carré : la sérendipité, 11 février 2014, France Culture, disponible à l’adresse : http://www.franceinter.fr/player/reecouter?play=834542,

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Conférences / Tables Rondes : ­

« Matériaux, Réemploi et Architecture », Encore Heureux avec la présence de Rotor, 17.11.14, Pavillon de l’Arsenal, Paris

­

Table ronde « Matériaux, Réemploi et Architecture, les enjeux du réemploi et ses possibles alors que l’architecture aspire à se réinventer entre contraintes environnementales, économiques et nouveaux usages », avec ENCORE HEUREUX France / ROTOR Belgique / ZERM France et la ville de Lille, 10.05.16, Maison de l’architecture et de la Ville, Lille

­

« Conference Call #12 ­ Bellastock »173 , à l’initiative de ONOFF, 09.02.16, disponible à l’adresse ​https://www.youtube.com/watch?v=VO0DmCMcTSk

­

« Conférence Formes/Formats » GIELEN, Maarten à l’ENSAPL, le 26 mars 2015

­

Entretien collectif174 avec Bellastock, BENOIT, Julie, ENSA Paris Belleville, le 19 Mai 2016.

Sitographie : http://www.ademe.fr/ http://www.bellastock.com/ http://constructlab.net/ http://earthship.com/ http://encoreheureux.org/ http://www.oogstkaart.nl/ http://opalis.be/ www.pavilloncirculaire.com http://www.superuse­studios.com/ Articles internet : 173 174

Voir retranscription en Annexe p. 33. Voir retranscription en Annexe p. 40. 95


­

Atelier d’Architecture Autogérée (AAA), “Un supermarché des déchets de construction : c’est pour aujourd'hui ou pour demain?” LUP #15, 4 Juillet 2009,​ ​http://www.urbantactics.org/documents/LUP15.pdf

­

VILLEROY, Stéphanie. “Expo Global Trash ­ ''Les poubelles ont évolué depuis 20 ans''”, 16 Septembre 2010, ­http://archive.francesoir.fr/loisirs/litterature/expo­global­trash­poubelles­ont­ evolue­depuis­20­ans­57032.html

­

FABREGAT, Sophie. “Récupération et Valorisation des déchets du bâtiment : les filières qui émergent”, ​acta­environnement.com​, 10 Novembre 2008, http://www.urbantactics.org/documents/LUP15.pdf

­

HALLAUER, Edith (6 Juin 2011). « Patrick Bouchain : Ma voisine, cette architecte », ​http://strabic.fr/Patrick­Bouchain­ma­voisine­cette­architecte­1

Mémoire / TPFE / Travaux de recherche / Cours : ­

Étude réalisée pour le compte de l’ADEME par BELLASTOCK, ​REPAR 1, disponible à l’adresse : http://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/adm00013750_adm _attache1.pdf​, 2012­2014, 127 p.

­

Étude réalisée pour le compte de l’ADEME par BELLASTOCK, ​Résumé du REPAR 2 Favoriser le réemploi en accompagnant les prescripteurs et les opérateurs,​ disponible à l’adresse : http://www.bellastock.com/wp­content/uploads/2015/10/resume_repar2_bella stock.pdf​, 9 p.

­

BETREMIEUX, François, “Le Réemploi des objets en architecture : La bouteille PET”, sous la direction de PLAIS, Denis, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon, SDDE (Stratégie pour le Développement Durable et Equitable), SPA (thématique Stratégies et Pratiques Avancées). mai 2008, 27p.​ ​http://fr.calameo.com/books/00006924676ce7e130e2b 96


­

DEFOORT, Alice, “Le Déchet en architecture fait sens, Le cas de Rural Studio”, MES 13/09/28, sous la direction de BRIDOUX­MICHEL, Séverine, et MANIAQUE, Caroline. Villeneuve d’Ascq, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille, 2009, 84p.

­

HUYGEN, Jean­Marc, “Réemploi Relation”, cours disponible sur : http://www.grenoble.archi.fr/cours­en­ligne/huygen/060409_Reemploi­Relati on.pdf

­

THOMAS,

Valérie,

“EARTHSHIP

:

Modèle

expérimental

ou

expérimentation d’un modèle ?”, sous la direction de BRIDOUX­MICHEL, Séverine, et MANIAQUE, Caroline. Villeneuve d’Ascq, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille, 2009, 170p. ­

VAILLANT, Alice, “Le Réemploi en Architecture”, sous la direction de DEMING, Mark, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris­Belleville, 2010, 107p.

­

SOUSAN, Stéphanie, Livret 1 “Economie circulaire en pratique. Explorer”. https://issuu.com/stephaniesouan7/docs/livret_1

Film documentaire : ­

“Plastic Planet”, documentaire, réalisation Werner Boote, 1h35min, 2011

­

“Garbage Warrior”, documentaire, réalisation Oliver Hodge, 1h26min, 2007

­

“Trash”, réalisation Stephen Daldry, Christian Duurvoort, 1h 54m, 2014

­

“Trashed”, réalisation Candida Brady, 98 minutes, 2012

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Annexes - Sommaire -

Annexe 1 : Extraits - Chantereau Paul, Le grand détournement, éd. Bellastock, publication n°8, 2012 Page 3 : Annexe 1 Page 4 : Quèsaco le réemploi ? Page 5 : Schéma Synthèse Le réemploi Page 6-7 : Réenchanter les infrastructures - Atelier Page 8 : Réenchanter les infrastructures - La glaneuse (prototypes luminaire)

Annexe 2 : Extraits - Association Bellastock, Micro-Folie, éd. Bellastock, publication n°15, 2012.

Page 13 : Annexe 2 Page 14-15 : Le bâtiment comme gisement - Déconstruction sélective Page 16-17 : Prototype meuble lavabo - The flex Page 20-21 : The bend - travail sur la limite du chantier - invitation

Annexe 3 : Extraits - BENOIT J, SAUREL G, HALLAIS S, REPAR : réemploi comme passerelle entre architecture et industrie, Mars 2014. Page 25 : Annexe 3 Page 26 : Prototype Passerelle Page 30 : Réemploi de béton - Prototype emmarchement Page 31 : Réemploi de béton - Prototype Dallage

Annexe 4 : « Conference Call #12 - Bellastock », à l’initiative de ONOFF, 09.02.16, disponible à l’adresse : https://www.youtube.com/watch?v=VO0DmCMcTSk Page 33

Annexe 5 : « Entretien Collectif avec Bellastock », représenté par Julie Benoît, 9.05.16, Ecole d’architecture de Paris Belleville Page 40 1


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Annexe 1 Chantereau Paul Le grand détournement éd. Bellastock publication n°8 2012 Extraits

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Annexe 2 Association Bellastock Micro-Folie éd. Bellastock publication n°15 2012 Extraits

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Annexe 3 Extraits BENOIT J, SAUREL G, HALLAIS S, REPAR : rĂŠemploi comme passerelle entre architecture et industrie, Mars 2014.

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REPAR

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c. Les prototypes de systèmes constructifs : le réemploi in vivo dans le cadre d’un chantier ouvert

Figure 48.a Prototype : Passerelle en sprinkler, IPN 100mm, bois exotique du hangar.

ADEME, APr Déchets BTP 2012

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REPAR

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Figure 48.a Prototype : Passerelle en sprinkler, IPN 100mm, bois exotique du hangar.

ADEME, APr Déchets BTP 2012

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Figure 48.a Prototype : Passerelle en sprinkler, IPN 100mm, bois exotique du hangar.

ADEME, APr Déchets BTP 2012

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REPAR

03/2014

Figure 53. Emmarchement en morceaux de dalles de béton broyés.

ADEME, APr Déchets BTP 2012

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REPAR

03/2014

Figure 54. Prototype: opus incertum en béton de poutre broyée.

ADEME, APr Déchets BTP 2012

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REPAR

03/2014

Figure 55. Mise en oeuvre de l'opus incertum. La technique est un hybride de celle des tailleurs de pierre (pour calibrer les morceaux avec le même gabarit) et de celle des poseurs de pavés.

ADEME, APr Déchets BTP 2012

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Entretien Bellastock Julie Benoît – 19 mai 2016, Ecole d’architecture de Paris Belleville Dans un schéma classique, comment fonctionne un chantier et quel est le rôle de l’aménageur ? Si tu veux comprendre comment fonctionne un chantier classique, n’hésite pas à regarder les détails de la loi MOP. Ça explique les échéances. La première loi sur l’architecture date de 1977 en France et, ça explique beaucoup de choses. Il y a des questions d’assurances. En France, la particularité, c’est la décennale. Ça explique le rôle de la MOA et des entreprises. Il y a beaucoup de variables suivant la taille du chantier et le type de la commande. Soit tu as une parcelle et tu veux construire quelque chose dessus. Tu vas directement faire ton propre programme. Comme tu es un privé, tu n’es pas du tout tenu par la loi. Tu vas consulter et mettre en concurrence quelques architectes parce que tu es au-delà du seuil de 500 m². Tu vas chercher ton architecte qui fait son dessin. Comment il développe son projet ? Il fait d’abord une esquisse à partir d’un diagnostic. Il part d’abord de l’existant. Il développe des phases d’avant-projet qui vont lui permettre de déposer un permis de construire. Il est architecte donc inscrit à l’ordre, sur le tableau 1. Enfin bref, c’est une question à tiroirs. Le permis de construire est validé par la ville sauf s’il y a eu transfert de compétences vers une autre échelle. Ensuite, si c’est validé, l’architecte et son groupement, parce que si le projet est plus ou moins technique, il ne conçoit plus tout seul. Il est dans un groupement avec un acousticien, un paysagiste, un énergéticien, peu importe. L’architecte développe le projet. Les détails sont plus avancés (on entre dans le carnet de détail) et faits après un DCE (le dossier de consultation des entreprises). Ce qui est très important de se dire, c’est qu’il y a des pièces graphiques et des pièces écrites. S’il y a désaccord entre les pièces pratiques et les pièces graphiques, c’est les pièces écrites qui l’emportent. Puis, tu consultes les entreprises. La MOA qui avait choisi l’architecte va notifier les entreprises mais, pour l’aider à sélectionner, l’architecte a un rôle d’assistant pour la phase travaux. Après, il y a le chantier puis les travaux puis une période de réception. Puis, derrière, il y a la DGPA. Que fait la maîtrise d’ouvrage dans tout ça ? Elle définit ses besoins et l’architecte le traduit en commande. Si la MOA est plus complexe. Si on est en commande publique, on va imaginer une zone où on ne fait pas juste un projet mais plusieurs choses. Une friche industrielle par exemple. Elle demande à des AMO de l’aider à définir sa programmation, etc. Ensuite, elle va faire des études urbaines. Ils définissent ensemble l’aspect technique : des grandes directions, des plans guides puis des plans opérationnels puis des fiches de lot. La MOA gère la gouvernance des projets. Elle signe les contrats avec les AMO, les entreprises, etc. Elle est garante de la temporalité, de l’enveloppe. C’est elle qui est garante des différentes autorisations. Elle est aussi garante de l’éthique de son projet : des choix architecturaux, des choix de population. Est-ce que je veux faire des populations comme ci et comme ça ? Est-ce que je mets une école dedans ou est-ce que je mets une école à côté pour favoriser la mixité ? Il y a une dimension politique. Le rôle de la MOA, c’est de gérer la vision du site, la gestion du projet et l’enveloppe financière. A toutes les étapes, elle suit le projet et donne des missions de préconisations comme à l’architecte et des missions de réalisation aux entreprises.

Elle le fait toujours avec une AMO ? C’est très variable. Elle peut avoir des compétences en régie. Une communauté d’agglomération peut avoir des architectes et des urbanistes. Il y a aussi des MOA déléguées. Si la MOA n’est pas armée ni financièrement ni techniquement pour suivre un très gros projet type ZAC, elle peut la déléguer à un aménageur. C’est une SEM, structure assez particulière. Le projet est donc très linéaire. On enclenche des missions, etc. Après nous, on essaie d’identifier des ressources matérielles et immatérielles, des matériaux comme des savoir-faire, comme des acteurs locaux pour pouvoir mieux caractériser la commande. Parce qu’en fait, souvent, une MOA pense avoir une commande mais, en fait, elle a des besoins. Et, c’est rare que des besoins correspondent avec son idée de la commande. Il y a une vraie question là-dessus qui n’est pas résolue et qui est à l’origine d’une perte de temps énorme parce que la définition d’un projet n’est jamais très claire. On va identifier tout ça pour voir comment le projet peut se nourrir. Puis, à chaque étape, on va opérationnaliser nos filières pour permettre des boucles d’économie circulaire. Cela va permettre de limiter les entrées comme à Plaine Commune, tu connais les chiffres (1,3 millions de tonnes et autant de sortie et 40 millions de tonnes de stock avec beaucoup de recon-

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version chaque année). Donc, il faut puiser dans ces 40 millions de tonnes pour reconstruire la ville sur ellemême. Ça, c’est la question du métabolisme urbain, qui invite à raisonner à une échelle territoriale, ce qui est l’inverse de la manière dont on raisonne actuellement puisqu’actuellement les impacts environnementaux on les mesure sous forme d’ACV donc sur une analyse qui est transverse à un matériau mais pas à l’échelle du territoire. C’est un autre paradigme mais totalement différent. On rentre dans des sujets d’ingénieurs. Notre rôle, c’est de partir d’un diagnostic et d’accompagner la maîtrise d’ouvrage. Notre rôle, c’est d’abord la casquette d’AMO réemploi au début pour faire le diagnostic du gisement puis dans la MOE pour aider à faire une programmation de chantier parallèle coordonnée à la programmation de site. On va aider la MOE à définir des lots. Si on répond avec les entreprises, on travaille en tant qu’opérateurs de collecte de la matière, de travailler avec des débouchés pour la matière (et pas des exutoires !), des entreprises d’insertion, dans le cadre de chantiers écoles, etc. On ne va pas du tout réinventer le métier. Pour nous, ça n’a aucun intérêt. On va essayer de s’insérer au bon moment. Donc, notre casquette change selon les différentes étapes. Dans les cas d’auto-construction, on va répondre en tant qu’entreprises avec la MOE intégrée et on va embrasser toutes les étapes du projet. Puisque nous, notre but, c’est de faire parler un technicien avec un architecte qui va parler avec une entreprise de démolition qui va modifier son projet. A chaque fois, on s’implante à un endroit précis de la chaîne des acteurs puis, on étend des connexions. On connaît parfaitement le réseau, toutes les étapes. On a une bonne connaissance du réseau. Du coup, quand on travaille sur un projet d’auto-construction, on sait tout de suite quel réseau activer, quelle filière, quelle formation, etc. Systématiquement, si on est opérateur, on prendra un peu le rôle de MOA, un peu celui de MOE. Nous, on fait des connexions et on rend transversal un projet traditionnellement linéaire. L’avantage est que ça permet d’être des architectes de terrain. C’est parce qu’on est sur le terrain qu’on teste des solutions techniques, qu’on prouve que ça marche, par l’exemple, comme à Stains. Ce qui fait que la MOA nous appelle pour transformer son plan en fonction des choses qu’on a pu faire. Au début, elle pense que ça ne marche pas. On montre que ça marche alors elle s’adapte. C’est vraiment très ludique. J’ai un schéma pas trop mal. Ça, c’est un projet que je ne trouve pas trop mal : c’est le clos saint Lazare à Stains. On doit imaginer avec le bailleur une nouvelle unité de production in situ avec, du coup, une nouvelle gouvernance de projet. Traditionnellement, c’est comme je t’ai expliqué. Et, là, les propriétaires de la matière, c’est l’entreprise systématiquement. La MOA récupère à la réception de son ouvrage ce qu’il y avait sur place. Elle ne se pose pas la question de la matière. La MOA achète un produit et un service. Si on refonde la gouvernance de la matière, alors on dit, la matière, qu’elle soit en cours de construction ou de déconstruction, est propriété de la MOA qui n’achète plus qu’un service à l’entreprise. Ce qui permet à l’entreprise d’être beaucoup plus compétente sur un savoir-faire parce qu’elle n’a pas à se soucier de la question de l’assurance des matériaux. Les entreprises peuvent ne pas travailler sur des marchés. Si on n’est pas sur des marchés, nos produits n’ont pas besoin d’être standards parce que pas les mêmes assurances. C’est hyper compliqué mais c’est la clé de voûte de notre dispositif pour travailler sur des matériaux non-standards. Et donc, de développer un peu ça. On travaille avec le bailleur pour imaginer une nouvelle gouvernance de projet avec une gestion en coût global. Donc, il va y avoir des surcoûts dans les démolitions mais des moins coûts dans la construction parce que le propriétaire reste la MOA et que, donc, les services qu’elle va demander à la MOE et aux entreprises sont très différents et sont chamboulés. Dans ce projet-là, la MOA s’occupe de la collecte multi-site. Elle crée un inter-chantier pour un opérateur pour préparer le réemploi => une ressourcerie de chantier. Et derrière, elle diffuse ces acquis sur plein de chantiers, ce qui permet de les alimenter sur place, de placer les chantiers au cœur du projet. Une fois que les solutions techniques sont fiabilisées, on les diffuse dans les différents projets. Dans ce cas-là, on est dans un projet ANRU donc il y a plein de démolitions et plein de constructions. Il y a une friche. On crée un équipement de chantier sur cette friche, c’est une plateforme de services, on teste des solutions techniques pour ensuite les proposer aux architectes. Le démolisseur devient le chef d’orchestre, ce qui est incroyable ! Donc, c’est une refonte complète du projet ! Autre aspect, il faut fiabiliser les techniques, vérifier les assurances. Enfin, c’est très compliqué. On travaille avec le CSTB pour cela pour proposer des composants d’ouvrage. Il faut développer des temps d’ouverture de l’inter chantier pour développer une culture du réemploi mais, sur d’autres projets, on développe une culture de l’espace public alternatif avec une présence de l’art (dans le cadre des festivals, par exemple). C’est une culture alternative de la fabrique de la ville dans laquelle l’habitant est vraiment acteur mais il n’est pas juste concerté, quoi. Rien à voir avec ça. On n’est pas dans une vaine tentative de professionnalisation de

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l’habitant. On développe une culture du réemploi au projet, une fabrique de ville et on favorise l’appropriation habitante de solutions un peu farfelues mais on rassure tout le monde pour donner envie à tout le monde. A Stains, l’objectif, c’est trois composants d’ouvrage en réemploi autour de la filière béton donc un pavage, une structure. Un système qui requestionne la gouvernance de la MOA, qui favorise l’auto-construction. Le projet ici, on met en place des indicateurs on doit être capable de mesurer quantitativement et qualitativement, quand bien même ce n’est pas monétarisable. On est arrivé à un surcoût classique mais on ne s’est pas encore donné un coût à nos études réemploi. Il y a des études en plus mais on enlève des étapes. Au niveau du transport, c’est sûr qu’on est meilleur. On va moins loin. Au niveau matière, on n’est pas encore sûr. Il y a certains paramètres de l’ACV auxquels il faut qu’on se confronte, qui ne sont pas très favorables au réemploi. Aujourd’hui, les normes HQE, etc., elles sont faites à partir de l’ACV et pas du métabolisme territorial. C’est très important qu’on s’y confronte parce que c’est sur ça qu’on est jugé ! C’est un changement culturel. Les produits sur les marchés ont des fiches d’ACV. Les ACV sont des indices sur des matériaux de réemploi. Ensuite, on veut développer une filière d’insertion locale. C’est de l’autoapprentissage. On a une régie de quartier qui veut monter en compétences sur le bâtiment. C’est vraiment les castors, trucs de base quoi. Tu as des gens qui viennent construire. On a des gens qui ont un terrain mais qui n’ont pas les compétences techniques ou financières pour construire. On travaille avec Emmaüs et les compagnons bâtisseurs dans le cadre d’un projet de recherche de l’ADEME qui s’appelle REQUALIF. Du coup, on arrive avec eux (ça peut être la régie de quartier), ils apprennent comment faire. Ça peut être un apprentissage par le faire. Après, ils sont accompagnés par le GRETA ou des plateformes de formation pour se certifier. Puis, ils fabriquent leur propre entreprise de ressourcerie qui devient leur lieu de travail puis développent des savoir-faire constructibles qu’ils pourront ensuite vendre dans tout le quartier lors de la construction. Donc, il y a une montée en compétences. L’idée, c’est de créer pour la régie de quartier qui a besoin de monter en compétences sur le bâtiment, cette plateforme. Puis, on veut avoir 200 habitants mobilisés dans le quartier. On travaille sur 6 métiers (taille de pierre, etc.) et on a fait une estimation qui nous amène à 140 personnes qui reviennent régulièrement sur le site. Donc, on n’est pas très loin du but. Puis, après deux évaluations du CSTB, le but est d’arriver à trois composants d’ouvrage qu’ils pourront revendre après quand il y aura des reconstructions dans le quartier. Le but est d’avoir trois composés constructifs qu’ils pourront revendre. Notre rôle est aussi de motiver les architectes sur le réemploi en même temps qu’on fait monter en compétence les acteurs opérationnels ! On en fait expertiser 2 sur 3 par le CSTB pour avoir une assurance. C’est hyper compliqué. Je ne sais pas si on va y arriver. Dans un cycle linéaire de projet, on a la démolition et l’évacuation. Dans la séquence de construction, on a de l’achat de matériaux jusqu’à la livraison. Et puis, après, on a un diagnostic, un curage, puis la déconstruction sélective puis la préparation au réemploi. Puis, ici, c’est le changement. Normalement, la MOA, elle perd pied ici. Comme je vous le disais, normalement elle achète un service et un produit. Les entreprises sont propriétaires des matériaux. Ça part dans un cycle de recyclage et la MOA n’a aucune prise, n’a aucune main mise sur la valorisation des matériaux, etc. En plus, comme on n’est pas sur des valorisations environnementales en métabolisme urbain mais en ACV, on vérifie à l’échelon n. Même pas n+1. En gros, à partir du moment où le démolisseur s’est séparé de la matière, on considère que la MOA n’a plus à s’embêter. Si le démolisseur a vendu la matière à un revendeur qui va la céder à la Chine et créer un énorme bilan carbone, on s’en fout. Il aura quand même un bilan carbone excellent parce qu’il l’a cédé à un revendeur local. La MOA a vraiment une grosse rupture parce qu’elle ne sait pas ce qu’elle achète. Si on est sur un cycle circulaire de projet et donc de chantier, on met en place un opérateur spécialisé (comme la régie de quartier) qui va stocker sur place la matière puis la diffuser aux entreprises qui vont pouvoir la mettre en œuvre. La MOA va juste demander un service pour valoriser cette matière. Elle ne l’a pas vendue. Elle la garde et reste propriétaire de la matière. Elle achète juste un service. Donc, il y a une refonte complète de la matière et du périmètre de ZAC. Il n’y a plus de périmètre parce que si on collecte en multi-site, on collecte avec plein de maîtrise d’ouvrage donc on explose les frontières de la ZAC, de l’ANRU, etc. On crée de l’inter chantier. Donc, ça n’a plus rien à voir avec les périmètres classiques. C’est ce qu’on est en train de travailler avec Plaine Commune et la région. C’est vachement intéressant. C’est la recherche sur la circulation de la matière et de l’information que Bellastock mène pour le PREDEC qui s’appelle AMBASSADE. Avec l’ADEME (REPAR), c’est plus côté MOE, réemploi, créer un catalogue de procédés techniques. Notre rôle est double. On coordonne. Donc, on caractérise le gisement pour donner le bon domaine d’emploi.

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On fait un diagnostic technique et architectural. Après, un diagnostic urbain. On caractérise un gisement. En fonction du gisement, on détourne le matériau (je ne pourrai pas réutiliser ce voile de béton comme tel mais je pourrai le réutiliser si je le découpe en lamelle). On vérifie que c’est viable en termes de logistique, si on peut activer la filière, s’il y aura les bonnes personnes, si le projet a un sens pour le quartier. Ensuite, on fait de la préfiguration. On est architecte de terrains donc on essaie de montrer les choses. Vous connaissez Actlab, les festivals, etc. On préfigure la logistique avec les acteurs qui sont nos relais locaux et qu’on aura pu identifier. On imagine les composants d’ouvrage pour pouvoir les tester et les fiabiliser en fonction du domaine d’emploi qu’on a choisi. Le domaine d’emploi, c’est ce qu’on peut faire en termes de force et de mécanique. Le composant d’ouvrage, c’est vraiment le procédé constructif. C’est deux choses différentes. C’est avec ces deux choses qu’on caractérise les prototypes. On organise la gestion de la matière pendant la préfiguration, c’est-à-dire la ressourcerie de matière. Pour que ça prenne, il faut que ce qu’on fait ait du sens. On a un indicateur simple : les articles de journaux. Dans les recherches que je mène, je travaille avec des sociologues qui travaillent sur des indicateurs de réussite. Mais, ce n’est pas du tout objectif ! C’est très sur le sensible. C’est quoi les indicateurs qualitatifs mais qui ont un sens et pas juste dans le domaine de l’idéel. C’est toute une question. Si on ne fait pas évaluer nos prototypes, ce qu’on fait restera dans le domaine de l’expérimentation. Or, nous, ce qu’on fait, c’est utiliser toutes les techniques du constructeur et du MOE ensemble avec des bricolages juridiques pour pouvoir le faire. Mais, ce qu’on fait, c’est que derrière, ce qu’on fait puisse être réutilisé par les entreprises et les MOE. On n’est pas là pour poser un brevet mais pour trouver des choses pour les acteurs locaux qu’ils puissent valoriser et pour trouver des pratiques plus intéressantes. Comment on fait ? On teste de façon empirique puis, on monte en généralité. Pour REPAR, on fait un guide à destination de la MOE avec des procédés constructifs qu’on peut répliquer. Avec la preuve qu’on peut reproduire ce qu’on a fait. C’est vrai pour Stains, pour l’Ile Saint Denis. L’idée c’est de produire des guides qui sont juste avant la règle professionnelle. La règle professionnelle va dire normativement on peut faire comme ça même si c’est un peu alambiqué. Par exemple, les constructions paille, on peut construire comme ça parce que j’ai les autocontrôles. On fait des règles comme ça quand les filières sont structurées. Mais, avant qu’elles soient structurées, on fait de l’expérimentation et on produit des guides pour que de plus en plus d’architectes se saisissent de ces pratiques et d’opérateurs. Puis, derrière, ça structure la filière et la filière, en se structurant, pousse la réglementation pour devenir une pratique courante. On est dans un champ non courant, non traditionnel. Tout ce qu’on fait, c’est d’éviter que ce soit un one shot. On produit un guide pour que ce soit reproductible. On teste des solutions en lien avec un site. Systématiquement, on travaille avec les acteurs locaux (notamment les acteurs publics) pour que ce soit reproductible, on fait des recommandations qui influent sur les projets d’aménagement à venir. Puis, on produit une sorte d’outil clé en main pour que n’importe qui puisse se saisir de cet outil-là et que derrière, ça essaime et que ça crée des filières très locales de construction. La preuve qu’on a fait des bons guides dont tout le monde peut se saisir c’est qu’il y a énormément de festivals Bellastock un peu partout dans le monde. On a vraiment une visée pédagogique. On fait des choses un peu farfelues mais on s’assure que ce soit reproductible. Dans le cas de Stains, nos indicateurs de succès, c’est que 3 bailleurs s’engagent à acheter notre technique. Il faut qu’il y ait trois bailleurs qui n’ont rien à voir avec ça qui s’engagent à acheter nos techniques. On se met un peu la pression. C’est nous qui nous sommes fixés cet indicateur de succès. Comment on fait un catalogue ? On fait des fiches techniques qui caractérisent la manière dont on collecte le matériau avec le démolisseur, comment on réalise le composant d’ouvrage pour l’opérateur et le préparateur au réemploi. Puis les différentes solutions techniques pour l’architecte. Puis, on le fait systématiquement. C’est du Do it yourself mais c’est très encadré. Ce n’est pas du bricolage. Dans les influences, il y a Tibà. Un archi danois un peu fou qui a fait une Bible qui s’appelle « l’architecte aux pieds nus » qui explique comment tout faire soi-même avec une vraie pédagogie. Ce qu’il fait est expérimental. Puis, c’est une architecture bioclimatique avec les ressources naturelles du territoire. Nous, c’est avec les ressources communes du territoire, les ressources construites et pas naturelles. Mais, c’est un peu les mêmes processus. Nous, on regarde beaucoup les bio sources pour travailler en réemploi. Derrière, il y a les pièces marchés pour le bailleur. On se prend vraiment au jeu de la commande. On dessine ce qu’on construit et on construit ce qu’on dessine. Le but est de prouver qu’on peut se raccrocher à des choses qui vont les rassurer sinon on est en permanence en train de créer un projet dans le projet. On essaie de faire un lot fructueux. C’est technique mais vu notre métier d’architecte, il ne faut pas avoir peur de la technique. On ne peut pas rester dans le concept. On essaie

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de prouver qu’on peut faire monter en généralité nos actions. C’est mon rôle dans l’association. C’est intéressant pour nous d’avoir ce regard-là. Après, il y a la montée en compétence des acteurs. On dit quels sont les types de métier qu’on doit apprendre. Puis, il y a quand on veut apprendre mais aussi quand on veut juste être habitant mobilisé. On fait l’inventaire des participants. Après, on peut regarder le modèle économique. On met le chantier au cœur du projet. C’est une inversion du projet. Ce n’est pas de l’argent perdu, c’est pas des subventions données à des gens en galère. Non, c’est un vrai modèle. C’est un vrai atout. On est arrivé à des calculs où on gagnait 8 ETP sur les chantiers. On a beaucoup plus de main d’œuvre et beaucoup moins d’achats technicistes avec le point de rupture avec une répartition de la valeur très inégale avec des gros qui ont tout et des petits employés qui n’ont rien. C’est beaucoup plus décortiqué, donc beaucoup mieux réparti et avec plus d’emplois. Pour 1 ETP on a 8 ETP. Pas partout mais dans la filière brique du gradin qu’on a fait à Stains. Est-ce que je réponds à vos questions ? Oui. Avec les guides, par exemple. On s’est posé cette question avec mes profs : est-ce que c’est du one shot ou est-ce que vous produisez quelque chose qui va permettre de réutiliser votre travail ou s’il faut recommencer à chaque fois. Il faut toujours recommencer un peu parce qu’on n’a jamais réussi à avoir des méthodologies claires, complètement reproductibles. Souvent, on recommence à zéro et à la fin, on se rend compte qu’on a déployé le même arsenal. Nous, on veut transmettre et, pour transmettre, il faut qu’on couche sur papier. Les guides, vous êtes en train de les réaliser ? Oui, on est en train. On a fait un pack pour les gens qui veulent monter un festival à l’étranger. Par Ambassade et pas le PICRI (comment faire en sorte que l’artiste puisse investir l’espace public pour changer les codes de l’urbaniste pour changer la boîte à outils avec la question du réemploi, des cycles courts… Ces trois recherches sont pour donner des pistes. Ambassade n’aboutit pas à un guide, c’est encore le stade en-dessous mais ça pourrait se développer. Ce sera pour 2017. On s’est donné 3 ans. Ce n’est pas beaucoup. On n’est pas très nombreux. Les prototypes d’espace public que vous proposez sur l’éco-quartier, comment sont-ils intégrés au projet qui a déjà été dessiné ? En fait, le projet est dessiné en plusieurs étapes. Il est d’abord dessiné sous forme de plan guide puis sous forme de plan plus détaillé par l’architecte puis encore plus détaillé pour la MOE des espaces publics, etc. Il y a des étapes. Nous, on a fait des prototypes qui ont été coordonnés avec le plan guide. Maintenant, on est dans la MOE des espaces publics. La MOE espace public a transformé le dessin pour le rendre opérationnel. On doit travailler avec eux pour écrire les marchés pour développer les prototypes et adapter leur écriture aux besoins du réemploi. Ça fonctionne par étape. De manière générale, comment sont reçus et perçus les prototypes que vous proposez ? Par exemple, par le maire ? Au niveau politique, on a toujours un accueil très très chaleureux de la part des élus parce qu’on crée une implication habitante. Or, les habitants, c’est des électeurs. Par contre, au niveau opérationnel… Tu vois, Inuit, la MOE urbaine dans le cadre de l’éco-quartier fluvial, ils ont répondu sur la base de la fiche de lot. Dans la fiche de lot, on a dit qu’il fallait intégrer les prototypes réemployés pour tel, tel mobilier urbain. Le mec qui s’en fiche du réemploi, il ne répond pas. C’est tout. Il faut que la personne qui commande le projet croit à ses solutions. Quand on arrive après coup, on fait un avenant pour pouvoir agir. En général, l’architecte est le plus motivé de tous parce que ça le replace au centre. C’est le jour et la nuit de travailler avec du circuit court. Ça veut dire donner une valeur vertueuse à son projet en circuit court, le ré-ancrer dans le territoire. Avant, les projets qui se revendiquaient du développement durable étaient tous très technicistes pour respecter la RT 2012. La RT 2012 impose des projets ultra technicistes avec une attention énergétique très forte. Or, celle-ci n’est pas produite par de l’architecture bioclimatique mais par des systèmes très techniques. Donc, l’architecte est dépossédé d’une partie de son projet. Quand on travaille sur la matière, sur le faire, sur comment on va pouvoir se ressaisir du projet. Les architectes sont trop contents. C’est les opérateurs qui sont parfois embêtés si on arrive un peu tard donc, ça entraîne des surcoûts et des délais trop longs qui ne respectent pas le calendrier. Notre pratique est dans une actualité. C’est très intéressant. En ce moment, c’est la RT 2020 en cours d’écriture. La RT 2020, c’est la RT 2012 on prend les mêmes et on recommence mais, par contre, on

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rajoute la même dureté aux matériaux qu’à l’énergie. Il faut avoir un bilan environnemental matière et transport positif. Donc, il va y avoir une évaluation territoriale. Parce que la RT 2020 est en cours d’écriture. Les services de l’État ont demandé au CSTB une étude pour savoir comment mettre du réemploi dans les ACV pour pouvoir derrière retravailler la RT 2020. On est vraiment dans l’actualité. Pourquoi ? Parce qu’on a produit des recommandations dans le cadre de REPAR. J’espère pouvoir travailler dans les différentes commissions. J’ai beaucoup d’espoir dedans. Parce que cela montre qu’il y a une prise de conscience au niveau de l’État. Et qu’on est super en retard par rapport aux autres territoires mais ça, c’est dans tous les domaines. Oui, mais chaque pays a ses propres problématiques. Oui, mais dans le domaine de l’environnement, il y a vraiment une problématique française liée à la décennale. Même en Belgique, il n’y a pas les mêmes problèmes parce que la décennale ne concerne que les produits et pas les procédés. L’architecte n’est pas non plus reconnu de la même façon en Belgique. Au-delà de 8 m², on fait appel à un architecte en Belgique. Ça veut dire beaucoup de choses. Moi, je pense que si on change le cours de la pratique, c’est qu’on est hyper procédurier et bureaucratique en France donc on a créé des institutions et des procédures qui sont au-dessus des êtres humains. Truc de fou. Par exemple, pour que ton matériau soit validé, il faut qu’une filière existe. L’architecte a perdu la main sur tout le projet. Les meilleurs endroits où on construit, il n’y a pas de seuil. Il n’y a pas un monopole de l’architecte. Dès qu’il y a un monopole, il y a un problème dans la société. Au-dessus de 8 m², un architecte est investi dans un projet. Les professions n’évoluent pas de la même manière. En France, on veut sauver les meubles d’une profession qui est toute… Il y a un monopole qui existe parce qu’il y a une décennale et donc un mode d’assurance particulier. En Belgique, ce n’est pas parce qu’il y a un monopole encore plus straight que tu peux mieux expérimenter mais parce qu’il y a une décennale sur le produit et pas sur le procédé. Donc, la façon de faire, on peut l’expérimenter. Après, il y a le modèle anglo-saxon, hyper libéral mais qui est hyper intéressant au niveau de ce qu’on peut tester. L’architecte peut créer toute sorte de chambre. Ça, je n’en démords pas parce que ça bloque tout. Quand il y a des appels à projet bâtiment basse consommation, tout est trusté par Bouygues et Vinci parce qu’une petite agence ne peut pas expérimenter. Ça pose plein de questions. C’est intéressant dans tous les cas. Est-ce qu’il y a des architectes qui sont venus vous voir dans le cadre de l’éco-quartier ? Oui, c’est clair. Les architectes viennent nous voir pour gagner des appels d’offre. Mais, nos honoraires ne sont pas extensibles. Il faut que notre travail soit contractualisé parce que sinon, on n’est pas payé pour notre travail. Les MOA dans l’éco-quartier (les promoteurs de chaque lot) n’avaient pas prévu cette enveloppe pour le réemploi. On n’a pas poussé pour qu’il y ait de la place pour nous dans le projet. C’est le verrou au niveau de la promotion immobilière. Nous, on met beaucoup de fonds propres dans nos projets. Il y a des subventions, surtout des recherches (ADEME, etc.) puis des fonds propres. On est 6 salariés à temps plein, on a des stagiaires, des CDD. Je suis fière parce qu’on a une association à but non lucratif mais qui a un modèle économique qui fonctionne. On n’est pas un collectif. L’École d’Architecture de Nancy a monté un DEA Collectif. Ils m’ont appelée. Tous les jeunes qui veulent monter un collectif peuvent se former pendant un an. C’est quoi votre relation avec les grands groupes, à la fois fabricants de matériaux et de construction ? Je ne saurai pas trop quoi vous dire. C’est très varié. On a notre savoir-faire et on veut le diffuser. S’ils nous appellent pour qu’on travaille sur des projets intéressants, on travaille avec eux sans problème. On a travaillé avec Vinci mais ce n’est pas très souvent. Ils sont intéressés par ce qu’on fait parce qu’ils savent que ça peut créer des marchés. On ne sera jamais la seule solution. On sera un acteur parmi d’autres. Notre manière de résoudre les questions, elle peut intéresser des gens. On déploie des solutions non-standards, du sur-mesure. Des fois, on est les mieux placés pour répondre parce qu’on fait un projet sur le terrain. Quand on a fait un projet à Vitrolles, on a fait un festival puis on a travaillé sur une zone ANRU. Un projet très ancré dans le territoire. On a favorisé de l’emploi local. Mais, ça n’allait pas parce qu’on n’était pas assez présent. On doit rester des architectes de terrain. Le PREDEC essaie d’esquiver l’appel d’offre, ils ne veulent pas nous mettre en concurrence. Mais, moi je suis contre

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ça. Parce que ça veut dire qu’on reste dans l’expérimentation. Or, nous on prend des stagiaires exprès pour essaimer. Donc, il faut qu’on soit mis en concurrence. On est une association qui produit un service mais on n’est pas architecte. L’association n’est pas inscrite à l’ordre. Il faut mobiliser les choses classiques pour ne pas faire du bricolage. Tout chantier doit être ouvert. L’ouverture culturelle est très importante. Les habitants sont dans le faire aussi. Tu étais là depuis le début ? Les gens qui ont fondé le festival c’est Antoine, Guillaume et … En 2006, on a quitté la promotion. On a fondé Bellastock en 2010. On s’est salarié en 2013. J’étais moins engagée au début parce que je faisais plein de choses différentes. J’étais à mon compte puis j’ai hésité à me lancer dans une thèse. Mais, je n’ai pas accroché avec la recherche en architecture. Je ne suis pas docteure en architecture, je n’ai pas ma thèse. Qu’est-ce que ça veut dire transmettre la culture du réemploi ? En quoi c’est différent de la concertation ? On se déconnecte de ça. On ne fait pas de la concertation. On les met à contribution sur les projets en leur demandant de faire ce qu’ils font de mieux, c’est-à-dire utiliser des lieux. On ne demande pas ce que les habitants veulent. On les questionne un peu sur leurs pratiques actuelles mais pas tant que ça.

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CONFERENCE « skype » BELLASTOCK 9 février 2016 - interrogé par le collectif ON-OFF https://www.youtube.com/watch?v=VO0DmCMcTSk Nous souhaitons la bienvenue à Antoine et Simon de Bellastock en direct de Paris, pour la conférence n°12. Je m’appelle Sam et voici Dan, nous sommes dans notre studio de Berlin. Je vais faire une courte présentation de Bellastock et de ce qu’ils font, et vous pouvez ensuite me corriger si je me trompe. Bellastock est installé à Paris, ils ont commencé en 2006, ce qui fait que c’est leur 10ème anniversaire cette année. Une grande fête à venir et un grand projet, ils focalisent sur l’architecture expérimentale et proposent des alternatives à l’acte de construire. Ils sont connus surtout pour les grands festivals qu’ils organisent chaque année, ils organisent ou participent à des interventions pédagogiques, des conférences, et ils diffusent leurs savoirs et expertise, mais ils font aussi des Master Class sur leurs projets, et ont aussi ce projet appelé Actlab, qui est un laboratoire de réemploi et recyclage situé dans le futur éco-quartier fluvial de l’Ile St Denis, où ils expérimentent, et se servent de tous ces matériaux provenant de la déconstruction sur le site de démolition. Sam pose la 1ère question : Qu’est-ce que Bellastock, et quelle est sa raison d’être, quel est le facteur qui a suscité sa création et votre collaboration ? Antoine : Bellastock est une association d’architectes ; nous l’avons commencée il y a 10 ans au cours de nos études, parce qu’on voulait construire quelque chose nous-mêmes. Et maintenant au bout de 10 ans, nous sommes devenus des spécialistes des matériaux et de la problématique liée au cycle de la matière. Nous faisons la conception du projet et sa construction, et une chose très importante pour nous, c’est notre volonté de partager avec un large public sur l’architecture. Un peu à la fois nous élargissons notre action qui est basée sur ces trois points importants. Nous sommes maintenant 6 personnes, tous architectes et nous nous répartissons les tâches, nous faisons de la recherche sur le réemploi des matériaux, Simon par exemple fait de la sensibilisation à l’architecture, je m’occupe de la coopération internationale, nous avons quelqu’un qui se focalise sur la construction. L’association grandit chaque année. Simon : Pour chaque projet nous avons des spécialistes qui se joignent à nous. Sam : Combien êtes-vous en tout après 10 ans ? Simon : Nous sommes 15, dont 6 architectes, certains sont à plein temps et d’autres à temps partiel. Nous avons une personne à plein temps qui s’occupe de l’administration, un gars à mi-temps dans la communication. Et nous avons beaucoup de stagiaires, des volontaires en service civique et d’autres bénévoles. Sam : Pourquoi vous êtes-vous formés en association ? Simon : cela faisait partie d’un projet étudiant devenu professionnel à l’école d’architecture. Sam : vous avez dit au début que vous vouliez construire des choses vous-mêmes, est-ce que c’était le résultat d’une frustration datant de vos études d’architecture, parce que ce n’était pas possible, et vous en aviez envie. Antoine : ils nous ont dit quand on est en école d’architecture qu’on va être en contact avec des charpentiers, ou d’autres professionnels, mais certains ne le sont jamais… le point le plus important c’est qu’il faut être en contact avec les matériaux, les toucher, les connaître, et c’est ce que nous croyons aussi. S’affiche à l’écran : Des photos de leurs chantiers de projets de construction Simon ajoute : et aussi faire des constructions à échelle 1. En tant qu’étudiants, on est surtout derrière son bureau en train de dessiner les projets, et on risque de ne pas mettre en pratique ce qu’on apprend, c’est bien mieux d’avoir la possibilité de les construire soi-même. Sam : OK parfait. Vous aviez ce manque dans votre école, et vous avez constaté que c’était le cas de beaucoup d’étudiants dans votre école, qu’ils pensaient cela aussi.

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Antoine : oui parce qu’au début, chaque année, on était une centaine et maintenant plus de 1000. Maintenant tous les ans, il y a plein de gens dans l’école d’architecture de Paris qui nous demandent s’ils peuvent aussi participer, et ils s‘impliquent aussi dans beaucoup d’autres projets de construction …. Il y a une vraie demande. S’affiche à l’écran : Une photo de chantier de construction expérimentale éphémère Sam : et cette photo, vient-elle d’un des premiers festivals ? Antoine : oui, en fait non, c’est avant. Simon intervient : en tant qu’étudiants on avait un autre problème pour mettre en route ce festival, on s’est rendu compte que nous n’avions pas la bonne association d’étudiants car on n’avait plus le droit de faire des fêtes dans notre école. Donc on ne pouvait pas faire de grandes fêtes comme dans les grandes écoles de finance, ou médecine, lorsqu’ils font de grandes fêtes dans des clubs privés où ils boivent énormément à s’en rendre malades. Ce n’était pas notre point de vue ni notre philosophie de faire cela, l’idée c’était de se servir du peu d’argent à notre disposition pour créer un festival à vue pédagogique. Sam : et de combler le manque d’expérimentation ? A et S : oui c’est cela. S : l’idée c’était de créer un site de ville éphémère, et lors de l’inauguration, que tout le monde fête la réalisation, tout le travail fait ensemble. S’affiche à l’écran : Votre travail est-il en relation avec d’autres collectifs similaires, historiques ou contemporains ? Sam : Question suivante, du point de vue historique, qu’est-ce qui vous a donné l’idée du festival, vous avez fait le festival parce que vous pensiez que cela manquait en France, ou est-ce que vous aviez connu une expérience semblable ailleurs, et qu’est-ce que vous espériez de ce concept, pour les matériaux, quelles étaient vos références ? Simon : on ne sait pas trop ce qui nous a influencés, c’était plutôt qu’on avait besoin de le faire, que des références à quelque chose. Pour répondre à votre question, il y a une remarque à faire, pour beaucoup d’architectes, et pour beaucoup de gens impliqués dans le projet depuis le commencement, comme le projet a maintenant 10 ans, les différents collectifs historiques ou les références contemporaines ont beaucoup changé en 10 ans, et nous avons énormément de références dont nous nous servons mais, on peut dire que nous avons toujours été impressionnés par le travail de Super Studios ou comme par les Italiens des années 70, 80 ou Archigram dans toutes leurs réalisations d’immeubles collectifs. Antoine : une chose en plus concernant les références, vous savez, tous les ans nous choisissons un thème, comme le gonflable ou la réutilisation/réemploi, et nous organisons des conférences dans l’école d’architecture de Paris et nous invitons des spécialistes dans chaque domaine. Par exemple pour la construction gonflable, nous avons invité Hans-Walter Müller, qui est l’une de nos références et nous essayons de découvrir de nouvelles personnes qui nous aident à organiser et préparer la construction. Sam : quel est le thème cette année ? Antoine : cette année nous changeons un peu parce que c’est le 10ème anniversaire, nous demandons aux gens de ne pas créer des structures temporaires qui seront leur habitat pendant le festival mais nous leur demandons de créer des installations temporaires dans l’espace public dont nous nous servirons pendant 2 mois en préfiguration des futurs aménagements dans la banlieue de Paris. Sam : allez-vous faire de ce 10ème anniversaire une synthèse de ce que vous avez accompli jusqu’à maintenant ? Simon : oui c’est le moment d’amorcer ce virage et d’être plus proches de nos valeurs. Nous avons remarqué une certaine autarcie dans nos festivals. Les étudiants fabriquent leur propre habitat. C’est intéressant, mais

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désormais nous voulons être plus proches des habitants. Construire pour eux et non pour nous. Actuellement, nous préparons les espaces. Nous voulons que les participants apportent plus de contenu que d’habitat. Antoine : nous invitons les participants à plus d’échanges pendant le festival, et souhaitons que les constructions soient comme un tremplin pour que les étudiants discutent plus entre eux, qu’ils puissent se rencontrer. Sam : vous voulez que ce soit plus comme un grand forum public ? Antoine : oui mais informel, il faut que ce soit comme une présentation, et qu’ensuite les étudiants puissent parler, dialoguer avec ce collectif. Dan : y avait-il beaucoup d’échanges les années précédentes, ou est-ce que les étudiants vous ont demandé d’avoir davantage de discussions, ou est-ce à votre initiative ? Antoine : les autres années, les hommes politiques qui avaient fourni le site, parlaient plus du site et de leur futur projet. Mais cette année pour nos 10 ans nous voulons montrer qu’il y a plein de gens qui veulent faire et qui font ce genre de tests et projets en architecture ainsi que des interventions de ce type. Pour nous c’est intéressant de montrer ce travail et ce genre d’architecture aux étudiants, et d’expliquer que le métier, le travail de l’architecte est aussi en quelque sorte en train de changer. Simon : c’est aussi pour montrer que beaucoup de ces interventions seront faites par des architectes, montrer ce qu’est l’économie circulaire, la gestion des ressources, qu’il y a différentes approches et techniques. Sam : OK c’est une bonne introduction pour la question suivante. S’affiche à l’écran : AVEZ-VOUS UNE POLITIQUE D’INFORMATION SUR LE TRAVAIL QUE VOUS FAITES ? SI OUI, DECRIVEZ-LA BRIEVEMENT. SI NON, POURQUOI PAS ? Sam : Y a-t-il une politique ou un agenda derrière votre travail et ces idées/photos ? Parce que nous avons une idée et des photos de ce que vous faites, même sans y être allés grâce au site web et aux informations partagées. En général les jeunes architectes sont un peu effrayés ou allergiques au mot politique, mais il semble que vous vouliez activement ouvrir la voie par le partage, la pédagogie, une sorte de démocratisation de l’architecture, avec tant de gens en un temps aussi réduit, pouvez-vous parler un peu de cela, s’il y a en fait une politique d’information sur ce que vous faites et s’il n’y en a pas pourquoi ? Antoine : Oui bien sûr. Quand nous allons sur un territoire et que nous développons une architecture spécifique pour ce territoire, nous étudions les matériaux et aussi les ressources humaines. Pour nous ces 2 points sont vraiment la base de ce que nous voulons développer. C’est notre manière politique de développer notre projet. S’affiche à l’écran : QUEL EST LE ROLE DU ‘PUBLIC’ DANS VOS PROJETS ? Dan : Quel est le rôle du ‘public’ dans vos projets ? Et créez-vous votre propre public ? Ou comment voyezvous le public dans vos projets ? Simon : C’est une bonne question. Le public a beaucoup de rôles à jouer. Par exemple, cela peut-être les organisateurs, les participants, les politiques, peuvent tous s’impliquer dans le projet de diverses manières. Les publics peuvent être très différents, on ne peut pas résumer cela en un seul mot. Sam : oui beaucoup de publics. Sam : cette photo d’une structure gonflable faite lors du festival de l’an dernier m’intrigue. Antoine : ils sont en train de déplacer la structure, de l’autre côté, parce que c’était mobile. Le thème c’était l’architecture mobile. C’était comme une roue.

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Sam : tous les projets étaient mobiles et étaient dans la nature, pas dans la ville n’est-ce pas ? Simon : l’idée c’était de tester la structure des réalisations, et d’étudier leur capacité à être mobile. Certaines étaient de gros échecs au niveau de la mobilité. Mais lorsqu’on fait de l’architecture expérimentale comme nous la pensons, c’est le même résultat que ce soit un échec ou une réussite. Si on veut apprendre à marcher il faut savoir tomber aussi. Sam : cette idée d’échouer, de construire et de recommencer, de faire des essais, de concevoir et tester, et construire en même temps, est-ce une manière moins traditionnelle de faire en architecture avec beaucoup plus de planification au bureau et ensuite sur les sites, est-ce que peut-être maintenant vous remettez en question cela ou vous testez différentes méthodes, mais pendant le festival, vous avez dit que les étudiants construisaient leur habitat pour les 3 jours, comment cela fonctionne-t-il pour eux, est-ce qu’ils en font d’abord la conception, et vous demandent votre avis, puis ils improvisent sur place, ou font-ils tout directement sur le site avec les matériaux, comment travaillent-ils en parallèle avec ce qu’ils font à l’école pendant leurs cours habituels ? S’affiche à l’écran : QUEL EST LE DEGRE DE RIGIDITE DANS L’ABOUTISSEMENT ESCOMPTE DE VOTRE PROJET ? Antoine : On leur prépare d’abord un dossier avec la présentation de tous les matériaux, et le scénario des 4 jours, ensuite ils nous envoient le projet qu’ils ont conçu, nous vérifions que leur projet est complet. Et je suis sûr qu’ils changent d’avis sur leur projet lorsqu’ils sont sur le site, parce qu’ils doivent essayer et quelquefois c’est un gros échec, alors ils doivent tout changer. Les conditions de l’expérimentation sont plutôt rigides, nous organisons parfaitement toute la logistique, mais l’expérimentation est totalement flexible. Nous les laissons faire ce qu’ils veulent. Simon ajoute : nous proposons un cadre mais ce cadre n’est pas totalement rigide et peut être explosé, il peut être flexible car il faut s’adapter au contexte, aussi aux conditions météorologiques parce qu’on travaille en extérieur avec un temps changeant. Il y a autre chose aussi, ce n’est pas parce que les résultats sont flexibles et que le cadre est adaptable au contexte, ce serait une illusion de croire qu’il n’y a pas beaucoup de travail effectué en amont derrière le bureau. Il y a énormément de travail de préparation au bureau pour tout organiser. Encore plus si on veut être flexible et s’adapter à chaque contexte, et situation, on doit faire face à beaucoup de problèmes différents qu’on n’avait pas prévus. Donc il y a en effet beaucoup de travail. Sam : je vois ce que vous voulez dire, il y a beaucoup de planification mais elle est différente. A et S : oui c’est exactement cela. Sam : il y a beaucoup de réflexion, mais en donnant un cadre bien défini, solide, comme vous le dites, il y a de la place pour l’improvisation, ce qui est une chose très difficile en fait. Simon : oui c’est le mot exact, ce n’est pas rigide mais solide. Antoine : mais nous sommes toujours des gens faisant preuve de souplesse ! Rires de tout le monde ! Dan (il met un chapeau) : (rires) je vais poser la question du mafioso, comment financez-vous vos festivals, et vous-mêmes ? Quel est votre modèle économique, votre structure opérationnelle, dans votre groupe, nous voulons en savoir plus là-dessus. Pouvez-vous nous en parler ? S’affiche à l’écran : Comment payez-vous les factures ? Simon : il y a plusieurs manières de financer, car il y a différents projets. C’est toujours un équilibre entre les différents projets. Il y a un gros financement par les écoles, par le Ministère de la Culture, les subventions du Fonds Européen pour la Culture, les participants au festival financent aussi le festival.

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Antoine : ainsi que les territoires qui apportent leurs participations. Simon : oui, et nous envoyons des factures aux clients pour nos autres projets, comme toute entreprise. Donc c’est un équilibre entre les divers financements par les subventions, les aides, et les factures payées. Nous payons en fait nos factures avec de l’argent, mais Antoine a même essayé de payer les factures sans argent, vous pouvez imaginer, mais cela ne se fait plus maintenant. Antoine ajoute : une chose intéressante, Bellastock maintenant c’est 50% de financements publics et les autres 50% proviennent par exemple de notre expertise dans le réemploi. Nous faisons beaucoup d’études sur des sites de déconstruction autour de Paris et nous organisons et faisons des diagnostics pour savoir ce qui peut être réutilisé pour un projet ultérieur. C’est moitié moitié maintenant. Sam : OK c’est de la collaboration… Simon : il y a une autre partie, nous ne faisons pas que de l’expertise sur le réemploi, et du diagnostic, nous faisons aussi ce que nous appelons… c’est une programmation culturelle dans des sites remarquables de démolition ou des sites de construction. Sam : vous faites donc des partenariats avec des entreprises de démolition/déconstruction. Antoine : non ce ne sont pas des partenariats, on est payé pour notre étude d’expertise sur le réemploi des matériaux, on est comme des architectes spécialistes en déconstruction. Sam : c’est intéressant, on parlait avec Rotor, de Bruxelles il y a 2 semaines, ils sont aussi dans ce même domaine. Antoine : oui nous échangeons avec eux ou nous les rencontrons de temps en temps et discutons des différentes actions qu’ils font, c’est très intéressant, et impressionnant. Sam : et vous pensez que de l’autre côté, du côté de l’industrie/de ce secteur, et de la construction, il y ait une certaine ouverture et un intérêt pour cela ? Antoine : oui de plus en plus. Il y a maintenant des grosses entreprises qui maintenant s’intéressent de plus en plus à notre travail. Parce que la loi est en train de changer aussi, et on doit réduire de 70% les déchets du bâtiment d’ici 2020. Donc il y a déjà la partie recyclage en cours et maintenant ils commencent à s‘intéresser au réemploi qui est l’étape suivante. Sam : OK c’est vraiment très intéressant. Quelqu’un rentre dans le bureau à Paris. Simon et Antoine disent que c’est un stagiaire. S’affiche à l’écran : AVEZ-VOUS DES STAGIAIRES ET COMMENT SONT-ILS DEDOMMAGES ? Simon : oui nous avons des stagiaires. Sam : comment vous organisez-vous avec les stagiaires ? Vous en avez un peu parlé au début, mais peut-être pouvez-vous en dire un peu plus là-dessus ? Quelles sont vos vues sur les stagiaires, c’est très souvent un sujet débattu, comment gérez-vous la surcharge de travail, concevoir des toilettes et de grands espaces de travail, et ne pas donner de vraie formation, qu’en pensez-vous ? Simon : c’est toujours un vrai défi de construire des toilettes pour 1000 personnes. (Rires) Sam : c’est sûr ! Simon : en fait nous nous organisons très démocratiquement, il y a un conseil administratif avec 3 présidents et 3 administratifs, issus des membres de l’association, plus un représentant des salariés. Puis vous avez la grande assemblée générale, dans laquelle tous les membres votent pour les stratégies, les lignes directives,

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l’agenda pour les 2 années à venir, ou annuellement, et aussi le règlement interne sur la gestion des stagiaires, les stagiaires ne sont pas des esclaves, pour nous les stagiaires sont tous des étudiants qui ont des niveaux de qualification différents. Nous mettons à l’épreuve leurs compétences, et essayons aussi de tirer avantage de ces compétences. Pour nous c’est du boulot d’avoir un stagiaire, il faut s’en occuper et passer du temps à travailler avec lui, parce qu’en tant que stagiaire, il a le droit d’échouer. C’est plutôt important pour nous de considérer l’échec comme une réussite aussi. Certains stagiaires à long terme sont payés, quant à ceux à court terme sur les sites de construction, on leur fournit de la nourriture et de la boisson. Dan : OK. Et des compétences. Simon : oui bien sûr ! Dan : et d’avoir du plaisir, de s’amuser aussi ! Simon, Antoine : c’est très important ! Dan : une autre question, concernant votre structure, quand je regarde votre site web il y a des festivals en Chine, au Chili, au Canada, est-ce que ces différents groupes existent dans ces pays, avec lesquels vous êtes en relation, est-ce que vous les avez démarrés, quel est l’historique de cela ? Antoine : cela a commencé en 2011, par quelqu’un qui est allé étudier un an à Aarhus au Danemark. C’était un de nos amis, il nous a demandé s’il pouvait démarrer Bellastock là-bas. Il a organisé le premier. Ensuite 4 filles, venues d’Espagne pour étudier en France, sont reparties à Madrid et l’ont développé là-bas. Et ensuite, de plus en plus de pays s’y sont intéressés. Nous n’avons jamais contacté de personnes pour le faire, mais ce sont les gens qui nous ont appelé, ou ils avaient participé à des festivals ici en France ou connaissaient des gens qui en avaient fait partie, et ils nous ont demandé s’ils pouvaient démarrer quelque chose ailleurs, qu’ils avaient des éléments ou un site. Ensuite je leur envoie tous les documents, ils me contactent s’ils ont des questions, et je les aide à développer le concept étape par étape, comment créer un festival d’architecture. Au niveau de la structure, quelquefois ce sont des architectes qui créent un collectif, et se servent de Bellastock comme outil pédagogique, ou alors parfois comme à Bruxelles, c’est cinq étudiants qui l’organisent. Cela dépend, chaque pays peut avoir un commencement différent. Simon : le programme d’échange avec Erasmus a beaucoup contribué au développement du concept, avec les allers-retours des étudiants dans les différents pays. Ce qu’il fallait faire, c’est écrire une méthodologie, en donnant des outils pour établir un cadre correct pour le festival. Dan : et d’être en exploitation ouverte. Antoine : oui bien sûr, et ensuite nous essayons de développer nos outils pour que ce soit plus facile pour les gens qui organisent les festivals Bellastock dans leurs pays, pour qu’ils échangent leurs informations sur les matériaux, la logistique pour la construction en commun ; maintenant ils développent leur propre logistique. Sam : bien, et ils vont tous venir pour le 10ème anniversaire ? Antoine : oui nous les avons invités, et nous essayons de trouver de l’argent pour aider les gens du Chili par exemple, du Mexique ou de Chine à venir parce que cela leur coûte très cher de venir ici. Sam : oui c’est super. Bonne chance à vous. S’affiche à l’écran : DE QUEL MOMENT ETES-VOUS LE PLUS FIERS ET QUEL EST VOTRE PIRE ECHEC ? Dan : question suivante, et ce sera la dernière question, de quel moment êtes-vous le plus fiers, et quel est votre pire échec ? Simon : ce dont je suis le plus fier a aussi été d’une certaine façon un gros échec.

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Antoine : nous sommes plutôt fiers de ce que nous avons fait l’an dernier avec le Ministère de la Culture qui voulait développer une Stratégie Nationale pour l’Architecture. On nous a contactés et demandé de représenter les jeunes architectes dans les discussions. Nous avons expliqué ce que nous faisions et comment nous pouvons développer une telle stratégie comme on l’a fait avec notre association. Pour moi, c’est un moment de fierté car cela veut dire que les gens apprécient notre travail et nos efforts. Sam : donc tout cela s’est déjà du passé. Antoine : oui c’est déjà arrivé. Simon : montrez la photo et je vais vous raconter l’histoire de quelque chose qui a commencé comme un gros échec et s’est terminé en grand succès. En 2011 nous avons fait ce festival, la ville en un souffle, sur du matériel gonflable avec de l’air, on devait se partager l’air et les matériaux sur le site. On voulait faire une sorte de pieuvre pour partager l’air entre les participants sur toute la surface. Mais on a eu des soucis avec la machine pour gonfler, car elle transformait l’énergie électrique en énergie mécanique mais l’énergie électrique était fabriquée par un autre appareil mécanique etc. Cela ne fonctionnait pas correctement, la machine à souffler était trop grosse, alors il y avait un gros problème au niveau du moteur. Antoine : finalement le moteur a explosé ! Boum ! Simon : donc on a dû trouver une solution pour gonfler cette ville. Quand on construit une ville, on doit fixer des limites et quand on fait l’inauguration il y a toujours comme si on tuait un mouton, vous savez, il faut faire un sacrifice. Donc en fait on a sacrifié la moto de Baptiste, un de nos collègues, nous avons connecté la machine à souffler à la roue pour la faire fonctionner. A cause de cet échec que nous n’avions pas planifié, nous n’avions pas prévu d’avoir ce problème électrique, aussi nous avons dû faire de l’improvisation. Mais finalement on a trouvé une bonne solution qui a bien marché. Sam : oui je crois que nous avons vu des photos de cela ! Une demi-moto dans une boite ! Antoine : oui on a mis une photo de cela. On va vous envoyer une photo de la réalisation mécanique. C’était un peu dangereux, la moto a tourné pendant 2 jours, et toutes les 2 heures il fallait mettre de l’huile et la moto a continué à fonctionner parce qu’on avait mis du scotch sur l’accélérateur. Simon : oui on avait de l’électricité pour fonctionner, et ce n’était pas du nucléaire ! Sam : alors c’est sous forte pression que vous avez réussi à fonctionner et à gonfler votre matériel. Simon : oui nous avons plein d’histoires et de bons souvenirs. Surtout, les participants étaient heureux de voir qu’on avait pu le faire. Un grand moment de fierté donc. Sam : Merci pour votre participation.

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