actes edt saint félicien

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Des Mots d’Accueil… Au

printemps 2012, des forces vives du Pays de Saint Félicien se sont mobilisées autour de la Communauté de communes pour organiser les premiers "Entretiens du Terroir - Planète Terroirs" avec des acteurs économiques et sociaux afin de vérifier l'intérêt d'une démarche Terroir. Belle et courageuse initiative en cette période de doute sur l'avenir des territoires ruraux, en cette période de crise , en particulier pour ceux qui ont de nombreux handicaps à surmonter. Les aînés s'interrogent. Les jeunes ont le sentiment d'avoir à surmonter demain des situations de régression sociale et économique. Que vont devenir nos villages? Quelles activités pour le monde rural?Quelles ressources permettraient de créer des richesses qui retiendraient ainsi les populations? Les responsables politiques et administratifs savent que notre modèle s'épuise et qu'un autre doit naître. Mais lequel ? De leur côté les équipes de Terroirs et Cultures International, dont Jacques Deplace est l’un des acteurs - et l’initiateur de ce bel Entretien - , pensent qu'il y a une recherche possible de réponses spécifiques sur chaque parcelle de territoire, à condition de retrouver sens sur le développement, à condition de s'appuyer sur les acteurs politiques, économiques , sociaux et culturels pour inventer un « Chemin de Terroirs ». Il n’y a pas de fatalité au déclin, mais il n’y a pas non plus de hasard au renouveau. Le terroir est une construction qui place l’humain au cœur de ses choix. Son « émergence » nécessite une méthode. Afin d’appuyer sa mise en œuvre notre Délégué Général Eric Barraud s’est investi auprès du Comité de Pilotage Local . Le terroir, une notion que certains considèrent dépassée dans un monde globalisé. Une notion pourtant bien d'actualité si l'on considère le terroir comme l'expression de la dimension locale, comme le lieu le plus adapté à la recherche de toutes les valeurs ajoutées. . Il a capacité à rassembler les populations dans la recherche d'un développement s'appuyant sur les produits, biens et services de leur territoire. Penser Terroir c'est penser local, c'est réfléchir de façon participative avec toute la population, c'est aussi penser transversal avec toutes les dimensions pluridisciplinaires, c’est aussi penser global dans la respiration commune des terroirs du monde. Au Pays de Saint-Félicien de construire son demain, de trouver son chemin, comme les générations précédentes ont su trouver la voie dans un monde qui devait être aussi incertain que celui que nous vivons. Bonne marche. En ce 7 mars 2013, depuis Dakar où nous organisons, avec nos partenaires d’Afrique de l’Ouest, notre 4ème Forum international « Planète Terroirs », Dominique CHARDON Président de Terroirs et Cultures International.

Le

Pays de Saint-Félicien est magnifiquement situé au cœur du Haut Vivarais ou de l’Ardèche Verte. Nombreux sont ceux qui nous envient de pouvoir y vivre au quotidien. Notre attachement à ce pays sur lequel nous vivons, nous pousse à vouloir atteindre un développement minimum

indispensable à sa survie. Le Conseil Communautaire, dans sa volonté d’être un acteur du développement, agit dans de nombreux domaines. De nombreuses actions ont étés menées pour permettre ou favoriser le maintien, et même la progression de l’activité économique (industrielle, agricole, commerciale, artisanale, et de services). Conscients de la chance que nous avons d’habiter dans un environnement de très grande qualité, nous souhaitons faire valoir et faire mieux connaître les atouts et les spécificités de ce petit territoire composé de sept communes. Ce Pays escarpé aux routes sinueuses est apprécié notamment des amateurs de la petite reine, pour ses fleurs de genêts et ses colorations diverses suivant les saisons, ses senteurs et champignons, son herbage caractéristique donnant un goût particulier au fromage de chèvres, son paysage alternant pâture, bois et forêts, cours d’eau. Les Entretiens du Terroir, ou très prochainement un Salon de l’habitat, sont des évènements qui doivent nous permettre de faire reconnaître le savoir-faire, les spécificités, les particularités et les qualités de ce qui est produit, et fait au pays par des gens qui y vivent. La reconnaissance d’un terroir est un atout majeur de valorisation et de promotion d’un Pays et de ses habitants. La Communauté de Communes du Pays de Saint-Félicien, après ces entretiens d’octobre, remercie tous les participants, et s’engage dans la pérennisation de cette action. Jean-Paul CHAUVIN Président de la Communauté de communes du Pays de Saint-Félicien.

Terroirs & Cultures 2 bis rue Jules Ferry 34000 Montpellier Tél : 04 67 63 37 95 contact@terroirsetcultures.org Communauté de communes du Pays de Saint-Félicien Place de l'Eglise 07410 Saint-Félicien Tél : 04 75 06 07 27 cdc.felicien@gmail.com

Actes des Entretiens du Terroir • Octobre 2012

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Terroir , un projet possible

pour le Pays de Saint-FĂŠlicien.

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Présentation du projet. concerne aussi bien les politiques L'initiative d'une Elle publiques que le lien social, la présence de services publics (école, santé …). Nous pouvons surtout, pour ce qui Collectivité dépend de nous, créer le contexte favorable à l'initiative des acteurs locaux, locale … à la valorisation de nos ressources, à la

"C

omme toute communauté de communes, celle du Pays de St-Félicien est en charge (en compétences) du développement économique et de la gestion de l'espace. Comme toute collectivité locale, nous pouvons œuvrer à l'appui aux entreprises artisanales, nombreuses sur notre territoire. La CC du Pays de St Félicien a ainsi initié une Opération Rurale Collective (ORC) pour le renforcement et le développement

production endogène de richesses.

… Les ressources d'un territoire, entre nature et culture …

Ce

de l'artisanat et du commerce local. Comme toute collectivité locale nous agissons pour la venue d'entreprises créatrices de richesse et d'emplois. L'attractivité de notre territoire ne se réduit pas aux faibles coûts éventuels de l'installation dans nos zones artisanales.

Pays de SaintFélicien a des ressources qu'il est judicieux de bien repérer et de valoriser. Nous avons une certaine qualité de produits, de paysages et de l'accueil. Celuici s'adresse aussi bien aux visiteurs (touristes) qu'aux de porteurs de projets. Notre situation géographique est un atout : à la fois proche de la vallée européenne du Rhône et suffisamment à l'intérieur pour faire vivre nos spécificités. Des paysages de moyenne montagne avec leur équilibre entre les prairies, les cultures, les forêts, des villages en leurs habitats dispersés. La présence d'un Espace naturel sensible autour des rivières, notamment de la Daronne, indique une biodiversité, végétale et animale, au croisement de

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Présentation du projet. zones climatiques (méditerranéenne, continentale, océanique) … Des produits paysans et artisanaux qui combinent fromages (chèvre, vache), fruits, jus de fruits, légumes et leurs chutneys, charcuteries … potiers, vanniers , ébénistes répondent aux maçons habiles à la rénovation de maisons paysannes dont l'architecture de pierre est de grande qualité et d'esthétique élevée. Une qualité de l'accueil chez les commerçants comme chez les hébergeurs notée par nombre de visiteurs.

… Un projet de développement par la construction d'un terroir …

Un

développement global à dimension économique, sociale, écologique. C'est sur cette spécificité de notre territoire qu'il peut être pertinent d'agir. Nous pourrions dire que le développement économique et social de notre territoire passe par la production d'une valeur ajoutée locale, par le croisement des initiatives de ses habitants dans leurs métiers divers. Elle peut être basée sur la synergie entre leurs produits par la constitution d'un "panier de biens et de services" spécifique du Pays de St Félicien. La constitution de ce panier peut permettre la valorisation globale de ses produits (biens et services) dans leur marquage de territoire . Le terroir est alors le chemin de la valorisation conjointe du territoire, de ses savoir-faire, de ses paysages … Dans la mondialisation actuelle et les difficultés qui lui sont associées sous le

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nom de "crise" nous pouvons développer une spécificité à valeur économique, sociale, écologique : les terroirs ne sont pas incompatibles avec la mondialisation, ils en sont peut-être une opportunité qui ouvre le champ des possibles. Ce sera le thème central de la table ronde qui précédera les Entretiens (voir programme). Par une entrée plutôt agricole et artisanale, mais pas seulement, les "Entretiens du Terroir du Pays de St-Félicien" peuvent participer à ce projet global de développement; en être la première étape par la rencontre des acteurs locaux dans leur diversité en interaction entre eux dans le panier et dans une visibilité du territoire pour ses habitants comme pour les visiteurs

"

Extrait du Livret du Participant aux Entretiens du Terroir.

Le Pays de Saint-Félicien ?

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Découvrez-le maintenant !


1. Terroirs du monde, ouvrir des chemins.

Table ronde vendredi 19 octobre 2012.

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Ouverture (Daniel Julien - Maire de St-Victor) malgré la diminution ici comme Bonjour à tous, importante, ailleurs du nombre de paysans, aujourd'hui

Je

suis heureux de vous accueillir dans notre commune de St Victor. Elle s'étend sur 3 200 ha (soit 32 km2) , depuis les gorges de la Daronne à moins de 300 m jusqu'au serre du Chatelas autour de 850 m . C'est une commune de montagne. Avec 950 habitants, sa population est en progression régulière depuis 20 ans. Notre commune est composée de trois hameaux principaux : le Bourg-centre, Navas, Deyras, ce qui nous fait dire que c'est la commune "des trois clochers". De nombreux hameaux plus petits, ce qu'on appelle un habitat dispersé, sont reliés entre eux et au bourg-centre par plus de 80 km de voies goudronnées que nous entretenons avec attention et que nous déneigeons au moment venu. L'agriculture y occupe une place

une vingtaine. Mais, vous pouvez le voir dans nos paysages, elle travaille une bonne part de l'espace avec vaches laitières ou allaitantes, chèvres, brebis, vergers d'abricotiers ou de cerisiers, des ateliers de transformation en fromages frais ou secs, en confitures et jus de fruits … jusqu'à une Ferme auberge. Il y a plusieurs artisans, surtout du bâtiment, une ébénisterie avec une quinzaine de salariés, des commerçants (boulangerie, épicerie, boucherie-charcuterie …) un restauranttraiteur et d'autres activités de très petites entreprises avec aussi des nouveaux arrivés. De nombreuses associations animent la vie du village : sport, culture, musique … notons au passage l'activité liée au boulodrome couvert avec ses formations de tous âges au "sport-boule". N'oublions pas la présence d'une Agence postale communale ouverte tous les matins de la semaine et à laquelle nous tenons. Nous faisons partie de la Communauté de communes du Pays de St Félicien qui organise ces Entretiens du terroir. Au nom de la commune, je vous souhaite un bon travail pour le développement du pays auquel nous croyons.

Introduction (Jacques Deplace -

Vice-président de la CC du Pays Saint-Félicien)

Terroir ? Vous avez dit terroir ?

Le

mot peut évoquer des références de pureté, d'identité fermée sur ellemême, d'une "terre qui ne ment pas", la vérité de l'autochtone contre l'étranger, de sinistre mémoire. Le terroir peut se trouver aussi sur l'étal des marchands aux surfaces quasi illimitées déversant en toutes saisons,

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des marchandises lointaines aux conditions de production inconnues. Entre le terroircasse du différent et le terroircaisse bariolé d'authentique, il doit bien y avoir un chemin à explorer, non pas un juste milieu du consensus mou mais un tiers état de création nouvelle.

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Table Ronde Un chemin à explorer. aque jour, nos modernes médias cueillent, filtrent, déversent des informations du monde entier. Plutôt que bien informés pour prendre les décisions, nous semblons submergés d'inquiétudes sur un présent incompréhensible et un avenir peu visible. Mais ne sommes-nous pas humains, espèce certes tombée de la dernière pluie de l'évolution, humains capables de conscience, de liens, d'actions ? Alors la crise qui emplit nos journées n'estelle pas pour nous comme son étymologie nous l'indique, le moment de la décision à prendre, du chemin à explorer ? Quand une personne, quand une société entre en crise, n'est-ce pas le signe d'un système de pensée, d'organisation sociale qui a épuisé sa pertinence ? Hier, cela marchait, l'harmonie semblait durable. Mais comme le flux d'un courant qui se révèle en ses tourbillons, figure à la fois stable et changeante, nous sommes traversés par la vie même, soumis à des lois naturelles qui font que le monde est monde, inventant des rites sociaux, des lois, des religions, des idéologies … mais inventer n'est-ce pas faire venir ? Le monde change, banal certes, et nous participons à le changer, nous produisons une histoire qui nous produit à son tour. Alors difficile d'y voir clair, oui, mais depuis quand le difficile se confond-t-il avec l'impossible ? Dans les mondialisations successives de l'humanité, les mondes nouveaux ont rarement émergé dans l'harmonie béate.

concerne simultanément toutes les sociétés humaines. Nous comprenons cela assez mal, nous ? Et ce "nous" est bien difficile à cerner. Nous ? Les Européens qui nous sommes crus "centre du monde" et, certes, en avons beaucoup influencé le cours ? Christian Grataloup, géographe que nous avions invité et qui pour des problèmes de santé, n'a pu se déplacer, décrit bien cela dans ses publications, présentes demain sur la table de presse. Nous ? Les Brésiliens, les Chinois … les Burkinabe pour ne pas dire les Africains, terme trop général pour ne pas cacher quelque ignorance de leur diversité ? Nous, ici, des Ardéchois de pure souche ? dont la longue généalogie dirait la fierté ? Voici au début du 19ème siècle des enfants abandonnés à Lyon dont les survivants du voyage fluvial font souche (font souche !) à St Victor, Colombier ou Pailhares. Voilà au milieu du 20 ème des Italiens fuyant leur pays sous la botte et apportant ici leur savoir faire du charbon de bois. Enfants du terroir désormais. Même les terroirs parlent d'un "nous" pluriel de brassage, de métissage. Ce "nous" n'est-il pas en construction permanente, dans les échanges comme dans les conflits, dans l'ordre de sociétés fragiles où la démocratie même présente dans les institutions, est, elle aussi, toujours en construction.

Mondialisations ?

Flux et changement.

No

Or

Ch

us comprenons assez mal la phase de mondialisation dans laquelle nous sommes. Ce n'est pas la première mais elle semble plus globale, profonde, aiguë … et peutêtre que pour la première fois, elle

dre et désordre, c'est le lot de notre univers tout entier, les physiciens nous l'expliquent. Pourquoi, nous, humains, trop humains, serions-nous en dehors de ce flux permanent qui produit de la matière à partir de l'énergie, de la vie

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Table Ronde à partir de la matière, de la pensée à partir de la vie, du sentiment d'humanité une qui pointe à l'horizon … pour peu que nous en éclaircissions un peu le panorama ? Alors, cette mondialisation ? Elle semble se faire sous domination de la marchandise, sur un marché anonyme à forte pression de standardisation, de moindre coût apparent. Apparent, car les coûts sociaux, environnementaux, lorsque nous les comptabilisons, sont bien de plus en plus lourds. A quoi sert de produire moins cher si c'est pour asservir, tuer, empoisonner … et léguer à nos enfants un monde de fureur ? Marchandisation du monde d'un côté quand les instances politiques, nationale ou continentale, qui devaient assurer tant bien que mal la définition du bien commun semblent de plus en plus faibles à peser sur la situation. Par choix idéologique ou par impuissance assumée. Cette question est centrale, elle doit être mise en débat citoyen, et nous n'avons pas peur du débat, le sachant nécessaire pour que nos accords et nos désaccords soient suffisamment explicites et acceptés … d'un commun accord pour permettre l'action, l'enrichir même de nos différences. C'est en cela que la démocratie locale, nationale, européenne est une construction permanente, qu'il ne faut pas laisser dériver aux seuls rapports de forces économiques. Cette question de la place du politique est centrale donc, mais ce n'est pas le propos aujourd'hui, sinon par le projet qui en est l'expression.

Terroir, un projet…

Qu

el qu'en soit l'éventail politique et une taille de 4 000 habitants souvent jugée insuffisante pour peser sur les choses, la Communauté de communes du Pays de St Félicien, en Ardèche

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Verte, a choisi d'initier un projet de développement autour de la construction de notre terroir, et en partenariat avec l'association Terroirs & Cultures qui sera présentée tout à l'heure. Notre ami Epictète, qui n'était pas, heureusement, un professionnel de la politique, nous a dit que l'essentiel dans la vie consiste à distinguer ce qui dépend de nous de ce qui n'en dépend pas, distinction certes délicate et toujours à explorer. Et ce qui dépend de nous, de notre point de vue, c'est œuvrer à mettre en valeur nos ressources. Non qu'il ne faille pas en solliciter ailleurs, mais il y a sur notre territoire, des savoir faire, des produits, des paysages que des yeux de visiteurs aident à nous faire voir. Si notre St Félicien est connu pour son fromage … qui est élaboré ailleurs, il y a encore en notre Pays des producteurs de fromages paysans mais pas seulement. Le terroir, s'il a une base paysanne, ne s'y réduit pas. Autour des experts du Caillé Doux, nous rencontrerons demain, samedi, des passionnés de leur métier, des experts de plein air ébénistes, maçons, apiculteurs, scieurs, manieurs de langues … et même des semeurs de toit ! Ils n'ont pas attendu notre instance politique pour faire ce qu'ils font mais nous pouvons mettre du lien, tenter de produire de la valeur ajoutée à leurs savoir faire et leurs produits par la conjonction entre eux, le croisement avec le territoire. Construire le terroir c'est remplir le panier de biens et de services, spécifiques de notre territoire, pour l'offrir aux habitants qui aiment vivre en ce pays, comme aux visiteurs qui le traversent et demandent à le découvrir avec les gens qui le font vivre. Et si nous gardons le terme de développement que nous ne confondons pas avec croissance (ce pourrait être l'objet d'un autre débat), le projet à mettre en place est axé sur ce qu'on appelle le

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Table Ronde développement local, local et global : économique, social, culturel … Le mot est un peu pompeux et nous hésitons à l'employer mais nous pourrions parler de développement endogène, mis en œuvre à partir de nos ressources, pour peu que nous les reconnaissions, que nous cultivions. Et comment ne pas faire référence à notre, qui n'est pas nôtre tellement il est universel, illustrant par là-même que le terroir n'est pas fermeture, comment ne pas évoquer Olivier de Serres en son mesnage des champs. Mesnage au sens du vieux français que nos amis anglo saxons nous renvoient aujourd'hui en "manadgement".

"

C'est pourquoi ceux qui aiment l'Agriculture, doivent premièrement chacun en son regard, bien cognoistre la qualité et naturel particulier de sa terre, pour l'aider par industrie, à concevoir et enfanter ses fruicts, selon qu'elle en est diversement capable. L'art avec la diligence tire des entrailles de la terre (comme d'un thrésor infini et inespuisable) toute sorte de richesses. Et ne faut doubter, que quiconque voudra soigneusement cultiver, ne rapporte en fin, digne récompense du temps et soin qu'il y aura employés, quelque part que ce soit. Je ne veux pas dire qu'il n'y ait différence de terre à terre. Ce seroit avoir perdu le sens commun, d'esgaler tous terroirs en bonté et fertilité : mais bien, que l'expérience n'a pas sans suject, faict recognoistre la vérité de ce proverbe , un pays vaut l'autre. La montaigne où il y a des arbres et herbages, dont il se retire plusieurs commodités servans à divers usages de très grand profit, ne cède en revenu à la vallée et campagne, qui ne rapportent le blé qu'avec beaucoup de despence et labeur. Cela se void assés sans en recercher la preuve ailleurs que dans nostre contrée de Languedoc, d'où les plus grandes et riches maisons, sont ès montaignes de Vivarets et Gévaudan."

Le théâtre d'Agriculture et Mesnage des Champs (Préface) (1600). "dans lequel est représenté tout ce qui est requis et nécessaire pour bien dresser, gouverner, enrichir et embellir".

Ce

s Entretiens du Terroir sont un moment de rencontre mais aussi, nous l'explorerons mieux demain, une borne pour l'avenir. Le projet ne peut être construit qu'avec les acteurs locaux, citoyens sans mandat électif ou élus en charge élective du bien commun. Il s'inscrit dans la durée, comme un fromage qui demande beaucoup de savoir faire transmis dans les générations, depuis l'herbe de nos chèvres ou de nos vaches jusqu'à l'affinage et sa dégustation. La politique, l'économie, la culture … paraissent être domaines séparés mais ne pourrait-on pas dire que leur point commun c'est le goût de l'autre, le goût de l'être au monde d'aujourd'hui pour élargir le champ des possibles, le goût de créer ensemble. Il y a de tout cela dans le projet de terroir à construire.

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Table Ronde Regards Regardscroisés. croisés

Jacques Deplace,

"M

ême si nous savons que nous ne savons pas tout, même dans l'incertitude sur les conséquences de nos actes et de nos décisions … agissons et décidons pour ce qui dépend de nous. Lorsque le passé n'éclaire plus l'avenir, il nous faut le revisiter, il nous faut inventer de nouveaux guides, explorer de nouveaux chemins. Nous savons au moins que nous ne pouvons penser correctement ce que nous vivons sans aller voir ailleurs, sans écouter l'ailleurs. C'est pourquoi nous avons sollicité pour nos Entretiens de terroir quelques experts en leurs connaissances, leurs expériences : Gilles Fumey, Isabelle Baldit, Eric Barraud … sans oublier Rémy Sapet qui est bien du Pays et qui permet de constituer le carré nécessaire pour une table ronde. Gilles est enseignant-chercheur à l'université Paris Sorbonne et au Laboratoire Espace, nature, culture du CNRS. Rédacteur en chef de la revue "la

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Géographie", il a publié plusieurs livres dont certains seront présents demain sur la table de presse avec la librairie du Grillet (et de Tournon). Mais ce géographe n'est pas qu'un observateur en perpétuelle partance, en survol permanent desterritoires à décrire, il se sent vraiment de quelque part, flairant le sens des lieux, par exemple ceux qui fleurent bon le Morbier ou le Comté, là vous avez repéré qu'il ne s'agit pas de la Bretagne. Alors, la géographie ? Justement elle était en Festival International à St Dié des Vosges la semaine dernière autour du thème "Facettes des paysages". Nous pourrions noter que la géographie ça ne sert pas seulement à faire la guerre, comme le repère dans l'histoire un célèbre collègue géographe mais elle sert à faire aimer le monde. Gilles nous expose une Géopolitique de l'alimentation où ne règne pas seulement le souci du bien commun. Il nous fait découvrir les Radis de l'Ouzbekistan et les pratiques alimentaires dans le monde. Nous nous retrouvons souvent ici autour de la tomme en salade à l'huile de colza grillé, accompagnée évidemment de cette truffole venue d'Amérique centrale dans une précédente phase de mondialisation … Alors, terroirs, cultures et pratiques alimentaires : une affirmation de nos spécificités ?"

Gilles Fumey Mondialisation ?

C'

est un peu ça la science, c'est réfléchir, on baigne dans quelque chose qui paraît évident mais il faut aller au-delà Ce qu'on a appelé mondialisation, ce n'est pas seulement

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Table Ronde parce que vous avez bu du thé de Chine ou croqué du chocolat de Colombie … c'est pas la mondialisation…vous allez rester ardéchois. On croit qu'on va tous manger la même chose J'ai vu qu'à Tournon, il y avait un Macdo, peut-être que d'ici 10 ans il sera démonté mais je mets ma main au feu que peu de gens dans cette salle pourraient certifier que dans les 6 derniers moins, ils ne sont pas allés au Macdo ! ("De nombreuses mains se lèvent ! … et notre géographe n'a pas mis sa main au feu … sinon celui de la connaissance ! ndlr").

Alors, terroirs et pratiques alimentaires ?

J'

ai écrit un livre, Jacques l'a rappelé, que l'éditrice a voulu appeler les "Radis d'Ouzbekistan" plutôt que "Tour du monde des habitudes alimentaires" qui était le titre prévu au départ, qui faisait

un titre un peu plat, qui ne se vendrait pas . Pour les souvenirs alimentaires, l'éditrice m'indique en effet qu'elle se souvient avoir mangé des radis sur le marché de Samarkande, il y a 25 ans … et je m'aperçois que c'était à l'occasion de son voyage de noces. Elle aurait pu avoir le souvenir "d'avoir croqué son mari", mais dans ces moments-là on fait des associations curieuses : on photographie un géranium, un chat qui passe…on est dans un état second … alors croquer des radis, et en faire un souvenir de Samarkande, pourquoi pas ? Tout être humain a des expériences comme cela, les produits alimentaires sont une somme d'habitudes mais de temps à autre on rencontre un tajin au Liban ou au Maroc, cela ne change pas nos pratiques …

L'Ardèche Verte, c'est dans l'air du temps.

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Table Ronde

Co

mme le tourisme peut être "vert" avec du béton sur les côtes. Au Festival International de Géographie à St Dié (au début du mois), j'ai demandé à une collègue : qu'est-ce que c'est l'Ardèche pour toi, pour nous, depuis André Siegfried (note n°1, voir p108) , il y avait l'Ardèche du granit et l'Ardèche du calcaire, et si on est sur le calcaire on vote à gauche, si on est sur le granit, on vote à droite. J'ai posé la question à un collègue de Lyon, Jacques Bethemont, Peut-être qu'il y a des marquages de territoire. Ainsi à de nombreux carrefours on remarque qu'il y a des croix. Il faut être en Ardèche pour écrire un livre de 300 pages sur les croix. Les croix, les fromages, il y a des couches qui se superposent par des plats, des rêves, "moi je vais travailler sur le fromage à St Félicien" … vos habitudes alimentaires sont moins mondialisées que vous l'imaginez peut-être.

Les habitudes alimentaires.

Le

s habitudes alimentaires, ce sont des reflets à la fois des modes de vie, et des représentations du monde. Nos modes de vie ? Ils sont multiples, mixtes, éclatés … quelqu'un dit "j'ai habité à Lyon", par exemple un Ardéchois, il en parle comme s'il était à la prison St Joseph. Auparavant on restait au même endroit, ce mode de vie n'existe plus, les parents voient leurs enfants aller beaucoup plus loin, ils partent, voient d'autres

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mondes. C'est une forme de vie avec des métissages. Je découvre une part de la vie avec les voisins, l'Afrique quand je vais voir le magasin d'Artisans du monde à Tournon. J'intègre ça par la musique, le cinéma, et par l'alimentation … Si je suis Parisien, mes Indiens comme disait Claude Lévi-Strauss (note n°2), c'est les gens de l'Aubrac, les Ardéchois. Quand j'étais à Lyon je venais en vacances à Chalencon, j'aimais beaucoup le paysage, les gens, qui vous racontaient leurs habitudes, l'apéritif du midi … Inversement, en France nous avons, à Paris, la pression des 58 millions de Français qui viennent à Paris et qui nous prennent un peu pour des demeurés, des fous … c'est assez impressionnant comme nous sommes perçus par les gens de la province … d'ailleurs je ne suis pas parisien, d'autant plus distant que j'ai choisi, dès l'âge de 7 ans dans mon village, j'ai dit à ma mère "j'irai habiter à Paris !" elle m'a répondu "va t'occuper des vaches, on verra après" - … et nombre de gens me demandent "comment tu fais pour habiter là ?" Il y a donc ce regard que l'on fabrique par les voyages que l'on fait, par les métissages que l'on pratique. L'alimentation joue ce rôle ainsi pour les cadeaux que nous apportons aux gens que nous aimons, ils sont souvent alimentaires : du saucisson, du vin … et là-dedans, il y a du contenu. Si j'achète quelque chose en Ardèche pour une personne bien précise et que je lui dis "je l'ai acheté en Ardèche !",alors,

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Table Ronde quand elle découpe le saucisson de l'Ardèche que je lui ai amené, c'est toute l'Ardèche qu'elle goûte. La France est, avec la Chine, le pays au monde le plus paysan. Nous sommes le champion mondial des résidences secondaires, pourquoi ? Irrationnel au vu des contraintes (fuites d'eau, impôts, pour une fermeture 11 mois sur 12) mais c'est un attachement au territoire, du dernier (?) peuple paysan du monde. ⅔ des Français ont des ancêtres très proches qui sont paysans. Et tout cela se reconstruit par l'alimentation. Ceux qui travaillent dans l'image, le tourisme le savent bien cela. L'alimentation y joue un rôle important. Je suis souvent sollicité par une ville, une région pour essayer de trouver un lien avec un produit qui se mange : la bêtise de Cambrai, le camembert de … Chaque ville veut avoir son produit qui se mange que le visiteur peut ramener et manger, c'est une communion avec un lieu.

Les représentations.

Le

s représentations : c'est plus difficile à percevoir. Je mange ce qui est en accord avec l'image que j'ai de moi, de moi avec le monde. Quand on mange quelque chose, on ingère quelque chose qui peut nous empoisonner. On hésite, on a besoin de la nouveauté mais en même temps : si je vous dis "j'ai trouvé ces champignons ici, je ne les connais pas tous, je vous invite demain",… vous allez hésiter. Vous avez, enfoui en vous, un principe de précaution : "je ne mange pas n'importe quoi !". Nous sommes à la fois néophiles et néophobes. La première fois que j'ai mangé de la caillette, je regarde d'abord la personne en manger, si elle ne fait pas de grimaces, si elle semble apprécier, alors je me dis que c'est bon. Spontanément, je n'y serais pas allé. C'est très important pour nous d'avoir des représentations positives pour "manger le monde".

Modernité ? Perspectives aujourd'hui.

Po

ur les scientifiques qui explorons les phénomènes sociaux, nous avons une première piste : questionner ce que nous appelons la modernité, la modernisation … "nous n'avons jamais été modernes" nous dit Bruno Latour (note n°3) un sociologue d'aujourd'hui … vous avez été inondés de pub sur iPhone 5 et personne n'a obéi à la publicité, vous ne vous êtes pas jetés dessus (une ou deux réactions dans la salle pour indiquer le contraire !). On arrive au bout de la modernisation où il faut aller plus vite, toujours changer … alors qu'on s'aperçoit que ça ne sert à rien ou presque. C'est comme une croyance … chaque amélioration apporte un problème différent : ainsi Eric qui est venu me chercher à la gare, n'a pas arrêté de téléphoner en conduisant, avec les virages, mettant ma vie - et la sienne - en danger pour régler ses problèmes urgents… Voilà on revient sur cette modernisation. On en revient, et nos sociétés occidentales, riches, vieillissent, il y a une force d'inertie qui va se manifester de plus en plus ! On va vers un autre modèle, Bruno Latour dit que la société est en train de s'écologiser. Cela ne veut pas dire de mettre des ministres avec des robes à fleurs. Cela veut dire que nous intégrons l'idée que nous n'avons peut-être pas besoin de tout ce que nous avons. Ainsi, hier un article dans Libération, sur la Grèce, Espagne avec ce qu'on appelle la "crise". Les gens, avec des salaires compressés, diminués, ont dû se regrouper, en famille, toutes générations, comme s'ils redécouvraient un nouveau bonheur. Comme s'ils découvraient que la famille c'est mieux que la Sécurité sociale, mieux que ce que Madame Merkel trouve

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Table Ronde important sur cette "dette" grecque. "On a perdu 30 % oui, mais je suis content de vivre avec ma grand'mère !". Ce vers quoi on allait ce n'était donc pas l'avenir radieux. L'écologisation, c'est ça ! On va apprendre à vire autrement avec des rêves qui ne sont pas ceux des "marketeurs". J'aime raconter à mes étudiants : dans une petite ville "lambda", quand un hyper marché arrive, 3 ans après se met en place un vide grenier ! Quand on sait que quand une personne entre dans un supermarché, elle en ressort avec 30 % de produits en plus qu'elle ne voulait pas acheter.Et ces 30 % s'accumulent pour passer au grenier et 3 ans après ! … alors peut-être demain penserez-vous avec nostalgie à ce bon temps des vide-greniers ? Bientôt ça va changer !. Nous arrivons à une période où on va redécouvrir la simplicité : on n'a pas besoin du traiteur pour manger de bonnes choses, on n'a pas besoin d'un grand film hollywoodien pour passer une bonne soirée ensemble. On peut le faire simplement, avec les gens qu'on aime. Donc on va vers une idée qui n'est plus la modernisation. L'autre idée, avec Jérémy Rifkin, un Américain, qui pense ce que peut être la révolution énergétique : équipement des maisons avec le solaire pour une autonomie avec revente d'électricité, une sorte d'économie partagée pour plein de biens … les bagnoles par exemple : je suis étonné de cette chose nouvelle que la moitié de mes étudiants ne veulent pas de voiture. Ils choisissent le vélo, le train … alors Peugeot peut bien faire ce qu'il veut … la vie des automobilistes est difficile : stationnement en ville, vitesse, radars … c'est peut-être mieux de ne pas avoir de bagnole. On va mettre au point de nouvelles batteries, des systèmes à hydrogène … ça peut aller très vite. Grâce aux technologies de l'information, on va optimiser tel ou tel type de

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consommation. Comme ça s'est passé pour le téléphone, personne n'imaginait que cela aurait transformé autant nos vies. Ce sera un nouveau système de représentations, de liens entre les gens.

Quel lien à l'alimentation ?

Da

ns l'alimentation, on absorbe les images du monde. Ainsi quand on mange du bio, c'est l'idée qu'en mettant 20 % de plus dans le prix d'un produit, alimentaire par exemple, on espère que c'est un produit qui nous ressemble. Donc je mange du bio. S'il y a 20 % des gesn qui sont prêts à mettre 20 % de plus dans l'alimentation, c'est qu'ils ont compris qu'il vaut mieux manger moins et mieux, en incluant la juste rémunération des producteurs. Certains de mes étudiants, sensés manger dans des Mac Do ont monté une AMAP (note n°4) à Paris, ils ont à peine 20 ans, ils ont découvert tout seuls … un paysan de l'Essonne vient tous les jeudis avec ses paniers … et ils sont venus nous demander ce qu'il y avait dedans. Ils ne savaient pas reconnaître un potimaron, des côtes de blette… ils ne savaient pas mais ils avaient fait quelque chose, pris une initiative en plein Paris !

La patte (la pâte) de l'homme ?

On

ne la voit pas toujours mais par exemple dans les villes, dans les gares ou sur les aires d'autoroutes : par ex en Aubrac, une superbe aire d'autoroute avec des préparations de Michel Bras, un très grand cuisinier. Quand on fait attention, on voit de plus en plus la pâte (la patte) de l'hommeJ'ai rencontré des jeunes boulangers qui ont pris conscience

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Table Ronde que leur formation est trop orientée sur le pain industriel et ils demandent d'apprendre à faire du pain de campagne. Le produit de proximité ? C'est la patte de l'homme. Le potager, le croqueur de pomme qui veut sauvegarder les anciennes variétés, aménager l'endroit pour le faire, le marché à la ferme … c'est ça qu'on appelle le terroir, en France. C'est intraduisible : il y a une dizaine d'années, grande angoisse, comment traduit-on "terroir" en anglais ? Il a bien fallu constater qu'on n'avait pas traduit le mot restaurant, ni le mot tourisme, ni le mot hôtel … qui sont restés des mots français utilisés dans des langues étrangères, qui racontent des choses que personne ne peut comprendre. Bien sûr, aux Etats Unis on voit des formes de terroir, c'est plutôt du "terroir caisse" comme l'a indiqué Jacques tout à l'heure. Ou des terroirs au Japon, qui est une société paysanne, un peu comme nous, très attachée à ses rivières, attachée à des produits qui ne soient pas frelatés. La rivière : une connotation très forte de pureté, encore plus forte au Japon que chez nous.

Le Terroir, enfin !

No

us avons côtoyé 45 ans des gens qui avaient vécu la seconde guerre mondiale et qui ont voulu

massifier l'alimentation : ce qui est bon, c'est pas cher ! Aujourd'hui, depuis 1015 ans, on a ouvert une nouvelle page. Evidemment on entend dire : "on ne va revenir en arrière !" mais non ! Personne ne veut revenir en arrière, mais on veut autre chose. On ne veut pas ça ! C'est toujours le piège : je pense à ces céréaliers que j'ai rencontrés il y a quelque temps. Refuser les OGM, c'est archaïque ? - pour ma part, je n'ai pas à exprimer de position sur cette question - mais un retour arrière, non ! Le terroir, c'est un idéal, un horizon, c'est une réalité ancienne et un objet d'avenir, comme le dit très bien André Valadier, ce n'est pas le passé, on ne met pas des bottes de paille devant la ferme pour faire joli. C'est un attachement à des savoirs, à es lieux, à des manières de vivre. Vous allez le voir avec l'Aubrac où cela a été très bien agencé.. Le terroir, c'est le contraire de la consommation ! Avec ce mot horrible que les mangeurs que nous sommes, nous avons été transformés en consommateurs. Le consommateur : qui achète, met dans son chariot … et trois ans plus tard, le tiers des produits vont partir dans les vide-greniers. La décision de mettre en avant notre choix d'être au monde et d'être avec les autres. C'est pas seulement pour s'amuser ou passer une deuxième couche de vert sur l'Ardèche. C'est plus que ça ! C'est un anti-modèle !

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Table Ronde Questions Le bio, pour une élite ?

Un

e mode ? J'étudie, avec les sciences sociales, le comportement des gens. Nous essayons de comprendre sans se demander s'ils ont raison ou non. Il y a un nombre croissant de personnes qui achètent du bio : d'ici, de Chine ou d'ailleurs mais il faut bien voir le phénomène. Il y a 10-15 ans quand on allait chez un marchand bio, on trouvait des gens assez tristes. C'était déprimant, horrible, c'était des légumes, des fruits ratatinés peu présentables. Aujourd'hui, ce n'est plus ça du tout ! Mais alors : des choux bio de Chine ? Comme j'en ai vu chez le marchand de mon quartier. Je lui ai dit ah non ! Des choux bio de Chine ? Qu'est-ce que ça veut dire ? Si vous continuez, je mettrai dans les boîtes aux lettres une annonce comme quoi vous vendez ça ici et qu'il faut vous boycotter ! Des choux bio de Chine, des raisins du Chili à Noël ? On n'en veut pas dans notre quartier !

Standardisation ?

Le

coût de la mondialisation ? Avec des produits qui arrivent chez nous à des prix moindres ? Dans la mesure où nous, jardiniers ou mangeurs, sommes devenus des consommateurs, nous voyons le produit par son prix. A mes étudiants qui mangeaient du poulet "industriel" à 2,50 €, je leur ai montré un film pour voir comment on faisait des poulets en 40 jours à moins de 3 € du kg. Alors les filles ont dit : "on va devenir végétariennes!." Ce qui a vexé les garçons, c'est "si j'achète un poulet à 2 € je ne vaux que 2 €!". Il

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savent bien tout cela pourtant, avec leurs téléphones, certains quasi préhistoriques, d'autres flambant neufs qui coûtent très cher. Tout ce qu'ils achètent racontent ce qu'ils sont : c'est avec cela que nous essayons de les former dans notre Université, pour une alimentation qui leur ressemble, qui nous ressemble. Et pourtant, dans le même temps, ils se sont lancés dans une AMAP, ce qui peut paraître incompréhensible, aujourd'hui ça fait trois ans , avec des étudiants de l'Ecole des mines ou de Normale Sup ! Il a fallu leur apprendre à cuisiner ce qu'ils achetaient. On sent bien que nous sommes entrés dans une nouvelle période qui peut durer plusieurs décennies.

Un

bon exemple peut-être de ces transitions : pour ces Entretiens nous avons plusieurs appareils qui nous provoquent des problèmes techniques que justement nous voulions éviter. En même temps on vérifie qu'il n'est pas facile de passer d'un logiciel ou d'un système d'exploitation à un autre, entre PC et Mac … peut-être une métaphore de nos terroirs avec leurs ressemblances et leurs différences, parfois difficiles à transcrir. Gilles vient de nous parler d'AMAP, ces associations nées chez nous à Aubagne mais initiées au Japon comme aux Etats Unis. Estce moderne ? Est-ce une réaction de nostalgie ? Entre tradition et innovation, nous souhaitions comprendre comment l'Aubrac avait passé cette période de "modernisation". Isabelle Baldit et Eric Barraud vont nous y introduire. Isabelle anime l'Office de tourisme de St Chély d'Aubrac dont le nom nous indique qu'il ne se trouve pas en Corse. Elle remplace au pied levé, mais le randonneur ne le craint pas, André Valadier dont elle nous parlera mais qui n'a pas pu, finalement, se libérer pour une visite en Ardèche Verte. Nous savons bien que la réussite de l'Aubrac, nous pouvons employer ce mot de réussite, n'est pas dûe au regard enjôleur de ses vaches,

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Table Ronde qui semblent pourtant nous dire à l'orée (al ?) du plateau : "nous le valons bien". Eric est le délégué général de Terroirs & Cultures International, association créatrice du concept des Entretiens du Terroir et notre partenaire en projet local. Son président, Dominique Chardon, vigneron sur les Costières de Nîmes, pressenti pour participer aux Entretiens, ne peut être là aujourd'hui, en partance pour un colloque à Medellin en Colombie, aussi célèbre pour son cartel de la drogue que pour la théologie de la libération. Vous voyez que ce colloque (colloque : se trouver au même endroit en même temps), ce colloque convoque des bouts de monde auxquels nous sommes , en permanence, sans trop le savoir, reliés. Dans la phase actuelle de mondialisation, pensons au flux d'humanité, permanent, souterrain, jaillissant, qui élabore ici le terroir de Chefchaouen au Maroc, là celui de l'Aubrac, celui de Deir el Ahmar au Liban … qui élabore des terroirs comme interactions produites dans l'histoire entre des communautés humaines et leur milieu de vie. Des terroirs reconnaissables dans leur diversité, dans l'affirmation de leur spécificité et comme acteurs de l'unité de l'humanité. Terroirs du monde, Eric Barraud nous en indiquera quelque chemin."

Isabelle Baldit

An

imatrice touristique à St Chély d'Aubrac depuis 1999 quand les élus se sont rendus compte de l'importance croissante du tourisme sur le territoire. Nous avons transformé le Syndicat d'Initiative en Office de Tourisme avec une démarche de développement touristique et la participation des acteurs. Mr Valadier est, depuis longtemps, un acteur central de l'Aubrac, il n'a pas pu venir à ces Entretiens mais vous allez pouvoir le rencontrer sur un film réalisé par des étudiants ingénieurs de Toulouse.

"Un pays, une race, des hommes".

L'

Aubrac se situe sur 3 départements (Lozère, Cantal, Aveyron) et 3 régions (Languedoc, Roussillon, Auvergne), en bordures du Lot et de la Truyère, desservi par l'A75. L'Office de tourisme comme vitrine d'un pays qui vit ! Aubrac 1 300 m. StChély D'Aubrac (la plus

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Table Ronde patrimoine gastronomique, circuit des burons, ; les gens repartent avec des produits qu'ils emportent, pleins de leurs souvenirs. On ne cherche pas à faire du sophistiqué.

Eric Barraud

Di

petite CC de France avec 2 communes et 900 habitants) : passage de 15 000 pèlerins randonneurs. Les chemins de St Jacques de Compostelle nous ouvrent au monde. Parmi de nombreux événements dans l'année :

Evénement "Transhumance d'Aubrac". Avec 15 000 personnes qui viennent voir passer des vaches ! Les gens recherchent la simplicité.

"Traces du fromage" de Laguiole. Avec 2 000 randonneurs (en mars) avec découverte des savoir faire éleveurs, du

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re juste le plaisir d'être avec vous ce soir, délégué général de Terroirs & Cultures, association militante créée en 2005 pour montrer, comme l'ont dit Jacques et Gilles, que derrière le mot terroir il y avait une autre approche que la vision passéiste. Quand avec Dominique Chardon, notre président actuel, nous avons lancé l'association , elle a rencontré un écho auprès d'un ensemble d'acteurs : chercheurs, professionnels des métiers de bouche, photographes … cela pouvait être au contraire une réponse à la mondialisation et sa pression pour produire du standard …

Dans les années 60…

Po

ur simplifier le discours du gouvernement de l'époque, par la DATAR (Délégation pour l'Aménagement du Territoire et l'Action Régionale) : "votre territoire est à 1 000 m d'altitude, vous avez une race de vache Aubrac en voie de disparition (je salue ici Henry Jouve que j'avais rencontré au CNJA il y a 2 décennies et qui me parlait tout à l'heure de ses vaches Aubrac.), vous n'avez pas grand avenir agronomique. Vous n'avez pas vocation au développement économique sinon dans la forêt …".

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Table Ronde avec Gilles Fumey et Jacques Deplace (qui était chargé de mission à la MFR Anneyron en Valloire). Alors l'Aubrac ? Ecoutons André Valadier, dans ce petit film !" (On entend les cloches d'une église… et celles des vaches…) Eric Barraud, Nathalie Deygas, Jean-Philippe Fourel à la "Chèvre Blanche" - Satillieu.

Sont arrivés alors des chercheurs du CNRS qui ont découvert que, loin d'être un territoire condamné, l'Aubrac, avec ses savoir faire, ses paysages, ses maisons et constructions en pierre … dans cette période de standardisation, pouvait s'appuyer sur des ressources locales.

Tradition et modernité.

Po

ur créer de la valeur ajoutée, plutôt que demander des subventions de handicap, André Valadier a choisi d'entraîner ses collègues dans une voie alliant la tradition et la modernité. Aujourd'hui le lait de la Coop Jeune Montagne (70 producteurs, 200 emplois au total) est le lait le mieux rémunéré de France pour les producteurs. Il a supprimé l'ensilage avec un cahier des charges strict pour l'AOC Laguiole. Ce modèle de développement a été une réussite. C'est pour cela que nous sommes allés le voir, il est l'un des fondateurs de Terroirs & Cultures.

"de… Compostelle les moines sur …

les chemins pratique de transhumance : c'est à partir des burons qu'a surgi une pratique d'élaboration de fromages, et de l'aligot (à partir des restes de fromages) … dans les années 50 les éleveurs ont dû abandonner… la production a baissé de 600 T à 25 T et la race d'Aubrac avait perdu ses caractères laitiers … pour essayer de retrouver un lait avec aptitude fromagère : reconstitution d'un troupeau avec une base scientifique de sélection que nous avons trouvée à partir de la Pie rouge de type Simmenthal avec réinsertion de la race Aubrac avec l'INRA de Toulouse … on nous a engagé vers un troupeau spécialisé mais nous avons compris que dans ces conditions cette race ne pourrait pas y exprimer son potentiel ce qui entraîne l'aptitude fromagère de son lait … on calcule la ration en fonction du potentiel, ce que nous avons refusé … à partir d'une analyse, nous avons retrouvé une race proche de l'Aubrac : la Simmental, dont l'origine est à 2 000 m d'altitude, dans

Notre premier Forum Planète Terroirs…

A

eu lieu sur l'Aubrac, en 2006, c'est là que nous avons fait le lien

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Table Ronde la vallée de la Sim . Il n'y a pas de miracle, notre territoire est un champ d'action, nous sommes en lait cru, il n'y a pas de pasteurisation, nous disons à tous nos adhérents que vous allez microfiltrer le lait dans le pis de la vache, c'est votre travail, ça redonne au producteur une qualité d'élaborateur qui n'est pas celle d'un apporteur de matières premières. Grâce à des dispositions précises : limitation par vache, maîtrise du taux protéique, de matières grasses, la suppression du maïs, de l'ensilage … les produits qui s'affinent dans cette cave ont le maximum de qualité ..

"

Ainsi il y a toujours dans u n e communauté humaine, un cahier des charges ou de ressources pour produire de la valeur ajoutée. C'est ce que nous faisons à Terroirs & Cultures en Aubrac, au Maroc, ou ailleurs. Ce qui est acquis depuis longtemps peut être valorisé. Quelques souvenirs de la modernisation des années 60 et de ses limites : l'inauguration du canal Philippe Lamour (en présence du président De Gaulle et de Kroutchev, alors pdt URSS) qui devait amener l'eau à la parcelle dans tout le territoire des Costières de Nîmes. Cela devait permettre la production de masse des fruits à noyaux. Ce modèle s'est effondré et aujourd'hui, les arboriculteurs ou maraîchers qui résistent le font autour de leurs fermes bio ou (et) familiales avec une valorisation de la qualité. Ainsi on trouve aussi autour du Vigan le terroir de "l'oignon doux des Cévennes" qui permet des installations aujourd'hui.

L'aligot.

Un

plat créé il y a 10 siècles par les moines pour accueillir les pèlerins, réservé au vendredi (le jour de diète / supprimé par le pape en 1970, et l'aligot est devenu identitaire de l'Aubrac.

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Quand les Aveyronnais de Paris reviennent sur l'Aubrac, il est impossible d'imaginer qu'ils n'en dégustent pas. La valeur d'un produit est faite de la valeur des éléments culturels qui y sont intégrés (imprégnés) comme le dit Jacques Puisais, fondateur de l'Institut du Goût. C'est vrai pour des fromages, du vin, du jus de fruit … à cette occasion saluons l'initiative en train de se développer entre Nectardéchois et la Coop Covial des Costières de Nîmes. Il y a un projet de PNR Aubrac qui devrait voir le jour en 2013 - 2014. La race Aubrac, on n'en regarde pas les limites administratives. Dans le travail réalisé par une étudiante irlandaise à André Valadier "Le rôle du terroir dans la société française", il est dit que les Aubraciens se sont toujours adaptés pour assurer leur survie.

De

l'Aubrac à Pailhares, qui faisait partie du Comté du Forez, il n'y a qu'un pas, d'espace ou d'histoire … Lorsque le passé n'éclaire plus l'avenir, celui-ci est plus trouble … Terroir et sens des lieux, Terroirs d'ici et d'ailleurs, terreau d'humanité. Une expression qu'affectionne André Valadier : "une tradition sans modernité est stérile, une modernité sans tradition est aveugle". Sans s'étendre sur ce que peut être la modernité, d'autant que certains analystes nous la disent déjà dépassée, mais au-delà des mots qui évoluent en même temps que leur usage, nous pouvons repérer que "tradition" fait partie, étymologiquement, de la famille du "don" (comme trahison d'ailleurs). Don et Contre-don, n'est-ce pas une façon de remettre l'économie au cœur, de l'encastrer dans les rapports sociaux ? De repenser l'économie comme un doux commerce et une forme de l'activité humaine de socialisation et de création. Ce qui nous amène à l'apport de Rémy Sapet.

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Table Ronde

No

n, ce n'est pas le régional de l'étape, son expérience militante au MRJC (Mouvement Rural de la Jeunesse Chrétienne) et à la Maison de Pays de l'Ay au Doux dont on pourrait fêter aujourd'hui les 20 ans de sa naissance, étoile aujourd'hui morte qui a pu ensemencer de sa mort les terres d'avenir. Rémy, donc a mis ses compétences sociales au service du projet de Nectardéchois aujourd'hui Société Coopérative d'Intérêt Collectif. Qui aurait dit, à l'aube du XXI ème siècle, que l'initiative croisée d'une commune autour de son maire à la fois tracteur et constructeur, et de militants du développement puisse créer une entreprise vivante en sa 12 ème année, toujours en recherche, en un village alors en quasi danger de désertification et réussir la transformation des fruits en jus de citoyenneté, en ses multiples variétés. Il y a même un ministère qui en porte le nom, on parle d'Economie sociale et solidaire, ce n'est donc pas une économie exotique ? Une utopie de plus mais utopie, c'est littéralement de nulle part sauf celle ancrée dans le territoire et ouverte au monde.

Rémy Sapet

C'

est une histoire de 20 ans. D'abord un projet d'origine communale qui démarre en 1992 - un clin d'œil à son initiateur Daniel Rouchier, ici présent alors maire de Pailhares avec l'appui du Site de proximité Cèdre (basé à Lamastre / avec mission d'aide à l'emploi, à la création d'entreprises) et de la Chambre d'Agriculture. 1998 Ouverture avec prévision de : ½ poste, 60 000 bouteilles. Gestion par une association "Nectardéchois". 2001 : investissement dans une nouvelle chaîne et embauches. 2006 : plan de communication, agrément bio. 2008 : les 10 ans, lancement de la fabrication de jus d'orange (certes pas de Pailhares, vous l'aviez compris … mais avec résidus de l'entreprise Sabaton d'Aubenas); 12 000 bouteilles vendues au niveau local par le réseau d'abonnés. Cela permet d'étaler l'activité en hiver. 2010 : nouvelle chaîne d'embouteillage, se développer, moderniser. 2011 : passage en SCIC (une SARL gouvernée par des sociétaires) 2012 : création d'un poste de gérant salarié (jusque là bénévole) et du Comité d'Orientation.

Nectardéchois ?

Po

ur certains, inconnu, pour d'autres : Entreprise à Pailhares, en Pays de St-Félicien, en Ardèche Verte, avec une gouvernance collégiale (SCIC). On y transforme des fruits en jus ou en nectar (bouteilles de 1, 0,5, 025 l). Chaque abonné qui amène ses fruits repart avec le jus de ses fruits.

Une histoire … Actes des Entretiens du Terroir • Octobre 2012

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Table Ronde … Aujourd'hui …

Si

x salariés (5 et un saisonnier) soit trois ETP (équivalent temps plein) … et 300 000 bouteilles … 500 abonnés clients (la moitié sont des professionnels, essentiellement sur Ardèche Verte et Vallée du Rhône) … CA de 300 000 €. Nectardéchois est ouvert même pour de faibles apports en service de proximité. Le passage en SCIC : constat des services rendus au niveau local, lieu de concertation entre des acteurs différents du territoire. Le gérant a un pouvoir de décision immédiate sous le contrôle d'un Comité d'orientation et de l'Assemblée générale. Il y a une organisation par collèges : salariés 35 %, usagers 35 %, Collectivités locales 20 % ( commune Pailhares, CC Pays Saint-Félicien), 10 % prestatairespartenaires (maintenance, Office de tourisme). Cela fait une démocratie, parfois difficile mais qui permet de lier des acteurs du territoire autour d'un produit local.

… No

us élus, avons en charge le bien commun … allier passion et raison pour construire un terroir … méthodologie ? Méthode ? … partage d'expériences entre les différents terroirs du monde…

Eric Barraud

Je

suis très fier ce soir. A partir de ce que nous avons essayé d'initier avec Jacques Deplace, nous sentons qu'il doit y avoir de la ressource. Les Entretiens permettent justement de croiser les regards.

Cinq éléments à noter en conclusion

… Demain …

No

tre territoire a de la valeur, de l'avenir. Nous pourrions faire des soupes, des sirops … nous avons commencé une réflexion sur 2 axes : - une nouvelle unité de production, plus grande ; fonctionnelle. - Création d'une "maison du fruit". Constat de la limite énergétique et orientation accrue sur les circuits courts en parallèle d'une insertion des citoyens dans l'économie. Nous sommes aussi capables de propositions et d'actions, dans le chemin de l'économie sociale et solidaire. Nous avons rencontré intérêts privés, projet communal… produire… partager…de quoi participer activement au projet terroir.

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Table Ronde 1. Sortir du modèle "prêt à porter" pour faire du "cousu main".

3. Mettre en place une gouvernance de projet.

No

Il

ne s'agit pas de reproduire ici ce qu'on fait là mais de partager les expériences, les apprentissages. Cela peut être universel. Les chercheurs sollicités sur l'Aubrac pour en faire la mémoire en ont fait un diagnostic pour l'élaboration d'un projet. Nous rencontrons partout la ressource à développer.

2. Réfléchir à la protection-labellisation.

El

argir au-delà du produit au territoire. L'expérience difficile du Laguiole peut nous guider : le nom même est porteur de richesse puisqu'on se bat pour l'avoir. Alors St Félicien ? Pourquoi pas ? Il nous faut donc labelliser les produits, les lieux, l'immatériel. Par exemple sur la Valloire avec une Site Remarquable du Goût autour de la poire, avec des qualités particulières.

us ne pouvons pas faire 'terroir" sans lieu de gouvernance, une Communauté de communes par exemple comme tracteur.

4. Organiser des fêtes.

Le

s festivités sont des moments importants de la rencontre, de la construction de l'identité (ouverte). Ici, vous avez développé les manifestations "terroir en fête". Il faut une rétroaction sur les produits.

5. Elargir la notion d'innovation.

El

le n'est pas liée seulement à la production. Ainsi la création de la SCIC en fait partie, et c'est important pour les terroirs. Ainsi on a vu les éleveurs Aubrac qui sont allés chercher la ressource Simmental pour relancer leur race Aubrac.

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Artisans de la table.

No

us avons parlé lors de notre table ronde du vendredi 19 octobre … mais avant de parler, nous avons accueilli les intervenants autour d'un buffet préparé par les artisans et commerçants du goût. Un buffet, n'est-ce pas aussi une table ronde où l'échange est convivialité, une sorte de "goût de l'autre" qui nous fait humains ? Paysans, artisanscommerçants d'aujourd'hui, apprentis artisans de demain … participent à cet art de la table ronde, chevaliers du "goût de l'autre", acteurs du projet Terroir en Pays de Saint-Félicien. Sans oublier les restaurateurs du Pays à Colombier, Pailhares, St Félicien, St Victor, Vaudevant … qui ont évidemment un rôle important dans un projet de valorisation des produits du terroir du Pays Saint-Félicien".

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zy Pain, mignonettes (salées et sucrées)

de Gilles Massard, "Aux Délices ardéchois" à St-Victor. • Saucissons, pâtés des Boucheries-Charcuteries Jacqueline Dugand à St Victor, Suzanne et Jean Louis Serayet à St Félicien. • Petits plats préparés par les apprentis du CFA d'Annonay. • Vins Syrah et Viognier de la cave de Sarras. Jus de fruits "Nectardéchois".

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zy


Entretiens • Histoire

2. Notre Terroir aujourd'hui & demain Entretiens Samedi 20 octobre 2012.

Acte des Entretiens du Terroir • Octobre 2012 Actes des Entretiens du Terroir • Octobre 2012

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Entretiens Jean-Paul Chauvin Président de la Communauté communes du Pays de St-Félicien.

No

Eric Barraud de

us sommes heureux de vous accueillir dans ce Pays de St Félicien pour ces Entretiens du Terroir. Notre chargé de mission, Jean Pol Badouard vous présentera tout à l'heure notre territoire dans sa dimension économique. Je vais être bref, il y a beaucoup de choses cette après-midi et me contenter de souhaiter un bon travail sous l'animation de Jacques Deplace qui l'a déjà bien préparé.

Délégué général de Terroirs & Cultures International.

Le

terroir, au-delà de la spécificité des produits et des savoir-faire, est un lieu qui permet de rassembler les hommes et les femmes pour essayer de bâtir ce qu'André Valadier - vous l'avez entendu hier soir - le cahier de ressources. On l'a vu avec l'Aubrac, pour favoriser l'emploi local, l'installation agricole . Nous le faisons un peu partout autour de la Méditerranée. On le fait en Algérie, Tunisie, Maroc puis aussi sur l'Afrique de l'ouest, ce n'est pas une approche franco-française ni un terroir caisse ni un terroir fermé mais pour créer une économie locale autour du panier de biens et de services. Ici à St Félicien, nous l'avons ébauché avec la Commission Espace de la CC. D'abord élaborer le diagnostic de territoire, déterminer ce qui lui est spécifique, non délocalisable. Il me semble que sur le pays de St Félicien, il y a des cartes, des atouts. Alors tentons de travailler ensemble avec tout le réseau de Planète Terroirs pour un développement non standardisé mais que nous pouvons construire avec méthode. Bon travail à tous.

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Entretiens • Histoire

2.1. Le Pays de Saint-Félicien Histoire au présent. Une histoire séculaire (Jean Claude Nicolas) Le pays … tel quel (Jean Pol Badouard)

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Entretiens • Histoire

No

us sommes dans le tempo de l'histoire courte mais nous nous plaçons dans l'histoire longue, c'est ce que Jean Claude Nicolas va nous décrire.

Jean Claude Nicolas Association Felixval

Une histoire séculaire.

Antiquité, période gallo-romaine.

On

voit les trois régions de l'Ardèche au nord celle des Allobroges qui s'arrête au Doux, puis la vallée de l'Eyrieux avec les Ségauleviens, enfin celle autour d'Alba. (carte Gaule -58) Les routes : l'une de Tournon vers Lamastre, St Agrève, le Puy, une autre vers Annonay et d'autres routes secondaires à partir de ces deux axes, notamment vers St Félicien … mais c'est seulement au XVIII ème qu'un chemin reliera St Victor et St Félicien. Ces routes millénaires vont se retrouver au Moyen Age jusqu'à aujourd'hui.

Moyen Age.

Tr

2

000 ans d'histoire en un quart d'heure ! C'est un pari impossible, mais je vais tenter de présenter quelques éléments qui permettent de comprendre d'où nous venons. On part de la préhistoire, pour laquelle nous n'avons pas de document, contrairement au sud de l'Ardèche. Nous avons un seul site : la forteresse protohistorique du Chirat Blanc, audessus de Lalouvesc, 2 000 ans avant notre ère; celui du Chatelard entre St-Victor et St-Félicien. Nous avons aussi 2 bracelets de bronze à Pailhares qu'on peut voir au musée d'Annonay. Tout le travail reste à faire.

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ès peu de choses sur le haut Moyen Age sinon une pierre d'autel paléochrétien dans le hameau du Balayn entre St-Félicien et St-Victor. La population était très clairsemée en nord Ardèche. St-Just a christianisé le haut Vivarais (avec sa légende) comme StAndéol le sud, il reste la chapelle qui porte son nom à Arlebosc (et son pèlerinage annuel). On trouve dans la période carolingienne une division administrative du Vivarais en trois "pays" : Vienne, Valence, Helviens au sud, avec pour le nord 3 vigueries (Annonay, Pailhares, Colombier), celle de Tournon étant dans le pays de Valence. Cela correspondant à 3 diocèses (celui de Viviers au sud). On va voir les premiers châteaux du Vivarais : Rochefort à St Félicien, Seray vers Satillieu, Rochebloine avec le développement de la féodalité, à savoir notamment un rapport de protection entre vassal et suzerain à qui il rendait hommage. (voir documents de Pierre Yves Lafond, Joelle Duprat).

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Entretiens • Histoire Apparaissent les premières églises et prieurés au Xème siècle, dans presque tous les villages, dépendant de grandes abbayes : St Barnard de Romans pour St Victor et St Félicien, chanoines du Puy pour Arlebosc … Cluny … On voit se développer les seigneuries : ecclésiastiques et laïques (Rochefort, Seray, Rochebloine). Ainsi pour St Victor et St Félicien le seigneur ecclésiastique est l'abbaye de Romans, mais le seigneur laïc de St Victor et Vaudevant est le seigneur de Tournon alors que pour St Félicien ce sont les seigneurs de Joyeuse. Ainsi, peut-être parce qu'ils étaient plus loin, moins puissants que ceux de Tournon, les seigneurs de Joyeuse ont libéré plus tôt leurs sujets des corvées ou de la taille. Conjugué aux communications, cela peut expliquer les différences ou rivalités des siècles plus tard. Une particularité : Pailhares est une enclave du Forez en Vivarais, pendant plusieurs siècles du XIIIème siècle à la Révolution. Nous passons à cette époque des vigueries aux mandements (Rochefort, Seray, Rochebloine). Les villages vont se développer autour des enclos ecclésiastiques (de l'église romane pour St Félicien), autour des châteaux (Arlebosc, Bozas)… avec des limites naturelles par les "serres" Sovion, Marchand, Sardier, Bois Madame pour les villages … St Victor et Pailhares, fortifiés à l'époque. Les châteaux se développent et se fortifient, comme certaines maisons (châteaux de Ruissas et Bellecombe à Colombier le Vieux), pendant la guerre de Cent Ans (1337 - 1453) … puis pendant les Guerres de religion (XVIème), le clergé avait perdu ses revenus. Les chanoines

avaient eu la bonne idée de confier leur revenu au seigneur de Ruissas, qui s'était rapproché, sans s'y convertir du protestantisme. Les prieurs de St Barnard ont perdu leurs revenus mais cela a permis d'éviter des destructions. On peut signaler à ce propos pour Bozas le fameux Clavel qui s'y installe et va détruire la porte des fortifications de Pailhares.

L'Ancien Régime.

…le

s sœurs de St Joseph - on va les retrouver dans toutes les paroisses - s'installent en 1734 et gèrent l'hôpital de St Félicien qui va se développer jusqu'à aujourd'hui,. On peut voir la répartition des professions en 1734, avec évidemment avec une très grande majorité d'agriculteurs. Je vous renvoie au livre de François Causseque "Paroles de Félixval"1 qui retrace les événements majeurs dans la période de la Révolution. Le livre est épuisé, il serait bien de le rééditer. Le dernier seigneur de Rochefort Just-Henri Dubourg de St Paul est exécuté en 1793. Après la Révolution 1789 on passe des mandements aux cantons et départements, dont celui de St-Félicien avec les différentes communes que vous connaissez.

Au XIXème siècle.

L'

agriculture traditionnelle continue et se développe le travail lié à la soierie lyonnaise, avec la culture du mûrier, une magnanerie à St Félicien, une teinturerie sur la route de Vaudevant, une

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Entretiens • Histoire soierie au début XXème aujourd'hui unité de production de moteurs électriques (Samov).

Guerre 14-18.

L'

hécatombe, toujours visible sur les monuments aux morts dans tous nos villages, amplifie l'exode rural qui avait commencé à la fin du XIXème siècle.

Jean-Pol Badouard Chargé de mission CC Pays St Félicien.

La dernière guerre.

Av

ec la Résistance et trop peu de témoignages, d'autant qu'il y a une réticence des mentalités à entendre certaines vérités. Il faudrait pourtant rétablir les éléments d'histoire : le maquis de la Cula tout proche, à Colombier avec un ouvrage de référence "Montagnes ardéchoises dans la guerre", celui de St Félicien au château Mazauric, l'histoire des Spahis, celle de Pierre Pélissier, déporté, qui a donné son nom à l'école de Colombier. Si nous regardons la CC d'aujourd'hui, à part la commune de Lafarre, nous retrouvons le canton tel qu'il était il y a 2 siècles.

Me

rci pour cette histoire, il y a à la fois flux et permanences dans nos territoires … nous ignorons souvent la longue durée qui produit ce que nous sommes aujourd'hui … alors le Pays de St Félicien aujourd'hui ? Présenté par notre chargé de mission Jean Pol Badouard.

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"Le pays … tel quel".

No

tre CC a choisi dernièrement un logo : une fleur à 7 pétales qui représentent les 7 communes. Ce n'est pas une fleur de cannabis comme certains le suggèrent !

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Entretiens • Le Pays tel quel Notre territoire. 137 km2 (plus grand que Paris intramuros) / latitude 45° N (à équidistance du pôle et de l'équateur), sur la même longitude que Montpellier, Alger, Lagos / un périmètre et un bassin de vie homogènes entre le Doux et des lignes de crêtes, avec des cols …

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Entretiens • Le Pays tel quel

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Entretiens • Le Pays tel quel

© CC Pays Saint-Félicien

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Entretiens • Le Pays tel quel

Ci-dessus, sculpture réalisée par Jean-Alexandre Delattre, l'âme des métaux.

On

voit que nous avons un pays à la bonne distance, comme ce que l'on dit nécessaire à la politesse, c'est ce que nous avons à trouver aussi dans nos relations et dans nos projets. Nous allons entrer maintenant dans nos trois thèmes avec des intervenants qui vont présenter certes leur savoir-faire et leurs produits, mais ils ne s'y réduisent pas, ce sont des personnes de chair et d'os comme on dit, de passion et de raison, que nous avons sollicitées pour la rencontre. Vous avez les thèmes sous les yeux avec le livret du participant que vous avez reçu à l'entrée lors de votre inscription. Vous y remarquerez une page vierge nommée "notes

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du lecteur" que vous pouvez évidemment utiliser. D'autre part vous avez des jus de fruits sur les tables à déguster au tempo de vos désirs et merci à Damien Gouy et Fabien Dumont de l'association Ecolocos qui nous ont fourni les verres recyclables du Conseil Général de l'Ardèche. Pour chaque thème, Produire Habiter, Partager, nous avons sollicité des personnes, appelons-les des "experts" - et nous savons bien que chacun est expert en son métier, en ses passions - pour proposer une introduction, une sorte de fil conducteur. Pour le premier thème, "produire", c'est Jacques Fanet qui fut directeur adjoint de l'Institut national des appellations d'origine (INAO) …

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Entretiens • Des Savoir-Faire…

2.2. Des savoir-faire au Pays de Saint-Félicien. Trois entrées : Produire Habiter Partager

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Entretiens • Produire Produits, territoires, savoir-faire. Jacques Fanet (ex dir adj INAO)

Caillé doux de Saint-Félicien, un savoir faire élaboré.

Jacques Fanet "Produits, savoir-faire, territoires"

Nathalie Deygas, Jean Philippe Fourel

Fruits de moyenne montagne, un goût particulier. Martine Reynaud

Le miel, complexité du terroir. Corinne Chifflet, Yann Eyssautier

Ja

cques Fanet est Ingénieur agronome de formation, il participe, en tant que directeur adjoint de l'INAO (Institut National des Appellations d'Origine / aujourd'hui Institut national des origines et de la qualité) à l'extension des AOC aux produits agro-alimentaires autres que viticoles. Il y développe les relations internationales autour de coopératives dans plusieurs pays du monde afin d'aider à la mise en place d'indications géographiques. Il publie un ouvrage "Les terroirs du vin" en 2004. Après avoir été directeur du Syndicat des Coteaux du Languedoc, il est aujourd'hui retraité et … vigneron actif.

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Me

rci de m'avoir invité pour raconter mes dernières vacances que j'ai passées dans le Massif des Bauges. J'ai été surpris à la redécouverte de ce territoire que je connaissais professionnellement. Sur ce secteur a été mise en place à partir de 2002 une appellation d'origine. On va voir comment les gens ont su remarquablement mettre en valeur leur savoir- faire et donner une dynamique à leur massif.

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Entretiens • Produire Les Bauges… entre Annecy, Chambéry, Albertville.

Un

retour géologique : l'homogénéité peut avoir de grandes conséquences. Cette région a été recouvert par la mer jusqu'à l'extinction des dinosaures (entre autres) il y a 65 millions d'années… puis les Alpes se soulèvent et dégagent la couverture sédimentaire qui les couvrait, en donnant une série de plis qui donnent une vigueur au paysage, vont s'ordonner en massifs dont les Bauges, séparés par des vallées très profondes et leurs cluses. Cela donne un pays difficile à pénétrer : on le retrouve dans le caractère bien trempé des habitants, les "Baujus". Il se trouve que j'avais construit un chalet autour de mes 30 ans vers 1975-80, l'agriculture périclitait, on ne parlait que du ski, avec les JO 1992 en ligne de mire. Il y avait bien une tomme mais quasi inconnue avec 3 "fruitières" (pour la production collective du fromage) et 7 alpagistes pour 150 tonnes. Professionnellement je travaillais à l'INAO, membre de la commission d'enquête et, au début des années 90, il y a eu une demande de reconnaissance d'une appellation : la Tomme de Savoie. Avec des conditions très souples de production : zones sur les deux Savoies, races de vache certes avec Tarine, Abondance, Montbéliarde mais une présence de Holstein, ensilage autorisé alors que c'est une alimentation fermentée, du lait cru mais aussi thermisé

… les fromages avec une gamme entre 15 et 30 % MG. C'était un produit semiindustriel. La commission d'enquête était très réticente sur cette souplesse et trouvait que, dans cette zone, la tomme des Bauges existante avait une qualité supérieure. Les producteurs de cette tomme ne savaient pas trop comment faire, nous leur avons proposé de travailler sur une AOC (AOP). Et en 1996, quand la tomme de Savoie a obtenu l'IGP, les producteurs des Bauges ont déposé une demande de reconnaissance en AOC. Ils ont décidé, dans ce petit massif, conscients de la qualité de leur tomme, de codifier tous les éléments sur la chaîne de production intégrant leur tradition. Leur dossier a duré 6 ans et la reconnaissance a été obtenue en 2002.

La Tomme des Bauges …

…S

on cahier des charges indique que le fromage ne se fait que dans les Bauges. En comparaison, la zone "Reblochon" se situe sur ce massif calcaire d'abord mais s'est étendue sur l'ensemble du département de la haute Savoie. Dans

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Entretiens • Produire les Bauges il n'y avait que le trio alpin des races de vache (dont la Montbéliarde, venant du Jura). Ils ont décidé qu'à partir du 1er janvier 2012; les troupeaux devaient comporter 50 % au moins de Tarine et Abondance, vraiment adaptées aux alpages et parcours d'altitude. Pour l'alimentation, la tradition voulait qu'on monte les vaches le 6 juin à la St Norbert, pour les redescendre à la St Michel le 29 septembre. Ils l'ont repris dans le cahier des charges en exigeant une pâture de 120 jours l'été et pour l'hiver, ils peuvent dans des limites strictes acheter du foin à l'extérieur et des compléments limités à 1 500 kg. Sont interdits : ensilage, enrubannage, OGM. Il sont aussi des dispositions très modernes, correspondant à leur mode de fonctionnement : limite de production par vache à 5 500 kg, correspondant à un système

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d'alimentation de la vache, pas de transport de plus de 15 km entre le lieu de traite et celui de transformation (c'est l'expérience des producteurs de Comté qui a ici été intégrée). Ils ont aussi des systèmes particuliers : on ne fait le fromage qu'une fois par jour, il est écrémé en fin de nuit avant son mélange avec celui du matin … moulage, tranchage … c'est un fromage à pâte légèrement pressée, salée. Ils ont pris des contraintes fortes mais qui correspondaient à leur propre pratique. Il sont allés chercher dans leur savoir-faire, ce qui permettait de faire des fromages de très haute qualité. Aujourd'hui, les résultats sont édifiants : de 3 fruitières et 7 alpagistes au départ, à 59 producteurs en 5 ateliers laitiers et 14 fermiers et d'autres producteurs extérieurs (en reblochon) qui ont construit des ateliers dans la zone. Sur le plan économique, c'est extraordinaire. Aujourd'hui on approche les 1 000 T de fromages.

Le panier de biens ?

Ce

territoire contraste avec le tableau d'il y a 30 ans. On voit des villages avec une gaieté de vivre, une simplicité tout à fait sympathique. Il faut dire ici l'importance du Parc Naturel Régional des Bauges, un acteur essentiel, qui s'est mis en place en même temps que l'AOP. Parfois ces Parcs peuvent ressembler à des musées où l'on veut figer l'ancien, avec parfois des conflits avec les agriculteurs/ Ici, la tomme des Bauges est bien intégré, et on trouve aussi un vignoble, des fruits réputés et le ski, intégré sans l'excès de la concentration et de la monoculture. Le panier est une symbiose.

Un détour par le Morbier .

C'

est un fromage du Jura autour du village du même nom qui a été

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Entretiens • Produire récupéré comme fromage "générique" en "Le caillé doux 1988 (décret) par les industriels … comme le Camembert ou le Pelardon. Dans les années 90, les producteurs ont voulu le de Saint-Félicien, récupérer. À l'INAO, nous avions contre nous les industriels (Besnier par exemple) un savoir-faire comme le Ministère de l'Agriculture. Les producteurs ont tenu bon pour élaboré". maintenir leur zone et leurs conditions de productions. Aujourd'hui on ne produit du Morbier que dans cette zone et pas sous le marquage "morbier d'ici" ou "morbier de là". Alors vous voyez, tout n'est pas perdu pour le St Félicien, surtout quand on voit et surtout on goûte le "caillé doux" comme on l'a fait tout à l'heure au buffet.

Ap

Nathalie & Franck Deygas

Fr

rès la tomme des Bauges et le Morbier, il est logique d'ouvrir les Entretiens par le "caillé doux de St Félicien" à partir d'un petit reportage à la Chèvrerie de Chomaise sur Preaux et la Chèvre Blanche sur Satillieu. Comme vous pouvez le constater, Preaux et Satillieu ne sont pas sur le Pays de St Félicien, mais nous avez remarqué qu'il n'y avait pas de postes frontières, alors n'est-ce pas une ouverture à explorer ? Nous allons entrer dans leur univers, par le son et la vue, avec ce petit film qu'ont réalisé nos reporteurs …

anck, le frère de Nathalie, à la "Chèvre Blanche", Satillieu, au moment de la traite …

"

C'est un fromage historique qui demande une grande présence dans les heures qui suivent la traite. Il faut l'emprésurer tout de suite, le cailler, le trancher … le cahier des charges interdit de laisser le lait refroidir pour le réchauffer plus tard …

Na

"

thalie dans la fromagerie.

"

Un litre de lait = un caillé doux … nous avons repris après les parents, pour moi après une formation au Pradel … ce fromage est aujourd'hui pur chèvre, mais dans la

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Entretiens • Produire tradition il était vache et chèvre … ce qui faisait qu'il était peu homogène en consistance comme en goût …

No

"

us allons remonter le lait vers ce que mangent les chèvres … nous voyons bien la qualité "verte" de notre Ardèche …

difficile à définir mais on les reconnaissait par leurs longs poils sur les cuisses. On est allé vers une race Chamoisée de plus en plus pure et elles ont maintenant une robe à peu près uniforme. On a amélioré le taux butyreux qui donne du goût, avec des pâtures plein sud, bien ensoleillées, des pâturages qui sentent bon, les fourrages aussi … c'est pas comme ceux qu'on récolte au bord des ruisseaux …

" Jean-Philippe & reportage est incomplet, j'invite Le Natahlie et Jean Philippe à venir Charles Fourel présenter leur produit.

Je

an Philippe Fourel et Charles son père, dans le pré avec les chèvres, à "Chomaise", Preaux (sans oublier Rolande, la sœur de Jean-Philippe et Bérénice, sa compagne).

"

… On fonctionne en pâturage tournant, à la fois pour une qualité optimum de pâture et pour limiter le parasitisme. Au printemps, sur le flanc sud, on fait un déprimage sur ce qui va être fauché, ce qui permet une meilleure qualité du fourrage, avec moins de tiges. Ensuite on les passe dans des prairies plus tardives, pendant un mois… On a des chamoisées; c'est venu comme ça. Il y avait des chèvres de toutes sortes … la chèvre du Massif Central par exemple,

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Le

Syndicat du caillé doux de St-Félicien a été créé dans les années 80 par une douzaine de producteurs. Il rayonnait sur une cinquantaine de communes autour de St Félicien, de moyenne montagne, entre 400 et 800 m. Cela faisait un caillé à pâte molle, de type présure, entre 1 et 2 cm de haut. Il faut à peu près un litre de lait par fromage. C'était un fromage collecté dans la région, vendu sur les marchés de St Etienne et de Lyon. Il ne s'est pas développé notamment à cause de sa difficulté de fabrication : pour les germes, notamment les staphylocoques, pour lesquels la réglementation s'est heureusement assouplie. Pour ce qui concerne la température, la chaîne du froid tend à masquer le goût subtil du fromage en détériorant les qualités gustatives dans le transport. Il faut porter une grande attention à sa dégustation, pour le découvrir dans son goût. Aujourd'hui, nous sommes deux

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Entretiens • Produire producteurs strictement "caillé doux de St-Félicien", même si nous en produisons d'autres types, nous souhaitons vraiment que ceux qui en font actuellement puissent se déclarer tels. Nous n'avons pas de problème d'écoulement de notre production : les gens viennent chercher chez nous du "caillé doux" mais il est vrai que la production a beaucoup baissé au profit du lactique. Le cahier des charges est strict, il est lié au dépôt du produit, mais n'est-il pas trop strict pour un développement commercial ? Non, nous l'emprésurons à chaud, ce n'est pas un fromage industriel.

Les chèvres dans les prés.

Au

moment du dépôt des statuts du syndicat , tout le monde pratiquait le plein air. Aujourd'hui chez nous aussi, donc les chèvres se voient.

No

tons la transmission familiale du "caillé doux" avec Nathalie et Franck, frère et sœur, avec Jean Philippe et Rolande, frère et sœur. Elle est associée à la passion et la fierté du métier et de la qualité du fromage, vous l'avez ressenti sûrement . Ici nous pouvons saluer le travail de Edith Poncet qui dans les années 70, pour la Chambre d'Agriculture, à appuyé l'initiative des éleveurs caprins. Il y a quelques années, des arboriculteurs ont tenté de valoriser leurs fruits (cerises, abricots) par une dénomination "montagne" mais tout projet a ses espoirs et ses difficultés.

Martine Reynaud "Fruits de montagne, un goût particulier"

Je

fais partie de l'association "Les Vergers Nord Ardèche" qui est une association de producteurs. Comme nous sommes en zone montagne, nous avons souhaité utiliser ce marquage "montagne" qui est une dénomination protégée attribuée par le préfet de région à partir d'un cahier des charges. Quand vous voyez le terme "montagne" il faut le logo.

Nous l'avons obtenu en 2004, il est nominatif pour chaque producteur. Il faut produire et conditionner en zone de montagne, ce qui exclue la séparation entre l'un

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Entretiens • Produire et l'autre avec un conditionnement dans la vallée. La validation est faite par la Copaq : commission régionale des produits alimentaires de qualité. C'est donc ce qui valide la qualité du produit. Sur le canton de St Félicien, les vergers se trouvent autour de 650 m d'altitude. Le siège de l'association est à Arlebosc chez notre président Jean Paul Agier. Le cahier des charges stipule une "production raisonnée", en notant sur le cahier d'exploitation toutes les interventions sur le verger avec leur justification, on n'intervient que si c'est nécessaire. Par exemple, pour la mouche de la cerise, on n'intervient qu'au premier vol. En 2004, on a fait des analyses sur les fruits, on a constaté que l'altitude amène une coloration plus rouge pour les abricots, et une fermeté plus grande pour les cerises. Ce sont des fruits plus sucrés, ce qui est dû aux rendements limités par des sols légers et une irrigation maîtrisée. Certains ont essayé avec la pêche mais cette production est aujourd'hui bien faible. Pour le travail du verger : taille, éclaircissage … Les fruits sont commercialisés par les expéditeurs locaux, mais nous sommes souvent à la fois producteursexpéditeurs. Nous utilisons aussi les commissionnaires pour l'export vers l'Italie et l'Allemagne.

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L'arboriculture emploie beaucoup de saisonniers, jeunes ou chômeurs et nous avons le souci de leur hébergement. Dans la Drôme, l'hébergement en camping est autorisé, pas en Ardèche ! Pour les aléas climatiques, on a été "servis" cette année avec de la grêle ! Voilà en quelques mots ce que je souhaitais vous dire.

Remarques fruitières.

C'

est le marché qui fait le fruit, on ne peut pas le stocker, une fois produit, il faut qu'il parte. Le terme "montagne" nous permet de passer quand ça ne va pas très bien, mais la valorisation reste faible. Pour l'abricot, ce sont les Italiens qui reconnaissent notre qualité et nous font la renommée, sous le nom d'abricot d'Ardèche. Par contre, quand les transporteurs viennent ici, cela arrive parfois (mais souvent on descend nos produits dans la vallée) ils nous demandent où est la vraie route "droite" ? Nous n'avons pas déposé de marque spécifique "montagne" Ardèche, d'autant que nous avons des soucis de reconnaissance avec France Agri Mer, ce qui suspend notre projet, d'autant qu'au départ il y avait une quarantaine de producteurs, aujourd'hui une bonne vingtaine, avec des producteurs hors de la zone montagne, qui commercialisent sous la dénomination "nord Ardèche". Nous cueillons à maturité, c'est dans le cahier des charges, nous ne pouvons pas garder les fruits pour les affiner comme les fromages, nous sommes vraiment soumis au marché. Nous avions fait un collectif, mais au vu des investissements c'était difficilement réalisable. Cependant nous avons une certaine mutualisation de nos équipements en chambre froide, il y a donc une sorte de collectif. Il y a des ventes directes pour certains, nous

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Entretiens • Produire avons plusieurs sortes de commercialisation. Certains commercialisent leurs fruits et leurs jus (parfois élaborés par Nectardéchois mais pas seulement). En arboriculture, notons un poste important : les salaires de la main d'œuvre.

Fr

uits de montagne … et nos montagnes sont pleines de fleurs, qui sont visitées par de nombreuses petites bêtes, qui n'ont pas seulement un rôle de cueillette … on va trouver avec nos apiculteurs, le miel, les abeilles, la pollinisation des arbres fruitiers, l'exigence d'un métier.

Corinne Chifflet, Yann Eyssautier "Le miel, complexité du terroir"

Pa

rler du terroir ? J'ai donc amené deux modèles de ruches : une ruche Dadant, la plus exploitée en France, à cadres, dite moderne mais je voudrais vous montrer la ruche traditionnelle, celle que mes parents utilisaient. L'entrée des abeilles en bas, au centre elles vont faire le couvain (là où il y a la reine, les œufs et autour elles stockent le pollen puis audessus le miel. Pour récolter, on cassait les rayons, on mettait tout dans une bassine et on récupérait le miel. Ce type de ruches est relancé, par exemple dans les Cévennes, avec l'abeille noire locale. Une parenthèse, sur la culture : quand l'apiculteur décédait, on mettait

un voile noir sur la ruche, on disait que les abeilles pleuraient. Une dame me l'a raconté, elle me disait qu'elle l'avait fait pour la mort de son père. L'autre ruche : la ruche Dadant, avec une entrée, la partie basse avec le couvain que nous ne touchons pas, c'est leur partie; la partie haute, la hausse, là où il y a le miel qu'on récolte. Avec des cadres, leurs alvéoles une fois remplies, sont bouchées par une mince couche de cire, appelée opercule. Pour récolter, on enfume afin de faire descendre les abeilles, on récupère les cadres, on les emmène à la miellerie. On désopercule (enlever la couche de cire), on utilise un extracteur une centrifugeuse comme pour essorer la salade - pour extraire le miel et après on filtre. L'avantage de cette évolution avec ce type de cadre, c'est plus facile d'extraire le miel. Ici on peut laisser toute la cire et on peut redonner aux abeilles ces cadres bâtis pour l'année suivante. Il faut savoir que pour produire un kg de cire, il faut 10 kg de miel (en équivalent énergie). On a souvent un miel polyfloral mais avec ce type de ruche, on peut obtenir un miel monofloral en relevant les hausses à la fin de la floraison en question. Tous les miels sont bons.

Saveurs des fleurs…

J'

ai amené trois miels différents : ici d'acacia, là de lavande, et un autre de montagne avec dominante châtaignierronce Pour le miel de montagne, il faut

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Entretiens • Produire analyser le miel, mais tout apiculteur peut avoir cette "appellation". La couleur du miel est liée à la fleur butinée par l'abeille. En général, plus un miel est clair, plus il a été récolté tôt dans l'année. Pour le goût, il y a des concours de dégustation de miel où on commence par le plus doux (comme pour le vin ou le fromage). Ainsi l'acacia est au printemps, le châtaignier ou la montagne, plus tard en saison. D'abord à l'œil, puis à l'arôme, puis en bouche : quelle sensation ? Viscosité par exemple au Maghreb, très liquide à la Réunion (avec l'humidité). On va le qualifier au goût : il y a un miel très particulier, celui de tilleul. Il y a aussi le côté souvenir, j'adore quand les gens disent "ça me rappelle le miel de mon enfance". Je voudrais vous montrer que le sucre qui est parfois visible, est naturel, c'est ce qu'on appelle la cristallisation. Elle dépend du type de miel, riche en glucose comme lavande ou colza, le miel peut cristalliser plus vite, parfois même dans les cadres. La température de stockage et le taux d'humidité jouent leur rôle. Je voulais vous parler du miel de sapin, qu'on produit aussi un peu, c'est particulier. En effet,quand vous promenez

"Corinne et Yann" dans "le masque et la ruche".

dans les forêts de sapin, vous voyez peu de fleurs. Les abeilles ont besoin des pucerons (et de certaines conditions climatiques)qui piquent la sève du sapin, elles viennent sur l'abdomen des pucerons - un peu comme les fourmis - pour récupérer le miel de pucerons ou "miellat" en tapant avec leurs antennes. Il y a donc ici un intermédiaire entre la plante et l'abeille.

…Ouvrières du goût.

Da

ns la ruche, il y a une reine, très importante, centrale dans la colonie de 20 à 60 000 abeilles selon les moments de l'année. Il y a 2 000 faux-bourdons, ce sont des mâles. Pour un gramme de nectar, les abeilles doivent butiner 8 000 fleurs. Alors quand vous dégustez votre miel, pensez à cet immense travail des abeilles. Il y a 80 % des plantes à fleurs qui dépendent d'insectes pollinisateurs, l'abeille et beaucoup d'autres. Allez n'importe où dans le monde, goûtez-y le miel et vous trouverez le goût particulier du terroir sur lequel elles travaillent … comme pour un fromage ou un vin … et le miel va bien avec le fromage, par exemple, avec un picodon chaud, c'est très bon !

Un

grand merci à Corinne etYann, maintenant, après ces moments d'écoute silencieuse, , nous allons laisser s'agiter notre petite ruche locale … alors petite pause et retour dans 10 minutes…

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Entretiens • Produire

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Entretiens • Produire

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Entretiens • Habiter

Colombier-le-Vieux

Bozas

Arlebosc Saint-Félicien

Pailharès

Saint-Victor

Vaudevant Actes des Entretiens du Terroir • Octobre 2012

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Entretiens • Habiter Architecture et paysages, histoire et cohérences. Amael Raphaneau. (CAUE, Conseil Architecture Urbanisme Environnement).

Construire un milieu de vie Claire Eliet, Mikaël Pacchiotti.

Le bois, de la forêt à la planche Luc Sovignet.

Le meuble dans sa simplicité Jacques Vey.

Tradition et rénovation Daniel Rouchier.

Ha

biter ? Sous un toit, quand on en a un … Sans toit pour certains ? "Sans toit ni loi" pour évoquer un film avec Sandrine Bonnaire ? La loi ? Le CAUE (Centre d'Architecture, d'Urbanisme et d'Environnement) n'en est pas chargé mais Amael Raphaneau qui en est l'un des chargés de mission va nous aider à lire notre territoire dans son évolution. Habiter un logement, un lieu, un territoire …

Amael Raphaneau (CAUE) "Architecture et paysages, histoire et cohérence".

J'

ai souhaité bâtir l'introduction au thème sur l'habitat à plusieurs échelles.

Habiter un logement.

L'

habitation est surtout, pour les paysans, organisée autour du travail. Des conditions de vie "spartiates" pour les humains, à côté des animaux. Il y a de nombreux documents sur le sujet, particulièrement ceux réalisés par Michel Carlat.

Habiter un lieu.

Le

lien entre l'habitation et son environnement, son milieu. Pour ce pays, c'est l'équilibre entre le bâti et l'agriculture, ainsi dans la vallée du Doux, avec une organisation mise en place aux XVIII - XIXème. C'est l'agriculture qui joue le rôle central de structuration du paysage. L'habitat se construit en fonction

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Entretiens • Habiter © CAUE

de la topographie. On y voit un habitat le plus souvent groupé et réparti sur le territoire avec des villages, bourgs-centres comme lieux d'échanges et de socialité. Il y a des structures urbaines différentes en fonction de la topographie. On trouve d'autres études topographiques sur l'Ardèche mais on voit qu'il y a des spécificités non transposables : villages de sommet (St-Victor ou Pailhares, avec une vocation défensive et des fortifications que l'on peut encore voir ou deviner aujourd'hui), villages de crête (comme Colombier avec un habitat linéaire), villages de pente (comme Vaudevant ou St-Félicien avec une organisation radioconcentrique). Arlebosc est un village de pente mais qui s'étire le long d'une courbe de niveau. On peut changer d'échelle …

Habiter un territoire.

No

us y voyons le mode de relations entre vallées et plateaux, avec des villages plutôt sur les hauteurs, des relations entre les chefs-lieux, les hameaux isolés … quand on parle de paysage façonné au

XIXème siècle, nous sommes marqués par ce paysage, moment de fortes mutations historiques, avec le chemin de fer (le Mastrou) avec des villages qui gagnent de l'importance comme Lamastre par rapport à St Félicien. Les circulations auparavant plutôt sur les crêtes empruntent plus les vallées. Ces mutations modifient le territoire : par ex le tracé des rues à Arlebosc qui devient plus aligné, des habitations plus verticales comme à St Félicien (qu peut rappeler Annonay), immeubles de rapport. Ces mutations modifient donc l'architecture, y compris avec les nouveaux matériaux qui arrivent (tuiles de meilleure qualité, enduits qui se développent pour protéger les façades ou montrer sa richesse). A St-Félicien on voit des ébauches d'industrialisation …

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Entretiens • Habiter Des outils de ménagement du territoire.

No

us en avons à plusieurs échelles : À l'échelle territoriale avec les Scot (Schéma de Cohérence Territoriale) organisés autour d'une métropole : Valence, Romans, TainTournon, ou Annonay, avec des outils de mise en valeur comme le "pays d'art et d'histoire du Vivarais méridional". Le point de départ : l'analyse de paysage à partir de la question "qu'est-ce qui nous rassemble ?". Le Parc naturel Régional des Monts d'Ardèche, a organisé sa première action autour de cette question. Des études paysagères peuvent concerner des territoires plus petits : sur Beaume Drobie, le Coiron ou à l'occasion d'un PLU (Plan Local d'Urbanisme) à Colombier ou St-Félicien.

À l'échelle locale.

No

us avons le Règlement national d'urbanisme ou la Loi Montagne (1985) qui oblige à la construction en continuité de l'existant. C'est une échelle où il s'agit de faire le bon arbitrage entre l'agriculture et l'habitat. Ainsi nous avons entendu tout à l'heure l'importance des pâturages exposés sud entre 400 et 800 m qui sont aussi des zones intéressantes pour l'urbanisation. Il s'agit donc de faire les bons arbitrages. Il existe des documents plus précis quant à la conservation du patrimoine comme les AVAP (Aires de valorisation de l'architecture et du patrimoine) avec des règles opposables, c'est-à-dire qui contraignent tout projet. Ce document est aujourd'hui intercommunal.

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À l'échelle individuelle.

En

lien avec la servitude "monument historique" par exemple. Les cahiers de recommandations architecturales et paysagères : quand on voit nos paysages du XIXème, on perçoit intuitivement une unité. Cependant, nous avons vu tout à l'heure l'opposition entre St-Félicien et St Victor. L'unité n'est pas toujours évidente selon le moment d'histoire que nous choisissons. Ainsi nous devons nous entendre sur le paysage de référence que nous souhaitons pour établir des règles. … et je rappelle les permanences gratuites du CAUE (04 75 64 36 04 caue-07@wanadoo.fr) pour le conseil aux particuliers.

Question. Rénovation dans les villages ? Selon quelle logique, avec quelle unité ?

C'

est vraiment une question d'époque : ainsi, les villages rues du XIXème siècle étaient plutôt sous enduit, cachant la pierre (et la protégeant). C'est question de mode qui va revenir en fin du XX avec la pierre comme marque d'authenticité. Un enduit peut donner un rythme à la rue, permettant de couper une suite de façades austères et de plus cela protège la pierre.

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Entretiens • Habiter

A

vez-vous vu des toits qui se sèment ? Dans le Larousse de l'ancien temps, une dame soufflait sur "je sème à tous les vents". C'était, peut-on supposer, pour indiquer le partage des connaissances, illustré par la diffusion du dictionnaire. Semer à tous vents, ou s'en protéger ? Alors, comment semez-vous vos toits.

Claire Eliet, Mikaël Pacchiotti "Construire un milieu de vie". Les "Semeurs de toits".

Es

t une Société Coopérative et Participative crée en 12/2009, domiciliée à St Félicien . Elle est née de la rencontre de trois personnes Wilfrid AVIOTTE, Claire ELIET, Mikaël PACCHIOTTI , sur des chantiers de Maisons neuves isolées en paille construites en 2007 et 2008 à Etables. Trois associés, donc, qui ont le même courant d’idée : innover dans la construction sans trop s’éloigner du milieu de vie, et rester humain dans notre société ! Aujourd’hui l’entreprise peut réaliser des Maisons Ossature Bois isolée Paille ou Fibres de Bois, Ouate de cellulose, Chanvre, liège etc… Finitions extérieurs en bardages de tout types ou enduit,( dans ce cas réalisé par une autre entreprise ). Finitions intérieurs idem avec un freinvapeur hygrovariable . Nos maisons sont conçues avec les plans ou idées de nos clients, ou autres concepteurs.

Chaque projet est unique.

No

us réalisons également des charpentes traditionnelles, terrasse bois, cabanon, bâtiment agricole, extension…en bref, tout ouvrage bois, la couverture de divers types, la zinguerie et la pose de menuiserie. Le tout en neuf ou rénovation. Nous sommes assurés pour toutes ces activités d’une couverture décennale chez un spécialiste du BTP.

Nos spécificités.

Re

lever des défis, travail du bois brut c’est à dire des arbres écorcés pour

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Entretiens • Habiter Parlons un peu des matériaux que nous utilisons…

La

seule finition, chantiers à accès difficile avec système de levage adapté, une étanchéité à l’air moderne, autrement dit réaliser des maisons saines à vivre et pérennes. La botte de paille avec l’expérience partagée d’entreprises phares dans ce domaine et en respectant les règles du RFCP (Réseau Français de la Construction en Paille). Nous respectons le Cahier des charges écrit avec le soutien du Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, de la Région Rhône-Alpes et du Crédit Coopératif.

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paille donc, est d’abord un résidu du monde agricole et stocke du CO², elle est aussi très facilement recyclée, et ce, de la manière la plus naturelle. Il faut savoir que 5 % de la production Française assurerai l’isolation de 500 000 logements par An, ce qui est supérieur au nombre de logements individuels et collectifs construit annuellement en France. De plus, nombre de pays ont un cadre réglementaire pour la construction en paille, en France une maison est témoin de son efficacité depuis 1921, à Montargis, elle est toujours en état et bien isolée depuis 90 ans. La laine de verre n’existe que depuis 65 ans et ne dure pas 20. La paille se développe et nous comptons porter cette émancipation. Les préjugés ne sont plus d’actualité , l’histoire des trois petit cochons ne doit plus hanter les esprits : la paille ne brûle pas en botte, car elle est compressée et manque d’oxygène nécessaire à la propagation du feu et le loup ne soufflera pas dessus ! Elle n’attire pas les rongeurs, car elle est dénuée de son grain. Son seul ennemi est l’humidité, elle doit donc être mise en œuvre à moins de 20 % de taux d’humidité.

Les isolants écologiques…

No

us ne pratiquons pas l’écologie par mode mais par conviction, c’est pourquoi nos produits sont choisis et posés avec soins, nous refusons de poser des isolants conventionnels car ceux-ci

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Entretiens • Habiter nuisent au bien être de nos clients, ils ont des défauts lourds de conséquence, et seul le coût productif justifie encore leur vente. La durée de vie des laines minérales est 6 fois plus basse que la plupart des isolants, or l’isolation d’une maison est un manteau qu’on ne change pas facilement ! Le bois est résistant mécaniquement et aux variations du temps, performant thermiquement et ce en toutes saisons, c’est un produit sain qui stocke du CO², il est léger, adaptable et pratique, c’est également un matériaux esthétique et chaleureux. La large gamme d’essences de nos forêts et autres d’Europe offre de multiples possibilités en matière de longévité et d’apparence ( Bien sûr, nous encourageons l’utilisation de bois Français et Locaux pour limiter le transport, premier émetteur de gaz à effet de serre ). Enfin avec le bois : tout est possible. Les tuiles en terre cuite fabriquées localement ( ex : La Ste Foy entre Lyon et St Etienne ), sont garanties 30 ans si posées selon le DTU, ce que nous respectons scrupuleusement pour qu’elle

s’applique, elles sont résistantes au gel, et ont l’appellation « climat de montagne ». Un produit sûr et esthétique qui offre de large gamme. Le zinc : matériau noble et adaptable qui offre multiple possibilités de finition et d’étanchéité, de manière durable si, là encore, la pose à été étudiée soigneusement.

En conclusion…

No

us voulons par notre travail apporter un ouvrage de qualité à nos clients et échanger avec eux dans les meilleures conditions, nous ne sommes pas des marchands, nous sommes des artisans, locaux ! Nous désirons fabriquer des maisons qui durent longtemps et que leurs composants ne se dégradent pas dans le temps. Notre seule prétention est de remettre en question notre démarche de travail régulièrement, pour pouvoir évoluer techniquement, ou dans d’autres domaines de l’entreprise. Nous voulons travailler avec des entreprises locales, des fournisseurs locaux, nous même travaillons dans un rayon de une heure de trajet autour de St Félicien, plus loin très occasionnellement.

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Entretiens • Habiter Questions. Luc Sovignet Place des femmes dans le bâtiment ?

Cl

aire : j'ai passé un CAP de charpente, le travail est dur physiquement, aujourd'hui c'est plus difficile pour moi, d'autant que nous avons fait des choix de levage avec le minimum de matériel. Mais nous ne sommes pas que sur les toits.

Toits végétalisés ?

"Le bois, de la forêt à la planche"

Je

ne suis pas adepte des écrans, plutôt de la parole. Je vais essayer de vous parler du terroir et du bois.

Le

s Semeurs de toits n'en posent pas car cela demande vraiment des compétences que nous ne mettons pas en œuvre. Le toit de chaume, c'est moins difficile, cela peut nous arriver d'en poser.

Scop ?

No

us voulions tous être patrons, et tous s'impliquer dans le travail. Nous partageons bien ce qu'est une entreprise. C'est un statut encore trop peu développé, peut-être parce que pas assez connu.

Bonjour à tous,

En Se

mer des toits ! Mais les toits ne sont pas suspendus, ils s'appuient sur de solides charpentes. Parlons de forêts, de bois, de charpentes, de planches avec Luc Sovignet, scieur sur la zone artisanale des Clots, l'une des deux zones d'activité de la Communauté de communes (avec celle du Col de Fontay).

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premier lieu, je voudrais remercier Jacques. Oui, merci Jacques, merci d'avoir été l'initiateur de ces Entretiens du Terroir et d'avoir su porter ce beau projet jusqu'à sa réalisation aujourd'hui. Puisque l'heure est aux remerciements, je dois vous avouer que j'ai un motif supplémentaire d'en gratifier Jacques cet après-midi. En effet, lorsqu'il y a quelques semaines, je commençais à réfléchir au contenu de mon intervention, le vertige de la page blanche me hanta

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Entretiens • Habiter immédiatement : faire le lien ente mon activité de scierie et le terroir n'était pas aussi aisé que cela avait pu me le paraître dans un premier temps. Heureusement, Jacques vint à mon secours sans le savoir. Lors d'une réunion préparatoire, il nous présenta une ébauche du dépliant avec un détail du programme. Mes propos trouvaient enfin le cadre qui leur manquait avec un titre général : "Ressources et savoir-faire du Pays", un sous-titre :" Habiter", et enfin un intitulé concernant mon intervention : "Le bois : de la forêt à la planche". Muni de ces trois ingrédients supplémentaires, ma réflexion fut relancée, et petit à petit, difficilement, j'ai essayé d'analyser et de vous présenter quel pouvait être le lien entre le terroir et ma scierie. En préambule, je dois reconnaître que j'ai décidé d'exclure un discours trop technique de mon activité, afin de me concentrer avant tout sur le facteur humain. Ce parti-pris volontaire correspond sans doute à l'approche que j'ai de mon métier.

Si les planches pouvaient parler…

Pour trouver le premier lien, il nous faut remonter à la source. La source, c'est Jules, mon grand-père qui, en 1919, venant de St Pierre sur Doux, arrive à Pailhares pour créer une scierie, bien sûr au bord d'un cours d'eau. Dès 1923, l'arrivée de la force électrique à St Félicien lui permet d'y construire sans doute l'une des premières scieries n'utilisant plus la force de l'eu. Mon père poursuivit cette activité du début des années 60 jusqu'en 1985 où je pris le relais, d'abord à st Félicien, puis à partir de 1999 à St Victor, tout près d'ici. Pailhares, St Félicien, St Victor, trois villages de notre communauté de communes. Voici ma foi, un tour du Terroir assez complet en moins d'un siècle. Ce bref historique de l'entreprise nous permet de voir que les racines dans notre terroir y sont profondes. Je me plais à imaginer le nombre de charpentes, solivages, menuiseries ou meubles, trônant dans les fermes et les maisons alentour, qui proviennent du banc de scie familial. Si toutes ces poutres ou planches pouvaient parler, je les laisserai bien volontiers me remplacer aujourd'hui. Sans doute, le feraient-elles de bon cœur (cœur du bois bien sûr !), pourtant je craindrais qu'elles nous servent un propos un peu nostalgique et passéiste. Alors je préfère garder la main et aborder avec vous le présent, voire aussi le futur. Le présent, c'est aujourd'hui comment une scierie peut-elle garder un lien avec son terroir, l'habiter. Je crois que la réponse n'est pas unique. Les choix que j'ai fait pour mon entreprise correspondent à mes souhaits, mais aussi plus sûrement à mes capacités d'entrepreneur. Je suis bien persuadé qu'une évolution différent n'aurait pas induit nécessairement une rupture mais aurait pu même conduire à un renforcement de ce lien.

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Entretiens • Habiter

Scieur généraliste… Alors quels sont mes choix ? Je dirai que ma première décision a été de ne pas choisir. En effet, dans un secteur où depuis une trentaine d'années, la tendance est à la spécialisation : • Scierie de résineux ou Scierie de feuillus. • Scierie de bois de charpente ou Scierie de bois d'emballage. • Scierie de menuiserie ou Scierie de sciage à façon. • Scierie de produits standard ou Scierie de débits sur liste. J'ai trouvé pertinent de rester généraliste. En fait, un peu comme un médecin de campagne devant pallier toutes les contingences et nécessités de son lieu de vie,ne dirigeant ses patients vers ses confrères spécialistes de la ville uniquement lorsque sa science devient incertaine. Cette comparaison avec le médecin de campagne me paraît judicieuse : comme lui, ma scierie est adaptée à son territoire pour répondre à de multiples et diverses demandes. Ce premier choix en impliquait

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inévitablement un autre, ou peutêtre inversement en découlait. La non-spécialisation m'a conduit nécessairement à rester une entreprise artisanale de petite taille. En effet, la modernisation poussée de l'outil de travail induit toujours une spécialisation de la production. Les technologies coûteuses mises en œuvre visent toujours à augmenter la productivité. En évitant cette course en avant, j'ai pu limiter les risques financiers liés à l'investissement ainsi que m'éviter des démarches commerciales consistant à rechercher des nouveaux clients de taille plus importante afin d'écouler ma production en augmentation sensible. Je crois que je n'avais ni le goût, ni l'envergure pour conduire un tel projet. Mais revenons à ma scierie généraliste, artisanale et de petite taille. Quels sont ses atouts dans sa configuration actuelle ?

Les atouts… Tout d'abord, sans doute, sa situation géographique qui la place entre un massif forestier important, réserve de matières premières et une zone de fort développement démographique et économique, débouché naturel de ma production. Ce massif forestier, ce sont nos montagnes de moyenne altitude ainsi que le plateau ardéchois et ses régions limitrophes de Haute Loire. La zone de développement se trouve bien sûr dans la vallée du Rhône. Une cohérence logique et même écologique situe donc la transformation de cette matière première entre son cheminement direct de son lieu d'exploitation à destination d'utilisation finale. Ensuite, parmi les atouts de ma scierie, le potentiel de clientèles différentes et

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Entretiens • Habiter souvent complémentaires m'assure un minimum garanti de volume de travail. Je distinguerai trois composantes dans cette clientèle : Tout d'abord, nous avons sur notre territoire, la chance de bénéficier d'un réseau d'entreprises et d'artisans du bâtiment largement supérieur à notre potentiel de rénovation et de construction. En fait, fors de leur savoirfaire et de leur dynamisme, nombreux sont nos maçons, charpentiers ou menuisiers qui s'aventurent loin de leurs bases pour trouver de nouveaux marchés. Grâce à leur compétitivité et pour beaucoup d'entre eux à leur fidélité à mon entreprise, mon carnet de commandes bénéficie de retombées qui dépassent de loin les besoins locaux. Ensuite, parmi les acteurs économiques majeurs représentant un atout important pour mon activité : les agriculteurs. Bien sûr, nous connaissons tous les difficultés du monde agricole et les interrogations sur leur avenir. Pourtant, aujourd'hui, nous pouvons nous réjouir d'avoir encore sur notre territoire un ombre encore représentatif de femmes et d'hommes qui croient en leur avenir sur notre terroir.

bonheur à pouvoir parler avec eux de leur métier, de la terre nourricière qu'ils font vivre. De plus notre territoire regorge d'une diversité d'exploitations extraordinaires : vaches laitières ou allaitantes et bêtes à viande, de chèvres destinées à la laiterie ou à l'autotransformation, arboriculteurs plutôt cerises ou plutôt abricots, éleveurs de moutons et même viticulteurs que notre proximité avec les Côtes du Rhône me permet de rencontrer régulièrement. La liste pourrait sans doute encore s'allonger, je ne le ferai pas, me contentant d'ajouter que la diversité se trouve encore multipliée par la sensibilité de chacun à une production plus ou moins "bio". Loin de juger leurs pratiques, je m'enrichis toujours de leur expérience. Enfin, complémentaires de ces clients professionnels, les particuliers représentent une part minime de mon activité. Parfois, les contraintes et le stress que cette vente au détail engendrent me donnent à penser que je devrais y renoncer. Pourtant, une musique intérieure me rappelle tout de suite que mon entreprise est située sur un territoire en bénéficiant de ses avantages et que ce service de proximité en est sans

Le bonheur du métier… Aujourd'hui, grâce à leur volonté d'avancer, ils représentent une part non négligeable de ma clientèle. Je voudrais aussi les remercier de leur fidélité. Le lien au terroir, je le dois sans doute à leur contact plus qu'avec n'importe quel autre interlocuteur. J'ai toujours un immense

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Entretiens • Habiter

doute la contrepartie. Mais surtout, quel renoncement si un jour je devais être privé de la richesse de relations humaines que tous les jours je peux tisser avec ces clients d'une fois ou réguliers. Il serait absurde et faux de vous affirmer que notre terroir suffit à faire vivre une scierie avec ses trois salariés. Bien sûr, l'existence d'une clientèle plus régionale, voire parfois nationale, reste vitale. Toutefois, si ces partenaires viennent jusque dans nos montagnes pour se fournir en bois, c'est uniquement pour y trouver des essences spécifiques de notre région : du pin sylvestre, du châtaignier, et de plus en plus de douglas. En vous partageant cela, je fais un constat accablant : Jacques a intitulé mon intervention "de la forêt à la planche" et, en fait, jusqu'à maintenant, je vous ai entretenu à la rigueur de vente de planches, mais pas du tout de la forêt. Donc, dans un ordre tout à fait anarchique, essayons de "liaisonner" forêt et terroir.

L'harmonieuse diversité… Historiquement, notre massif forestier se composait essentiellement de pins sylvestres et de châtaigniers. Ils alternaient dans le temps : un bois de pins remplaçait un bois de châtaigniers et inversement, mais surtout le plus souvent, ils

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mélangeaient dans l'espace. Je vous confierai en toute simplicité que, pour moi, le mélange harmonieux et naturel de ces deux essences de lumières constitue la plus elle des forêts. Vous y ajoutez un troupeau de chèvres gambadant allègrement et une gardienne tricotant, appuyée contre un châtaignier, vous avez sous les yeux mon paysage rêvé qui m'a sans doute rendu amoureux fou de mon pays dès ma prime jeunesse. Foin de poésie, revenons à nos moutons, ou plutôt à nos arbres. Si cette forêt primaire persiste encore, elle a été en partie remplacée par des plantations de douglas ou pin de l'Oregon, puisque tout le onde a droit à son terroir. Cette essence a, en particulier des années 50 aux années 80, connu un essor spectaculaire sur les terrains abandonnées par l'agriculture suite à l'exode rural. Ces plantations serrées et très sombres ont modifié nos paysages et leur imperméabilité à toute promenade les a rendus peu appréciés. D'autre part, longtemps nous avons douté des qualités intrinsèques de cette essence venue, comme matériau de construction, d'Outre Atlantique. Aujourd'hui, par un retournement de situation un peu cocasse, le douglas est devenu par sa durabilité naturelle un matériau écologique qui évite l'utilisation de produits chimiques pour le préserver. D'inexistant dans la production de sciages, il y a vingt ans, il en représente près du tiers aujourd'hui. Nous ne pouvons que nous réjouir du succès de l'introduction de cette essence qui, pour les propriétaires forestiers représente un "plus" appréciable par rapport aux forêts précédentes. Toutefois, nous arrivons à une période charnière où l'exploitation intensive de ces forêts de douglas devenues adultes ne sont plus systématiquement remplacées par e nouvelles plantations. Le risque est

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Entretiens • Habiter de voir rapidement diminuer le volume disponible. Le pin sylvestre, lui, survit encore naturellement, car notre territoire convient parfaitement à sa régénération naturelle. Toutefois, il convient de reconnaître qu'il ne subsiste presque plus de forêts produisant des grumes de qualité. La quasi-totalité de sa production sert de bois d'emballage. Chaque année, pourtant, je m'efforce d'exploiter un ou deux lots de pins de qualité supérieure afin de satisfaire les exigences de menuisiers ou d'ébénistes. Grâce à notre caractère artisanal, nous essayons d'extraire la quintessence de ces arbres. Pour moi, c'est un plaisir renouvelé que de voir ces planches de menuiserie tombées du banc de scie. Quel beau bois !

… et bien sûr, le châtaignier… Un autre beau bois, emblématique de notre département, c'est bien sûr le châtaignier. Il représente encore une surface importante de nos forêts grâce lui aussi à sa capacité à se régénérer et même à rejeter des ses propres racines. Pourtant, comme les pins, les châtaigniers capables de donner du bois de scie de qualité deviennent rares. Différentes maladies l'affectent et peu de propriétaires savent mener une véritable sylviculture spécifique à cette essence. Dommage ! Il n'en reste pas moins qu'il constitue encore une part non négligeable de ma production. J'avoue que lors des cycles de sciage de châtaigniers, la contemplation des planches et des poutres me comble de joie. En fait, scier un châtaignier, c'est remonter le cours de l'histoire, tant chaque meurtrissure de la vie lui laisse une trace visible. Notre savoir-faire consiste à

en tirer la "substantifique moelle". Nous essayons dans la limite de nos qualités. Vraiment le roi des bois ! Jean Ferrat ne s'y était pas trompé qui lui consacra une si belle chanson. Je serai incomplet si, à l'énumération des bois de pays de chez nous je ne rajoutai pas l'essence encore prédominante dans mes sciages; elle nous vient de la montagne toute proche, c'est bien sûr le sapin pectiné avec lequel la majorité des charpentes sont réalisées. Si dans notre roir, nous avions la culture sylvicole de ces zones de montagne, quelles belles forêts de châtaigniers et de pins nous pourrions avoir. Sans doute n'ai-je fait que survoler le sujet avec ma sensibilité propre. Beaucoup d'autres éléments ont, à un moment ou à un autre, traversé mon esprit. Tous ne se sont pas retrouvés couchés sur la page blanche. En tous cas, en finissant cet exercice de style, je suis assez heureux d'avoir pu noircir la page afin de vous livrer mon ressenti du terroir et de mon métier.

J'e

ntends mon vieux plancher qui craque … ça fait du bruit dans la baraque…j'entends, j'entends dans le grenier … chanter, chanter mon chataîgnier… mon châtaignier est un artiste… (clin d'œil à Jean Ferrat) … Il y a dans le merci, la simplicité de son accueil . Don et contre-don … savoir donner, savoir recevoir, nos échanges nourrissent notre humanité … Nos reporteurs ont rencontré un homme du meuble … Jacques Vey … le film démarre sur le paysage de Pailhares quelque dix ans après le feu qui l'a sérieusement menaçé …

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Entretiens • Habiter Jacques Vey "Le meuble dans sa simplicité"

Je

suis sur Pailhares depuis 1981, artisan depuis 1990 … je fais des meubles en châtaignier essentiellement, c'est un arbre local que je trouve très beau, surtout pour les meubles rustiques que je fais. Un meuble rustique est un meuble qui reste simple, sobre. J'achète des bois secs bruts, je les déligne, rabote, découpe … pour finir en petite étagère ou table. Par exemple, celui-ci avec un écritoire, et un petit plateau pour le téléphone audessus ! J'ai repris pour la décoration celle que j'avais observée sur les vaisseliers dans la région. Il m'arrive de travailler le merisier, sur commande, comme sur ce meuble : le bois m'a été fourni par le client. Travailler le merisier ou le châtaignier, c'est la même technique mais parfois si c'est un arbre greffé, il faut travailler la loupe, qui

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peut éclater facilement. Il faut bien faire attention. Pin ou châtaignier ? Le cœur du pin est plus rouge, le châtaignier est plus uni avec des cernes d'accroissement plus petits, à cause de sa croissance en moyenne plus lente … Nous pouvons lire l'histoire à travers les cernes. Un copain a acheté du châtaignier avec des cernes noires, ce qu'on appelle la "roulure", ce qui décolle le bois. Il a calculé que c'était une trace du gel de 1956. Il était dans une serre près d'Alboussière, l'arbre avait souffert et résisté. L'arbre a gardé trace que nous pouvons lire. Le bois est une mémoire !

Le Douglas ?

Il

semblait y avoir une pointe de déception devant sa replantation après l'incendie ? Oui, le douglas a des qualités comme bois mais pour les paysages de chez nous, ce n'est pas très beau !

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Entretiens • Habiter

No

us avons parlé de lui, déjà, à propos de Nectardéhois, mais il a de nombreuses compétences, notamment celle de la rénovation des maisons dans son métier de maçon. Lorsque je l'ai sollicité, Daniel m'avait indiqué le danger qu'il parle plsu de 10 minutes, le temps moyen imparti à chaque intervenant en fonction du nombre. Mais prenons le risque d'affronter le temps, surtout pour éclairer notre lanterne entre tradition et innovation …

Daniel Rouchier

Qu

and on parle de messe traditionnelle, certains savent de quoi il s'agit; la musique traditionnelle a ses fans, la clairette tradition aussi ! La charpente traditionnelle sent bon l'authentique. Même les maisons "clefs en main" font de la traditionnelle. Voilà donc un mot utilité à toutes les sauces. Par contre si je traite quelqu'un de traditionnel ? Je vous laisse imaginer le personnage. Pas très flatteur, on n'est pas loin de l'intégriste.

Que dit le dictionnaire ?

Pa

"Maisons, tradition et rénovation"

Le

Tradition : qu'est-ce que cela évoque pour vous ?

s organisateurs m'ont demandé de parler de tradition et de savoir-faire. Depuis 15 jours environ, j'essaie de trouver une signification au mot tradition, à ce jour, je l'avoue,je n'ai rien trouvé de très convaincant. Mais comme vous avez fait l'effort de venir, on va essayer de faire une approche.

ge 1097 : "manière de penser ou d'agir, transmise de génération en génération." Mais on ne nous dit pas sur combien de générations. C'est vrai que si on remonte à Cro-Magnon, je devrais parler de l'habitat de l'époque, c'est-à-dire des cavernes. Comme habitat, on fait mieux. Dans mon esprit, ce mot évoque une situation figée, alors que depuis la nuit des temps l'art de construire a évolué en fonction des besoins, des impôts quelquefois, ou du confort tout simplement. Alors suis-je le monseigneur Lefèvre de la maçonnerie ? Suis-je tombé tout petit dans la marmite de la maçonnerie traditionnelle ? Il faut bien avouer que non. Je commence à travailler en 1970, c'est-à-dire vers la fin des 30 glorieuses. A cette époque, la crise ? Connais pas ! C'est l'ère "du formica et du ciné". Bref pour les Ardéchois, les pierres c'est triste, pas propre et cher. Il faut des grandes ouvertures en béton, de la couleur; on recouvre de très beaux murs en pierres de crépis ocre, il faut que ça crache !

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Entretiens • Habiter Les toitures sont refaites avec des tuiles plates. Y'en a marre de se promener dans les greniers avec une bassine par temps de pluie, les tuiles creuses, c'est pour empierrer les chemins. C'est durant cette époque que débarquent les résidents secondaires qui vont nous apprendre à regarder notre patrimoine qui, en gros, date du 17° - 18° siècle. Car le Parisien veut de l'Ardéchois, du vrai, de l'authentique. On habite une maison ardéchoise mais avec le confort de la ville … faut quand même pas exagérer ! Mais peut-être qu'indirectement cela fera évoluer les autochtones.

L'authentique ? On va faire du Viollet Leduc (note n°5) à l'ardéchoise. Des joints de pierres très creux alors que ça n'a jamais existé, des tuiles creuses sur du fibro-ciment … finies les promenades dans les greniers à minuit ! … des fenêtres à petits carreaux … bonjour l'entretien ! On fait de tout : du bon et du moins bon, on a même honte de ce qu'on a pu réaliser à certains moments. Des répliques du 17° avec le confort du 20°. C'est l'époque où la maçonnerie se pratique avec ses deux variantes : réhabilitation des fermes ardéchoises délaissées par les paysans partis vivre à la ville et construction de villas pour ces paysans convertis en ouvriers. Doit-on pour autant en conclure que délibérément, nous, maçons de cette époque, avons choisi de réhabiliter l'habitat ancien, je crois que nous avons été influencés par l'air du temps. Sur la durée d'une carrière professionnelle, il est quand même intéressant de voir les évolutions et les approches. Les certitudes d'hier sont remises en question. Ce qui nous semblait vrai, se révèle erroné. On accorde d'autres priorités. L'approche est

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plus écologique et surtout plus thermique. L'isolation est devenu prioritaire. Doit-on utiliser le terme tradition comme un terme générique, je ne pense pas. Chaque période a son style donné par l'ambiance de l'époque. D'abord, il y eut la caverne, ensuite les châteaux au confort assez sommaire. Au 16°, on fait entrer la lumière avec les fenêtres à meneaux. Au 17°, c'est l'époque des maçonneries bien alignées et régulières . Au 18°, les rangées de pierres sont moins régulières. Au 19°, c'est le développement des villages , on pousse les murs, on casse, on incorpore dans la construction des pierres de taille, quelquefois on les casse en deux. Tant pis pour le travail des anciens. Début du 20° : les briques apparaissent et apportent leur style. Vers les années 30, c'est la loi Loucheur qui va marquer de son empreinte l'habitat ardéchois. Par le biais de subventions, on aménage des fermes souvent vétustes. C'est une révolution. Comme les couches géologiques, on peut facilement constater sur les façades les travaux réalisés. Années 50, le béton apparaît et s'impose dans les années 60-70. Les villas poussent comme des champignons, j'y ai participé. Comme je le disais précédemment , les résidents secondaires débarquent et réhabilitent le patrimoine ardéchois.

Tradition(s), ombres et lumières des années 80.

No

us nous égarons et construisons pour "les Indiens". En fait, il s'agit d'une maison dite solaire par son orientation. C'est aussi l'époque de la rénovation des églises. Alors, lorsque je décrépis une église, que je sable et cherche le bon ton pour les joints, suis-je respectueux de la tradition

Actes des Entretiens du Terroir • Octobre 2012


Entretiens • Habiter ? Eh bien non ! Tout faux ! Les édifices religieux étaient peints, éblouissants de lumière il fallait en mettre plein la vue aux fidèles. Années 90, certains se spécialisent dans la villa, d'autres s'orientent vers la réhabilitation, c'est notre cas. La crise énergétique oriente les années 2 000 vers les aspects plus écologiques. Les fenêtres à petits carreaux ont été remplacées par des baies à un seul ventail, les enduits à la chaux reviennent en force, l'isolation est pensée. Donc difficile de dire si je fais du traditionnel. Je crois qu'il s'agit avant tout de respecter les bâtiments. Si on est sur une maison du 19°, vouloir lui imposer un aménagement du 16° est une hérésie. Alors plutôt qu'une tradition, on va parler de plusieurs traditions. Pour résumer : la maison 100 % pur cochon ardéchois existe-t-elle ? Je ne pense pas; elle est dans la plupart des cas une succession d'époques empilées les unes sur les autres; il faut faire avec et la tradition pour moi consiste à les respecter.

Pour terminer, je voudrais abuser du micro puisque je l'ai dans les mains et surtout profiter des forces vives du territoire, des quel la présence de quelques élus … Au casse-croûte ils étaient plus nombreux ! Aujourd'hui, donc, nous célébrons les forces vives du territoire. Savez-vous combien il y a d'artisans sur le canton : 78 ! Ce qui fait environ 230 familles avec les salariés et pas mal d'enfants qui font vivre nos écoles … d'où les élus. Ce week-end, on a beaucoup évoqué les entreprises, alors, merci de penser à nous toute l'année. Merci.

Vo

ilà un maçon franc du collier … que nous ne confondrons pas avec un franc maçon, jeu de mot un peu facile pour faire la transition … pendant le temps de la mise en place des intervenants suivants, n'hésitez pas à déguster les jus de fruits sur vos tables. Nos produits expriment le terroir pendant les Entretiens qui nous rassemblent.

© Photos Daniel Rouchier

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Entretiens • Partager Le tourisme, une découverte du Pays pour tous.

Damien Mathieu (OT Pays St Félicien).

To

ute personne est touriste de sa propre région, à partir du moment où cette même personne part à la découverte d’un nouveau chemin !

Tourisme et terroir, un pari.

C’est à partir de là que telle ou telle personne pourra donner envie de visiter un lieu, en le lui décrivant au travers de ses émotions !

Savoir faire marchand, une nécessité de valorisation. Pascal Magnier.

Pourquoi venir en vacances en Pays de Saint-Félicien ?

Le patois : une langue, une culture.

Qu

Sébastien Rosset.

Marc Nouaille (Parlarem en Vivares).

No

us voilà dans notre troisième thème aujourd'hui. Nous avions choisi d'abord de le dénommer "Accueillir" puis, peut-être pour dépasser l'accueil de visiteurs venus d'ailleurs et lui donner plus de résonance, nous avons choisi "Partager". C'est en ce sens que Damien Mathieu, animateur à l'Office de tourisme du Pays de St Félicien oriente son intervention : "le Tourisme : une découverte du pays pour tous !".

e viennent chercher les touristes ?...

Nous sommes tous ambassadeurs de notre territoire …

…Et

la somme de nos partages compose l’identité du territoire, notre principale image de marque !

Damien Mathieu "Le Tourisme : une découverte us sommes donc tous des ambassadeurs No de notre territoire … et en première du pays pour ligne, celles et ceux chez qui les visiteurs ouvrent souvent la première porte. Ainsi Julie tous !" et Sébastien Rosset à la Ferme Auberge de Corsas, sur la commune de St Victor.

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© Photos OT Pays Saint Félicien

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Entretiens • Partager Sébastien Rosset "Tourisme et terroir, un pari".

Vo

us parler du tourisme et du terroir ? Je vais simplement le faire à travers notre propre histoire. Nous sommes ici depuis 2 ans avec ma femme Julie. Pourquoi on s'est installés ici en Ardèche ? Julie était étudiante, moi, j'avais un boulot peinard. Quand on a décidé de s'installer, on a choisi un territoire plus qu'un terroir avec quelques critères bien définis : être à moins de 25 mn d'une sortie d'autoroute, avec des saisons, une agriculture possible, un bâti acceptable pour commencer à travailler tout de suite.

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Il fallait une dynamique locale, avec deux clientèles : l'une lointaine, l'autre locale. On peut dire que nous sommes satisfaits. Du point de vue touristique, l'Ardèche Verte a des avantages : ce n'est pas un tourisme de masse, on peut faire un accueil personnalisé. Nous avons 4 chambres d'hôtes, ce qui permet de connaître les gens qu'on accueille, de leur parler de notre métier, de leur présenter ce qu'il y a chez nous, par ex les 200 km de sentier pédestre. On n'aurait pas pu travailler sans cela. Il y a les activités de nectardéchois, d'un atelier collectif de découpe … qui permettent de nous faire participer. Pour l'insertion locale, la Ferme Auberge de Corsas partait d'assez loin, mais l'accueil a été bon, on s'est bien intégré. Pourtant, je me souviens d'une personne qui me disait : "je viens de Lamastre, je n'ai jamais pu m'intégrer à St Félicien" ! Quand j'ai posé ma valise ici, j'ai décrété que j'étais ardéchois. Ça ne se décrète peut-être pas. L'accueil en a été simplifié Les gens nous ont reconnu pour ce qu'on était et pour ce qu'on faisait. Il ne faut pas essayer d'être un miroir. Nos 4 chambres d'hôtes, une salle de restaurant pour 20 couverts, on produit 80 % des fournitures pour l'auberge. A deux on ne peut pas tout faire … volailles, cochons, maraîchage …en valorisant nos produits, on valorise le terroir. La meilleure façon de présenter le terroir, c'est bien de présenter nos produits et nos services.

La

valorisation de notre territoire ? On dit souvent : qu'attendent nos clients ? Mais peut-être pouvons-nous nous poser la question : qui sommes-nous ? En explorant aujourd'hui nos savoir-faire, nous nous sommes demandés aussi si nous pouvions mieux les valoriser. Alors oui, il y a des savoir-faire marchands que Pascal Magnier (maraîcher à Pailhares avec sa compagne Laurence … les Jardins d'Agrève) va développer pour nous.

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Entretiens • Partager Repas plein-air à la Ferme Auberge de Corsas avant les Entretiens.

Pascal Magnier "Savoir faire marchand, une nécessité de valorisation du terroir".

Po

urquoi s'intéresser aux savoirs marchands ? Alors que bien souvent l'idée de commerce est remplie de connotations péjorative :

• la suspicion, • l'hésitation, • la méfiance. « Il faut être marchand ou larron » Nous l'avons entendu tout à l'heure, nos amis des Semeurs de toit ont dit "nous sommes des artisans, pas des marchands". On sent bien la différence. La limite est mince entre l’honnête marchand et le brigand. Un autre exemple, nous avons , ici pas très loin un col, bien connu : le Col du marchand il a été débaptisé .

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Entretiens • Partager Il s’ appelle Col "Robert Marchand". J'adore la toponymie; le nom du col "du marchand", rempli d'histoire me faisait rêver : je voyais des hommes, de colonnes d'hommes, traverser ce col avec des marchandises en marchant. L'acte marchand est un acte fondateur : • Fondateur d'échanges • Fondateur de civilisations • Fondateur de connaissance C'est un acte noble, il apporte la paix et l'équilibre. • Équilibre entre ce qui manque et ce que l'on a en trop. • Équilibre entre ce que l'on sait et ce que l'on a besoin d'apprendre • Équilibre entre ce que l'on fait et ce que l'on fait faire. On voit très bien la noblesse dans cette idée d'équilibre des échanges. On ressent parfaitement cette noblesse dans la nécessite d'être habile dans l'art du négoce On entend la fragilité de cet équilibre quand on juxtapose les expressions : • Marchand de sable et marchand de sommeil. • Jouer à la marchande et marchand de tapis. Pourtant, c'est un art : "il faut être bon marchand". Nous avons tous besoin d'échanges, et nous avons à assumer, à regarder en face, à prendre à bras le corps cet acte marchand.

C'est la clef de nos activités, vendre est une nécessité : 68

Pour nous producteurs :

No

us avons à vendre notre production ; c'est notre revenu, c'est la rémunération de notre travail. Je précise ici, qu'avec Laurence, nous sommes des producteurs agricoles en petits fruits et plantes aromatiques, que nous transformons en totalité, à vendre localement et ailleurs). Nous devons penser et organiser notre production pour la vendre. Nous devons penser et optimiser notre travail pour sa valorisation.

Pour nous citoyens :

Av

ec nos besoins fondamentaux : se nourrir se vêtir...les besoins physiologiques, de sécurité, d'appartenance et d'accomplissement... selon la pyramide des besoins d'Abraham Maslow. Donc besoin d'équilibre entre l'offre et la demande. De cet équilibre va dépendre un bon nombre de satisfactions et le fameux " consommer local". L'enjeu de cette réflexion sur les savoirs marchands, au sein des Entretiens de terroir est là : reconquête du marché intérieur et bonne compréhension du consommer local.

Observons et essayons de comprendre les mécanismes de ces échanges.

Sc

hématiquement (et pour faire simple) il y a deux modes de vente : • La vente directe, les circuits courts. • Les circuits longs , la grande distribution. Pour la vente directe le vendeur doit se

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Entretiens • Partager poser une question simple :

Est ce que je vends ce que l'on m'achète ? ou Est ce que l'on m'achète ce que je vends ? Dans le premier cas on attend le client, dans le deuxième cas on va chercher le client. C'est l'attitude du vendeur, pour bien la comprendre, il y a une histoire racontée aux élèves de première année des écoles de commerces et des écoles de vente : "C'est l'histoire de deux représentants, d'un fabricant de chaussures, envoyés dans un pays africain. A peine débarqués, le premier expédie un télégramme (ici personne ne porte de chaussure, le marché n'existe pas, envoyez billet de retour) ; le deuxième expédie un télégramme (ici personne ne porte de chaussure, le marché est énorme, envoyez stock important)." Comment trouver pour cet acte marchand la posture juste ?

Sept pistes de réflexion.

Pi

stes, que j'ai entendues encore aujourd'hui, elles sont apportées par tous, c'est ce qui construit nos savoir-faire : • adaptation (comprendre ce qui se passe) • conscience (ici et maintenant) • authenticité (vrai, sincère, naturel) • sens différenciant (innovation), ainsi Isabelle Baldit de l'OT de St Chély a parlé hier soir de "l'innovation pour sauver la tradition" • valeurs (éléments culturels) • volonté (détermination, intention) • courage (ardeur, énergie dans l'entreprise). La vente directe utilise obligatoirement ce mode de réflexion.

Dans les circuits longs : la grande distribution, le schéma de réflexion est différent : Plus (il n'y a plus) de contact avec le producteur, le fabricant (les marques distributeurs) sont la négation de l’existence même du fabriquant.) Plus de confiance (obsolescence programmée, prime à la casse...). Plus de sincérité (du marketing manipulateur, du sur-emballage...). Plus de repère (panique complète à la barre, carrefour market, hard discount...) C'est un mode de distribution du passé, destructeur d'emplois et sans légitimité. Les cathédrales de la consommation sont devenues les labyrinthes des désillusions. Pour la reconquête du marché intérieur : Je dis aux producteurs « organisez des marchés pour la vente directe. » , nous avons créé une association les "Fermiers et Artisans de l'Ay au Doux", nous organisons des marchés à la ferme chaque année, et avons des projets d'autres manifestations. Je dis au public « organisez des marchés pour la vente directe. » demain par exemple, dans cette salle, il y aura une manifestation Terroir en Fête", nous y serons présents avec nos produits !

La vente directe…

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Entretiens • Partager … la plus belle et la plus vieille idée du monde.

Pe

ndant la transition et pour profiter de la pause qui va suivre, portez attention à l'exposition réalisée par la Frapna sur l'Espace naturel sensible des gorges du Doux et de la Daronne, … profitons-en aussi pour saluer les membres du Collectif Citoyen du Pays de St Félicien, qui œuvrent, entre autres, à l'approvisionnement local de la restauration collective, une forme de valorisation des produits du terroir. Pascal Magnier a démarré son intervention tout à l'heure par le marchand et le larron et la termine par le serpent, Eve et la pomme. Nous hésitons entre la connaissance et le péché ! L'authenticité ? Etre naturel ? Sommes-nous naturels ? Sommes-nous des êtres de cultures ? Oui, nous échangeons, nous nous parlons, nous sommes dans une, dans des cultures qui s'inscrivent dans l'histoire. C'est à quoi va nous introduire Marc Nouaille, de l'association Parlarem en Vivares, autour de la question : le patois (qu'un groupe a relancé à St Victor autour de Jean Dodet, ici présent, bravo Jean !) … le patois, donc est bien une langue, mais de quelle langue parlons-nous ?

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Marc Nouaille Le "patois", une langue, une culture. Association Parlarem en Vivares

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Entretiens • Partager

Le

premier titre de mon intervention, quand Jacques nous a sollicité à Parlarem, était : "le patois, une façon de dire le pays" … … puis c'est devenu : "le patois, une langue, une culture"… Nous allons prendre les deux aspects de la question.

D'abord, faisons parler les cartes.

J'

ai d'abord pris une carte d'état-major et regardé les noms des lieux, c'est ce qu'on appelle la toponymie. Commençons par les arbres dont ont parlé Luc ou Jacquot Vey : • Le fau, le fayard, le hêtre … du latin fagus. • la croix du fraysse : le fraysse, le frêne, du latin fraxinus. • Sapet : un lieu planté de sapins. • L'haume, nous avons beaucoup de lieux ainsi nommés. Qu'on écrit faussement "l'homme". Il s'agit de l'orme. Dans le Pilat il y a le col de la "croix de l'haume mort", ce n'est pas un lieu où un homme est mort mais celui d'un orme mort qui peut rester ainsi sur pied très longtemps. On pourrait trouver encore : le roure, le besset, sauze …

Pour les plantes, on va trouver par exemple : • Chalayes : les fougères. • Chenevier : le chanvre, dans les textes, on s'aperçoit qu'on cultivait beaucoup la plante, pas pour la fumer, mais pour en faire des tissus. • Mahussier : la fraise.

Noms liés à l'eau, la pêche, souvent sous la forme de : • Font : source, fontaine … sous la forme fontfreyde (source froide), fontanet, fontbonne (bonne source). • Béalière : une bialière, un petit canal pour irriguer les prés.

En géographie : • Serre : du Sarzier, du Chirat blanc (à St Symphorien, Nozières …). • Chirat : un gros tas de pierres, non organisé, une sorte de glacier de pierres qui avance, un "chier" pourrait-on dire (il y a un chirat blanc à St Victor). • Tracol : tracoulat, passer de l'autre côté. • Montpeyroux : mont pierreux.

Pour le travail des hommes : • Meallier : apiculteur pour le miel. • La Pras : la prairie. • Mazel : c'est un abattoir ou bien, dans la mémoire collective le lieu d'un massacre. • Chazalet : une vieille maison, une masure, quasi en ruine. • Malgaret : maugarai dans la langue du pays, du français guéret, terre labourable et donc le malgaret, labourable certes mais difficile. • Meije : le médecin, le guérisseur et le lieu où ils "officiaient", probablement de père en fils, de mère en fille.

… Nous pourrions continuer longtemps …

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Entretiens • Partager Un peu d'histoire.

La

plupart de ces mots viennent du latin … … pour faire très vite, nos ancêtres les Gaulois parlaient leur langue … les Romains sont arrivés dès 120 av notre ère. Jules César achève la conquête et accélérait l'assimilation du Gaulois par le latin. Sur la carte d'ailleurs on peut reconnaître déjà l'Ardèche avec les Helviens. Sous la domination du latin, les langues vont se mêler, dont la nôtre.

l'on parlait cette langue. C'était donc la langue qui donnait son nom au pays. Les Occitans sont ceux qui parlent occitan, qui habitent là où cette langue existe. L'occitan c'est partout dans le sud, sur 32 départements ? En Provence, en Béarn ou à St Agrève. C'est une langue qui est une avec des variantes. C'est un peu comme le vin : on reconnaît le vin quand on en voit,mais le terroir, les façons de le faire vont apporter des différences, mais c'est toujours du vin. L'occitan c'est le nom général, mais l'on a ici et là différentes façons de le prononcer. Sur la carte, on voit une ligne, sous cette ligne, il y a une façon de parler l'occitan. Vous voyez l'Ardèche entre le sud et le nord occitan, avec Félines, par exemple sur la limite, classé dans le franco provençal. Cette langue peut paraître ne plus servir à rien, elle disait le pays mais elle peut le dire encore pour valoriser.

L'occitan et l'économie.

Le Notre langue, alors ? Le patois ? Il nous faut classer un peu plus précisément pour nommer. Les Bretons aussi parlent leur patois. D'abord le patois, c'est bien une langue, qui permet à une communauté humaine de communiquer. Alors cette langue ? L'occitan ! Pourquoi ? Cela remonte au Moyen Age. Une fois que le roi de France a conquis tout le sud , il s'est aperçu qu'il y avait un partage assez net en deux parties : au nord de la Loire, les pays de langue d'oil et au sud les pays de langue d'oc. Ce qui est lié à la façon de dire oui, qui vient du latin : oc, cela est. Quand l'administration royale écrivait en latin : lingua de oc, lingua occitania puis Occitania qui désignait tous les pays où

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point de départ : une enquête en Midi Pyrénées. On voit un symbole : la croix "occitane", au départ la croix de St Gilles en Provence, qui est parti dans le Comté de Toulouse et avec des mots ou symboles en occitan. Première question : est-il intéressant que des produits soient repérés avec ces symboles ? La réponse majoritaire est oui ! Est-ce que cela vous incite à acheter ? Est-ce que cela peut valoriser les activités touristiques ?

La conclusion.

Il

y a ce qu'on appelle la demande sociale et donc des opportunités, ce qui contraint à organiser une démarche collective de pays autour de son image. Il peut y avoir une image vieillotte mais construire une identité a une grande importance, surtout quand on pense aux

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Entretiens • Partager nombreux touristes de toute l'Europe que nous accueillons et que nous souhaitons accueillir. Précisons si besoin est que "notre" occitan en vaut un autre !

"Oc per l'occitan", un label.

Ma

intenant on va parler d'un expérience qui marche. Aujourd'hui il existe un label "oc per l'occitan" initié par l'Institut d'Etudes Occitanes (IEO) Il s'est appuyé sur l'enquête précédente.

pays avec du fédéralisme, avec des langues minoritaires. La France c'est aussi la diversité ! Il y a trois niveaux dans le label "oc" . Un exemple remarquable : le supermarché Auchan qui est au niveau 2 du label avec des employés qui parlent l'occitan ! Ou l'agneau fermier du pays d'oc et une publicité en occitan. En Ardèche, il y a le Musée protestant de Pranles, labellisé au niveau 1. Vous trouverez de nombreux documents sur la table de presse à l'entrée.

Me

rci Marc, que nous retrouverons tout à l'heure pour la soirée musicale autour de l'évocation de Marie Mourier. Auparavant il y aura le repas terroir, que nous pouvons imaginer en occitan. Marc Nouaille nous a indiqué la table de presse avec les documents occitans. C'est l'occasion de signaler au cas où vous ne l'auriez pas encore rencontré, notre libraire Luc Julien de la Librairie du Grillet à Tournon qui vous propose des livres en lien avec le thème d'aujourd'hui.

La démarche du label.

Po

ur répondre à une demande dans une offre nationale, j'affirme ma différence. Le visiteur peut trouver ici ce qu'il trouve chez lui, d'une autre façon, sous une autre forme et qu'il partage avec moi. On le voit dans un certain nombre de bistrots. Ah oui, ça on le voit chez nous ! Tous les pays n'ont pas la même organisation que la France : ainsi des

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Entretiens • Partager

M

aintenant, nous arrivons à la synthèse, improvisée en direct, on dirait "en layve" en patois anglo-saxon, préparée par notre géographe Gilles Fumey. Nous pourrions dire, certes, que, la géographie ça peut servir "à faire la guerre", mais ça sert aussi, selon ses propres termes "à aimer le monde".

… en guise de synthèse et de perspectives … Gilles Fumey… Ce que j'ai retenu cette après-midi …

Nous avons parlé de temps …

… Le

passé, la préhistoire même. Peut-on comprendre le futur avec ça, l'Ardèche va-t-elle nous survivre ? J'ai été frappé par la présence des jeunes, mais ici même les vieux sont jeunes, et je crois à une transmission réussie. Qu'est-ce qui se transmet et comment ? Par exemple le pain blanc que vous avez connu dans vos campagnes, inventé par Louis XIV, à 45 ans il n'avait plus de dents, alors pour manger le pain, lui qui était très gourmand, avait commandé au boulanger ce qu'on appelle des "baguettes" de pain blanc qu'on a trouvé dans nos campagnes bien plus tard… on l'a réinventé dans les villes. Au moment où le pain de campagne disparaît, on le retrouve dans les villes, avec le pain aux céréales, aux 5 céréales même. Lorsque les choses sont prêtes à disparaître, il y a des gens qui sont prêts à les reconstruire. C'est comme pour les églises : au moment où il n'y a plus de curés, on rénove les églises. Au moment où les derniers qui parlent occitan vont disparaître, on invente des feuilles, des journaux en occitan. Nous avons rencontré des frontières, même dans l'exposé sur l'histoire, on rencontre des frontières mais on ne savait pas très bien où était l'Ardèche. Autour d'un bassin versant ? St Félicien n'est pas le même selon les époques, on ne sait même pas s'il est en Occitanie. Vous réfléchissez sur votre territoire et vous le faites parler, il n'y a pas seulement de la poésie avec des mots, mais avec des pierres, des charpentes. C'est la première chose !

Nous avons parlé de distance … 74

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… En

suite, nous en avons parlé à propos des décès qu'on lit dans le journal et qui motivent des déplacements, vous avez beaucoup parlé de distance : c'est pas trop loin, c'est pas trop près. L'Ardèche est comme la France de Vidal de Lablache (note n°6), ce fameux hexagone en pays tempéré. On peut se demander d'ailleurs, entre neige et canicule si l'Ardèche est si tempérée, avec toute sa diversité. Mais quand on fait des moyennes, cela peut cacher beaucoup de différences. Mais ce qui ressort, c'est l'idée d'harmonie, d'un territoire harmonieux. Cette distance vous obsède : le local ! Le local ! Le marché local, la vente directe … c'est une recomposition du territoire. Avec l'Ardéchoise par exemple, c'est peutêtre le dégoût de la bagnole. C'est vrai que vous avez des routes mais plutôt des routes à pied, à vélo. Ces routes qui tuent les jeunes le samedi soir, c'est passé.

Qualifier un territoire ?

En

suite la question de la qualification. On m'a reproché mes sarcasmes sur l'Ardèche verte, qui l'est effectivement. Vous avez parlé de la montagne, c'est impressionnant pour quelqu'un qui a vécu à 400 m, 800 m c'est la montagne ! La forêt disparaît, réapparaît; est-ce la même forêt ? L'Ardèche agricole, apicole aussi, le domaine apicole : je suis les abeilles en fonction des floraisons. Quels paysages vont me rendre les abeilles ? Quel paysage y a-t-il dans les petits pots de miel ? Le châtaignier que je vais manger avec ma confiture à des milliers de km de là, il sent l'Ardèche. Quelle est notre architecture ? Ce bel exposé sur l'architecture. Est-ce une question de mode ? Plutôt un millefeuilles, des choses que nous ajoutons. Alors ça change, les enfants que nous

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Entretiens • Partager avons faits, ils vont penser le monde autrement que nous. Forcément nous avons été la génération du formica, du néon … alors aujourd'hui ? dans 20 ans ? Notre pays, un pays marchand ? Même si certains disent qu'ils ne sont pas marchands, c'était intéressant cette confrontation tout à l'heure. Qui sommes-nous ? Nous sommes tout cela ! Nous voulons mettre l'Ardèche dans le bocal, dans la châtaigne, dans l'Ardèche Verte. Pour moi - un étranger - au sud de Lyon, c'est sec ! Mais ce n'est pas tout à fait cela !

spécialisation. Il y a beaucoup de coups de griffes contre la vallée du Rhône. Vous êtes dans la montagne, la montagne sacrée de l'Ardèche. Vous ne choisissez pas la spéculation, la spécialisation pardon ! Vous jetez un regard sur les pierres, sur les arbres, Daniel nous en a parlé, sur les paysages, sur cet art de vivre. On le voit avec l'Ardéchoise, je croyais que c'était une femme qui venait de l'Ardèche, mais non, c'est mettre son derrière sur son vélo et se balader sur ces routes particulièrement peu accessibles.

Nous avons questionné l'innovation.

La conscience de votre richesse.

En

Il

fin, l'innovation … ceux qui rhabillent les maisons, Mickael et Claire, qui sont frileux peut-être et qui mettent des manteaux sur les maisons ? Mais surtout, pour être sérieux, qui arrivent dans un lieu et qui savent que ce qui était valable hier ne l'est plus aujourd'hui. On le voit avec la perception que l'on a de la pierre, du bois. Ceux qui ont vraiment choisi la meilleure solution écologique en pays froid, ce sont les Québécois, avec le bois. Ici c'est plutôt la pierre, elle est là, il faut se débrouiller avec. Dans l'innovation, il y a tout un jeu avec la tradition. Regardez comment les grandpères sont revenus dans la publicité, les grand'mères dans les bocaux, les recettes. Cette tradition nous rend libre de ce qui est moderne. Par exemple, le Douglas est devenu écologique, c'est incroyable, alors qu'il était l'horreur absolue. Vous avez réussi avec un peu de peinture verte à le rendre écologique. Les planches parlent, Luc nous l'a dit. Quand bien même vous seriez dubitatifs sur ce que vous avez transmis. D'ailleurs quand on vous enterrera, vous serez dans des planches. L'innovation, c'est ne pas choisir la

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y a eu une prise de conscience de votre richesse, vous dites bien souvent "moi je", ce n'est pas individuel mais collectif. L'Ardèche c'est une enveloppe culturelle très forte, avec une présence forte des saints : , St Victor, St Félicien, la félicité, la paix. Vous voyez, même si le fromage St Félicien n'est pas fabriqué ici, il est bon. C'est comme la madeleine de St Flour. Quand on fait de la toponymie, on voit que le mot fait la chose. Je pense qu'à St Félicien il n'y a pas eu d'homme de guerre ! Avec Félicien, Félicité, le bonheur, ce n'est pas possible ! J'ai fait un article dans Libération après l'élection de François Hollande sur le thème : "comment un pays peut choisir un président avec un nom étranger ?" … Terroir est associé avec culture, on sent ici une vraie culture, le terroir, pour moi, c'est la culture. Vous êtes un pays de forte culture. André Sigfried, parlait de l'Ardèche du granit, les Ardéchois sont un peu comme les Bretons, avec la tête dure. Ce que vous avez fait, aujourd'hui, avec Jacques et Eric, c'est vraiment beau. Merci pour ces moments.

Actes des Entretiens du Terroir • Octobre 2012


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Vo

us avez tous une pochette "Livret du participant" et vous avez pu y lire le projet d'une brochure mise à disposition dans les mairies et à l'Office de tourisme. Elle rendra compte de tous les apports de ces Entretiens. Ensuite, je voudrais vous rappeler la mise en place d'un Comité de pilotage pour organiser ces Entretiens. Même si on me nomme souvent, c'est bien toute une équipe qui a permis la réalisation de ces journées. S'il y a des volontaires pour poursuivre le projet avec nous, c'est bien, notamment pour un séminaire, un moment et un lieu pour semer, que nous allons organiser en début d'année 2013. Il s'agit bien de construire notre "panier de biens et de services". Eric Barraud, nous propose quelques perspectives en guise de conclusion.

…Eric Barraud

Ef

fectivement ce sera plutôt une ouverture à l'avenir qu'une conclusion qui évoque une clôture. Je voudrais revenir sur la définition délicate du terroir qui est évoquée dans le "Livret du participant."

Je me souviens…

…Q

uand nous avons ouvert le premier forum Planète terroirs sur l'Aubrac en 2006. Les gens qui arrivaient avant, ça paraissait le désert : des cailloux, quelques vaches …le premier mot d'un témoignage d'une personne qui montait de Rodez en arrivant sur l'Aubrac "il y a une âme !". Au bout de ces deux journées ici, j'ai vu beaucoup de talents, de passion et aussi d'émotion partagée. On peut dire qu'il y a une âme à ce pays et dans la définition du terroir que nous avons bâtie avec l'Unesco, il y a la communauté humaine, la "pâte humaine". Elle est là, dans les Entretiens, dans la soirée chants et musiques de ce soir. (Voir note n°7).

Passions, savoir-faire, produits …

… Le

"caillé doux de St Félicien", deux producteurs, deux producteurs en France ! Mais quelle valeur, on peut construire avec ça, avec les apiculteurs, les métiers du bois … il y a un vrai potentiel sur ce territoire, y compris avec le savoir-faire marchand à mettre en œuvre non pas pour le marchandiser, pour un quelconque "terroir-caisse", mais pour une valorisation économique et culturelle. C'est ce qui nous attend avec le séminaire, fait pour semer comme nous l'avons déjà dit. Nous avons commencé aujourd'hui, ce qu'on appelle dans notre méthode de construction de terroir : "enquête participative", en-quête en deux mots pour bien en marquer la quête, la recherche, le projet.

Actes des Entretiens du Terroir • Octobre 2012

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Entretiens • Partager Un puzzle ?

Au

jourd'hui, nous avons posé sur la table tous les éléments du puzzle. Et la diversité des pièces est magnifique ici au Pays de St Félicien, avec le St-Félicien, porteur de valeurs en luimême. Alors rassembler ce puzzle, dans quelle langue, sur quel territoire précis ? C'est ce que nous allons tenter de faire lors de ce prochain séminaire. Nous savons bien, à Terroirs et Cultures, que nous faisons le chemin en marchant, et vous dire le plaisir que j'ai ressenti en le faisant avec vous, pour la dynamique globale qu'il nous faut amplifier. Je reviens sur l'image du puzzle : on part d'une image qu'il faut tenter de reconstituer avec les pièces dont on dispose. Pour le terroir du Pays de St Félicien, comme pour d'autres terroirs en construction, nous avons les pièces mais nous ne savons pas quelle sera l'image finale. Je voudrais vous donner l'exemple d'une coopérative sur les Costières de Nîmes, Univert, qui souhaitait faire une communication. Nous avons d'abord réfléchi au projet et nous verrons ensuite comment communiquer. D'abord quel est le panier de la coopérative ? Il y a bien sûr toujours la demande de savoir où l'on va, quels sont les objectifs, les résultats attendus, le chiffrage …mais on ne sait pas où cela va nous mener exactement. Eh bien, dans le chemin que nous avons initié, les coopérateurs en sont venus à compter les oiseaux sur leur territoire, non pas

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simplement pour les compter, mais pour mesurer la biodiversité, nécessaire à leur action autour de l'agriculture biologique qu'ils pratiquent déjà. Une coopérative, structure économique, marchande ! On aurait pu penser qu'il fallait être dans le concret, et pas dans les oiseaux ou les petites fleurs. Et pourtant, la biodiversité est bien entrée comme facteur de développement du projet et de la coopérative. Alors, le puzzle, ici au Pays de St Félicien ? L'image finale ? Il y a un risque qu'il nous faut assumer, d'autant qu'il vaut le coup d'être tenté. Un grand merci à Jacques de l'avoir pris et d'en avoir assumé la conduite.

Me

rci Eric, nous arrivons au bout des Entretiens, vous avez compris que c'est une première étape. On va maintenant se retrouver autour d'un repas vraiment "terroir" proposé par les Fermiers et Artisans de l'Ay au Doux avant la soirée animée par l'association Parlarem en Vivares, autour de l'évocation de Marie Mourier et j'adresse un salut discret aux membres de sa famille ici présents.

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Entretiens • Terraire

2.3. Terraire Un menu Terroir par les Fermiers et Artisans de l’Ay au Doux. Vespraa daus Entretens Une soirée textes, chants et musiques avec Parlarem en Vivares.

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Entretiens • Terraire Parfois on parle d’une troisième mi-temps, sujette à quelque débordement. Ici c’est le tiers temps des Entretiens, celui de la rencontre autour d’une table ou d’une guitare, en amitié.

Un menu terroir Par les Fermiers et Artisans de l’Ay au Doux. zy Carottes rapées et tomates cerise de Richard Champion des Jardins du Fraysse
 • Pâtes fraiches aux légumes de saison de Florence & Alex Frattini • Pain d'épice de Jonathan Villlien ferme des Genets accompagné de Sorbets des Jardins d'Agrève. • Vin et jus de fruits … du Pays , évidemment !

zy

POT-AU-FEU

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N’insulte pas le pot-au-feu, Richard aux luisances prospères, Ce mets qu’on dira bientô feu … Fut le délice de nos pères.

Plat populaire s’il en fut Et que seul le perverti boude ! Coupe une tranche, tire au fût Et savoure – en levant le coude !

Il n’est point œuvre de marauds, Exige des soins de nourrice : Thym, choux, carotte, oignons, poireaux, De la viande sans avarice !

Poème de Charles Forot Dans "A la dixième Muse, Poèmes gastronomiques", 95p, Le Pigeonnier, 1966 .

Et cuis-le lentement; sens-tu La bonne odeur fumante ? il semble Que ce bouillon prend la vertu Des chairs et des jardins ensemble.

Signalons au passage que l’association Chantelermuze a instauré, en 1994, le pot-au feu comme plat central de sa fête annuelle.

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Entretiens • Terraire • Quand èro petiotona Vespraa daus (chant Huguette Betton) chanson où Marie raconte sa vie Entretens dau Une heureuse de petite fille dans une ferme Terraire de Sant tout là-haut au-dessus de Vaudevant. • Quand 'navo a l'escòla Farciá (lecture par Monique Besset) 1/ Hommage à Marie Mourier

Un poème, qui est aussi une chanson, où Marie parle de sa vie de petite écolière.

Des chansons, des poèmes, des histoires écrites par Marie …

• Ma viá (lecture par Gérard Betton) Ma Vie. Le poème qui ouvre le livre de Marie : "Ma vie, je l'ai bien passée sans faire d'embarras..."

• Una velhaa de soliá (chant par Huguette Betton) Une veillée d'autrefois : les voisins arrivent, on parle des dernières nouvelle du pays, on raconte des histoires à faire trembler les enfants tout en rempaillant une chaise ou raccomodant des chaussettes..

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Entretiens • Terraire Petita istoara (lecture par Marc Nouaille) Marie savait aussi raconter avec humour les petites histoires drôles qui lui arrivaient. Lo Chaton de la vielha (Marc Nouaille) Elle était une excellente chanteuse. "Le Chaton de la vieille", une chanson traditionnelle qu'elle savait interpréter, une sorte de blues de chez nous...

Lo Popon (Huguette) Une berceuse, celle-ci due à l'Abbé Justin Bessou, un Rouergat, qu'elle interprétait dans une version ardéchoise. Mystère des transmissions des chansons à travers l'Occitanie !

… et quelques chansons à deux voix … … des chansons traditionnelles… • Veiquià lo genti mes de mai (Vivarais) Une chanson de Mai : "Voici le joli mois de mai..." • Los tres dalhaires (Vivarais) Une histoire d'amour entre un jeune faucheur et une faneuse...

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Entretiens • Terraire • Lo molin (Auvergne)

• Trifolon (M.Nouaille)

Plus tragique, ce bonheur brisé par la guerre entre un meunier et sa meunière...

La tome, le picodon, les " trifoles" (pommes de terre), l'agriculture ce n'est plus aussi simple. Les semences qu'on ne peut réutiliser, les brebis "éprouvette"... à quand le vin sans soleil, les fruits sans fleurs... et les enfants sans faire l'amour ?

• Lo Tint dau molin (Provence) Les histoires de meuniers sont parfois plus joyeuses et plus coquines... • Lo Pont de Mirabel Une chanson connue dans toute l'Occitanie et au-delà : Catherine lave sa lessive sous le Pont de Mirabel, viennent à passer trois cavaliers…

… et des textes plus actuels…

• Chantem lo mai (M.Nouaille) Et une chanson de mai nouvelle pour terminer : "Dans le monde en guerre, le printemps tarde à venir. Mettons-nous au travail, nous ferons le mois de mai."

• Au cafè daus país (M.Nouaille) De l'importance des cafés de pays : "Au café du pays, pas de vin de messe mais le vin des amis..." • Sovenir (sur un poème de Marcel Mouly, musique M.Nouaille) Souvenir d'amours champêtres : "Mais dis-moi, pourquoi m'as-tu quitté ? • Lo secret de la sàuvia (Le secret de la sauge) (M.Nouaille) Et si les légendes d'autrefois n'étaient pas que des histoires pour les enfants ?Une histoire d'afars, ces petits personnages qui hantent les "bornes" du pays...

Oh

é ! troubadours ! Merci pour ce voyage … allons dormir sous les étoiles qui illuminent nos rêves…

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Ressources en chemins de Terroir Les paysages disent-ils quelque chose des terroirs ?

Maroc Chaouen Rif Aubrac

Dentelles Montmirail

Deir El Ahmar Liban

Valloire Nyonsais

Pays de Saint-FĂŠlicien

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Ressources en chemins de Terroir

3. Ressources pour un chemin de Terroir Terroirs du monde Projet terroir du Pays de Saint-FÊlicien, chemin Ressources sociales & documentaires Actes des Entretiens du Terroir • Octobre 2012

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Ressources en chemins de Terroir 3.1 Terroirs du monde avec Terroirs & Cultures International

Terroirs & Cultures International : une association des possibles du monde.

3.2 Pays de St Félicien : Un projet, un terroir, un chemin

Es

Une association des possibles du monde.

Eléments pour un chemin de terroir.

Un comité de pilotage, un "panier de biens et services", une enquête participative, une Opération Rurale Collective, Terroirs en fête, Approvisionnement local de la restauration collective.

Le Pays de Saint-Félicien entre nature et culture.

Un Espace Naturel Sensible en 3D : Daronne, Doux, Duzon.

3.3 Ressources sociales & documentaires

Ressources vivantes. Bibliographie…à compléter par le lecteur.

3.1 Terroirs du monde.

Le

projet "Terroir Pays de St Félicien" peut s'inscrire dans une mondialisation, dans l'un des aspects de la mondialisation : la valorisation des spécificités de territoires du monde, dans les rapports entre des communautés humaines et leur milieu. Ces spécificités s'expriment dans des "terroirs" (voir définition Unesco) dont l'expérience est partageable. Cette forme de mondialisation relie l'affirmation d'identité et de spécificité à l'ouverture au monde par l'échange.

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t une animatrice de ce mouvement. Elle a initié avec l'INRA et l'Unesco cette définition du terroir :

"Le TERROIR est un espace géographique délimité, défini à partir d’une communauté humaine qui construit au cours de son histoire un ensemble de traits culturels distinctifs, de savoirs, et de pratiques fondés sur un système d’interactions entre le milieu naturel et les facteurs humains. Les savoir-faire mis en jeu révèlent une originalité, confèrent une typicité et permettent une reconnaissance pour les produits ou services originaires de cet espace et donc pour les hommes qui y vivent. Les terroirs sont des espaces vivants et innovants qui ne peuvent être assimilés à la seule tradition." 15 Novembre 2005 - Siège de l’UNESCO, Paris.

El

le a créé le concept d'Entretiens du terroir comme moment de mobilisation des acteurs locaux autour de la construction de leur terroir. Elle a mis au point une méthode, toujours critiquable et améliorable pour un "chemin de terroir" particulier à chaque territoire. C'est notre partenaire central dans le projet "Terroir du Pays de Saint-Félicien". Afin de développer les liens entre les terroirs du monde, de s'enrichir mutuellement des expériences, Terroirs & Cultures International organise des Forums "Planète terroirs" :

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Ressources en chemins de Terroir

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Ressources en chemins de Terroir

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Ressources en chemins de Terroir

Et le 4ème Forum International Planète Terroirs vient d'avoir lieu à Dakar du 5 au 7 mars, en partenariat avec les organisations rurales et paysannes de l'Afrique de l'Ouest.

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Ressources en chemins de Terroir projet en faisant le lien entre les différents 3.2 Pays de acteurs autour de la CC Pays SaintSaint-Félicien : Félicien. un projet, Pour ces premiers un terroir, Entretiens, le Comité de pilotage était un chemin.

Le

projet de Terroir est initié et financé par la Communauté de communes du Pays de Saint-Félicien, il est subventionné par le Conseil Régional Rhône Alpes dans le cadre du Contrat de Développement Durable du Pays Ardèche Verte. Un partenariat a été établi avec l'association Terroirs & Cultures international à l'origine du concept des Entretiens. Les Entretiens du terroir du Pays de Saint-Félicien en Ardèche verte sont la première borne sur un chemin qui peut prendre plusieurs années et qui vise à valoriser, ensemble, dans leurs liens entre eux et avec le territoire sur lequel ils s'exercent, les savoir-faire et les produits mis en œuvre par les "habitants entrepreneurs" du pays de Saint-Félicien.

3.2.1 Eléments pour un chemin de terroir. Un comité de pilotage.

Po

ur préparer la première édition des Entretiens du Terroir, nous avons constitué un Comité de pilotage. Son objectif : assurer l'avancée concrète du

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constitué de :

CC Pays de Saint-Félicien : Christian Astier, Jacques Deplace, Fabien Dumont, Alain Gleizolle, Luc Sovignet.

Terroirs & Cultures International :

Eric Barraud (délégué général).

Office de tourisme du Pays Saint-Félicien : Jean Marc Regal (pdt), Damien Mathieu.

Associations : Chantelermuze Henri Fabre. Fermiers et Artisans de l'Ay au Doux Pascal Magnier. Parlarem en Vivares Marc Nouaille.

SCI Nectardéchois : Rémy Sapet.

Et aussi :

Daniel Rouchier.

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Ressources en chemins de Terroir

La

composition du Comité de pilotage n'est pas figée. Il est ouvert aux volontaires dans le cadre de l'engagement à participer aux choix en s'investissant dans l'action.

Les Entretiens du Terroir n°1 (19-20 octobre 2012).

Do

nt vous avez le compte-rendu intégral sous les yeux.

Un séminaire de travail pour un "panier de biens et services" spécifique du Pays de Saint-Félicien.

No

us l'avons appelé "séminaire", ce qui peut apparaître un peu solennel mais nous souhaitions garder l'idée du séminaire, semeur labourant un terrain à ensemencer pour de futures récoltes.

Rassemblant le samedi 26 janvier 2013 une dizaine de personnes volontaires pour continuer à élaborer le projet sous l'animation de la Communauté de communes du Pays de St Félicien Il a réfléchi sur la notion de "Paniers de biens et de services" à partir des travaux de chercheurs : Amédée Mollard (INRA UMR GAEL Grenoble), Bernard Pecqueur (Université Joseph Fourier Grenoble), Laurence Berard et Philippe Marchenay (CNRS, Pôle Alimentec de Bourg en Bresse). Un "panier de biens et services" est l'expression de l'offre spécifique d'un territoire d'un ensemble de produits (biens et services) valorisés ensemble, dans une identité de territoire construite dans l'histoire. Chacun de ces produits pris séparément peut n'être pas spécifique du territoire, peut être valorisé dans sa filière (fruits, lait, fromages, meubles, hebergement …), notre paysage de moyenne montagne ne nous est pas spécifique. Pourtant, tous ces produits, dans ce paysage, lorsqu'ils sont liés entre eux et au territoire donnent une unité globale spécifique. On dit parfois que "le tout est plus que la somme des parties". En voilà une bonne illustration. C'est en cela que nous parlons de "terroir". Nous pourrons stabiliser ce panier, lui donner plus de consistance, par un cahier des charges (ou vu en dynamique "cahier des ressources"), une sorte de charte de qualité commune. Ainsi demain un label, une marque territoriale "Terroir Pays de Saint-Félicien" ? Qui nous rendrait fier d'habiter ce pays et qui donnerait aux

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Ressources en chemins de Terroir

visiteurs (touristes d'un jour ou habituels, cyclistes de l'Ardéchoise …) une image globale de notre richesse d'accueil. Lors du séminaire, nous avons ébauché ce que pourrait être ce "panier". C'est une ébauche, simplement, que nous invitons les habitants de ce pays à alimenter, notamment à l'occasion de l'enquête participative (voir ci-dessous).

Une enquête participative (mars-mai 2013).

Af

in d'établir au mieux les bases du projet, il nous faut d'abord faire le point sur les études existantes : historiques, économiques, culturelles … comme une sorte de consultation de la bibliothèque du pays. Il nous faut ensuite enquêter sur le terrain auprès des acteurs d'aujourd'hui pour connaître au mieux leur savoir-faire, leurs produits,

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leur perception du "terroir" … et pour les stimuler à participer au projet qui ne peut se faire sans eux, c'est en ce sens que nous l'appelons "participative". Ce type d'enquête a des contraintes, une ou des méthodes déjà expérimentées ailleurs. Elle sera menée par une étudiante en mastère 2 de sciences politiques à l'Université Lyon 2 (Andréa Blanchin). Le comité de pilotage en assurera la direction générale et le suivi quotidien sera assuré par le chargé de mission économique (Jean Pol Badouard).

Une piste centrale à explorer.

No

us disposons déjà de quelques éléments "historiques" dont le "caillé doux de Saint-Félicien" peut être l'emblème. C'est le seul fromage qui porte ce nom en étant élaboré sur place … même si les producteurs actuels se trouvent

Actes des Entretiens du Terroir • Octobre 2012


Ressources en chemins de Terroir sur le Val d'Ay ! Ses contraintes d'élaboration en font un produit rare, plus rare aujourd'hui qu'hier mais, pourquoi pas moins rare que demain ? Au moment des difficultés des livreurs de lait de chèvre et de leur laiterie sur les quantités comme sur les prix, une valorisation fromagère, par le "caillé doux" peut être une opportunité de valeur ajoutée appropriée par les producteurs, durable par son lien au territoire et son marquage de qualité. Ceci sans ignorer évidemment le picodon (AOP en caillé lactique sur une zone couvrant pratiquement les deux départements de l'Ardèche et de la Drôme). Il ne faut pas réduire les fromages à ceux de chèvre. Nous trouvons sur le marché paysan du dimanche à St Félicien des fromages frais ou affinés de vache, et même "la tomme en salade" préparée avec l'huile de colza et qui accompagne traditionnellement les pommes de terre dans nos repas "terroir". Un aperçu de différents fromages locaux et "voisins" en leurs dénominations diverses à différentes échelles de fabrication. Un aperçu qui nous indique peut-être quelques pistes pour la "re-localisation" de nos fromages et l'importance de la dénomination pour une meilleure valorisation des savoir-faire.. En donnant place centrale au fromage et son marquage Saint-Félicien, il s'agit de voir la dynamique que cela peut entraîner pour le projet "terroir" avec l'ensemble des produits et savoir-faire.

El

le n'était pas présente aux Entretiens, et pourtant, avec le châtaignier, l'arbre à pain, elle a occupé une place importante dans la vie paysanne de notre région (et d'ailleurs ! Pensons à la terrible famine en Irlande de 1846 causée par le

La truffole, "notre" pomme de terre : un ancrage historique à reprendre ? Actes des Entretiens du Terroir • Octobre 2012

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Ressources en chemins de Terroir mildiou … et la domination anglaise). Il semble bien que la pomme de terre soit arrivée pour la première fois en France à St Alban d'Ay dès 1540. Le tubercule fut ramené "d'Amérique" (que nous Européens avons découvert, quelques milliers d'années après d'autres, en 1492) par un "moine". Olivier de Serres la mentionne sur les marchés d'Annonay sous le nom de "cartoufle". Une association de producteurs de pommes de terre s'est montée il y a une vingtaine d'années autour d'une valorisation commune de leur production sous le nom de … "Truffole" ! Aujourd'hui en sommeil mais demain ??? La station de métro "Parmentier" à Paris fait une présentation de l'histoire de la pomme de terre dans le monde. Lorsque vous irez dans la capitale (!), notre plus grand chef-lieu de canton, n'hésitez pas à y faire un arrêt.

sollicitations que vous leur faites. Ce sont aussi, évidemment, des savoir-faire mis en valeur dans leurs produits et leurs services.

Terroir en fête !

C'

est le titre, qu'à l'initiative de la Communauté de communes nous avons donné à l'ensemble des manifestations villageoises liées à l'agriculture sur le pays. C'est une sorte de "fédération" , avec dans chacune des 7 communes une particularité de thème et d'organisation. Ici un Comité des Fêtes, là la commune, là encore une entreprise coopérative.

L'ORC ? Qu'es aco ?

C'

est une Opération Rurale Collective, initiée par la Communauté de communes du Pays de Saint-Félicien qui a pour objectif d'aider les artisans et commerçants à améliorer leur qualité d'accueil ou de travail, le lien entre eux, leur communication. Ils jouent un rôle très important sur notre pays dans la valeur ajoutée économique comme dans la vie sociale. Leurs compétences participent sans que le mot soit encore employé à la dynamique du projet "terroir". Indiquons ici qu'avec l'association des artisans et commerçants du Pays de SaintFélicien, ils organisent au mois de mai un Salon de l'Habitat auquel les habitants sont conviés. Allez les rencontrer ! Et profitez de la qualité de leur travail dans les commerces comme dans les

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Ressources en chemins de Terroir

Le

Même si les produits du terroir n'y ont pas encore l'exclusivité, une charte prévoit de les mettre en valeur dans les buffets et les buvettes comme dans les stands.

Approvisionnement local de la restauration collective : terroir et circuit court.

Syndicat mixte Ardèche Verte a fair réaliser par une stagiaire étudiante en 2010 une enquête sur cette question. Nombre d'acteurs y ont été recensés et rencontrés : côté producteurs, traiteurs, restauration… il est facile de percevoir l'ampleur de la tâche avec une agriculture plutôt tournée jusqu'à récemment vers sa filière (verticale) que vers le territoire (horizontal). Les contraintes croissantes sur les prix dans un marché mondialisé (pour faire vite) pèsent pour une réorientation de cette agriculture que quelques pionniers ont commencé à explorer il y a quelques années : transformation lait en fromages ou yaourts, de fruits en jus (avec Nectardéchois) ou en confitures, maraîchage bio, ateliers collectifs de découpe de viande … souvent en vente directe. Il y a donc des pistes de valorisation du terroir et d'autonomie alimentaire du territoire. Il n'est pas facile pour un agriculteur de sortir d'une logique de filière : techniques de quantité, d'économie d'échelle sur une matière première, transformée dans les étapes suivantes du processus avec une captation inégale de valeur ajoutée. Et passer à une insertion marchande dans le territoire demande non seulement des modifications techniques mais des réorganisations importantes dans l'exploitation. En quelque sorte un passage difficile de l'exploitation agricole productiviste à la ferme paysanne productive, en équilibre avec le milieu (dominante nature) et les habitants (dominante sociale). Autour d'Annonay, avec l'appui de la Chambre d'agriculture, cela prend forme … par une plate-forme. Malgré la difficulté d'une organisation de producteurs encore dispersés, il serait bien qu'elle ne soit pas l'exclusivité de l'industrie agro-alimentaire "locale". Sur le Pays de St Félicien, un Collectif citoyen du Pays de St-Félicien s'est mis

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Ressources en chemins de Terroir en place rassemblant une trentaine de personnes sur cette question notamment. Il a déjà réalisé une enquête auprès des établissements (Hopital, Marpa, Ecoles …) et de leurs fournisseurs … il organise des débats citoyens aussi bien que des stages d'apprentissage de greffe et de taille douce… à suivre … … le terroir c'est aussi l'autonomie alimentaire la plus grande possible, que tout être sensé ne confond pas avec l'autarcie. C'est un gage de participation à l'équilibre des milieux de vie, au lien entre les habitants, à l'économie énergétique, la régulation climatique et … le revenu des producteurs.

Des paysages de moyenne montagne à valoriser.

du vin…). Cet équilibre entre la forêt "feuillusrésineux", les espaces cultivés ou pâturés, les hameaux dispersés avec leurs maisons à l'architecture de pierre pleine d'harmonie, même dans les étapes successives de leur construction, les chèvres ou les vaches en pâture, les vergers, les ruches en transhumance … … combien de fois les permanents de l'Office de Tourisme, les hébergeurs en gîtes ou chambres d'hôtes n'ont-ils pas entendu l'admiration de leurs hôtes : "quels paysages vous avez chez vous ! " … c'est celui que découvrent aussi les cyclistes de l'Ardéchoise, faisant du handicap de routes sinueuses un atout

Il

existe une charte européenne de labellisation de paysages, essentiellement viticoles jusqu'à aujourd'hui : la Charte de Fontevraud (où elle a été signé par des associations professionnelles, des instituts notamment celui de la vigne et

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Ressources en chemins de Terroir de développement (comme nous l'a bien décrit Damien Mathieu lors des Entretiens).

… et un rendez-vous "terroir d'automne" à ne pas manquer :

Le

ur contenu sera bâti à partir des résultats de l'enquête participative et des différentes propositions des acteurs locaux que le Comité de pilotage reprendra, liera, mettra en action lorsqu'il pourra les estimer pertinentes.

3.2.2 Pays, entre nature et culture

(Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature) avait réalisé une journée d'observations et d'études sur le terrain ("24 heures naturalistes"). Jean Pierre Boudeau nous en avait fait un compterendu avec de nombreuses photos exprimant la biodiversité présente. A nous de la développer encore, pensant que la biodiversité est aussi de notre responsabilité. Comment séparer le naturel du social quand nous vivons entre, avec les deux ? La mise en valeur de cet espace par un sentier d'interprétation proposé par Cairn Interprétation (avec Catherine Cayre et Hélène Puzin) nous permettra sûrement de recomposer ce lien. Entre nature et culture, nous naissons, nous nous construisons humains d’une même humanité, sur une même planète, à ménager. Ici, le châtaignier, longtemps “arbre à pain”, couvre les pentes, avec les chênes et les pins sylvestres. Profitons-en pour dire un grand merci aux Croqueurs de pommes des Balmes Dauphinoises et à “notre” pépiniériste Christophe Delay fidèle au “marché aux arbres” organisé chaque année (et c’est “Terroir en fête”) autour de la Ste Catherine par Nectardéchois. Ils nous ont prêté à l’occasion des Entretiens, une belle exposition sur le chataîgnier dont vous avez un aperçu (réalisée par le Parc naturel Régional du haut Languedoc).

No

us avons un "Espace naturel sensible (3D)" autour des gorges : Doux-Daronne-Duzon. La Communauté de communes l'a jugé comme une ressource à valoriser. Un projet de mise en découverte (sentier d'interprétation) est actuellement en phase de conception. Déjà au mois de juin, la Frapna

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Ressources en chemins de Terroir

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Ressources en chemins de Terroir

Avec les "Défricheurs Pailharous" (Marie Julie , Rémi, Fabien …) : ouvrir l'espace avec et pour chèvres, moutons, vaches … pour tenir le feu parfois menaçant … "mesnager" le milieu. …

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Ressources en chemins de Terroir village d'origine mais leurs adhérents 3.3 Quelques dépassent souvent le territoire communal. Parmi de nombreuses associations qui donnent vie à nos sociétés villageoises ressources (un terme à questionner), nous pouvons en citer quelques-unes, qui pourraient sociales et s'investir dans le projet "terroir". n'avons pas la prétention de les documentaires. Nous nommer toutes, aussi, que celles qui

On

dit souvent que la réflexion précède l'action, mais, n'apprenons-nous pas dans l'action, qui suscite la réflexion qui, à son tour … comme l'identité, d'une personne ou d'un groupe (notion délicate, ndlr) qui se construit dans l'échange, dans les interactions avec les autres. Nous nous investissons en société dans une association culturelle ou de parents d'élèves, dans un syndicat ou un parti politique, dans un mandat électif … et nous tirons des leçons de nos expériences pour alimenter notre conduite. Et pour agir bien, il est utile d'étudier ce que d'autres ont fait et réfléchi avant nous, ce que des spécialistes ont écrit sur notre pays dans leur domaine respectif … et comme, dans sa diversité, l'humanité est une, il nous faut respirer l'air du large et s'inspirer des travaux plus théoriques d'universitaires, d'expériences d'autres territoires, d'autres terroirs … et comme souvent, "chercher ailleurs" est complémentaire de "chercher ici" les ressources élaborées par les associations locales …

Ressources vivantes.

De

nombreuses publications ont été faites sur le pays : historiques, culturelles, économiques … Depuis de nombreuses années, des associations locales explorent les mémoires et patrimoines du pays et, par leurs activités, leur redonnent vie nouvelle chaque année. Elles sont attachées à leur

100

sont absentes de notre mise en lumière n'en prennent pas ombrage (!) et nous indiquent leur désir de participer à l'exploration du chemin de terroir initié par la Communauté de communes. Félixval, autour de St Félicien, avec son activité théâtre depuis des années et l'animation de rues lors du festival annuel autour de la "nuit du parvis" dans l'été… Chantelermuze, autour de St Victor qui occupe la Maison municipale de la mémoire, et depuis 20 ans fait des recherches, établit des documents sur plusieurs thèmes, que les habitants du pays peuvent consulter. Une fête annuelle avec exposition thématique au mois de mai, une participation active à la semaine du goût en octobre dans le cadre depuis 2 ans des manifestations "Terroir en fête" … Lo gavelier, autour de Colombier le Vieux avec ses activités musicales, ses cours de danses, dessins, poteries … son lien à l'école de musique départementale … ses manifestations théâtrales notamment à l'occasion de "Terroir en fête" et en ce mois de février 2013 "La lune des pauvres" … Gavelier ? Un petit abri dans les vignes pour y mettre les outils et se protéger des excès du temps … Ecolocos, entre St-Félicien et Pailhares, stimulant à l'économie d'énergie comme au troc de semences, aux énergies renouvelables comme au recyclage des

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Ressources en chemins de Terroir déchets (permanences les premiers et troisièmes samedis du mois à la Déchetterie de la CC, sise à Colombier le Vieux) … eco(logie) et locaux, les écolocos … Le Comité des Fêtes d'Arlebosc avec son rendez-vous à la fin août pour la "Fête de la Reboule", l'une des manifestations les plus populaires de "Terroir en Fête"… Reboule ? Une fin des moissons du présent qui inaugure l'avenir … Association "Maison Charles Forot" autour de St Félicien, récemment constituée mais installée sur des décennies d'activités du Pigeonnier … … et les forces vives sur Bozas et Vaudevant … Et nos villages bruissent de sons des générations de tous les temps, mobilisent les folles jeunesses musicales de tous âges en forme de lézards rythmiques (!) ou de batucada. La culture d'aujourd'hui, c'est le terroir vivant et le terroir ce n'est pas cette nostalgie d'un monde disparu, c'est la vivification permanente du flux qui nous fait humains ensemble.

Ebauche d'exploration documentaire en bibliographie incomplète. (et quelques éléments incomplets de biographie).

Ma

tout

aussi

is l'incomplet appelle à être complété (à défaut d'être comblé !) par le lecteur insatisfait ou curieux ! … et nous sommes intéressés à recevoir ses contributions !

Maryse Banchet, François Causseque "Vivre à Saint-Félicien en 1789" 255 p, Images et paroles de Félixval, 1991. Laurence Bérard Chercheuse CNRS UMR Ecoanthropologie et Ethnobiologie / Ressources des terroirs, Cultures, usages, sociétés (Pôle Alimentec Bourg en Bresse). Parmi de nombreuses publications avec : Philippe Marchenay : "Produits de terroir, comprendre et agir". 61 p, CNRS 2007. "A l'heure de la mondialisation des échanges de la restructuration de l'agriculture qui l'accompagne, les "produits de terroir" peuvent apparaître comme une solution pour reconquérir de la valeur ajoutée et contribuer au maintien de l'emploi en milieu rural. Le but de cet ouvrage est de donner aux acteurs qui œuvrent au développement des territoires ou des filières des clés de compréhension de ces produits, afin de mieux en raisonner les démarches de valorisation …" (extrait 4ème de couverture).

Notons dans la même collection : "Les charcuteries de montagne". (avec la collaboration de Julie Voinson). A contribué à : "L'inventaire du patrimoine culinaire de la France. Produits du terroir et recettes traditionnelles". Pour la Région Rhône Alpes.

Sylvette Beraud-Williams "Contes populaires de l'Ardèche". 197p, Editions Curandera, 1994.

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Ressources en chemins de Terroir Michel Carlat “Architecture rurale en Vivarais”. 318p, Librairie Guénégaud, 1982. “ Architecture populaire de l’Ardèche”. 149p, Curandera, 1984. “L’Ardèche des quatre saisons”. 127p, Curandera, 1989. François Chomel "Dictionnaire historique, géographique, étymologique, des noms de famille du Haut-Vivarais". 316 p, chez l'auteur, 1992. Claire Delfosse Professeur Géographie rurale Université Lyon 2, Laboratoire d'Etudes Rurales. "La France fromagère (1850-1990)". 300p, Boutique de l'histoire, 2007. "Si la France est le pays du fromage, cela ne s'est pas fait en un jour. Ce qui frappe sur plus d'un siècle d'histoire, c'est le bouleversement de la géographie du fromage. Sorte de bien commun élaboré à l'échelle domestique à la fin du XIXe siècle, le fromage devient par la suite un artisanat, puis une industrie. Ce faisant, une géographie de la production se dessine de façon plus nette et apparaissent les régions fromagères françaises... Ce livre retrace aussi l'évolution de la microbiologie laitière ainsi que celle des techniques. Il propose enfin un éclairage sur la constitution et l'affirmation des AOC fromagères. La première partie est consacrée à l'histoire de l'industrie fromagère, la deuxième étudie plus particulièrement le roquefort, les fromages fabriqués dans la région des Bauges, le livarot, le pont-l'évêque, le rollot et le bleu de Bresse. Issu de la thèse universitaire de l'auteure, l'ouvrage est illustré de cartes, tableaux, et aussi de gravures et photos montrant la fabrication du fromage à différentes époques." (4ème de couverture).

"La mode du terroir et les produits alimentaires". Indes Savantes, 2011.

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"En France, l'association mode du terroir et produit alimentaire interroge le rapport ambigu des Français à la campagne et à l'agriculture. Le terroir évoque la campagne, la terre, l'enracinement et, en négatif, l'archaïsme de la vie paysanne. Pour les fromages ou les vins, le terroir n'a pas toujours été synonyme d'excellence. Longtemps on recherchait l'hygiène et le moderne. C'est la mode des années 1980 qui l'a remis au goût du jour. Ce retour du terroir comme valeur positive est à mettre en parallèle avec la patrimonialisation de la campagne et sa mise en tourisme. Aujourd'hui, au tournant des années 2010, le terroir fait référence au "vrai" qui prend des teintes "naturelles" : le terroir se fait "nature" et "citadin". A l'échelle internationale, les trois questions majeures qui se posent sont celle des Indications géographiques (IG), de la biodiversité et de la reconnaissance du patrimoine immatériel."

Olivier De Serres "Théâtre d'agriculture et mesnage des champs". 1461p, Actes Sud 1997. Joannès Dufaud "Chansons populaire du HautVivarais". "Dictionnaire Français Nord-Occitan, Nord du Vivarais et du Velay". JeanPierre Huguet Editeur, 1998. Joannès Dufaud et Marc Nouaille "Des mots à la phrase occitane. Complément à l'Occitan NordVivarais". Jean-Pierre Huguet, 2004. Louis Frédéric Ducros "Montagnes ardéchoises dans la guerre". 2 tomes, 446 p et 438 p chez l'auteur, 1977. Madeleine Ferrières "Histoire des peurs alimentaires, du Moyen Age à l'aube du XXème siècle". Seuil, 2011.

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Ressources en chemins de Terroir Charles Forot "Odeurs de forêt et fumets de table". 391p, chez l'auteur Le Pigeonnier, 1964. "Le feu sous la cendre, le paysan vivarois et sa maison", 2 tomes, 1049p , chez l'auteur Le Pigeonnier. "St Félicien et ses communes". Chez l'auteur Le Pigeonnier, 107p, 1964. Michel Fromentoux "Culture et décentralisation, Le Pigeonnier en Vivarais". 315p, chez l'auteur. Gilles Fumey Enseignant-chercheur à l'université Paris-Sorbonne et au laboratoire Espace, nature et culture (CNRS). Rédacteur en chef de la revue La Géographie … "Géopolitique de l'alimentation". Sciences Humaines Editions, 2008 et réédition 2012. "La géopolitique de l'alimentation permet de comprendre les rapports de force qui façonnent notre planète alimentaire en analysant le rôle des différents protagonistes : les institutions, les politiques, les acteurs économiques … mais aussi les mangeurs que nous sommes tous. Car nos goûts et nos pratiques ne sont jamais sans incidence. La question demain n'est pas de penser une alimentation pour tous qui serait universelle. Elle est de voir comment garantir un accès le plus large possible à une alimentation de qualité, non assujettie aux règles du profit. Se nourrir est non seulement un besoin vital, c'est aussi l'un de nos plus intimes rapports au monde." (extrait 4ème de couverture).

"Manger local, manger global. L'alimentation géographique". CNRS Editions, 2010. "Les Radis de l'Ouzbekistan. Tour du monde des habitudes alimentaires". François Bourin Editeur, 2011, livre qui a reçu le prix de TerrEthique 2012.

"Est-ce ainsi que les hommes vivent, La terre". 228p, Chêne 2006 avec photos proposées par Gabriel Bauret. … et deux préfaces : Carlo Petrini (Slow food) "Le cœur battant de la planète". Dominique Chardon "Les savants de la terre". (Terroirs et Cultures). Henri Gourdin "Olivier de Serres, Science, expérience, diligence en agriculture au temps de Henri IV". 312 p, Actes Sud 2001. Olivier de Serres fut le premier depuis l'Antiquité à envisager la science agricole du point de vue à la fois du théoricien et du praticien. Cette biographie du "père de l'agriculture" est aussi un tableau de son époque.

Christian Grataloup (Université Paris Diderot). Travaille sur la mondialisation ou plutôt sur les mondialisations, pluriel non seulement inscrit dans le temps mais dans les représentations dominantes (largement européo-centriques) du phénomène. Il publie ainsi un livre au titre évocateur (et provocateur ?) : "L'invention des continents". "Géohistoire de la mondialisation. Le temps long du monde". Armand Colin, 2007, 2009, 2010 qui a reçu le Prix Ptolémée du Festival International de Géographie (FIG) de Saint-Diédes-Vosges et le prix Jean Sainteny de l'Académie des Sciences morales et politiques. "L'invention des continents. Comment l'Europe a découpé le Monde". 224 p, Larousse, 2009.

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Ressources en chemins de Terroir INRA "Pays, paysans, paysages dans les Vosges du Sud. Les pratiques agricoles et la transformation de l'espace". 192p, Institut National de la Recherche Agronomique, 1977, 1995. Un "classique" qui paraît daté mais indémodable. "Petit guide de l'observation du paysage". Par J.-P Deffontaines, J. Ritter, B. Deffontaines, D. Michaud, 32p, Editions Quae 2006 … à l'occasion des 60 ans de l'INRA. Jean Luc Mayaud Professeur d'histoire contemporaine à l'Université Lyon 2 (dont il est le président), Laboratoire d'Etudes Rurales, rédacteur en chef de la revue Ruralia. "Gens de la terre. La France rurale 1880-1940". 310p, Chêne, 2002. "Plus de 450 photographies originales donnent à voir l'histoire des paysans français des années 1880 au milieu du siècle dernier. Peu connue, cette période est pourtant celle où s'engage une véritable "révolution". La France rurale doit relever un double défi : nourrir une population urbaine de plus en plus nombreuse tout en assurant l'autosuffisance du pays pour l'essentiel de son alimentation. Les campagnes sont donc en pleine mutation : dans le domaine des techniques de l'agriculture et de l'élevage bien sûr, mais aussi dans celui de l'équipement ruaal, des transports et des échanges. De telles évolutions se lisent également dans la vie quotidienne, les costumes, les loisirs, les pratiques religieuses et politiques …" (extrait 4ème de couverture).

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denrées agricoles.cette "révolution silencieuse" est le fait d'agriculteurs qui ont pour la plupart choisi de transformer leur métier en le professionnalisant, en le mécanisant, en multipliant également les recours à la chimie. La rupture se fait brutale, parfois violente et revendicatrice. En quelques décennies, la taille moyenne des exploitations augmente considérablement, réduisant d'autant le nombre des exploitants et contribuant à accélérer le départ des populations non agricoles. Les terres le moins productives ont abandonnées. Surproduction chronique, pollutions diverses et "vaches folles" concourent progressivement à la remise en cause du modèle dominant de production intensive, tandis que le rural devient objet du désir des populations citadines avides d'"authenticité" et de" paix des champs". 430 photographies soigneusement commentées rendent compte des évolutions contrastées des campagnes françaises et de leurs agriculteurs. Ces images de notre histoire récente, saisie sous tous ses aspects, sont replacées dans un discours plus général destiné à guider le lecteur dans le décryptage des mises en scène photographiques." (4ème de couverture).

Maison Familiale et Rurale d'Anneyron (26) "Entretiens du Terroir en Valloire". Moras 2008, Anneyron 2009, Epinouze 2010. Memoires d'Ardèche et Temps présent Actes du Colloque de Vinezac 1986. "Architecture ancienne et urbanisme en Ardéche". 178 p, Archives du Vivarais, La Manufacture, 1986. Marie Mourier "Quand èro petiotona". 109p avec CD, Parlarem en Vivarès, 2007 avec le soutien de la mairie de Saint-Félicien.

"Gens de l'agriculture". La France rurale 1940-2005". 310p, Chêne, 2005.

Jean Robert Pitte "Histoire du paysage français, de la préhistoire à nos jours". 444p, Tallandier, 1983, 2001, 2003.

"Durant cette période, l'agriculture française connaît un développement sans précédent : la France consolide son autosuffisance alimentaire et devient l'unes principaux pays exportateurs de

"Façonné par deux cents générations d'hommes, le paysage de la france est le plus divers qui soit : ne s'accorde-t-on pas à reconnaître plus de six cents régions agricoles ? Cette diversité est fille de la

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Ressources en chemins de Terroir nature et plus encore de la culture : contrairement aux idées reçues, il ne saurait exister en France le moindre pouce carré d'espace "naturel". Mus par la soumission au cosmos, puis par la volonté de transformer le monde, les hommes ont sans cesse remodelé le paysage …" (extrait 4ème de couverture).

Jean Robert Pitte fut, entre autres, président de l'Université Paris IV Sorbonne. Il a réalisé sa thèse de doctorat en Ardèche sur la chataigne, reprise en publication sous le titre "Terres de Castanide" (1986). Elie Reynier "Le Pays de Vivarais". 236 p, Imprimerie moderne Yssingeaux, 1947.

milieux, d'observer l'action combinée de la Nature et de l'Homme lui-même, réagissant sur la Terre qui l'a formé …L'émotion que l'on éprouve à contempler tous les paysages de la planète dans leur variété sans fin et dans l'harmonie que leur donne l'action de forces ethniques toujours en mouvement, cette même douceur des choses, on la ressent à voir la procession des hommes sous leurs vêtements de fortune ou d'infortune, mais tous également en état de vibration harmonique avec la Terre qui les porte et les nourrit, le ciel qui les éclaire et les associe aux énergies du cosmos. Et de même que la surface des contrées nous déroule sans fin des sites de beauté que nous admirons de toute la puissance de l'être, de même le cours de l'histoire nous montre dans la succession des événements des scènes étonnantes de grandeur que l'on s'ennoblit à étudier et à connaître …". (Extrait de la préface à "L'Homme et la Terre". Première parution en 1905 après la mort d'Elisée Reclus.)

Elisée Reclus Jacques Élisée Reclus, né à Sainte-Foy la-Grande (Gironde) le 15 mars 1830 et mort à Torhout en Belgique le 4 juillet 1905, est un géographe et un écrivain prolifique, aussi bien dans son domaine professionnel de la géographie terrestre, que sur les thèmes de la vie humaine et de l'anarchisme. La revue Hérodote le considère comme l'un des géographes les plus importants, au point d'avoir consacré deux numéros entiers à son oeuvre. (extrait Wikipedia).

"Histoire d'un ruisseau". Actes Sud, coll. Babel, n° 166, 1995.

"L'Homme et la Terre". Extraits, Introduction et choix des textes par Béatrice GIBLIN, éditions La Découverte/ Poche, 1998.

Terroirs & Cultures International Interventions Dominique Chardon, Jacques Lefort.

"… il nous est permis de poursuivre dans le temps chaque période de la vie des peuples correspondant au changement des

"Histoire d'une montagne". Actes Sud, coll. Babel, n°325, 1998. Michel Riou "Guide de l'Ardèche". 460 p, La Manufacture 1991 (et rééditions). Jacky Reyne "Arbres admirables de l'Ardèche". 189 p, L'Ardéchoise, 1999.

Forum Planète Terroirs Chefchaouen 2010. Rencontres Internationales Planète Terroirs Unesco Paris 2011. Disponibles au siège de l'association à Montpellier (adresse dans cette brochure).

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Ressources en chemins de Terroir des sols … ils seraient imbriqués dans Terroirs … des agencements historiques d’actants et produits d’une histoire. expressions du producteurs D’une histoire ? Pas seulement une, qui réductible à un récit du monde, flux du monde. serait mais des histoires entrelacées, croisées,

“Ch

aque sujet exprime, obscurément et confusément, la totalité du monde …” C’est ainsi que, par la traduction intelligente de Gilles Deleuze, Gottfried Wilhem Leibniz* exprime la construction des agencements qui font le monde tel qu’il peut être : le meilleur des mondes possibles. Non pas “le meilleur des mondes” comme s’en moque Voltaire dans Candide. Voltaire n’avait pas probablement pas lu Leibniz qu’il croit ainsi ridiculiser en promenant son personnage dans toutes les horreurs du monde : le tremblement de terre de Lisbonne de la Toussaint 1755, l’esclavage aux Amériques … Nous pourrions dire que si le monde est ce qu’il est, c’est par une compossibilité d’agencements de sujets, de possibilités simultanées d’événements, d’agencements, d’agencements d’agencements. Et comme les “sujets” ne sont pas seulement les humains, nous pourrions les appeler comme Bruno Latour, sociologue contemporain, des “actants”. Ainsi les humains en leur société seraient imbriqués dans des agencements avec des paysages, des climats, des reliefs,

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concentrant en un espace-temps, l’ensemble des espaces-temps singuliers, d’ici et d’ailleurs, d’hier et d’aujourd’hui.

“… chaque sujet exprime, obscurément et confusément la totalité du monde … … sauf pour une part liée à son expérience sensible …” Cette expression "obscure et confuse" est ainsi préhensible, elle explique le compliqué, ce qui littéralement veut dire déplier. Elle n’atteint pas l’essence de la complexité du monde, le complexe, c’est ce qui est tissé ensemble (complexus) mais elle l’approche, elle en perçoit la dynamique qui lui échappe, qui ne peut que lui échapper. Nous humains, sujets et objets de notre histoire, entremêlée d’interactions complexes avec nos milieux de vie, produits par eux et producteurs de leur anthropisation. Nous, humains, sujets et objets, actants parmi d’autres, nous sommes en charge pourrait-on dire de leur agencement particulier dans l’ensemble des contraintes que portent les lois de la nature dans laquelle nous sommes, et de laquelle nous sommes nés … “Chaque sujet exprime, obscurément et confusément, la totalité du monde …”

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Ressources en chemins de Terroir … et si nous disions, si nous osions dire que :

“chaque terroir exprime, obscurément et confusément, la totalité du monde…” C’est-à-dire : si nous considérons un terroir comme un sujet, comme un agencement particulirer de sujets, comme un agencement “d’actants”. Nous n’oserions pas dire que “le terroir est un sujet” sans avoir conscience qu’il en faudrait définir la qualité d’être. Nous pouvons cependant considérer ce “sujet” comme “objet” d’étude. Mais, dit-on, chaque terroir ne peut être défini que sur un espace géographique limité, qu’avec des interactions entre les humains, en société, et leur milieu, avec une spécificité reconnue … oui ! Nous restons bien ici dans la définition proposée par L’Unesco. Nous pourrions dire qu’il est un agencement local singulier de la totalité du monde, comme si le monde surgissait ici par un passage de son flux qui traverse et construit tous les agencements singuliers, comme si le flux du monde prenait ici forme particulière, "s’informait" dans une configuration singulière. C’est sa singularité qui doit être “expliquée”, dépliée, en sachant qu’une part d’irréductible nous empêchera de la réduire, mais n’est-ce pas là le secret de sa dynamique historique. Le terroir que nous construisons et qui nous construit, c’est la singularité du flux du monde en un lieu, en un temps, en une micro société, en un milieu “naturel”. Tous les terroirs du monde se trouvent alors reliés, là où une approche superficielle et fausse, les laissaient repliés sur eux en une identité cristallisée. Les terroirs sont des cellules du monde, avec leur noyau, leur

programme évolutif, leurs interactions, leur membrane, leur information interne construite dans l’échange, transmise … du Sénégal au Brésil, du Laos au Maroc, de l’Aubrac aux Dentelles de Montmirail … les terroirs ont les accents multiples d’une langue commune, d’une humanité inscrivant sa trace dans le milieu terrien … Nous ne renoncerons pas à décrire la spécificité, la typicité, la réputation … cela reste nécessaire justement pour comprendre, pour apprendre, pour diffuser. Nous savons que le terroir dans lequel nous œuvrons exprime cette singularité locale et temporelle de l’universel. Et l’expression de cette singularité est d’autant plus affûtée qu’elle se bâtit dans l’échange, la controverse comme une parole qui s’élabore à mesure qu’elle se dit. Le discours du “sujet” sur le “sujet” n’est pas construit à l’avance.

“… chaque terroir exprime, obscurément et confusément la totalité du monde … … sauf pour cette part liée à l’expérience qu’en font les humains … … qui en vivent et qui le font vivre …“ … les humains qui inventent en permanence, avec la lucidité limitée dont ils sont capables … humains, insérés dans la complexité du vivant, qui participent à mettre au monde ses possibles … Secquaj El Epdac, paysan berbère de passage en Pays de Saint-Félicien. *Gilles Deleuze (1925-1995), philosophe d'aujourd'hui et de tous les temps … à lire en "mille plateaux" … Gottfried Wilhem Leibniz (Leipzig 1646 Hanovre 1716), philosophe, mathématicien, ingénieur, diplomate … à découvrir encore en ce début de XXIème siècle.

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Ressources en chemins de Terroir Notes. (1) André Siegfried (1875 - 1959), géographe (et de l'Académie française) qui a, notamment, fait les premières recherches électorales à prétention scientifique "Tableau politique de la France de l'Ouest sous la III èmes République" … et pour notre région "Géographie électorale de l'Ardèche sous la III ème République" (Ed Armand Colin 1949) dans laquelle il remarque le lien entre le vote politique et la religion (catholique / protestant), le type d'habitat (dispersé / concentré) ou la géologie (granit / calcaire) … (2) Claude Levi-Strauss (1908-2008) un anthropologue qui a étudié, sur sa longue vie, nombre de sociétés humaines pour en percevoir les différences et les ressemblances dans une humanité une. Notons "La pensée sauvage" (1962) où il montre la logique à l'œuvre dans les pensées jugées alors "primitives". (3) Bruno Latour (né en 1947) est professeur à Sciences Po(litiques) où il développe avec ses collègues les "humanités scientifiques". "Pollution des rivières, embryons congelés, virus du sida, trou d'ozone, robots à capteurs … : ces "objets" étranges qui envahissent notre monde relèvent-ils de la nature ou de la culture ? Comment les comprendre ? …" Extrait de la 4ème de couverture de "Nous n'avons jamais été modernes" Editions La Découverte 1997. (4) Eugène Emmanuel Viollet Leduc (Paris, 1814 Lausanne 1879). Architecte enthousiaste de l'architecture du Moyen Age. Il parcourt la France avec son ami Prosper Mérimée alors inspecteur des monuments historiques (et écrivain, "Colomba" 1840, "Carmen" 1845). Il dirige la restauration d'édifices civils ou religieux : Notre Dame de Paris par ex. Le Petit Robert 1974 nous indique : "il avait une conception rationaliste de l'architecture gothique et ses déductions l'amenèrent à prendre parfois des initiatives (suppression ou rajouts d'éléments selon l'époque considérée comme la plus caractéristique) qui furent ensuite violemment critiquées."

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(5) Paul Vidal de Lablache (1845 - 1918), Géographe, fondateur des Annales de géographie (1891) et de l'Ecole française de géographie. Il a accordé une importance particulière aux monographies régionales, tout en insistant sur le problème des relations de la géographie physique avec la géographie humaine. Il a donné un Tableau géographique de la France (introduction à "L'Histoire de France" de Ernest Lavisse) et un ouvrage sur les Principes de géographie humaine. (extrait petit Robert 2, 1974). (6) INAO - Institut National des Appellations d'Origine, devenu Institut National de l'Origine et de la Qualité (en intégrant la Commission Nationale des Labels et des certfications). Il est en charge des Signes d'identification de la qualité et de l'origine : AOP (Appellation d'Origine Protégée, niveau Union Européenne), AOC (Appellation d'Origine Contrôlée, France depuis 1929), IGP (Indication Géographique Protégée), Label Rouge, AB (Agriculture Biologique, France et Union Européenne). (7) Georges Perec (1936 - 1982) "Je me souviens…” Clin d’œil et hommage à un écrivain trop tôt disparu qui a réussi à écrire un roman "La Disparition" sans utiliser la lettre “e” et qui, dans une longue évocation en 478 tabelaux "se souvient" : “ … Je me souviens du champion de rugby à XIII PuigAubert, surnommé "Pipette"… … Je me souviens que Fausto Coppi avait une amie que l'on appelait "la Dame blanche" … … Je me souviens d'un fromage qui s'appelait "la Vache sérieuse" ("la Vache qui rit" lui a fait un procès et l'a gagné) … … Je me souviens des Juvaquatre …" (8) AMAP : Association pour le maintien d'une Agriculture Paysanne" Initiée au Japon et aux Etats-Unis, c'est une forme associative de lien qui s'est développée en France depuis Aubagne (13) dans les années 90. Lien entre des producteurs et des habitants (consommateurs) qui établissent un contrat annuel (ou moins) de vente (et d'achat) de produits de saison, sous forme de panier avec transparence sur le mode de production.

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